• L’#excellence en temps de pandémie : chronique du #naufrage des Universités

    Entre mesures incohérentes des responsables politiques, #inaction des instances universitaires et #chaos_organisationnel dans les services, accompagner correctement les étudiants en pleine crise sanitaire sur fond de généralisation de l’#enseignement_à_distance devient une mission impossible... Petit aperçu du quotidien dans la « #Big_French_University ».

    Maîtresse de conférences depuis cinq ans dans une « grande » Université parisienne et responsable d’une L1 depuis septembre, je prends le temps aujourd’hui de décrire un peu ce à quoi ressemble la vie d’une universitaire d’un établissement qui se dit d’excellence en temps de #crise_sanitaire.

    Depuis peu, mon université a été fusionnée dans un énorme établissement, gros comme trois universités, qui désormais s’enorgueillit d’émarger au top 100 du #classement_de_Shanghai.

    Mais depuis septembre, étudiants, personnels administratifs et enseignants-chercheurs vivent un véritable #cauchemar au sein de cet établissement "d’excellence". Je ne pourrai pas retranscrire ici l’expérience des étudiants ni celle des personnels administratifs. Car je ne l’ai pas vécue de l’intérieur. Mais comme enseignante-chercheure et responsable pédagogique d’une promo de 250 étudiants de L1, j’ai un petit aperçu aussi de ce qu’elles et ils ont vécu. Si j’écris sur mon expérience personnelle en utilisant « je », ce n’est pas pour me singulariser, mais c’est pour rendre concret le quotidien actuel au sein des universités de toute une partie de celles et ceux qui y travaillent et y étudient. Ce texte se nourrit des échanges avec des collègues de mon université, enseignants-chercheurs et administratifs, et d’autres universités en France, il a été relu et amendé par plusieurs d’entre elles et eux – que je remercie.

    Depuis juillet, nous préparons une #rentrée dans des conditions d’#incertitude inégalée : crise sanitaire et #fusion. Quand je dis "nous", je parle du niveau le plus local : entre enseignants chercheurs, avec l’administration la plus proche de nous, les collègues de la logistique, de la scolarité, des ressources humaines. Car nous avons peu de nouvelles de notre Université…

    Sur la crise sanitaire

    Notre Université a acheté des licences #Zoom. Voilà à peu près tout ce qui a été fait pour anticiper la crise sanitaire qui s’annonçait pourtant. A part cela, rien n’a été fait. Rien.

    En septembre, aucune consigne claire à l’échelle de l’Université n’a été donnée : sur un site d’enseignement, il fallait respecter des #demies_jauges ; sur un autre campus du même établissement, pas de contrainte de demies jauges. Mais quelles jauges faut-il mettre en œuvre : diviser les effectifs par deux ? Mettre en place une distance d’un mètre ? Un mètre sur les côtés seulement ou devant/derrière aussi ? Les équipes logistiques s’arrachent les cheveux.

    L’université n’a rien fait pour rendre possible les #demi-groupes.

    Aucun système de semaine A/semaine B n’a été proposé et, chez nous, tout a été bricolé localement, par les enseignants-chercheurs, en faisant des simulations sur excel ("on découpe par ordre alphabétique ou par date de naissance ?"). Aucun #équipement des salles pour la captation vidéo et audio n’a été financé et mis en place, pour permettre des #cours_en_hybride : les expériences - que j’ai tentées personnellement - du "#bimodal" (faire cours à des étudiants présents et des étudiants absents en même temps) ont été faites sur l’équipement personnel de chacun.e, grâce à la caméra de mon ordinateur portable et mes propres oreillettes bluetooth. Et je ne parle pas des capteurs de CO2 ou des systèmes de #ventilation préconisés depuis des mois par des universitaires.

    Depuis, nous naviguons à vue.

    Au 1er semestre, nous avons changé trois fois de système d’organisation : jauges pleines pendant une semaine sur un site, puis demi jauge sur tous les sites, puis distanciel complet. Ce sont à chaque fois des programmes de cours qu’il faut refaire. Car sans équipement, quand on a des demi groupes, on doit dédoubler les séances, diviser le programme par deux, et faire deux fois le même cours pour chaque demi groupe. Tout en préparant des contenus et exercices pour les étudiants contraints de rester chez eux. Avec des groupes complets sur Zoom, l’#organisation change à nouveau.

    Alors même que le gouvernement annonçait la tenue des examens en présentiel en janvier, notre UFR a décidé de faire les examens à distance, pour des raisons compréhensibles d’anticipation sanitaire.

    Le gouvernement faisait de la communication, et localement on était obligé de réfléchir à ce qui était épidémiologiquement le plus réaliste. La période des #examens a été catastrophique pour les étudiants qui ont dû les passer en présentiel : des étudiants ont été entassés dans des amphis, terrorisés de ramener le virus à leurs parents déjà fragiles ; d’autres, atteints du Covid, se sont rendus en salle d’examen car ils n’étaient pas assurés sinon de pouvoir valider leur semestre. Les #examens_à_distance ne sont qu’un pis-aller, mais dans notre Licence, on a réussi à faire composer nos étudiants à distance, en bricolant encore des solutions pour éviter les serveurs surchargés de l’Université, sans grande catastrophe et sans abandon massif, on en était assez fiers.

    Le 2e semestre commence, et les #annonces_contradictoires et impossibles du gouvernement continuent.

    Le 14 janvier le gouvernement annonce que les cours reprendront en présentiel demie jauge le 25 janvier pour les étudiants de L1. Avec quels moyens ??? Les mêmes qu’en septembre, c’est-à-dire rien. Alors qu’en décembre, le président de la république avait annoncé une possible réouverture des universités 15 jours après le 20 janvier, c’est-à-dire le 10 février (au milieu d’une semaine, on voit déjà le réalisme d’une telle annonce...).

    A cette annonce, mes étudiants étrangers repartis dans leur famille en Égypte, en Turquie, ou ailleurs en France, s’affolent : ils avaient prévu de revenir pour le 8 février, conformément aux annonces du président. Mais là, ils doivent se rapatrier, et retrouver un #logement, en quelques jours ? Quant aux #équipes_pédagogiques, elles doivent encore bricoler : comment combiner #présentiel des demi groupes en TD avec le #distanciel des CM quand les étudiants sur site ne sont pas autorisés à occuper une salle de cours pour suivre un cours à distance s’il n’y a pas de prof avec eux ? Comment faire pour les créneaux qui terminent à 18h alors que les circulaires qui sortent quelques jours plus tard indiquent que les campus devront fermer à 18h, voire fermer pour permettre aux étudiants d’être chez eux à 18h ?

    Dans notre cursus de L1, 10 créneaux soit l’équivalent de 250 étudiants sont concernés par des créneaux terminant à 18h30. Dans mon université, les étudiants habitent souvent à plus d’une heure, parfois deux heures, du campus. Il faut donc qu’on passe tous les cours commençant après 16h en distanciel ? Mais si les étudiants sont dans les transports pour rentrer chez eux, comment font-ils pour suivre ces cours en distanciel ? Sur leur smartphone grâce au réseau téléphone disponible dans le métro et le RER ?

    Nous voulons revoir les étudiants. Mais les obstacles s’accumulent.

    On organise tout pour reprendre en présentiel, au moins deux semaines, et petit à petit, l’absence de cadrage, l’accumulation des #contraintes nous décourage. A quatre jours de la rentrée, sans information de nos instances ne serait-ce que sur l’heure de fermeture du campus, on se résout à faire une rentrée en distanciel. Les étudiants et nous sommes habitués à Zoom, le lien a été maintenu, peu d’abandons ont été constatés aux examens de fin de semestre.

    C’est une solution peu satisfaisante mais peut-être que c’est la seule valable... Et voilà que jeudi 21 janvier nous apprenons que les Présidences d’Université vont émettre des circulaires rendant ce retour au présentiel obligatoire. Alors même que partout dans les médias on parle de reconfinement strict et de fermeture des écoles ? Rendre le présentiel obligatoire sans moyen, sans organisation, de ces demis groupes. Je reçois aujourd’hui les jauges des salles, sans que personne ne puisse me dire s’il faudra faire des demi salles ou des salles avec distanciation de 1 mètre, ce qui ne fait pas les mêmes effectifs. Il faut prévenir d’une reprise en présentiel les 250 étudiants de notre L1 et les 37 collègues qui y enseignent deux jours avant ?

    Breaking news : à l’heure où j’écris Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle idée brillante.

    Les étudiants devront venir un jour par semaine à la fac. Dans des jauges de 20% des capacités ? Sur la base du volontariat ? Est-ce qu’il a déjà regardé un planning de L1 ? 250 étudiants en L1 avec plusieurs Unités d’enseignement, divisés en CM et TD, c’est des dizaines et des dizaines de créneaux, de salles, d’enseignant.es. Une L1 c’est un lycée à elle toute seule dans beaucoup de filières. Un lycée sans les moyens humains pour les gérer.

    Derrière ces annonces en l’air qui donnent l’impression de prendre en compte la souffrance étudiante, ce sont des dizaines de contraintes impossibles à gérer. Les étudiants veulent de la considération, de l’argent pour payer leur loyer alors qu’ils ont perdu leurs jobs étudiants, des moyens matériels pour travailler alors que des dizaines d’entre eux suivent les cours en visio sur leur téléphone et ont dû composer aux examens sur leur smartphone !

    Les étudiants ne sont pas plus stupides ou irresponsables que le reste de la population : il y a une crise sanitaire, ils en ont conscience, certains sont à risque (oui, il y a des étudiants immuno-déprimés qui ne peuvent pas prendre le #risque de venir en cours en temps d’épidémie aiguë), ils vivent souvent avec des personnes à risque. Ils pourraient prendre leur parti du distanciel pour peu que des moyens leur soient donnés. Mais il est plus facile d’annoncer la #réouverture des universités par groupe de 7,5 étudiants, pendant 1h15, sur une jambe, avec un chapeau pointu, que de débloquer de réels moyens pour faire face à la #précarité structurelle des étudiants.

    Et dans ce contexte, que fait notre Présidence d’Université ? Quelles ont été les mesures prises pour la réouvrir correctement ? Je l’ai déjà dit, rien n’a changé depuis septembre, rien de plus n’a été mis en place.

    Sur la fusion et le fonctionnement, de l’intérieur, d’une Université d’excellence

    Mais sur cette crise sanitaire se greffe une autre crise, interne à mon Université, mais symptomatique de l’état des Universités en général.

    Donc oui, j’appartiens désormais à une Université entrée dans le top 100 des Universités du classement de Shanghai.

    Parlez-en aux étudiants qui y ont fait leur rentrée en septembre ou y ont passé leurs examens en janvier. Sur twitter, mon Université est devenu une vraie célébrité : en septembre-octobre, des tweets émanant d’étudiants et d’enseignants indiquaient l’ampleur des #dysfonctionnements. Le système informatique était totalement dysfonctionnel : dans le service informatique central, 45 emplois étaient vacants.

    Tant la fusion s’était faite dans des conditions désastreuses de gestion du personnel, tant le travail est ingrat, mal payé et mal reconnu.

    Cela a généré des semaines de problèmes d’inscriptions administratives, d’étudiants en attente de réponse des services centraux de scolarité pendant des jours et des jours, sans boîte mail universitaire et sans plateforme numérique de dépôt des cours (le fameux Moodle) pendant des semaines - les outils clés de l’enseignement à distance ou hybride.

    Pendant trois mois, en L1, nous avons fonctionné avec une liste de diffusion que j’ai dû créer moi-même avec les mails personnels des étudiants.

    Pendant des semaines, un seul informaticien a dû régler tous les dysfonctionnement de boîte mail des dizaines d’étudiants qui persistaient en novembre, décembre, janvier…

    En janvier, les médias ont relayé le désastre des examens de 2e année de médecine encore dans notre Université - avec un hashtag qui est entré dans le top 5 les plus relayés sur twitter France dans la 2e semaine de janvier, face à la catastrophe d’examens organisés en présentiel, sur des tablettes non chargées, mal configurées, des examens finalement reportés à la dernière minute. Les articles de presse ont mis en lumière plus largement la catastrophe de la fusion des études de médecine des Universités concernées : les étudiants de 2e année de cette fac de médecine fusionnée ont dû avaler le double du programme (fusion = addition) le tout en distanciel !

    Les problèmes de personnel ne concernent pas que le service informatique central.

    Ils existent aussi au niveau plus local : dans mon UFR, le poste de responsable "Apogée" est resté vacant 6 mois. Le responsable #Apogée c’est le nerf de la guerre d’une UFR : c’est lui qui permet les inscriptions en ligne de centaines d’étudiants dans des groupes de TD, qui fait les emplois du temps, qui compile les notes pour faire des jurys et donc les fameux bulletins de notes qui inquiètent tant les Ministères de l’Enseignement supérieur – et ce pour des dizaines de formations (plusieurs Licences, plusieurs Masters).

    Pendant six mois, personnels et enseignants chercheurs, nous avons essayé de pallier son absence en faisant les emplois du temps, les changements de groupe des étudiants, l’enregistrement des étudiants en situation de handicap non gérés par l’université centrale (encore une défaillance honteuse), l’organisation des jurys, etc. Mais personne n’a touché à la configuration des inscriptions, des maquettes, des notes, car il faut connaître le logiciel. Les inscriptions dans les groupes de TD du 2e semestre doivent se faire avant la rentrée du semestre 2 logiquement, idéalement dès le mois de décembre, ou début janvier.

    Mais le nouveau responsable n’arrive qu’en décembre et n’est que très peu accompagné par les services centraux de l’Université pour se familiariser aux réglages locaux du logiciel, par manque de personnel... Les inscriptions sont prévues le 18 janvier, une semaine avant la rentrée…

    Résultat : la catastrophe annoncée depuis des mois arrive, et s’ajoute à la #mauvaise_gestion de la crise sanitaire.

    Depuis lundi, les inscriptions dans les groupes de TD ne fonctionnent pas. Une fois, deux fois, trois fois les blocages se multiplient, les étudiants s’arrachent les cheveux face à un logiciel et un serveur saturés, ils inondent le secrétariat de mails inquiets, nous personnels administratifs et enseignants-chercheurs passons des heures à résoudre les problèmes. Le nouveau responsable reprend problème par problème, trouve des solutions, jusqu’à 1h du matin, tous les jours, depuis des jours, week-end compris.

    Maintenant nous voilà jeudi 21 janvier après-midi, à 3 jours de la rentrée. Sans liste d’étudiants par cours et par TD, sans informations claires sur les jauges et les horaires du campus, avec des annonces de dernière minute plus absurdes et irréalistes les unes que les autres, et on nous demande de ne pas craquer ? On nous dit que la présidence de l’Université, le ministère va nous obliger à reprendre en présentiel ? Nous renvoyant l’image de tire-au-flanc convertis au confort du distanciel ?

    L’an passé, un mouvement de grève sans précédent dans l’enseignement supérieur et la recherche a été arrêté net par le confinement de mars 2020.

    Ce mouvement de grève dénonçait l’ampleur de la précarité à l’université.

    La #précarité_étudiante, qui existait avant la crise sanitaire, nous nous rappelons de l’immolation de Anas, cet étudiant lyonnais, à l’automne 2019. La précarité des personnels de l’université : les #postes administratifs sont de plus en plus occupés par des #vacataires, formés à la va-vite, mal payés et mal considérés, qui vont voir ailleurs dès qu’ils en ont l’occasion tant les #conditions_de_travail sont mauvaises à l’université. La précarité des enseignants chercheurs : dans notre L1, dans l’équipe de 37 enseignants, 10 sont des titulaires de l’Université. 27 sont précaires, vacataires, avec des heures de cours payées des mois en retard, à un taux horaire en dessous du SMIC, qui attendent pendant des années avant de décrocher un poste de titulaire, pour les plus « chanceux » d’entre eux, tant les postes de titulaires se font rares alors que les besoins sont criants…

    Deux tiers des créneaux de cours de notre L1 sont assurés par des vacataires. Le mouvement de #grève a été arrêté par le #confinement mais la colère est restée intacte. En pleine crise sanitaire, le gouvernement a entériné une nouvelle #réforme de l’université, celle-là même contre laquelle la mobilisation dans les universités s’était construite, la fameuse #LPPR devenue #LPR, une loi qui augmente encore cette précarité, qui néglige encore les moyens nécessaires à un accueil décent des étudiants dans les universités. Le gouvernement a fait passer une loi sévèrement critiquée par une grande partie du monde universitaire au début du 2e confinement en novembre, et a fait passer ses décrets d’application le 24 décembre, la veille de Noël.

    Le gouvernement piétine le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et nous montre maintenant du doigt parce qu’on accueillerait pas correctement les étudiants ? Parce qu’on serait réticents à les revoir en présentiel ?

    Parce que finalement, pour nous enseignants à l’université, c’est bien confortable de faire cours au chaud depuis chez soi, dans sa résidence secondaire de Normandie ?

    J’enseigne depuis mon appartement depuis novembre.

    Mon ordinateur portable est posé sur la table à manger de mon salon, car le wifi passe mal dans ma chambre dans laquelle j’ai un bureau. J’ai acheté une imprimante à mes frais car de temps en temps, il est encore utile d’imprimer des documents, mais j’ai abandonné de corriger les devoirs de mes étudiants sur papier, je les corrige sur écran. Heureusement que je ne vis pas avec mon compagnon, lui aussi enseignant-chercheur, car matériellement, nous ne pourrions pas faire cours en même temps dans la même pièce : pas assez de connexion et difficile de faire cours à tue-tête côte à côte.

    A chaque repas, mon bureau devient ma table à manger, puis redevient mon bureau.

    En « cours », j’ai des écrans noirs face à moi, mais quand je demande gentiment à mes étudiants d’activer leur vidéo, ils font un effort, même s’ils ne sont pas toujours à l’aise de montrer le lit superposé qui leur sert de décor dans leur chambre partagée avec une sœur aide-soignante à l’hôpital qui a besoin de dormir dans l’obscurité quand elle rentre d’une garde de nuit, de voir leur mère, leur frère passer dans le champ de leur caméra derrière eux. Certains restent en écran noir, et c’est plus dur pour moi de leur faire la petite morale habituelle que j’administre, quand je fais cours dans une salle, aux étudiants endormis au fond de la classe. Je ne sais pas si mon cours les gonfle, s’ils sont déprimés ou si leur connexion ne permet pas d’activer la vidéo...

    Donc non, ce n’est pas confortable l’enseignement à distance. Ce n’est pas la belle vie. Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous envisageons de ne pas revoir d’étudiants en vrai avant septembre prochain.

    Je suis enseignante-chercheure. Je dois donner des cours en L1, L3, Master.

    Depuis des jours, plutôt que de préparer des scénarios de rentrée intenables ou de résoudre les problèmes des inscriptions, j’aimerais pouvoir me consacrer à l’élaboration de ces cours, réfléchir aux moyens d’intéresser des étudiants bloqués derrière leurs ordinateurs en trouvant des supports adaptés, en préparant des petits QCM interactifs destinés à capter leur attention, en posant des questions qui visent à les faire réfléchir. Je dois leur parler d’immigration, de réfugiés, de la manière dont les États catégorisent les populations, des histoires de vie qui se cachent derrière les chiffres des migrants à la frontière.

    C’est cela mon métier.

    Je suis enseignante-chercheur mais à l’heure qu’il est, si je pouvais au moins être correctement enseignante, j’en serais déjà fortement soulagée.

    Il faut donc que nos responsables politiques et nos Présidences d’université se comportent de manière responsable. En arrêtant de faire de la com’ larmoyante sur l’avenir de notre jeunesse. Et en mettant vraiment les moyens pour diminuer la souffrance de toutes et tous.

    Il s’agit de notre jeunesse, de sa formation, de son avenir professionnel et citoyen.

    La mise en péril de cette jeunesse ne date pas de la crise sanitaire, ne nous faisons pas d’illusion là-dessus.

    La #crise_des_universités est plus ancienne, leur #sous-financement devenu structurel au moins depuis les années 2000. Alors arrêtez de vous cacher derrière l’imprévu de la crise sanitaire, arrêtez de vous faire passer pour des humanistes qui vous souciez de votre jeunesse alors que depuis mars dernier, rares ou marginaux ont été les discours et mesures prises pour maintenir l’enseignement en présentiel à l’Université.

    Cela fait cinq ans que j’enseigne à l’Université et déjà, je suis épuisée. De la même manière que nos soignant.es se retrouvent désemparé.es dans les hôpitaux face à l’impossibilité d’assurer correctement leur mission de service public de santé en raison des coupes budgétaires et des impératifs gestionnaires absurdes, je suis désespérée de voir à quel point, en raison des mêmes problèmes budgétaires et gestionnaires, nous finissons, dans les Universités, par assurer si mal notre #service_public d’#éducation...

    https://blogs.mediapart.fr/une-universitaire-parmi-dautres/blog/220121/l-excellence-en-temps-de-pandemie-chronique-du-naufrage-des-universi

    #université #facs #France #covid-19 #pandémie #coronavirus #épuisement

    signalé aussi dans ce fil de discussion initié par @marielle :
    https://seenthis.net/messages/896650

  • #Vu_d’Allemagne. La #crise du #Covid rend inéluctable la réforme de l’État français

    En France, les nombreuses #bourdes dans la gestion de la crise due au Covid ont eu raison de l’#Etat_central, observe ce quotidien allemand : des #hiérarchies vieilles de plusieurs siècles sont désormais remises en question.

    Le président Macron s’est trouvé un nouveau mot : #piloter*, qui signifie “gouverner”, “prendre le commandement”. À l’entendre, on dirait qu’en cas de situation difficile il suffit que le chef tourne la barre d’une main tranquille pour que l’État et la société suivent le nouveau cap sans difficulté.

    Angela Merkel a dû elle aussi avoir récemment des moments où elle a rêvé que tout le monde la suive sans maugréer, même ces entêtés de ministres-présidents des Länder.

    Comme elle, Macron traverse à nouveau des temps difficiles. Pendant cette #pandémie, la France apparaît régulièrement en #mauvaise_posture dans l’étrange course internationale au nombre de #contaminations, #taux_d’incidence, #tests et #vaccinations. Et si leur voisin allemand a pu récemment déplorer son #fédéralisme, les Français commencent de plus en plus à désespérer de la centralisation de leur État.

    L’année 2020 a apporté les dernières preuves que celui-ci se trouve en pleine #crise_existentielle. Pendant que Macron parle de #pilotage, la société française se demande s’il y a vraiment un pilote dans le cockpit.

    L’#incompétence spectaculaire de l’État

    Le pays est désormais convaincu que l’État s’est révélé d’une incompétence spectaculaire depuis le début de la #crise_sanitaire. L’#élite française à la formation si parfaite, qui est admirée et imitée dans de nombreuses parties du monde, a collectivement échoué à un point qui fait paraître les problèmes de l’Allemagne presque ridicules à côté.

    Que cela concerne les #masques, les tests, les #tenues_de_protection et maintenant les #seringues, le chantier de la pandémie ressemble à un #dépotoir_chaotique. Le gouvernement a beau chercher à faire croire qu’il gère la crise de façon rationnelle et systématique, ce n’est souvent qu’une affirmation creuse. Dix jours après le début des vaccinations en Europe, 370 000 personnes avaient été vaccinées en Allemagne contre 7 000 en France.

    (...)

    https://www.courrierinternational.com/article/vu-dallemagne-la-crise-du-covid-rend-ineluctable-la-reforme-d

    #France #réforme #Etat #coronavirus #covid-19 #gestion_de_crise #centralisation

    #paywall

    ping @karine4

    • #gouvernance (?)

      Le terme de gouvernance est à la mode. Et pourquoi s’en étonner ? La gouvernance désigne un concept commode. Une idée descriptive de la réalité, mais aussi un idéal normatif associé à la transparence, à l’éthique, à l’efficacité de l’action publique. La gouvernance devient dès lors un mot-talisman paré de tous les fantasmes associés à l’action publique, tout en revêtant le vocabulaire rassurant de l’objectivité technique. Le mot « gouvernance » fait sérieux tout en promettant des lendemains qui chantent aux théoriciens de l’action publique. Ce faisant, le discours de la gouvernance fait l’objet d’une double confusion. La première tient aux vertus qui lui sont associées, la seconde aux défauts qui lui sont imputés.

      https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2010-2-page-207.htm

  • Covid-19 : « Le pari du “trou de souris” d’Emmanuel Macron »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/01/covid-19-le-pari-du-trou-de-souris-d-emmanuel-macron_6068403_3232.html

    Le choix du président de la République, un durcissement des contrôles plutôt qu’un nouveau confinement, est d’abord un acte politique, l’affirmation de la prépotence présidentielle.

    Chronique. Même pas peur ! Pour la deuxième fois de son mandat, Emmanuel Macron a parié dans un contexte qui ne prête pourtant guère à la détente ni au jeu. En chargeant son premier ministre d’annoncer, vendredi 29 janvier, le durcissement des contrôles plutôt que le retour attendu au confinement, le chef de l’Etat savait qu’il allait surprendre et sans doute choquer : quelques jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, avait préparé les esprits à un reconfinement « très serré », compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire.

    La consultation, jeudi, des chefs des groupes parlementaires et, vendredi, des partenaires sociaux, la promesse d’un vote indicatif au Parlement participaient de la dramaturgie ambiante sur fond d’injonctions à agir du corps médical. Au bout du compte, tout le monde a été pris à revers par l’intervention du premier ministre, qui était totalement contre-intuitive. Certes, la situation est sérieuse, mais il existe encore « une chance » d’échapper au pire, a expliqué en substance Jean Castex, pourtant connu pour sa très grande prudence.

    L’opinion publique n’a pas été la seule à être prise à revers. Une partie des ministres qui, derrière Olivier Véran, chargé de la santé, jugeaient le reconfinement inéluctable l’a été tout autant. Et que dire des savants et des « sachants » qui se répandaient sur les ondes et devant les caméras de télévision ces dernières semaines pour clamer que le pays n’aurait pas d’autre solution que de se mettre à l’arrêt : la vitesse de propagation du variant anglais était telle que l’épidémie risquait de devenir rapidement hors de contrôle, au risque de saturer les services d’urgences.

    Le choix d’Emmanuel Macron est d’abord un acte politique, l’affirmation de la prépotence présidentielle, d’autant plus manifeste que c’est son premier ministre qui a dû avaler le morceau. Le message est clair : si l’exécutif est bicéphale, une seule tête commande, celle qui a été ointe par le suffrage universel, celle qui est responsable devant les Français.

    Sur le fil du rasoir
    Il faut remonter à la crise des « gilets jaunes » pour retrouver un pareil quitte ou double. Confronté à la colère du pays, le président de la République avait, le 15 janvier 2019, joué son va-tout sur le grand débat pour tenter d’apaiser la tension. Beaucoup, dans son entourage, avaient tenté de le dissuader de s’exposer directement, car si le dialogue échouait, si le face-à-face se terminait en émeute, si la figure présidentielle vacillait, c’est tout l’Etat qui risquait de s’effondrer. Emmanuel Macron était passé outre. A l’instinct, il avait trouvé « le trou de souris » par lequel s’extraire d’une crise qui menaçait de bloquer son quinquennat et de l’envoyer aux oubliettes de l’histoire.

    #paywall

    • Le pari du « trou de souris » révèle une personnalité prête au risque, ce qui n’est plus si fréquent dans un monde politique qui, confronté à la responsabilité pénale, s’autoprotège. L’ancien associé-gérant de Rothschild, fustigé comme tel au début de son quinquennat, n’a rien perdu de son agilité : si une occasion est à prendre, il faut la saisir. Son attitude tranche avec le principe de précaution qui imprègne désormais une bonne partie du corps administratif. A condition de ne pas devenir hasardeuse, la posture peut rencontrer un écho, notamment à droite, où la suradministration du pays est régulièrement critiquée et où l’atteinte aux libertés publiques est en train de devenir un thème de contestation.

      Le pari du « trou de souris » a tendance à se répéter, car il est devenu le mode de gouvernance d’un quinquennat sur le fil du rasoir, marqué par une succession inédite de crises. A un moment donné, l’impasse est telle que le président de la République n’a pas d’autre solution que de renverser la table pour tenter de retrouver un peu d’air.

      Préparer le rebond

      Dans le cas de la #crise_sanitaire qui dure depuis près d’un an, détruit l’activité, use les nerfs, sape le moral, l’objectif est de rester mobile le plus longtemps possible pour ne pas risquer l’enlisement définitif. A l’Elysée comme à Bercy, le reconfinement dur fait figure d’épouvantail, car il signifie la mise à l’arrêt d’un pays moralement épuisé et de moins en moins solidaire. Après les nombreuses contestations qui ont marqué le mandat, le risque de désobéissance civile n’est pas pris à la légère, au regard des émeutes qui viennent de secouer les Pays-Bas.

      On ne joue cependant pas impunément avec la santé des Français [ah bon, ndc] , c’est la limite de l’exercice. A tout moment, le gouvernement se tient prêt à opter dans l’urgence pour un reconfinement dur, si par malheur les indicateurs devaient s’emballer au point de saturer les hôpitaux. On imagine, alors, le concert des Cassandre sur l’air de « je vous l’avais bien dit ». On entend déjà la pluie de critiques de ceux qui, à droite comme à gauche, sans se mouiller sur le fond, ne cessent de dénoncer la verticalité du pouvoir et le manque de dialogue avec les élus locaux, grande antienne du quinquennat. « On n’y comprend rien ! », clament aujourd’hui les élus en attendant de voir de quel côté la pièce retombe.

      La proximité de l’élection présidentielle, prévue dans moins de quinze mois, n’incite guère à l’indulgence. Les oppositions guettent la faute politique, « le coup raté » du président de la République, l’hubris qui l’aurait poussé à croire que la France pouvait s’exonérer du traitement de choc que s’infligent ses voisins. C’est le propre d’un pari : on peut gagner ou perdre. Le tout est de préparer le rebond, quoi qu’il en coûte.
      Vendredi, le chef de l’Etat ne s’est pas médiatiquement exposé. Il a laissé le premier ministre monter au filet, façon de préserver une petite chance de rebond au cas où le scénario deviendrait franchement noir. Il faudra, alors, inventer une autre histoire.

      #story

    • Covid-19 : l’exécutif fait le pari des vacances scolaires pour ralentir l’épidémie
      https://www.bfmtv.com/politique/covid-19-le-gouvernement-fait-le-pari-des-vacances-scolaires-pour-ralentir-l-

      E.M. semble effectivement avoir pris en compte l’effet cumulatif des couvre-feux et des confinements qui s’enchaînent depuis le mois de mars dernier. Une manière de se protéger contre l’expression d’un ras-le-bol généralisé ? Aux Pays-Bas, au Danemark, en Espagne, ou encore au Liban, les émeutes contre les restrictions sanitaires se sont multipliées ces derniers jours tandis qu’en France, les réseaux sociaux ont vu éclore le hashtag #JeNeMeReconfineraiPas.

      #école #aveu

  • Les mots de la crise sanitaire
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-vendredi-29-janvier-2021


    La langue de la vie quotidienne change elle aussi...

    Avec des concepts brumeux comme “l’effet apéro” ou “l’apéro-zoom” (existe-t-il un "effet-apéro-zoom" ?)

    Vous aurez aussi noté l’invasion de mots vaguement futuristes, un peu inquiétants : “présentiel”, “distanciel”, “cluster”.

    Ou bien, à l’inverse, des termes soudain ressuscités du passé, écoutez [extrait sonore] :

    “La bamboche c’est terminé.”

    Ainsi parle un préfet sur le plateau de France 3 au temps du couvre-feu… “Couvre-feu” : tiens, voici un vocable qu’on croyait lui aussi désuet.

    Mais plus rien ne nous étonne : les vaccins portent des noms de voitures (“Astra Zeneca” ; “Moderna”). Et dans son absurdité, la crise sanitaire nous a encerclés de mots qui ont l’air d’oxymores…

    Prenez par exemple “distanciation sociale”, “vacances apprenantes”, “plateau montant” des contaminations…

    ou encore le mot “hydro-alcoolique”, oxymore à lui tout seul.

    #terminologie #mots #novlangue #macronisme #start-up_nation

  • Le Covid et le temps : « Who is in the driver’s seat » ? | François Hartog, Analyse Opinion Critique-mais-point-trop. Encéphalogramme français
    https://aoc.media/analyse/2021/01/26/le-covid-et-le-temps-who-is-in-the-drivers-seat

    Depuis un an, l’irruption du Covid-19 et sa propagation rapide ont bouleversé nos temporalités quotidiennes. Le virus s’est imposé en maître impérieux du temps et la courte histoire de l’épidémie pourrait être représentée comme celle d’une succession de batailles pour en reprendre le contrôle. Il en va ainsi de la mise en œuvre des confinements, des couvre-feux et, dernièrement, de la campagne de vaccination. Mais la découverte des variants relance doutes et inquiétudes : par ses capacités à muter sans cesse, le virus a inévitablement un coup d’avance, et nous, un coup de retard.

    « Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière. »
    John Maynard Keynes (1946)

     

    Janvier 2020, c’était il y a un an : le Covid-19 était déjà là. Il avait déjà infecté la ville de Wuhan et il cheminait. Des foyers allaient se déclarer, bientôt l’OMS parlerait d’épidémie, puis déclarerait l’état de pandémie (11 mars). Il y a un an nous ne savions pas, et le monde occidental, pris à l’improviste, a mis un certain temps à vouloir puis à pouvoir voir ce qu’était et ce qu’allait entraîner ce nouvel agent pathogène : imprévu mais pas imprévisible. Un an après, sur lui et ses effets nous savons, assurément pas tout (loin s’en faut), puisqu’il est toujours aussi actif et meurtrier sinon plus, mais beaucoup, puisque les premiers vaccins vont enfin permettre de le contrer.

    Loin des propos lénifiants ou bafouillants du début, loin des proclamations de résilience instantanée, loin des « reprises » guettées ou trop vite décrétées après quelques mois, très loin des dénégations façon Trump et ses émules, nous savons que nous sommes confrontés à une crise devenue un « fait social total », pour reprendre le concept de Marcel Mauss, et d’un fait social total mondial : il a « mis en branle » les sociétés et leurs institutions en leur « totalité ». Dans Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, son dernier livre, l’économiste Robert Boyer vient de démontrer la fécondité d’une telle approche. Plus limité est mon propos.

    En effet, dans un précédent article « Troubles dans le présentisme » (AOC, 2 avril 2020), je m’efforçais de cerner à chaud ce que l’irruption du coronavirus venait modifier dans nos rapports au temps. Près d’un an après, qu’en est-il des temporalités inédites générées par lui, de celles qu’il a bouleversées ? D’autres ont-elles émergé depuis ? Les « troubles » dans le présentisme se sont-ils encore accentués ? Et, surtout, les conflits entre ces diverses temporalités se sont-ils aggravés ? Du fait social total et mondial, je ne retiendrai donc que ses composantes temporelles.

    L’irruption du virus et sa propagation rapide ouvrent un temps nouveau qui relève d’une forme de kairos : il vient rompre le cours du temps chronos ordinaire. D’où, ici et là, chez certains croyants des réponses religieuses plus ou moins affirmées, voire véhémentes. Il n’y a là rien d’étonnant, puisqu’associer épidémies et colères divines est un trait très ancien. On se meut alors dans l’univers du châtiment, de l’expiation, souvent aussi de la recherche de boucs émissaires. Mais si l’on reste dans le seul registre du temps chronos, la diffusion du virus peut être vue comme celle d’une bombe à fragmentation. Il va, en effet, infecter ou affecter de proche en proche les multiples temporalités qui trament le quotidien de nos sociétés et de nos vies jusqu’à s’imposer comme un maître impérieux du temps.

    Comme toujours, la vraie question est qui tient le volant ? Aussi pourrait-on représenter la encore courte histoire de l’épidémie comme celle d’une succession de batailles (jusqu’à présent non victorieuses) menées par chronos pour reprendre le contrôle. La découverte récente de variantes, plus contagieuses, montre que la lutte n’est pas terminée. Tel Protée, il échappe aux prises et mène, si j’ose dire, sa vie de virus, mutant et passant d’hôtes en hôtes selon son rythme et avec sa propre temporalité (plus il circule, plus il mute, et plus les chances augmentent de voir apparaître de nouvelles variantes).

    Le temps du virus

    Dans quel contexte temporel fait-il intrusion ? Il survient dans des sociétés où au quotidien domine le présentisme. Ce sont les tweets, les sms, les médias en continu, les réseaux sociaux, les grandes plateformes, les cotations boursières en direct qui donnent le rythme ; bref, règne l’urgence, voire sa tyrannie. Avec l’urgence, qui est une forme de concentré de présent, vient presque immanquablement le retard. On déclare l’urgence et on dénonce le retard. Les deux font couple. Pour répondre à l’urgence et conjurer le spectre du retard, on compte alors sur l’accélération, et sur une accélération qui se doit d’être de plus en plus véloce.

    La panoplie des premières réponses à l’épidémie s’inscrit tout à fait dans ce cadre. Hautement significatif à cet égard est le vote de l’urgence sanitaire par le Parlement (le 23 mars 2020, prolongée le 17 octobre et reprolongée pour l’instant jusqu’au 16 février 2021). On peut noter une accélération du recours à cette procédure qui instaure un temps d’exception en rupture avec le temps ordinaire de la vie démocratique. En l’occurrence, il doit permettre, entre autres, aux autorités de répondre plus vite aux évolutions de la situation sanitaire.

    Dans les premières semaines de l’épidémie, les exigences de la scène médiatique-présentiste ont fait que, sur les plateaux de télévision, les économistes et les politistes ont été remplacés par des cohortes d’épidémiologistes, virologues, infectiologues, urgentistes qui ont vite montré les impasses d’une science qu’on voudrait voir se faire en direct. Ils ont occupé le siège du conducteur, mais il semblait y en avoir plus d’un. Plus sérieusement, comment une situation d’incertitude pourrait-elle se plier aux contraintes de l’urgence médiatique ? Comment des tâtonnements inhérents à toute recherche ne seraient-ils pas ramenés à l’énoncé de simples opinions différentes, voire divergentes ? Alors même que les chercheurs étaient les premiers à reconnaître (pour s’en féliciter) qu’on n’avait jamais avancé aussi vite dans la connaissance d’un virus et que les États n’avaient jamais mis autant de moyens en vue de la mise au point d’un vaccin. Mais l’article premier de la loi de l’accélération est qu’elle est sans fin : plus on va vite, plus vite encore il faut aller.

    Or les médias, au nom de leur devoir d’informer, se chargeaient de remettre chaque jour, pour parler familièrement, une pièce dans la machine. Produisant pour finir l’effet inverse de celui qui était annoncé : non pas éclairer toujours mieux, mais entretenir l’anxiété puisque chaque avancée était immédiatement suivie de nouveaux doutes et du pointage de potentielles inquiétudes, sur le mode du : « Et si on décide de faire ça, alors n’y a-t-il pas un risque que… ? ». Un peu comme si, une porte venant à s’entrebâiller, il fallait d’abord inventorier tous les dangers qui pouvaient se trouver derrière avant d’y risquer un pied. Cela revient à prétendre lutter contre la peur en l’alimentant : le présent est intenable mais le futur est menaçant. Il y a urgence, mais il n’en est pas moins urgent d’attendre ! Avec l’arrivée du vaccin, s’est aussitôt faite entendre la petite musique du « Attendons d’avoir un peu plus de recul ! ». Et c’est ainsi que le vieux précepte du festina lente a pu être repeint en stratégie vaccinale.

    Avec la décision prise par les États de confiner, donc d’arbitrer en faveur de la vie au détriment de l’économie, les temps de l’économie se sont trouvés mis en question, à commencer par le postulat selon lequel « les marchés seraient le meilleur moyen de socialiser les vues sur l’avenir » (Robert Boyer, Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, p. 49). Comment forger des anticipations informées alors même que le principe de rationalité économique vacille ? Si les théories financières ont cherché à acclimater le risque (en 2008, la crise des subprimes en a douloureusement montré les limites), elles sont démunies face à l’incertitude, à une incertitude radicale. Acheter, vendre ? La volatilité règne et les Bourses dégringolent. Face à cette situation d’aporie, le mimétisme, comme le pointe Robert Boyer, a été un recours, qu’il s’agisse des investisseurs ou des États, en vertu du principe selon lequel mieux vaut se tromper ensemble que prendre le risque d’avoir raison tout seul.

    C’est ainsi qu’on peut comprendre le rôle joué, en mars 2020, par le modèle de l’Imperial College sur la diffusion et la mortalité de l’épidémie. En Europe, il a de fait servi de référence pour la fixation de plusieurs stratégies nationales. Avec les multiples dégâts entraînés par la crise du coronavirus, la finance de marché – qui est un puissant moteur du présentisme – pourrait comprendre que faire de son temps ultra bref la mesure de tous les autres, aussi bien celui de l’économie que de la société dans toutes ses composantes n’est pas tenable durablement. On peut toujours rêver d’une inversion de la hiérarchie des temporalités que seuls les États, pour autant qu’ils agissent de façon concertée, pourraient imposer. Et encore, car les GAFAM sont devenus de très puissants ordonnateurs du temps dont la pandémie a encore accru l’emprise.

    Une autre déclinaison du présentisme que la crise est venue battre en brèche est celle du just in time, largement diffusé comme moyen de réduire les coûts. On produit à la demande et on ne garde pas de stock. On a vu ce qu’a donné cette logique appliquée au domaine de la santé : pénurie de masques, de respirateurs, de principes actifs. Tout le monde s’est rué en même temps sur les mêmes fournisseurs en Asie. « Les gestionnaires ont redécouvert que le juste-à-temps ne garantissait de bas coûts que si l’environnement était stable et prévisible » (Boyer, p. 96). Pour combien de temps cette redécouverte ? En tout cas, c’est alors qu’a déferlé de tous côtés le mantra « anticipation » pour vitupérer contre son absence. C’était évidemment de bonne guerre, mais qui avait anticipé, alors même que, depuis des décennies la santé était considérée comme un coût qu’il fallait contenir, voire réduire ? En témoigne l’interminable crise de l’hôpital ?

    Au couple urgence-retard, il faut ajouter anticipation. Mais que veut dire anticiper en régime présentiste, alors même que presque tout peut se faire en ligne et que quelques clics doivent suffire à activer le just in time pour répondre sans retard à l’urgence ? Puis, quand, face à la progression exponentielle des contaminations, le monde se confine et plonge dans une incertitude radicale, ne doit-on pas reconnaître que le temps du virus est devenu le maître ? C’est bien lui qui occupe le siège du conducteur. Comme le temps chronos ne réussit pas à reprendre la main, on agit indirectement sur le temps du virus. Il y a là un paradoxe : pour accélérer la sortie de la crise, on en est réduit à suspendre le temps du monde, ce qui a pour effet de ralentir la circulation du virus. On est entre freinage et accélération.

    Il va de soi que la médecine ne peut s’en tenir à ces anciens gestes prophylactiques. Faute de pouvoir guérir, elle voudrait au moins réussir à articuler un diagnostic et un pronostic un peu sûr, c’est-à-dire à convertir le temps au départ inconnu puis mal connu de la maladie – avec ses phases, ses moments critiques – en un temps chronos qu’on peut décompter en jours et en semaines. Les modélisateurs, de leur côté, n’ont d’abord d’autre choix que d’adapter les modèles construits pour les épidémies précédentes (SRAS et H1N1), et ce n’est qu’avec l’accumulation de nouvelles données qu’ils peuvent progressivement préciser le chiffrage des divers paramètres. D’où des marges d’incertitude et des divergences de pronostics d’un modèle à un autre. Si certains sont plus « alarmistes » que d’autres, tous sont confrontés à la difficulté de tester au fur et à mesure les effets des différentes décisions prises. Dessinent-ils des scénarios ou formulent-il des prédictions ? Annoncent-ils ce qui va se passer ou, à l’instar des anciens prophètes, ce qui va se passer sauf si… ? Comment faire un bon usage de ces modèles pour une aide à la décision en situation d’incertitude ? Ce sont autant de questions qui se sont posées jour après jour.

    Dans ces conditions, se comprend mieux la tentation chez les décideurs politiques du mimétisme, surtout s’il se trouve conforté par le recours à un modèle de référence (celui de l’Imperial College pour un temps). D’autant plus qu’en quelques semaines, l’État est devenu tout à la fois le premier et le dernier recours : au titre de l’urgence sanitaire, de l’urgence économique, de l’urgence sociale. On a aussitôt parlé du « retour » de l’État, pour immédiatement après en dénoncer les lourdeurs. En déclarant l’état de guerre, le président de la République a tenté de se poser en maître des horloges, celles du moins des temps sociaux et politiques. Pour le reste, le virus continuait d’occuper le siège du conducteur.

    Avec le confinement, il suspend, en effet, le temps ordinaire et avec l’annonce du déconfinement, il le remet en marche. En indiquant des dates repères (11 mai, 15 décembre 2020), il met en place une chronologie et fixe un horizon par rapport auquel peuvent se caler les diverses temporalités économiques, sociales, politiques et devrait s’enclencher leur resynchronisation. Mais, comme nous en avons fait l’expérience, rien n’oblige le temps du virus à s’y conformer. Ce qui entraîne derechef des bordées de protestations et des bouffées de colère : « pas de cap », « pas de stratégie » et, bien sûr, « absence d’anticipation » ! Il y a là une forme d’hystérisation présentiste. Si j’attire l’attention sur les formes temporelles qui structurent débats et controverses, cela ne signifie évidemment pas qu’ils s’y réduisent et qu’ils sont dépourvus de contenus.

    Le droit n’est pas resté intouché par le présentisme. Comment le pourrait-il puisque les constructions juridiques sont toujours des opérations sur le temps ? À cet égard, la crise du Covid a joué un rôle d’accélérateur. Elle a été l’occasion d’un renforcement de la judiciarisation de la vie publique. En France, des plaintes judiciaires à l’encontre de responsables ont été déposées en nombre en temps réel sinon en direct. Étant une façon de prendre date, la plainte arrête le temps. Aussi longtemps qu’elle est là, on demeure, en effet, dans le présent de la plainte, le plaignant revendiquant la place de la victime. S’il est normal qu’un responsable soit amené à rendre compte et même à rendre des comptes de son action, vient un moment où la menace de plaintes instantanées (à la vitesse d’un tweet) ralentit, voire suspend l’action.

    L’accusation de mise en danger de la vie d’autrui et un usage extensif du principe de précaution sont autant d’instruments qui transforment le futur en parcours judiciaire. Une part de ce qui est, plus que jamais, dénoncé comme les lenteurs ou les lourdeurs de la bureaucratie vient de là : les juristes des organismes publics pondent des textes interminables qui doivent les rendre inattaquables. Les politiques ont tendance à se défausser sur l’administration qui, pour sa part, veille à ce que tous les parapluies soient ouverts. Mais le long parcours des procédures à respecter fait immanquablement surgir les accusations de lenteurs insupportables et de retards inadmissibles. On ne peut sortir du cercle urgence, accélération, retard, anticipation.

    L’air du temps présentiste a également fait qu’on a dès le début de la crise mobilisé le concept de résilience : comme si elle pouvait être instantanée. Avant même que le traumatisme ne soit advenu ou avéré, certains responsables lançaient cet autre mantra de la communication. Puisque se féliciter de la résilience des uns ou des autres, des Français en général, était une façon de vouloir faire croire que le plus dur était derrière eux et qu’ils avaient magnifiquement tenu le coup ! La résilience est elle aussi happée par l’urgence. Une autre formule, abondamment mobilisée dans les premières semaines, y compris par le chef de l’État, était celle du « monde d’avant » et du « monde d’après ». Rien ne sera plus, ne devra plus être comme avant.

    L’illusion d’une année zéro s’inscrit dans l’univers présentiste pour qui la durée est presque devenue un mot obscène. Comme si les reconfigurations qui interviendront une fois la crise sanitaire maîtrisée ne seraient pas tributaires des tendances lourdes, notamment en matière d’économie, qui préexistaient à la pandémie. Robert Boyer cite une étude ayant montré que les effets des grandes épidémies au cours de l’Histoire s’étendent sur plusieurs décennies. L’appel à un monde d’après différent, voire très différent a aussi été lancé par celles et ceux qui estiment que l’épidémie est l’occasion à saisir (kairos) pour hâter l’entrée dans un monde autre. Il faudrait en user comme d’un accélérateur pour précipiter la fin du capitalisme (néolibéral) et, du même coup, pour au moins retarder la possible sixième extinction des espèces qui menace. Entrant en scène, l’urgence climatique vient s’ajouter aux autres et pose la difficile question de leur hiérarchie : quelle est la plus urgente ? En tout cas, on oscille toujours entre urgence, ralentissement et accélération, mais il s’agit, cette fois, d’accélérer pour mieux ralentir. Sont mobilisés les mêmes opérateurs temporels, mais pour les mettre au service de politiques plus ou moins radicales.

    Avec le vaccin enfin, on échappe, semble-t-il, à la cage présentiste. Avec lui, dont on a suivi semaine après semaine l’avancée jusqu’à la confirmation de son arrivée puis de sa certification, s’opère une réelle ouverture en direction du futur et surgit un nouvel horizon. Il est l’arme qui va permettre la « sortie du tunnel ». Arrivant en Europe à la veille de Noël (date qui ne doit peut-être pas tout au hasard), il est attendu comme une sorte de messie. Pas par tout le monde, bien entendu. Tout au contraire, on peut y reconnaître une œuvre du diable ou du Grand Satan ! Fantasmes, oppositions, peurs, interrogations, qui prospèrent sur les réseaux sociaux et nettement au-delà, traduisent, du point du vue du rapport au temps (le seul qui me retienne ici), des replis présentistes. Si jusqu’alors le virus restait, en dernier ressort, le maître du temps, le vaccin doit pouvoir lui ravir la place : le temps chronos devrait enfin reprendre le volant.

    Sauf que la découverte des mutants (britannique et d’Afrique du Sud) relance doutes et inquiétudes. Le virus-Protée a toujours un coup d’avance et nous un coup de retard. Il est frappant mais nullement étonnant de constater à quel point les calendriers de vaccination (à peine arrêtés) et les campagnes (à peine lancées) sont pris dans le tourbillon du trio infernal urgence, accélération, retard. Le gouvernement français a cru préférable ou habile ou les deux d’opter pour le festina lente, qui est aussitôt dénoncé comme lenteur inadmissible, voire criminelle, et retard incompréhensible par rapport à nos voisins. D’un coup l’horizon recule. Alors qu’il y a une urgence d’autant plus urgente que les mutants sont là, il faut donc accélérer au maximum. C’est à nouveau une course de vitesse qui est engagée. Sans entrer dans une discussion des arguments eux-mêmes, je me limite à être attentif à la rhétorique temporelle qui les informe et que partagent peu ou prou tous les acteurs. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire des tête-à-queue : un jour, c’est l’accélération qu’ils réclament et, le jour d’après, leur colère exige plus de lenteur. Mais tout se joue à l’intérieur de la même cage présentiste, palinodies y comprises.

    Intervenant en ce contexte, la crise du Covid-19 a peut-être chahuté mais pas ébranlé le présentisme. En en faisant ressortir les traits les plus saillants et les injonctions contradictoires, elle a opéré comme un catalyseur ou un révélateur. Mais elle a fait plus et l’a aussi renforcé. En effet, la vie confinée qui, pour beaucoup (mais de loin pas tous) a été une vie connectée, le développement du télétravail, le recours accru aux services des grandes plateformes, voilà autant de facteurs qui ont accéléré la transition vers une « condition numérique » et, donc, foncièrement présentiste. L’addiction aux écrans et l’emprise des grandes plateformes (qui ont vu leurs valorisations boursières augmenter fortement) se sont renforcées, même si, en sens inverse, le temps du confinement a été vécu par certains comme une occasion de sortir de l’urgence ordinaire en faisant fond sur le ralentissement. Savoir prendre le temps voudrait être une nouvelle règle de vie. S’agit-il d’un luxe, de l’aménagement de niches à l’intérieur de la cage présentiste ou d’un mouvement qui ira s’amplifiant pour en sortir véritablement ?

    Au-delà du présentisme

    Parallèlement à ces réactions cherchant à parer au plus pressé, le virus a suscité des interrogations qui ont obligé à regarder en arrière : vers le passé immédiat ou en direction de passés lointains. Si avec lui s’ouvre bien un temps nouveau, forme de kairos, il ne vient pas de nulle part, ni géographiquement ni chronologiquement. Il a même une très longue histoire derrière lui. Inédit peut-être, il n’est assurément pas sans précédent, puisque humanité et épidémie vont de pair, au moins depuis les débuts de l’agriculture et de la domestication des animaux. De cette longue cohabitation l’histoire n’a, bien sûr, retenu que les épisodes les plus sévères. Au printemps 2020, on s’est donc tourné vers les historiens de la médecine et des épidémies.

    Ce fut l’occasion de réactiver le vieux topos des leçons de l’Histoire, pour déplorer qu’elles n’aient pas été tirées ou, pire encore, oubliées. De la Grande peste de 1348, qui avait liquidé en quelques mois un tiers de la population de l’Europe, à la grippe de Hongkong, qui, en 1969, avait fait en France trente mille morts dans l’indifférence générale, en passant par la grippe espagnole en 1918, qui avait emporté entre trente et cinquante millions de personnes à travers le monde. En relevant similitudes et différences, on donnait déjà un premier arrière-plan historique à la pandémie en cours. Pouvaient ainsi être mises en perspective les peurs suscitées par les épidémies ainsi que les manières d’y faire face.

    Au-delà de ce cadre général, des épidémies plus récentes (SARS, H1N1, EBOLA) avaient suscité des recherches scientifiques et donné lieu à des mises en garde précises. Les coronavirus apparaissaient, en effet, comme de bons candidats pour la propagation d’une pandémie globale. Dans son livre de 2012, Spillover : Animal Infections and the New Human Pandemic (non traduit en français), qui a eu un grand retentissement, le journaliste scientifique David Quammen en parlait comme du « Next Big One ». Il précisait que ce virus se caractériserait probablement « par un niveau élevé de contagiosité précédant l’apparition de symptômes notables, lui permettant ainsi de se propager à travers villes et aéroports tel un ange de mort ». En 2020, il est devenu celui qui avait « prédit » l’épidémie du Covid-19.

    Si les pays asiatiques plus touchés par ces agents pathogènes avaient pris des mesures, le monde occidental estimait qu’il n’était pas directement concerné. Le virus H1N1 qui avait eu le bon ton de disparaitre rapidement était devenu, en France, synonyme d’excès de précautions et de fiasco vaccinal. Ne plus parler de masques ni de vaccinodromes ! Dans les premiers mois de 2020 les décalages d’un continent à l’autre sont devenus patents. Les pays d’Asie n’ignoraient pas l’anticipation, tandis que l’Occident s’en remettait à sa capacité à réagir rapidement. Les masques, revenus, si j’ose dire, en boomerang dans l’espace public, ont montré le peu de fondement de cette assurance.

    Ces épidémies qu’on pourrait dire de nouvelles générations sont des zoonoses, dont les études montrent que le nombre ne cesse d’augmenter. Elles sont dues à l’activité humaine et, en particulier, aux destructions toujours plus étendues et plus rapides d’écosystèmes. Ce qu’il convient de retenir ici, c’est l’accélération des épidémies. Elle est à mettre directement en rapport avec la Grande Accélération, soit la période qui a vu depuis les années 1950 une croissance exponentielle de tous les paramètres de l’activité humaine sur la Terre. Il n’y a nulle raison, en effet, que les pandémies soient une exception à la loi de l’accélération. Elles appartiennent à la globalisation, dont elles sont, si l’on veut, un des coûts longtemps négligés. Avec elles on a un état au vrai de nos rapports avec la nature sauvage.

    Au moyen de ces quelques remarques nous dotons le Covid-19 d’une histoire et nous l’inscrivons dans le temps du monde. Mais il faut aller plus loin et sortir de la cage présentiste, en procédant à un véritable renversement temporel : non plus nous, regardant dans l’urgence le virus, mais le virus regardant ces hôtes accueillants que sont dernièrement devenus les humains, quel que soit l’agent intermédiaire (le vison peut-être) qui lui ait permis de passer de la chauve-souris à l’homme. Autrement dit, la pandémie n’est qu’un épisode de l’histoire de l’évolution, et un épisode en cours. Les variantes récemment isolées montrent, en effet, que, par ses capacités à muter sans cesse, le SARS-CoV-2 a inévitablement un coup d’avance. « Dans la lutte ancienne et permanente entre les microbes et l’homme, écrivent dans un article récent les immunologues David Morens et Anthony Fauci, les microbes génétiquement adaptés ont le dessus : ils nous surprennent régulièrement et souvent nous attrapent alors que nous n’y sommes pas préparés ». Dans cette bataille où le virus n’a d’autre objectif que d’assurer sa reproduction, le retard est forcément du côté de l’hôte.

    Poussons plus loin encore. Par rapport aux virus, les humains sont nés d’hier. « Homo sapiens remonte à quelque 300 000 ans », alors que, soulignent Morens et Fauci, « des formes microbiennes de vie ont persisté sur cette planète depuis 3,8 milliards d’années ». Et ils ajoutent avec la pointe d’humour qui convient « It may be a matter of perspectives as to who is in the evolutionnary driver’s seat ». Voilà qui ouvre, en effet, une tout autre perspective, comme si, pour prendre une autre image, on devait faire entrer des milliards d’années dans la malle-cabine du présentisme !

    #crise_sanitaire #présentisme #urgence #retard #anticiper #temporalités

  • À propos des émeutes en Hollande, par Felix Sassmannshausen @f_argonaut sur touiteur
    https://twitter.com/f_argonaut/status/1354013328071405569

    Die Proteste gegen die Coronamaßnahmen, die am Wochenende in Ausschreitungen umgeschlagen sind, zeichnen sich durch eine unüberschaubare Gemengelage an Akteur:innen und politischen Interessen ab.

    Als zentrale Akteurin spielt die verschwörungsideologische Bewegung Viruswaarheid eine große Rolle. Diese wurde im Frühjahr letzten Jahres von Willem Engel (einem hippieesken Tanzlehrer) und Jeroen Pols (einem dubiösen Rechtsanwalt, spezialisiert auf Eigentumsrecht) gegründet.

    An der Mobilisierung zu ihren Demonstrationen hatten sich bereits im Sommer auch extrem rechte Hooligangruppen, etwa von ADO Den Haag, Feyenoord Rotterdam und PSV Eindhoven beteiligt. Aber auch das gesamte Splitterwerk der extremen Rechten hatte mobilisiert (PEGIDANL, NVU usw.).

    Zugleich spielt die parteiförmige niederländische extreme Rechte rund um die Partij voor de Vrijheid von Geert Wilders und Forum voor Democratie um Thierry Baudet bei den gewalttätigen Protesten gegen die Ausgangssperre einen wichtigen Part.

    Sie machten bereits seit Wochen Front gegen die Regierungspolitik, u.a. als es noch um die gesetzliche Einhegung der Notverodnungspolitik (Tijdelijke Wet Coronamaatregelen) ging. Die Rhetorik der beiden Parteien hatte sich zuletzt mit Blick auf die Ausganssperre zugespitzt.

    Am Wochenende nahmen die gewaltsamen Proteste ihren Ausgang in der religiösen, rechten Hochburg Urk, wo die evangelikale SGP besonders stark ist. Hier handelt es sich um einen Ausläufer des antietatistischen Bible Belts. Auf Urk brannte das erste Corona Testzentrum.

    Diesen extrem rechten Mobilisierung schließen sich - unabhängig von ihnen aber doch in ihrem Sog - vermehrt junge Männer aus den Großstädten an. Den jugendlichen scheint es weniger um politische Macht zu gehen. Die extreme Rechte verliert in dieser Dynamik an Bedeutung.

    Stattdessen wendet sie sich nun gegen die Ausschreitungen, die sie zuvor noch selber beschworen hat. Mit rassistischer Rhetorik inszeniert sich Wilders als Law and Order Mann, der mit dem Militär gegen den „Bürgerkrieg“ vorgehen will.

    Hierin drückt sich erneut die Strategie des Ausnahmezustandes an, die die extreme Rechte seit Beginn der Pandemie verfolgt. Im breiteren Diskurs wird Wilders belohnt. So ist die Rede davon, dass die Ausschreitungen „unniederländisch“ seien.

    Das rassistische Framing funktioniert, weil viele der jugendlichen, die sich an den Ausschreitungen beteiligen, vermeintlich oder tatsächlich einen Migrationshintergrund haben. In den wenigen Statements, die es gibt, etwa aus

    der Schilderswijk in Den Haag, geht hervor, dass ihre Rassismuserfahrung & Perspektivlosigkeit sehr präsent sind. Ihre proletarisierte Lage hat sich durch die Pandemie verschärft. Mit der Sperrstunde & den extrem rechten Mobilisierungen am Wochenende gab es einen Anlass.

    Mit der extremen Rechten teilen die überwiegend jungen Männer den Antietatismus, einige teilen auch die antisemitischen Verschwörungsideologien über das Virus und die Maßnahmen der Regierung, die von der extremen Rechten befeuert wurden und werden.

    In dem Zusammenhang geht es bei der Autonomie, die sie gegen den Staat verteidigen wollen, um eine ausgesprochen männliche Vorstellung von Freiheit: Es geht um die Abwehr der Ahnung emotionaler und gesundheitlicher Eingebundenheit und Abhängigkeit.

    In diesen (affektiven und ideologischen) Schnittmengen liegt auch der Grund, warum die Dynamiken sich derart überschneiden können. Darüber hinaus gibt es das starke Bewusstsein über die jahrzehntelange Rassismuserfahhrung und klassenbedingte Perspektivlosigkeit.

    Das erklärt in Teilen auch die Vehemenz und vor allem die Kontinuität der aktuellen Ausschreitungen.

    Die Ausschreitungen wenden sich zudem konkret gegen eine Maßnahme, die bestehende Rassismuserfahrungen noch weiter zuspitzt. Eine Sperrstunde trifft nicht alle gleichermaßen.

    #crise_sanitaire #couvre-feu #émeutes

  • La valeur d’une vie

    Bientôt les pauvres n’auront plus le droit de parler, les vieux de vivre et les jeunes de chanter. Une alliance inédite entre la science, la rationalité économique et le néolibéralisme autoritaire prépare des monstres que nous ne soupçonnons pas. Cette alliance nous accommode au pire, dont le renoncement aux valeurs et principes qui fondent le vivre ensemble et notre humanité.

    La gestion politique de la #crise_sanitaire est une machine à discriminer. Elle élève au carré les #inégalités sociales et économiques, de classe et de genre, et aujourd’hui les inégalités devant le #droit_à_la_santé et à la vie. Ces inégalités étaient insupportables avant la pandémie. Elles sont aujourd’hui la cause d’un effondrement social, économique et tout simplement moral. Si des études sérieuses (voir celle de l’INSEE ici) montrent que le virus « creuse les inégalités », ce sont avant tout les politiques néolibérales qui causent en priorité la mort des personnes âgées et des plus pauvres, l’exposition et la fragilisation des ouvriers, quand les classes sociales les plus favorisées traversent la pandémie avec infiniment moins de risque.

    Les choix politiques du gouvernement en matière de gestion de la crise sont passés successivement du mensonge d’Etat aux errements criminels, des errements à la bureaucratisation inefficace, de la bureaucratisation à la rationalisation impuissante, et désormais de la rationalisation au contrôle des corps. Cette dernière étape nous fait entrer dans la plus vertigineuse des dystopies. Des hommes politiques et des médecins ont pu concevoir d’interdire la parole dans les transports en commun. Alors que l’impératif sanitaire de la distance (physique et sociale) crée des pathologies de masse, il faudrait encore que les pauvres et le jeunes s’imposent le silence dans les transports en commun. Pourquoi donc l’Etat n’a-t-il pas pris depuis mars 2020 les dispositions qui auraient permis à chaque personne qui prend un bus, un tram ou un métro de bénéficier gratuitement d’un masque FFP2 ? Au lieu de cela on interdit aux plus défavorisés et aux jeunes de porter leur masque artisanal, sans prévoir une campagne et des moyens de protection pour quelques millions de personnes. Le problème n’est pas que l’Etat néolibéral de Macron et Castex serait maladroit, commettrait des erreurs à répétition, improviserait et jonglerait dans les difficultés de gestion d’une crise effroyable – même si ce peut être le cas -, le problème est qu’ils assomment systématiquement les pauvres, les jeunes et les vieux. Ce qui est effroyable, ce n’est pas le virus en lui-même, c’est le capitalisme qui le gère et en développe les conséquences. Parmi celles-ci, il en est une qui doit nous alarmer. La remise en cause du droit à la vie.

    Depuis le début de cette pandémie chaque jour qui passe accroît notre tolérance à l’insupportable. L’insupportable m’a été donné à entendre dans la bouche d’un Chef de service de l’Hôpital Bichat qui s’exprimait au journal de 13h de France-Inter ce dimanche 24 janvier 2021. On peut l’entendre ici, à 12mn et 40 secondes. Les propos de ce médecin ont créé en moi un choc. Un choc d’une grande violence. Ce choc a été provoqué par la rencontre entre la mémoire, l’historicité et la culture d’un côté, et de l’autre une parole médicale, autorisée et publique appelant à choisir la mort de nos aîné.es - et associant ce choix à un « courage » politique. Voici la transcription exacte des propos tenus par ce médecin, qui évoque des alternatives à un reconfinement général :

    « Soit faire des confinements sur des populations extrêmement à risque, soit admettre que ce qu’on vit après 80 ans c’est du bonus.

    Est-ce qu’aujourd’hui est-ce qu’on peut encore s’autoriser ces bonus ?

    Je pense qu’il faut prioriser les jeunes générations, les forces actives de la société, les PME.
    Je pense qu’il faut qu’on fasse des choix qui sont difficiles. » Il parle d’une « vision globale du courage. »

    Il convient de bien comprendre la portée de ces propos. Une portée incalculable et qui échappe certainement, du moins en partie, à celui qui les tient.

    Tout d’abord le médecin use d’un lexique de gestionnaire et fait entrer la question de la valeur d’une vie dans une rationalité comptable : le « bonus », les « forces actives », « s’autoriser » et « les PME ». C’est ici le point de vue d’un gestionnaire du vivant, à savoir très exactement ce qu’ont produit vingt années de massacre managérial et de rationalisation comptable dans les hôpitaux publics.

    Ensuite le médecin, qui est un très bon communiquant – comme tout excellent gestionnaire –, prend soin de surfer sur l’opposition au confinement, le soutien à la jeunesse et à l’économie pour nous arracher un consentement (« admettre ») au moyen d’une question rhétorique (« est-ce qu’on peut encore s’autoriser »), mais jamais au moyen d’un raisonnement ou une démonstration. Car il faudrait demander à ce Chef de service comment il explique que la fin du bonus des plus de 80 ans aiderait en quoi que ce soit à sauver la jeunesse. Quel est son raisonnement ? Pourquoi prioriser les jeunes générations devrait-il conduire à sacrifier nos aîné.es ? Le souci de tous n’exige-t-il pas de travailler au bien de la jeunesse comme à celui des aîné.es ? L’imposition d’un choix, soumis à un impératif totalement subjectif et irrationnel (« il faut », « il faut ») ne serait-il pas ici un moyen de résoudre la situation proprement tragique des personnels hospitaliers et des médecins en première ligne : diminuer la charge sur les hôpitaux par un consentement à laisser mourir les aîné.es dans les Ehpad ou à leur domicile, ce qui s’est produit massivement lors deux premiers confinements ? Le discours est ici celui d’un accommodement avec le pire. La banalisation de la transgression de tous les codes de déontologie et des éthiques médicales est en route. J’invite qui n’aurait pas en mémoire le Serment d’Hippocrate à le relire où à en prendre connaissance : https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/serment-dhippocrate . Vous pourrez aisément lister les principes sur lesquels le médecins’assoit. Et les articles du Code de déontologiequ’il appelle à transgresser.

    Enfin il faut vraiment être attentif à ceci que le médecin ne parle pas ici de la question très sensible du choix que font collectivement des équipes médicales confrontées à l’impossibilité de prendre en charge tous les patients. Choix codifié par des règles précises. Il nous parle de tout autre chose : d’un choix à faire pour la société, un choix politique et social, « difficile » et « courageux », une « vision globale ». On se dit alors que cet homme est prêt à entrer en politique ou bien au CA de SANOFI. Car, le médecin, comme bien de ses collègues arpentant les radios et les plateaux de télévision, sort non seulement de la morale, de l’éthique médicale, de la déontologie, mais il sort aussi tout simplement de sa profession (ce qui est une faute), pour s’instituer en manager du politique. C’est ce à quoi on assiste massivement depuis bientôt un an : la fabrique de l’opinion et l’administration politique de la crise sanitaire par les nouveaux managers de la science et une classe très particulière de médecins-experts qui ne font pas honneur à une profession, laquelle est, avec tous les soignants, dans les plus grandes difficultés et qui paye un tribut considérable à cette pandémie.

    Ce déportement de la parole médicale vers le politique, au nom d’une expertise et de l’autorité scientifique, concerne directement la communauté de recherche et d’enseignement.. Allons-nous laisser les nouveaux managers de la science, au demeurant rigoureusement incultes, avilir toutes les règles de l’éthique médicale et de l’intégrité scientifique en les laissant proférer à longueur de journée, énormités, mensonges, contre-vérités, sophismes, paradoxes et dans le cas qui nous occupe une monstruosité absolue, laquelle parvient à rencontrer du crédit chez un nombre significatif de collègues et de citoyens, dont la raison aura certainement été mise à mal par les temps très durs que nous traversons ?

    Bien sûr ce médecin n’est pas le tout de l’Hôpital. Il ne le représente pas. Il n’est pas la vie vivante des soignants qui se battent pour sauver autrui, quel qu’il soit, sans aucune discrimination. Il n’est pas l’infirmière qui se prend le Covid parce qu’elle n’a pas de FFP2. Qui est donc ce médecin, qui est cet homme pour appeler à supprimer les « Èves octogénaires » de Baudelaire ? À en finir avec le bonus, la chance et le bonheur d’être vivant à 80 ans ? Et pourquoi pas 75 ? ou 85 ? ou 90 ? J’aimerais inviter ce médecin, non pas à lire « Les petites vieilles » de Baudelaire, mais simplement à ouvrir une histoire de l’art ou de la littérature (ou même de la science), et à rechercher les œuvres qui ont été créées par des artistes qui avaient plus de 80 ans. Je pourrais l’inviter à considérer les « bonus » de Pierre Soulages ou Bernard Noël. Et ce « bonus » incroyable du sourire de sa propre grand-mère.

    La question qu’il nous revient de nous poser aujourd’hui est double : accepte-t-on de laisser passer, une fois, deux fois, trois fois, le discours de ce médecin jusqu’à la banalisation du Mal, jusqu’à se complaire dans le plus abject des cynismes, au risque de sortir de l’humanité ? Et plus fondamentalement : quelle est la valeur d’une vie ? Quelle valeur accordons-nous à une vie humaine ? Spinoza exposait cette conception de la vie humaine dans son Traité politique : « … une vie humaine, qui n’est pas définie par la seule circulation du sang, et d’autres choses qui sont communes à tous les animaux, mais surtout par la raison, la vraie vertu et la vie de l’Esprit »*.

    Pascal Maillard

    *La traduction est de Henri Meschonnic dans Langage, histoire une même théorie, Verdier, 2012, p.78, chapitre 5. "L’humanité, c’est de penser libre". Ce chapitre est la reprise d’une communication faite au colloque Qu’est-ce que l’humanité organisé à Toulouse les 8-17 mars 2004.

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/260121/la-valeur-d-une-vie
    #droit_à_la_vie #coronavirus #covid-19 #pandémie #néolibéralisme #néo-libéralisme #contrôle_des_corps #discriminations #capitalisme #vieux #jeunes #choix #médecine #politique #éthique

  • #France : l’épidémie de #Covid-19 a fait plonger les demandes d’asile

    Selon des chiffres publiés ce jeudi par le ministère français de l’Intérieur, l’épidémie de Covid-19 a eu un impact tant sur les demandes d’asile que sur les expulsions.

    Après des années de hausse depuis la crise migratoire de 2015, le nombre de demandes d’asile en France a marqué une rupture nette en 2020 avec une #chute de 41%. « Une telle #baisse s’explique par la #crise_sanitaire de la Covid-19 et plus précisément par l’impact des confinements sur l’activité des #Guda (#Guichets_uniques_pour_demandeurs_d'asile) et sur la circulation des étrangers », a commenté le ministère de l’Intérieur en publiant ces chiffres provisoires.

    Ainsi, 81 669 premières demandes d’asile ont été formulées dans ces guichets en 2020, contre 138 420 (-41%) l’année précédente. Toutes situations confondues (réexamens, procédures Dublin etc.), 115 888 demandes ont été prises en compte l’an dernier, contre 177 822 en 2019.

    Cette baisse en France s’inscrit dans une tendance européenne, après plusieurs mois de fermeture des frontières extérieures de l’Union européenne : en Allemagne, le nombre de demandes d’asile a également chuté de 30%.

    Baisse des #expulsions

    La pandémie a eu des « conséquences importantes à la fois sur les flux (migratoires) entrant et sortant », a également observé la place Beauvau. Entre 2019 et 2020, les expulsions des personnes en situation irrégulière ont en effet baissé de moitié (-51,8%).

    Les statistiques de cette année où « tout a été déstabilisé par la Covid-19 » mettent également en évidence un effondrement de 80% du nombre de #visas délivrés : 712 311 contre 3,53 millions en 2019. Ce recul, poussé par l’effondrement des #visas_touristiques, s’explique essentiellement par la chute du nombre des visiteurs chinois. Ils étaient de loin les premiers détenteurs de visas pour la France en 2019 avec 757 500 documents, et sont passés en quatrième position avec seulement 71 451 visas délivrés en 2020.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/29804/france-l-epidemie-de-covid-19-a-fait-plonger-les-demandes-d-asile?prev

    #asile #migrations #réfugiés #chiffres #statistiques #2020 #demandes_d'asile #coronavirus #confinement #fermeture_des_frontières

    ping @karine4 @isskein

  • Stations de ski fermées : 120.000 saisonniers pourraient tomber dans la grande précarité
    https://www.lefigaro.fr/social/stations-de-ski-fermees-120-000-saisonniers-pourraient-tomber-dans-la-grand


    Avec la non-ouverture des stations de ski les saisonniers se trouvent dans une situation critique. JEFF PACHOUD/AFP

    C’est une véritable douche froide pour les travailleurs saisonniers… L’annonce mercredi soir de la non-ouverture des stations de ski est synonyme de saison blanche pour une grande partie des quelque 120.000 personnes qui œuvrent pour assurer l’accueil des vacanciers dans les massifs montagneux. Pour ces salariés qui travaillent en moyenne 6 mois dans l’année, la non-réalisation de la saison d’hiver risque d’être terrible. Elle pourrait les faire tomber dans une grande précarité.

    #larmes_de_crocodiles #travail #saisonniers #tourisme #crise_sanitaire

  • « La mise en cause de la responsabilité politique des ministres est devenue un exercice improbable sous la Ve République », Jean-Baptiste Jacquin, 22 décembre 2020
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/22/la-judiciarisation-de-la-vie-politique-poison-pour-la-democratie_6064174_323

    Depuis mars, 150 plaintes ont été déposées devant la Cour de justice de la République, juridiction d’exception, contre la gestion de la crise due au Covid-19 par le gouvernement.

    Analyse. C’est un des paradoxes de cette année 2020, rarement institution promise à la disparition n’aura été autant sollicitée. La Cour de #justice de la République (#CJR) a été saisie, depuis mars, de 150 plaintes contre la gestion de la #crise_sanitaire par le #gouvernement, selon un pointage au 14 décembre. Sans compter la vingtaine de plaintes récemment adressées, toutes sur le même modèle, invoquant le crime de génocide et rapidement classées sans suite.

    Les personnalités ciblées sont l’ex-premier ministre Edouard Philippe, l’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn et son successeur, Olivier Véran. L’actuel chef du gouvernement, Jean Castex, vient loin derrière dans ce hit-parade des personnes mises en cause par des citoyens ou associations professionnelles devant la juridiction spéciale chargée de juger les ministres pour les infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.

    Le défi de la CJR sera de démêler la responsabilité pénale de la responsabilité politique. Une véritable gageure pour cette institution née en 1993 sur les décombres de la Haute Cour de justice, discréditée lors du scandale du sang contaminé. Elle est investie de pouvoirs juridiques et judiciaires particulièrement délicats – qualifier ici pénalement des actions ou des inactions de membres du gouvernement – mais sa composition est très politique : six députés, six sénateurs et trois magistrats du siège de la Cour de cassation.

    Décisions déconcertantes voire choquantes

    Le résultat de cette étonnante construction a été une série de décisions déconcertantes voire choquantes (affaires Christine Lagarde, Charles Pasqua, etc.). Seule décision à n’avoir pas subi les foudres des juristes ou commentateurs, la condamnation de l’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas, en 2019, dans un dossier factuellement simple et politiquement peu sensible.

    Incomprise, bancale, décriée, voire discréditée, cette justice d’exception doit disparaître, ont promis successivement les présidents de la République François Hollande et Emmanuel Macron. Mais, aucun projet de révision constitutionnelle n’a abouti depuis 2008, il faut donc faire avec cette CJR.

    Dès le 7 juillet, François Molins, le procureur général de la Cour de cassation, a saisi la commission d’instruction de la CJR d’une information judiciaire pour « abstention de combat­tre un sinistre » sur la base de neuf plaintes auxquelles il en a joint quatre autres depuis. Restent une soixantaine de plaintes dont la recevabilité n’a pas encore été examinée, les autres ayant été classées sans suite.

    Le constitutionnaliste et politologue Olivier Duhamel voit dans la multiplication des mises en cause de ministres devant cette cour le signe de « la défiance à l’égard des élites en général, des responsables politiques en particulier, et l’essor de la victimisation ». Mais quelles sont les alternatives ?

    La mise en cause de la responsabilité politique des ministres est devenue un exercice improbable sous la Ve République sous l’effet conjugué du présidentialisme avec des membres du gouvernement rendant compte au président, lui-même irresponsable juridiquement, un Parlement aux prérogatives écornées, et un fait majoritaire synonyme d’étouffoir. Une seule #motion_de_censure a été votée depuis 1958 contre un gouvernement, en 1962.

    « Dysfonctionnement »

    « Le mouvement de #judiciarisation que l’on observe depuis une trentaine d’années résulte du dysfonctionnement des mécanismes classiques de la responsabilité politique, analyse Cécile Guérin-Bargues, professeure de droit public à l’université Paris-II. Les prétoires sont vus comme des forums plus légitimes que le Parlement. »

    Dans le cas de la gestion de l’épidémie de SARS-CoV-2, le recours à une #procédure_pénale ne sera pas sans poser des difficultés. « La négligence d’un ministre ou son incompétence, bref un ministre qui n’est pas bon face à une situation de crise, cela ne devrait pas être pris sous l’angle pénal », estime Mme Guérin-Bargues. La qualification retenue pour l’information judiciaire peut surprendre. L’infraction d’ « abstention de combattre un sinistre » est un délit volontaire, et non une négligence. « On distord le droit pénal pour y faire entrer une action qui relève du politique », craint cette universitaire. La commission d’instruction de la Cour peut néanmoins librement requalifier les faits.

    Le recours à la CJR serait-il un remède pire que le mal ? Le temps judiciaire n’est pas le temps politique. L’instruction devrait au minimum durer dix-huit mois et si une ou plusieurs des personnalités mises en cause étaient renvoyées devant la Cour, le procès ne se tiendra pas avant la mi-2022, voire 2023. Une éventuelle condamnation tomberait bien tard pour se dire que l’équipe en place n’aurait pas dû rester jusqu’en 2022.

    Dans le cas contraire, avec un non-lieu ou une relaxe comme épilogue pour des raisons de qualification pénale ou faute d’élément probant, les faux espoirs entretenus dans l’opinion auront été tout aussi dévastateurs. Au risque d’alimenter le populisme sur le thème de l’impunité et de la connivence entre les puissants.

    La multiplication de ces procédures des investigations qui les accompagnent pourrait en outre distiller un poison dans le processus de décision politique. Comment arbitrer en fonction d’intérêts contradictoires, ce que l’on demande aux gouvernants, ou fixer des priorités (la santé contre l’économie, les soignants contre les soignés, les écoles contre les restaurants, etc.) avec une épée de Damoclès pénale en permanence au-dessus de la tête ?

    Olivier Duhamel y voit un « double effet pervers, avec un excès de prudence des ministres au risque de l’immobilisme, et une inflation des décisions prises par le président, seul irresponsable ». La responsabilité politique des gouvernants n’y aura rien gagné. Les citoyens non plus.

    Zut, il va falloir remplacer le féodal expert du droit public de la Véme. Sinon, l’article dit bien qu’espère quelque chose des procédures pénales contre le gouvernement est illusoire (sauf, parfois, contre tel ou tel de ses membres, tant ils sont nombreux à avoir des casseroles "personnelles").

    #Covid-19

  • « L’intime est la part de l’existence sur laquelle ni l’Etat, ni la société, ni même la médecine ne devraient avoir autorité », Michaël Fœssel, entretien avec Nicolas Truong
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/31/l-intime-est-la-part-de-l-existence-sur-laquelle-ni-l-etat-ni-la-societe-ni-

    ENTRETIEN« Les penseurs de l’#intime » (9/10). Parce qu’avec les mesures sanitaires et sécuritaires le pouvoir s’est invité au cœur de notre #intimité, le philosophe Michaël Fœssel espère que l’épreuve de la privation des libertés suscitera un regain d’intérêt politique.
    Professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, Michaël Fœssel a récemment publié Récidive . 1938 (PUF, 2019). Spécialiste de l’œuvre d’Emmanuel Kant, il explique pourquoi l’intime est une question politique et devient, dans une société démocratique, « un objet de revendications » .

    Vous avez été atteint du Covid-19. Que vous a révélé l’expérience et l’épreuve intime d’être affecté par une maladie planétaire ?

    Une maladie contagieuse nous ramène à un régime permanent d’auscultation de soi et d’inspection des autres. Aussi longtemps que l’on n’est pas atteint par un virus devenu le principal, sinon l’unique, thème de préoccupation planétaire, il se présente comme une sorte de menace abstraite. On n’a pas l’expérience de la maladie, mais celle de ses effets sociaux. Lorsque l’on apprend qu’on a contracté le virus, quelque chose d’étrange se produit : c’est comme si les discours et les alertes qui rythment l’actualité depuis des mois étaient subitement entrés dans votre corps.

    J’ai eu des symptômes tout à fait bénins, j’imagine que pour ceux qui ont développé des formes graves la maladie est devenue, comme toute pathologie sérieuse, un combat intime. Mais le vécu de cette épidémie n’est pas seulement fonction de sa gravité objective. Subi sur un mode anodin, le Covid-19 est une expérience où l’intime et le public s’entrelacent, au point que l’on ne sait plus si l’on souffre d’un virus singulier ou du mal du siècle. Il est difficile de se convaincre que ce n’est « que cela » (encore une fois, dans mon cas), alors que cette maladie est représentée dans tous les esprits et sur tous les écrans. C’est un peu comme si un fait géopolitique d’ampleur inégalée s’était logé en soi et que le moindre accès de fièvre annonçait la fin du monde.

    Comme d’autres, j’ai fait l’expérience qu’il n’est guère difficile de susciter l’attention dès que l’on a contracté ce virus. Il faut d’ailleurs noter qu’à cette occasion le secret médical a volé en éclats : il n’est pas une personnalité publique morte du Covid dont on ignore la cause du décès. Cette attention mondiale s’est, hélas, accompagnée d’une mise entre parenthèses d’autres maladies, pourtant bien plus graves.

    Dans quelle mesure la gestion sécuritaire de la #crise_sanitaire conduit-elle à ce que vous avez appelé la « privation de l’intime » ?

    Si l’intime désigne ce que l’on désire cacher, ou du moins soustraire au jugement de la société, il est clair qu’une maladie contagieuse le fragilise. L’« ennemi invisible » affecte des corps bien visibles qui deviennent facilement suspects. Les applications destinées à tracer chacun de nos mouvements, l’obligation de s’enregistrer dans les restaurants ou la recherche administrative des cas contacts entraînent un effacement de la sphère intime.

    On a prétendu que le confinement était une occasion de retrouver des expériences intimes en mettant entre parenthèses certaines contraintes sociales. Cela revient à confondre l’intime et le privé. L’impératif de « rester chez soi » relève d’un recentrage sur la sphère privée (familiale ou individuelle) supposée plus sûre que les interactions sociales, ce qui est loin d’être toujours le cas. A la différence du privé, l’intime est une notion relationnelle : les liens intimes se nouent à l’abri des regards, mais ce sont tout de même des liens.

    De ce point de vue, l’interdiction qui a été faite d’accompagner des proches au seuil de la mort, malgré ses justifications sanitaires, a quelque chose de scandaleux. On ne peut pas sacrifier à la vie ce qui humanise la vie. Il n’y a d’ailleurs pas grand sens à dire que nous devons « vivre avec le virus ». C’est avec des gens que nous vivons. L’intime est la part de l’existence sur laquelle ni l’Etat, ni la société, ni même la médecine ne devraient avoir autorité.

    Dans quelle mesure l’intime est-il #politique ?

    L’intime est politique par le seul fait qu’il n’est jamais donné, mais toujours conquis. Au siècle des Lumières, l’invention de l’espace public est contemporaine de la popularisation du journal intime, un moyen pour les femmes d’exprimer leurs sentiments à l’abri du regard de leurs maris et de leurs confesseurs. Pour conquérir le droit d’être un peu moins jugés, il a fallu que les femmes, les couples non mariés, les homosexuels, etc., exposent dans l’espace public leurs formes de vie. De ce point de vue, il n’y a pas d’opposition entre la politique et l’intime.

    Dans une société démocratique, l’intime devient un objet de revendications parce que l’espace domestique est aussi un lieu d’injustices et de violences. Il est dès lors inévitable, et même souhaitable, que ce qui était jusque-là considéré comme relevant de la sphère « privée » devienne visible. C’est bien ce que montre le phénomène #metoo : une politisation de fait des relations entre les sexes, en tant qu’elles demeurent profondément inégalitaires. Cela n’implique pas l’exhibition de soi, ni l’immixtion de l’Etat dans chaque détail de la vie amoureuse ou sexuelle des individus. Cela montre en revanche que la démocratie repose sur ce que Claude Lefort appelait la « légitimité du débat sur le légitime et l’illégitime ».

    Il n’y a pas de raison que ce débat ne porte que sur des thèmes institutionnels, économiques ou identitaires jugés nobles sous prétexte qu’ils sont traditionnels. On se rend d’ailleurs facilement compte que ce qui relève du « sociétal » (où l’on cantonne souvent l’intime) engage des questions sociales. La précarité matérielle s’accompagne le plus souvent d’une réduction de l’espace intime. On perd une dimension de sa vie lorsque l’on est contraint en permanence de chercher les moyens de la gagner.

    Alors que les réseaux sociaux mettent en scène notre extimité, pourquoi plaidez-vous pour un « partage de l’intime » ?

    Le désir de partager ses expériences intimes est naturel : les humains sont en quête de légitimation dans toutes les sphères de leur expérience. Nous discutons de nos amours, faisons le récit de nos fantasmes ou parlons de nos corps parce que nous sommes des êtres de langage soucieux de confronter nos expériences. Le problème est de savoir avec qui ce partage s’effectue, et selon quelles modalités. Fondés sur le désir de montrer qui l’on est et ce que l’on vit, les réseaux sociaux donnent l’illusion que ce partage peut être universel. Ils suggèrent qu’une expérience est réelle à condition d’être partagée par le plus grand nombre.

    Il me semble que les connexions rendues possibles par Internet exploitent un doute éminemment contemporain sur l’intime. Pour être sûrs qu’une expérience amoureuse ou sexuelle a véritablement eu lieu et qu’elle a du sens, nous sommes invités à la confier à nos followers qui la transformeront en objet discursif. Il en va de même de ces œuvres d’art que nous prenons en photo sur nos téléphones portables et envoyons sur le Web avant même de les regarder.

    Cela relève moins de l’exhibitionnisme que d’une incertitude sur la signification de ce que nous vivons. Les « pouces bleus », les « like » ou le nombre d’« amis » sur Facebook répondent à cette incertitude, mais d’une manière qui s’avère le plus souvent illusoire. Une expérience intime se réalise en effet dans le sensible. Elle suppose une proximité des corps et des paroles que les instruments numériques ne peuvent que mimer.

    Dans « Récidive », ouvrage dans lequel vous montrez des analogies entre les renoncements politiques, éthiques et sociaux de l’année 1938 et ceux de notre temps, vous parlez d’une « défaite des #sentiments ». Pour quelles raisons l’érosion de certains #affects menace-t-elle la démocratie ?

    En lisant la presse et la littérature françaises de 1938, j’ai été frappé par la concomitance entre la montée en puissance des discours autoritaires et la promotion de l’insensibilité au rang de vertu politique. C’est une année où, bien au-delà des cercles antisémites traditionnels, on parle des réfugiés juifs venus d’Allemagne avec une hostilité déguisée en froideur comptable.

    C’est aussi l’année où Sartre écrit L’Enfance d’un chef , une nouvelle où il décrit comment un adolescent devient fasciste en se rendant insensible au monde et en fondant son caractère sur le mépris des juifs et du Front populaire. C’est en 1938, enfin, que Bernanos écrit, dans Les Grands Cimetières sous la lune : « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. » L’abandon des principes démocratiques suppose une sorte de glaciation des subjectivités : un mélange de dureté et de sensiblerie caractéristique des périodes où la peur devient la passion sociale dominante.

    La situation actuelle est bien sûr différente historiquement de ce qu’elle était à la fin des années 1930. En revanche, l’alliance entre une raison gestionnaire désincarnée et des passions tristes a resurgi de manière spectaculaire depuis que l’Europe s’est à nouveau installée dans un régime de crise permanente.

    Or, la démocratie ne repose pas seulement sur des procédures réglées par le droit. Elle suppose aussi une capacité d’empathie qui est mise à rude épreuve dès lors que l’autre en général – l’étranger, le pauvre et désormais même l’autre corps susceptible de porter le virus – est vu comme une menace. A l’inverse, une démocratie vivante est une démocratie sensible où le fait de devoir vivre les uns avec les autres est perçu autrement que comme une contrainte.

    Après les attentats de 2015, les terrasses et les cafés étaient considérés comme des îlots de résistance, ou plutôt comme des lieux de l’affirmation d’une liberté et d’une manière de vivre. Aujourd’hui, ils représentent ce qui nous menace…

    L’idée énoncée après les attentats, selon laquelle le désir d’aller au café constitue un acte de résistance, me semble aussi exagérée que celle, développée aujourd’hui, selon laquelle ce désir relève du comble de l’incivilité. On peut néanmoins se souvenir qu’en 2015 les terroristes ont intentionnellement visé des lieux de plaisir qu’ils assimilaient à la décadence des sociétés démocratiques. Rétrospectivement, cela donne un goût amer aux discours actuels qui incriminent l’inconscience des Français, particulièrement des jeunes, accusés de sacrifier les règles sanitaires à leur hédonisme.

    Ces discours manquent de base empirique : on devrait plutôt reconnaître que la plupart des citoyens se plient à des contraintes qui auraient été inimaginables il y a moins d’un an. Surtout, les postures hygiénistes consonnent un peu trop avec des tendances autoritaires qui précédaient la pandémie.

    La fête est-elle finie ?

    Pour en revenir à l’avant-guerre, Marc Bloch note, dans L’Etrange Défaite , que l’un des manquements de la République française de la fin des années 1930 est de ne pas avoir su offrir de fêtes à ses citoyens. Il compare l’abattement qui a suivi le Front populaire aux fêtes organisées dans le même temps par les Etats fascistes. Non pas, évidemment, que Bloch regrette que les démocraties n’aient pas organisé l’équivalent des congrès nazis de Nuremberg. Tout au contraire, il aurait souhaité des fêtes destinées à renforcer le goût pour la liberté et l’égalité, au plus loin du culte du chef qui réunissait alors les foules allemandes.

    Par cette remarque inattendue dans une analyse consacrée à la défaite militaire la plus dramatique qu’ait essuyée la France dans son histoire, Bloch exprime à merveille l’importance du sensible dans l’adhésion à la démocratie.

    Une #fête authentique est une expérience de l’égalité heureuse où les hiérarchies sociales sont mises en suspens. A la différence des fêtes d’Etat organisées dans les pays autoritaires, elles n’ont pas un centre (le chef) vers lequel convergent les regards de spectateurs réduits à la passivité. Elles rappellent de manière concrète que les rôles sociaux ne sont pas fixés pour toujours, et que la séparation entre la scène et la salle n’est pas intangible.

    Le #couvre-feu abolit une partie de la vie nocturne. Pourquoi, d’un point de vue sanitaire ou #sécuritaire, les nuits sont-elles autant surveillées ?

    Il faut reconnaître que la nuit n’est pas un espace propice au respect scrupuleux de la distanciation physique. Non seulement en raison des comportements excentriques qu’elle favorise, mais aussi du fait de l’obscurité relative qui y règne. La morale de la vigilance et de la précaution qui prime lors de la présence d’une maladie contagieuse suppose un usage performant de la vue. Là encore, on ne sort pas du sensible et de ses liens avec la politique. Pour pouvoir calculer les risques, il faut y voir clair. C’est précisément ce que la nuit rend plus difficile.

    Je n’ai aucune compétence pour juger de la pertinence du couvre-feu du point de vue sanitaire. Mais cette mesure, qui n’est rien d’autre qu’un confinement appliqué au temps nocturne, relève aussi de la défiance traditionnelle des autorités à l’égard de la nuit. Pour s’exercer efficacement, le pouvoir doit voir les corps, il cherche même à prévoir leurs comportements. Comme la nuit est le lieu de l’imprévisible, elle constitue un défi à l’ordre.

    Bien avant la pandémie, la multiplication des caméras de vidéosurveillance, la lumière blanche des néons et les restrictions administratives en matière de vie nocturne trahissaient le désir de domestiquer la nuit, de la rendre aussi transparente que le jour. La crise sanitaire est survenue dans un contexte déjà dominé par le sécuritaire, donc hostile au crépuscule.

    Passé cette épreuve où le clair-obscur apparaît comme une menace, on peut espérer que le désir de nuit, c’est-à-dire celui de ne pas être reconnu, retrouvera ses droits. La nuit, nous sommes moins regardés, donc aussi moins regardants. Cette tolérance du regard est liée à la démocratie comme valorisation sensible des libertés.

    Pourquoi les gens sont-ils beaux la nuit, comme le dit un personnage du film « La Maman et la Putain », de Jean Eustache ?

    Alexandre (Jean-Pierre Léaud), qui prononce cette phrase, est un personnage qui tente de justifier son goût pour la nuit alors même qu’il provoque sa séparation d’avec sa compagne qui, elle, a choisi de vivre le jour. Ce n’est pas que les gens sont objectivement plus beaux la nuit, c’est que le beau devient ici une dimension du regard, davantage qu’un attribut des corps. En plein jour, c’est par comparaison que l’on déclare quelqu’un « beau » (mais aussi élégant, doué, intéressant, compétitif, etc.).

    Dans un système économique concurrentiel, le critère du jugement est la performance. La nuit, les comparaisons sont plus difficiles du fait de l’obscurité. Au point que l’on a dû inventer un personnage spécifiquement assigné à cette tâche : le physionomiste, qui, à la porte d’un bar ou d’un club, décide qui a le droit d’entrer et qui doit rester sur le seuil. Dire, comme Alexandre, que les gens sont beaux la nuit, c’est dire que le clair-obscur rend indulgent à l’égard d’excentricités qui seraient mal vues en pleine lumière.

    Que va-t-on chercher dans la nuit, sinon un suspens de la logique de la comparaison ? Cela ne vaut pas seulement de la nuit festive, mais aussi de la nuit contemplative du promeneur. Le nocturne n’abolit pas la vision, il permet de voir et de percevoir autrement et avec davantage de bienveillance. Là encore, la politique n’est pas loin. Une tradition héritée du droit romain veut que les témoignages nocturnes sont irrecevables par un juge. Du fait de l’obscurité, on ne peut donner un crédit entier à ce que le témoin prétend avoir vu. En conséquence, le juge passe l’éponge sur les accusations. La nuit le rend lui-même plus indulgent.

    Comment peut-on retrouver le sens de la fête, de la nuit et de la démocratie après l’épreuve vécue par un pays coincé entre la pandémie et les attentats, le sanitaire et le sécuritaire ? Que nous est-il permis d’espérer en 2021 ?

    Il faut peut-être partir de ce que la crise sanitaire a révélé, en provoquant parfois de l’exaspération : une extension considérable du domaine du pouvoir d’Etat. Il sera plus difficile de dire que nous vivons dans un monde postpolitique, uniquement régulé par l’économie et peuplé d’individus consommateurs, maintenant que nous avons tous fait l’expérience que les gouvernements et les administrations peuvent du jour au lendemain décider du droit des citoyens à franchir leur porte. Un libéral se scandaliserait de cette incursion de l’#Etat dans l’intime.

    On a beaucoup stigmatisé l’infantilisation dont faisaient l’objet les Français, souvent à juste titre. Mais puisque nous sommes à la période des vœux, on peut risquer un pari plus optimiste. Ceux qui aiment la fête, mais aussi ceux qui ont un goût pour les promenades impromptues, les rencontres à visage découvert, les voyages à plus d’un kilomètre de leur domicile, les activités sportives, les cultes religieux, etc. pourront se dire que leurs désirs sont liés à l’état de l’hôpital et à la pratique des gouvernants.

    Ces dernières années, l’attachement aux #libertés a souvent été présenté comme un luxe de privilégiés, inconscients des enjeux sécuritaires. On s’aperçoit en général de leur valeur existentielle au moment où l’on en est privé. La situation actuelle nous apprend que la politique n’est pas un vain mot et que dans une démocratie tout se tient : les mesures en matière de santé publique, les libertés civiles et les expériences les plus ordinaires.

    Je ne pense pas que l’on puisse attendre quoi que ce soit de bon d’une épidémie. Mais il est permis d’espérer que les mesures qui ont été prises pour lutter contre elle seront l’occasion d’un regain d’intérêt pour la politique. Le fait que le pouvoir se soit invité dans les vies intimes peut susciter un désir de participer collectivement à son exercice, sans lequel il n’y a pas de démocratie.

    « Nous sommes confinés mentalement, bien plus encore que nous ne l’avons été physiquement », Claire Marin
    https://seenthis.net/messages/893277

    « C’est désormais dans l’intime que les femmes cherchent leur dignité », Eva Illouz
    https://seenthis.net/messages/893985

  • Sommes-nous encore une communauté ?

    « Il y a des étudiants fragiles qui se suicident », disait la ministre #Frédérique_Vidal le 2 janvier, une ministre et un gouvernement qui ne soutiennent ni les étudiants, ni l’université, ni la recherche. Et qui mettent des milliers de vies en danger. Publication d’un message aux collègues et étudiant.e.s de l’Université de Strasbourg, qui devient ici une lettre ouverte.

    Chères toutes, chers tous,

    Je tente de rompre un silence numérique intersidéral, tout en sachant que les regards se portent outre-atlantique …

    Cette journée du mercredi 6 janvier a été calamiteuse pour l’Université de Strasbourg. Elle a montré une fois de plus les graves conséquences des carences en moyens financiers, techniques et en personnels dans l’#enseignement_supérieur et la recherche, y compris dans les grandes universités dites de recherche intensive, qui communiquent sur leur excellent équipement et qui sont dans les faits sous-financées – tout comme les plus grands hôpitaux - et sont devenues des usines à fabriquer de la #souffrance et de la #précarité. Il faudra bien sûr identifier les causes précises de la panne informatique géante subie par toute la communauté universitaire de Strasbourg, alors que se tenaient de très nombreux examens à distance : voir ici 8https://www.dna.fr/education/2021/01/06/incident-reseau-durant-un-examen-partiel-etudiants-stresses-et-en-colere) ou là (https://www.francebleu.fr/infos/insolite/universite-de-strasbourg-une-panne-informatique-perturbe-les-examens-de-m).

    Nous avons été informés uniquement par facebook et twitter - je n’ai volontairement pas de comptes de cette nature et n’en aurai jamais, il me semble : je pratique très mal la pensée courte - et par sms. 50 000 sms, promet-on. Mais je n’ai rien reçu sur mon 06, bien que je sois secrétaire adjoint du CHSCT de cette université et que la bonne information des représentants des personnels du CHSCT dans une telle situation soit une obligation, la sécurité des personnels et des étudiants n’étant plus assurée : plus de téléphonie IP, plus de mail, plus aucun site internet actif pendant des heures et des heures. Et ce n’est peut-être pas totalement terminé à l’heure où je publie ce billet (15h).

    Il ne s’agit pas ici d’incriminer les agents de tel ou tel service, mais de faire le constat qu’une université ne peut pas fonctionner en étant sous-dotée et sous-administrée. Une fois de plus, la question qu’il convient de se poser n’est pas tant de savoir si l’université est calibrée pour le virage numérique qu’on veut lui faire prendre à tous les niveaux et à la vitesse grand V en profitant de la crise sanitaire (au profit des #GAFAM et de la #Fondation SFR_que soutient Frédérique Vidal pour booster l’accès aux data des étudiants), que de déterminer si des #examens à distance, des cours hybrides, l’indigestion de data ou de capsules vidéo ne dénaturent pas fondamentalement l’#enseignement et la relation pédagogique et ne sont pas vecteurs de multiples #inégalités, #difficultés et #souffrances, aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants et les personnels.

    Ce sont donc des milliers d’étudiants (entre 2000 et 4000, davantage ?), déjà très inquiets, qui ont vu hier et encore aujourd’hui leur #stress exploser par l’impossibilité de passer des examens préparés, programmés de longue date et pour lesquels ils ont tenté de travailler depuis de longs mois, seuls ou accompagnés au gré des protocoles sanitaires variables, fluctuants et improvisés qu’un ministère incompétent ou sadique prend soin d’envoyer systématiquement à un moment qui en rendra l’application difficile, sinon impossible. Le stress des étudiant.e.s sera en conséquence encore plus élevé dans les jours et semaines qui viennent, pour la poursuite de leurs examens et pour la reprise des cours ce 18 janvier. De mon côté et par simple chance j’ai pu garantir hier après-midi la bonne tenue d’un examen de master à distance : je disposais de toutes les adresses mail personnelles des étudiants et j’ai pu envoyer le sujet et réceptionner les travaux dans les délais et dans les conditions qui avaient été fixées. Tout s’est bien passé. Mais qu’en sera-t-il pour les milliers d’autres étudiants auxquels on promet que l’incident « ne leur sera pas préjudiciable » ? Le #préjudice est là, et il est lourd.

    Mes questions sont aujourd’hui les suivantes : que fait-on en tant que personnels, enseignants, doctorants et étudiant.e.s (encore un peu) mobilisé.e.s contre la LPR, la loi sécurité globale, les réformes en cours, le fichage de nos opinions politiques, appartenances syndicales ou données de santé ? Que fait-on contre la folie du tout #numérique et contre les conséquences de la gestion calamiteuse de la pandémie ? Que fait-on en priorité pour les étudiants, les précaires et les collègues en grande difficulté et en souffrance ? Que fait-on pour éviter des tentatives de suicide d’étudiants qui se produisent en ce moment même dans plusieurs villes universitaires ? Et les tentatives de suicide de collègues ?

    Je n’ai pas de réponse. Je lance une bouteille à la mer, comme on dit. Et je ne suis pas même certain d’être encore en mesure d’agir collectivement avec vous dans les jours qui viennent tant j’ai la tête sous l’eau, comme beaucoup d’entre vous … Peut-être qu’il faudrait décider de s’arrêter complément. Arrêter la machine folle. Dire STOP : on s’arrête, on prend le temps de penser collectivement et de trouver des solutions. On commence à refonder. On se revoit physiquement et on revoit les étudiants à l’air libre, le plus vite possible, avant l’enfer du 3ème confinement.

    Nous sommes une #intelligence_collective. « Nous sommes l’Université », avons-nous écrit et dit, très souvent, pendant nos luttes, pour sauver ce qui reste de l’Université. Je me borne aujourd’hui à ces questions : Sommes-nous encore l’Université ? Sommes-nous encore une intelligence collective ? Que reste-t-il de notre #humanité dans un système qui broie l’humanité ? Sommes-nous encore une #communauté ?

    En 2012, j’ai écrit un texte dont je me souviens. Il avait pour titre « La communauté fragmentée ». Je crois que je pensais à Jean-Luc Nancy en écrivant ce texte, à la fois de circonstance et de réflexion. A 8 années de distance on voit la permanence des problèmes et leur vertigineuse accélération. Nous sommes aujourd’hui une communauté fragmentée dans une humanité fragmentée. Comment faire tenir ensemble ces fragments ? Comment rassembler les morceaux épars ? Comment réparer le vase ? Comment réinventer du commun ? Comment faire ou refaire communauté ?

    Je pose des questions. Je n’ai pas de réponse. Alors je transmets quelques informations. Je n’imaginais pas le faire avant une diffusion officielle aux composantes, mais vu les problèmes informatiques en cours, je prends sur moi de vous informer des avis adoptés à l’unanimité par le CHSCT qui s’est tenu ce 5 janvier. Ce n’est pas grand-chose, mais un avis de CHSCT a quand même une certaine force de contrainte pour la présidence. Il va falloir qu’ils suivent, en particulier sur le doublement des postes de médecins et de psychologues. Sinon on ne va pas les lâcher et on ira jusqu’au CHSCT ministériel.

    Je termine par l’ajout de notes et commentaires sur les propos de #Vidal sur France Culture le 2 janvier (https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

    ). Je voulais en faire un billet Mediapart mais j’ai été tellement écœuré que je n’ai pas eu la force. Il y est question des suicides d’étudiants. Il y a des phrases de Vidal qui sont indécentes. Elle a dit ceci : « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels … On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

    Sur le réseau CHSCT national que j’évoquais à l’instant, il y a des alertes très sérieuses. Des CHSCT d’université sont saisis pour des TS d’étudiants. L’administrateur provisoire de l’Université de Strasbourg a bien confirmé ce 5 janvier que la promesse de Vidal de doubler les postes de psychologues dans les universités n’était actuellement suivi d’aucun moyen, d’aucun financement, d’aucun effet. Annonces mensongères et par conséquent criminelles ! Si c’est effectivement le cas et comme il y a des tentatives de suicides, il nous faudra tenir la ministre pour directement responsable. Et il faut le lui faire savoir tout de suite, à notre ministre "multi-factorielle" et grande pourvoyeuse de data, à défaut de postes et de moyens effectifs.

    Je vais transformer ce message en billet Mediapart. Car il faut bien comprendre ceci : nous n’avons plus le choix si on veut sauver des vies, il faut communiquer à l’extérieur, à toute la société. Ils n’ont peur que d’une seule chose : la communication. Ce dont ils vivent, qui est la moitié de leur infâme politique et dont ils croient tenir leur pouvoir : la #communication comme technique du #mensonge permanent. Pour commencer à ébranler leur système, il nous faut systématiquement retourner leur petite communication mensongère vulgairement encapsulée dans les media « mainstream" par un travail collectif et rigoureux d’établissement des faits, par une éthique de la #résistance et par une politique des sciences qui repose sur des savoirs et des enseignements critiques. Et j’y inclus bien sûr les savoirs citoyens.

    Notre liberté est dans nos démonstrations, dans nos mots et dans les rues, dans nos cris et sur les places s’il le faut, dans nos cours et nos recherches qui sont inséparables, dans nos créations individuelles et collectives, dans l’art et dans les sciences, dans nos corps et nos voix. Ils nous font la guerre avec des mensonges, des lois iniques, l’imposture du « en même temps » qui n’est que le masque d’un nouveau fascisme. Nous devons leur répondre par une guerre sans fin pour la #vérité et l’#intégrité, par la résistance de celles et ceux qui réinventent du commun. Au « en même temps », nous devons opposer ceci : "Nous n’avons plus le temps !". Ce sont des vies qu’il faut sauver. Le temps est sorti de ses gonds.

    Bon courage pour tout !

    Pascal

    PS : Avec son accord je publie ci-dessous la belle réponse que ma collègue Elsa Rambaud a faite à mon message sur la liste de mobilisation de l’Université de Strasbourg. Je l’en remercie. Je précise que la présente lettre ouverte a été légèrement amendée et complétée par rapport au message original. Conformément à celui-ci, j’y adjoins trois documents : la transcription commentée de l’entretien de Frédérique Vidal sur France Culture, les avis du CHSCT de l’Université de Strasbourg du 5 janvier 2021 et le courriel à tous les personnels de l’université de Valérie Robert, Directrice générale des services, et François Gauer, vice-président numérique. Nous y apprenons que c’est "le coeur" du système Osiris qui a été « affecté ». Il y a d’autres cœurs dont il faudra prendre soin … Nous avons besoin d’Isis... Soyons Isis, devenons Isis !

    –—

    Cher Pascal, cher-e-s toutes et tous,

    Merci de ce message.

    Pour ne pas s’habituer à l’inacceptable.

    Oui, tout ça est une horreur et, oui, le #distanciel dénature la #relation_pédagogique, en profondeur, et appauvrit le contenu même de ce qui est transmis. Nos fragilités institutionnelles soutiennent ce mouvement destructeur.

    Et pour avoir suivi les formations pédagogiques "innovantes" de l’IDIP l’an passé, je doute que la solution soit à rechercher de ce côté, sinon comme contre-modèle.

    Je n’ai pas plus de remèdes, seulement la conviction qu’il faut inventer vraiment autre chose : des cours dehors si on ne peut plus les faire dedans, de l’artisanat si la technique est contre nous, du voyage postal si nos yeux sont fatigués, du rigoureux qui déborde de la capsule, du ludique parce que l’ennui n’est pas un gage de sérieux et qu’on s’emmerde. Et que, non, tout ça n’est pas plus délirant que le réel actuel.

    Voilà, ça ne sert pas à grand-chose - mon mail- sinon quand même à ne pas laisser se perdre le tien dans ce silence numérique et peut-être à ne pas s’acomoder trop vite de ce qui nous arrive, beaucoup trop vite.

    Belle année à tous, résistante.

    Elsa

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/070121/sommes-nous-encore-une-communaute
    #étudiants #université #France #confinement #covid-19 #crise_sanitaire #santé_mentale #suicide #fragmentation

    • Vidal sur France Culture le 2 janvier :

      https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

      En podcast :

      http://rf.proxycast.org/d7f6a967-f502-4daf-adc4-2913774d1cf3/13955-02.01.2021-ITEMA_22529709-2021C29637S0002.mp3

      Titre d’un billet ironique à faire : « La ministre multi-factorielle et téléchargeable »

      Transcription et premiers commentaires.

      Reprise des enseignements en présence « de manière très progressive ».

      Dès le 4 janvier « Recenser les étudiants et les faire revenir par groupe de 10 et par convocation. » Comment, quand ?

      « Les enseignants sont à même d’identifier ceux qui sont en difficulté. » Comment ?

      « Le fait qu’on ait recruté 20 000 tuteurs supplémentaires en cette rentrée permet d’avoir des contacts avec les étudiants de première année, voir quels sont leur besoin pour décider ensuite comment on les fait revenir … simplement pour renouer un contact avec les équipes pédagogiques. » Mensonge. Ils ne sont pas encore recrutés. En 16:30 Vidal ose prétendre que ces emplois ont été créé dans les établissement au mois de décembre. Non, c’est faux.

      « 10 % des étudiants auraient pu bénéficier de TP. » Et 0,5% en SHS, Lettres, Art, Langues ?

      La seconde étape concernera tous les étudiants qu’on « essaiera de faire revenir une semaine sur deux pour les TD » à partir du 20 janvier.

      Concernant les étudiants : « souffrance psychologique très forte, … avec parfois une augmentation de 30 % des consultations »

      « Nous avons doublé les capacités de psychologues employés par les établissements ». Ah bon ?

      « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels ». « On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

      « on recrute 1600 étudiants référents dans les présidences universitaires » (à 10 :30) « pour palier au problème de petits jobs ».

      « On a doublé le fond d’aide d’urgence. »

      « Nous avons-nous-même au niveau national passé des conventions avec la Fondation SFR … pour pouvoir donner aux étudiants la capacité de télécharger des data … », dit la ministre virtuelle. SFR permet certainement de télécharger une bouteille de lait numérique directement dans le frigo des étudiants. « Donner la capacité à télécharger des data » : Vidal le redira.

      L’angoisse de la ministre : « La priorité est de garantir la qualité des diplômes. Il ne faut pas qu’il y ait un doute qui s’installe sur la qualité des diplômés. »

      La solution est le contrôle continu, « le suivi semaine après semaine des étudiants » : « Ces contrôles continus qui donnent évidemment beaucoup de travail aux étudiants et les forcent à rester concentrés si je puis dire, l’objectif est là aussi. » Cette contrainte de rester concentré en permanence seul devant la lumière bleue de son écran, ne serait-elle pas en relation avec la souffrance psychologique reconnue par la ministre et avec le fait que « des étudiants fragiles se suicident » ?

    • Question posée par nombre d’étudiants non dépourvus d’expériences de lutte : puisque les tribunes et autres prises de position, les manifs rituelles et les « contre cours » ne suffisent pas, les profs et les chercheurs finiront-ils par faire grève ?

      Dit autrement, la « résistance » doit-elle et peut-elle être platonique ?

      Et si le suicide le plus massif et le plus terrible était dans l’évitement de ces questions ?

    • @colporteur : tes questions, évidemment, interrogent, m’interrogent, et interrogent tout le corps enseignant de la fac...
      « Les profs finiront-ils (et elles) pour faire grève ? »

      Réponse : Je ne pense pas.
      Les enseignant·es ont été massivement mobilisé·es l’année passée (il y a exactement un an). De ce que m’ont dit mes collègues ici à Grenoble : jamais ielles ont vu une telle mobilisation par le passé. Grèves, rétention des notes, et plein d’autres actions symboliques, médiatiques et concrètes. Les luttes portaient contre la #LPPR (aujourd’hui #LPR —> entérinée le matin du 26 décembre au Journal officiel !!!), contre les retraites, contres les violences policières, etc. etc.
      Cela n’a servi strictement à rien au niveau des « résultats » (rien, même pas les miettes).
      Les profs sont aussi très fatigué·es. J’ai plein de collègues qui vont mal, très mal.
      Les luttes de l’année passée ont été très dures, et il y a eu de très fortes tensions.
      On n’a pas la possibilité de se voir, de se croiser dans les couloirs, de manger ensemble. On est tou·tes chez nous en train de comprendre comment éviter que les étudiant·es lâchent.

      Je me pose tous les jours la question : quoi faire ? Comment faire ?

      L’université semble effriter sous nos pieds. En mille morceaux. Avec elle, les étudiant·es et les enseignant·es.

      Venant de Suisse, les grèves étudiantes, je ne connais pas. J’ai suivi le mouvement l’année passée, j’ai été même identifiée comme une des « meneuses du bal ». Je l’ai payé cher. Arrêt de travail en septembre. Mes collègues m’ont obligée à aller voir un médecin et m’ont personnellement accompagnée pour que je m’arrête pour de bon. Beaucoup de raisons à cela, mais c’était notamment dû à de fortes tensions avec, on va dire comme cela, « l’administration universitaire »... et les choses ont décidément empiré depuis les grèves.

      Personnellement, je continue à être mobilisée. Mais je ne crois pas à la confrontation directe et aux grèves.

      Le problème est de savoir : et alors, quelle stratégie ?

      Je ne sais pas. J’y pense. Mes collègues y pensent. Mais il y a un rouleau compresseur sur nos épaules. Difficile de trouver l’énergie, le temps et la sérénité pour penser à des alternatives.

      J’ai peut-être tort. Mais j’en suis là, aujourd’hui : détourner, passer dessous, passer derrière, éviter quand même de se faire écraser par le rouleau compresseur.
      Stratégie d’autodéfense féministe, j’ai un peu l’impression.

      Les discussions avec mes collègues et amiEs de Turquie et du Brésil me poussent à croire qu’il faut changer de stratégie. Et un mot d’ordre : « si on n’arrivera pas à changer le monde, au moins prenons soins de nous » (c’était le mot de la fin de la rencontre que j’avais organisée à Grenoble avec des chercheur·es de Turquie et du Brésil :
      https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/universitaires-en-danger-journee-de-reflexion-et-de-solidarites-avec-

    • #Lettre d’un #étudiant : #exaspération, #résignation et #colère

      Bonjour,
      Je viens vers vous concernant un sujet et un contexte qui semblent progressivement se dessiner…
      Il s’agit du second semestre, et le passage en force (par « force » je veux dire : avec abstraction de tout débat avec les principaux acteur·ices concerné·es, post-contestations en 2019) de la loi LPR qui, il me semble, soulève une opposition d’ensemble de la part des syndicats enseignants universitaires (étant salarié, je suis sur la liste de diffusion de l’université).
      Aussi je viens vers vous concernant le deuxième semestre, qui risque de faire comme le premier : on commence en présentiel, puis on est reconfiné un mois et demi après. Bien entendu, je ne suis pas devin, mais la politique de ce gouvernement est assez facile à lire, je crois.
      Quelle opposition est possible, concrètement ? Car, loin d’aller dans des débats philosophiques, la solution d’urgence du numérique est certainement excusable, sauf lorsque cela tend à s’inscrire dans les mœurs et qu’elle ne questionne pas « l’après », mais qu’elle le conditionne. Or, je ne suis pas sûr qu’il soit sain d’envisager la transmission de savoirs d’une manière aussi arbitraire et insensée dans la durée, et qu’en l’absence de projet politique, cela semble devenir une réponse normée aux différentes crises prévues.
      J’ai la chance d’avoir un jardin, une maison, de l’espace, de pouvoir m’indigner de ceci car j’ai moins de contraintes, et de l’énergie mentale préservée de par un « capital culturel ». Ce n’est pas le cas d’autres, qui sont bloqué·es dans un 9 m2 depuis deux mois.
      Je ne veux pas me prononcer en le nom des autres étudiant·es, mais je peux affirmer que l’exaspération du distanciel et la validation de cette loi (ainsi que les autres, soyons francs) sont en train de soulever un dégoût assez fort. C’est très usant, d’être le dernier maillon d’une chaîne qui se dégrade, sous prétexte que « le distanciel fait l’affaire en attendant » alors même que rien n’est fait en profondeur pour améliorer le système de santé public, ni aucun, sinon l’inverse (l’on parle encore de réduction de lits en 2021 dans l’hôpital public). Je suis pour la solidarité nationale, mais celle-ci n’envisage aucune réciprocité. Et nous les « jeunes » sommes les bizus assumés du monde qui est en train de s’organiser.
      Et cela commence à peser sérieusement sur les promotions.

      (…)
      Je suis convaincu que personne n’apprécie la présente situation, comme j’ai l’impression qu’il n’y aura pas 36 000 occasions d’empêcher les dégradations générales du service public. Et je crains que, par l’acceptation de ce qui se passe, l’on avorte les seules options qu’il reste.
      Je suis désolé de ce message, d’exaspération, de résignation, de colère.

      J’ai choisi l’université française pour les valeurs qu’elle portait, pour la qualité de son enseignement, la force des valeurs qu’elle diffusait, la symbolique qu’elle portait sur la scène internationale et sa distance avec les branches professionnelles. Et j’ai l’impression que tout ce qui se passe nous condamne un peu plus, alors que la loi sécurité globale élève un peu plus la contestation, et que le gouvernement multiplie ses erreurs, en s’attaquant à trop de dossiers épineux en même temps. N’y a t’il pas un enjeu de convergence pour rendre efficace l’opposition et la proposition ?
      L’université n’est pas un bastion politique mais elle a de tout temps constitué un contre-pouvoir intellectuel se légitimant lors de dérives non-démocratiques, ou anti-sociales. Lorsqu’une autorité n’a que des positions dogmatiques, se soustrait de tout débat essentiel, d’acceptation de la différence (ce qui fait société !), n’est-il pas légitime de s’y opposer ?
      Nous, on se prend le climat, l’austérité qui arrive, la fragilisation de la sécu, des tafta, des lois sur le séparatisme, des policier·es décomplexé·es (minorité) qui tirent sur des innocents et sont couverts par des institutions qui ne jouent pas leur rôle arbitraire, on se fait insulter d’islamo-gauchistes sur les chaînes publiques parce qu’on porte certaines valeurs humanistes. J’avais à cœur de faire de la recherche car la science est ce qui nourrit l’évolution et garantit la transmission de la société, la rendant durable, je ne le souhaite plus. À quoi ça sert d’apprendre des notions de durabilité alors qu’on s’efforce de rendre la société la moins durable possible en pratique ?
      Que peut-on faire concrètement ? Ne nous laissez pas tomber, s’il vous plaît. Nous sommes et serons avec vous.
      Vous, enseignant·es, que vous le vouliez ou non êtes nos « modèles ». Les gens se calquent toujours sur leurs élites, sur leurs pairs.
      Vous êtes concerné·es aussi : les institutions vont commencer à faire la chasse aux sorcières dans les corpus universitaires si les dérives autoritaires se banalisent.

      L’orientation du débat public et la « fachisation » d’idéaux de société va inéluctablement faire en sorte que les enseignant·es soient en ligne de mire pour les valeurs qu’iels diffusent. C’est déjà en cours à la télé, des député·es banalisent ce discours.
      N’est-il pas du devoir des intellectuel·les d’élever le niveau du débat en portant des propositions ?
      Je ne suis pas syndiqué, pas engagé dans un parti, et je me sens libre de vous écrire ceci ; et je l’assumerai.
      Ce que je souhaite, c’est que l’on trouve un discours commun, motivant, pour que l’action puisse naître, collectivement et intelligemment : étudiant·es, et enseignant·es.
      Avec tout mon respect, fraternellement, et en considérant la difficile situation que vous-même vivez.

      Un étudiant en M1
      2 décembre 2020

      https://academia.hypotheses.org/29240

    • Des #vacataires au bord de la rupture se mettent en #grève

      Depuis le 23 novembre 2020, les vacataires en sociologie de l’#université_de_Bourgogne sont en #grève_illimitée. Ils et elles dénoncent les conditions de précarité dans lesquelles ils et elles travaillent, et demandent qu’un dialogue autour de ces problématiques soit enfin instaurer.

      Suite à leur communiqué, les enseignant·e·s–chercheur·e·s du département de sociologie ont décidé de leur apporter tout leur soutien.

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      Communiqué des vacataires en sociologie à l’université de Bourgogne au bord de la rupture

      Nous, docteur·es et doctorant·es, vacataires et contractuel.le.s au département de sociologie, prenons aujourd’hui la parole pour dire notre colère face aux dysfonctionnements structurels au sein de l’université de Bourgogne, qui nous mettent, nous et nos collègues titulaires, dans des situations ubuesques. Nous tirons la sonnette d’alarme !

      L’université de Bourgogne, comme tant d’autres universités en France, recourt aux vacataires et aux contractuel·les pour réaliser des missions pourtant pérennes. Ainsi, en termes d’enseignement, nous vacataires, assurons en moyenne 20 % des enseignements des formations de l’université de Bourgogne. Et au département de sociologie cette proportion grimpe à près de 30%.

      Le statut de vacataire est, à l’origine, pensé pour que des spécialistes, qui ne seraient pas enseignant·es-chercheur·ses à l’université, puissent venir effectuer quelques heures de cours dans leur domaine de spécialité. Cependant aujourd’hui ce statut est utilisé pour pallier le manque de postes, puisque sans nous, la continuité des formations ne peut être assurée : en comptant les vacations ainsi que les heures complémentaires imposées aux enseignants titularisés, ce sont en effet 46% des cours qui dépassent le cadre normal des services des enseignant-chercheurs. Nous sommes donc des rouages essentiel du fonctionnement de l’université.

      Doctorant·es (bien souvent non financé·es, notamment en Sciences Humaines et Sociales) et docteur·es sans postes, nous sommes payé·es deux fois dans l’année, nous commençons nos cours bien souvent plusieurs semaines (à plusieurs mois !) avant que nos contrats de travail soient effectivement signés. Nous sommes par ailleurs rémunéré·es à l’heure de cours effectuée, ce qui, lorsqu’on prend en compte le temps de préparation des enseignements et le temps de corrections des copies, donne une rémunération en dessous du SMIC horaire1.

      Au delà de nos situations personnelles, bien souvent complexes, nous constatons tous les jours les difficultés de nos collègues titulaires, qui tentent de « faire tourner » l’université avec des ressources toujours plus limitées, et en faisant face aux injonctions contradictoires de l’administration, la surcharge de travail qu’induit le nombre croissant d’étudiant·es et les tâches ingrates à laquelle oblige l’indigne sélection mise en place par Parcoursup ! Sans compter, aujourd’hui, les charges administratives qui s’alourdissent tout particulièrement avec la situation sanitaire actuelle. Nous sommes contraint·es d’adapter les modalités d’enseignement, sans matériel et sans moyens supplémentaires, et dans des situations d’incertitudes absolues sur l’évolution de la situation. Nous sommes toutes et tous au maximum de nos services et heures complémentaires et supplémentaires, à tel point que, quand l’un·e ou l’autre doit s’absenter pour quelques raisons que ce soit, nos équipes sont au bord de l’effondrement ! Et nous ne disons rien ici du sens perdu de notre travail : ce sentiment de participer à un vrai service public de l’enseignement supérieur gratuit et ouvert à toutes et tous, systématiquement saboté par les réformes en cours du lycée et de l’ESR !

      C’est pour ces raisons, et face au manque de réponse de la part de l’administration, que nous avons pris la difficile décision d’entamer un mouvement de grève illimité à partir du lundi 23 novembre 2020 à 8 h. Ce mouvement prendra fin lorsqu’un dialogue nous sera proposé.

      Nos revendications sont les suivantes :

      Mensualisation des rémunérations des vacataires ;
      Souplesse vis-à-vis des « revenus extérieurs » insuffisants des vacataires, particulièrement en cette période de crise sanitaire ;
      Exonération des frais d’inscription pour les doctorant.e.s vacataires ;
      Titularisation des contractuelles et contractuels exerçant des fonctions pérennes à l’université ;
      Plus de moyens humains dans les composantes de l’université de Bourgogne.

      Nous avons bien conscience des conséquences difficiles que cette décision va provoquer, autant pour nos étudiant.e.s, que pour le fonctionnement du département de sociologie. Nous ne l’avons pas pris à la légère : elle ne s’est imposée qu’à la suite d’abondantes discussions et de mûres réflexions. Nous en sommes arrivé.es à la conclusion suivante : la défense de nos conditions de travail, c’est aussi la défense de la qualité des formations de l’université de Bourgogne.

      Pour ceux qui se sentiraient désireux de nous soutenir, et qui le peuvent, nous avons mis en place une caisse de grève afin d’éponger en partie la perte financière que recouvre notre engagement pour la fin d’année 2020.

      https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/caisse-de-greve-pour-les-vacataires-sociologie-dijon

      Nous ne lâcherons rien et poursuivrons, si besoin est, cette grève en 2021.
      Lettre de soutien des enseignant·es–chercheur·ses du département de sociologie à l’université de Bourgogne

      https://academia.hypotheses.org/29225
      #précarité #précaires

    • Un étudiant de Master, un doyen de droit : à quand les retrouvailles ?

      Academia republie ici, avec l’accord de leurs auteurs, deux courriels adressés l’un sur une liste de diffusion de l’Université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne et l’autre par le doyen de la faculté de droit. Les deux disent la même chose : le souhait de se retrouver, de le faire dans des bonnes conditions sanitaires, mais de se retrouver. Aujourd’hui, seul le gouvernement — et peut-être bientôt le Conseil d’État qui devrait rendre la décision concernant le référé-liberté déposé par Paul Cassia — et audiencé le 3 décembre 2020 ((Le message que Paul Cassia a adressé à la communauté de Paris-1 à la sortie de l’audience avec un seul juge du Conseil d’État vendredi, n’était pas encourageant.)) — les en empêchent.

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      Courriel de Dominik, étudiant en Master de Science Politique à l’Université de Paris-1

       » (…) Je me permets de vous transmettre le point de vue qui est le mien, celui d’un étudiant lambda, mais qui passe beaucoup de temps à échanger avec les autres. Je vous conjure d’y prêter attention, parce que ces quelques lignes ne sont pas souvent écrites, mais elles passent leur temps à être prononcées entre étudiantes et étudiants.

      Je crois qu’il est temps, en effet, de se préoccuper de la situation, et de s’en occuper à l’échelle de l’université plutôt que chacun dans son coin. Cette situation, désolé de répéter ce qui a été dit précédemment, est alarmante au plus haut point. J’entends parler autour de moi de lassitude, de colère, de fatigue, voire de problèmes de santé graves, de dépressions et de décrochages. Ce ne sont pas des cas isolés, comme cela peut arriver en novembre, mais bien une tendance de fond qui s’accroît de jour en jour. J’ai reçu des appels d’étudiantes et d’étudiants qui pleuraient de fatigue, d’autres d’incompréhensions. L’un m’écrivait la semaine dernière qu’il s’était fait remettre sous antidépresseurs, tandis que plusieurs témoignent, en privé comme sur les groupes de discussion, de leur situation de “décrochage permanent”.

      Ce décrochage permanent, je suis en train de l’expérimenter, consiste à avoir en permanence un train de retard que l’on ne peut rattraper qu’en prenant un autre train de retard. Le travail est en flux tendu, de 9 heures à 21 heures pour les plus efficaces, de 9h à minuit, voire au-delà pour les plus occupés, ceux qui font au système l’affront de vouloir continuer à suivre un second cursus (linguistique, dans mon cas), voire pire, de continuer à s’engager dans la vie associative qui rend notre Alma Mater si singulière. Parce que nous l’oublions, mais la vitalité associative est elle aussi en grand danger.

      Pour revenir au décrochage permanent, qui est à la louche le lot de la moitié des étudiantes et étudiants de ma licence, et sûrement celui de milliers d’autres à travers l’Université, c’est une situation qui n’est tenable ni sur le plan physique, ni sur le plan psychique, ni sur le plan moral, c’est à dire de la mission que l’Université se donne.

      Sur le plan physique, nous sommes victimes de migraines, de fatigue oculaire (une étudiante me confiait il y a trois jours avoir les yeux qui brûlent sous ses lentilles), de maux de dos et de poignet. Certains sont à la limite de l’atrophie musculaire, assis toute la journée, avec pour seul trajet quotidien l’aller-retour entre leur lit et leur bureau, et éventuellement une randonnée dans leur cuisine. Je n’arrive pas non plus à estimer la part des étudiantes et étudiants qui ne s’alimente plus correctement, mangeant devant son écran ou sautant des repas.

      Sur le plan psychique, la solitude et la routine s’installent. Solitude de ne plus voir ni ses amis ni même quiconque à ce qui est censé être l’âge de toutes les expériences sociales, lassitude des décors (le même bureau, la même chambre, le même magasin), routine du travail (dissertation le lundi, commentaire le mardi, fiche de lecture le mercredi, etc. en boucle) et des cours (“prenez vos fascicules à la page 63, on va faire la fiche d’arrêt de la décision n°xxx”).

      Sur le plan moral, parce que notre Université est en train d’échouer. La Sorbonne plus que toute autre devrait savoir en quoi elle est un lieu de débat d’idées, d’élévation intellectuelle, d’émancipation et d’épanouissement. Sans vie associative, sans conférences, sans rencontres, sans soirées endiablées à danser jusqu’à 6 heures avant l’amphi de Finances publiques (désolé), sans les interventions interminables des trotskystes dans nos amphis, les expos dans la galerie Soufflot, les appariteurs tatillons en Sorbonne et les cafés en terrasse où on se tape dessus, entre deux potins, pour savoir s’il vaut mieux se rattacher à Bourdieu ou à Putnam, à Duguit ou à Hauriou, sans tout ce qui fait d’une Université une Université et de la Sorbonne la Sorbonne, nous sommes en train d’échouer collectivement.

      Sous prétexte de vouloir s’adapter à la situation sanitaire, nous avons créé un problème sanitaire interne à notre établissement, et nous l’avons recouvert d’une crise du sens de ce que nous sommes en tant qu’étudiantes et étudiants, et de ce que Paris I est en tant qu’Université.

      Ce problème majeur ne pourra être traité qu’à l’échelle de toute l’Université. Parce que nombre de nos étudiants dépendent de plusieurs composantes, et qu’il serait dérisoire de croire qu’alléger les cours d’une composante suffira à sauver de la noyade celles et ceux qui seront toujours submergés par les cours de la composante voisine. Parce qu’il semble que nous ayons décidé de tenir des examens normaux en présentiel en janvier, alors même que nombre d’entre nous sont confinés loin de Paris, alors même que la situation sanitaire demeure préoccupante, alors même qu’il serait risible de considérer qu’un seul étudiant de cette Université ait pu acquérir correctement les savoirs et savoir-faires qu’on peut exiger de lui en temps normal.

      Je ne dis pas qu’il faut tenir des examens en distanciel, ni qu’il faut les tenir en présentiel, pour être honnête je n’en ai pas la moindre idée. Je sais en revanche que faire comme si tout était normal alors que rien ne l’est serait un affront fait aux étudiants.

      J’ajoute, enfin, pour conclure ce trop long mot, que je ne parle pas ici des mauvais élèves. Lorsque je parle de la souffrance et de la pénibilité, c’est autant celle des meilleurs que des médiocres. Quand quelqu’un qui a eu 18,5 au bac s’effondre en larmes au bout du fil, ce n’est plus un problème personnel. Quand des étudiantes et étudiants qui ont été sélectionnés sur ParcourSup à raison d’une place pour cent, qui ont été pour beaucoup toute leur vie les modèles les plus parfaits de notre système scolaire, qui sont pour nombre d’entre eux d’anciens préparationnaires à la rue d’Ulm, quand ceux-là vous disent qu’ils souffrent et qu’ils n’en peuvent plus, c’est que le système est profondément cassé.

      Désolé, je n’ai pas de solutions. On en a trouvé quelques-unes dans notre UFR, elles sont listées dans le mail de M. Valluy, mais je persiste à croire que ce n’est pas assez. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut arrêter de faire comme si tout allait bien, parce que la situation est dramatique.

      Je sais, par ailleurs, que ce constat et cette souffrance sont partagés par nombre d’enseignants, je ne peux que leur témoigner mon indéfectible soutien. Je remercie également Messieurs Boncourt et Le Pape d’alerter sur cette situation, et ne peux que souscrire à leur propos.

      Prenez soin de notre société, Prenez soin de vous (…) »

      Dominik

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      Mesdames, Messieurs, chers étudiants,
      Comment vous dire ? Pas d’information ici, pas de renseignement. Je voulais vous parler, au nom de tous.
      La Faculté est froide, déserte. Pas de mouvement, pas de bruit, pas vos voix, pas vos rires, pas l’animation aux pauses. Il n’y a même plus un rayon de soleil dans la cour.
      Nous continuons à enseigner devant des écrans, avec des petites mains qui se lèvent sur teams et une parole à distance. Quelque fois nous vous voyons dans une petite vignette, un par un.
      Quelle tristesse qu’une heure de cours devant un amphithéâtre vide, dont on ne sent plus les réactions, à parler devant une caméra qui finit par vous donner le sentiment d’être, vous aussi, une machine.
      Quel manque d’âme dans ce monde internet, ce merveilleux monde du numérique dont même les plus fervents défenseurs perçoivent aujourd’hui qu’il ne remplacera jamais la chaleur d’une salle remplie de votre vie.

      Vous nous manquez, plus que vous ne l’imaginez. Vous nous manquez à tous, même si nous ne savons pas toujours ni vous le dire, ni vous le montrer.
      Et au manque s’ajoute aujourd’hui une forme de colère, contre le traitement qui vous est fait. Votre retour en février seulement ? Inadmissible. La rentrée en janvier est devenue notre combat collectif.
      Partout les Présidents d’Université expriment leur désaccord et seront reçus par le Premier Ministre. Les doyens de Faculté sont montés au créneau devant le Ministre de l’enseignement supérieur. On ne garantit pas d’être entendus mais on a expliqué que l’avenir ne s’emprisonne pas et que vous êtes l’avenir. Il semble que cela fasse sérieusement réfléchir.
      Si d’aventure nous obtenions gains de cause, et pouvions rentrer en janvier, je proposerai de décaler la rentrée en cas de besoin pour qu’on puisse reprendre avec vous.
      Et vous ?
      Ne croyez pas que nous ignorions que beaucoup d’entre vous se sentent isolés, délaissés, abandonnés même, et que, parfois, même les plus forts doutent. Nous percevons, malgré votre dignité en cours, que la situation est déplaisante, anxiogène, désespérante. Et nous pensons à celles et ceux qui ont été ou sont malades, ou qui voient leurs proches souffrir.
      Nous le sentons bien et souffrons de nous sentir impuissants à vous aider davantage.
      Je veux simplement vous dire que vous devez encore tenir le coup. C’est l’affaire de quelques semaines. C’est difficile mais vous allez y arriver. Vous y arriverez pour vous, pour vos proches, pour nous.

      Pour vous parce que, quelle que soit l’issue de ce semestre, vous aurez la fierté d’avoir résisté à cet orage. Vous aurez été capables de surmonter des conditions difficiles, et serez marqués, par ceux qui vous emploieront demain, du sceau de l’abnégation et courage. Ce sera, de toute façon, votre victoire.
      Pour vos proches parce qu’ils ont besoin, eux aussi, de savoir que vous ne cédez pas, que vous continuez à tout donner, que si vous avez parfois envie d’en pleurer, vous aurez la force d’en sourire.
      Pour nous enfin car il n’y aurait rien de pire pour nous que de ne pas vous avoir donné assez envie pour aller de l’avant. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais faisons honnêtement ce que nous pouvons et espérons, de toutes nos forces, vous avoir transmis un peu de notre goût pour nos disciplines, et vous avoir convaincus que vous progresserez aussi bien par l’adversité que par votre réussite de demain.
      Comment vous dire ? j’avais juste envie de vous dire que nous croyons en vous et que nous vous attendons. Bon courage !

      Amicalement
      Fabrice GARTNER
      Doyen de la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy
      Professeur de droit public à l’Université de Lorraine
      Directeur du Master 2 droit des contrats publics
      Avocat spécialiste en droit public au barreau d’Epinal

      https://academia.hypotheses.org/29334

    • « Un #dégoût profond pour cette République moribonde » , écrit un étudiant de sciences sociales

      Le message a circulé. Beaucoup.
      Sur les listes de diffusion, sur les plateformes de messagerie. Le voici publié sur un site : Bas les masques. Il n’est pas inutile de le relire. Et de continuer à se demander que faire. De son côté, Academia continue : proposer des analyses, proposer des actions.

      –---

      Bonjour,

      Je suis enseignant de sciences sociales en lycée en Bretagne et j’ai reçu le cri d’alarme d’un de mes ancien-ne-s élèves de première qui a participé à la manifestation parisienne contre la loi dite de sécurité globale le samedi 5 décembre dernier. Il a aujourd’hui 21 ans et il est étudiant.

      Je me sens démuni pour répondre seul à ce cri d’alarme alors je le relaie en espérant qu’il sera diffusé et qu’il suscitera quelque chose. Une réaction collective à imaginer. Mais laquelle ?

      Merci d’avance pour la diffusion et pour vos éventuelles réponses.

      « Bonjour Monsieur,

      Ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse de votre part, je cherchais simplement à écrire mon désarroi. Ne sachant plus à qui faire part du profond mal-être qui m’habite c’est vous qui m’êtes venu à l’esprit. Même si cela remonte à longtemps, l’année que j’ai passée en cours avec vous a eu une influence déterminante sur les valeurs et les idéaux qui sont aujourd’hui miens et que je tente de défendre à tout prix, c’est pour cela que j’ai l’intime conviction que vous serez parmi les plus à même de comprendre ce que j’essaye d’exprimer.

      Ces dernières semaines ont eu raison du peu d’espoir qu’il me restait. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette année était celle de mes 21 ans, c’est également celle qui a vu disparaître mon envie de me battre pour un monde meilleur. Chaque semaine je manifeste inlassablement avec mes amis et mes proches sans observer le moindre changement, je ne sais plus pourquoi je descends dans la rue, il est désormais devenu clair que rien ne changera. Je ne peux parler de mon mal-être à mes amis, je sais qu’il habite nombre d’entre eux également. Nos études n’ont désormais plus aucun sens, nous avons perdu de vue le sens de ce que nous apprenons et la raison pour laquelle nous l’apprenons car il nous est désormais impossible de nous projeter sans voir le triste futur qui nous attend. Chaque semaine une nouvelle décision du gouvernement vient assombrir le tableau de cette année. Les étudiants sont réduits au silence, privés de leurs traditionnels moyens d’expression. Bientôt un blocage d’université nous conduira à une amende de plusieurs milliers d’euros et à une peine de prison ferme. Bientôt les travaux universitaires seront soumis à des commissions d’enquêtes par un gouvernement qui se targue d’être le grand défenseur de la liberté d’expression. Qu’en est-il de ceux qui refuseront de rentrer dans le rang ?

      Je crois avoir ma réponse.

      Samedi soir, le 5 décembre, j’étais présent Place de la République à Paris. J’ai vu les forces de l’ordre lancer à l’aveugle par-dessus leurs barricades anti-émeutes des salves de grenades GM2L sur une foule de manifestants en colère, habités par une rage d’en découdre avec ce gouvernement et ses représentants. J’ai vu le jeune homme devant moi se pencher pour ramasser ce qui ressemblait à s’y méprendre aux restes d’une grenade lacrymogène mais qui était en réalité une grenade GM2L tombée quelques secondes plus tôt et n’ayant pas encore explosée. Je me suis vu lui crier de la lâcher lorsque celle-ci explosa dans sa main. Tout s’est passé très vite, je l’ai empoigné par le dos ou par le sac et je l’ai guidé à l’extérieur de la zone d’affrontements. Je l’ai assis au pied de la statue au centre de la place et j’ai alors vu ce à quoi ressemblait une main en charpie, privée de ses cinq doigts, sorte de bouillie sanguinolente. Je le rappelle, j’ai 21 ans et je suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de guerre. J’ai crié, crié et appelé les street medics à l’aide. Un homme qui avait suivi la scène a rapidement accouru, il m’a crié de faire un garrot sur le bras droit de la victime. Un garrot… Comment pourrais-je avoir la moindre idée de comment placer un garrot sur une victime qui a perdu sa main moins d’une minute plus tôt ? Après quelques instants qui m’ont paru interminables, les street medics sont arrivés et ont pris les choses en main. Jamais je n’avais fait face à un tel sentiment d’impuissance. J’étais venu manifester, exprimer mon mécontentement contre les réformes de ce gouvernement qui refuse de baisser les yeux sur ses sujets qui souffrent, sur sa jeunesse qui se noie et sur toute cette frange de la population qui suffoque dans la précarité. Je sais pertinemment que mes protestations n’y changeront rien, mais manifester le samedi me permet de garder à l’esprit que je ne suis pas seul, que le mal-être qui m’habite est général. Pourtant, ce samedi plutôt que de rentrer chez moi heureux d’avoir revu des amis et d’avoir rencontré des gens qui gardent espoir,je suis rentré chez moi dépité, impuissant et révolté. Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui. Comment en suis-je arrivé là ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

      Je n’ai plus peur de le dire. Aujourd’hui j’ai un dégoût profond pour cette République moribonde. Les individus au pouvoir ont perverti ses valeurs et l’ont transformée en appareil répressif à la solde du libéralisme. J’ai développé malgré moi une haine profonde pour son bras armé qui défend pour envers et contre tous ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont que faire de ce qu’il se passe en bas de leurs châteaux. J’ai toujours défendu des valeurs humanistes et pacifistes, qui m’ont été inculquées par mes parents et desquelles j’ai jusqu’ici toujours été très fier. C’est donc les larmes aux yeux que j’écris ceci mais dites-moi Monsieur, comment aujourd’hui après ce que j’ai vu pourrais-je rester pacifique ? Comment ces individus masqués, sans matricules pourtant obligatoires peuvent-ils nous mutiler en toute impunité et rentrer chez eux auprès de leur famille comme si tout était normal ? Dans quel monde vivons-nous ? Dans un monde où une association de policiers peut ouvertement appeler au meurtre des manifestants sur les réseaux sociaux, dans un monde où les parlementaires et le gouvernement souhaitent renforcer les pouvoirs de cette police administrative qui frappe mutile et tue.Croyez-moi Monsieur, lorsque je vous dis qu’il est bien difficile de rester pacifique dans un tel monde…

      Aujourd’hui être français est devenu un fardeau, je suis l’un de ces individus que l’Etat qualifie de « séparatiste », pourtant je ne suis pas musulman, ni même chrétien d’ailleurs. Je suis blanc, issu de la classe moyenne, un privilégié en somme… Mais quelle est donc alors cette religion qui a fait naître en moi une telle défiance vis-à-vis de l’Etat et de la République ? Que ces gens là-haut se posent les bonnes questions, ma haine pour eux n’est pas due à un quelconque endoctrinement, je n’appartiens à l’heure actuelle à aucune organisation, à aucun culte « sécessioniste ». Pourtant je suis las d’être français, las de me battre pour un pays qui ne veut pas changer. Le gouvernement et les individus au pouvoir sont ceux qui me poussent vers le séparatisme. Plutôt que de mettre sur pied des lois visant à réprimer le séparatisme chez les enfants et les étudiants qu’ils s’interrogent sur les raisons qui se cachent derrière cette défiance. La France n’est plus ce qu’elle était, et je refuse d’être associé à ce qu’elle représente aujourd’hui. Aujourd’hui et malgré moi je suis breton avant d’être français. Je ne demanderais à personne de comprendre mon raisonnement, seulement aujourd’hui j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose, une lueur, qui aussi infime soit-elle me permette de croire que tout n’est pas perdu. Ainsi c’est à regret que je dis cela mais cette lueur je ne la retrouve plus en France, nous allons au-devant de troubles encore plus grands, le pays est divisé et l’antagonisme grandit de jour en jour. Si rien n’est fait les jeunes qui comme moi chercheront une sortie, un espoir alternatif en lequel croire, quand bien même celui-ci serait utopique, seront bien plus nombreux que ne l’imaginent nos dirigeants. Et ce ne sont pas leurs lois contre le séparatisme qui pourront y changer quelque chose. Pour certains cela sera la religion, pour d’autre comme moi, le régionalisme. Comment pourrait-il en être autrement quand 90% des médias ne s’intéressent qu’aux policiers armés jusqu’aux dents qui ont été malmenés par les manifestants ? Nous sommes plus de 40 heures après les événements de samedi soir et pourtant je n’ai vu nulle part mentionné le fait qu’un manifestant avait perdu sa main, qu’un journaliste avait été blessé à la jambe par des éclats de grenades supposées sans-danger. Seul ce qui reste de la presse indépendante tente encore aujourd’hui de faire la lumière sur les événements terribles qui continuent de se produire chaque semaine. Soyons reconnaissants qu’ils continuent de le faire malgré les tentatives d’intimidation qu’ils subissent en marge de chaque manifestation.

      Je tenais à vous le dire Monsieur, la jeunesse perd pied. Dans mon entourage sur Paris, les seuls de mes amis qui ne partagent pas mon mal-être sont ceux qui ont décidé de fermer les yeux et de demeurer apolitiques. Comment les blâmer ? Tout semble plus simple de leur point de vue. Nous sommes cloitrés chez nous pendant que la planète se meurt dans l’indifférence généralisée, nous sommes rendus responsables de la propagation du virus alors même que nous sacrifions nos jeunes années pour le bien de ceux qui ont conduit la France dans cette impasse. Les jeunes n’ont plus l’envie d’apprendre et les enseignants plus l’envie d’enseigner à des écrans noirs. Nous sacrifions nos samedis pour aller protester contre ce que nous considérons comme étant une profonde injustice, ce à quoi l’on nous répond par des tirs de grenades, de gaz lacrymogènes ou de LBD suivant les humeurs des forces de l’ordre. Nous sommes l’avenir de ce pays pourtant l’on refuse de nous écouter, pire, nous sommes muselés. Beaucoup de chose ont été promises, nous ne sommes pas dupes.

      Ne gaspillez pas votre temps à me répondre. Il s’agissait surtout pour moi d’écrire mes peines. Je ne vous en fait part que parce que je sais que cette lettre ne constituera pas une surprise pour vous. Vous êtes au premier rang, vous savez à quel point l’abime dans laquelle sombre la jeunesse est profonde. Je vous demanderai également de ne pas vous inquiéter. Aussi sombre cette lettre soit-elle j’ai toujours la tête bien fixée sur les épaules et j’attache trop d’importance à l’éducation que m’ont offert mes parents pour aller faire quelque chose de regrettable, cette lettre n’est donc en aucun cas un appel au secours. J’éprouvais seulement le besoin d’être entendu par quelqu’un qui je le sais, me comprendra.

      Matéo »

      https://academia.hypotheses.org/29546

    • Les étudiants oubliés : de la #méconnaissance aux #risques

      Ce qui suit n’est qu’un billet d’humeur qui n’engage évidemment ni la Faculté, ni ses étudiants dont je n’entends pas ici être le représentant. Et je ne parle que de ceux que je crois connaître, dans les disciplines de la Faculté qui est la mienne. On ne me lira pas jusqu’au bout mais cela soulage un peu.

      Le président de la République a vécu à « l’isolement » au pavillon de la Lanterne à Versailles. Ce n’était pas le #confinement d’un étudiant dans sa chambre universitaire, mais il aura peut-être touché du doigt la vie « sans contact ». On espère qu’elle cessera bientôt pour nos étudiants, les oubliés de la République…

      #Oubliés des élus (j’excepte mon député qui se reconnaîtra), y compris locaux, qui, après avoir milité pour la réouverture des petits commerces, n’ont plus que le 3e confinement comme solution, sans y mettre, et c’est le reproche que je leur fais, les nuances qu’appelle une situation estudiantine qui devient dramatique.

      Oubliés depuis le premier confinement. Alors qu’écoliers, collégiens et lycéens rentraient, ils n’ont jamais eu le droit de revenir dans leur Faculté. Le « #distanciel » était prôné par notre Ministère. On neutralisera finalement les dernières épreuves du baccalauréat, acquis sur tapis vert. Pourtant, aux étudiants, et à nous, on refusera la #neutralisation des #examens d’un semestre terminé dans le chaos. Ils devront composer et nous tenterons d’évaluer, mal.

      Tout le monde rentre en septembre… Pour les étudiants, le ministère entonne désormais l’hymne à « l’#enseignement_hybride »… On coupe les promotions en deux. On diffuse les cours en direct à ceux qui ne peuvent s’asseoir sur les strapontins désormais scotchés… Les étudiants prennent l’habitude du jour sur deux. Les débuts technologiques sont âpres, nos jeunes ont une patience d’ange, mais on sera prêts à la Toussaint.

      Oubliés au second confinement. Le Ministre de l’éducation a obtenu qu’on ne reconfine plus ses élèves, à raison du risque de #décrochage. Lui a compris. L’enseignement supérieur n’obtient rien et reprend sa comptine du « distanciel ». Les bambins de maternelle pourront contaminer la famille le soir après une journée à s’esbaudir sans masque, mais les étudiants n’ont plus le droit de venir, même masqués, même un sur deux, alors que c’est la norme dans les lycées.

      Oubliés à l’annonce de l’allègement, quand ils, apprennent qu’ils ne rentreront qu’en février, quinze jours après les restaurants… Pas d’explication, pas de compassion. Rien. Le Premier ministre, décontenancé lors d’une conférence de presse où un journaliste, un original pour le coup, demandera … « et les étudiants ? », répondra : « Oui, nous avons conscience de la situation des étudiants ».

      Des collègues croyant encore aux vertus d’un #référé_liberté agiront devant le Conseil d’Etat, en vain. Merci à eux d’avoir fait la démarche, sous la conduite de Paul Cassia. Elle traduit une demande forte, mais sonne comme un prêche dans le désert.

      Oubliés alors que le ministère a connaissance depuis décembre des chiffres qui montrent une situation psychologique dégradée, des premières tentatives de suicide. Il a répondu… ! Nos dernières circulaires nous autorisent à faire revenir les étudiants dès janvier pour… des groupes de soutien ne dépassant pas 10 étudiants… Ce n’est pas de nounous dont les étudiants ont besoin, c’est de leurs enseignants. Et les profs n’ont pas besoin d’assistants sociaux, ils veulent voir leurs étudiants.

      On pourrait refaire des travaux dirigés en demi salles… à une date à fixer plus tard. Le vase déborde ! Quand va-t-on sérieusement résoudre cet #oubli qui ne peut résulter que de la méconnaissance et annonce des conséquences graves.

      La méconnaissance

      Fort d’une naïveté qu’on veut préserver pour survivre, on va croire que l’oubli est le fruit non du mépris, mais d’une méprise.

      Les étudiants sont d’abord victimes de leur nombre. Le Premier Ministre parlera d’eux comme d’un « #flux », constitué sans doute d’écervelés convaincus d’être immortels et incapables de discipline. Les éloigner, c’est évidemment écarter la masse, mais l’argument cède devant les étudiants (les nôtres par exemple), qui ont prouvé leur capacité à passer leurs examens « en présentiel » dans un respect impressionnant des consignes. Il cède aussi devant la foule de voyageurs du métro ou les files d’attente des grands magasins. Brassage de population ? Il y en a des pires.

      Ils sont ensuite victime d’un cliché tenace. Dans un amphi, il ne se passe rien. L’enseignant débite son cours et s’en va. Le cours ayant tout d’un journal télévisé, on peut le… téléviser. Tous les enseignants, mais se souvient-on qu’ils existent, savaient et on redécouvert que tout dans un amphi est fait d’échanges avec la salle : des #regards, des #sourires, des sourcils qui froncent, un brouhaha de doute, un rire complice. Le prof sent son public, redit quand il égare, accélère quand il ennuie, ralentit quand il épuise.

      Le ministère croit le contraire, et le Conseil d’Etat, dont l’audace majeure aura été de critiquer la jauge dans les églises, a cédé au cliché pour les amphis en jugeant que le distanciel « permet l’accès à l’enseignement supérieur dans les conditions sanitaires » actuelles (ord. n°447015 du 10 décembre). Nous voilà sauvés. Le prêtre serait-il plus présent que le professeur ? La haute juridiction, pour les théâtres, admettant que leurs #mesures_sanitaires sont suffisantes, nous avons d’ailleurs les mêmes, concèdera que leur fermeture compromet les libertés mais doit être maintenue dans un « contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population », autant dire tant que le gouvernement jugera que ça circule beaucoup (ord. n°447698 du 23 décembre). Si on résume, « 30 à la messe c’est trop peu », « pour les études la télé c’est suffisant » et « on rouvrira les théâtres quand ca ira mieux ».

      Au ministère, on imagine peut-être que les étudiants se plaisent au distanciel. Après tout, autre #cliché d’anciennes époques, ne sont-ils pas ces comateux en permanente grasse matinée préférant se vautrer devant un écran en jogging plutôt que subir la corvée d’un cours ? Cette armée de geeks gavés à la tablette depuis la poussette ne goûtent-ils pas la parenté entre un prof en visio et un jeu vidéo ? Ils n’en peuvent plus de la distance, de ces journées d’écran… seuls, au téléphone ou via des réseaux sociaux souvent pollués par des prophètes de malheur ayant toujours un complot à dénoncer et une rancoeur à vomir.

      Enfin, les étudiants, adeptes chaque soir de chouilles contaminantes, doivent rester éloignés autant que resteront fermés les bars dont ils sont les piliers. Ignore-t-on que la moitié de nos étudiants sont boursiers, qu’ils dépenseront leurs derniers euros à acheter un livre ou simplement des pâtes plutôt qu’à s’enfiler whisky sur vodka… ? Ignore-t-on les fêtes thématiques, les soirées littéraires, les conférences qu’ils organisent ? Quand on les côtoie, ne serait-ce qu’un peu, on mesure que leur #convivialité n’est pas celles de soudards.

      Ils survivraient sans les bars et peuvent rentrer avant qu’on les rouvre.

      Ceux qui les oublient par facilité ne les connaissent donc pas. Et c’est risqué.

      Le risque

      Le risque est pédagogique. On sait que ça décroche, partout. Les titulaires du bac sans l’avoir passé n’ont plus de repères. Leur échec est une catastrophe annoncée. Les étudiants plus aguerris ne sont pas en meilleur forme. L’#apprentissage est plus difficile, la compréhension est ralentie par l’absence d’échange. Et, alors que deux semestres consécutifs ont déjà été compromis, le premier dans l’urgence, le second par facilité, faut-il en ajouter un troisième par #lâcheté ? La moitié d’une licence gachée parce qu’on ne veut pas prendre le risque de faire confiance aux jeunes ? Les pédagogues voient venir le mur et proposent qu’on l’évite au lieu d’y foncer en klaxonnant.

      Le risque est économique. On ne confine pas les élèves en maternelle car il faut que les parents travaillent. Les étudiants ne produisent rien et peuvent se garder seuls. C’est pratique ! Mais le pari est à court terme car la génération qui paiera la dette, c’est eux. Faut-il décourager des vocations et compromettre l’insertion professionnelle de ceux qui devront avoir la force herculéenne de relever l’économie qu’on est en train de leur plomber ? Plus que jamais la #formation doit être une priorité et le soutien aux jeunes un impératif.

      Il est sanitaire. A-t-on eu des #clusters dans notre fac ? Non. Et pourtant on a fonctionné 7 semaines, avec bien moins de contaminations que dans les écoles, restées pourtant ouvertes. On sait les efforts et le sacrifice des soignants. Nul ne met en doute ce qu’ils vivent et ce qu’ils voient. Les étudiants ont eu, eux aussi, des malades et des morts. Ils savent ce qu’est la douleur. Les enseignants aussi. Mais la vie est là, encore, et il faut la préserver aussi.

      Et attention qu’à force de leur interdire les lieux dont les universités ont fait de véritables sanctuaires, on les incite aux réunions privées, à dix dans un studio juste pour retrouver un peu de partage. On sait pourtant que c’est dans la sphère privée que réside le problème. Le retour dans les #amphis, c’est la réduction du #risque_privé, et non l’amplification du #risque_public.

      Il est humain. Un étudiant n’est pas un être solitaire. Il étudie pour être utile aux autres. Il appartient toujours à une #promo, qu’en aucun cas les réseaux sociaux ne peuvent remplacer. Il voulait une #vie_étudiante faite des découvertes et des angoisses d’un début de vie d’adulte avec d’autres jeunes adultes. Ce n’est pas ce qu’on lui fait vivre, pas du tout. L’isolement le pousse au doute, sur la fac, sur les profs, sur les institutions en général, et, pire que tout, sur lui-même. La #sécurité_sanitaire conduit, chez certains, à la victoire du « à quoi bon ». Si quelques uns s’accommodent de la situation, la vérité est que beaucoup souffrent, ce qu’ils n’iront pas avouer en réunion publique quand on leur demande s’ils vont bien. Beaucoup se sentent globalement délaissés, oubliés, voire méprisés. Va-t-on continuer à leur répondre « plus tard », « un peu de patience », sans savoir jusque quand du reste, et attendre qu’on en retrouve morts ?

      Il est aussi politique. Certains étudiants ont la sensation de payer pour d’autres ; ceux qui ont affaibli l’hôpital, ceux qui n’ont pas renouvelé les masques, ceux qui ont cru à une grippette, et on en passe. Il est temps d’éviter de les culpabiliser, même indirectement.

      Pour retrouver une #confiance passablement écornée, les gouvernants doivent apprendre à faire confiance à leur peuple, au lieu de s’en défier. Les étudiants sont jeunes mais, à condition de croire que c’est une qualité, on peut parier qu’ils ne décevront personne s’ils peuvent faire leurs propres choix. N’est-ce pas à cela qu’on est censé les préparer ?

      Si la préservation des populations fragiles est un devoir que nul ne conteste, au jeu de la #fragilité, les étudiants ont la leur ; leur inexpérience et le besoin d’être guidés.

      Dans l’histoire de l’Homme, les aînés ont toujours veillé à protéger la jeune génération. Les parents d’étudiants le font dans chaque famille mais à l’échelle du pays c’est la tendance inverse. Une génération de gouvernants ignore les #jeunes pour sauver les ainés. Doit-on, pour éviter que des vies finissent trop tôt, accepter que d’autres commencent si mal ? C’est un choc de civilisation que de mettre en balance à ce point l’avenir sanitaire des uns et l’avenir professionnel des autres.

      Alors ?

      Peut-on alors revenir à l’équilibre et au bon sens ? Que ceux qui ont besoin d’être là puissent venir, et que ceux qui préfèrent la distance puissent la garder ! Que les enseignants qui veulent des gens devant eux les retrouvent et que ceux qui craindraient pour eux ou leurs proches parlent de chez eux. Peut-on enfin laisser les gens gérer la crise, en fonction des #impératifs_pédagogiques de chaque discipline, des moyens de chaque établissement, dans le respect des normes ? Les gens de terrain, étudiants, enseignants, administratifs, techniciens, ont prouvé qu’ils savent faire.

      Quand le silence vaudra l’implicite réponse « tout dépendra de la situation sanitaire », on aura compris qu’on fait passer le commerce avant le savoir, comme il passe avant la culture, et qu’on a préféré tout de suite des tiroirs caisses bien pleins plutôt que des têtes bien faites demain.

      https://academia.hypotheses.org/29817

    • Covid-19 : des universités en souffrance

      En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants comme les étudiants. Ces difficultés sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités.

      Les années passées sur les bancs de l’université laissent en général des souvenirs émus, ceux de la découverte de l’indépendance et d’une immense liberté. La connaissance ouvre des horizons, tandis que se construisent de nouvelles relations sociales et amicales, dont certaines se prolongeront tout au long de la vie.

      Mais que va retenir la génération d’étudiants qui tente de poursuivre ses études malgré la pandémie de Covid-19 ? Isolés dans des logements exigus ou obligés de retourner chez leurs parents, livrés à eux-mêmes en raison des contraintes sanitaires, les jeunes traversent une épreuve dont ils ne voient pas l’issue. Faute de perspectives, l’épuisement prend le dessus, l’angoisse de l’échec est omniprésente, la déprime menace.

      Des solutions mêlant enseignement présentiel et à distance ont certes permis d’éviter les décrochages en masse, mais elles n’ont pas empêché l’altération de la relation pédagogique. Vissés derrière leur écran pendant parfois plusieurs heures, les étudiants pâtissent de l’absence d’échanges directs avec les professeurs, dont certains ont du mal à adapter leurs cours aux nouvelles contraintes. Faute de pouvoir transmettre leur savoir dans de bonnes conditions, certains enseignants passent du temps à faire du soutien psychologique.

      Ces difficultés sont communes à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, partout dans le monde. Mais en France, elles sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités et une ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui brille par sa discrétion.
      Deux vitesses dans l’enseignement supérieur

      Les universités anglo-saxonnes ont adopté des politiques plus radicales, mais qui ont le mérite de la clarté. Bon nombre d’entre elles ont décidé dès l’été que le semestre d’automne, voire toute l’année, serait entièrement en ligne. En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants, les empêchent de se projeter, tandis que les étudiants peinent à s’adapter sur le plan matériel, certains se retrouvant contraints de payer le loyer d’un appartement devenu inutile, alors que tous les cours sont à distance.

      La situation est d’autant plus difficile à vivre que l’enseignement supérieur avance à deux vitesses. Hormis pendant le premier confinement, les élèves des classes préparatoires et des BTS, formations assurées dans des lycées, ont toujours suivi leurs cours en présentiel. En revanche, pour l’université, c’est la double peine. Non seulement les étudiants, généralement moins favorisés sur le plan social que ceux des classes préparatoires aux grandes écoles, sont moins encadrés, mais ils sont contraints de suivre les cours en ligne. Cette rupture d’égalité ne semble émouvoir ni la ministre ni le premier ministre, qui n’a pas eu un mot pour l’enseignement supérieur lors de sa conférence de presse, jeudi 7 janvier.

      Là encore, la pandémie agit comme un révélateur de faiblesses préexistantes. Les difficultés structurelles des universités ne sont que plus visibles. Ainsi, les établissements ne parviennent pas à assumer l’autonomie qui leur a été octroyée. Obligés d’accueillir chaque année davantage d’étudiants, soumis à des décisions centralisées, ils manquent de moyens, humains et financiers, pour s’adapter. Les dysfonctionnements techniques lors des partiels, reflet d’une organisation indigente ou sous-dimensionnée, en ont encore témoigné cette semaine.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/09/covid-19-des-universites-en-souffrance_6065728_3232.html

    • Hebdo #96 : « Frédérique Vidal devrait remettre sa démission » – Entretien avec #Pascal_Maillard

      Face au danger grave et imminent qui menace les étudiants, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté des lettres de l’université de Strasbourg et blogueur de longue date du Club Mediapart, considère que « l’impréparation du ministère de l’enseignement et de la recherche est criminelle ». Il appelle tous ses collègues à donner leurs cours de travaux dirigés (TD) en présentiel, même si pour cela il faut « boycotter les rectorats » !

      C’est comme si l’on sortait d’une longue sidération avec un masque grimaçant au visage. D’un cauchemar qui nous avait enfoncé dans une nuit de plus en plus noire, de plus en plus froide, sans issue. Et puis d’un coup, les étudiants craquent et on se dit : mais bon sang, c’est vrai, c’est inhumain ce qu’on leur fait vivre ! Nous abandonnons notre jeunesse, notre avenir, en leur apprenant à vivre comme des zombies.

      Depuis le début de la crise sanitaire, ils sont désocialisés, sans perspective autre que d’être collés à des écrans. Une vie numérique, les yeux éclatés, le corps en vrac et le cœur en suspens. Le mois de décembre avait pourtant redonné un peu d’espoir, Emmanuel Macron parlait de rouvrir les universités, de ne plus les sacrifier. Et puis, pschitt ! plus rien. Les fêtes sont passées et le discours du 7 janvier du premier ministre n’a même pas évoqué la question de l’enseignement supérieur. Un mépris intégral !

      Dans le Club, mais aussi fort heureusement dans de nombreux médias, la réalité catastrophique des étudiants a pris la une : ils vont mal, se suicident, pètent les plombs et décrochent en masse. De notre côté, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté de lettres de l’université de Strasbourg, et blogueur infatigable depuis plus de 10 ans chez nous, a sonné la sirène d’alarme avec un premier billet, Sommes-nous encore une communauté ?, suivi quelques jours plus tard de Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », qui reprend une série de propositions formulées par le collectif RogueESR.

      Pour toucher de plus près ce qui se passe dans les universités, aux rouages souvent incompréhensibles vu de l’extérieur, mais aussi pour imaginer comment reprendre la main sur cette situation (car des solutions, il y en a !), nous lui avons passé hier soir un long coup de fil. Stimulant !

      Club Mediapart : Dans votre dernier billet, Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », vous publiez une série de propositions formulées par le collectif RogueESR pour améliorer la sécurité en vue d’une reprise des cours. Certaines exigeraient surtout du courage (réaménagement des locaux, organisation intelligente des travaux dirigés en présentiel, etc.), mais d’autres demandent des investissements matériels et financiers substantiels. Quels sont, d’après vous, les leviers possibles pour que ces propositions soient prises en compte par les instances dirigeantes ?

      Pascal Maillard : Les leviers sont multiples. Ces dernières semaines, il s’est passé quelque chose de très important : il y a eu une prise de conscience générale que l’État a abandonné l’université, les étudiants, ses personnels, alors que, dans le même temps, il subventionne l’économie à coups de milliards. Aujourd’hui, même les présidents d’université se manifestent pour dire qu’il faut en urgence faire revenir les étudiants parce que la situation est dramatique ! Je crois qu’il faut un mouvement collectif, un mouvement de masse de l’ensemble des étudiants et de la communauté universitaire pour dire : « Maintenant, ça suffit ! » L’État a aussi abandonné la culture, et c’est scandaleux car on ne peut pas vivre sans culture, mais au moins il l’a subventionnée. En revanche, pour l’université, aucune aide. On n’a rien vu, sinon !

      Club Mediapart : Avez-vous avez fait une évaluation de ces investissements et renforts humains ?

      PM : C’est vraiment très peu de moyens. Quelques dizaines de millions permettraient de financer des capteurs de CO2 (un capteur coûte 50 euros) et des filtres Hepa pour avoir une filtration sécurisée (une centaine d’euros). On peut installer également, c’est ce que préconise le collectif RogueESR (collectif informel composé d’une cinquantaine de collègues enseignants-chercheurs très actifs), des hottes aspirantes au-dessus des tables dans les lieux de restauration. Ces investissements seraient plus importants, mais ne dépasseraient pas 200/300 euros par unité. Le problème, c’est que l’État ne prend pas la décision de financer ces investissements qui permettraient de rouvrir les universités de façon plus sécurisée. Par ailleurs, il faut rappeler que certains amphithéâtres peuvent accueillir au-delà de la jauge de 50 % car ils sont très bien ventilés. Il est urgent aujourd’hui de calculer le taux de CO2, on sait le faire, on a les moyens de le faire. Ce que le collectif RoqueESR dit dans son texte et avec lequel je suis complètement d’accord, c’est que comme l’État ne veut rien faire, il faut que l’on prenne en charge ces décisions nous-mêmes.

      Club Mediapart : Dans ce billet, vous mettez le gouvernement et la bureaucratie universitaire sur le même plan. N’y a-t-il pas quand même des différences et des marges de manœuvre du côté des présidents d’université ?

      PM : Non, je crois que la grande majorité des présidents ont fait preuve de suivisme par rapport à la ligne définie par le gouvernement et Frédérique Vidal, à savoir le développement et l’exploitation maximum des ressources numériques. On n’a pas eu de filtre Hepa, mais on a eu des moyens importants pour l’informatique, les cours à distance, le développement de Moodle et des outils de visioconférence. Là, il y a eu des investissements lourds, y compris de la part du ministère, qui a lancé des appels à projets sur l’enseignement et les formations numériques. Frédérique Vidal pousse depuis de nombreuses années au tout numérique, ce n’est pas nouveau.

      Club Mediapart : Peut-on quand même attendre quelque chose de la réunion prévue ce vendredi entre les présidents d’université et Frédérique Vidal ?

      PM : Je crois que ce sont les impératifs sanitaires qui vont l’emporter. Frédérique Vidal, qui a fait preuve non seulement d’indifférence à l’égard des étudiants mais aussi d’une grande incompétence et d’un manque de fermeté pour défendre l’université, n’est plus crédible.

      Club Mediapart : Dans le fil de commentaires du dernier billet de Paul Cassia, qui montre bien comment les articles et les circulaires ministérielles ont « coincé » les directions d’université, vous proposez la réécriture de l’article 34 du décret du 10 janvier pour assouplir l’autorisation de retour en présentiel dans les universités. Cette modification ne risque-t-elle pas de reporter la responsabilité vers les présidents d’université au profit du gouvernement, qui pourrait se dédouaner encore plus de tout ce qui va se passer ?

      PM : Depuis le début, la stratégie du gouvernement est la même que celle des présidents d’université : la délégation au niveau inférieur. La ministre fait rédiger par sa bureaucratie des circulaires qui sont vagues, très pauvres, qui n’ont même pas de valeur réglementaire et qui disent en gros : c’est aux présidents de prendre leurs responsabilités. Mais que font les présidents, pour un grand nombre d’entre eux ? Afin de ne pas trop engager leur responsabilité juridique, que ce soit pour les personnels ou les étudiants, ils laissent les composantes se débrouiller. Mais les composantes ne reçoivent pas de moyens pour sécuriser les salles et pour proposer des heures complémentaires, des créations de postes, etc. Les seuls moyens qui sont arrivés dans les établissements sont destinés à des étudiants pour qu’ils aident d’autres étudiants en faisant du tutorat par groupe de 10. À l’université de Strasbourg, ça s’appelle REPARE, je crois (raccrochement des étudiants par des étudiants). Ce sont des étudiants de L3 et de masters qui sont invités à faire du tutorat pour soutenir des étudiants de L1/L2. Cela permet à des étudiants qui sont désormais malheureusement sans emploi, sans revenu, d’avoir un emploi pendant un certain temps. Ça, c’est l’aspect positif. Mais ces étudiants, il faut 1/ les recruter, 2/ il est très important de les former et de les accompagner.

      Club Mediapart : la démission de Frédérique Vidal fait-elle débat parmi les enseignants et les chercheurs ?

      PM : Frédérique Vidal nous a abandonnés, elle a aussi laissé Blanquer, qui a l’oreille de Macron, lancer sa guerre contre les « islamo-gauchistes », et puis elle a profité de la crise sanitaire pour détruire un peu plus l’université. C’est elle qui a fait passer la LPR en situation d’urgence sanitaire, alors même qu’elle avait dit pendant le premier confinement qu’il était hors de question en période d’urgence sanitaire de faire passer des réformes. La version la plus radicale en plus ! La perspective est vraiment de détruire le Conseil national des universités.

      J’ai appris hier avec une grande tristesse que Michèle Casanova, une grande archéologue, spécialiste de l’Iran, est décédée le 22 décembre. Elle s’est battue pendant un mois et demi contre le Covid. Elle était professeure des universités à Lyon, elle venait d’être nommée à Paris-Sorbonne Université. Des collègues sont morts, pas que des retraités, mais aussi des actifs.

      La ministre n’a rien dit pour les morts dans l’université et la recherche. Pas un mot. Ils sont en dessous de tout. Ils n’ont plus le minimum d’humanité que l’on attend de responsables politiques. Ils ont perdu l’intelligence et la décence, ils ont perdu la compétence et ils ne sont plus que des technocrates, des stratèges qui ne pensent qu’à leur survie politique. Ce sont des communicants, sans éthique. La politique sans l’éthique, c’est ça le macronisme.

      Aujourd’hui, les universitaires ont à l’esprit deux choses. D’une part la mise en pièces du statut des enseignants-chercheurs avec la LPR qui conduit à la destruction du Conseil national des universités : nous avons appris cette semaine que la fin de la qualification pour devenir professeur des universités étaient effective pour les maîtres de conférences titulaires, là immédiatement, sans décret d’application. Des centaines de collègues ont envoyé leur demande de qualification au CNU. Ce pouvoir bafoue tous nos droits, il bafoue le droit en permanence. D’autre part, bien sûr, les conditions calamiteuses et l’impréparation de cette rentrée. Aujourd’hui, on ne sait pas si l’on va pouvoir rentrer la semaine prochaine. On ne sait rien ! Rien n’a été préparé et je pense que c’est volontaire. Cette impréparation est politique, elle est volontaire et criminelle. Je pèse mes mots et j’assume. C’est criminel aujourd’hui de ne pas préparer une rentrée quand des milliers d’étudiants et d’enseignants sont dans la plus grande souffrance qui soit !

      Club Mediapart : Avec en plus des inégalités entre étudiants absolument incompréhensibles…

      PM : Absolument ! Les BTS et les classes préparatoires sont restés ouverts et fonctionnent à plein. Aujourd’hui, les enseignants qui préparent aux grandes écoles, que ce soit dans les domaines scientifiques ou littéraires ou les préparations aux écoles de commerce, ont la possibilité de faire toutes leurs colles jusqu’à 20 heures, avec des dérogations… devant 40/50 étudiants. Ce que l’on ne dit pas aujourd’hui, c’est que les étudiants de classe préparatoire eux aussi vont mal. Ils sont épuisés, ils n’en peuvent plus. 40 heures de cours masqués par semaine. Comment ça se vit ? Mal. Il y a pour l’instant assez peu de clusters de contamination dans les classes prépas. Les conditions sanitaires dans ces salles, souvent exiguës et anciennes, sont pourtant bien plus mauvaises que dans les grandes salles et les amphis des universités. Ces classes, qui bénéficient de moyens plus importants – un étudiant de classe prépa coûte à l’État entre 15 000 et 17 000 euros, tandis qu’un étudiant coûte entre 5 000 et 7 000 euros –, ont le droit à l’intégralité de leurs cours, tandis que les étudiants, eux, sont assignés à résidence. Il est clair que ce traitement vient élever au carré l’inégalité fondatrice du système de l’enseignement supérieur français entre classes prépas (dont les élèves appartiennent, le plus souvent, à des classes sociales plus favorisées) et universités.

      Club Mediapart : Est-ce que l’on peut s’attendre à une mobilisation importante le 26 janvier ?

      PM : Le 26 janvier sera une date importante. L’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche appelle à une journée nationale de grève et de mobilisation le 26, avec un mot d’ordre clair : un retour des étudiants à l’université dans des conditions sanitaires renforcées. Mais, à mon sens, il faut accompagner cette demande de retour aux cours en présence de moyens financiers, techniques et humains conséquents. L’intersyndicale demande 8 000 postes pour 2021. On en a besoin en urgence. Il y a donc une urgence à accueillir en vis-à-vis les étudiants de L1 et L2, mais ensuite progressivement, une fois que l’on aura vérifié les systèmes de ventilation, installé des filtres Hepa, etc., il faudra accueillir le plus rapidement possible les étudiants de tous les niveaux. J’insiste sur le fait que les étudiants de Licence 3, de master et même les doctorants ne vont pas bien. Il n’y a pas que les primo-entrants qui vont mal, même si ce sont les plus fragiles. Je suis en train de corriger des copies de master et je m’en rends bien compte. Je fais le même constat pour les productions littéraires des étudiants que j’ai pu lire depuis huit mois dans le cadre d’ateliers de création littéraire. En lisant les textes de ces étudiants de L1, souvent bouleversants et très engagés, je mesure à quel point le confinement va laisser des traces durables sur elles et sur eux.

      Club Mediapart : Ce sont les thèmes traités qui vous préoccupent…

      PM : Il y a beaucoup, beaucoup de solitude, de souffrance, d’appels à l’aide et aussi l’expression forte d’une révolte contre ce que le monde des adultes est en train de faire à la jeunesse aujourd’hui. Il y a une immense incompréhension et une très grande souffrance. La question aujourd’hui, c’est comment redonner du sens, comment sortir de la peur, enrayer la psychose. Il faut que l’on se batte pour retrouver les étudiants. Les incompétents qui nous dirigent aujourd’hui sont des criminels. Et je dis aujourd’hui avec force qu’il faut démettre ces incompétents ! Frédérique Vidal devrait remettre sa démission. Elle n’est plus crédible, elle n’a aucun poids. Et si le gouvernement ne donne pas à l’université les moyens de s’équiper comme il convient pour protéger ses personnels et ses étudiants, ils porteront une responsabilité morale et politique très très lourde. Ils ont déjà une responsabilité considérable dans la gestion d’ensemble de la crise sanitaire ; ils vont avoir une responsabilité historique à l’endroit de toute une génération. Et cette génération-là ne l’oubliera pas !

      Club Mediapart : En attendant, que faire ?

      PM : Comment devenir un sujet libre, émancipé quand on est un étudiant ou un enseignant assigné à résidence et soumis à l’enfer numérique ? C’est ça la question centrale, de mon point de vue. Je ne pense pas que l’on puisse être un sujet libre et émancipé sans relation sociale, sans se voir, se rencontrer, sans faire des cours avec des corps et des voix vivantes. Un cours, c’est une incarnation, une voix, un corps donc, ce n’est pas le renvoi spéculaire de son image face à une caméra et devant des noms. Je refuse de faire cours à des étudiants anonymes. Aujourd’hui, j’ai donné rendez-vous à quelques étudiants de l’atelier de création poétique de l’université de Strasbourg. On se verra physiquement dans une grande salle, en respectant toutes les règles sanitaires. J’apporterai des masques FFP2 pour chacune et chacun des étudiants.

      Club Mediapart : Vous avez le droit ?

      PM : Je prends sur moi, j’assume. Je considère que la séance de demain est une séance de soutien. Puisque l’on a droit à faire du soutien pédagogique…

      Club Mediapart : Pourquoi n’y a-t-il pas plus de profs qui se l’autorisent ? Le texte est flou, mais il peut être intéressant justement parce qu’il est flou…

      PM : Ce qu’il est possible de faire aujourd’hui légalement, ce sont des cours de tutorat, du soutien, par des étudiants pour des étudiants. Il est aussi possible de faire des travaux pratiques, mais ces TP, il y a en surtout en sciences de la nature et beaucoup moins en sciences humaines. On a des difficultés graves en sciences sociales et sciences humaines, lettres, langue, philo, parce que l’on a zéro TP. Pour ma part, je compte demander que mes cours de L1 et mes travaux dirigés soient considérés comme des TP ! Mais, pour cela, il faut réussir à obtenir des autorisations.

      Des autorisations d’ouverture de TP, il faut le savoir, qui sont soumises aux rectorats. Les universités sont obligées de faire remonter aux rectorats des demandes d’ouverture de cours ! L’université est autonome et aujourd’hui cette autonomie est bafouée en permanence par l’État. Donc, non seulement l’État nous abandonne, l’État nous tue, mais en plus l’État nous flique, c’est-à-dire restreint nos libertés d’enseignement, de recherche, et restreint aussi nos libertés pédagogiques. Or, notre liberté pédagogique est garantie par notre indépendance, et cette indépendance a encore une valeur constitutionnelle. Tout comme notre liberté d’expression.

      Un collègue qui enseigne en IUT la communication appelle à la désobéissance civile. Le texte de RogueESR n’appelle pas explicitement à la désobéissance civile mais il dit très clairement : c’est à nous de faire, c’est à nous d’agir, avec les étudiantes et les étudiants ! Nous allons agir, on ne peut pas, si on est responsables, écrire : « Agissons » et ne pas agir ! Je dis à tous les collègues : mettons-nous ensemble pour transformer les TD en TP, qui sont autorisés, ou bien boycottons les rectorats et faisons nos TD ! Et proposons aux étudiants qui le souhaitent de venir suivre les cours en présence et aux autres qui ne le peuvent, de les suivre à distance. Avec d’autres, je vais essayer de convaincre les collègues de Strasbourg de faire du présentiel. On aura du mal, mais je pense qu’il est aujourd’hui légitime et parfaitement justifié de refuser les interdictions ministérielles parce qu’il y a des centaines et des milliers d’étudiants en danger. On a un devoir de désobéissance civile quand l’État prend des décisions qui conduisent à ce que l’on appelle, dans les CHSCT, un danger grave et imminent.

      https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/140121/hebdo-96-frederique-vidal-devrait-remettre-sa-demission-entretien-av

    • À propos du #brassage. #Lettre à la ministre de l’enseignement supérieur

      On pouvait s’y attendre mais c’est enfin annoncé, les universités ne réouvriront pas pour le début du second semestre. Des centaines de milliers d’étudiants vont devoir continuer à s’instruire cloitrés dans leurs 9m2, les yeux vissés à quelques petites fenêtres Zoom. Alors que des centaines de témoignages d’élèves désespérés inondent les réseaux sociaux, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a justifié ces mesures d’isolement par le « brassage » qu’impliquerait la vie étudiante avec ses pauses cafés et les « #bonbons partagés avec les copains ». Un étudiant lyonnais nous a confié cette lettre de réponse à la ministre dans laquelle il insiste sur le #stress, le #vide et l’#errance qui règnent dans les campus et auxquels le gouvernement semble ne rien vouloir comprendre.

      Madame la ministre,

      Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à vous pour vous plaindre et vous dire que je comprends votre situation. Je ne m’adresse pas à vous pour vous excuser de votre manifeste #incompétence, pire, de votre monstrueuse #indifférence à l’égard de vos administré·e·s, nous, étudiant·e·s. Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe, et vous auto congratuler à l’assemblée n’y changera rien.

      Je suis en Master 2 de philosophie, à Lyon 3. Deux étudiant·e·s de ma ville ont tenté de mettre fin à leurs jours, dans la même semaine, et tout ce que vous avez trouvé à dire, c’est : « Le problème, c’est le brassage. Ce n’est pas le cours dans l’amphithéâtre mais l’étudiant qui prend un café à la pause, un bonbon qui traîne sur la table ou un sandwich avec les copains à la cafétéria »

      Je pourrais argumenter contre vous que ce que nous voulons, c’est un espace pour travailler qui ne soit pas le même que notre espace de sommeil, de cuisine ou de repos ; ce que nous voulons, c’est pouvoir entendre et voir nos professeurs en vrai, nous débarrasser de l’écran comme interface qui nous fatigue, nous brûle les yeux et le cerveau ; ce que nous voulons, c’est avoir la certitude que ça ira mieux et qu’on va pouvoir se sortir de cette situation. Et tant d’autres choses. Mais je ne vais pas argumenter là-dessus, beaucoup l’ont déjà fait et bien mieux que je ne pourrais le faire.

      Je vais vous expliquer pourquoi aujourd’hui, il vaut mieux prendre le risque du brassage, comme vous dites, que celui, bien d’avantage réel, de la mort d’un·e étudiant·e. Nous sommes tous et toutes dans des états d’#anxiété et de stress qui dépassent largement ce qu’un être humain est capable d’endurer sur le long terme : cela fait bientôt un an que ça dure, et je vous assure que pas un·e seul·e de mes camarades n’aura la force de finir l’année si ça continue comme ça.

      Parce qu’on est seul·e·s. Dans nos appartements, dans nos chambres, nos petits 10m2, on est absolument seul·e·s. Pas d’échappatoire, pas d’air, pas de distractions, ou trop de distractions, pas d’aide à part un numéro de téléphone, pas de contacts. Des fantômes. Isolé·e·s. Oublié·e·s. Abandonné·e·s. Désespéré·e·s.

      Pour vous c’est un problème, un danger, l’étudiant·e qui prend un café à la pause ? Pour beaucoup d’entre nous c’était ce qui nous faisait tenir le coup. C’était tous ces petits moments entre, les trajets d’une salle à l’autre, les pauses café, les pauses clopes. Ces moments de discussion autour des cours auxquels on vient d’assister, ces explications sur ce que l’on n’a pas compris, les conseils et le soutien des camarades et des professeurs quand on n’y arrive pas. Toutes ces petites respirations, ces petites bulles d’air, c’était tout ça qui nous permettait de tenir le reste de la journée.

      C’était aussi le sandwich entre amis, le repas à la cafétéria ou au CROUS, pas cher, qu’on était assuré·e·s d’avoir, tandis que là, seul·e·s, manger devient trop cher, ou bien ça parait moins important. Ces moments où l’on discute, on se reprend, on s’aide, on se passe les cours, on se rassure, on se motive quand on est fatigué·e·s, on se prévoit des sessions de révision. On se parle, on dédramatise, et on peut repartir l’esprit un peu plus tranquille. Nous avons toujours eu besoin de ces moments de complicité, d’amitié et de partage, nous qui ne sommes aujourd’hui réduit·e·s qu’à des existences virtuelles depuis le mois de mars dernier. Ça fait partie des études, de ne pas étudier. D’avoir une #vie_sociale, de se croiser, de se rencontrer, de boire des cafés et manger ensemble. Supprimer cette dimension, c’est nous condamner à une existence d’#errance_solitaire entre notre bureau et notre lit, étudiant·e·s mort·e·s-vivant·e·s, sans but et sans avenir.

      Le brassage c’est tous ces moments entre, ces moments de #vie, ces #rencontres et ces #croisements, ces regards, ces dialogues, ces rires ou ces soupirs, qui donnaient du relief à nos quotidiens. Les moments entre, c’est ce qui nous permettait aussi de compartimenter, de mettre nos études dans une case et un espace désigné pour, de faire en sorte qu’elles ne débordent pas trop dans nos vies. Ce sont ces délimitations spatiales et temporelles qui maintenaient notre bonne santé mentale, notre #intérêt et notre #motivation : aujourd’hui on a le sentiment de se noyer dans nos propres vies, nos têtes balayées par des vagues de stress incessantes. Tout est pareil, tout se ressemble, tout stagne, et on a l’impression d’être bloqué·e·s dans un trou noir.

      Tout se mélange et on se noie. C’est ce qu’on ressent, tous les jours. Une sensation de noyade. Et on sait qu’autour de nous, plus personne n’a la tête hors de l’eau. Élèves comme professeurs. On crie dans un bocal depuis des mois, et personne n’écoute, personne n’entend. Au fur et à mesure, les mesures tombent, l’administration ne suit pas, nous non plus, on n’est jamais tenu·e·s au courant, on continue quand même, parce qu’on ne veut pas louper notre année. Dans un sombre couloir sans fin, on essaye tant bien que mal d’avancer mais il n’y a ni lumière, ni sortie à l’horizon. Et à la fin, on est incapables de travailler parce que trop épuisé·e·s, mais incapables aussi d’arrêter, parce que l’on se sent trop coupables de ne rien faire.

      Aujourd’hui, je m’adresse à vous au lieu de composer le dernier devoir qu’on m’a demandé pour ce semestre. Je préfère écrire ce texte plutôt que de faire comme si de rien n’était. Je ne peux plus faire semblant. J’ai envie de vomir, de brûler votre ministère, de brûler ma fac moi aussi, de hurler. Pourquoi je rendrais ce devoir ? Dans quel but ? Pour aller où ? En face de moi il y a un #brouillard qui ne fait que s’épaissir. Je dois aussi trouver un stage. Qui me prendra ? Qu’est-ce que je vais faire ? Encore du télétravail ? Encore rester tous les jours chez moi, dans le même espace, à travailler pour valider un diplôme ? Et quel diplôme ? Puis-je encore vraiment dire que je fais des études ? Tout ça ne fait plus aucun sens. C’est tout simplement absurde. On se noie dans cet océan d’#absurdité dont vous repoussez les limites jour après jour.

      Nous interdire d’étudier à la fac en demi-groupe mais nous obliger à venir tous passer un examen en présentiel en plein confinement ? Absurde. Autoriser l’ouverture des lycées, des centres commerciaux, mais priver les étudiants de leurs espaces de vie sous prétexte que le jeune n’est pas capable de respecter les mesures barrières ? Absurde. Faire l’autruche, se réveiller seulement au moment où l’on menace de se tuer, et nous fournir (encore) des numéros de téléphone en guise d’aide ? Absurde. Vous ne pouvez pas continuer de vous foutre de notre gueule comme ça. C’est tout bonnement scandaleux, et vous devriez avoir honte.

      Vous nous avez accusés, nous les #jeunes, d’être irresponsables : cela fait des mois qu’on est enfermé·e·s seul·e·s chez nous, et la situation ne s’est pas améliorée. Et nous n’en pouvons plus. Nous n’avons plus rien à quoi nous raccrocher. Je vois bien que vous, ça a l’air de vous enchanter que la population soit aujourd’hui réduite à sa seule dimension de force productive : travail, étude, rien d’autre. Pas de cinéma, pas de musées, pas de voyage, pas de temps libre, pas de manifs, pas de balades, pas de sport, pas de fêtes. Boulot, dodo. Le brassage ça vous fait moins peur dans des bureaux et sur les quais du métro hein ? Et je ne vous parle même pas de mes ami·e·s qui doivent, en prime, travailler pour se nourrir, qui vivent dans des appartements vétustes, qui n’ont pas d’ordinateur, qui n’ont pas de connexion internet, qui sont précaires, qui sont malades, qui sont à risque. Je ne vous parle même pas de Parcoursup, de la loi sur la recherche, de la tentative d’immolation d’un camarade étudiant l’année dernière. Je ne vous parle pas de cette mascarade que vous appelez « gestion de la crise sanitaire », de ces hôpitaux qui crèvent à petit feu, de ces gens qui dorment dehors, de ces gens qui meurent tous les jours parce que vous avez prêté allégeance à l’économie, à la rentabilité et à la croissance. Je ne vous parle pas non plus du monde dans lequel vous nous avez condamné·e·s à vivre, auquel vous nous reprochez de ne pas être adapté·e·s, ce monde qui se meure sous vos yeux, ce monde que vous exploitez, ce monde que vous épuisez pour vos profits.

      Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe. Je m’adresse à vous pleine de colère, de haine, de tristesse, de fatigue. Le pire, c’est que je m’adresse à vous tout en sachant que vous n’écouterez pas. Mais c’est pas grave. Les étudiant·e·s ont l’habitude.

      Rouvrez les facs. Trouvez des solutions plus concrètes que des numéros verts. Démerdez-vous, c’est votre boulot.

      PS : Et le « bonbon qui traine sur une table » ? Le seul commentaire que j’aurais sur cette phrase, c’est le constat amer de votre totale #ignorance de nos vies et du gouffre qui nous sépare. Votre #mépris est indécent.

      https://lundi.am/A-propos-du-brassage

    • Le distanciel tue

      « Le distanciel tue ! », avait écrit hier une étudiante sur sa pancarte, place de la République à Strasbourg. Macron et Vidal ont répondu ce jour aux étudiant.es, par une entreprise de communication à Saclay qui nous dit ceci : Macron est définitivement le président des 20% et Vidal la ministre du temps perdu.

      Gros malaise à l’Université Paris-Saclay, où le président Macron et la ministre Frédérique Vidal participent à une table ronde avec des étudiant.es, bien sûr un peu trié.es sur le volet. Pendant ce temps bâtiments universitaires et routes sont bouclés, les manifestants éloignés et encerclés. Voir ci-dessous le communiqué CGT, FSU, SUD éducation, SUD Recherche de l’Université Paris-Saclay. Les libertés sont une fois de plus confisquées et dans le cas présent les otages d’une entreprise de com’ qui vire au fiasco, pour ne pas dire à la farce. Attention : vous allez rire et pleurer. Peut-être un rire nerveux et des pleurs de colère. La politique de Macron appartient à un très mauvais théâtre de l’absurde, qui vire à la tragédie. Ou une tragédie qui vire à l’absurde. Nous ne savons plus, mais nous y sommes.

      Il est 13h15. Je tente de déjeuner entre deux visioconférences et quelques coups de fil urgents au sujet de collègues universitaires qui ne vont pas bien. On m’alerte par sms : Macron et Vidal à la télé ! J’alume le téléviseur, l’ordinateur sur les genoux, le portable à la main. La condition ordinaire du citoyen télétravailleur. La ministre parle aux étudiant.es. On l’attendait à l’Université de Strasbourg ce matin avec son ami Blanquer, pour les Cordées de la réussite, mais le déplacement en province du ministre de l’Education nationale a été annulé. Une lettre ouverte sur la question a circulé. La ministre est donc à Saclay. Que dit-elle ? Je prends des notes entre deux fourchettes de carottes râpées :

      « Le moment où le décret sort, il faut que ce soit au moins la veille du jour où les choses sont mises en place. » Là, je manque de m’étouffer, mais dans un réflexe salutaire je parviens à appuyer sur la touche « Enregistrement ». L’aveu est terrible, magnifique. Du Vidal dans le texte. Je pense à Jarry. Je pense à Ionesco. Je pense surtout aux dizaines de milliers de personnels des universités qui, à dix reprises depuis le début de cette gestion calamiteuse et criminelle de cette crise, se sont retrouvés vraiment dans cette situation : devoir appliquer du jour au lendemain le décret ou la circulaire de la ministre. Samedi et dimanche derniers, des centaines de collègues à l’université de Strasbourg et des milliers partout en France ont travaillé comme des brutes pour « préparer » la rentrée du 18. Le décret date du 15 et a été publié le 16 ! Des centaines de milliers d’étudiants paniquaient sans information. Criminel !

      Mais la ministre continue :

      « Tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après ». Nous aussi, mais on ne sait pas comment faire.

      « Sur le calendrier, c’est difficile .. » Effectivement.

      « Moi, j’ai des débuts d’année - des débuts de second semestre, pardon - qui s’échelonnent quelque part … ». Quelque part … La ministre fait-elle encore ses cours à l’Université de Nice ?

      Là, Macron sent que ça dérape vraiment et coupe Frédérique Vidal. Il a raison. Tant qu’il y est, il ferait bien de lui demander sa démission. Il rendra service à l’université, à la recherche, à la jeunesse, au pays. Et il sauvera peut-être des vies. Après avoir accompli cette action salutaire, il nous rendra aussi service en tentant d’être président à plus de 20%. « 20% en présentiel, dit-il, mais jamais plus de 20%, l’équivalent d’un jour par semaine ». Le président est un peu déconnecté des réalités de la gestion d’une faculté au pays du distanciel, de l’Absurdistan et du démerdentiel. Pour bien comprendre les choses en étant "pratico-pratique" comme dit Macron, voilà de quoi il retourne : les enseignants et les scolarités (personnels administratifs dévoués et épuisés qui n’en peuvent plus et qu’on prend pour des chèvres) doivent organiser et gérer les TD de 1ère année à la fois en présence et à distance pour un même groupe, les CM à distance, et articuler le tout dans un emploi du temps hebdomadaire qui n’oblige pas les étudiants à entrer chez eux pour suivre un TD ou un CM à distance après avoir suivi un TP ou un TD en présence. Et désormais il faudrait entrer dans la moulinette les 20% en présence pour tous les niveaux : L1, L2, L3, M1, M2. Une pure folie. Mais pas de problème, Macron a la solution : « C’est à vos profs de gérer », dit-il aux étudiants. Le président en disant ceci pourrait bien devoir gérer quelques tentatives de suicide supplémentaires. Pour les étudiant.es cette folie se traduit par une résignation au "distanciel" et toutes ses conséquences pathologiques, ou un quotidien complètement ingérable dans l’éclatement entre la distance et l’absence. Dites à un individu qu’il doit être présent dans la distance et distant dans la présence, faites-lui vivre cela pendant des mois, et vous êtes assuré qu’il deviendra fou. L’Etat fabrique non seulement de la souffrance individuelle et collective, mais aussi de la folie, une folie de masse.

      La suite confirmera que Macron et Vidal ont le même problème avec le temps, un gros problème avec le temps. L’avenir est au passé. Le président dira ceci : « Evidemment il y aura des protocoles sanitaires très stricts » pour le second semestre. Le second semestre a débuté dans la majorité des universités. Mais, pas de problème : « Evidemment ce que je dis, c’est pour dans 15 jours à trois semaines ». Les 20 % et tout le tralala. Dans 15 jours on recommence tout et on se met au travail tout de suite pour préparer la 11ème révolution vidalienne ? Le président n’a pas compris que Vidal a fait de l’Université une planète désorbitée ...

      Nous sommes de plus en plus nombreux à penser et dire ceci : « Ils sont fous, on arrête tout, tout de suite ! On sauve des vies, on désobéit ! ». Dans certaines universités, il y des mots d’ordre ou des demandes de banalisation des cours pour la semaine prochaine. Lors de l’AG d’hier à l’Université de Strasbourg, étudiant.es et personnels ont voté cette demande. Il faut tout banaliser avant que l’insupportable ne devienne banal ! Il nous faut nous rapprocher, limiter le "distanciel". Il n’y a aucun ciel dans les capsules et les pixels. Nous avons besoin de présence et pour cela il faut des moyens pour améliorer la sécurité sanitaire des universités.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/210121/le-distanciel-tue

    • –-> Comment la ministre elle-même découvre l’annonce du président de la République d’un retour à l’Université de tous les étudiants 1 jour /5 (et qui annule la circulaire qui faisait rentrer les L1) lors de sa visite Potemkine à Paris-Saclay...
      Le 21 janvier donc, quand le semestre a déjà commencé...


      https://twitter.com/rogueESR/status/1353014523784015872

      Vidal dit, texto, je transcris les mots qu’elle prononce dans la vidéo :

      « Là j’ai bien entendu la visite du président, donc si l’idée c’est qu’on puisse faire revenir l’ensemble des étudiants sur l’ensemble des niveaux avec des jauges à 20% ou 1/5 de temps, ou... les universités ça, par contre... je vais le leur... dire et nous allons travailler ensemble à faire en sorte que ce soit possible, parce qu’effectivement c’était l’étape d’après, mais je pense que tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après parce que c’était quelque chose que je crois c’était vraiment demandé »

      –---

      Circulaire d’Anne-Sophie Barthez du 22 janvier 2021

      Au Journal officiel du 23/1/2021, un #décret modifiant le décret COVID, qui entre en vigueur immédiatement, sans mention des universités, ni modification de l’article 34 34 du décret du 29 oct. 2020 au JO. La circulaire du 22 janvier 2021 de la juriste Anne-Sophie Barthez, DGSIP, ci-dessous est donc illégale.


      https://academia.hypotheses.org/30306

      –---

      On se croirait au cirque... ou dans un avion sans pilote.

    • Kévin Boiveau continue ainsi sur son thread :

      je cite encore @VidalFrederique :
      – « Les étudiants sont porteurs et symptomatiques et font forcément des écarts sur les gestes barrières »
      – « Des étudiants sont assis entre les cours sans masques »
      – « Des étudiants trop nombreux dans certains lieux »
      Mais c’est pas le pire
      – « Les photos et vidéos sur les réseaux sociaux ne sont pas la réalité du terrain » "les étudiants vont bien globalement"

      Mme la Ministre @VidalFrederique, avec votre discours, vous mettez la communauté universitaire à dos ! Écoutez les messages et les actes de détresse !

      https://twitter.com/Kevin_BOIVEAU/status/1354483952363466759

      C’est à partir de la minute 1:07:00 :
      http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10236533_60118ba7066e6.commission-des-affaires-cult

      –-> où Vidal reprend encore cette idée qu’un #campus n’est pas un #lycée, qu’il y a « #brassage » (elle l’a redit !!!) dans les universités, contrairement aux lycées.
      Qu’elle a été sur place et a vu que les étudiant·es font la fête car ielles se retrouvent...
      et autres idioties qu’il vaudrait la peine de transcrire, mais... voilà, ni le temps ni la force en ce moment !

    • Ne pas tirer sur l’ambulance, vraiment ? Débat « #Malaise_étudiant » au Sénat, 10 février 2021

      #Monique_de_Marco, sénatrice de Gironde, groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, vice-présidente de la Commission Culture, a demandé la tenue d’un #débat dans le cadre des #questions_au_gouvernement. Le thème — « Le fonctionnement des universités en temps de COVID et le malaise étudiant » — a inspiré les oratrices et orateurs inscrit·es après l’intervention initiale de la sénatrice qui rappelle les données de la fondation Abbé Pierre : ces derniers mois, 20% des jeunes ont eu recours à l’#aide_alimentaire ; la moitié des étudiant·es déclarent des difficultés à payer leurs #repas et leur #loyer, qui représente 70% de leur budget. Dans une enquête portant sur 70 000 étudiant·es, 43% déclaraient des troubles de #santé_mentale, comme de l’#anxiété ou de la #dépression. Face à cela, les mesures sont insuffisantes, inégalitaires — puisque les #classes_préparatoires sont restées normalement ouvertes — et les #services_universitaires complètement débordés. À quand une réponse structurelle au problème de la #pauvreté_étudiante, comme une #allocation_autonomie_étudiante ?

      Parmi les interventions, souvent prises, pointant les béances de la politique gouvernementale, citons un extrait du discours de #Pierre_Ouzoulias qui parle de #définancement assumé par le gouvernement des budgets « #Vie_étudiante » depuis le début du quinquennat, en dépit des alertes.

      "Je n’oublie pas qu’en novembre 2019, par la loi de finances rectificative, votre Gouvernement avait supprimé 35 millions d’euros de crédits du programme « Vie étudiante ». En 2018 et 2019, ce sont 100 millions d’euros de crédits votés par le Parlement qui n’ont finalement pas été affectés à la vie étudiante par votre Gouvernement.

      L’an passé, à l’occasion de la discussion des quatre lois de finances rectificatives, j’ai proposé des amendements pour apporter aux universités et au Centre national des œuvres universitaires et scolaires des moyens d’urgence pour leur permettre d’aider rapidement les étudiants. Par la voie de Monsieur #Darmanin, alors ministre du l’Action et des Comptes publics, le Gouvernement m’avait expliqué qu’il n’y avait pas besoin de #crédits_budgétaires supplémentaires. La politique du « Quoi qu’il en coûte » a ignoré les campus et la #détresse_estudiantine.

      Cet automne nous avons discuté d’une loi de programmation de la recherche que le Gouvernement nous a présenté comme le plus grand effort budgétaire depuis la Libération. L’Université n’a bénéficié, dans ce cadre, d’aucune #aide_budgétaire supplémentaire, comme si les étudiants d’aujourd’hui ne seraient pas les chercheurs de demain.

      J’entends aujourd’hui les déclarations compassionnelles du Gouvernement qui s’alarme du mal vivre des étudiants. Mais, la #pandémie n’en est pas l’unique cause. Dans les universités, comme à l’hôpital, la crise sanitaire est la révélatrice d’une situation de #sous-investissement_chronique qui a fragilisé tout le #service_public de l’#enseignement_supérieur."

      La messe est dite. Sans appel pour dénoncer le mépris dans lequel le gouvernement tient « les emmurés de vingt ans » (Max Brisson), les sénateurs et sénatrices n’ont pas évoqué l’embroglio de circulaires-décrets inapplicables : iels ont pourtant souligné la nécessité d’un cadre réglementaire clair et stable et une plus grande #décentralisation des décisions.

      Public Sénat a choisi deux extraits représentatifs du discours, désormais sans queue ni tête, sans perspective, et vide de sens, de la Ministre. En voici un :


      https://twitter.com/publicsenat/status/1359585785159315457

      Que faut-il en comprendre ? La meilleure explication tient dans les mots de l’universitaire Pierre-Yves Modicom : il s’agit ni plus ni moins de « nier l’évidence sanitaire pour ne pas avoir à assumer les investissements matériels et les recrutements que la reconnaissance des faits impliquerait. L’incohérence, c’est la marque du déni obstiné de la réalité ».

      Le doyen Gabriel Galvez-Behar résumait ainsi le point de vue des agents du supérieur :

      "Nous ne pouvons plus minimiser les séquelles de la crise, nous contenter d’un illusoire retour à la normale, ni nous satisfaire d’expédients. Tout cela réclame ce qui a tant manqué jusqu’à présent : de l’anticipation, de la cohérence et des moyens à la hauteur de l’enjeu."

      Madame Vidal — alors que l’ensemble des usagers et des agents de l’ESR s’enfoncent chaque jour davantage, dans une détresse et un découragement graves — pas plus que son équipe n’ont pris la mesure du problème ni esquissé un début de solution, bien au contraire. Les réponses qu’elle a apportée devant la représentation nationale en attestent et attestent également de la toxicité de son ministère pour l’ensemble des agents publics et des usagers de l’ESR.

      Si vous ne souhaitez pas tirer sur une ambulance, allez-vous laisser un cadavre piloter l’université ? C’est la question que nous pouvons légitimement nous poser ce soir.

      https://academia.hypotheses.org/30821

  • La crise sanitaire aggrave les troubles psy des jeunes migrants

    Les « migrants » sont une population composite recouvrant des #statuts_administratifs (demandeurs d’asile, réfugiés, primo-arrivants…) et des situations sociales disparates. Certains appartiennent à des milieux sociaux plutôt aisés et éduqués avec des carrières professionnelles déjà bien entamées, d’autres, issus de milieux sociaux défavorisés ou de minorités persécutées, n’ont pas eu accès à l’éducation dans leur pays d’origine.

    Et pourtant, une caractéristique traverse ce groupe : sa #jeunesse.

    Ainsi, selon les chiffres d’Eurostat, au premier janvier 2019, la moitié des personnes migrantes en Europe avait moins de 29 ans ; l’âge médian de cette population se situant à 29,2 ans, contre 43,7 pour l’ensemble de la population européenne. Cette particularité est essentielle pour comprendre l’état de santé de cette population.

    En effet, on constate que, du fait de sa jeunesse, la population migrante en Europe est globalement en #bonne_santé physique et parfois même en meilleure #santé que la population du pays d’accueil. En revanche, sa santé mentale pose souvent problème.

    Des #troubles graves liés aux #parcours_migratoires

    Beaucoup de jeunes migrants – 38 % de la population totale des migrants selon une recherche récente – souffrent de #troubles_psychiques (#psycho-traumatismes, #dépressions, #idées_suicidaires, #perte_de_mémoire, #syndrome_d’Ulysse désignant le #stress de ceux qui vont vivre ailleurs que là où ils sont nés), alors que la #psychiatrie nous apprend que le fait migratoire ne génère pas de #pathologie spécifique.

    Les troubles dont souffrent les jeunes migrants peuvent résulter des #conditions_de_vie dans les pays d’origine (pauvreté, conflits armés, persécution…) ou des #conditions_du_voyage migratoire (durée, insécurité, absence de suivi médical, en particulier pour les migrants illégaux, parfois torture et violences) ; ils peuvent également être liés aux #conditions_d’accueil dans le pays d’arrivée.

    De multiples facteurs peuvent renforcer une situation de santé mentale déjà précaire ou engendrer de nouveaux troubles : les incertitudes liées au #statut_administratif des personnes, les difficultés d’#accès_aux_droits (#logement, #éducation ou #travail), les #violences_institutionnelles (la #répression_policière ou les #discriminations) sont autant d’éléments qui provoquent un important sentiment d’#insécurité et du #stress chez les jeunes migrants.

    Ceci est d’autant plus vrai pour les #jeunes_hommes qui sont jugés comme peu prioritaires, notamment dans leurs démarches d’accès au logement, contrairement aux #familles avec enfants ou aux #jeunes_femmes.

    Il en résulte des périodes d’#errance, de #dénuement, d’#isolement qui détériorent notablement les conditions de santé psychique.

    De nombreuses difficultés de #prise_en_charge

    Or, ainsi que le soulignent Joséphine Vuillard et ses collègues, malgré l’engagement de nombreux professionnels de santé, les difficultés de prise en charge des troubles psychiques des jeunes migrants sont nombreuses et réelles, qu’il s’agisse du secteur hospitalier ou de la médecine ambulatoire.

    Parmi ces dernières on note l’insuffisance des capacités d’accueil dans les #permanences_d’accès_aux_soins_de_santé (#PASS), l’incompréhension des #procédures_administratives, le besoin d’#interprétariat, des syndromes psychotraumatiques auxquels les professionnels de santé n’ont pas toujours été formés.

    Les jeunes migrants sont par ailleurs habituellement très peu informés des possibilités de prise en charge et ne recourent pas aux soins, tandis que les dispositifs alternatifs pour « aller vers eux » (comme les #maraudes) reposent essentiellement sur le #bénévolat.
    https://www.youtube.com/watch?v=Pn29oSxVMxQ&feature=emb_logo

    Dans ce contexte, le secteur associatif (subventionné ou non) tente de répondre spécifiquement aux problèmes de santé mentale des jeunes migrants, souvent dans le cadre d’un accompagnement global : soutien aux démarches administratives, logement solidaire, apprentissage du français, accès à la culture.

    Organisateurs de solidarités, les acteurs associatifs apportent un peu de #stabilité et luttent contre l’isolement des personnes, sans nécessairement avoir pour mission institutionnelle la prise en charge de leur santé mentale.

    Ces #associations s’organisent parfois en collectifs inter-associatifs pour bénéficier des expertises réciproques. Malgré leur implantation inégale dans les territoires, ces initiatives pallient pour partie les insuffisances de la prise en charge institutionnelle.

    Des situations dramatiques dans les #CRA

    Dans un contexte aussi fragile, la #crise_sanitaire liée à la #Covid-19 a révélé au grand jour les carences du système : si, à la suite de la fermeture de nombreux #squats et #foyers, beaucoup de jeunes migrants ont été logés dans des #hôtels ou des #auberges_de_jeunesse à l’occasion des #confinements, nombreux sont ceux qui ont été livrés à eux-mêmes.

    Leur prise en charge sociale et sanitaire n’a pas été pensée dans ces lieux d’accueil précaires et beaucoup ont vu leur situation de santé mentale se détériorer encore depuis mars 2020.

    Les situations les plus critiques en matière de santé mentale sont sans doute dans les #Centres_de_rétention_administrative (CRA). Selon le rapport 2019 de l’ONG Terre d’Asile, sont enfermés dans ces lieux de confinement, en vue d’une #expulsion du sol national, des dizaines de milliers de migrants (54 000 en 2019, dont 29 000 en outremer), y compris de nombreux jeunes non reconnus comme mineurs, parfois en cours de #scolarisation.

    La difficulté d’accès aux soins, notamment psychiatriques, dans les CRA a été dénoncée avec véhémence dans un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en février 2019, suivi, à quelques mois d’écart, d’un rapport tout aussi alarmant du Défenseur des droits.

    La #rupture de la #continuité des #soins au cours de leur rétention administrative est particulièrement délétère pour les jeunes migrants souffrant de pathologies mentales graves. Pour les autres, non seulement la prise en charge médicale est quasi-inexistante mais la pratique de l’isolement à des fins répressives aggrave souvent un état déjà à risque.

    La déclaration d’#état_d’urgence n’a pas amélioré le sort des jeunes migrants en rétention. En effet, les CRA ont été maintenus ouverts pendant les périodes de #confinement et sont devenus de facto le lieu de placement d’un grand nombre d’étrangers en situation irrégulière sortant de prison, alors que la fermeture des frontières rendait improbables la reconduite et les expulsions.

    Un tel choix a eu pour conséquence l’augmentation de la pression démographique (+23 % en un an) sur ces lieux qui ne n’ont pas été conçus pour accueillir des personnes psychologiquement aussi vulnérables et pour des périodes aussi prolongées.

    Des espaces anxiogènes

    De par leur nature de lieu de #privation_de_liberté et leur vocation de transition vers la reconduction aux frontières, les CRA sont de toute évidence des #espaces_anxiogènes où il n’est pas simple de distinguer les logiques de #soins de celles de #contrôle et de #répression, et où la consultation psychiatrique revêt bien d’autres enjeux que des enjeux thérapeutiques. Car le médecin qui apporte un soin et prend en charge psychologiquement peut aussi, en rédigeant un #certificat_médical circonstancié, contribuer à engager une levée de rétention, en cas de #péril_imminent.

    Les placements en CRA de personnes atteintes de pathologies psychologiques et/ou psychiatriques sont en constante hausse, tout comme les actes de #détresse (#automutilations et tentatives de #suicide) qui ont conduit, depuis 2017, cinq personnes à la mort en rétention.

    La prise en charge effective de la santé mentale des jeunes migrants se heurte aujourd’hui en France aux contradictions internes au système. Si les dispositifs sanitaires existent et sont en théorie ouverts à tous, sans condition de nationalité ni de régularité administrative, l’état d’incertitude et de #précarité des jeunes migrants, en situation irrégulière ou non, en fait un population spécialement vulnérable et exposée.

    Sans doute une plus forte articulation entre la stratégie nationale de prévention et lutte contre la pauvreté et des actions ciblées visant à favoriser l’intégration et la stabilité via le logement, l’éducation et l’emploi serait-elle à même de créer les conditions pour une véritable prévention des risques psychologiques et une meilleure santé mentale.

    https://theconversation.com/la-crise-sanitaire-aggrave-les-troubles-psy-des-jeunes-migrants-152

    #crise_sanitaire #asile #migrations #réfugiés #jeunes_migrants #santé_mentale #troubles_psychologiques #genre #vulnérabilité #bénévolat #rétention #détention_administrative #sans-papiers

    ping @isskein @karine4

  • Dans les #foyers, une protection au conditionnel ; Interview d’Ali El Baz, membre du #Gisti et du #Copaf, propos recueillis par Christophe Daadouch
    https://www.gisti.org/spip.php?article6534

    Caractérisés par une forte promiscuité, les foyers de travailleurs migrants se retrouvent être les lieux avec le plus fort taux de prévalence de la #Covid-19. Difficiles à mettre en œuvre, les consignes sanitaires fixées par les notes ministérielles ou préfectorales y sont souvent restées lettre morte ou appliquées avec laxisme par des sociétés gestionnaires prenant prétexte de l’absence de personnel, lui-même confiné. Sans accès aux espaces collectifs, privés des liens de solidarité, les chibanis les plus âgés ont été abandonnés, comme le montre Ali El Baz, membre du Collectif pour l’avenir des foyers.

    Dispose-t-on de données sur le nombre de chibanis qui ont contracté la Covid ?

    À notre connaissance, aucune statistique nationale n’existe à ce jour [1], qu’il s’agisse des malades ou des décès. Les chiffres recueillis lors d’entretiens que nous avons pu avoir avec des résidents montrent un important décalage avec ceux affichés par l’ARS ou les gestionnaires.

    Quoi qu’il en soit, une récente étude réalisée, entre juin et juillet 2020 par Médecins sans frontières et le centre d’épidémiologie #Epicentre auprès de populations vivant en #foyer_de_travailleurs_migrants https://epicentre.msf.org/sites/default/files/2020-10/High_seroprevalence_of_SARS-CoV-2_antibodies_among_people_living_in_p montre que la #précarité additionnée à la #promiscuité constitue une véritable bombe sanitaire.

    Alors que la prévalence s’élève à 50,5% dans les dix centres d’hébergement étudiés (gymnases, hôtels, etc.), qu’elle est de 28% sur les sites de distribution alimentaire, elle atteint 88% dans les deux foyers de Seine-Saint-Denis examinés. Pour les auteurs, ces chiffres confirment ce qu’on pouvait logiquement craindre : plus la densité d’hébergés est élevée, plus les gestes barrières sont difficiles à appliquer, et plus la prévalence est forte. Du coup, les foyers de travailleurs migrants se retrouvent être les lieux avec le plus fort taux de prévalence.

    Aucune campagne systématique de tests n’a malheureusement été menée ; celles effectuées, en raison d’une volonté municipale par exemple, n’ont relevé que du cas par cas. Le centre municipal de santé de Gennevilliers a ainsi organisé des tests dans un foyer Coallia, mais pas dans les cinq autres foyers de la commune gérés par Adoma.

    Dans le même temps, l’ARS, bien qu’interpellée par le Collectif pour l’avenir des foyers (Copaf) à plusieurs reprises lors de cas de contamination dans deux foyers d’Asnières et Gennevilliers, n’a pas jugé bon de venir tester l’ensemble des résidents.

    À Paris, des tests ont été effectués, mais sans aucune concertation avec les délégués des résidents, ce qui a conduit à un boycott des tests dans certains foyers.

    En quoi les règles sanitaires ont-elles été difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre au sein des foyers ?

    La configuration même des établissements rend le respect des règles pour le moins difficile. À la différence des résidences sociales, nombre de foyers de travailleurs migrants sont sur-occupés, particulièrement en Île-de-France. La promiscuité y prend différentes formes : chambres collectives pouvant contenir jusqu’à huit lits, couloirs étroits, espaces communs réduits, laverie, douches et sanitaires partagés. Comme le constate l’ARS dans une note : « Les Résidences sociales sont composées de logements autonomes où les résidents peuvent être confinés. En Foyer de travailleurs migrants à chambres à lits multiples ou en Unité de vie, le confinement est plus difficile [3]. »

    À la différence des Ehpad qui n’accueillent que des personnes âgées, les foyers hébergent aussi bien des personnes âgées que des travailleurs migrants. Selon leurs métiers, certains ont continué à travailler pendant le confinement, en particulier dans les métiers de la sécurité, du nettoyage, ou comme chauffeurs Uber ou livreurs Deliveroo. Après une journée de #travail et de transport en commun (sur la fameuse ligne 13, la plus surchargée du réseau, qui dessert tous les foyers de Seine-Saint-Denis et ceux du nord des Hauts-de-Seine), ils étaient en contact proche avec des personnes âgées au sein de leur établissement d’hébergement.

    [...]

    Article extrait du Plein droit n° 127, décembre 2020
    « Covid partout, justice nulle part » https://www.gisti.org/spip.php?article6520

    #crise_sanitaire

  • Covid poses ’greatest threat to mental health since second world war’ | Society | The Guardian
    https://www.theguardian.com/society/2020/dec/27/covid-poses-greatest-threat-to-mental-health-since-second-world-war
    https://i.guim.co.uk/img/media/7c58034fbaae5eff857acdb102d9aaf4d652d019/0_0_3663_2198/master/3663.jpg?width=1200&height=630&quality=85&auto=format&fit=crop&overlay-ali

    Data from NHS Digital reveals that the number of people in contact with mental health services has never been higher, and some hospital trusts report that their mental health wards are at capacity. “The whole system is clearly under pressure,” James said.Modelling by the Centre for Mental Health forecasts that as many as 10 million people will need new or additional mental health support as a direct result of the coronavirus epidemic. About 1.3 million people who have not had mental health problems before are expected to need treatment for moderate to severe anxiety, and 1.8 million treatment for moderate to severe depression, it found.The overall figure includes 1.5 million children at risk of anxiety and depression brought about or aggravated by social isolation, quarantine or the hospitalisation or death of family members. The numbers may rise as the full impact becomes clear on Black, Asian and minority ethnic communities, care homes and people with disabilities.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#minorite#BAME#sante#santementale#inegalite#santepublique#epidemie

  • « Nous sommes confinés mentalement, bien plus encore que nous ne l’avons été physiquement », Claire Marin
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/27/claire-marin-nous-sommes-confines-mentalement-bien-plus-encore-que-nous-ne-l

    ENTRETIEN Les penseurs de l’intime (5/10) Philosophe des épreuves de la vie, Claire Marin explique dans un entretien au « Monde » comment la crise sanitaire accentue les ruptures sociales, professionnelles ou familiales et nous prépare « douloureusement à vivre autrement » en 2021.

    Née en 1974, Claire Marin est philosophe et enseigne dans les classes préparatoires aux grandes écoles à Paris. Membre associée de l’Ecole normale supérieure, elle dirige le Séminaire international d’études sur le #soin. Autrice de Rupture(s) (L’Observatoire, 2019), un ouvrage remarqué sur la philosophie de la séparation, elle analyse la façon dont la crise sanitaire affecte notre intimité.

    Dès le début de la crise sanitaire et du confinement de la population française, liés à la pandémie de Covid-19, la société a voulu se projeter vers « le monde d’après ». Pourquoi l’expression – qui a pratiquement disparu – paraît-elle obsolète aujourd’hui ?

    Pour traverser et supporter une épreuve, on a d’abord besoin de se dire qu’elle aura une fin, qu’elle ne durera pas indéfiniment et qu’elle a un sens : qu’elle permettra une clarification des lignes, une redéfinition plus satisfaisante de notre existence, un changement social, politique, économique… Bref, on a besoin de penser que les sacrifices qu’elle exige, la souffrance qu’elle impose, seront d’une certaine manière compensés par l’entrée dans une autre réalité où l’on trouvera des bénéfices, des améliorations.

    On a besoin de l’inscrire dans un mouvement dialectique où le négatif est le passage obligé pour atteindre une situation meilleure. Le négatif aurait quelque chose de purificateur, d’une certaine manière. Car ce qui est insupportable, c’est de penser que l’épreuve puisse ne servir à rien, ne rien changer. C’est pour cette raison sans doute que l’on a tant parlé du « monde d’après », cette représentation nous aidait à tenir dans les moments angoissants.

    Or, assez rapidement, cette image soutenante d’un « monde d’après » a disparu. Plus personne n’emploie cette expression, si ce n’est de manière ironique. On est en train d’intégrer plus ou moins consciemment l’idée que le schéma qui s’annonce n’est sans doute pas celui d’une séparation nette et franche entre l’avant et l’après, mais celui d’un glissement vers un nouveau rythme d’existence, fait de crises et de moments plus calmes, plus « normaux », dans une alternance dictée par des priorités sanitaires.

    Sans jouer les Cassandre, il n’est pas impossible que ce genre d’épisodes s’inscrive dans une série plus longue. Il va falloir peut-être admettre que 2020 nous prépare douloureusement à l’idée de devoir vivre autrement. Même si l’on espère désormais, de manière beaucoup plus modeste, un simple « retour à la normale », on mesure bien tout ce qui a été changé, pour le meilleur et pour le pire. Et on peut s’inquiéter légitimement des impacts à long terme de ces modifications du travail, de l’enseignement, du soin, du rapport à la sécurité et des relations entre les individus

    Parmi les désirs de changement ou de rupture, il y a le souhait assez répandu de changer de vie, notamment en s’installant à la campagne. Comment penser cette envie de vivre ailleurs et autrement ?

    Il n’est pas très surprenant qu’étant assignés à un lieu nous ayons rêvé d’autres lieux, de lieux tout autres, qui étaient peut-être même, sans qu’on s’en rende bien compte, plus des utopies que des lieux réels. Notre rapport à l’espace, ou plus exactement aux espaces, a été profondément modifié par l’expérience du confinement. C’est ce pluriel d’espaces que nous avons soudain perdu, réalisant ainsi à quel point notre vie est désormais plus dans l’espace du dehors que dans celui du dedans. Michel Foucault dit que « nous vivons dans l’espace du dehors par lequel nous sommes attirés hors de nous-mêmes » (« Des espaces autres », Dits et écrits IV ). Or nous avons été et sommes encore privés de ces espaces autres, qu’il s’agisse des lieux de passage, comme les rues, ou des « espaces de halte provisoire » comme les cafés ou les cinémas.

    Ces espaces extérieurs nous libèrent aussi du tête-à-tête avec nous-mêmes. En cela, ils nous sont nécessaires et fonctionnent comme un principe de « divertissement » psychique : ils nous délivrent du poids d’être sans cesse ramenés à nous. C’est ce retour forcé à soi qui peut nous paraître intolérable et qui nourrit ces élans projectifs vers d’autres lieux. En période de confinement, la maison n’est plus seulement un espace de repos, elle peut devenir lieu d’enfermement et, pour reprendre une autre expression de Foucault, « topie impitoyable » : un espace qui renvoie sans cesse chacun à lui-même, d’une manière parfois violente. Ou encore, huis clos intolérable et infernal avec les autres, devenus trop présents.

    Peut-être est-ce plus d’un jardin que nous avons finalement rêvé, puisqu’il est dans notre imaginaire la conjugaison parfaite de la nature et du monde. Il est la nature transformée par la culture, créant pour nous un petit monde naturel organisé, domestiqué. Le jardin est pour nous, comme le rappelle Foucault, une sorte d’« hétérotopie heureuse », un espace autre qui constitue pour nous à la fois « une petite parcelle du monde » et la « totalité du monde ». C’est bien là le rôle de ces hétérotopies de « compensation », comme le dit le philosophe : « Créer un autre espace, un espace réel, aussi parfait, aussi méticuleux, aussi bien arrangé que le nôtre est désordonné, mal agencé et brouillon. » Créer à travers ce lieu fantasmé un petit monde maîtrisé, alors que celui que nous connaissions semble s’effondrer.

    L’essor du virtuel, du télétravail et de la pédagogie en ligne est-il le signe d’un accroissement des libertés ou celui d’une nouvelle aliénation ?

    L’usage démultiplié du virtuel et des technologies de la distance a eu des effets très différents selon les cadres et les situations dans lesquels il s’est déployé. Il a montré ses faiblesses dans les domaines où la transmission s’appuie sur la relation et la présence réelle dans un même espace – coprésence qui permet une circularité des échanges, une appréhension de l’humeur des participants, une intuition de la réception du message dispensé.

    En clair, en matière d’enseignement, en particulier avec les plus jeunes, cela ne peut constituer à mon sens qu’une solution ponctuelle ou complémentaire. Ce serait une erreur de l’institutionnaliser. On perd ce qui fait l’essence – et l’intérêt – de ce métier, qui ne peut se réduire à un simple transfert de données du professeur à l’élève, mais qui doit rester une relation humaine. Le virtuel la détruit ou, tout au moins, l’appauvrit considérablement.

    Sur une mosaïque de visioconférence, on ne peut regarder personne dans les yeux. Même si mon regard s’adresse au visage de l’une des personnes, elle ne le sait pas, car elle ignore où son visage est placé (et se déplace, au gré des connexions des uns et des autres) sur l’écran. Les prises de parole se chevauchent, conduisant soit au silence pesant soit à la cacophonie. Les échanges sont souvent assez maladroits et insatisfaisants, les connexions parfois mauvaises. Tous ces éléments parasitent la conversation, l’interrompent, obligent à reprendre le fil des propos. Il nous manque tous ces petits signes quasi imperceptibles que le virtuel ne peut pas saisir, signes qui indiquent l’impatience de l’un à prendre la parole, la distance que traduit le léger retrait de l’autre, etc. Il nous manque la fluidité et la spontanéité des échanges de la « vraie vie ».

    Mais le télétravail n’a-t-il pas aussi libéré du temps et de l’espace ?

    Certes, le télétravail peut aussi être vécu comme une forme de libération. Parce qu’il épargne les heures perdues dans les transports, qu’il permet des aménagements dans les horaires et que certains y découvrent une plus grande efficacité, les conditions d’une meilleure concentration que dans les open spaces où l’on est sans cesse dérangé. Des études suggèrent même qu’il augmente la productivité. Certains de ces aménagements seront sans doute amenés à perdurer dans le fonctionnement de l’entreprise à l’avenir. Mais on voit aussi que ce travail à distance ne permet pas la stimulation des échanges réels ; les moments créatifs seraient aussi ceux de la machine à café et des discussions informelles.

    Ce que nous avons découvert, c’est que notre vie n’est pas un fond d’écran sur lequel nous pouvons ouvrir une multitude de fenêtres en même temps. Ce à quoi le virtuel nous laisse croire, le « multitasking » magique (« je peux regarder ce film en répondant à mes messages »), l’expérience réelle l’a assez brutalement contredit. Je ne peux pas travailler si mes enfants jouent bruyamment aux aventuriers dans la pièce d’à côté. Les espaces incompatibles – privés et professionnels, intimes et sociaux – ne peuvent se confondre et se superposer sans dommage.

    Or, c’est bien ce qu’il faut faire sous la pression du travail à distance : vider l’espace familial de sa couleur personnelle et intime pour le convertir en lieu plus neutre de travail, imposer le silence aux enfants ou les restreindre à l’espace le plus lointain, vider la maison de sa qualité propre pour en faire un lieu où les regards extérieurs pourront pénétrer. Nous avons vu et donné à voir un peu de l’envers du décor : les intérieurs bourgeois, bohèmes, minimalistes ou surchargés de nos collègues, des artistes, des journalistes, des responsables politiques, les bibliothèques imposantes ou les étagères en kit, les lits superposés ou les grandes baies vitrées, les vis-à-vis oppressants ou la vue sur la mer. Le domaine privé l’est encore un peu moins qu’auparavant. Nous sommes entrés les uns chez les autres sans hospitalité.

    On a beaucoup parlé du manque de contact à travers l’évitement du toucher, mais c’est la présence qui vous apparaît comme la véritable question éthique à questionner. Pour quelles raisons ?

    Toutes les formes de toucher ne sont pas à mettre sur le même plan. Certains contacts peuvent disparaître – les femmes en particulier ne s’en plaindront pas. On sait intuitivement quels sont les contacts qui empiètent sur notre espace personnel de manière illégitime et envahissante, profitant de certaines habitudes sociales, et quels sont ceux qui au contraire nous rassurent, nous encouragent ou nous réconfortent. Certaines mises à distance ne sont pas si désagréables. On a apprécié, pendant un temps bref, de ne plus être compressé dans une rame de métro ou dans un bus.

    Je ne crois pas que l’on aille vers une société sans contact, une société de l’évitement physique. Le toucher nous manque et nous avons du mal à refréner l’élan spontané vers ceux que l’on aime. La question de la présence me paraît en effet essentielle. Parce qu’elle se colore des affects des autres, elle transmet les humeurs, on y palpe l’atmosphère d’une situation. Elle véhicule les tensions, les amitiés, les affinités, les attentes ou le désintérêt. Et elle motive. On n’a pas le même enthousiasme ni la même efficacité lorsque l’on tente d’intéresser des visages sur un écran ou des personnes présentes dans le même espace réel et dont on perçoit spontanément les réactions, les mimiques, les légers mouvements de retrait ou d’intérêt. En virtuel, nous sommes des hommes-troncs, réduits dans notre expression corporelle, privés d’une partie de ces signifiants implicites essentiels. Les corps ainsi corsetés par le cadre de la vidéo perdent énormément en expressivité. On devient littéralement des « présentateurs » que la posture figée restreint et limite.

    Sans faire un cours d’étymologie, praesens en latin renvoie à l’idée d’« être en avant ». La présence est par nature dynamique, elle est mouvement vers l’autre, attention, élan. Le virtuel autorise plus facilement la présence passive, la « consommation » d’informations, le peu d’implication. La distance du virtuel n’est pas seulement géographique, elle est aussi psychologique, elle peut se redoubler d’une posture de retrait ou d’évitement (on participe peu, on éteint son micro ou sa caméra), notamment parce que l’exposition virtuelle peut mettre mal à l’aise : mon visage s’affiche aussi, alors que l’un des plaisirs des interactions est sans doute de pouvoir l’oublier.

    Avec la pandémie de Covid-19, la maladie est devenue un sujet « extime ». Elle focalise l’attention, concentre les conversations, oriente l’action au risque de la transformer en obligation morale. Comment vivre avec cette présence ?

    La maladie est en effet un sujet de conversation à la fois public et quotidien. Ce qui était de l’ordre du privé, de l’intime, est désormais une préoccupation collective, que l’on vit en même temps que les autres mais qui ne nous rapproche pas pour autant. C’est une expérience générale mais qui ne crée pas de liens véritables, elle a plutôt tendance à les empêcher, les interdire et peut-être plus durablement les abîmer dans les formes de ressentiment, de colère ou de dépression qu’elle engendre.

    Ce que l’on découvre, c’est que l’on ne vit pas avec une maladie ou sa menace, mais qu’on s’efforce de vivre malgré elle, c’est-à-dire dans la restriction de libertés, dans la perte de contact, dans une vie réduite, souvent appauvrie sur le plan professionnel, social et affectif. Une vie où les projections, les anticipations sont suspendues, où tout est susceptible d’être remis en question du jour au lendemain. Cette existence sur le mode de l’incertitude et de l’inquiétude est celle que connaissent les malades au long cours. Elle concerne désormais chacun d’entre nous.

    Même si nous ne le sommes pas, nous vivons d’une certaine manière comme des malades. Fragilisés dans notre confiance spontanée dans la vie – confiance dont nous n’avons même pas conscience tant que nous sommes en bonne santé –, nous calculons désormais nos gestes et évaluons les risques des sorties, des rencontres. Et cette inquiétude latente nous épuise. L’omniprésence du virus dans les médias, les discussions, produit un effet obsessionnel. Nous ne pouvons pas nous « distraire » de cette idée anxiogène. Nous sommes confinés mentalement bien plus encore que nous ne l’avons été physiquement.

    Pourquoi la maladie est-elle une catastrophe intime et dans quelle mesure l’intimité est-elle, selon vous, interdite au malade ?

    Elle est une catastrophe parce qu’elle bouleverse la perception de soi, le sentiment d’identité. Elle peut être vécue comme une déchéance physique, une expérience humiliante, dégradante ou terrifiante, comme cela a été le cas pour certains malades du Covid très gravement atteints. L’intimité est d’autant plus interdite au malade durant cette pandémie que cette maladie nous oblige à l’exposer, à nous signaler comme malade. Nous devons dire que nous sommes malades pour avertir et protéger les autres du danger que nous constituons. Atteints du Covid, nous ne sommes pas « seulement » des victimes, nous devenons une menace. Nous ne pouvons plus bénéficier du soutien que le malade trouve habituellement auprès des siens, à travers des gestes de réconfort ou une simple présence.

    Cette crise sanitaire oblige aussi les malades « discrets », ceux dont la pathologie peut être vécue sans être dévoilée, à rendre publique leur maladie : il a ainsi fallu dire qu’on était à risque, là où l’on pouvait être fragile sans que les collègues ou les voisins le sachent. Cette crise nous piège dans une visibilité contrainte. Elle nous rend transparents malgré nous, elle dit qui nous fréquentons (lorsque nous devons identifier des cas contacts), elle rend publique une partie de ce qui restait encore, dans cette époque de la grande exhibition, secret ou privé.

    Dernier point : la logique sanitaire crée des « malades potentiels », désigne comme vulnérables des personnes âgées qui ne se seraient jusqu’alors pas définies comme telles. Cette opposition entre le sentiment de soi et l’étiquette apposée arbitrairement, cette fragilité décrétée, est aussi une expérience assez violente, comme un vieillissement soudain et accéléré. La maladie s’est immiscée dans nos vies, dans nos gestes, nos habitudes et notre imaginaire. Elle est le nom d’une nouvelle inquiétude contemporaine.

    Nos vies ne sont-elles pas réduites à l’économie, dans une sorte de métro-boulot-dodo sanitaire et autoritaire ?

    Oui, dans tous les sens du terme. D’abord, littéralement, puisque l’étymologie d’économie nous renvoie à l’idée de gérer la maison ; il s’agit d’assurer la base économique qui nous permet d’avoir un toit et de nous nourrir. Pour certains, cette tâche est déjà extrêmement difficile, car leur source de subsistance (et d’existence, le travail n’étant pas nécessaire que sur le plan matériel) est suspendue. Parce qu’ils sont « non essentiels ». On note au passage la violence de cette nouvelle hiérarchie. Qu’est-ce qui nous est vraiment essentiel ? Pouvoir se mêler aux autres, dans des espaces communs, comme les restaurants, les cafés, les cinémas ou les piscines et les terrains de foot, est un besoin essentiel, nécessaire à notre équilibre psychique. Nous sommes des animaux sociaux.

    Mais on peut également dire que nous vivons en « mode économique », puisque la plupart des vies ont perdu de leur ampleur, sur différents plans. Soit parce que les revenus ont été diminués par la crise – il n’est pas rare que, dans une famille, l’un des membres soit assez sérieusement touché. Soit parce que, sur un plan existentiel, nos vies nous paraissent rétrécies : nous ne pouvons plus voir nos proches ou nos amis comme nous le souhaiterions, nous devons renoncer aux échanges, aux sorties, aux plaisirs qui donnent de l’intensité, du relief ou du sens à un quotidien devenu bien morne.

    Pourquoi, depuis la deuxième vague de l’épidémie, avons-nous l’impression de vivre « un jour sans fin », pour reprendre l’expression du président de la République ?

    Précisément parce que la vie s’étant réduite à une logique de nécessité. Elle semble plus répétitive, il y a moins d’éléments de surprise, moins de possibilités de rencontre, moins d’imprévu. La vie perd de sa diversité en se resserrant sur les seuls espaces réels ou virtuels de la famille et du travail. Et puis, si le premier confinement avait été envisagé dans un état d’esprit d’abord solidaire et combatif, on sent bien que la population est épuisée – certaines catégories tout particulièrement, comme les soignants.

    Nos ressources psychiques, comme nos capacités d’endurance physique, ne sont pas illimitées. Si nous étions capables de nous soucier des autres, de faire preuve de sollicitude, d’empathie, de générosité au printemps, c’est que nous n’étions pas éprouvés comme nous le sommes désormais, que nous pensions vivre une parenthèse et que nous avions même l’espoir d’effets positifs. Désormais, nous ne pouvons plus nous appuyer sur ce genre d’espérances. Un certain nombre d’élans ont été déçus et de nombreuses situations se sont aggravées. Il faut désormais gérer les effets de la première vague.

    Dans les hôpitaux, les urgences doivent faire face non seulement au manque de soignants, mais aussi aux conséquences dramatiques des retards de diagnostic liés au premier confinement. Les patients arrivent dans des états critiques, les « pertes de chances » sont réelles. Ils sont les victimes indirectes du Covid-19. Dans les écoles, collèges, lycées et facultés, on voit les séquelles de longs mois sans présence en classe ; les lacunes importantes, la fébrilité et l’inquiétude, notamment des élèves les plus âgés, pour leurs examens, leur avenir. On peut avoir l’impression d’être face à des tâches démesurées et on craint évidemment la perspective de Sisyphe. Est-ce que tout cela ne recommencera pas de nouveau d’ici quelques mois ? Certaines journées ressemblent à un mauvais rêve dont on ne réussit pas à s’extraire.

    Comment remédier à la rupture de certains liens provoquée par la crise sanitaire ?

    Je crois que les liens « essentiels » – puisqu’il me semble qu’ici cet adjectif est justifié – survivront à cette épreuve. Mais je m’inquiète aussi de notre « épuisement » et des habitudes virtuelles : est-ce que nous retrouverons l’élan, l’énergie ? Est-ce que nous serons capables des efforts que demandent les relations ou est-ce qu’une nouvelle hiérarchie se mettra en place, entre ce qui peut se contenter d’un « Zoom » et ce qui mérite qu’on se déplace, qu’on se rencontre ? Il me semble que quelque chose de cette logique – s’épargner l’effort de certaines relations – se dessine déjà. Or, c’est souvent dans les marges d’une rencontre que se jouent l’intensité et la profondeur qu’une relation peut prendre.

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    Claire Marin, philosophe des épreuves de la vie

    Son écriture philosophique a l’éclat de son regard bleuté, emprunt d’une immense clarté. Claire Marin est pourtant une philosophe des épreuves de la vie – ruptures, deuils, maladie –, une analyste de ces états limites où les frontières de l’identité se brouillent et lors desquelles la couleur des sentiments n’est pas aisée à démêler. Mais elle parvient toujours à dégager une idée d’une émotion, à tirer un concept d’un affect. A trouver les mots pour décrire une douleur, explorer une faille, un tourment ou accompagner un élan.
    Avec Rupture(s) (L’Observatoire, 2019), Claire Marin s’est imposée comme l’une des plus subtiles et pénétrantes philosophes de l’intime. Loin d’un « usage dévoyé » de la notion de #résilience, qui suppose chez les individus une capacité à rebondir en toutes circonstances, Claire Marin a montré qu’une séparation (amoureuse ou familiale) peut « nous disloquer jusqu’à la folie » . Mais elle a relevé aussi comment une rupture peut « être créatrice si elle se saisit de ce qu’elle brise » et tient dans « la capacité à réinventer son existence ou son identité en rompant avec les éléments mortifères du passé ».

    Lire aussi Claire Marin : « Avoir le courage de rompre est souvent le premier moment d’une réconciliation avec soi-même »

    C’est sans doute l’épreuve de la maladie qui lui a donné une si grande acuité. Atteinte d’une maladie auto-immune qui s’attaque aux cellules de l’organisme et les détruit, Claire Marin sait qu’elle est « face à [sa] propre déconstruction », puisque son corps s’effondre comme « un château de cartes ». Autrice de plusieurs ouvrages théoriques consacrés à cette déflagration ( Violences de la maladie, violence de la vie, Armand Colin, 2008 ; La Maladie, catastrophe intime, PUF, 2014), elle a mis au jour dans un récit vif et concis, Hors de moi (Allia, 2008), « l’invisibilité » dont souffrent les malades ( « Les médecins entrent dans la chambre et parlent de vous comme si vous n’étiez pas là » ), l’inexplicable « ivresse de la douleur », et révélé la seule puissance capable de la contrer : le désir. D’aimer, d’enfanter. Le désir d’écrire et le plaisir de lire aussi.

    « Donner de la chair à la théorie »

    Car Claire Marin carbure à la littérature : Artaud, Michaux, Woolf ou Flannery O’Connor qui fut atteinte de la même maladie. Et Pauline Delabroy-Allard, Vincent Delecroix, Philippe Forest, Laurent Mauvignier, Charles Juliet ou Annie Ernaux pour les contemporains. Malgré les rechutes, l’aberration de certains traitements, la mise à nu et parfois même l’humiliation de séances d’auscultation, la souffrance s’est déplacée aujourd’hui « à la périphérie de [sa] vie ». Sa capacité à cerner les ressorts de l’intimité est sans nul doute également venue d’une formation littéraire et philosophique empreinte de récits de soi.
    Marquée par la lecture des Essais de Montaigne ( « Je suis moi-même la matière de mon livre ») et des Confessions de Rousseau ( « J’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même » ), elle donne ses premiers cours sur l’intériorité (de Plotin à Michaux) et fait sa thèse sur l’habitude. Des sujets de recherche peu communs dans sa discipline. Sa démarche consiste à « donner de la chair à la théorie ». En résumé, dit-elle, « lire Annie Ernaux permet de ressentir ce que dit Bourdieu ». D’où son rattachement à ces penseurs contemporains qui s’enracinent dans un vécu, telles Judith Butler et Chantal Jaquet.

    C’est pourquoi Claire Marin réalise en 2018, avec sensibilité et discernement, le portrait de ses élèves d’une classe préparatoire en banlieue parisienne, à Cergy, auprès de qui, écrit-elle, « on se retrouve pris au piège de nos propres préjugés ». Son titre ? La Relève (Cerf, 2018). Le mot lui va bien. Car Claire Marin sait à la fois se relever (d’une rupture) et révéler (les plis de notre intimité). C’est pourquoi elle incarne incontestablement l’une des figures les plus prometteuses de la relève philosophique française.

    #Crise_sanitaire #Claire_Marin #philosophie #intime #technologies_de_la_distance #télétravail #émotion #affect #concept

  • « Ici, nous sommes tous dans la galère » : à Paris, l’auberge de jeunesse est devenue celle des précaires - Émile Telloc, Basta !
    https://www.bastamag.net/Jeunesse-precarite-crise-sociale-independants-interimaires-galere-de-logem

    À Paris, les confinements ont forcé de nombreux travailleurs précaires à vivre à l’hôtel, faute de ressources pour payer leurs loyers. Au Generator, une auberge de jeunesse, autoentrepreneurs, intérimaires et demandeurs d’asile se croisent et attendent...

    Micro-entrepreneurs, intérimaires, travailleurs étrangers, demandeurs d’asile... Depuis le premier confinement, les auberges de jeunesse parisiennes se sont brutalement vidées des habituels touristes et jeunes backpackers, abandonnant peu à peu la place à des travailleurs précaires que la crise économique a laissés sans ressources et sans logement. Au Generator, un immense établissement de plus de 900 places, ces nouveaux clients de passage traversent de longues journées sans fin, bercés par l’ennui d’une auberge de jeunesse tournant au ralenti, où bar et restaurant sont fermés.

    #travailleurs_précaires #précaires #crise_sanitaire

  • « #Covid_19 / Le monde de demain - Se libérer de l’imaginaire capitaliste ? » - Isabelle Stengers, entretien filmé à Bruxelles en juin 2020
    https://www.youtube.com/watch?v=WTHVqvH2Bvg

    #Isabelle_Stengers, philosophe des #sciences, nous explique comment l’imaginaire capitaliste met en danger les sciences, la démocratie et l’environnement.

    " On nous force à penser contre la réalité, ce n’est plus une démocratie (...) On a vu une indifférence à tout ce qui n’était pas maintien de l’ordre public au fond. Et l’ordre public on a su qu’il allait être dévasté si les services, si tout le système sanitaire était débordé. Donc les vulnérables c’était avant tout ceux qui menaçaient de fabriquer ce scandale qui est le système sanitaire, fierté d’un pays développé, qui craque. Le reste ce sont des conséquences. " (...)

    Quand on mobilise « la science » pour se substituer à un processus de pensée collectif, avec les gens, on perd les trois-quart de l’intelligence et on le remplace par une bonne dose de bêtise, de satisfaction et de faire semblant.(...)

    Il y a des semi-vérités qui deviennent des non vérités parce qu’elles sont affirmées comme scientifiques. (...)

    La science était soumise en fait à la non décision politique. C’est un processus profondément vicieux et on peut perdre confiance. Et, ce qu’il y a de grave, c’est qu’on peut perdre confiance en des sciences qui pourraient avoir quelque chose à nous dire, qui pourraient être intéressantes. Mais quand on traite les gens comme des idiots et qu’on leur demande d’avoir confiance dans ce qui n’est pas fiable et bien on se retrouve devant des sceptiques généraux, et ça c’est une catastrophe culturelle (...)

    Les virus sont des machines à inventer, je parle de machines et pas de vivant parce que sont des machines dont la seule raison d’être c’est de rencontrer un hôte qui l’accueille, qui lui donne l’hospitalité. Parfois au détriment de cet hôte, mais c’est pas ça le projet du virus. Le virus ne devient avant que si il rencontre un hôte et donc, il mute à toute vitesse, il innove dans tout les sens pour maximiser ses chances (...) on peut dire que c’est un exilé de la vie qui essaie de trouver une terre d’accueil, et parfois ça se passe bien, beaucoup de choses que nous sommes en tant que mammifères nous le devons à des #virus (...) "

    #philosophie #vidéo #imaginaire_capitaliste #imagination #pandémie #crise_sanitaire #panique #confinement #entraide #solidarité #scepticisme #chômeurs #climat #réchauffement_climatique #droits_sociaux

  • La très belle biennale #Traces (http://traces-migrations.org) n’a pas pu avoir lieu en présence d’un public en chair et os...

    Du coup, elle s’est transformée en émission #radio...

    Et vous pouvez retrouver les #podcasts ici (et c’est tellement incroyablement riche !!) :

    https://soundcloud.com/radio-traces

    Quelques #sons :
    La question des #Chibanis à travers le temps - Portrait de Jacques Barou
    https://soundcloud.com/radio-traces/la-question-des-chibanis-a-travers-le-temps-portrait-de-jacques-barou

    “Restez chez vous”, quid de la #crise_sanitaire dans les #quartiers_populaires ?
    https://soundcloud.com/radio-traces/sets/restez-chez-vous-quid-de-la-crise-sanitaire-dans-les-quartiers-populaire


    #coronavirus #covid-19 #confinement

    L’#île_égalité ! Un lieu occupé à #Villeurbanne.
    https://soundcloud.com/radio-traces/lile-egalite-un-lieu-occupe-a-villeurbanne

    #Hospitalité en France : Mobilisations intimes et politiques.
    https://soundcloud.com/radio-traces/hospitalite-en-france-mobilisations-intimes-et-politiques

    Pour construire l’hospitalité, interroger la notion d’ « habiter éclaté »
    https://soundcloud.com/radio-traces/pour-construire-lhospitalite-interroger-la-notion-d-habiter-eclate

    « #Corps_en_grève », #grève_de_la_faim des #travailleurs_immigrés en 1973 - Radio Dio
    https://soundcloud.com/radio-traces/corps-en-greve-greve-de-la-faim-des-travailleurs-immigres-en-1973-radio-


    #BD

    On a tous un ami noir, de #François_Gemenne
    https://soundcloud.com/radio-traces/on-a-tous-un-ami-noir-de-francois-gemenne

    #Laïcité, #racisme, #séparatisme, #islamophobie - Radio Dio
    https://soundcloud.com/radio-traces/laicite-racisme-separatisme-islamophobie-radio-dio

    "Plus Fort, j’entends rien", à propos du "#privilège_blanc" - Radio Dio
    https://soundcloud.com/radio-traces/plus-fort-jentends-rien-a-propos-du-privilege-blanc-radio-dio

    L’Ensemble industriel remarquable #Cusset-TASE
    https://soundcloud.com/radio-traces/lensemble-industriel-remarquable-cusset-tase

    Les mutations du droit des collectivités territoriales à travers l’accueil des migrant-e-s
    https://soundcloud.com/radio-traces/les-mutations-du-droit-des-collectivites-territoriales-a-travers-laccuei

    #migrations #histoire #mémoire #France #interview

  • #Pauvreté en #France. Les jeunes et l’#Outre-mer en première ligne

    Le #rapport publié par l’#Observatoire_des_inégalités montre que 5,3 millions de Français vivent sous le seuil de 885 € par mois. Et la #crise_sanitaire, prévient l’organisme, va aggraver la situation.

    L’observatoire des inégalités, un organisme indépendant fondé à Tours en 2003, surveille en permanence les données statistiques du pays et s’intéresse aux « grandes évolutions structurelles ». La deuxième édition (2020-2021) du rapport bi-annuel sur la pauvreté en France qu’il publie ce jeudi 26 novembre dresse un constat alarmant, en particulier pour la jeunesse et les territoires d’Outre-mer. Dans un contexte marqué par l’épidémie de Covid-19, dont les conséquences échappent encore à ce diagnostic.

    « En 2020, la récession atteindra des niveaux inégalés depuis la dernière guerre mondiale. Nous allons en payer les dégâts avec une progression attendue dévastatrice du chômage », prévient Louis Maurin, directeur de l’Observatoire. Quel sera son impact : « 500 000 personnes pauvres de plus ? Un million ? On n’en sait rien » dit-il, alors que la majorité des données exploitées ont été collectées avant 2020. Et que les effets de la crise sanitaire « ne pourront se mesurer qu’en 2022 ».

    5,3 millions de pauvres en France

    Le pays compte 5,3 millions de pauvres « si l’on prend en compte le seuil de 50 % du niveau de vie médian (1 770 € par mois) », retenu par l’observatoire. C’est 8,3 % de la population totale. « La pauvreté est plus répandue qu’il y a 15 ans, la hausse s’est faite entre 2002 et 2012, avec 1,3 million supplémentaire (+ 35 %) », détaille Anne Brunner, codirectrice du rapport.Au total 6,3 millions de personnes vivent avec au maximum 934 € par mois pour une personne seule. Ce qui correspond au seuil des 10 % les plus pauvres. Et en moyenne ce dixième dispose de seulement 735 €.

    Les Français sans activité plus exposés

    Près de la moitié des personnes pauvres sont inactives, à la retraite ou au foyer. L’autre est composée de salariés, d’étudiants. Un chômeur sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. La moitié des personnes pauvres vit en couple, un quart seules, un autre quart au sein de familles monoparentales.

    Lors d’une séparation, une famille sur cinq bascule dans la pauvreté. Le taux de pauvreté des femmes est légèrement supérieur à celui des hommes 52,7 % contre 47,3 % : un « reflet du poids financier des enfants sur leur niveau de vie », indique l’observatoire. Les immigrés seraient trois fois plus exposés, selon les dernières données disponibles datant de 2015.

    Les enfants et les jeunes plus touchés

    En France, un enfant sur dix grandit dans une famille pauvre. La moitié des pauvres ont moins de 30 ans, 20 % sont étudiants, un tiers sont des enfants et des adolescents. Les 18-29 ans sont les plus touchés. « Cette tranche d’âge est vulnérable à la crise économique qui suit la crise sanitaire », appuie Louis Maurin, directeur de l’Observatoire.

    Les Outre-mer en tête des territoires les plus pauvres

    Les données de l’Insee, publiées au cours de l’été et mentionnée par le rapport sont édifiantes. À Mayotte, 77 % de la population se situe sous le seuil de 60 % du niveau de vie médian ; 53 % en Guyane. À la Réunion, un quart des habitants vivent avec moins de 867 € par mois. Et en Martinique, les 10 % les plus pauvres vivent avec moins de 630 € mensuels.

    Parmi les villes qui comptent plus de 20 000 habitants, cinq communes de la Réunion en tête classement des vingt villes où le taux de pauvreté est le plus élevé. Devant Grigny (Essonne) et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui affichent des taux de 45 % et 46 %.

    Un #revenu_minimum unique pour lutter contre la pauvreté

    C’est ce que suggère de créer l’Observatoire des inégalités pour « sortir les plus démunis de la pauvreté ». Sept milliards d’euros « hors crise sanitaire, soit l’équivalent de baisse d’impôts accordée aux plus aisés en 2017 », suffiraient pour « que chaque français puisse bénéficier de 900 € par mois pour vivre. »

    Car si en France, pays d’Europe affichant l’un des taux de pauvreté les plus bas derrière la Finlande, « le modèle social protège », les jeunes de moins de 25 ans ne disposent d’aucune aide. « On est à un moment où il faut absolument que les plus favorisés aident davantage ceux qui le sont moins », plaident les auteurs du rapport.

    https://www.ouest-france.fr/societe/pauvrete/pauvrete-en-france-les-jeunes-et-l-outre-mer-en-premiere-ligne-7063848
    #statistiques #chiffres #seuil_de_pauvreté #pauvres #rdb #revenu_de_base #2020

  • Des masques et moi. Démasquez-moi. | À l’école du partage
    https://ecole-partage.fr/blogposts/des-masques-et-moi-demasquez-moi

    31 août 2020. Pré –rentrée. Depuis le 16 mars c’était la première fois que nous étions tous et toutes, enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices, personnels, AESH, réunis au collège. Cette pré-rentrée habituellement joyeuse où les sourires des collègues colorent la journée, a été spéciale. Des visages joyeux mais masqués.

    Ce fut encore plus déroutant le jour de la rentrée des élèves parce que tout à coup, j’avais là devant moi une cohorte de visages d’élèves que je ne connaissais pas et à cet instant là j’ai eu l’impression de ne jamais pouvoir les connaître. Deuxième jour compliqué donc, et déjà deux jours de migraines.

    Il fallait donc me poser, mieux respirer, boire davantage. Et tout un tas d’autres astuces partagées dans la salle du personnel.

    Cette mesure sanitaire du port du masque m’est apparue alors injuste et discriminante. Plutôt que de me complaire dans le marmonnage et le ressentiment qui s’entraînaient dans un état émotionnel négatif, j’ai tenté de répondre à la question : comment apprendre à vivre - tout au moins travailler - avec ? Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup à dire sur l’objet masque. Cet objet m’a fascinée.

    #Hélène_Mulot #Ecole_partage #Masques #Crise_sanitaire

  • Paris : avec la crise sanitaire, de plus en plus de monde à la rue - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-avec-la-crise-sanitaire-de-plus-en-plus-de-monde-a-la-rue-15-11-202

    Considérable, l’augmentation de 13 % du nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (#RSA) à #Paris au cours de l’année 2020 est un indicateur qui en dit long sur l’impact de la crise sanitaire. Alors qu’en janvier, 60 000 Parisiens percevaient le RSA (564,79 euros par mois pour une personne seule), ils étaient 68 200 en septembre, selon le dernier chiffre disponible de la caisse d’allocations familiales. « Je pense qu’ils sont plus de 70 000 aujourd’hui. C’est du jamais-vu », annonce Léa Filoche (Génération. s), adjointe à la maire de Paris en charge de la solidarité et la lutte contre les inégalités et l’exclusion.

    Autre signal alarmant : la distribution d’aide alimentaire sous toutes ses formes (épiceries sociales, repas chauds servis aux sans-abri, paniers-repas), organisée par de nombreuses associations, a presque doublé en volume au cours des dix derniers mois. « De 11 000 repas attribués par jour en janvier 2020, nous sommes passés à 20 000 depuis septembre », constate l’élue.

    « Non seulement la #crise_sanitaire a accentué les difficultés des personnes qui étaient déjà en situation précaire (NDLR : chômage, problèmes d’hébergement…) mais elle s’est aussi traduite par l’arrivée de nouveaux publics jusqu’alors inconnus des services sociaux », observe Léa Filoche. Majoritairement jeunes (moins de 35 ans) et sans charge de famille, ces « nouveaux pauvres » de 2020, dont beaucoup travaillaient comme indépendants (#autoentrepreneurs…) dans les secteurs du tourisme ou de l’hôtellerie, se sont retrouvés sans emploi du jour au lendemain au printemps dernier et parfois dans l’incapacité de payer leur loyer.

    #aide_alimentaire

  • De l’utilité (ou pas) des frontières contemporaines ?

    Dans « Nos géographies », nous parlons ce soir des frontières que nous chercherons à définir avec #Michel_Foucher et #Anne-Laure_Amilhat-Szary (@mobileborders).

    Bien plus qu’un espace plus ou moins large séparant deux territoires, un objet juridique et politique, très symbolique, l’écho d’un passé lointain ou proche, nous verrons que la notion de frontière intangible, n’a pas toujours existé. Nous constaterons l’importance des progrès de la #géographie et de la #cartographie pour en préciser les contours.

    La #pandémie de la #Covid-19 et la fermeture concomitante d’une grande partie des frontières dans le monde viennent de replacer brutalement celles-ci sous les feux de l’actualité. La crise migratoire, précédant la crise sanitaire avait déjà amorcé ce mouvement de #repli. Certes, les frontières n’avaient pas disparu mais la #mondialisation des économies avec l’accélération des échanges et l’extraordinaire essor des transports, aériens, maritimes et terrestres ces dernières décennies ont largement contribué à les faire oublier, du moins, dans de nombreuses régions. Elles réapparaissent donc. Comment interpréter le phénomène ? Est-il souhaitable, est-il durable ? Que nous dit-il de l’état de nos sociétés ?

    Pour en parler ce soir nous sommes en compagnie de deux spécialistes, Michel Foucher, géographe et ancien diplomate, titulaire de la chaire de géopolitique appliquée au Collège d’études mondiales (FMSH, Paris) et Anne-Laure Amilhat-Szary, spécialiste de géographie politique, professeure de géographie à l’Université Grenoble-Alpes et directrice du laboratoire CNRS Pacte.

    https://www.franceculture.fr/emissions/nos-geographies/les-frontieres

    #frontières #utilité #fermeture_des_frontières #crise_sanitaire

  • Besoin de ressources sur le documentaire "Hold Up" ?

    Il y a une personne de la team sceptique avait commencé à rassembler des ressources disponibles ici : https://docs.google.com/document/d/1UU2Gp_YH4NnJ2tRYPD1-pFli-F7TM1PtO_Ll95J2LQI suite à quoi nous avons lancé un pad collectif qui, depuis, s’est étoffé et continue à l’être : https://frama.link/Debunk-HoldUp (à diffuser avec parcimonie)
    et il y a #CaptainFact qui propose une vérification collective enrichie là https://captainfact.io/videos/4Y7d (je suis persuadée que c’est le genre d’outils qu’on a besoin de développer)

    En attendant, je dois avouer que je fais un peu le yoyo sur le sujet parce que lire ça et là que les gens sont stupides de relayer ça, bah, même si j’ai des ras-le-bol très très fort, ça me va pas comme réponse, ou plutôt, ça me rend encore plus triste et pessimiste. Je ne peux m’empêcher de penser à l’électorat de Trump, qu’on moque plus facilement qu’il est à distance, en sachant que dans le même temps la France est en train de faire pire dans certains domaines. Il me semble que ne pas entendre les besoins auxquels ce film répond, c’est passer à côté de ce qu’il nous faut pour faire "société" et pousser les biens communs et non individualités malmenées par des décrets qui nous maintiennent dans l’impuissance. Je suis persuadée, années après années, que le plus important est l’accessibilité aux informations et savoirs mais je suis aussi de plus en plus convaincue que la solution pour mieux passer les crises passe par rétablir plein de liens d’entraide dans notre voisinage immédiat...
    Mille douceurs sur tous vos univers et sur vos bulles nécessaires 💚

    Loi de Brandolini : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Brandolini

    Avant de partir piocher dans les données, une première question à se poser est peut-être "Pourquoi vouloir changer l’opinion des gens sur Hold-up ?" afin de mieux répondre à la question "Comment changer l’opinion d’une personne sur Hold-up ?" Pour ça, le visionnage de la nouvelle vidéo de Hygiène Mentale peut être salutaire ;)
    https://www.youtube.com/watch?v=VnbhrwNXry0

    Et donc, pour ce qui est déjà listé :

    Précisions / mises au point d’intervenant-e-s

    Philippe Douste-Blazy s’explique et se désolidarise du documentaire
    https://twitter.com/pdousteblazy/status/1326623595502718978 +archive : https://archive.vn/Vn91s
    Interview RTL : “Hold-Up” : Douste-Blazy “scandalisé” par le documentaire où il apparaît : https://www.rtl.fr/actu/politique/hold-up-douste-blazy-scandalise-par-le-documentaire-ou-il-apparait-7800921675 )
    Explication plus complète sur BFMTV : “Hold-Up” : “scandalisé”, Douste-Blazy demande à être retiré du documentaire aux relents complotistes : https://www.bfmtv.com/sante/hold-up-scandalise-douste-blazy-demande-a-etre-retire-du-documentaire-aux-rel

    Monique Pinçon-Charlot explique comment elle a été trompée à la fois sur le sujet mais aussi sur la coupe qui a été faite dans ses propos. Elle présente aussi ses excuse pour l’allusion inappropriée à l’holocauste. Elle refuse d’être associée à la promotion du film :
    https://twitter.com/PINCON_CHARL0T/status/1327309067879141377 +archive : https://archive.vn/EfkkO

    Analyses, critiques et désinfox disponibles

    Sur Twitter :
    –Thread debunk et analyse, de @C19Federation (collectif Covid 19 Fédération, centre d’information sur le coronavirus) :
    https://twitter.com/C19Federation/status/1326595799858475009 +archive : https://archive.vn/SmBVG

    –Thread debunk, de @Tristanmf :
    https://twitter.com/tristanmf/status/1326510738966532096 +archive : https://archive.vn/9GSdJ

    –Thread debunk, de @VictorBoissel
    https://twitter.com/VictorBoissel/status/1326797394269401088 +archive : https://archive.vn/XomKt

    –Thread debunk, de @lucifer_le_vrai
    https://twitter.com/lucifer_le_vrai/status/1325967852332077062 +archive : https://archive.vn/s0l4S

    –Courtes vidéos de @Gollumilluminat

    le Diamond Princess prédit-il 55 000 morts pour la Grande Bretagne ?

    https://twitter.com/Gollumilluminat/status/1326844683440582658

    "L’OMS a interdit les autopsies" ?

    https://twitter.com/Gollumilluminat/status/1326882895781355526

    "les médecins touchent plus d’argent lorsqu’ils dénoncent des cas contact" ?

    https://twitter.com/Gollumilluminat/status/1326876315018989569

    –Thread debunk de @AnasseKazib, belles mises en évidence d’incohérences dans le film.
    https://twitter.com/AnasseKazib/status/1326995516354334731 + archive : https://archive.vn/sM5QK

    –Thread de @medmedfr qui regroupe aussi divers thread, articles et debunk :
    https://twitter.com/medmedfr/status/1326606239300775941 +archive : https://archive.vn/FSIEG

    –Thread Alexandre Boucherot, COE de Ulule, sur la récolte d’argent pour Hold Up sur la plateforme :
    https://twitter.com/cemonsieur/status/1326873749531074560 +archive : https://archive.vn/0R48k
    → Il y explique que l’intégralité de la commission perçue va aller à une association de défense de l’information : https://community.ulule.com/topics/politique-de-moderation-que-fait-ulule-si-un-projet-contrevient-a-s

    Sur Facebook :
    –Post de Jean-Loic Le Quellec, notamment sur les invités du film :
    https://www.facebook.com/jeanloic.lequellec/posts/3798547896845205 +archive : https://archive.vn/dzRzx

    –Post de Dany Nuremberg, notamment sur les invités du film et l’HCQ :
    https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=10223237673481214&id=1565238776 +archive : https://archive.vn/s3xtd

    –Alerte du collectif Covid19 (centre d’information sur le coronavirus) :
    https://facebook.com/Covid19.Federation/photos/a.109195057395696/194108348904366 +archive : https://archive.vn/1MiLc

    –Post analyse de Loïc Steffan, Professeur agrégé Éco-gestion, à l’Institut National Universitaire Champollion :
    https://www.facebook.com/loic.steffan/posts/10221632402871394 +archive : https://archive.vn/iJQxy

    –Courtes vidéos de Pierre Ratbb identiques à celles de @Gollumilluminat sur twitter :

    le Diamond Princess prédit-il 55 000 morts pour la Grande Bretagne ?

    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1251684621880487&id=100011168831576

    "L’OMS a interdit les autopsies" ?

    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1251791825203100&id=100011168831576

    "les médecins touchent plus d’argent lorsqu’ils dénoncent des cas contact" ?

    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1251773601871589&id=100011168831576

    Sur Youtube :
    –Courtes vidéos par Le Moment Neuneu :

    le Diamond Princess prédit-il 55 000 morts pour la Grande Bretagne ?

    https://www.youtube.com/watch?v=2A6Bo-swumQ

    "L’OMS a interdit les autopsies" ?

    https://www.youtube.com/watch?v=8f6LxmG3GCo

    "les médecins touchent plus d’argent lorsqu’ils dénoncent des cas contact" ?

    https://www.youtube.com/watch?v=CauCCT3L1pw

    Sur Internet :

    Très très gros boulot de Débunkage du documentaire Hold-up : analyse personnelle et semi-collaborative par Thibaut P. & Christophe P. avec timing précis et au format CC-BY-NC-SA : https://hackmd.io/Vxh9X6C8RIyh0zRPcgh_BA?view +archive : https://archive.vn/yo9do

    –Captain Fact : travail d’analyse collectif minutieux point par point des membres de CaptainFact :
    https://captainfact.io/videos/4Y7d

    –Travail d’analyse minutieux point par point du collectif Fédération Covid19 (centre d’information sur le coronavirus)
    https://spark.adobe.com/page/xiBTzlo8ML8Hv

    Fiche Conspiracy Watch en cours de réalisation : https://www.conspiracywatch.info/hold-up

    Instant critique : HOLD-UP, la comédie fiction de Pierre Barnérias
    https://instantcritique.fr/divertissement/hold-up-la-comedie-fiction-de-pierre-barnerias

    Médias scientifiques & spécialisés

    Sciences et avenir : Covid-19 : 4 "fake news" majeures présentes dans le documentaire complotiste "Hold-Up"
    https://www.sciencesetavenir.fr/sante/covid-19-4-fake-news-majeures-presentes-dans-le-documentaire-complo

    "Le virus a particulièrement sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confinés grâce à une mesure historique censée ne pas faire apparaître cette courbe" (à 8’05’’)

    RT-PCR : "l’ARS ne communique pas sur le nombre de cycles" (à 8’54’’)

    "On a interdit les autopsies à cause d’une instruction de l’OMS" (39’16’’)

    "Jusqu’à maintenant, les virus venant du monde animal ont du mal à se transmettre d’Homme à Homme" (entre 1h39’ et 1h50’)

    Différents médias mainstreams :

    –Article de ChekNews (payant) :
    https://www.liberation.fr/checknews/2020/11/11/que-sait-on-du-documentaire-hold-up-qui-denonce-une-manipulation-mondiale
    @medmedfr l’a rendu public ici : https://twitter.com/medmedfr/status/1326606239300775941
    et en version libre là : https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/que-sait-on-du-documentaire-c2-abhold-up-c2-bb-qui-d-c3-a9nonce-une-c2-abmanipulation-c2-bb-mondiale-sur-le-covid-19/ar-BB1aUrx1

    Articles cités (Libé ou autres) dans le débunk de Checknews :

    18 mars : Le brevet du Covid-19 par l’institut Pasteur : https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/18/non-le-covid-19-n-a-pas-ete-invente-par-l-institut-pasteur_1782209

    25 mars : Pourquoi un billet de blog de pro Raoult a disparu du blog Médiapart : https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/25/mediapart-a-t-il-supprime-un-billet-de-blog-favorable-au-professeur-raoul

    13 avril : Pas de déploiement “sauvage” de la 5G pendant le confinement : https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/13/le-gouvernement-a-t-il-generalise-la-5g-pendant-le-confinement_1785045

    15 avril : L’OMS et les recommandations de port du masque : https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/15/pourquoi-l-oms-ne-recommande-t-elle-pas-le-port-du-masque-a-toute-la-popu

    27 avril : Véran pris en flagrant déli de mensonge sur le port du masque : https://www.liberation.fr/france/2020/04/27/masques-comment-le-gouvernement-a-menti-pour-dissimuler-le-fiasco_1786585

    2 juin : Les critiques de l’étude du Lancet : https://www.liberation.fr/checknews/2020/06/02/pourquoi-l-etude-du-lancet-sur-l-hydroxychloroquine-est-elle-sous-le-feu-

    21 septembre : Le mythe de la prime décès Covid versée aux hopitaux : https://www.liberation.fr/checknews/2020/09/21/non-les-hopitaux-ne-touchent-pas-une-prime-de-5-000-euros-par-deces-du-au

    4 octobre : 5 arguments des “rassuristes” passés au crible : https://www.liberation.fr/france/2020/10/04/cinq-arguments-des-rassuristes-passes-au-crible_1801400

    13 octobre : Analyse de l’association Bon Sens et de ses membres : https://www.liberation.fr/checknews/2020/10/13/qu-est-ce-que-l-association-bonsens-cofondee-par-la-deputee-martine-wonne

    Sur Christian Perronne :

    2016 : Raoult clashe les docteurs complotistes prétendant que Lyme est une maladie créée par les nazis (dont Perronne fait partie) : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/christian-perronne-avec-didier-raoult-on-a-de-l-estime-mutuelle_2130142.htm

    19 juin : Létalité du Covid-19 : 19% en France contre 6% aux USA selon Perronne ? https://www.liberation.fr/checknews/2020/06/19/est-il-vrai-que-la-letalite-du-covid-en-france-a-ete-de-19-contre-6-aux-e

    8 juillet : Perronne défend le protocole Raoult : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/christian-perronne-avec-didier-raoult-on-a-de-l-estime-mutuelle_2130142.htm

    Sur les élections US :

    4 novembre : Pourquoi le nombre de voix démocrates dans le Michigan et le Wisconsin a soudainement augmenté : https://www.liberation.fr/checknews/2020/11/04/pourquoi-le-nombre-de-voix-democrates-dans-le-michigan-et-le-wisconsin-a-

    5 novembre : Pas plus de votants que d’inscrits dans le Michigan : https://www.liberation.fr/checknews/2020/11/05/non-il-n-y-a-pas-eu-plus-de-votants-que-d-inscrits-dans-le-wisconsin_1804

    10 novembre : Pourquoi France Soir n’est plus un journal : https://www.liberation.fr/checknews/2020/11/10/francesoir-ceci-n-est-plus-un-journal_1803644

    Les Décodeurs : Covid-19 : les contre-vérités de « Hold-up », documentaire à succès qui prétend dévoiler la face cachée de l’épidémie : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/11/12/covid-19-les-contre-verites-de-hold-up-le-documentaire-a-succes-qui-pretend-

    RTBF.be : Le coronavirus, fruit d’une "manipulation mondiale" ? "Hold-Up", un docu soutenu par des milliers de contributeurs
    https://www.rtbf.be/info/medias/detail_le-coronavirus-fruit-d-une-manipulation-mondiale-hold-up-un-docu-soutenu

    Le Parisien : Covid-19 : labos, masques et domination du monde… on décrypte « Hold Up », le docu qui agite les complotistes
    https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-labos-masques-et-domination-du-monde-on-decrypte-hold-up-le-docu

    France Info : Covid-19 : “Hold-up”, le documentaire qui dénonce un “complot mondial”, fait polémique : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-et-complot-mondial-le-documentaire-hold-up-fait-polemique_4178

    – RTL :
    "Comment le documentaire "Hold up" est devenu une affaire politique ?" : chronique de Jean-Mathieu Pernin
    https://www.youtube.com/watch?v=Ge5qEf_FW7Q


    à retrouver en article ici https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/comment-le-documentaire-hold-up-est-devenu-une-affaire-politique-7800922012

    "Hold Up : le piège redoutable des théories du complot" : edito

    https://www.youtube.com/watch?v=6yS8C0ZuXL4


    à retrouver en article ici : https://www.rtl.fr/actu/politique/hold-up-le-piege-redoutable-des-theories-du-complot-7800921922
    – Europe 1 : de 3’28 à 5’36, avec intervention de Tristan Mendès
    https://www.youtube.com/watch?v=yZveTRGAn4g

    BFMTV (article un peu brouillon mais qui a l’avantage de lister la plupart des autres publications et de comprendre pourquoi Philippe Douste-Blazy dit s’être fait pièger) : TOUT COMPRENDRE - “Hold-up”, le documentaire aux relents complotistes qui veut dénoncer les “mensonges” sur le Covid-19 : https://www.bfmtv.com/societe/tout-comprendre-hold-up-le-documentaire-aux-relents-complotistes-qui-veut-den

    lien vers le doc hors "promotion" : https://hdstreaming.ch/movies/hold-up-retour-sur-un-chaos