• « Défendre nos villes contre les ravages du techno-capitalisme »
    http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/05/01/defendre-nos-villes-contre-les-ravages-du-techno-capitalisme_4410220_651865.

    Pourquoi avez-vous commencé à protester ?

    Etre témoin des expulsions de locataires à San Francisco, assister à la prolifération des technologies de surveillance, voir de nos yeux la dévastation de l’environnement a suffi à nous pousser à agir. Nous ne pouvions plus rester assis et regarder cette dynamique d’exploitation et d’avarice s’étendre sans rien faire.

    #anarchie #technologie #siliconvalley #surveillance

  • Pl@ntNet : l’application smartphone qui identifie les végétaux - 7 mars 2013 - Sciences et Avenir
    http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20130305.OBS0785/pl-ntnet-l-application-smartphone-qui-identifie-les-vegetaux.html

    Qui, lors d’une ballade, ne s’est jamais demandé quel nom pouvait bien porter telle fleur, telle herbe, tel arbre ? Aujourd’hui, la réponse est dans la poche, ou plutôt dans le téléphone. L’application Pl@ntNet la fourni en une photo et quelques clics.

  • De l’hostilité larvée dans les milieux anti-industriels
    http://www.non-fides.fr/?De-l-hostilite-larvee-dans-les

    Voilà, je sais que j’ai été long, mais je voulais juste rappeler, pour la énième fois, que l’hostilité à la « société industrielle », même en version radicale, peut cacher des prises de positions conservatrices des plus convenues et que le phénomène n’est pas accidentel mais récurrent. En la matière, Hervé Le Meur ne fait que synthétiser ce que pas mal d’écologistes, même radicaux, y compris parfois en costume post-situationniste, pensent et écrivent parfois. Je ne sais pas quelle est actuellement la position des deux auteurs du texte. Par contre, le fait qu’il soit présenté sur le site de « Pièces et Main-d’œuvre » sans la moindre réticence de leur part, jusqu’à preuve du contraire, est pour le moins étrange.

  • Quel éléphant irréfutable dans le magasin de porcelaine ? (Sur la gauche sociétale-libérale)
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=491

    Dans un livre paru en 2007, préfacé par Serge Halimi (Le Monde diplomatique) et encensé par Jean Birnbaum (Le Monde), le journaliste américain Thomas Frank se demandait Pourquoi les pauvres votent à droite. Réponse selon nos trois journalistes de gauche : "le coup de génie des conservateurs : d’un côté, ils se sont réapproprié un thème largement abandonné par les démocrates, celui de la juste fureur des « masses » contre les élites ; de l’autre, ils ont substitué la « guerre culturelle » à la lutte de classes. Les valeurs d’abord ! « Ce qui divise les Américains, ce serait l’authenticité, et non quelque chose d’aussi complexe et dégoûtant que l’économie » (...). D’où la marginalisation des thèmes propres à la gauche (salaires, protections sociales…) et le triomphe d’enjeux touchant à l’avortement, à la religion, (...)

    #Documents
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Quel_e_le_phant.pdf

    • C’est quand même assez difficile de voir où ils veulent en venir : tout le monde est des cons et des vendus, sauf eux ? Et l’#homophobie rageuse de ce texte ne vous pose pas problème ?

    • J’ai vraiment du mal avec leur prose systématiquement clivante, stigmatisante et haineuse. J’y retrouve les même ressorts rhétoriques et langagiers que dans les productions de l’extrême droite.

      C’est dommage car ça dessert leur cause, et tout n’est vraiment pas à jeter.

    • Pour l’homophobie et/ou l’anti-féminisme de certains passages, ben si @fil, cf quelques autres discussions sur seenthis à ce sujet qu’on a eu avec @aude_v, à propos de concilier #critique_techno, #anti-industriel et féminisme.

      Mais je suis d’avis avec moi-même aussi qu’il y a plein de choses à garder. (Et je ne suis pas sûr qu’il y ait une homophobie « viscérale », ça a plus l’air d’être contre les assocs gays en vue.)

    • J’ai écrit rageuse, pas viscérale :) Je me moque bien de savoir si cette hargne leur vient des tripes ou d’ailleurs. Le fait de lire "le système" comme une conspiration des "assocs gays en vue" est en soi homophobe, en plus d’être très faible sur le plan de la véracité. Pour une Emma Cosse combien de Geneviève Fioraso ?

      Non, ils ciblent explicitement la petite frange "gay" ou "pro-gay" de l’“intelligentsia” (qu’ils définissent eux-mêmes sans autre explication que le fait qu’il y a plusieurs anciens normaliens, et en estimant être les seuls à n’en faire pas partie, ce qui est pratique). Et l’origine de cette stigmatisation vient d’une lecture du mariage pour tous comme émanant d’une sorte de complot gay visant à la marchandisation du vivant à travers la GPA.

    • Les ouvriers baisent autant et plus que les bobos. Les ouvrières n’ont jamais craché
      sur la pilule. Elles n’ont pas attendu la loi Veil pour avorter – et dans les pires conditions. Les jeunes prolos
      et les loulous d’après 68 étaient aussi drug, sex and rock n’roll que les jeunes bourges des facs et des
      lycées. On s’est toujours vanné à coups de gros mots, de grosses blagues et de gros clichés entre mecs
      d’origine différente, ça n’a jamais empêché de bosser et de jouer au foot ensemble – ça faisait même partie
      du plaisir, de la rivalité et de la compétition. On a toujours rigolé des pédés entre « virilistes », mais au fond
      « ça me regarde pas, chacun fait ce qu’il veut avec son cul, hein ! ». C’était une évidence que des copains
      de vestiaire étaient musulmans, que « chez eux, la religion, c’est très important », et que même ça leur
      imposait des règles spéciales dont on les plaignait et les blaguait - toujours en finesse - mais bon, « Tant
      que ça reste privé et qu’ils emmerdent pas le monde avec. »

      En fait c’était vachement mieux avant les lois sur l’avortement ou les lutes antiracistes. Ok on était racistes et homophobes mais c’était bon enfant, et puis Mohamed avait le droit de boire un coup avec nous de temps en temps.

      Bon esprit.

    • Si un enfant a plein de papas et de mamans, et qu’il entretient avec certains-es d’entre eux-elles, des rapports charnels, où est le problème ? Ça dérange qui ? État paternaliste, oppresseur, hors de nos lits ! Mieux vaudrait lever le tabou de l’infanticide plutôt que de culpabiliser les femmes. Un enfant n’existe que dans un désir de parentalité. Se débarrasser d’un enfant non désiré, ce n’est pas tuer mais régler un problème.

      Ah oui sur la fin c’est vraiment gore…

    • Ou du post-Céline. C’est dommage car j’avais beaucoup aimé les précédents bouquins que j’ai lus, ils étaient les rares à poser franchement les questions sur la technologie.

      Mais quand ton ennemi de classe ça devient les pédés normaliens, je pense qu’il est temps de changer d’occupation, sinon tu vas finir par tourner en rond sur toi-même, en éructant et en bavant, de plus en plus vite, jusqu’à l’explosion...

    • hallucinante, aussi, cette manière de caricaturer les critiques à l’encontre du Front National ou du mouvement poujadiste.

      Le mouvement poujadiste, de défense des petits commerçants et artisans, souleva les foules contre les grandes surfaces
      et la grande distribution capitaliste, entre 1953 et 1958. Il connut son heure de gloire en 1956, faisant élire 52 députés, dont Jean-Marie Le Pen, 27 ans, le plus jeune député de France. Le Front républicain cria au fascisme, à la bête immonde, aux heures les plus sombres de notre histoire, etc.

      Quelques années plus tard, on retrouvait des militants poujadistes au sein de l’OAS, cf http://tours.mediaslibres.org/janvier-1962-arrestation-d-un.html. Mais évidemment, ceux qui criaient au fascisme n’étaient que des cons...

  • Ellul et Charbonneau : « C’est l’idéologie du progrès qui nous tue » - Reporterre
    http://www.reporterre.net/spip.php?article5741

    Ils appartiennent à cette catégorie d’auteurs qui, pour reprendre une expression de Nietzsche, « naissent posthumes ». De leur vivant ils sont condamnés à n’avoir qu’une notoriété médiocre mais, une fois disparus, leur message resurgit et n’en finit plus de séduire un public de plus en plus large.

    Ainsi en va-t-il de Bernard Charbonneau (1910-1996) et de Jacques Ellul (1912-1994), « deux amis de soixante ans » attachés à leur Sud-Ouest natal, dont les idées, formulées dans les années 1930, imprègnent la pensée écologiste contemporaine.

    Du recueil de textes exhumés et présentés, il y a beaucoup à retenir. D’abord le constat - rassurant – que ne manque pas de souligner l’universitaire Quentin Hardy dans un texte de présentation limpide et érudit, que l’écologie ne doit rien à l’idéologie nazie et pas davantage à son rejeton tricolore, le pétainisme.

    Contrairement à l’idée propagée par Bernard-Henri Lévy ou Zeev Sternhell, c’est indépendamment des idées d’extrême-droite et de l’idéologie du retour à la terre (« qui, elle, ne ment pas ») qu’une mise en cause radicale du mythe du progrès a été opérée par des intellectuels comme Charbonneau et Ellul.

    Ils se réclamaient du mouvement personnaliste et à aucun moment, ni dans leurs écrits, ni dans leur attitude comme citoyen, ils ne se sont approchés du totalitarisme nazi. Ils l’ont au contraire combattu.

    Héritiers d’Emmanuel Mounier, de Denis de Rougemont, et d’autres, leur message est sans appel. Il s’appuie sur un constat : l’évolution du monde moderne est dictée avant tout par le progrès technique. Devenu autonome, c’est lui qui façonne les sociétés et non les facteurs sociaux tels que les antagonismes de classe, comme l’affirment les marxistes. C’est le progrès technique qui, loin d’être neutre, a sacralisé l’efficacité devenue une quête absolue, une fin en soi.

    « L’acceptation du progrès technique est aujourd’hui la cause profonde et permanente de toutes les confusions », écrit Charbonneau en 1936. Et ceci : « C’est l’idéologie du Progrès qui nous tue ».

    Remettre en cause le progrès technique, le contester, c’est donc s’attaquer aux fondements même des sociétés modernes : l’exaltation du travail comme facteur d’épanouissement, l’industrialisation à outrance, le développement sans fin des infrastructures, la centralisation du pouvoir, le recours forcené à la publicité. [...]

    Jamais le progrès technique n’a été aussi sacralisé qu’en ce début de 21ème siècle. Que l’on songe au succès du mot « innovation », tarte à la crème dont se gargarisent aujourd’hui les dirigeants politiques. Jamais la publicité n’a été aussi envahissante. Jamais le culte de la réussite individuelle n’a été autant exalté.

    Nous sommes des révolutionnaires malgré nous. Textes pionniers de l’écologie politique, Bernard Charbonneau, Jacques Ellul, Coll Anthropocène, Ed. Le Seuil.


    Je suis en train de le lire, je le recommande chaudement

    #système_technicien #banlieue_totale #narcissisme #technocritique #critique_techno #personnalisme #sentiment_de_la_nature

  • Supprimer les fonctionnaires, supprimer, supprimer.... par @grosse_fatigue
    http://grosse.fatigue.free.fr/causetoujours/spip.php?article384

    Dans les cours d’économie, qui ne changent pas car ils sont pleins de certitudes, il y a un principe : innovation. Il semblerait qu’il ne faille pas tenir compte des gens, mais seulement des agrégats. Aucun économiste au monde n’a voulu comprendre la révolte des Luddites ou celle des Canuts. Ces types refusaient le progrès. Le progrès technologique doit, dans tous les cas, permettre l’accroissement des richesses et l’accélération du temps. L’économie est avant tout la science permettant de faire des économies afin que ceux qui en ont puissent en avoir encore plus. Le métier à tisser fût une belle invention pour les générations suivantes. Pas pour les Luddites eux-mêmes. L’économie comme science accepte donc le sacrifice humain. Aucun économiste ne l’admettra, mais il suffit de regarder Detroit ou Florange pour comprendre. Il faut sacrifier pour que l’argent circule.

  • " L’âme humaine sous le régime socialiste " par Oscar Wilde ( 1891 )

    http://enuncombatdouteux.blogspot.fr/2014/04/lame-humaine-sous-le-regime-socialiste.html

    Jusqu’à présent, l’homme a été, jusqu’à un certain point, l’esclave de la machine, et il y a quelque chose de tragique dans ce fait que l’homme a souffert de la faim dès le jour où il a inventé une machine pour le remplacer dans son travail.
    Un homme possède une machine qui exécute la besogne de cinq cents hommes.
    En conséquence, voilà cinq cents hommes jetés sur le pavé, n’ayant rien à faire, rien à manger, et qui se mettent à voler.
    Quant au premier, il récolte les produits de la machine, et il les garde. Il a cinq cents fois plus de temps qu’il ne devrait en avoir, et très probablement, beaucoup plus qu’il ne lui en faut, en réalité, ce qui est bien plus important.
    Si la machine appartenait à tout le monde, chacun en profiterait.
    Ce serait là un avantage immense pour la société.
    Tout travail non intellectuel, tout travail monotone et ennuyeux, tout travail où l’on manipule des substances dangereuses et qui comporte des conditions désagréables, doit être fait par la machine.
    C’est la machine qui doit travailler pour nous dans les mines de houille, qui doit faire les besognes d’assainissement, faire le service des chauffeurs à bord des steamers, balayer les rues, faire les courses quand il pleut, en un mot, accomplir toutes les besognes ennuyeuses ou pénibles.

    Actuellement, la machine fait concurrence à l’homme.
    Dans des conditions normales, la machine sera pour l’homme un serviteur.

  • Rage contre la machine - CQFD
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/82781847471

    Dans son numéro de février 2014, CQFD, le mensuel de critique et d’expérimentation sociale, consacrait un dossier à la critique technologique, avec une interview de François Jarrige auteur de Technocritiques, du refus des machines à la contestation des technosciences, une critique de la position philosophique de Bernard Stiegler, et un glossaire tout autant critique…

    Alors que dans les faits la critique de la technoscience se heurte immédiatement à la disqualification et à la répression avec tout le discours sur l’écoterrorisme. On construit un spectre : le technophobe qui menacerait la civilisation. Parallèlement, les États essaient de multiplier les dispositifs d’acceptabilité des produits technologiques. Cela confirme à mon sens la démonstration que la technique est intégralement un phénomène (...)

    #technocritique

    • « Les travailleurs des débuts de l’ère industrielle ne se sont pas opposés au machinisme naissant au nom d’une supposée misotechnie ou d’un refus obscurantiste du progrès, ils se sont opposés à des “trajectoires technologiques” qui menaçaient d’accentuer la discipline et d’éroder le contrôle qu’ils détenaient sur leur savoir-faire et sur l’organisation du travail. »

      Depuis une trentaine d’années, les mobilisations qui mettent la technoscience au cœur de leur lutte tendent à s’accroître : opposition à de grands projets industriels, lutte anti-OGM, refus des technologies sécuritaires, etc. Ce ne sont pas des mouvements « technophobes » stricto sensu et ils peuvent rassembler des éléments très hétéroclites : des militants politiques, des riverains contre les nuisances (pollution, risques) ou des mouvements plus professionnels (éleveurs contre le puçage de leurs brebis). Ces luttes s’accompagnent d’une remise en cause de la figure de l’expert et du technicien, d’où l’inquiétude des autorités scientifiques, industrielles et politiques. C’est fascinant de constater à quel point ces pouvoirs gigantesques s’inquiètent de l’influence de groupes technocritiques marginaux. Certains ont été jusqu’à se fendre récemment d’une tribune pour se plaindre de l’opposition grandissante de la société française aux technologies [3]. Alors que dans les faits la critique de la technoscience se heurte immédiatement à la disqualification et à la répression avec tout le discours sur l’écoterrorisme. On construit un spectre : le technophobe qui menacerait la civilisation. Parallèlement, les États essaient de multiplier les dispositifs d’acceptabilité des produits technologiques. Cela confirme à mon sens la démonstration que la technique est intégralement un phénomène politique.
      [3] Cf. « La France a besoin de scientifiques techniciens » par Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Alain Juppé et Michel Rocard, Libération, 14 octobre 2013.

  • Critiques des machines
    http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/03/critiques-des-machines.html

    A propos de l’ouvrage de l’historien de François Jarrige, « Techno-critiques. Histoire des résistances au ’progrès’ technique’’ », La Découverte

    D’emblée, il en livre une vision débarrassée du clivage binaire entre technophobes et technophiles. « L’opposition au changement technique ne consiste pas dans un refus de la technique, elle vise à s’opposer à l’ordre social et politique que celui-ci véhicule ; plus qu’un refus du changement elle est une proposition pour une trajectoire alternative », écrit-il à l’orée de son ouvrage. Il serait possible, quoique l’auteur ne le fasse pas, de renverser la proposition. La technophilie apparente des puissants — dirigeants politiques et économiques — pourrait bien ne relever que du projet politique, économique voire financier que l’usage des techniques favorise et non d’un prétendu amour de la science ou des techniques. Alors que la technophilie de scientifiques et d’ingénieurs pourraient bien, elle, comporter une part décisive de sincérité. L’amour de la connaissance ou la fascination devant le pouvoir explicatif et opératoire des concepts des sciences de la matière et de la vie se muant en acceptation, voire en adoration sans nuance, de toutes les technologies qui ont pu en découler. L’utopie technologique, note Jarrige, frappe large, si nombre de scientifiques y succombent, les militants écologistes ne sont pas les derniers à s’illusionner devant panneaux solaires et éoliennes. Et Jean-Luc Mélenchon a le même problème avec la géothermie...

    La dernière période, depuis les années 1980, montre selon Jarrigue plusieurs modes d’approches critiques des technologies. Certaines, les « douces », visent une « régulation et une démocratisation » des choix techniques. Et d’autres, « radicales », affirment l’impossible « émancipation des hommes » avec les trajectoires technologiques actuelles. Les chercheurs en sciences humaines et sociales participent souvent aux premiers modes. Les tenants des seconds les accusant de se muer en « acceptologues » au service du projet technologique et politique des pouvoirs dominants. Jarrigue en fait une description précise et synthétique, très utile pour un lecteur néophyte en la matière.
    L’ouvrage permet d’ouvrir la réflexion sur le « non-usage » de technologies disponibles, premier pas vers la démocratisation des choix technologiques permettant de se débarrasser d’une approche fataliste pour qui toute technologie inventée doit être une technologie utilisée. L’histoire des techniques, montre t-il, est aussi celle de toutes ces technologies qui ont été abandonnées ou qui n’ont jamais été utilisées largement. Une manière de raconter l’histoire qui permet de prendre conscience de la possibilité de choix contre l’argument éculé de la fatalité et de l’univocité du développement des technologies.

    Toutefois, Jarrige ne dit rien de son autre volet, l’orientation de la recherche et des choix d’organisations sociales vers des technologies nouvelles, utiles voire indispensables à l’émancipation humaine. C’est là un trou noir de l’ouvrage, car il peut laisser croire que le seul choix possible en alternative à la course actuelle est celui du retour en arrière ou du non-usage. Or, c’est là courir un risque : promouvoir un statu quo technologique mortel pour cet objectif d’émancipation

    #histoire
    #technique
    #progrès
    #résistance

  • Selon une étude financée par la NASA : la civilisation industrielle s’achemine vers un « effondrement irréversible » ?

    Une nouvelle étude parrainée par le Goddard Space Flight Center de la Nasa a mis en évidence la perspective que la civilisation industrielle mondiale pourrait s’effondrer au cours des prochaines décennies en raison de l’exploitation non durable des ressources et de la répartition des richesses de plus en plus inégale. [...]

    L’étude remet en question ceux qui soutiennent que la technologie permettra de résoudre ces défis en augmentant l’efficacité :

    « Le changement technologique peut améliorer l’efficacité d’utilisation des ressources, mais il a aussi tendance à augmenter à la fois la consommation de ressources par habitant et l’ampleur de l’extraction des ressources, de sorte que, les effets des politiques d’absence, les augmentations de la consommation compensent souvent l’efficacité accrue de l’utilisation des ressources. »

    Les gains de productivité dans l’agriculture et l’industrie au cours des deux derniers siècles est venu de « l’augmentation (plutôt que la diminution) du débit des ressources », en dépit des gains d’efficacité considérables au cours de la même période. [...]

    Bien que l’étude soit en grande partie théorique, un certain nombre d’autres études plus empiriques axées - par KPMG et le UK Government Office of Science, par exemple - ont averti que la convergence des crises alimentaire, de l’eau et de l’énergie pourrait créer une « tempête parfaite » dans environ quinze ans. Mais ces prévisions « business as usual » pourraient être très prudente.

    http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/mar/14/nasa-civilisation-irreversible-collapse-study-scientists

    En anglais dans l’original.

    Dr Nafeez Mosaddeq Ahmed is executive director of the Institute for Policy Research & Development and author of A User’s Guide to the Crisis of Civilisation: And How to Save It among other books.

    Avec un nom pareil, on pourrait croire qu’il s’agit d’un islamiste qui cherche à déstabiliser l’Occident en sapant la foi en le Progrès inéluctable et le tout-puissant Marché auto-régulateur. Eh bien, pas que. Il faut aller voir son site :

    http://crisisofcivilization.com

    Et je vous invite à visionner son film The Crisis of Civilisation , qui est très proche de la critique anti-industrielle (#anti-indus, #anti-industriel, #critique_techno), finalement. Ci dessous, le lien vers la version sous-titrée en français :

    http://www.youtube.com/watch?v=iRASIuBjJvY

    Bonne fin d’un monde ! (#fin-du-monde)

  • Publication de l’éditorial du numéro 7 (2006) de Notes & Morceaux choisis, qui faisait la rétrospective de ce qui a mené à la création du bulletin. Suivi de la liste complète des numéros, dont les six premiers en ligne.

    Initié par l’incroyable @tranbert (ça fait un peu super-héro), gloire à lui :D, en 2014 va paraître le numéro 11 : Orwell et Mumford, la mesure de l’homme aux Éditions La lenteur .

    Notes & Morceaux choisis
    https://sniadecki.wordpress.com/2014/03/22/nmc-liste

    Ce regard critique sur la technique n’a pas manqué de susciter de la part de certains, furieux que soit mis en cause le caractère forcément émancipateur de « l’accroissement des forces productives » et par là leur foi dans le progrès, l’accusation inepte de « technophobie ». Si, dans certains textes, a été mise en avant, de manière volontairement provocatrice, la nécessité d’un retour en arrière au plan technique et économique, ce n’était certes pas pour prôner un retour à la fabrication entièrement à la main ni glorifier l’artisanat comme seul mode de production libérateur – quoique l’utopie imaginée par William Morris dans son roman Nouvelles de nulle part (1890) recueille notre sympathie. Pour être produits de manière efficace, économes en énergie humaine et en ressources naturelles, les métaux dont sont faits les outils, certains outils eux-mêmes et les machines-outils, par exemple, nécessitent assurément une organisation industrielle minimale.

    #Bertrand-Louart #Matthieu-Amiech #Julien-Mattern #critique_techno

  • Entretien avec « La Décroissance » (l’intégral)
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=483

    Le mensuel La Décroissance publie dans son édition de mars 2014 un entretien avec Pièces et main d’œuvre, nous donnant ainsi l’occasion de répondre aussi précisément et complètement que possible à des questions souvent débattues. Qu’est-ce que la « société de contrainte » et quelles sont les caractéristiques du « techno-totalitarisme » ? Avons-nous déjà basculé dans cette organisation totale sous emprise technologique ? L’accélération technologique ne reçoit-elle pas l’adhésion enthousiaste de la société ? N’y-a-t-il pas une épidémie de servitude active et volontaire au techno-totalitarisme ? Les ultimes résistances à l’artificialisation ne sont-elles pas franchies, ouvrant ainsi la voie à l’homme-machine promu par les « transhumanistes » ? Quel sens garde le clivage droite-gauche face au parti unique de « (...)

    #Documents
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Entretien_avec_La_De_croissance_inte_gral_-3.pdf

    • Si c’était juste le ton polémique, ça m’irait. Mais c’est le fait de flinguer tout le monde car pas assez pur si jamais y a une main tendue ou une vision différente, et les conneries qu’ils ont écrites su deux sujets où je m’y connaissais assez pour le voir, les survivalistes et le consensus. J’ose pas imaginer pour tous les autres sujets du coup.

    • @aude_v les tatanes, c’était une Une de Charlie époque Choron. Le Plan B avait repris la même pour Sarko, à la fois parce que c’est drôle (ben oui quand même) et pour montrer par l’exemple qu’en quelques décennies, le ton des journaux même militants avaient bien changés.

      Sinon je suis évidemment tout à fait d’accord avec toi pour le passage pages 4-5 sur l’essentialisme. Mais le reste est plutôt bien et assez complet.

      Il faudrait vraiment arriver à bien expliciter qu’on peut parfaitement n’être ni essentialiste, ni transhumaniste, que ce soit dans le féminisme ou dans d’autres sujets.

    • Je cherche un chemin féministe et techno-critique, entre transhumanisme queer libéral et « Lafemme c’est comme la Terre, il faut la labourer avec respect » (entendu un truc très proche de ça à un meeting de Pierre Rahbi), qui sont pour moi deux repoussoirs.

      Juste pour dire (en retard) que je n’ai aucune info de plus autour de ça, mais que je te suis à 100% là-dessus. Voilà, ça sert pas à grand chose mais on se sent moins seul. :)

    • Je cherche un chemin féministe et techno-critique, entre transhumanisme queer libéral et « Lafemme c’est comme la Terre, il faut la labourer avec respect » (entendu un truc très proche de ça à un meeting de Pierre Rahbi), qui sont pour moi deux repoussoirs. Des idées de personnes qui ont abordé la question ?

      le premier truc qui me vient à l’esprit c’est des personnes comme Starhawk ou Vandana Shiva, et le courant éco-féministe en général.
      Miguel Benasayag aussi peut-être (j’avais lu quelques trucs pro-féministes de lui).
      (c’est un peu maigre dans tous les cas, mais j’y reviendrai probablement, c’est un chemin qui m’intéresse aussi parce-que je me reconnais pas du tout dans le libéral-libertarisme, ni dans l’essentialisme réac)

      Dans mes recherches en permaculture j’ai toujours trouvé assez pénible cette métaphore foireuse du sol analogue à la femme, du laboureur qui y met des semences etc. chez Bourguignon aussi j’avais entendu des trucs du même acabit.

  • Olivier Rey, Nouveau dispositif dans la fabrique du dernier homme, 2012
    http://sniadecki.wordpress.com/2014/03/14/rey-dispositif
    Sur le site de @tranbert, toujours. :)

    On connaît cette histoire de l’homme qui a prêté un chaudron à un ami et qui se plaint, après avoir récupéré son bien, d’y découvrir un trou. Pour sa défense, l’emprunteur déclare qu’il a rendu le chaudron intact, que par ailleurs le chaudron était déjà percé quand il l’a emprunté, et que de toute façon il n’a jamais emprunté de chaudron. Chacune de ces justifications, prise isolément, serait logiquement recevable. Mais leur empilement, destiné à mieux convaincre, devient incohérent. Or c’est précisément à un semblable empilement d’arguments que se trouve régulièrement confronté quiconque s’interroge sur l’opportunité d’une diffusion massive de telle ou telle innovation technique.

    Dans un premier temps, pour nous convaincre de donner une adhésion pleine et entière à la technique en question, ses promoteurs nous expliquent à quel point celle-ci va enchanter nos vies. Malgré une présentation aussi avantageuse, des inquiétudes se font jour : des bouleversements aussi considérables que ceux annoncés ne peuvent être entièrement positifs, il y a certainement des effets néfastes à prendre en compte. La stratégie change alors de visage : au lieu de mettre en avant la radicale nouveauté de la technique concernée on s’applique à nous montrer, au contraire, qu’elle s’inscrit dans l’absolue continuité de ce que l’homme, et même la nature, font depuis la nuit des temps. Les objections n’appellent donc même pas de réponses, elles sont sans objet. Enfin, pour les opposants qui n’auraient pas encore déposé les armes, on finit par sortir le troisième type d’argument : inutile de discuter, de toute façon cette évolution est inéluctable. Ce schéma ne cesse d’être reproduit.

    Haha, la comparaison avec cette histoire drôle est tellement vraie, c’est exactement ça !

    #Olivier-Rey #technique #technologie #critique_techno #innovation #progressisme

  • Technocritiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences - François Jarrige

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php?ean13=9782707178237


    Contre l’immense condescendance de la postérité, Technocritiques est un ouvrage qui prend au sérieux ces discours et ces luttes. Depuis deux siècles, les technocritiques sont foisonnantes et multiformes, elles émanent des philosophes et des romanciers comme des artisans et des ouvriers ; elles se retrouvent en Europe comme dans le reste du monde et nourrissent sans cesse des pratiques alternatives. Toute une tradition de combat et de pensée originale et méconnue s’est ainsi constituée : ce livre d’histoire au présent tente de leur redonner vie tout en pointant les impasses des choix politiques mortifères portés par la foi en une « croissance » aveugle. Et, en filigrane, il montre comment s’est imposé le grand récit chargé de donner sens à la multitude des objets et artefacts qui saturent nos existences.

    #livre #critique_techno

  • Frisco versus techies

    La traduction en exclusivité du communiqué de CounterForce et du tract distribué à l’occasion du blocage d’Anthony Levandowski :

    http://sniadecki.wordpress.com/2014/02/17/frisco-vs-techies

    Lors de la préparation de notre manifestation, nous avons pu observer Levandowski sortant de chez lui. Il avait des Google Glasses [les lunettes connectées à Internet, dont les verres servent d’écran] sur les yeux, portait son bébé dans un bras, et une tablette dans sa main libre. En descendant l’escalier avec son enfant, ses yeux étaient fixé sur la tablette à travers les verres de ses Google Glasses, pas sur la vie contre sa poitrine. Il apparaissait alors exactement comme le robot qu’il admet être. [...]

    L’aveugle qui va à Taco Bell et le consommateur qui sauve son père sont les héros de cette utopie technologique. Les mineurs sont ignorés et les travailleurs des usines oubliés. Tant que le capitalisme fonctionne, tout ce qui lui est liée sera empoisonné par sa maladie. Des gens comme Levandowski participent à l’embourgeoisent des quartiers, inondent le marché avec des produits nuisibles, et créent les infrastructures d’un totalitarisme inimaginable. Ce sont toutes ces nuisances que nous voulons chasser de nos vies.

    (A quoi ça sert Internet si on doit tout faire soi-même ?)

    #Google_bus, #Google_shuttle, #anti-techies, #Silicon_Valley, #numérique, #critique_techno, #anti-indus, #anti-industriel, #lutte_des_classes.

    That’s all folks !

  • Numérique : le retour de bâton | Meta-media | La révolution de l’information (v Nicolas Voisin)
    http://meta-media.fr/2014/02/09/numerique-le-retour-de-baton.html

    Raffa

    Numérique : le retour de bâton | Meta-media | La révolution de l’information (v Nicolas Voisin) - http://meta-media.fr/2014...

    19 minutes ago

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    "Mais c’est surtout l’ouvrage du scientifique américain Jaron Lanier, (« Who owns the future »), qui a lancé un appel l’an dernier pour avertir de l’impact destructeur et déflationniste d’Internet sur les classes moyennes, de la disparition progressive des usines et des banques, et de l’enrichissement faramineux d’une poignée de géants du web qui contrôlent désormais les machines quasi-autonomes qui sont en train progressivement de prendre le pouvoir." - (...)

    • Le web se finkielkrautiserait-il à vitesse grand V ? Eric Scherer, le patron de la stratégie #numérique de France Télévisions – qu’on ne peut pas trop soupçonner d’antitechnologisme primaire – fait part de ses inquiétudes.

      L’inexorable essor du numérique dans nos sociétés fait désormais l’objet d’une légitime et croissante inquiétude sur la menace qu’il fait peser sur les emplois des classes moyennes.

      Le problème est bien plus vaste que le seul Google. Tous les géants du numérique, forts de leurs immenses fermes de serveurs, sont aujourd’hui engagés dans une course vers l’intelligence artificielle, l’automatisation, via les algorithmes, qui non seulement digèrent et traitent des milliards de données, mais sont désormais capables d’apprendre (« machine learning »), d’anticiper et de remplacer de plus en plus de fonctions humaines pour un coût très réduit.

      Que l’automatisation concerne les tâches subalternes n’était pas jusqu’à présent un trop gros souci. Mais voilà que…

      Le problème est qu’elles seront en mesure de remplacer non seulement des tâches humaines manuelles, mais aussi les tâches intellectuelles, avertit ce vétéran de la Silicon Valley.

      Cette phrase est tellement violente par le monde qu’elle décrit…

      Le problème, non seulement, mais aussi

      C’est aussi ça l’arrivée de la #lutte_des_classes sur le web : les questions d’automatisation ne concernent plus uniquement ceux que la technique passe son temps à déclasser, depuis des décennies, ceux qui doivent tous les quatre ou cinq ans apprendre un nouveau métier parce qu’un génial inventeur a mis au point un nouveau robot ou un nouveau logiciel. Ceux pour lesquels on considérait jusqu’à présent que ça ne posait pas vraiment de problème.

      Sinon y’a pas mal de liens qui ont l’air bien intéressants à explorer dans ce billet pas super novateur, mais synthétique sur la question.

      #critique_techno #mépris_de_classe

  • Traduction d’un tract distribué par les manifestants à West Oakland lors du blocage d’un #Google_bus en décembre 2013.

    Au cas où vous vous demandez ce qui se passe, nous serons extrêmement clair.
    Les gens à l’extérieur de votre bus Google vous servent le café, gardent vos enfants, ont des relations sexuelles avec vous pour de l’argent, préparent vos repas, et sont chassés de leurs quartiers. Pendant que vous vivez comme de gros porcs avec vos buffets gratuits permanents, tout le monde en est à racler le fond de son porte-monnaie, vivotant dans ce monde onéreux que vous et vos potes avez contribué à créer.
    Vous n’êtes pas des victimes innocentes. Sans vous, les prix des logements ne seraient pas à la hausse et nous ne serions pas menacés d’expulsion et de forclusion. Vous, vos employeurs, et les spéculateurs immobiliers sont à blâmer pour cette nouvelle crise, encore plus terrible que la précédente. Vous vivez votre vie, entourés par la pauvreté, le déracinement et la mort, apparemment inconscients de ce qui se passe autour de vous, a fond dans vos gros salaires et le succès. Mais regardez autour de vous, voyez-vous la violence et la destruction ? C’est le monde que vous avez créé, et vous êtes clairement du mauvais côté.
    De manière prévisible, vous pensez certainement que les technologies que vous créez servent le mieux-être de tous les humains. Mais en réalité, ceux qui bénéficient de ces développements technologiques sont les publicitaires, les riches, les puissants, et les analystes de la NSA et leur réseau de surveillance des e-mails, des téléphones, et des médias sociaux.
    Si vous voulez une région de la baie où les ultra-riches affrontent des centaines de milliers de pauvres, continuez à faire ce dont vous avez l’habitude. Vous obtiendrez une jolie révolution à votre porte. Mais si vous ne voulez pas de ça, alors vous devriez quitter votre job, encaisser vos primes, et aller vivre une vie qui ne pourri pas entièrement celle des autres.
    Et foutez le camp d’Oakland !

    #anti-techies

    • Voici les référence que j’ai trouvées.

      Texte original du tract d’Oakland de décembre 2013 :

      http://blogs.kqed.org/newsfix/2013/12/20/google-bus-protesters-manifesto-get-o

      Un autre tract plus récent, qui s’en prend à « Anthony Levandowski, a Google X developer » :

      https://www.indybay.org/newsitems/2014/01/21/18749504.php

      Le tract <streetview_flierforreading.pdf> semble particulièrement intéressant, surtout la fin...

      Si qqun se lance dans une traduction, ça m’intéresse.

    • Et encore ceci, en français :

      http://www.lemonde.fr/technologies/video/2014/02/04/manifestations-anti-google-des-habitants-de-san-francisco_4359641_651865.htm

      Avec le succès des géants de la high-tech, les loyers et les expulsions ont bondi à San Francisco. Les habitants historiques de la ville ne peuvent pas lutter contre les hauts salaires des employés des entreprises nouvelles venues. De nombreuses manifestations ont lieu pour bloquer les bus qui emmènent les salariés de Google vers la Silicon Valley.

    • Traduction de la présentation de l’action du 21 janvier 2014 :

      Manif à la maison d’un développeur de Google, et un autobus Google bloqué à Berkeley

      San Francisco, 21 janvier 2014.

      À 7 heures ce matin, un groupe de gens se sont pointé à la maison de Anthony Levandowski, un développeur chez Google X. Sa maison est un fastueux palace minimalement décoré avec deux lions de pierre à l’entrée. Après avoir sonné à sa porte pour l’alerter sur la manif, une bannière fut levée face à sa maison qui lisait : « Le futur de Google s’arrête ici » et des tracts d’information sur lui furent distribués dans le voisinage. Ces tracts décrivaient son travail avec l’industrie de la défense et ses plans de développer des condos de luxe à Berkeley.

      À ce point-ci, sa voisine émergea de chez elle. Elle affirma être au courant de sa collaboration avec l’armée mais insista qu’il est une gentille personne. On ne voit aucune contradiction ici. C’est fort probable que cette personne, qui développe des robots de guerre pour l’armée et bâtit une infrastructure de surveillance, est un gentil voisin. Puis après ?

      À la suite d’actions précédentes contre les autobus de Google, plusieurs critiques ont insisté que les employés individuels de Google ne sont pas à blâmer. Prenant ça profondément à coeur, nous avons choisi de bloquer le transport-navette personnel de Anthony Levandowski. Nous sont aussi respectueusement en désaccord avec cette critique. On ne pas d’action qui soit meilleure qu’une autre. Tous les employés de Google devraient être retenus d’aller travailler. Toute infrastructure de surveillance doit être détruite. Pas un seul condo de luxe ne doit être bâti. Personne ne devrait avoir à déménager.

      Après avoir distribué des tracts dans son voisinage et bloqué l’entrée de sa cour durant environ 45 minutes, le groupe est descendu dans le centre-ville et a bloqué un autobus de Google à la station BART de Ashby. Ce blocage a duré environ 30 minutes et s’est dispersé quand les flics de la BPD sont arrivés. Plusieurs discussions ont eu lieu avec des employés de Goggle.

      Par chance, les défections ont déjà commencé. Hier, une personne plutôt sympa à l’emploi de Google nous a révélé un message envoyé par la compagnie aux employés sur s’ils devraient assister au prochain conseil municipal de San Francisco si de nouvelles perturbations d’autobus Google arriveraient. La rhétorique de ce mémo représentait les employés de Google comme des contributeurs positifs au voisinage dans lequel ils-elles vivent. Il n’y avait aucune mention des déménagements qu’ils causent, de la présence policière qu’ils amènent avec eux et de la large classe de gens qui travaillent pour soutenir leurs styles de vie extravagants et déconnectés ; c’est-à-dire le soutien technique.

      Nous ne seront pas pris en otage par la menace de Google de relâcher des quantités massives de gaz carbonique si le service d’autobus se verrait terminé. Notre problème est avec Google, ses capacités de surveillance invasive dont la NSA fait usage, la technologie qu’ils développent, et la gentrification que ses employés causent dans chaque ville qu’ils habitent. Mais notre problème ne s’arrête pas à Google. À toutes les autres compagnies des hautes technologies, à tous les autres développeurs et à tous les autres gens qui bâtissent ce nouvel État orwellien : On s’occupera de vous après !

      https://antidev.wordpress.com/2014/01/21/1964

  • L’Outil, l’esprit et la machine : Une excursion dans la philosophie de la « technologie », Tim Ingold, Revue Techniques et culture
    http://tc.revues.org/5004

    Les machines font-elles l’histoire ? La réponse à cette question établit une articulation entre les outils et les machines, d’une part, et la technique et la « technologie » d’autre part, cela afin de montrer comment la transition des systèmes « qualifiés » à des systèmes « mécaniquement déterminants » décompose ce « faire » en étapes indépendantes (la conception et l’exécution) et déplace l’intervention humaine du centre à la périphérie de la production. Compte tenu du fait que la capacité humaine de travail relève non seulement des possibilités physiques mais aussi des connaissances et des qualifications (elles-mêmes portées par le sujet humain), l’évolution historique des forces productives peut être comprise comme un processus par quoi le savoir s’extériorise et se matérialise sous les espèces de l’objet, processus qui aboutit à la « technologie » et à la machine.

    #techniques #technologie #idées #travail #machines

  • Surtout n’allez pas sur notre site internet !

    http://www.lepostillon.org/Surtout-n-allez-pas-sur-notre-site.html

    Pour tout vous dire, je suis un peu gêné. Le Postillon vient de mettre en ligne un site internet, qui archive tous les articles et brèves de nos anciens numéros. Avant on pouvait seulement trouver nos PDF sur internet, sur le site des Renseignements généreux ( [1]). Maintenant, on a un vrai site à nous. Cela nous a pris beaucoup de temps. Deux amis sachant parler l’informatique ont passé des heures, bénévolement, à créer l’architecture du site, assurer sa fonctionnalité, régler une multitude de petits détails. Rien de passionnant dans ce travail, qui mérite plus que des remerciements. Ensuite, nous avons passé des heures à publier article par article (à vrai dire, moi j’ai presque rien fait). Un gros boulot chiant comme une campagne d’élections municipales. Et pour saluer ce dur labeur, je ne trouve rien de mieux à faire que de la contre-publicité pour ce site. Ce n’est même pas de l’ingratitude, c’est de la goujaterie. Laissez-moi vous expliquer.

    Lorsque je vends Le Postillon à la criée, certaines remarques m’énervent particulièrement : celles des gens qui ne veulent pas l’acheter « pour ne pas utiliser de papier », « parce que ce n’est pas écologique », « parce que maintenant je lis tout sur l’ordinateur ». Encore l’autre fois, au concert des Ogres de Barback - ou je suis allé par pur opportunisme commercial pensant naïvement que les jeunes et vieux baba-cools se rueraient sur un journal papier indépendant -, cinq personnes m’ont répondu « Non merci, le papier ça tue des arbres ».
    Voilà pourquoi j’écris ce texte : pour expliquer à tous ceux qui croient qu’ils sauvent la planète en s’informant uniquement via Lemonde.fr, Rue89.com, grenews.com qu’ils sont en fait de parfaits nigauds. Non seulement j’assume entièrement d’être un « tueur d’arbre », mais en plus j’accuse les autres d’être bien plus criminels.

    Les aficionados du numérique sont parvenus à faire croire que le monde virtuel est totalement propre, sans aucun impact environnemental. Foutaises. De plus en plus d’études et d’écrits critiques ( [2]) s’attaquent à ce mythe : une récente étude de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) nous apprend qu’ « un mail avec une pièce jointe nécessite 24Wh, soit une ampoule allumée pendant une heure. Sans pièces jointes, c’est 5 Wh. Chaque heure, 10 milliards d’e-mails sont envoyés dans le monde, soit en moyenne 50 GWh. C’est l’équivalent de la production électrique de quinze centrales nucléaires pendant une heure, ou quatre mille allers retours Paris-New-York en avion. Tout ça pour une heure d’échange de mails sur le réseau, sans compter tout ce qu’on peut faire d’autre » ( [3]). Si ces chiffres et ces comparaisons sont contestés, certains affirmant qu’ils sont exagérés ou peu pertinents, ils évoquent une réalité indéniable : se servir d’internet pompe beaucoup d’électricité. Avec l’énergie que j’ai engloutie pour rechercher des infos sur le Web pour écrire ce foutu texte, j’aurais pu éclairer mon appartement pendant de longues heures. Pour la peine, puissent ces lignes éclairer votre lanterne.

    Un journal papier n’a pas d’obsolescence programmée

    Permettez-moi de passer rapidement sur quelques éléments importants, mais peu visibles dans la cuvette grenobloise : les dizaines de milliers de kilomètres de câble installés chaque année au fond des océans pour permettre au réseau de fonctionner, les matériaux rares, sources de graves tensions géopolitiques, nécessaires à la fabrication du matériel informatique, les « 40 millions de tonnes par an » de déchets électriques et électroniques qui une fois « chargés sur des camions de 40 tonnes et de 20 mètres de long représenteraient une file de 20 000 kilomètres de long » ( [4]). Remarquons simplement la supériorité technologique d’un journal comme Le Postillon, qui à la différence de ces ordinateurs que l’on doit changer tous les deux ans, n’a pas de problème d’obsolescence programmée : si vous le conservez bien au sec, vous pourrez le lire à vos petits-enfants dans cinquante ans. Et même si – ô sacrilège – vous voulez vous en débarrasser, vous n’alimenterez pas les grandes poubelles électroniques qui polluent l’Inde et d’autres pays pauvres : il pourra être recyclé ou vous servir d’emballage, pour sécher vos chaussures ou allumer un feu.

    Les éléments physiques les plus visibles de la débauche d’énergie que représente internet sont ce qu’on appelle les data centers, ou « centres de traitement de données » dans cette langue un peu has been qu’est le français. Regroupant les équipements électroniques d’une seule ou plusieurs entreprise, ces espaces peuvent occuper une pièce, un étage ou un immeuble entier.
    Le problème, c’est que les serveurs entreposés à l’intérieur ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche, mais d’électricité. Ils équivalent donc à des radiateurs qui chauffent sans arrêt. Pour évacuer cette chaleur, on doit installer des compresseurs et autres appareils énergivores qui font péter le score de la facture EDF. Résultat : « En France, les data centers consommeraient 9 % de l’électricité du pays. Et la consommation électrique des data centers va augmenter de 10 % chaque année » (France Culture, 25/12/2012).
    Bernard Boutherin est un scientifique grenoblois et il mène des travaux intéressants (oui, c’est assez rare pour être souligné) : il s’intéresse notamment aux impacts environnementaux des data centers dans le cadre d’un groupe de travail nommé Ecoinfo ( [5]). Dans son bureau du LPSC (Laboratoire de physique subatomique et cosmologique), il m’explique par exemple que « Google consomme avec ses data centers plus de 2,6 GWh/an soit l’équivalent d’une ville d’un million d’habitants. Et Google représente 1 % de la consommation des data centers dans le monde. Cette consommation représente elle-même seulement le tiers de l’énergie qu’il faut pour faire fonctionner le “Web”, le second tiers étant les infrastructures de réseau avec les bornes Wifi qui consomment énormément du fait de leur grand nombre (il y a 2,4 milliards d’internautes), et le troisième tiers étant la consommation des ordinateurs des internautes. Pour être complet sur le plan énergétique, il faut ajouter l’énergie qui a été utilisée pour fabriquer tous les ordinateurs et les tablettes. Selon Wikipedia, si le Web était un pays, il arriverait au cinquième rang des consommateurs d’énergie ».

    Un green data center = une roue carrée

    Dans notre bonne vieille cuvette, il y a quelques dizaines de data centers. La plupart sont de taille modeste et accueillent les serveurs d’une seule entreprise. Ceux de Bull, Cogent ou HP sont plus importants. Et puis il y a Eolas.
    [Début de la digression] Fondée en 1991 par Gérald Dulac - un ingénieur-informaticien-entrepreneur comme on en rencontre trop dans la cuvette - Eolas a été rachetée en 2000 par un groupe répondant au doux nom de Business & Decision. Occupant initialement le créneau du « conseil en conception de systèmes d’informations », Eolas a su habilement prendre la vague internet pour vendre un maximum de services, comme la « création du premier système d’information territorial français ». Aujourd’hui elle emploie cent quinze salariés, a réalisé un chiffre d’affaires de dix millions d’euros en 2012 et propose trois types d’offres : « digital services », « hébergement » et « développement d’applications ». Précisons que Gérald Dulac a été adjoint municipal à l’économie sous Destot I (1995 – 2001) et président du « Conseil de développement de la Métro », organe pseudo-participatif censé embellir le délire métropolitain. Des jobs intéressants qui lui ont permis de rencontrer plein de monde et de remplir son carnet d’adresses. Simple coïncidence : Eolas, qui est maintenant dirigée par son fiston Frédéric Dulac, a pour clients - entre autres - presque toutes les institutions locales (la Métro, le Conseil général, la région Rhône-Alpes, etc). Par exemple, la ville de Grenoble a également payé l’entreprise pour « accroître sa visibilité sur les réseaux sociaux » et permettre à son compte Facebook de passer en trois mois de 4000 à 40 000 fans (le nombre de fans sur Facebook étant une politique prioritaire de l’équipe municipale). Des échanges gagnant-gagnant qui révèlent tous les bienfaits du fameux tryptique grenoblois conseil municipal – business – industrie. [Fin de la digression]

    Outre quelques locaux de bureaux remarquables en plein centre-ville, Eolas possède le premier « green data center » de France, rue Général Mangin.
    Un « green data center », c’est un oxymore transformé en opération de communication. Si le bâtiment, qui ressemble à un bunker orné d’au moins six caméras de vidéosurveillance, est effectivement « green », c’est-à-dire peint en partie en vert, ce centre de traitement de données n’a rien à voir avec l’écologie. Pour se glisser dans le moule hypocrite du « développement durable » - et également pour réduire sa facture d’électricité -, Eolas a énormément communiqué sur quelques détails, comme la pose de panneaux solaires sur le toit du bâtiment, l’utilisation d’électricité d’origine « 100 % renouvelable » ou l’exploitation de l’eau de la nappe phréatique pour le refroidissement. Cela ne l’empêche pas de consommer énormément d’électricité, même s’il est impossible de connaître le chiffre exact. En me faisant passer pour un étudiant, j’ai demandé poliment à Eolas, qui au début n’a pas voulu me répondre par soi-disant manque de temps (« Notre direction n’a pas de disponibilité pour vous répondre, leur temps est largement occupé par leur activité. Vous comprendrez lorsque vous travaillerez que chaque minute compte »). Après de multiples relances, le directeur m’a répondu que « nous ne diffusons pas ce type d’informations puisqu’elles font partie de notre processus industriel et à ce titre sont confidentielles ».
    Avant l’ouverture de ce bâtiment en 2011, les projections avançaient une consommation de 1 300 000 KWh par an. En se basant dessus, et en sachant qu’un habitant consomme environ 2000 KWh par an, il apparaît que cet unique « green data center » engloutit autant d’énergie que 6 000 grenoblois - même s’ils tâchent de bien éteindre la lumière quand ils sortent des toilettes. Pour alléger sa facture salée, Eolas a-t-elle réussi à bien négocier avec GEG, qui fait également partie de ses gros clients ?

    Voulant croître à tout prix, Eolas, dont la devise est « Run your Internet » n’a pas pour but de faire baisser la consommation d’électricité. Pour faire du business, elle souhaite que le « réseau » s’agrandisse toujours pour avoir toujours plus de clients.

    L’informatique fait augmenter la consommation de papier

    Ce cas est symptomatique de la stratégie des acteurs du numérique. Comme les nuisances bien réelles du virtuel commencent à être documentées, les stratèges-geeks mettent un peu de vert dans leur monde électronique et s’en enorgueillissent. Ces efforts sont très rapidement annulés par le développement incessant des applications numériques, qui envahissent peu à peu toutes les sphères de la vie sociale, faisant grimper en flèche le « bilan carbone » et les autres indices éco-technocratiques. Bernard Boutherin pense qu’il y a actuellement « un gros problème avec l’émergence du “cloud” [concept qui consiste à accéder à des données et services sur un serveur distant]. De plus en plus de données sont stockées en permanence donc consomment en permanence de l’énergie et imposent une connexion réseau permanente aux internautes. C’est une fuite en avant. » Et puis contrairement aux croyances, et pour revenir à notre sujet initial, utiliser internet ne fait pas baisser la consommation de papier, bien au contraire. « Dans les dix dernières années, note Bernard Boutherin, la consommation de papier a augmenté de 6 à 10 % par année. C’est en grande partie dû à la multiplication des imprimantes personnelles qui font que les gens impriment beaucoup plus qu’il y a vingt ans, où il fallait aller au bureau de tabac ou chez l’imprimeur pour faire une photocopie. Finalement, on se rend compte que l’informatique augmente la consommation de papier ». Remarquons simplement que la lecture de journaux (hormis les pages high-tech de Libération et du Monde) n’augmente pas, elle, la consommation d’informatique.

    « On ne peut nier les énormes progrès accomplis en terme d’efficacité énergétique sur les appareils pris un à un. Mais en ne disant que cela, on fait totalement abstraction de la dynamique exponentielle de production des données et de multiplication des écrans » analysent les auteurs de La face cachée du numérique ( [6]). En likant ses potes sur Facebook, on pompe une électricité qu’on n’utilisait pas quand on allait simplement dehors pour les voir in real life. En commentant tout et n’importe quoi sur Twitter, on fait tourner les data centers, qui n’étaient pas du tout utiles quand les discussions politiques se tenaient au comptoir d’un bistrot ou sur la place du marché. Oui, je sais, je suis un vieux con, mais j’ai tellement de bonnes raisons.

    Prenez Muséomix, par exemple. Ce « makeathon culturel international » a permis au musée dauphinois de Grenoble d’être un « laboratoire de nouvelles expérimentations numériques » lors du week-end du 11 novembre dernier. Concrètement, une flopée de geeks, dont des membres d’Eolas, se sont retrouvés pendant trois jours pour essayer d’inventer des « dispositifs inédits de visite du musée ». Je m’y suis rendu, j’ai vu, j’ai été déçu. Voire énervé. Les gadgets présentés, tous plus ou moins « fun » (une « machine à conter », une table tactile numérique pour jouer à vivre dans un village de montagne, etc.) n’ont pour moi pas leur place dans un musée, qui est un lieu devant servir la connaissance et non le divertissement. Pour découvrir une exposition, en quoi a-t-on besoin d’un « passeport numérique », c’est-à-dire un badge avec une puce RFID, pour naviguer dans le musée en suivant des parcours ou en se « faisant surprendre », et en « likant » ses espaces préférés ? Ça vous fait rêver, vous, cet extrait du document de présentation : « un récapitulatif hebdomadaire et/ou mensuel sera proposé sur les différents médias sociaux du musée dauphinois : cette semaine, la chapelle est l’espace du musée le plus apprécié, avec 250 “like” » ? Une des salariées du musée m’a expliqué que le but était de « tester des nouvelles manières de faire visiter grâce aux nouveaux outils numériques, parce qu’il faut qu’on soit moderne, qu’on sorte de l’image vieillotte des musées ». Et voilà comment le musée dauphinois, lieu de transmission de la mémoire du patrimoine local, se transforme en show-room pour les vendeurs de camelote électronique.

    La banalité de l’innovation numérique

    Si deux ou trois bricoleurs fous, plus ou moins allumés, proposaient dans leur coin des jeux pour agrémenter une visite de musée, je pourrais trouver ça sympathique. Le problème aujourd’hui c’est que la course à l’échalote numérique est devenue tellement banale. On ne bricole plus, on programme. Les nouvelles technologies sont en train d’uniformiser les métiers quand elles ne les détruisent pas. Les bibliothèques municipales de Grenoble passent « en mode numérique » et dépensent des millions d’euros pour acheter des liseuses et des Ipad (voir Le Postillon n°20). Les rencontres-i, organisées par l’Hexagone de Meylan, proposent chaque année des créations artistiques truffées de capteurs et de gadgets co-réalisées avec des chercheurs du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). La ministre Fioraso vient de lancer un grand plan « France universités numériques » pour que les étudiants apprennent derrière un écran plutôt qu’avec un professeur. En filigrane, tout le monde est censé comprendre qu’aujourd’hui, pour faire n’importe quelle activité, les puces électroniques sont devenues indispensables, pour le plus grand bonheur des gérants des data centers.
    Vous devez vous dire que je m’éloigne de mon sujet, et vous avez raison. Mais la presse n’échappe pas à cette déferlante. L’avenir de l’information est annoncé sur des tablettes, avec des articles interactifs, des « web-documentaires », des sites graphiques en perpétuelle animation, et le cerveau branché en permanence sur Facebook et sur Twitter. Une foire d’empoigne permanente à l’innovation qui ne contribue pas à rehausser la qualité des articles et qui omet qu’un des seuls journaux rentables en France est Le Canard Enchaîné, sans site internet ni publicité et avec une maquette inchangée depuis la Seconde Guerre mondiale.
    Je suis attaché aux journaux papier car je n’aime pas les sites internet. Ils me font perdre un maximum de temps. Autant j’aime lire au bistrot Le Monde, L’Équipe et Le Daubé (non pas que ces journaux soient de qualité, mais parce que les parcourir reste un moment agréable et des fois instructif), autant je déteste être pendu aux informations du monde.fr, de lequipe.fr et du dauphine.com. Pendant que j’essaye d’écrire ce papier, je suis sans cesse tenté par la grande fuite que représente la navigation sur le Web. Comment rester concentré pour trouver un enchaînement de mots convenable alors que, d’un seul clic, on peut aller voir dans le monde virtuel s’il n’y a pas quelque chose de nouveau ? Est-ce que Saint-Étienne a marqué un but face à Lyon ? Quel est le nouveau record d’impopularité d’Hollande ? Est-ce que machin a répondu au mail que je lui ai envoyé il y a cinquante minutes ? Pendant toutes ces heures, je me débats pathétiquement pour sortir de ce zapping permanent entre une information et une autre. Combien de centaines d’heures ai-je perdues comme ça, à moitié honteux d’errer sans but dans ce dédale virtuel ? Mais pourquoi n’arrivé-je pas à débrancher ce satané câble et à écrire tranquillement, sans cette fascination pour ce flux énorme d’informations qui ne m’apprennent presque rien ? Pourquoi ?

    À Échirolles, on bosse pour la surveillance générale

    Le pire c’est que mes clics frénétiques ne tombent pas dans l’oubli. Promu comme un « grand espace de liberté », Internet est surtout un gigantesque espace de flicage, comme l’ont démontré les révélations fracassantes de l’ex-consultant pour la NSA (l’agence de sécurité nationale américaine), Edward Snowden. Potentiellement la NSA tout comme ses homologues européens, peuvent lire presque n’importe quel mail et tout savoir des usages d’un ordinateur connecté à Internet. Ils s’en servent pour réaliser un gigantesque fichage, surveiller les échanges entres personnes importantes, repérer les individus potentiellement subversifs, connaître leurs habitudes. En allant sur le site internet du Postillon, votre intérêt pour tel ou tel sujet pourra être fiché par les grandes oreilles des services de renseignements. Si vous achetez notre journal au tabac-presse, votre lecture restera secrète et personnelle. À notre connaissance, aucun buraliste ne tient de fiche sur ses clients.

    Pour traiter cette somme considérable d’informations, il faut des machines capables de calculer une énorme quantité d’informations très rapidement. On appelle ça des supercalculateurs. Des machines comme en fabrique Bull, une des plus anciennes entreprises françaises informatiques, « en partenariat avec le CEA-DAM (direction des entreprises militaires du CEA) ». Le dernier-né, un certain Tera-100, est capable de calculer « un million de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde », ce qui sert à « simuler le fonctionnement d’une arme nucléaire » mais aussi au renseignement : il est en effet utilisé à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), équivalent français de la NSA américaine, depuis plusieurs années (selon Le Nouvel Observateur, 30/10/2013). C’est grâce à ce genre de machines qu’ils peuvent placer entièrement le réseau sous surveillance.
    Pour améliorer ce supercalculateur et pour « en tirer pleinement parti » Bull a inauguré en mars dernier tout près de Grenoble, à Échirolles et sous les applaudissements de la ministre Geneviève Fioraso, le « Centre d’excellence en programmation parallèle », « le premier centre européen d’excellence technique et industrielle dans ce domaine ». « Il a pour vocation d’aider les ingénieurs et les scientifiques des Centres de recherche et du secteur de l’industrie à franchir l’étape technologique cruciale de la parallélisation des applications de calculs intensifs. Concrètement ce centre leur offre un service d’analyse, de conseil et d’optimisation de leurs applications » (L’essor, 28/03/2013). Et voilà comment le laboratoire grenoblois, ce « formidable écosystème de l’innovation » selon ses promoteurs, participe activement aux recherches technologiques pour perfectionner encore la surveillance généralisée.

    Oui je sais, je m’éloigne encore. Et surtout une question vous brûle les lèvres depuis le début : pourquoi alors avoir fait un site internet ?
    Non, ce n’était pas simplement pour trouver une bonne accroche pour cet article. Mais parce qu’on aimerait que les premiers concernés, ceux qui ont peur de toucher du papier de peur d’être accusés de complicité de génocide de la forêt amazonienne, lisent ce texte. Internet étant devenu le domaine de recherche exclusif de beaucoup d’étudiants, journalistes ou simples citoyens, nous mettons nos articles en ligne pour que ceux qui ne lisent plus la presse papier puissent tomber dessus s’ils s’intéressent à des sujets qu’on a traités. En espérant avoir convaincu les autres de ne pas taper www.lepostillon.org et de continuer à avoir le plaisir d’aller chez le buraliste chercher leur Postillon, sentir la bonne odeur de l’encre, le parcourir sous la couette ou en terrasse au soleil, le laisser traîner dans le salon et puis le ranger sur l’étagère, là-haut, sur la pile où il y a tous les autres.
    Notes

    [1] Avant on pouvait seulement trouver nos PDF sur internet, sur le site des Renseignements généreux. Maintenant, on a un vrai site à nous.

    [2] Voir notamment : Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, La Face cachée du numérique, Editions l’Echappée, 2013.

    [3] Relayée dans l’émission « La Tête au carré » du 4 novembre 2013, sur France Inter.

    [4] Voir notamment : Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, La Face cachée du numérique, Editions l’Echappée, 2013.

    [5] Voir notamment : Groupe Ecoinfo, Les impacts écologiques des technologies de l’information et de la communication, éditions EDP sciences, 2012.

    [6] Voir notamment : Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, La Face cachée du numérique, Editions l’Echappée, 2013.

  • Grande classe : Caroline Fourest sur Frédéric Taddeï
    http://www.lesinrocks.com/2014/01/29/actualite/les-contre-verites-de-caroline-fourest-sur-frederic-taddei-11466469

    Au fond « Ce soir (ou jamais !) » c’est une émission #Internet, au lieu de profiter de la seule case longue qu’offre le service public pour déconstruire les fantasmes reproduits sur n’importe quel #forum, eh bien, elle copie ces codes et conforte ce #confusionnisme en privant le service public d’un endroit où on pourrait organiser des débats contradictoires tout en veillant à informer sur la #désinformation, puisque Frédéric Taddeï refuse de le faire.

  • Critiquer la technologie aujourd’hui
    http://www.internetactu.net/2014/01/30/critiquer-la-technologie-aujourdhui

    Le 22 janvier Evgeny Morozov (Wikipédia, @evgenymorozov) déjà souvent mentionné dans nos colonnes, a donné une conférence à la Maison des sciences de l’Homme à Paris avec pour thème : “Ce que signifie la critique de la technologie aujourd’hui” (voir également son interview dans le dernier Place de la Toile).

    Image : quelques heures avant d’être à Paris, Morozov intervenait…

    #économie #économie_comportementale

  • In the Bay Area, Anti-Google Protests Get Creepy | Mother Jones
    http://www.motherjones.com/mojo/2014/01/bay-area-google-protests-uncomfortably-personal
    http://arstechnica.com/business/2014/01/protestors-show-up-at-the-doorstep-of-google-self-driving-car-engineer

    After ringing Levandowski’s doorbell and holding a banner that said, “Google’s Future Stops Here,” the Counterforce distributed their flyer to his neighbors and blocked his driveway for 45 minutes. Then they walked to the nearby Ashby BART station and blocked a Google bus for another half-hour before being dispersed by police.

    For all that anybody knows, the Counterforce could just be a few college kids who’ve overdosed on Derrida and Adbusters. Ars Technica, which had the story first, was unable to reach them. What’s clear is that their harassment tactics put them in the same league as anti-abortion activists. Sophisticated public relations this is not.

    #critique_techno #transparence ; #militer ?

    Un commentaire :

    Viva La Revolution!

    sigh

    Singling out employees does not change corporate culture. Stalking and attacking individuals is a sure fire way to lose public support. And this odd fixation against self driving cars just strikes me as strange.

    Sur les bus http://seenthis.net/messages/219508, cf.

    Google’s Buses Help Its Workers Beat the Rush,
    NYT, MIGUEL HELFT, March 10, 2007
    http://www.nytimes.com/2007/03/10/technology/10google.html?pagewanted=all

    The company now ferries about 1,200 employees to and from Google daily — nearly one-fourth of its local work force — aboard 32 shuttle buses equipped with comfortable leather seats and wireless Internet access. Bicycles are allowed on exterior racks, and dogs on forward seats, or on their owners’ laps if the buses run full. (...) “We are basically running a small municipal transit agency,” said Marty Lev, Google’s director of security and safety, who oversees the program.

  • Secoués par le changement - Technology Review
    http://www.technologyreview.com/article/522151/buffeted-by-change

    La #technologie réalise-t-elle le progrès ou l’apocalypse ? Peter Dizikes revient sur plusieurs livres récemment publiés sur le sujet de l’impact des technologies... Et nous rappelle que Robert Louis Stevenson s’était exilé dans les Samoa, où il est mort, consterné par les conséquences sociales de la technologie dont il a été témoin lors de ses voyages, notamment la destruction des cultures du Pacifique. Dans « Le triomphe de l’empire humain », Rosalind Williams étudie l’ambivalence de la relation à la technologie de Verne, Stevenson et William Morris. Verne a répondu à son anxiété par l’écriture de fiction où la technologie libère les gens pour explorer le monde. Tous ont expérimenté le changement technologique comme une érosion de leur monde. Ils montrent bien que les deux visions coexistent en nous. (...)

    #histoire

  • Quatre ministres nous écrivent, et nous leur répondons
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=468

    Le 14 octobre 2013, un quarteron de ministres en retraite (R. Badinter, J.P. Chevènement, A. Juppé, M. Rocard) nous a écrit pour se plaindre de l’opposition grandissante de « la société française » aux #Nécrotechnologies - sources d’innovation, de croissance, de compétitivité - et en particulier du sabotage de la propagande scientifico-industrielle par les plus résolus des opposants. Nous leurs répondons. (Pour lire le texte intégral, cliquer sur l’icône ci-dessous.)

    Nécrotechnologies

  • Présentation critique du « complexe militaro-informatique » - LA BRIQUE
    http://labrique.net/agenda/article/presentation-critique-du-complexe

    Samedi 18 janvier à 16h à L’Insoumise Lille Présentation critique du « complexe militaro-informatique »

    La Défense reste le premier levier de profits, d’investissements et d’emplois en France. Actualisant la formule d’Eisenhower, nous verrons comment la dualité des technologies actuelles (militaires et civiles) nécessitent de les critiquer radicalement. L’État et ses industries se soutiennent mutuellement : d’une part la guerre s’informatise, d’autre part les « intérêts vitaux de la Nation », dépendant d’infrastructures informatiques, sont défendus par des technologies militaires.

    Trois autres discussions seront organisées à ce propos : une sur le contrôle spécifiquement sanitaire ; une autre sur la "crise" économique et les réponses sécuritaires ; une dernière sur la Doctrine de guerre révolutionnaire (dite aussi contre-insurrectionnelle) théorisée et pratiquée par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Des présentations plus précises arriveront bientôt.

    Voir en ligne : http://linsoumiselille.wordpress.com