• TW : agression sexuelle.

    Je vais raconter ici ma journée de mardi, en essayant de dévoiler le moins de choses possibles sur la vie privée de Y (non, c’est pas son vrai nom). Mais je crois que ce témoignage peut aider à souligner quelques problèmes (en tout cas, l’écrire me le permet).
    travail mardi matin, je passe devant la station de métro Bibliothèque Nationale à Paris. Une grande station donc, d’où sortent énormément de travailleurs. Je croise une jeune fille en larmes, complètement débraillée, les cheveux en bataille etc. Je m’arrête à sa hauteur et je lui demande si elle va bien et, captain obvious, non ça va pas mais alors pas du tout. Je l’assois sur un banc, lui donne de l’eau et au fur et à mesure que l’on parle, elle me raconte qu’elle vient d’être violée. Là aussi je vous passe les détails, je l’emmène au commissariat le plus proche (où un policier tellement au top l’interroge, à base de phrases anti slutshaming, au top). Bref j’ai passé la journée avec elle, entre la déposition a la police, aller au magasin à côté lui acheter des fringues, puis on refait la route qu’elle a fait en voiture de police (d’ailleurs, les flics grillent tous les feux rouges, on a fait BNF - Champs en 10 minutes), on va a la pj, puis à l’hôpital. Pas une seule fois elle a pu dormir, se laver jusqu’à qu’on arrive à l’hôtel dieu, où on est restées 5 heures.
    Le flic n’a pas eu le temps de prévenir les parents, ils ont essayé, c’était le répondeur alors ils ont laissé tomber. Bien sur, avec mon portable, donc les parents ont rappelé. Heureusement la fille m’avait dit ce qu’elle voulait que ses parents sachent et ne sachent pas. Mais j’ai quand même du leur annoncer au téléphone qu’elle avait été violée (plus jamais).
    Quand ils sont arrivés, c’était un moment terrible entre le soulagement de se voir, la tristesse de ce qui est arrivé. Je crois que j’oublierai jamais.

    Bref, j’avais deux choses qui me trottaient hier, et me révoltaient un peu (d’où ce post).
    ●La première est qu’elle l’a dit qu’elle était restée à la station BNF (aka la sortie de métro de quasiment tous les bureaux avenue de France, je vous laisse imaginer le trafic). 2 put## d’heures pendant lesquelles pas une seule personne ne s’est arrêtée. Elle n’avait pas seulement l’air triste hein. Elle était vraiment dans un état de panique. Quand je l’ai trouvée il y avait deux chauffeurs RATP qui fumaient une clope devant elle à 3 mètres. Et une hôtesse d’accueil d’un bureau tout vitré ou il y a une fontaine d’eau et des fauteuils. Elle m’a dit qu’elle avait vu l’hôtesse et que celle ci la regardait, mais que malgré son envie elle n’avait pas osé lui demander si elle pouvait entrer ou boire de l’eau.
    Alors je ne comprends pas comment j’ai pu être la première à m’arrêter. En deux heures. Ça me fait pleurer. Et j’espère que ça ne m’arrivera jamais de me retrouver dans une situation pareille ne serait-ce que pour ne pas avoir à vivre l’humiliation double que personne ne me vienne en aide.

    ● Le deuxième truc, c’est que personnellement, je n’avais pas de réunion à ce moment la, rien d’important dans ma journée, alors oui j’ai passé la journée avec elle (mais l’emmener au commissariat m’a pris à tout péter 20 minutes hein). Et je suis contente d’avoir éte parce qu’elle a été trimballée toute la journée, de flics en flics, d’établissement en voiture de police ou de pompiers. Avec personne a côté d’elle tout au long de la journée, sans trop de repère. Forcément on s’est attachées l’une a l’autre, et même si ma présence était déplacée (on me demandait si j’étais une amie, bah euh non :/), je crois qu’à la fin de la journée, quand elle a pu rentrer avec ses parents, on a eu un pincement au cœur de se quitter après ces longues heures à attendre. Je regrette qu’il n’y ait pas de cellule de victimes au cœur des hôpitaux pour transporter en premier lieu la victime, et où on pourrait faire intervenir la pj pour les procédures.

    Je n’ai aucun sentiment de satisfaction personnelle, hormis le soulagement de l’avoir vue partir dans les bras de ses parents, apparemment réconfortée. En fait c’est un sentiment de grande colère qui me reste en travers de la gorge. Parce que tout au long de la journée, j’ai eu droit à des « c’est super ce que vous faites » qui résonnaient dans ma tête comme des « personne ne fait ça ». Et ça me débecte de me dire que plus personne ne s’arrête dans la rue pour savoir si les gens ont besoin d’aide, de leur plein gré. Ça me sidère et me fait pleurer

    Aujourd’hui, je vais repasser devant l’hôtesse d’accueil où j’ai pris l’eau, et qui avait remarqué cette jeune fille. Quand j’étais rentrée en trombe pour me servir dans sa fontaine, elle m’a dit « ah c’est bien que vous vous soyez arrêtée, elle a pas l’air bien » avec un petit rictus. Aujourd’hui, ce rictus et ce détachement me semblent insupportables. Alors oui, elle ne pouvait pas savoir que c’était aussi grave, soit. Mais ça aurait demandé tant d’effort d’aller la voir et lui demander ? La nana travaille dans des bureaux avec des sapeurs pompiers prêts à débouler à tout moment, avec des fauteuils libres, de l’eau. J’ai envie rentrer à l’accueil en passant ce matin, et de lui dire de le faire la prochaine fois. Ce sera peut-être juste une rupture, un petit coup de mou. Mais ça pourrait être bien pire. On est d’accord que ce ne serait pas très malin, et que ce serait juste pour passer mes nerfs. Mais elle et les chauffeurs de bus, représentent exactement le comportement qui me révolte.

    Qu’est-ce qui a bien pu enlever toute forme d’empathie chez certaines personnes ? Comment concevoir ces comportements de laissez-faire face à une telle détresse ? Face à la détresse tout court. Je veux bien avoir quelques problèmes de sensibilité (voire d’hyperempathie), mais encore une fois, lui venir en aide n’a rien avoir avec ça. C’était le strict minimum.

    L’empathie est-elle morte ?

    • Oh et j’oublie un truc aussi dégoûtant. Je suis sortie de la PJ avec Y pour acheter de nouveaux vêtements qu’elle puisse leur remettre les anciens pour les tests. Alors oui, elle était en tenue de soirée. Mais elle n’avait pas l’air bien du tout. Et je crois qu’il n’y a pas un homme que l’on a croisé qui n’a pas posé ses yeux sur elle, de haut en bas, soit en mimant un sifflet soit en la regardant de haut. Je les fusillais tous du regard, et certains ont compris qu’ils avaient un comportement déplacé. Mais ça se doit être du 1 pour 10. Les autres ont continué gaiement leur route, en jugeant sur ses vêtements, en ayant un comportement de chien en rut, une jeune fille qui venait de se faire agressée par deux hommes, qui certainement ont eu les mêmes regards, les mêmes sifflets, les mêmes pensées, à la différence que eux sont passé à l’acte. Mais qui a pensé à ce que vivait Y à ce moment là ? Sortir sale dans la rue, embrumée dans tout son choc, sa honte, sa peur. C’était répugnant, à vomir.

    • Merci @oblomov d’avoir pris le temps pour Y et de partager ici ton expérience. Je me demandait dans ton message lorsque tu dit « (où un policier tellement au top l’interroge, à base de phrases anti slutshaming, au top) » je ne sais pas si tu es ironique ou si le policier était vraiment formé.

      Pour l’empathie, j’ai souvent l’impression que l’éducation dans nos cultures c’est l’étouffement de l’empathie. Et tout particulièrement de l’éducation masculine ou il faut apprendre à battre les autres, les vaincres, les dominer, les écrasés et les niquer. J’avais trouvé une étude sur les comportement des hommes dans une université aux USA. Je reviens si je la trouve mais ca disait en gros que 5% des étudiants déclaraient avoir déjà violé ou tenter de violer. A la question « avec vous déjà forcé une femmes à des actes sexuels » (il n’y a pas le mot viol mais la définition est la même) et là 36% des étudiants disent que oui ils ont deja violé. Et à la question « pensez vous que les femmes par certaines tenues provoquent au viol » il y a plus de 80% des étudiants qui répondent que oui. Ca fait plus de 80% d’étudiants masculins qui valident la culture du viol. On est pas loin de ton 1/10.

      Sinon pour la dame du bureau je trouve que c’est une bonne idée que tu aille lui parler pour lui dire qu’elle n’ai pas peur de venir en aide à la personne si une telle situation se reproduit. Il y a des chances qu’elle ne sache que trop bien ce qu’avait Y et n’ai pas trouvé la force d’affronter cette réalité.
      Encore merci à toi @oblomov

    • Qu’est-ce qui a bien pu enlever toute forme d’empathie chez certaines personnes ? Comment concevoir ces comportements de laissez-faire face à une telle détresse ? Face à la détresse tout court.

      ça me fait penser à ce que disait ce psy http://seenthis.net/messages/166218

      Les années que nous venons de traverser, marquées par le #néolibéralisme, ont rendu les gens indifférents, leur #vie_intérieure s’est transformée en un grand glacier de sentiments congelés. Les gens ne peuvent pas faire autrement que de transmettre cette froideur à leur environnement. Il y a des différences non négligeables selon qu’on a grandi et que l’on vit dans une société qui valorise la solidarité avec les faibles et ceux qui sont moins compétitifs, ou bien qu’on vit dans une société où ces gens sont abandonnés dans la misère et stigmatisés en tant que loosers.

    • On ne dira jamais assez merci à Oblomov et à ceux et celles qui agissent par solidarité et empathie envers la souffrance des autres. La société d’aujourd’hui nous pousse de plus en plus dans l’individualisme, la compétition et l’agressivité envers les faibles. Souvenons nous que nous avons tous un jour été faible et sans défense, et si nous existons encore aujourd’hui c’est parce que d’autres nous ont aidé.

    • Ouch @oblomov beaucoup d’émotions d’un coup, toute ma considération.
      Deux petits jeunes en couple arrivés de province nourris à la haine de la capitale pensaient que les parisiens étaient des personnes sans empathie et des extra terrestres froids et sans cœur. Ils étaient mes voisins et ne répondaient jamais à mes bonjour. Pour se conformer à cette idée, ils étaient de véritables petites pourritures qui s’ignorent persuadés que pour s’intégrer il leur fallait adopter la posture adéquate, une sorte de #culture_capital·iste fantasmée où le danger est à chaque coin de rue et dans chaque rencontre.

  • 22 people stuck in elevator in the National Library in Riga.
    At last the National Library is opened for audience but at very first day there were som tehnical issues with one of the elevators - 22 people stuck in the elevator and tehnicians needed to break the glass to get people out.

    TVNET :: Viedokļi - Vakardienas negadījumu Gaismas pilī saista ar ražotāja brāķi
    http://www.tvnet.lv/zinas/viedokli/514257-vakardienas_negadijumu_gaismas_pili_saista_ar_razotaja_braki

    Runājot par vakardienas notikumiem, kad tehnisku iemeslu dēļ Gaismas pils liftā uz laiku iesprūda 22 cilvēki, viņš sacīja, ka tas saistīts ar ražotāja brāķi.

    Šobrīd visas aizdomas krītot uz programmatūru, kas neesot bijusi atbilstoša.

    #Riga #Culture_capital #Riga2014 #National_Library #accident #tehnica_issues #elevator