Jean-Marc Lévy-Leblond, La culture scientifique, pourquoi faire ?, 2014
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Pour étayer ce jugement assez brutal, d’abord une constatation simple : ni dans la formation des futurs scientifiques, ni dans l’évaluation de leur carrière n’interviennent de considérations liées à leur culture – professionnelle, j’entends. Il ne viendrait à personne l’idée d’enseigner l’art sans le référer intimement à son histoire. Même chose pour la philosophie : l’histoire de la philosophie fait partie intégrante de la philosophie. On ne saurait imaginer enseigner la philosophie sans que, de Platon à Descartes, de Kant à Husserl, toute son histoire soit nécessairement présente.
Tel n’est pas le cas, en tout cas depuis un siècle environ, pour la science. Un siècle dis-je, car, au XIXe siècle, les méthodes de formation des scientifiques étaient très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Nos prédécesseurs avaient une culture générale bien supérieure. La plupart d’entre eux, étant donné leurs origines sociales, étaient éduqués dans le contexte des humanités classiques et, par exemple, savaient le grec et le latin. Aujourd’hui, si les jeunes physiciens connaissent évidemment les noms de Newton, Galilée et Einstein, 99 % d’entre eux n’en n’ont pas lu une seule ligne – et ne sont d’ailleurs nullement censés en avoir besoin. À l’inverse, aucun jeune artiste ne se contenterait de connaître les noms de Botticelli, Delacroix ou Picasso sans avoir étudié leurs œuvres et sans les avoir présentes à l’esprit.
L’idée de culture scientifique me semble donc désigner au mieux une sorte d’horizon, vide pour l’instant.
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