•  » Le Débarquement du 6 juin 1944 du mythe d’aujourd’hui à la réalité historique, par Annie Lacroix-Riz
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    Le triomphe du mythe de la libération américaine de l’Europe

    En juin 2004, lors du 60e anniversaire (et premier décennal célébré au XXIe siècle) du « débarquement allié » en Normandie, à la question « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne » l’Ifop afficha une réponse strictement inverse de celle collectée en mai 1945 : soit respectivement pour les États-Unis, 58 et 20%, et pour l’URSS, 20 et 57% [1]. Du printemps à l’été 2004 avait été martelé que les soldats américains avaient, du 6 juin 1944 au 8 mai 1945, sillonné l’Europe « occidentale » pour lui rendre l’indépendance et la liberté que lui avait ravies l’occupant allemand et que menaçait l’avancée de l’armée rouge vers l’Ouest. Du rôle de l’URSS, victime de cette « très spectaculaire [inversion des pourcentages] avec le temps » [2], il ne fut pas question. Le (70e) cru 2014 promet pire sur la présentation respective des « Alliés » de Deuxième Guerre mondiale, sur fond d’invectives contre l’annexionnisme russe en Ukraine et ailleurs [3].

    La légende a progressé avec l’expansion américaine sur le continent européen planifiée à Washington depuis 1942 et mise en œuvre avec l’aide du Vatican, tuteur des zones catholiques et administrateur, avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale de la « sphère d’influence “occidentale” » [4]. Conduite en compagnie de et en concurrence avec la RFA (puis l’Allemagne réunifiée), cette poussée vers l’Est a pris un rythme effréné depuis la « chute du Mur de Berlin » (1989) : elle a pulvérisé les « buts de guerre » que Moscou avait revendiqués en juillet 1941 et atteints en 1944 (récupération du territoire de 1939-1940) et 1945 (acquisition d’une sphère d’influence recouvrant l’ancien « cordon sanitaire » d’Europe centrale et orientale, vieille voie germanique d’invasion de la Russie) [6] Les prémonitions, alors effarantes, de Bérard-Cassandre, sont en mai-juin 2014 dépassées : l’ancienne URSS, réduite à la Russie depuis 1991, est menacée à sa porte ukrainienne.

    L’hégémonie idéologique « occidentale » accompagnant ce Drang nach Osten a été secondée par le temps écoulé depuis la Deuxième Guerre mondiale. Avant la Débâcle, « l’opinion française » s’était fait « dindonn[er] par les campagnes “idéologiques” » transformant l’URSS en loup et le Reich en agneau. La grande presse, propriété du capital financier, l’avait persuadée que l’abandon de l’alliée tchécoslovaque lui vaudrait préservation durable de la paix. « Une telle annexion sera et ne peut être qu’une préface à une guerre qui deviendra inévitable, et au bout des horreurs de laquelle la France courra le plus grand risque de connaître la défaite, le démembrement et la vassalisation de ce qui subsistera du territoire national comme État en apparence indépendant », avait averti, deux semaines avant Munich, une autre Cassandre du haut État-major de l’armée [7]. Trompée et trahie par ses élites, « la France » connut le destin prévu mais ses ouvriers et employés, subissant 50% de baisse des salaires réels et perdant 10-12 kg entre 1940 et 1944, se laissèrent moins « dindonn[er] par les campagnes “idéologiques” ».......

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