Tout s’est joué en deux mois. Juste après la déclaration d’#indépendance des #Comores, il y a eu une chasse à l’homme à Mayotte contre les Comoriens des autres îles et les #Mahorais_indépendantistes. Des exactions ont été commises par des milices soroda (mot dérivé de soldat), sous le regard des autorités françaises, qui s’opposaient aux « serrez la main », sous-entendu aux autres îles. C’est alors la proclamation unilatérale de la fondation d’un conseil général de Mayotte qui va durer jusqu’en 1977 (où des élections ont lieu). Aucun document n’est resté dans les archives coloniales sur cette période, marquée par le harcèlement, etc. des opposants. Parallèlement, il y a un coup d’état à Moroni avec le célèbre Bob Denard. S’ensuivent 25 années de mercenariat, 2 présidents assassinés...
.... en 95 (...) c’est l’instauration du visa Balladur. Pour la 1ère fois, les ressortissants #comoriens ont besoin d’un visa d’entrée à Mayotte. La circulation ne s’arrête pas, sauf que maintenant il faut prendre des risques. Il y a eu environ 25 000 morts depuis. Les bateaux partent du sud d’Anjouan, 70 km de trajet. Ce n’est pas parce que les gens fuient des conditions intolérables. C’est que les conditions imposées par la France les obligent à prendre des risques. La notion d’immigration illégale à Mayotte est en effet une absurdité.
Depuis les années 80, les Comoriens servent de boucs émissaires à toute l’incurie de la gestion coloniale de #Mayotte. Le problème en eau, c’est les Comoriens, les problèmes scolaires c’est les Comoriens, la saturation des infrastructures sanitaires, c’est les Comoriens, les maris qui ne veulent plus de leurs épouses mahoraises et qui trouvent mieux ailleurs, c’est les Comoriennes, etc. En 2003, un hameau de pêcheurs sans papiers en bord de mer et incendié sur ordre du maire du village, 28 cases incendiées, ce monsieur n’a jamais été inquiété en quoi que ce soit. Il y a eu des opérations de #décasage sauvages avec croix rouges tracées sur les portes des baraques et autres habitats de fortune pour faciliter le travail de la #police pour venir chercher les #sans_papiers. La police se promène depuis l’époque avec des camions bleus grillagés et charge femmes, enfants, Comoriens sans papiers, parfois sous les acclamations de la population. Et il ne s’agit pas de s’interposer en disant ça va pas ou quoi, vous êtes des gros fachos là, on se fait démonter la tête vite fait. Il y a une vraie hostilité cultivée à Mayotte vis à vis des trois autres îles.
Les #femmes sont à l’avant-garde depuis la fin des années 50 début des années 60 du mouvement en faveur de Mayotte française. Ça s’explique pour des raisons anthropologiques. Mayotte comme tout l’archipel des Comores est une #société_matrilinéaire, c’est la lignée mères filles qui structure la généalogie familiale, cette matrilinéarité s’articule à une #matrilocalité, c’est-à-dire que traditionnellement c’est la mère qui est propriétaire de sa maison, et c’est le mari qui vient habiter dans la maison de son épouse, et s’il est polygame il tourne entre les différentes maisons de ses épouses. S’il y a un problème, une séparation, la femme dispose de sa maison, c’est lui qui retournera chez sa mère.
Et c’est la raison pour laquelle le mouvement populaire mahorais s’est structuré à travers tous ces réseaux de #sociabilité_féminine, matrimoniale, villageoise, etc, qui ont été les fers de lance de Mayotte française. Avant l’indépendance, c’est ce qu’on appelait les chatouilleuses, dès qu’elles voyaient un notable des trois autres îles débarquer à Mayotte, à l’aéroport, elles l’agressaient, elles commençaient à le chatouiller, à lui enlever sa chemise, jusqu’à le laisser exsangue dans la poussière, sans le tuer, mais c’était une opération de harcèlement. Les femmes qui sont aujourd’hui à la pointe du mouvement pro wuambushu à Mayotte se revendiquent comme les descendantes des chatouilleuses.