• Orwell et la « common decency »
    http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article753

    « On ignore trop souvent que c’était au nom du socialisme qu’il [Orwell] avait mené sa lutte antitotalitaire, et que le socialisme, pour lui, n’était pas une idée abstraite, mais une cause qui mobilisait tout son être, et pour laquelle il avait d’ailleurs combattu et manqué se faire tuer durant la guerre d’Espagne. »
    Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, 1984.
    « Si Orwell plaidait pour qu’on accorde la priorité au politique, c’était seulement afin de mieux protéger les valeurs non politiques. »
    Bernard Crick, Orwell, une vie.

    #Orwell #Michéa #CommonDecency

    • Or c’est bien en ce sens qu’Orwell parlait de « société décente ». Il entendait désigner ainsi une société dans laquelle chacun aurait la possibilité de vivre honnêtement d’une activité qui ait réellement un sens humain.

    • Note : Orwell avait d’ailleurs sur la question une position ouverte et pragmatique. « Il est vain de souhaiter, dans l’état actuel de l’évolution du monde — écrit-il ainsi dans Le Lion et la Licorne — que tous les êtes humains possèdent un revenu identique. Il a été maintes fois démontré que, en l’absence de compensation financière, rien n’incite les gens à entreprendre certaines tâches. Mais il n’est pas nécessaire que cette compensation soit très importante. Dans la pratique, il sera impossible d’appliquer une une limitation des gains aussi stricte que celle que j’évoquais. Il y aura toujours des cas d’espèce et des possibilités de tricher. Mais il n’y a aucune raison pour qu’un rapport de un à dix ne représente pas l’amplitude maximum admise. Et à l’intérieur de ces limites, un certain sentiment d’égalité est possible. Un homme qui gagne trois livres par semaines et celui qui en perçoit mille cinq cent par ans peuvent avoir l’impression d’être des créatures assez semblables [can feel themselves fellow creatures] ce qui est inenvisageable si l’on prend le duc de Westminster et un clochard de l’Embankment. »Essais, Articles, Lettres, vol. 2, éditions Ivrea

    • Dans son Essai sur le don, Mauss en a d’ailleurs dégagé les conditions anthropologiques universelles : le principe de toute moralité (comme de toute coutume ou de tout sens de l’honneur) c’est toujours — observe-t-il — de se montrer capable, quand les circonstances l’exigent, de « donner, de recevoir et de rendre ».

      Note : Si on accepte de voir dans la morale commune moderne (ou common decency) une simple réappropriation individuelle des contraintes collectives du don traditionnel (tel que Marcel Mauss en a dégagé les invariants anthropologiques) on pourra assez facilement en définir les maximes générales : savoir donner (autrement dit, être capable de générosité) ; savoir recevoir (autrement dit, savoir accueillir un don et non comme un dû ou un droit ; savoir rendre (autrement dit, être capable de reconnaissance et de gratitude). On pourra également en déduire les fondements moraux de toute éducation véritable (que ce soit dans la famille ou à l’école) : ils se résumeront toujours, pour l’essentiel) à l’idée qu’à l’enfant humain tout n’est pas dû (contrairement à ce qu’il est initialement porté à croire) et qu’en conséquence, il est toujours nécessaire de lui enseigner, sous une forme compatible avec sa dignité, que le monde entier n’est pas à son service (sauf, bien entendu, si le projet explicite des parents est de faire de leur enfant un exploiteur ou un politicien — ou, d’une manière plus générale, un manipulateur et un tapeur). Il suffirait, d’ailleurs, d’inverser ces principes socialistes pour obtenir automatiquement les axiomes de toute éducation libérale (et notamment l’idée décisive que l’enfant doit être placé en permanence au centre de tous les processus éducatifs).

    • @eoik, je t’en prie. Si tu regarde à #michéa ici tu en sauras davantage quant à ses positions, avec des avis contradictoires à leur sujet. Comme bien d’autres, j’aime beaucoup certains textes d’Orwell (qui a eu plusieurs vies et soutenu des positions forts ... diverses) dont Hommage à la Catalogne

      qui est téléchargeable là
      http://radicatheque.over-blog.com/2013/08/ebook-hommage-à-la-catalogne-george-orwell.html

    • Ah, chance. Je m’en vais me télécharger ça tout de suite ! Merci @colporteur.

      Je viens de finir Orwell ou l’horreur de la politique de Simon Leys. L’Orwell qu’il présente m’est très sympathique (je n’ai que de lointains et scolaires souvenirs d’Animal Farm et de 1984) mais il ne parle pas du tout de la « Common Decency » et je m’interroge sur son origine.

      Oui, j’ai parcouru #Michéa : très intéressant, en effet.