• Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • 2e AG #anti-cra – le programme !
    https://nantes.indymedia.org/events/144156/2e-ag-anti-cra-le-programme

    C’est l’heure de la deuxième AG anti-CRA ! Si tu n’es pas venu•e à la première, si tu y étais ; si tu es déjà investi•e dans la lutte, si tu es simplement curieux•se ; si tu fais partie d’un collectif ou non : tu es lae bienvenu•e ! Ça…

    #anticarcéral #Antiracisme #Decolonial #B17 #Nantes

  • My Country Africa, about the book
    https://www.andréeblouin.com/book

    The story of the Black Pasionaria is that of Andrée Blouin, writer and activist from Central Africa—otherwise known as Joseph Conrad’s Heart of Darkness. The circumstances and turmoil of her personal life were as riveting as her political involvement in the entire African continent, for she was beautiful, rebellious, and painfully aware of the horrors of colonization and the desperate need for its dismantling.

    She was nicknamed Pasionaria after Spanish civil war heroine, Dolores Ibárruri, spearhead of 1935 Spanish resistance a phenomenal orator and founder of Women’s organization against war and fascism.

    In the 1960s, the decolonization of Africa was carried out by brave and remarkable men. But too little is known about the women behind the scenes who made the revolution possible. Andrée Blouin wrote My Country Africa, a memoir which depicts the untold story of a trailblazer of revolution and feminism in a segregated colonial society.
    ...

    ABOUT EVE BLOUIN
    https://www.andréeblouin.com/about

    Recently, Blouin completed a dramatic comedy set in Miami while simultaneously working on two literary projects: completing the French translation of her mother’s book “My Country Africa” and curating her own memoirs.

    #Afrique #décolonialisation #colonialisme

  • Who was the woman behind Lumumba?
    https://africasacountry.com/2020/01/who-was-the-woman-behind-lumumba

    17.1.2020 by Annette Joseph-Gabriel - The life of Lumumba advisor, Andree Blouin, offers lessons about the historically racialized and sexualized representations of women of color in politics.

    Fifty-nine years ago today, on January 17, 1961, Congolese prime minister and independence leader, Patrice Lumumba, was assassinated by firing squad. In the months leading up to his death, the world’s attention was riveted on the Congo as a crucial arena in which Cold War politics were to be played out. European and American media coverage of the “Congo Crisis” revealed a fascination with Lumumba and an attempt to cast him as an authoritarian ruler. The Guardian, for example, ran a headline describing “Lumumba as a Congo ‘King.’” The New York Times opted for the title of “’Messiah’ in the Congo.’”

    Amid the non-stop international media coverage of Lumumba’s life, leadership, and death, one curious headline stands out for turning its spotlight onto an enigmatic figure adjacent to the Congolese leader.

    Three months before the assassination that would rock the world and destabilize the movement toward decolonization in Africa, the Baltimore Afro-American ran a feature titled “The Woman Behind Lumumba.” The article itself was very short:

    Behind every famous man there is a woman.

    According to the London Daily Mirror, Madame Andree Blouin is the power behind the actions to Congo leader Patrice Lumumba.

    She is 42, half-African, half French and married to a French mining-engineer.

    Officially, she holds the position of Chief of Protocol, but Justin Bomboko, the Congo’s Foreign Minister, told the Congo Senate that she is trying to run the country and was a Communist.

    Who was Andrée Blouin? Was she really the woman behind Lumumba? The article’s four sentences do not tell us much about her. They do, however, speak volumes about the reasons for which politicians and the media viewed her as a suspicious and illegitimate presence in Lumumba’s government. And, even more importantly for us today, they offer lessons about the historically racialized and sexualized representations of women of color in politics.

    Blouin was born in the Central African Republic in 1921 and spent her early years in an orphanage for “mixed race” children in Brazzaville in the French Congo. She later became an anticolonial activist in what was then the Belgian Congo. Her movements back and forth between French and Belgian territories gave her firsthand knowledge of the particular cruelties of each imperial power. While the Belgian practice of sequestering children born of Belgian fathers and Congolese mothers in orphanages has recently drawn attention, Blouin’s autobiography reveals her own experience with this practice of segregation and discrimination as a child in an orphanage for “mixed race” girls on the French side of the Congo River. Years later, when her two-year-old son, René, was ill with malaria, the French colonial administration insisted that quinine medication was for Europeans only. A frantic Blouin pleaded with the mayor but he refused to grant her access to the life-saving medicine. She had to watch her son die.

    Blouin’s experiences of racism at the hands of French colonizers highlight the interlocking racial and gendered violence of colonialism. By separating her from her parents as a child and designating her an orphan, the colonial administration tried to erase her identity as a daughter. Later by causing the death of her infant son, colonial powers tried to exclude her from motherhood.

    Blouin therefore came to political activism in the Belgian Congo armed with the insight gained from her intimate knowledge of colonial violence under French rule. She began her grassroots mo­bilization of women in the Belgian territory on the eve of independence in 1960 as an organizer for the Feminine Movement for African Solidarity. The organization’s charter outlined projects for women’s health, literacy, and their recognition as citizens of the emerging postcolonial nation. Her work was informed by the conviction that “if she so chose, the woman could be the foremost instrument of independence.” That year, Patrice Lumumba appointed her to the position of chief of protocol in his cabinet. Blouin was one of three members of Lumumba’s inner circle, working so closely with the Congolese prime minister that the press nicknamed them “team Lumum-Blouin.”

    Even as international media trained an obsessive lens onto Lumumba during his short tenure at the helm of an embattled Congo, Blouin too became an object of fascination. Yet, as the Baltimore Afro-American, citing the London Daily Mirror, shows, the media representation was couched in the same language of intertwined racialized and gendered discrimination that marked her life under colonial rule.

    The article begins by relegating Blouin to the background of Lumumba’s government, the proverbial woman behind a powerful man. But that relegation also contains suspicion about her supposedly hidden agenda and manipulative role in this position. Blouin emerges as a mysterious shadowy figure pulling the strings of decolonial politics in the Congo.

    To be “behind” Lumumba, then, is to occupy both a location of subordination and a position of power. But it is also clear that this power projected onto Blouin is fragile at best, because it is rooted in sexualized fears of women as exotic objects to be both desired and reviled. Thus, in an article about Blouin as a political figure, we find no mention of her activism to obtain a reform in colonial quinine laws, or her work towards increasing literacy and access to healthcare for Congolese women. We learn instead that she is “half-African, half-French and married to a French mining engineer.” Other newspaper articles about Blouin described her with even more exoticizing language. The Washington Post, for example, called her the “Eartha Kittenish Clara Petacci of the Congo’s brief strong arm regime,” likening her to African American actress Eartha Kitt and Mussolini’s mistress Clara Petacci. To liken someone to Eartha Kitt is far from an insult. But when wielded to make Blouin hyper-visible as an object of desire in the Western imaginary, the comparison becomes a way to elide her political activism.

    A journalist once asked Blouin whether she was a Communist. She responded, “Let small fools call me what they like. I am an African nationalist.” The breakdown of her lineage into half and half, as in the Baltimore Afro-American’s coverage, is a gesture that was used many times to challenge Blouin’s authenticity. Neither French enough to benefit from the Europeans-only quinine card, nor African enough to be fully embraced as a pan-Africanist, public representations of Blouin sought to delegitimize her work by questioning her racial, national and even continental affiliations.

    Negative representations of Blouin in the media became commonplace throughout her time in office. She reports that Lumumba acknowledged the gendered nature of these portrayals: “Our enemies attack her all the time. Not for what she’s done, but simply because she’s a woman, and she’s there, in the thick of it.”

    When Lumumba was assassinated in 1960, Blouin likewise became a target. Her daughter Eve recounts that her mother, who she remembers as “a pivotal figure [and] freedom fighter in Africa,” was sentenced to death. She fled the Congo, ultimately living in exile in Paris until her death in 1986.

    Today, Andrée Blouin remains an enigmatic figure, relatively unknown in historical narratives about the long and painful march towards Congolese independence. She is elusive, not because she was the shadowy manipulator of Lumumba’s leadership, but rather because like many of the African women who were engaged in anticolonial activism, she remains on the periphery of historical narratives that privilege the so-called founding fathers of African independence. 59 years after Lumumba’s death, it is fitting to remember Andrée Blouin too, and with her the many women who lived and died for African liberation.

    About the Author

    Annette Joseph-Gabriel, assistant professor of French and Francophone Studies at the University of Michigan.

    à propos du même sujet
    Andrée Blouin - Africa’s overlooked independence heroine
    https://seenthis.net/messages/1103620

    #Afrique #décolonialisation #colonialisme

  • Habiter les Antilles à l’heure de l’Anthropocène
    https://www.terrestres.org/2025/02/12/habiter-les-antilles-anthropocene

    Plantations de bananes, industries pétrochimiques, relations scientifiques et habitantes à un volcan actif, algues proliférantes.… Une série de quatre capsules sonores qui esquissent une écologie politique de la Martinique. L’article Habiter les Antilles à l’heure de l’Anthropocène est apparu en premier sur Terrestres.

    #Décolonial #Ecologie Politique #Pollutions #Risques_industriels #Vivants
    https://www.terrestres.org/wp-content/uploads/2025/02/001_L_EXPOSOME.mp3


    https://www.terrestres.org/wp-content/uploads/2025/02/002_LES_SARGASSES_V2.mp3

    https://www.terrestres.org/wp-content/uploads/2025/02/003_LES_LAHARS.mp3

    https://www.terrestres.org/wp-content/uploads/2025/02/004_LA_SARA.mp3

  • History of history: Anti-colonial methods for a project that uses natural history museum samples

    What do natural history museums mean to you? Are they a place with interesting objects? A fun place to visit with friends or family? An alternative to dinner and drinks for a first date?

    To myself, a setter and junior researcher living on the traditional territory of the Anishinaabe Algonquin Nation with an average interest in natural history museums, this about encompasses my view of museums before beginning my work with CLEAR in June of 2024. While I, like many people, was aware of the not-so-lovely “history of history,” what I failed to realise was the vast and deeply structural extent of colonialism in natural history collections. So, what aspects of Natural History Museums contribute to the perpetuation of colonialism? And how can we conduct anti-colonial research regarding Natural History?

    Subhadra Das and Miranda Lowe’s 2018 paper, “Nature Read in Black and White: Decolonial approaches to interpreting natural history collections,” does a wonderful job of outlining the racist nature of natural history museums due to their disregard for their colonial past:

    Narratives about the history of collecting are commonly absent from the interpretation of natural history collections. In this paper, we argue this absence – particularly in relation to colonial histories – perpetuates structural racism within modern society by whitewashing a history where science, racism, and colonial power were inherently entwined. This misrepresentation of the past is problematic because it alienates non-white audiences (p. 4).

    They explain how the expansion of natural history museums and emphasis on advancing scientific thought during the Enlightenment played a large role in establishing scientifically racist ideas through othering non-Western civilizations and fuelling colonial collecting (Das & Lowe, 2018, p. 6). Plus, numerous collections in natural history museums were only collected with the help and knowledge of local Indigenous people, though, these people are rarely named (Das & Lowe, 2018, p. 8). The omission of non-Western people from museum collections further reinforces colonialism–the domination of Indigenous Lands, knowledges, and peoples by Western systems.

    The authors call for the decolonisation of natural history museums through acknowledging the colonial past of natural history collections, and presenting accurate narratives of the history of these collections along with the current information (Das & Lowe, 2018, p. 11). This acknowledgement and recognition would be validating for the non-white audiences, and make natural history collections more inclusive: “there is clearly an exciting opportunity for us to change the interpretation of natural history collections to better reflect their histories, exploring them through the lens of colonial history” (Das & Lowe, 2018, p. 11, 12).

    As a research assistant and point person for CLEAR’s Nunatsiavut Government Natural History Sample project, I have been researching the collection location, source, and context of natural history samples of birds taken from Nunatsiavut, Inuit homelands in northern Labrador. The goal of this project is to provide a historical context that tells a more accurate narrative of the bird samples and their hidden colonial collection–who collected these? Why were they in Labrador? What interactions did they have with Inuit there?

    Throughout my time working on this project, I have reviewed hundreds of online articles, visited bird specimens and archives in person–being my first time viewing archives or doing work at a museum!–at the Royal Ontario Museum (ROM) and Canadian Museum of Nature (CMN), and viewed documents at Memorial University QEII Library Archives and the Centre for Newfoundland Studies (CNS) to gather information and create biographies for various collectors who spent time in Nunatsiavut.

    This project is part of a comparison of the differences in plastic and heavy metal contamination of Inuit foodways and environments in Nunatsiavut over time, using bird feathers from bird species caught as wild food by Inuit. In a partnership between Liz Pijogge, Nothern Contaminants Program Coordinator for the Nunatsiavut Government, Dr. Alexander Bond at the Natural History Museum (UK), and Dr. Max Liboiron at Memorial University, we compare bird feathers from colonial samples in museums to those caught by hunters in Nunatsiavut. While the Inuit hunters and researchers we work with now are co-researchers and co-authors in our work, there is no contextual parity for the museum samples. These museum bird samples, along with any item you may see in natural history museum exhibits, will be presented with the species name, collection date, location, and some information on what it eats and its ecological role. But, a huge chunk of information is missing, which is the–most often colonial–collection context. The settler collectors of the past often used local knowledge to help them hunt and collect samples, bought samples from local hunters or paid locals to collect for them. However the role of these locals is almost never officially acknowledged, and this aspect is the core of my research with CLEAR– trying to recover and retell the stories of these museum samples.

    https://civiclaboratory.nl/2025/01/03/history-of-history-anti-colonial-methods-for-a-project-that-uses-nat

    #décolonial #musées #histoire_naturelle #colonialisme

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  • Mémoires. Genève dans le monde colonial

    Comment Genève a-t-elle traversé l’époque coloniale ? En quoi le Musée d’ethnographie est-il un acteur culturel majeur du contexte colonial ? Quels sont les futurs des collections qui y sont conservées ? Peut-on saisir aujourd’hui quelle est la véritable identité d’un objet, parfois des siècles après son entrée dans les collections muséales genevoises ?

    Autant de questions auxquelles cette exposition participative tente de répondre. De nombreux-ses partenaires ont accepté de construire avec le MEG un propos aligné avec l’actualité de la réflexion décoloniale. Nous les remercions d’avoir pris ce risque et de nous avoir accordé leur confiance. Un fil rouge relie toutes les histoires de cette exposition, celui de la #responsabilité du Musée envers les collections et de son engagement à tisser sur le long terme des relations respectueuses et apaisées avec leurs héritières et héritiers culturel-le-s.

    https://colonialgeneva.ch

    L’expo est super bien faite (je l’ai visitée hier) et tout a été mis en ligne sur ce site. C’est super !

    #exposition #musée #MEG #Genève #Genève_coloniale #Suisse #Suisse_coloniale #colonialisme_suisse #colonialisme #décolonial #objets

    –-

    ajouté à la métaliste sur le #colonialisme_suisse :
    https://seenthis.net/messages/868109

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  • Sur visionscarto nous commençons à publier les traductions en Français des contributions présentées lors du séminaire « Décoloniser le paysage urbain suisse »
    (Université de Bâle, automne 2021) coordonné par Claske Dijkema.

    Aujourd’hui

    En français :
    Le zoo contemporain en Suisse : une critique postcoloniale
    https://www.visionscarto.net/zoo-contemporain-en-suisse

    En Anglais :
    The contemporary zoo in Switzerland : a postcolonial critique
    https://www.visionscarto.net/switzerland-zoo-postcolonial-critique

    #colonialisme #décolonialisme #suisse #zoo_humain

  • #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • Pour une écologie décoloniale du #numérique

    Originaire de la République Démocratique du Congo et réfugié politique en France, David Maenda Kithoko nous raconte son histoire et ses combats pour une prise de conscience des liens entre numérique, colonialisme, minerais de sang et #conflits en République Démocratique du Congo et plus largement dans la région des grands lacs africains.

    https://peertube.designersethiques.org/w/eCTeXbdkjUcdNzpZNtCdVX
    #conférence #David_Maenda_Kithoko
    #RDC #congo #République_démocratique_du_Congo #géologie #décolonial #colonialisme #scandale_géologique #minerais #extractivisme #ressources #cobalt #caoutchouc #histoire #histoire_coloniale #économie_électronique #vidéo

    ping @karine4 @reka @cede

  • Displacing and Displaying the Objects of Others. The Materiality of Identity and Depots of Global History

    Displacing and Displaying the Objects of Others is a thought-provoking collection that brings together a diverse range of contributions inspired by research from the “Hamburg’s (post-)colonial legacy” research center. The authors explore new perspectives in provenance research by situating it within the broader contexts of global history, colonial history, and postcolonial studies.

    This volume goes beyond simply tracing the origins of objects, considering the significant impact on the societies from which these objects originate. It also critically examines how these objects were used in collections and museums and how the process of musealization shaped collecting practices. With its multiperspective approach, Displacing and Displaying the Objects of Others encourages readers to reflect on the deep connections between past and present and to consider responsible ways of engaging with colonial collections.

    https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783111335568/html
    #objets #musées #décolonial #colonialité #collections #collections_coloniales
    #livre

    ping @reka @cede

  • Une vague de désertions en Ukraine
    https://www.wsws.org/fr/articles/2024/10/09/hhkq-o09.html

    Le carnage continue, la guerre en Ukraine arrive à un stade où les hommes sont épuisés au point de déserter en nombres considérables. Cet article donne une impression des souffrances imposées aux Ukrainiens.

    Sur le plan stratégique le problème semble frapper aussi l’adversaire russe. Quand les peuples ont assez des guerres les puissants afin de pouvoir entretenir leurs conflits s’adressent à leurs semblables étrangers en situation de pouvoir fournir la chair à cannon nécessaire.

    En 1776 la couronne britannique acheta des soldats pour la guerre contre les indépendantistes américains au prince allemand Frédéric II de Hesse-Cassel qui par ce marché entra dans les annales comme symbole de l’aristocratie qui vend les enfants du pays au lieu de les nourrir et protéger. L’image de marque de sa classe en a pris un coup dans la conscience du peuple allemand.
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Soldatenhandel_unter_Landgraf_Friedrich_II._von_Hessen-Kassel

    Cette histoire montre que la chair à cannon achetée a parfois tendance à s’autonomiser et à se rallier à d’autres parties. La version francaise de l’article évoque la défaite de Saratoga et les soldas de Hesse qui préférèrent rester dans le nouveau monde après la fin des hostilités en 1783 .
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mercenaires_allemands_au_Canada

    Espérons pour les soldats coréens vendus par leur potentat que le destin leur réserve un sort aussi clèment que celui des milliers d’Allemands devenus américains il y a bientôt 250 ans.

    9.10.2024 - Ce reportage sur la vague croissante de désertions en Ukraine a été soumis au WSWS par des journalistes d’Assembly.org.ua. Il documente l’effondrement des lignes de front. Si les désertions individuelles ne remplacent pas le développement d’un mouvement politiquement conscient de la classe ouvrière, elles indiquent une opposition anti-guerre croissante parmi de larges masses d’Ukrainiens qui sont utilisés comme chair à canon dans la guerre par procuration impérialiste contre la Russie. Les journalistes, qui ont été contraints de rejoindre la clandestinité par le régime dictatorial de Zelensky, demandent des dons pour soutenir leur travail en cliquant sur ce lien.
    https://www.globalgiving.org/projects/mutual-aid-alert-for-east-ukraine

    Le début de l’automne en Ukraine a été marqué par une aggravation de la situation sur les lignes de front. Chaque jour, les défenses de la région de Donetsk s’effondrent davantage. Dans la région de Kharkov, les troupes russes s’approchent de la rivière Oskol. En direction de Koursk, elles ont également repris le contrôle de plusieurs localités, bien que l’armée ukrainienne continue d’attaquer à certains endroits. L’euphorie de la victoire a de nouveau cédé la place à la frustration, et là où il y a des défaites, la pression sur les « ennemis du peuple » de l’intérieur s’accroît. On ne sait pas encore qui sera désigné comme le prochain bouc émissaire. On peut seulement noter que le thème de la décomposition de l’armée de l’intérieur est partout dans les informations du pays.

    Le 11 septembre, une déclaration vidéo de Denis Yaroslavsky, deux fois candidat à la mairie de Kharkov et actuellement à la tête d’une des unités de reconnaissance des forces armées ukrainiennes, a été largement relayée et commentée dans les médias et sur les réseaux sociaux :

    Si je vous dis aujourd’hui le nombre de déserteurs SZCh [abréviation ukrainienne de désertion, en russe – SOCh], tous les grands réseaux sociaux russes se retourneront contre nous et crieront : « Regardez combien ils ont de déserteurs. » Ils ne montrent pas les leurs, nous ne pouvons pas montrer les nôtres non plus. Mais je trouve cette situation très déplorable. Nous avons déjà une maladie. Je ne dirai pas que nous en sommes déjà au quatrième stade, comme en oncologie, mais c’est certainement le deuxième, en transition vers le troisième. Et cela progresse. Dès le début, nous n’avions pas de déserteurs, parce que, par exemple, j’ai servi dans un bataillon de volontaires pendant les trois premiers mois, nous n’avons pas reçu de salaire, rien, et il y avait des dizaines de milliers de personnes comme moi. Parce qu’il y avait de la motivation. La motivation pour gagner. Maintenant, la guerre est entrée dans une phase où seuls ceux qui ne veulent pas [se battre] sont enrôlés sur le champ de bataille. Les personnes motivées sont mortes ou se sont lassées [de la guerre].

    Deux jours plus tôt, le 9 septembre, le journaliste de Kiev Volodymyr Boiko, qui sert dans la 101e brigade des forces armées ukrainiennes, s’est exprimé encore plus vivement sur cette réalité sur sa page Facebook :

    [...] J’ai dit et je redis que le nombre de déserteurs a déjà dépassé 150.000 personnes et approche les 200.000. Avec la dynamique actuelle, on peut prédire 200.000 déserteurs d’ici décembre 2024. Je tiens également à souligner que la dépénalisation effective de la désertion aura des conséquences catastrophiques pour le front dans un avenir proche. [...] Aujourd’hui, les crimes contre l’ordre établi du service militaire ne font l’objet d’aucune enquête, les déserteurs ne sont pas recherchés – c’est ce qui a conduit au fait que le problème s’est aggravé pendant 2 ans et demi et maintenant la situation est dans une impasse. Il est impossible de traduire en justice un si grand nombre de déserteurs, et il est impossible de les retrouver. C’est pourquoi le chef de l’État Andrii Yermak (que son nom soit sanctifié !) a décidé qu’il fallait capturer les gens dans les rues et les envoyer au front au lieu des déserteurs. Mais cela n’aide pas – après avoir rejoint les unités militaires, les mobilisés rentrent simplement chez eux. Si quelqu’un revient, ce ne sera que quelques personnes. Tout d’abord, c’est techniquement impossible : après l’enregistrement de la procédure pénale, le déserteur est radié des listes de personnel et il ne peut réintégrer le service que par le biais du centre territorial de recrutement, c’est-à-dire par remobilisation. Ensuite, ce n’est pas pour cette raison que le déserteur a quitté l’unité et est rentré chez lui. Une autre chose est que la désertion massive a commencé, car les gens ont compris qu’il était possible de déserter et qu’il n’y aurait aucune conséquence.

    Un chiffre similaire de plus de 100.000 personnes qui ont abandonné leurs unités a été cité le 26 septembre par l’avocat militaire et des droits de l’homme de Kharkov, Roman Likhachyov. Selon lui, certains de ces cas concernent entre 20 et 30 personnes. Le 3 octobre, le même blogueur de droite Boiko a évoqué cette histoire en analysant les raisons de la chute d’Ugledar (en ukrainien : Vuhledar ) dans le sud du Donbass :

    Ce qui se passe à Vuhledar ces derniers jours, en général, s’appelle un effondrement local du front. La retraite chaotique des restes de la 72e brigade mécanisée séparée, qui n’a toujours pas reçu l’ordre de se retirer, puis de quitter la ville dans les trois jours après des mois de défense réussie, est quelque chose contre lequel j’ai mis en garde à plusieurs reprises depuis janvier 2024. Cela ne fera qu’empirer. […] Voici, par exemple, des informations sur le dernier réapprovisionnement du personnel de la 72e brigade, avant la reddition de Vuhledar. 50 nouvelles recrues, pour la plupart âgées de 52 à 56 ans, sont arrivées dans la brigade. 30 d’entre elles ont été immédiatement envoyées dans des unités arrière et des hôpitaux, car elles n’étaient pas aptes au service en première ligne en raison de leur état de santé (car le TCR mettait en œuvre un plan de conscription et mobilisait les malades). Sur les 20 militaires restants, 16 ont déserté le deuxième jour. Ainsi, sur un contingent de 50 hommes, 4 ont été envoyés sur le terrain, et après la première rotation, ces quatre-là ont également déserté. Et une telle situation existe sur tout le front.

    Le même jour, le 3 octobre, à Voznessensk, dans la région de Nikolaïev/Mykolaïv, une centaine de soldats du 187e bataillon de la 123e brigade de défense territoriale des FAU ont organisé une protestation. Tous ont refusé d’accomplir la mission de combat et ont quitté leur unité sans autorisation au lieu de soutenir la 72e brigade. Selon eux, ils manquaient d’entraînement et d’armes pour participer aux combats. « J’ai fait appel à plusieurs reprises, même à ma section, dont j’étais responsable. J’ai demandé de fournir des PKM, des mitrailleuses. « Nous n’en avons pas, nous ne pouvons pas en fournir ». Et qu’adviendra-t-il alors du Donbass ? », a déclaré à la télévision d’État un commandant de peloton nommé Sergueï. La veille, Igor Grib, 33 ans, commandant du 186e bataillon de cette brigade, s’est tiré une balle dans la tête parce que son bataillon s’était enfui de ses positions près d’Ougledar. (Cela a conduit à la perte définitive de la ville.) Volodymyr Boiko écrit que le lieutenant-colonel s’est suicidé après la formation : « Lorsque les soldats se sont dispersés, ils ont entendu un coup de feu. » Le 4 octobre, une cérémonie d’adieu pour l’officier a eu lieu à Pervomaïsk, la ville natale du trotskiste emprisonné Bogdan Syrotiuk.

    Si cet été nous écrivions [en russe ; en anglais] que ces désertions se produisaient généralement sous forme de non-retour de l’hôpital ou de permission, maintenant les soldats partent et disparaissent directement de leurs positions, même s’il n’y a pas eu de bombardements. Un instructeur de la 59e brigade d’infanterie motorisée des FAU, qui combat près de Pokrovsk, en a parlé dans un reportage de la Deutsche Welle du 11 septembre.

    Le 15 septembre, l’une des plus grandes chaînes d’information ukrainiennes a également écrit que les statistiques officielles sur les évasions de militaires étaient une minimisation. Un capitaine des forces armées a déclaré aux journalistes :

    [...] Les SZCh et ceux qui refusent de servir sont radiés du personnel. Ils sont partis arbitrairement, ont été absents de l’unité pendant plus de dix jours. Ou ont refusé d’aller au front. La plupart des SZCh et de ceux qui refusent de combattre ne font pas l’objet de poursuites pénales, les commandants n’écrivent pas de rapports. Cela dégrade les statistiques générales du personnel et remet en question la compétence du commandant à diriger et à maintenir le moral. Par conséquent, ce contingent est discrètement radié du personnel. Il y a une autre nuance. Le fait est que si les malades, les délinquants ou ceux qui refusent de combattre ne sont pas radiés du personnel, alors selon les documents, l’unité n’a pas besoin d’être reconstituée. Et elle est considérée comme prête au combat. Mais en réalité, l’unité n’est pas prête au combat. Car plus de la moitié de ses membres sont des délinquants ou des blessés. Les délinquants ivres ou bagarreurs, ou les toxicomanes, peuvent être écartés du personnel pendant des années – personne n’en a besoin dans les unités de combat. Ils ne peuvent pas non plus être renvoyés, ce qui permet de garder les contrevenants dans les compagnies de réserve comme main-d’œuvre bon marché pour les unités. On les laisse rarement rentrer chez eux, on les garde à l’arrière, non loin de l’unité. Il n’y a pas de sécurité dans les compagnies de réserve pour le « personnel de réserve ». Si un « membre de réserve » s’échappe d’une compagnie de réserve, s’il subit plusieurs SZCh, il est d’abord déclaré recherché. Ensuite, une procédure pénale est ouverte pour désertion. Les gens s’échappent très souvent des compagnies de réserve. Mais certains d’entre eux sont arrêtés par la Police militaire et ramenés après une « rééducation » au bureau du commandant.

    Le 14 septembre, le militaire de Lviv Maxim Bugel a décrit sur Facebook comment la réticence de nos voisins de la région de Soumy (également limitrophe de la région de Koursk en Russie) à fournir des logements l’a conduit à penser à la désertion :

    […] On espérait qu’après le début des bombardements à Soumy et le départ de beaucoup de gens, ils auraient besoin d’argent pour louer des logements dans les endroits où ils s’étaient installés. Mais les planètes ne se sont pas alignées. Une annonce de l’OLX . Il y a quelques maisons, quelques appartements, mais il y a une nuance : ils ne sont loués qu’à des familles avec enfants […] Les prix ont baissé, mais les conditions ne le sont pas. Et aujourd’hui, j’ai aussi appris que dans l’un des immeubles d’habitation, dans le quartier où nous nous trouvons actuellement, ils se sont réunis et ont décidé d’autoriser ou non l’entrée des militaires dans l’immeuble. Ils ont convenu que nous sommes impurs et que nous n’avons pas de place dans leur lieu céleste. Dans l’immeuble voisin, ils ont décidé de nous laisser entrer. Il y a un désir de rassembler mes cosaques sur leur place et aussi d’organiser au moins un référendum sur le sujet « devons-nous les défendre » et si la décision n’est pas en leur faveur, de faire demi-tour et de rentrer chez nous. Il est intéressant de regarder leurs visages dans ce cas. Y aura-t-il plus de peur ou de joie qu’un peuple frère vienne à eux ?

    Plus tôt ce mois-là, un célèbre militant d’extrême droite s’était indigné du fait que les habitants d’un grand immeuble à Kharkov voulaient expulser son entrepôt de fortune afin d’éviter l’arrivée de missiles.

    L’article « Au cours du long été chaud, les soldats ukrainiens et russes ont battu des records de désertion », publié par nos soins le premier jour de l’automne, s’est avéré très opportun. (Il est disponible en russe ou en anglais.) Nous avons reçu des commentaires à ce sujet des deux côtés du front. D’après les discussions dans les chats locaux de Kharkov, voici le texte intégral dans sa version originale :

    J’ai une petite observation, plusieurs hommes qui ont été embauchés de force dans des bus, et qui n’ont pas été très critiques envers les autorités pendant tout ce temps, se consolent maintenant en pensant que ceux qui sont au sommet savent mieux qu’eux. Tant que vous êtes « libre », vos pensées restent dans le cadre des principaux courants sociaux et ont la possibilité de bouger. Dès que vous entrez dans un collectif avec des tâches définies, dans la plupart des cas, vos pensées rentrent dans le même tunnel que tout le monde. Une fois que quelqu’un a été embrigadé dans le bus et entre dans un collectif d’autres qui ont été embrigadés auparavant, mais qui sont déjà résignés à la situation, il s’adapte mentalement à eux, accepte leur point de vue, crée une zone de confort (nager à contre-courant est toujours inconfortable). Là, il est entraîné dans le sujet et commence aussi à penser que tous les autres sont des scélérats et des évadés, la motivation apparaît. Jusqu’à ce qu’il se lance dans le massacre. Il en prend conscience et souvent SOCh.

    […] Mon parrain et deux de mes connaissances décédées sont partis volontairement dès les premiers jours [de la guerre], mais quand ils sont arrivés à Kharkov, nous avons bu ensemble, personne n’a crié que j’étais un évadé, mais au contraire, [ils ont dit] qu’il n’y avait rien à faire là-bas [au front]. L’un d’eux, un volontaire, est déjà à l’étranger. Il est parti deux semaines et il est là depuis six mois déjà […]

    La moitié des [hommes vivant dans] ma cour sont SZCh, dans le district de Slobozhansky. L’essentiel est de ne pas se faire prendre, sinon personne ne s’en soucie. Nous n’avons plus de parquet militaire, les flics s’occupent des déserteurs maintenant et ils s’en fichent complètement. Au printemps, un de mes amis est arrivé dans le quartier. Il a combattu dans la région de Zaporojie. En mai, le commandant est venu le voir et lui a dit : « On nous transfère à Liptsy [l’un des endroits les plus chauds de la région de Kharkov], et ensuite tu devras décider toi-même, laisse juste ta mitrailleuse si tu décides de t’enfuir. » Eh bien, il a laissé son uniforme et est maintenant un SZCh. Ils s’en sortent tant bien que mal, comme tout le monde.

    SZCh et SOCh peuvent également être traduits dans nos langues par « Courage, Bravoure, Honneur »

    Le 9 septembre, nous avons reçu une lettre de Gorlovka, contrôlée depuis 2014 par la « République populaire de Donetsk », l’extrême droite soutenue par la Russie :

    Le plus triste, c’est que si vous commencez à dire aux gens que les soldats doivent déserter l’armée et retourner leurs armes contre ceux qui sont au pouvoir, les gens vont écarquiller les yeux et dire : « Voulez-vous que 1917 se reproduise ? De nouveau frères contre frères et que les gens aient faim ? Il vaut mieux que nous endurions, sinon la situation s’aggravera. » Nous avons des photos de ceux qui sont recherchés plaquées dans nos rues. Et des inscriptions : « Il a trahi la république, il a trahi ses camarades, il s’est trahi lui-même. » J’ai entendu dire que nous avons beaucoup de cas SOCh. Mais « beaucoup » est un concept flexible. Et leurs captures ne sont pas publiées ici.

    Parallèlement à cela, le 14 septembre, un message est apparu sur la chaîne Telegram Mobilisation DPR Live à propos des soldats mobilisés de Donetsk de l’unité militaire 78979 en direction de Koursk, se plaignant des brimades du nouveau commandant et des menaces de les envoyer sur des béquilles pour prendre d’assaut le front.

    Mon conseil : si vous voulez VIVRE, courez (ou laissez-les courir), si possible. [...] Personne, aucun organisme de défense des droits de l’homme ne vous aidera ! J’ai essayé ! Je ne me suis pas complètement remis de ma blessure, j’ai été jeté dans un hachoir à viande. Ces organismes m’ont tout simplement abandonné après que je me suis tourné vers eux pour « de l’aide ». Ils m’ont abandonné dans une unité qui voulait me détruire. Le bureau du procureur n’a pas pris la peine de s’occuper de mon cas. Je dois moi-même sauver ma « vie » de l’anarchie, de l’arbitraire, étant maintenant dans la « clandestinité » ! Ils n’ont tout simplement pas besoin de combattants estropiés après des blessures ! Ils nous détruisent – LES LEURS – ils nous achèvent ! [...] Selon le plan ? Selon le calendrier ? Oui ?

    Un lecteur au profil anonyme a commenté ci-dessous. Après que nous l’ayons contacté en privé pour lui demander des détails, il a ajouté :

    C’était à Donetsk. Oui, j’ai déserté ! Parce qu’on m’a emmené dans un hachoir à viande, après avoir été partiellement guéri, alors que mon passeport russe et mon téléphone portable ont été confisqués, ils m’ont gardé sous surveillance armée tout le temps, m’ont insulté et menacé, mais j’ai réussi à m’échapper. Plus tard, j’ai contacté le bureau du procureur, la réponse a été le silence, et ils m’ont tout simplement jeté du bureau du procureur dans une unité militaire, où ils ont voulu m’éliminer. [...] Donc je me cache. Mon avis est que personne ne vous aidera, même le bureau du procureur. Tous ces gars avec qui j’ai été emmené étaient aussi partiellement guéris [et ensuite] ils sont morts.

    Par rapport à l’aperçu du WSWS paru cet été, le rôle des désertions collectives et organisées a clairement augmenté. Il ne faut cependant pas se leurrer en pensant que nous sommes déjà dans une situation révolutionnaire. L’opinion publique ukrainienne et russe est actuellement focalisée sur les élections présidentielles aux États-Unis, et beaucoup nourrissent l’espoir erroné qu’une victoire de Trump pourrait ouvrir la voie à un règlement rapide et pacifique de la guerre. Il semble que seul l’échec de ces attentes puisse ouvrir la voie à un intérêt de masse pour une alternative révolutionnaire. Nous nous trouvons à un tournant de l’histoire.

    (Article paru en anglais le 8 octobre 2024)

    Article en relation avec https://seenthis.net/messages/1068730

    #guerre #histoire #décolonialisation #libération #Amérique #Hesse #Allemagne #Russie #Ukraine #Corée

    • l’article Hessien (soldat) - pour moi, (le) hessien, c’est d’abord des souvenirs de taupe... – de WP[fr] renvoie à celui que tu pointes https://fr.wikipedia.org/wiki/Mercenaires_allemands_au_Canada (en version pas mobile) ; il y a un article plus général, pas seulement au Canada et portant sur leur rôle des deux côtés https://fr.wikipedia.org/wiki/Rôle_des_Allemands_dans_la_révolution_américaine

      et sinon, ma référence absolue sur le sujet, est bien sûr dans Oumpah-pah, le peau-rouge avec le chevalier Franz Katzenblummerswishundwagenplaftembomm - bon, il est prussien.
      Malheureusement, je n’en trouve pas d’image sur la toile, et mes albums sont quelque part dans un carton...
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Oumpah-Pah

    • C’est une longue et douloureuse histoire d’exploitation extrême.

      Afin de compléter l’histoire j’ai investi un peu de temps supplémentaire pour une recherché sur le net. En quelques minutes je n’ai forcément pu identifier que des sources pas toujours fiables, mais bon, que chacun vérifie leur qualité.

      Comme toujours je ne prends aucune responsabilité pour le contenu et je ne suis pas forcémemt d’accord avec le contenu ou les auteurs des citations. En principe cela va de soi, mais j’ai l’impression d’être obligé de le rappeller de temps en temps.

      J’ai remarqué que les sujets historiques allemandes sont surtout traités par des sources de droite et d’extrême droite, au moins c’est l’impression qu’on peut gagner quand on aborde les questions d’histoire par Wikipedia ( deutsch ) et les moteurs de recherche habituels. Vu le sujet j’ai entrepris une recherche en langue allemande. L’image risque de changer quand on enquête en d’autres langues.

      Albrecht Wirth, Deutsche Abenteurer, Kapitel 10
      https://www.projekt-gutenberg.org/wirth/dtabente/chap010.html

      Dagegen betrieb der Bruder Katharinas II., Friedrich August von Anhalt-Zerbst, einen blühenden Soldatenhandel. Er unterhielt in Deutschland Werbeplätze. Er selbst regierte sein Fürstentum von Basel und von Luxemburg aus; nach Anhalt selbst kam er nie. The poor Hessians , wie man sämtliche Mietlinge drüben benannte, einerlei wo sie herkamen, wurden von Washington und seinen Generälen, unter denen sich Steuben und Kalb befanden, aufgerieben. Glücklich, wer überlaufen und bei den Yankees als Soldat oder Bauer Unterschlupf finden konnte.

      Menschenalter hindurch hat jedoch die Erinnerung an die armen Hessen als verlotterte, minderwertige Menschen in Nordamerika nachgewirkt, und selbst heute noch werden sie von Deutschfeinden uns vorgehalten.

      Daß man auch in der Heimat den Vorgang keineswegs überall ruhig aufnahm, beweist die Empörung Schillers und beweist vor allem Friedrich der Große, den freilich die Engländer durch ihre Treulosigkeit 1762 zu heller Wut gereizt hatten: er verbot ein für allemal in seinen Landen Werbungen für Amerika, und er weigerte sich, durch eine Londoner Note dazu aufgefordert, anderen deutschen Kontingenten den Durchmarsch durch seine Lande zu gewähren. Es heißt, daß er durch diese Verzögerung den Sieg der Yankees verursacht oder zum mindesten erheblich dazu beigetragen habe.

      Daß dagegen die Gesinnungen des Preußenkönigs, Schillers und des schwäbischen Dichters Schubart, der wegen kränkender Bemerkungen in seiner »Chronik« von Karl Eugen jahrelang auf dem hohen Asperg eingeschlossen wurde, keineswegs allgemein verbreitet waren, das beweist ein so edler Mann wie Neidhart von Gneisenau, der damals ansbachischer Offizier war. Dieser bewarb sich nämlich geradezu darum, nach Amerika geschickt zu werden, und freute sich ganz naiv auf das Abenteuer.

      Unter dem Dutch Cattle, das nach Kanada verschifft wurde, befand sich auch Johann Gottfried Seume. Von ihm stammt der Kanadier, der Europens übertünchte Höflichkeit nicht kannte, und der Spaziergang von Syrakus. Er wollte sich von Leipzig nach Paris begeben, um dort Mathematik zu studieren, wurde aber von hessischen Werbern überfallen, nach der Festung Ziegenhain verschleppt, seiner Legitimationspapiere beraubt und in den bunten Rock gesteckt. Später machte er seinem Groll in folgenden Versen Luft:

      »Trennung, Eigennutz und Knechtschaft haben
      allen öffentlichen Sinn begraben,
      daß der Deutsche nur in Horden lebt,
      und daß dummheitstrunken diese Horden
      um die Wette sich für Fremde morden,
      daß die wildre Menschheit weint und bebt.«

      A propos de l’auteur Albrecht Wirth
      https://www.projekt-gutenberg.org/autoren/namen/wirth.html
      https://de.wikipedia.org/wiki/Albrecht_Wirth

      Albrecht Wirth (* 8. März 1866 in Frankfurt (Main); † 26. Juni 1936 in Tittmoning/Oberbayern) war ein deutscher Historiker, Sprachforscher, Weltreisender und völkischer „Rassenforscher“.

      « Scorpio » note dans un forum internet :
      https://geschichtsforum.de/thema/juchheissa-nach-amerika-dir-deutschland-gute-nacht-soldatenhandel-de

      „Heute morgen sind 10.000 Landeskinder nach Amerika fort, die zahlen alles“. So gibt ein Bediensteter in der „Kammerdienerszene“ von „Kabale und Liebe“ der fürstlichen Mätresse Lady Milford Auskunft, als sie sich nach dem Preis eines venezianischen Diamantkolliers erkundigt. Als weitere Kronzeugen gegen den „Soldatenhandel“ sind Mirabeau ( Avis aux hessois et les autres peuples allemandes vendue par leur princes a` Angleterre, aufruf an die Hessen und die anderen deutschen Völker, die von ihren Fürsten" an England verkauft wurden und Johann Gottfried Seume zu erwähnen

      Les antisemites allemands s’intéressent à l’histoire de la vente de soldats par de nombreux principautés allemandes car les affaires financières des rois, princes et autres souverains furent souvent gérés par des financiers juifs. La fortune des Rothschild a ses origines dans cette époque.

      Bankhäuser : Mayer Amschel Rothschild, ein Alias für Geld - WELT
      https://www.welt.de/kultur/history/article109326853/Mayer-Amschel-Rothschild-ein-Alias-fuer-Geld.html

      19.9.2012 von Michael Stürmer - Zwischen Ghetto und Fürstenhof lag die Welt des alten Rothschild. Als der hessische Landgraf zu Geld gekommen war, vor allem durch den Verkauf seiner Landeskinder als Soldaten an die Briten – 1776 war die Rebellion in Nordamerika ausgebrochen gegen „George the Tyrant“ und die Steuerpolitik des Londoner Parlaments – da brauchte es klugen Rat, und der kam von Rothschild.

      Ein Teil des neuen Reichtums – die „Sternthaler“ der Brüder Grimm zeigten den Stern des hessischen Hausordens und den Kopf des Landgrafen Friedrich II. – wurde in den Park von Wilhelmshöhe, den Schlossbau und die Antikengalerie investiert.

      Aber ein anderer Teil blieb flüssig, und als 1806 die französischen Armeen mit der Tür ins Haus fielen, hatte Rothschild schon dafür gesorgt, dass ein Großteil des Silbers Fulda- und Weserabwärts ins sichere England gerettet wurde.

      Affinität zu Kunst und Mäzenatentum

      Kein anderer als Rothschild verwaltete diese Gelder, während der Landgraf, nunmehr Kurfürst ohne Land, sehr knauserig mit dem Silber umging. Nicht nur, dass er seine Geliebte kurz hielt. Er war auch nicht bereit, für die Kriegsanstrengung gegen Napoleon tief in die Tasche zu greifen. Rothschild aber mehrte das Vermögen und dachte dabei, wie das unter Banken das Geschäftsmodell nun einmal ist, auch an sich selbst. Mit dem Reichtum des Kurfürsten Wilhelm I. stieg auch sein Vermögen. Als er vor 200 Jahren starb, galt er, jedenfalls was mobilisierbaren Reichtum anlangte, als der reichste Bankier der Welt.

      Rothschild hatte das Glück des Tüchtigen, und es erwies sich als erblich. Genauso wie die Affinität zur Kunst und die Fortsetzung der jüdischen Tradition des Gebens für milde Zwecke. Aber mit dem Reichtum kommen auch öffentliche Missgunst, Neid und Hass, niemals tödlicher als mit den Nationalsozialisten. Dagegen war die Enteignung unter Frankreichs sozialistischem Präsident Mitterrand nur gehässige Episode. Das Erbe des Mayer Amschel Rothschild, anders als es den meisten Konkurrenten erging, jüdischen und nicht-jüdischen, reicht bis in die Gegenwart.

      Mayer Amschel Rothschild
      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mayer_Amschel_Rothschild

      Mayer Amschel Rothschild [l’orthographe initiale Meyer Anschel ( אנשל ), étant germanisée en Mayer Amschel] (23 février 1744 à Francfort-sur-le-Main – 19 septembre 1812 à Francfort) est un financier, fondateur de la dynastie banquière des Rothschild, devenue l’une des familles les plus célèbres du monde des affaires.
      En 2005, Mayer Amschel Rothschild est classé 7e dans la « Liste des hommes d’affaires les plus influents de l’histoire » par le magazine américain Forbes, le nommant « père de la finance internationale ».

      Dans un forum de généalogie
      https://ahnen-forscher.com/forums/Genealogy-Thema/gechinger-soldaten-vom-soeldnerhandel-und-kapregiment-1787

      Der Soldatenhandel, der sich in der Zeit nach dem 30-jährigen Krieg entwickelte, war vor allem für die Landesherren deutscher Klein- und Mittelstaaten ein lukratives Geschäft. Damals konnten kriegstüchtige junge Männer von Werbern gegen ein Handgeld zum Dienst als Soldaten verpflichtet werden. Einzeln oder in Truppenteilen überließen sie dann die Landesherren gegen Bezahlung für eine bestimmte Zeit ausländischen Staaten. Natürlich wurden die fremden Truppen dort eingesetzt, wo mit starken Verlusten zu rechnen war. Bekannt ist das Schicksal von 30 000 hessischen, in englischen Diensten stehenden Soldaten. Als die amerikanischen Kolonien (die heutigen USA) gegen das Mutterland England um ihre Unabhängigkeit kämpften, wurden die Hessen in Amerika für die Engländer eingesetzt. Nur knapp die Hälfte kehrte wieder zurück.

      In Württemberg wurde der Soldatenhandel seit Ende 17. Jh. praktiziert. So hatte der württembergische Herzog Karl Eugen 1757, ohne Einverständnis der Landstände, 6000 Württemberger gegen drei Millionen Gulden an Frankreich für den Kampf gegen Preußen abgetreten. Sie wurden teils mit Gewalt ausgehoben und waren kaum ausgebildet und ausgerüstet. Schon auf der ersten Etappe des Marsches zu ihrem Bestimmungsort rebellierten sie und viele desertierten. Der Herzog ließ darauf 16 Landeskinder standrechtlich erschießen.

      1771 verhandelte der Herzog mit der Englisch-Ostindischen Kompanie über den Verkauf von Soldaten. Das Geschäft zerschlug sich wegen Geldstreitigkeiten.

      Herder schrieb:

      „Sie sind in ihrer Herren Dienst so hündisch treu, sie lassen willig sich zum Mississippi und Ohiostrom, nach Kanada und nach dem Mohrenfels verkaufen. Stirbt der Sklave, streicht der Herr den Sold ein, doch die Witwe darbt, die Waisen ziehn den Pflug und hungern. Nun, das schadet nicht, der Fürst braucht einen Schatz.”

      Verhandlungen über den Verkauf von württembergischen Soldaten an die holländische Ostindien-Kompanie setzten dann 1784 ein. Im Frühjahr 1787 verließen die ersten 2000 von ihrem Herzog verkauften Württemberger die Heimat, um die überseeischen Besitzungen der Kompanie am Kap der Guten Hoffnung in Afrika zu schützen. Dieses „Kapregiment” bestand aus 2 Bataillonen mit je 1 Grenadier- und 4 Fußkompanien, dazu 1 Artilleriekompanie mit 12 Geschützen ” Am 24. Februar marschierte das erste Bataillon aus Ludwigsburg ab und machte Nachtquartier in Vaihingen (Enz). Weiter ging es über Dürrmenz, Mühlacker und Lomersheim. Nach Wilferdingen, Söllingen, Ettlingen, Iffezheim, Wintersdorf marschierte das Bataillon, 898 Mann, über den Rhein nach Fort Louis. Der weitere Weg führte über Metz, Lille nach Dünkirchen und von dort mit dem Schiff nach dem holländischen Vlissingen.”

      Das Kapregiment diente 24 Jahre. Für Nachwuchs wurde gesorgt. Karl Eugen erhielt dafür über 400.000 Gulden. 1791 landete ein Teil des Regimentes im Kapland, der andere Teil in Java. Im Laufe der 4 nächsten Jahre kamen Teile des Regimentes nach Ceylon. 1806 befand sich noch ein Bataillon auf Java. Die meisten Soldaten fanden ein unrühmliches Ende in Gefangenschaft, Krankheit und Elend. Von den insgesamt 3200 Württembergern kamen 2300 ums Leben, nur knapp 100(!) sahen die Heimat wieder.

      Aus dem Amt Heidenheim kamen insgesamt 58 Rekrutierte nach Übersee. 44 von ihnen starben auf See, am Kap von Südafrika oder in Niederländisch-Indien.

      Offiziell waren die Truppen Freiwillige. Man muss auch sehen, dass es manchen Familien und Gemeinden durch den Soldatenhandel ermöglicht wurde, sich unerwünschter Personen zu entledigen, indem man sie durch Überredung oder Zwang zur Annahme des Handgeldes veranlasste. Es war Brauch geworden, ungeratene Söhne oder schlechte Haushalter unter des Herzogs Militär zu stoßen. Die meisten Rekruten aber waren junge Leute, die man einfach zur Unterschrift gezwungen hatte. Insgeheim hatte man ganze Dörfer umstellt und die jungen Burschen von der Arbeit, aus dem Bett, sogar aus der Kirche geholt.

      Aus Gechingen waren dabei:
      Fischer, Johann Jakob *16.04.1762
      Spöhr, Jakob *25.07.1759
      Beide sind am 19.07.1791 gefallen, also schon im Jahr ihrer Ankunft am Kap.

      Da die Mannschaft des Kapregiments zeitweilig auf dem Asperg stationiert waren, schrieb der Gefangene Schubart: 22. Februar 1787:

      “Künftigen Montag geht das aufs Vorgebirg der guten Hoffnung bestimmte württembergische Regiment ab. Der Abzug wird einem Leichenkondukte gleichen, denn Eltern, Ehemänner, Liebhaber, Geschwister, Brüder, Freunde verlieren ihre Söhne, Weiber Liebchen, Brüder, Freunde – wahrscheinlich auf immer. Ich hab ein paar Klagelieder auf diese Gelegenheit verfertigt, um Trost und Mut in manches zagende Herz auszugießen. Der Zweck der Dichtkunst ist, nicht mit Geniezügen zu prahlen, sondern ihre himmlische Kraft zum Besten der Menschheit zu gebrauchen.”

      Das “Kaplied” und das Gedicht “Für den Trupp” wurden in einer Broschüre gedruckt und fanden ungeheure Verbreitung. Dazu vertonte Schubart die Verse.

      Kaplied von Christian Friedrich Daniel Schubart

      Auf, auf! Ihr Brüder und seid stark,
      der Abschiedstag ist da!
      Schwer liegt er auf der Seele, schwer!
      Wir sollen über Land und Meer
      ins heiße Afrika.

      Ein dichter Kreis von Lieben steht,
      ihr Brüder, um uns her,
      Uns knüpft so manches teure Band
      an unser deutsches Vaterland,
      drum fällt der Abschied schwer.

      Dem bieten graue Eltern noch
      zum letztenmal die Hand;
      den kosen Bruder, Schwester, Freund,
      und alles schweigt und alles weint,
      totblass von uns gewandt.

      Und wie ein Geist schlingt um den Hals
      das Liebchen sich herum:
      Willst mich verlassen, liebes Herz,
      auf ewig? Und der bittre Schmerz
      macht´s arme Liebchen stumm.

      Ist´s hart! Drum wirble du, Tambour,
      den Generalmarsch drein.
      Der Abschied macht uns sonst zu weich,
      wir weinten kleinen Kindern gleich;
      es muss geschieden sein.

      Lebt wohl, ihr Freunde! Sehn wir uns
      vielleicht zum letzten Mal;
      so denkt, nicht für die kurze Zeit,
      Freundschaft ist für die Ewigkeit,
      und Gott ist überall.

      An Deutschlands Grenze füllen wir
      mit Erde unsre Hand,
      und küssen sie, das sei der Dank,
      für deine Pflege, Speis und Trank,
      du liebes Vaterland.

      Wenn dann die Meereswoge sich
      an unsern Schiffen bricht,
      so segeln wir gelassen fort;
      denn Gott ist hier und Gott ist dort,
      und der verlässt uns nicht.

      Und ha, wenn sich der Tafelberg
      aus blauen Düften hebt,
      so strecken wir empor die Hand
      und jauchzen: Land, ihr Brüder, Land!
      Dass unser Schiff erbebt.

      Und wenn Soldat und Offizier
      gesund ans Ufer springt,
      dann jubeln wir, ihr Brüder, ha!
      Nun sind wir ja in Afrika.
      Und alles dankt und singt.

      Wir leben drauf in fernem Land
      als Deutsche brav und gut,
      und sagen soll man weit und breit,
      die Deutschen sind doch brave Leut,
      sie haben Geist und Mut.

      Und trinken auf dem Hoffnungskap
      wir seinen Götterwein,
      so denken wir, von Sehnsucht weich,
      ihr fernen Freunde, dann an euch;
      und Tränen fließen drein.

      Une chanson populaire : Juchheissa nach Amerika
      https://www.volksliederarchiv.de/juchheissa-nach-amerika

      Juchheißa nach Amerika
      dir Deutschland gute Nacht
      Ihr Hessen präsentiert´s Gewehr
      der Landgraf kommt zur Wacht

      Ade Herr Landgraf Friedrich
      du zahlst uns Schnaps und Bier
      schießt Arme Mann und Bein uns ab
      so zahlt sie England dir

      Ihr lausigen Rebellen ihr
      Gebt vor uns Hessen acht
      Juchheißa nach Amerika!
      Dir Deutschland gute Nacht

      Text und Musik: Verfasser unbekannt

      in Deutscher Liederhort II (1893, Nr. 333, „Verkauf hessischer Landeskinder nach Amerika“)

      Dort wird angemerkt: „Ein schön und wahrhaftiges Soldatenlied, so Anno 1775 am 19. Oktober zu Kassel auf der Parade von den abziehenden Militärs mit admiraber bonne humeur vor Ihrer Durchlaucht gesungen ward. Der Galgenhumor in diesen Versen ist den damaligen Zeitgenossen wahrscheinlich nicht zum Bewußtsein gelangt“ –

      Les troupes allemandes acceuillèrent de nombreux hommes qu’on pourrait qualifier de racaille si on oubliait les condition de vie misérables et l’absence d’éducation systématique dans les petits royaumes allemands hormis la Prusse.

      http://www.kriegsreisende.de/absolutismus/hessen.htm

      Hessen-Kassel mit seiner langen Söldnertradition verfügte über eine große Zahl an gut ausgebildeten Truppen und konnte deshalb gleich große Kontingente in Marsch setzen. Der Siebenjährige Krieg lag zwar schon einige Jahre zurück, hatte aber genug Veteranen hinterlassen, die nun ein armseliges Leben fristeten. Die Wunden waren verheilt, die Schrecken verblaßt und in Amerika warteten Sold und Beute. In vielen hessischen Familien war es wie in der Schweiz Tradition, daß immer einige Söhne ihr Glück bei den Soldaten versuchten, so daß kein Mangel an Freiwilligen herrschte. Die jungen Burschen hatten sich oft genug die Geschichten ihrer Väter und Onkel angehört und träumten von wilden Abenteuern in fernen Ländern. Zudem galten die rebellischen Kolonisten nicht als ernstzunehmende Gegner. Bei dem ganzen Unternehmen schien es sich eher um eine größere Polizeiaktion zu handeln, bei der manch einer sein Glück machen konnte. Sehr viele Freiwillige gab es auch unter den Offizieren. Diejenigen, die im Frieden nicht entlassen worden waren, waren oft zurückgestuft worden und konnten in der Regel Jahrzehnte auf eine Beförderung warten. Nur der Krieg versprach ein schnelles Avancement. Auch viele Deutsche aus anderen Staaten, Iren, Italiener und Franzosen meldeten sich. Alle hofften auf Abenteuer und Beute im sagenhaften Amerika, wie es in einem hessischen Soldatenlied deutlich zum Ausdruck kommt:

      Hessische Söldner Frisch auf, ihr Brüder, ins Gewehr,
      ’s geht nach Amerika!
      Versammelt schon ist unser Heer,
      Vivat, Viktoria!
      Das rote Gold, das rote Gold,
      das kommt man nur so hergerollt,
      da gibt’s auch, da gibt’s auch, da gibt’s auch bessern Sold!
      [...]
      Adchö, mein Hessenland, adchö!
      Jetzt kommt Amerika.
      Und unser Glück geht in die Höh’,
      Goldberge sind allda!
      Dazu, dazu in Feindesland,
      was einem fehlt, das nimmt die Hand.
      Das ist ein, das ist ein, das ist ein anderer Stand!

      Le Site à vocation pédagogique ZUM propose quelques informations basiques.
      American Revolution/Die verkauften Landeskinder
      https://unterrichten.zum.de/wiki/American_Revolution/Die_verkauften_Landeskinder

      Zwischen 1775 und 1783 erfolgten folgende Truppenlieferungen an England

      Herkunft Preis (in Pfund) Mann Tote
      Hessen-Kassel 273 257 16 992 6 500
      Braunschweig 172 696 5 723 3 015
      Hessen-Nassau 173 174 2 422 981
      Waldeck 66 444 1 225 720

      En fin de compte l’histoire est simple. Les riches et puissants profitent de la misère et de l’inculture du peuple pour s’enrichir. Pendant la phase historique avent les révolutions bourgeoises l’aristocratie avait déjà appris à considérer leurs sujets comme marchandise en temps de guerre. C’est le capitalisme qui a transformé la vie des peuples et guerre permanente.

      Quand on regarde les nombreux accidents de la route et du travail qzu s’ajoutent aux catastrophes industrielles et minières régulières on comprend que la vente et le sacrifice des êtres humains continuent encore aujourd’hui. Le marché de mercenaires n’en constitue que la partie ressentie comme scandaleuse par les bonnes âmes bourgeoises.

      #exploitation #féodalisme #capitalisme

  • #Nous_sans_l'État

    Une réflexion profonde et vivifiante sur les #résistances aux États-nations, par l’une des voix les plus fécondes de la critique décoloniale en Amérique latine.

    À rebours des assignations et représentations homogénéisantes façonnées par le #pouvoir, ce recueil de textes fondateurs de #Yasnaya_Aguilar, interroge à la source l’« #être_indigène », ce « nous » inscrit dans une catégorie paradoxale, à la fois levier de #résistance et d’#oppression. Yasnaya Aguilar mène la discussion sur trois points-clés de la recherche d’alternatives à la mondialisation néolibérale : l’importance de la #langue et de la #culture dans la résistance, la complexité de situation des #femmes_autochtones face à l’#assimilationnisme et enfin, la critique de l’État-nation colonial par les « premières nations ».

    Nous sans l’État rappelle avec force une donnée fondamentale : les États-nations modernes ont façonné leur politique d’oppression des peuples par le croisement de logiques capitalistes, patriarcales et coloniales.

    Cette parole située nous invite, chacun depuis nos géographies, à décoloniser nos #imaginaires pour une émancipation définitive et globale.

    https://editionsicibas.fr/livres/nous-sans-letat-une-reflexion-profonde-et-vivifiante-sur-les-resistan
    #Etat-nation #nationalisme #décolonial #peuples_autochtones #intersectionnalité #patriarcat #colonialisme #colonialité #capitalisme
    #livre
    ping @karine4 @reka

    • Yásnaya Aguilar: la defensora de lenguas que imagina un mundo sin Estados

      #Yásnaya_Elena_Aguilar_Gil es lingüista, escritora, traductora y activista mixe; su voz es cada vez más relevante en un país enfrentado con su propio racismo y donde los pueblos indígenas aún son discriminados y despojados de sus territorios

      En febrero de 2019, Yásnaya Elena Aguilar Gil subió a una de las tribunas más importantes del país y dio un discurso en mixe, o ayuujk, su lengua natal, con motivo de la celebración del Año Internacional de las Lenguas Indígenas. Advirtió que cada tres meses muere una lengua en el mundo, y que esta pérdida cultural acelerada es resultado de las prácticas y políticas nacionalistas de los Estados, en general, y de México, en particular. Sus oyentes en la sala eran los diputados del Congreso de la Unión, uno de los pilares de esa entidad abstracta que llamamos Estado mexicano.

      “Fue México quien nos quitó nuestras lenguas, el agua de su nombre nos borra y nos silencia”, pronunció Yásnaya en su idioma. “Nuestras lenguas continúan siendo discriminadas dentro del sistema educativo, dentro del sistema judicial y dentro del sistema de salud. Nuestras lenguas no mueren solas, a nuestras lenguas las matan”.

      De acuerdo con los datos presentados por la lingüista originaria de Ayutla Mixe (Oaxaca), en 1820, 65 por ciento de quienes habitaban el recién creado territorio mexicano hablaba una lengua indígena. En la actualidad, dos siglos más tarde, esa proporción se redujo a 6.5 por ciento de la población. “Se quitó el valor a nuestras lenguas en favor de una lengua única, el español. Con el fin de hacer desaparecer nuestras lenguas, a nuestros antepasados se les golpeó, se les regañó y se les discriminó por el hecho de hablarlas”, continuó Yásnaya, quien advierte que, de mantenerse la tendencia, en cien años sólo 0.5 por ciento de los mexicanos se considerarán a sí mismos indígenas.

      La desaparición de la diversidad lingüística es una de las mayores preocupaciones de Aguilar Gil, y por eso trata el tema desde distintos ángulos en buena parte de sus ensayos. Sus ideas pueden encontrarse en diversas publicaciones colectivas e individuales, como la antología de autoras mexicanas que escriben sobre feminismo en Tsunami (Sexo Piso, 2018); o el libro breve Un Nosotrxs sin Estado (OnA Ediciones, 2018), donde la autora se pregunta si “necesitamos al Estado para nombrarnos o podemos gobernarnos nosotrxs mismxs”.

      Su voz se vuelve cada vez más relevante en un país enfrentado con su propio racismo, y en el que las comunidades indígenas aún son despojadas de sus territorios por gobiernos y empresas con proyectos extractivistas. A Yásnaya se le escucha en conferencias y en ferias de libros; en los medios de comunicación y en Twitter, la red que amplifica sus reflexiones, sus demandas y sus historias de Ayutla.

      ¿Cómo llega una lingüista mixe, nacida y criada en la sierra norte de Oaxaca, a plantear un debate sobre la deseable —aunque improbable en el corto plazo— desaparición de los Estados? La propia Aguilar Gil describe su recorrido intelectual en una entrevista telefónica. Cuando cursaba la licenciatura de Literaturas Hispánicas, en la UNAM, la estudiante descubrió su pasión por la gramática, y pronto se dio cuenta de que no conocía la descripción gramatical del mixe. No sabía cómo escribir su propia lengua materna. Por eso, ella y uno de sus amigos se propusieron analizarla.

      “Empezamos a transcribir un casete de mi abuela para tratar de entender la fonología y el funcionamiento de la lengua. Muchos de mis trabajos fueron sobre ese tema y así me conecté, por fin, con el movimiento que estaba escribiendo el mixe desde hacía más de veinte años”, cuenta la escritora, quien más tarde cursó la Maestría en Lingüística en la misma universidad. También, de esa forma, Yásnaya entró en contacto con aquellos con quienes después fundaría el Colmix, un colectivo de jóvenes que realiza actividades de investigación y difusión de la lengua, la historia y la cultura mixes (colmix.org).

      En los periodos vacacionales, cuando regresaba a su pueblo desde Ciudad de México, Aguilar Gil comenzó a notar un proceso de pérdida lingüística en su comunidad: “Veía diferencias respecto a la época en la que yo era una niña; cada vez escuchaba menos hablantes de mixe y esto me empezó a preocupar”. Aunque es verdad que para un observador externo puede parecer una lengua muy viva, hablada por más de 80 por ciento de la población mixe, también es cierto que la tendencia a perder hablantes es la misma en todas las lenguas no oficiales del mundo.

      El foco de atención de Yásnaya se centró entonces en la pérdida de las lenguas indígenas, y su primer objetivo fue buscar el porqué. “La respuesta que encontré, y que hoy me parece evidente —aunque no me lo parecía entonces—, es que el fenómeno tiene que ver con la conformación de los Estados”, dice. En otro de sus ensayos, titulado “Lo lingüístico es político” (2019), Aguilar Gil hace una distinción “entre las lenguas de Estado y las lenguas a pesar del Estado”.

      Como lingüista, analiza el origen y la carga simbólica de las palabras. Indio viene del sánscrito, sindhu, y su uso por los colonizadores españoles fue, como se sabe, el resultado de una confusión geográfica. La autora explica que la palabra indígena comenzó a utilizarse varios siglos después, tras la creación del Estado mexicano, y que, contrario a lo que se cree, ambos términos no tienen una relación etimológica. Indígena viene del latín indi (“de allí”) y gen (“nacido”), y significa “nacido allí” u “originario”. Hoy usamos esta palabra indistintamente para referirnos a las más de 68 naciones y las 12 familias lingüísticas que coexisten en territorio mexicano, aunque haya diferencias radicales entre ellas.

      Por eso, Aguilar Gil sostiene, como una de sus tesis principales, que “la categoría indígena es una categoría política, no una categoría cultural ni una categoría racial (aunque ciertamente ha sido racializada)”. Indígenas, propone, son las más de siete mil naciones en el mundo que no conformaron Estados, tales como “el pueblo ainú en Japón, el pueblo sami en Noruega y el pueblo mixe en Oaxaca”.

      El problema radica en que los cerca de 200 Estados modernos suelen negar o combatir la existencia misma de otras naciones con lengua, territorio y un pasado común propios. Estas naciones son la negación del proyecto de Estado, dice la lingüista, ya que dicho proyecto se fundamenta en una supuesta identidad homogénea, con una sola lengua, una bandera, un himno, una historia, unas fiestas y un territorio. “El nacionalismo mexicano es la narrativa que justifica la violencia racista que han padecido los pueblos indígenas de México”, afirma en su ensayo.

      Pero la autora también nos recuerda que tal división política del mundo funciona apenas desde hace un par de siglos —de los nueve mil años de historia mesoamericana—, y que no tiene por qué ser eterna. En un mundo sin Estados, deduce Aguilar Gil, ella dejaría de ser indígena para ser sólo mixe, y lo mismo pasaría con los ainú, los sami, los mapuche, los rarámuri o los wixaritari. El gran reto es imaginar cómo podría funcionar un mundo así.

      Las primeras lecturas

      Yásnaya Elena Aguilar Gil es parte de la segunda generación en su familia que terminó la educación primaria y la primera en obtener el grado de maestría. En un breve ensayo titulado “Los actos de lectura están inmersos en una red tejida por el colonialismo”, cuenta que su abuelo estudió hasta el segundo grado y que aun así trabajó como escribano, campesino y albañil: “Ayudaba con la correspondencia de las personas, leía las cartas a los destinatarios de mi comunidad cuando así se lo pedían, les traducía al mixe, escuchaba la respuesta, la traducía de nuevo al español, y por fin escribía la contestación con una hermosa letra que nunca he podido lograr”.

      Las letras siguieron presentes en la casa familiar. Los tíos de Yásnaya pudieron salir de Ayutla en la década de 1970 para estudiar la preparatoria y la universidad, y a su regreso se convirtieron en mentores de lectura para la futura escritora. Pero Aguilar confiesa que no siempre disfrutó leer, pues en los inicios tuvo que lidiar con textos complejos sin entender demasiado el español. Sus tíos se habían enfrentado a contextos de discriminación y querían evitar que ella pasara por lo mismo. La solución que idearon fue enseñarla a leer el castellano antes de entrar a la escuela, para eliminar su acento de mixehablante.

      Yásnaya describe la alfabetización que el Estado mexicano llevó a cabo en las comunidades indígenas como “un proyecto castellanizador belicoso y amedrentante”. Sucedió sobre todo a partir de la primera mitad del siglo XX, con el objetivo, afirma, de desaparecer las lenguas indígenas. “Alfabetizar significaba hacer triunfar la llamada lengua ‘nacional’ sobre dialectos que significaban pobreza y atraso en los discursos de educadores rurales oficiales como Rafael Ramírez” (quien colaboró con la reforma educativa impulsada por José Vasconcelos).

      Algunos de los textos con los que Aguilar Gil aprendió a pronunciar las palabras del nuevo idioma, sin entender su significado, provenían de ejemplares traducidos de la revista soviética Sputnik y del Libro Rojo, de Mao Tse-Tung. Los tíos de la autora estaban entusiasmados con el comunismo y con la urss, y gracias a esas lecturas se enteraban de la existencia de lugares “donde los obreros podían asistir a clases de Física o talleres de arte y donde todas las personas eran iguales”. De hecho, Yásnaya se llama así gracias a esa filia por lo ruso que existía en su familia. Su primer nombre lo eligió el mayor de sus tíos a partir de un sitio particular: Yásnaia Poliana, una finca rural a unos 200 kilómetros al sur de Moscú donde nació, vivió y fue enterrado el novelista León Tolstoi.

      “Con el paso del tiempo, conforme fui aprendiendo castellano, los edificios sonoros comenzaron a tomar sentido. Islas de significado iban emergiendo entre los textos del libro Español Lecturas que nos repartían en la escuela”, narra la lingüista. Sus tíos le dejaron una indicación muy concreta antes de tener que emigrar de Ayutla: elegir los libros que estuvieran clasificados como clásicos. Así fue como Yásnaya leyó adaptaciones infantiles de Las mil y una noches, La Ilíada o La Odisea. Y fue gracias a estas historias que comenzó a amar la lectura.

      Agua para Ayutla

      Además de su activismo por la diversidad lingüística, la escritora afirma que su otra gran lucha es por devolverle el agua a su comunidad. Ella ha denunciado una y otra vez, en distintos foros, que, desde junio de 2017, los habitantes de San Pedro y San Pablo Ayutla no tienen acceso al agua potable. Las autoridades estatales lo han llamado un conflicto agrario entre este municipio y su vecino, Tamazulápam del Espíritu Santo. Pero es más que eso, pues los habitantes de este último están respaldados por un grupo armado presuntamente ligado a la siembra de amapola.

      Aguilar Gil habló de este problema en su discurso ante los diputados: “Por medio de armas y de balas nos despojaron del manantial, por medio de armas tomaron y callaron la fuente de agua para nosotros. A pesar de que las leyes dicen que el agua es un derecho humano, ya el agua no llega desde hace dos años a nuestras casas y esto afecta, sobre todo, a ancianos y niños”.

      El día en que su sistema de agua potable fue dinamitado, la comunidad de Ayutla también perdió a uno de sus miembros —Luis Juan Guadalupe, quien fue asesinado—, debió atender a más de seis heridos y sufrió la ausencia temporal de cuatro compañeras que fueron secuestradas y torturadas. En más de dos años y medio, las autoridades responsables no han hecho justicia ni han sido capaces de devolver el servicio básico a un poblado de más de tres mil habitantes.

      La lingüista no duda que el Estado es parte del problema al solapar las violencias cometidas contra su pueblo. “Hay una impunidad activa, voluntaria, que no entiendo. Hay una complicidad, incluso, un dejar hacer”, lamenta.

      A pesar de las enormes dificultades que supone la carencia de agua potable, la comunidad continúa su vida colectiva en Ayutla. Aguilar Gil regresó al pueblo cuando la asamblea comunitaria —el máximo órgano de decisión— la nombró secretaria del presidente municipal y guardiana del archivo. Ahora, explica, se encuentra en un periodo de descanso al que tienen derecho todos los servidores públicos de este sistema normativo propio —conocido como “usos y costumbres”—, gracias al cual algunos pueblos indígenas ejercen un grado de autonomía establecido en la ley.

      En la asamblea comunitaria están obligados a participar todos los ciudadanos mayores de 18 años, excepto los estudiantes, los mayores de 70 o quienes hayan cumplido ya con todos sus cargos. El presidente municipal es nombrado por la asamblea y no puede hacer nada sin consultarla; a escala local no hay partidos políticos ni elecciones tradicionales y las autoridades municipales no cobran sueldos. Por el contrario, un cargo público supone un desgaste económico para quien lo asume.

      Aunque actualmente Yásnaya no tiene un cargo oficial, la asamblea le ha conferido un encargo: acompañar la interlocución con el Estado en el problema del agua. Por eso, el pasado 13 de enero, Aguilar Gil acudió, junto a las responsables de bienes comunales, a interpelar, una vez más, al gobernador de Oaxaca. Alejandro Murat hablaba en el Foro Estatal Hacia una Nueva Ley General de Aguas sobre el derecho humano de acceso a este recurso, cuando la lingüista y sus compañeras se pusieron de pie para mostrar una cartulina con la leyenda: “Agua para Ayutla”.

      La otra gran razón por la que Yásnaya decidió regresar a la vida rural fue su abuela, la persona con la que se crió. Quienes siguen a la lingüista en las redes (su cuenta en Twitter es @yasnayae) saben de su amor incondicional por ella, y lo difícil que ha sido su duelo tras perderla. “Ahora estoy tratando de continuar con todo lo que ella hacía; estoy concentrada en mantener todo vivo: la siembra, sus animales, sus plantas”, cuenta. Esto también la ha obligado a bajar el ritmo en la escritura. Mientras se acopla a sus nuevas labores, dice, escribe sólo cuando tiene un encargo o cuando aterriza alguna nueva idea.

      La organización comunitariacomo alternativa

      El pasado 13 de diciembre, la Banda Filarmónica de Ayutla sufrió el robo de la mitad de sus instrumentos musicales, que estaban resguardados en la escoleta municipal. De inmediato, figuras como el alcalde, el presidente de la banda y la lingüista Yásnaya Aguilar Gil denunciaron el hecho y pidieron ayuda para recuperar los instrumentos que, en su mayoría, son tocados por niños y niñas de entre seis y 13 años. El mensaje se difundió rápidamente. Tanto, que en pocos días la Secretaría de Cultura de Oaxaca resarció parte de los daños al entregar, de manos del gobernador, 36 instrumentos nuevos a los jóvenes músicos.

      El pueblo entero y algunos de sus vecinos se movilizaron para recuperar cuanto antes “el corazón de la comunidad”, como nombró Yásnaya a la agrupación musical. También tuvo un efecto significativo el llamado de la escritora vía su cuenta de Twitter, donde tiene más de 23 mil seguidores. Algunos de ellos hicieron donaciones que se convirtieron en tres flautas transversales, un saxofón alto, un clarinete, un violín, una trompeta, un arpa pequeña, una flauta alto y un atril. El 26 de diciembre, después de que la banda realizara los rituales de agradecimiento, la música en Ayutla volvió a sonar.

      También la lingüista ha puesto a discusión con sus interlocutores tuiteros su idea utópica de la desaparición de los Estados, llamando a aportar ideas sobre posibles formas de autogestión. Aguilar cuenta que, en efecto, ha recibido propuestas interesantes, pero, sobre todo, una lluvia de comentarios que expresan preocupación. “Resulta casi imposible pensar el mundo sin estas divisiones que se asumen como existentes desde siempre”, escribe en Un Nosotrxs sin Estado. Y en la entrevista agrega: “Yo les digo que no se preocupen, no creo que lo lleguemos a ver en esta vida; pero, ¿por qué no podemos imaginarlo? Hay incluso una colonización de la imaginación”.

      Lo que ella imagina “es una diversidad de sistemas políticos; una confederación o alianzas libres de unidades mucho más pequeñas y autogestivas que no dependan del famoso monopolio del uso legítimo de la violencia del Estado”. También señala que, en este ejercicio imaginativo, es importante no caer en la tentación de replicar el modelo de opresión al que siempre han resistido los pueblos indígenas: “Los Estados administran un sistema colonialista, capitalista y patriarcal, ¿por qué habríamos de replicarlo?”.

      Hacia el final de su ensayo, Yásnaya esboza algunas propuestas concretas para este mundo imaginario, relacionadas con la seguridad, la educación, la salud y la impartición de justicia. Además, deja abierta una invitación generalizada: arrebatar cada vez más funciones al Estado. Lo anterior ya se hace, en cierta medida, en Ayutla y otros municipios de Oaxaca, donde las asambleas de comuneros han cooptado la institución municipal.

      Pero el primer gran paso, sostiene Aguilar, sería declarar la existencia de territorios indígenas autónomos en los que el Estado no pueda concesionar proyectos extractivos que atenten contra la salud y la calidad de vida de las personas. “A nuestras lenguas las matan cuando no se respetan nuestros territorios, cuando venden y hacen concesiones con nuestras tierras”, pronunció Yásnaya en mixe durante su discurso en la Cámara de Diputados. “Es la tierra, el agua, los árboles los que nutren la existencia de nuestras lenguas. Bajo el ataque constante de nuestro territorio, ¿cómo se puede revitalizar nuestra lengua?”.

      https://magis.iteso.mx/nota/yasnaya-aguilar-la-defensora-de-lenguas-que-imagina-un-mundo-sin-estados

  • Grandeur et errances du mouvement décolonial - Éditions Agone
    https://agone.org/grandeur-et-errances-du-mouvement-decolonial

    Les attaques lancées par les auteurs se portent sur plusieurs fronts. D’une part, selon eux, les décoloniaux ont tendance à ériger l’Europe et l’Occident en source de tous les maux : leur façon de les considérer comme des ensembles monolithiques, qui plus est dotés d’une identité permanente à travers les siècles dans la mesure où ils reconduisent en tout temps et en tous lieux la même logique raciste et coloniale, est typique d’une pensée non dialectique qui écarte les tensions et contradictions internes de son objet, et finit même par l’extraire de l’histoire en faisant abstraction de ses évolutions et modifications dans le temps. De cette opposition entre l’Occident et le reste du monde découle une lecture simpliste de l’histoire et des rapports de force sociopolitiques dans le monde contemporain, que les décoloniaux réduisent finalement à une lutte manichéenne entre les bons et les mauvais.

    D’autre part, aux yeux de plusieurs auteurs de ce livre, les analyses des décoloniaux présentent clairement un biais culturaliste. En réaction peut-être à l’économicisme du marxisme orthodoxe, ils ont abusivement tordu le bâton dans l’autre sens, en attribuant aux discours, aux imaginaires, aux représentations, aux « épistémès », le rôle de forces motrices de l’histoire. L’attention qu’ils accordent aux identités, aux spécificités culturelles et aux « cosmovisions » les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples « non blancs », dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne. Cette perspective est d’autant plus problématique qu’elle s’accompagne d’une focalisation sur la « race » – catégorie éminemment ambiguë, même quand elle est manipulée par des universitaires récitant le fameux mantra « la-race-n’est-pas- une-réalité-biologique-mais-une-construction-sociale ». L’analyse du capitalisme développée par les décoloniaux pâtit aussi de ce biais culturaliste, puisqu’il est compris avant tout à travers le prisme du racisme ou de la domination des pays du Nord sur le Sud global, reléguant ainsi au second plan l’opposition pourtant fondamentale entre riches et pauvres.

    Hélas, tous ces travers se retrouvent à des degrés divers dans les discours développés par les disciples du « tournant décolonial » en France. Il reste à souhaiter que cet ouvrage aide le lecteur à prendre du recul par rapport aux théories des fondateurs du mouvement décolonial sans pour autant prendre ses distances vis-à-vis du nécessaire combat contre le racisme, le colonialisme et l’impérialisme.

    Critique de la raison décoloniale
    Sur une contre-révolution intellectuelle
    https://www.lechappee.org/collections/versus/critique-de-la-raison-decoloniale

    Le capitalisme et la modernité seraient intrinsèquement liés à un racisme d’essence coloniale et à la domination de l’Occident sur le Sud global : tel est le postulat des décoloniaux. Face à une rationalité considérée comme eurocentrique, face à un système de pouvoir qui chercherait à maintenir les « non-Blancs » dans une position subalterne, ils prônent un retour aux formes de savoir et aux visions du monde des peuples indigènes.
    À l’heure où les théories décoloniales, nées en Amérique latine, gagnent du terrain dans les milieux universitaires et militants, les auteurs de ce livre, ancrés eux aussi dans ce continent, font entendre une autre voix. Ils démontrent comment ces théories propagent une lecture simpliste de l’histoire et des rapports de pouvoir, et comment leur focalisation sur les questions d’identité ethno-raciale relègue au second plan l’opposition pourtant fondamentale entre riches et pauvres. À l’horizon, une conviction : seul un anticolonialisme fondé sur une critique radicale du capitalisme permettra de sortir de cette impasse, en dépassant toute soif de revanche pour retrouver le contenu universel des luttes d’émancipation.

    Traduction donc ouvrage déjà paru ya 4 ans et donc déjà recensé :

    Cahiers des Amériques latines
    https://journals.openedition.org/cal/15096

    Dans les blogs Mediapart, une critique nuancée :
    https://blogs.mediapart.fr/pascal-rougier/blog/091220/peau-blanche-masques-noirs-critique-de-la-raison-decoloniale

    #livre #recension #décolonial #colonisation #histoire #philosophie #Amérique_latine

  • #Turtle_Island Decolonized : Mapping Indigenous Names across “North America”

    Indigenous place names carry the stories of the land and its people, reflecting the unbroken relationships between them. From the moment Columbus landed at Guanahaní and christened it “San Salvador,” place names became weapons to claim Indigenous land. The erasure of Indigenous peoples from colonial maps was deliberate. Reclaiming these names is part of a movement to revitalize endangered languages, undo centuries of suppression and widespread misinformation, and acknowledge unextinguished Indigenous land tenure.

    This map was a collaborative endeavor involving hundreds of Indigenous elders and language-keepers across the continent to accurately document place names for major cities and historical sites. The process of consultation and research for the map was a 9-year effort. In fact, the Decolonial Atlas was started in 2014 initially just to make this map.

    Nearly 300 names are compiled here, representing about 150 languages. Some names are from the precolonial era, while others are not quite as old, and in certain cases where the original name has been lost, Indigenous collaborators reconstructed names based on their cultural relationship with that location. Because Indigenous languages are living and dynamic, none of these names are any less “authentic” than others. Embedded in all these names are ancestral words and worldviews. However, some major cities are missing from the map because, as our collaborator DeLesslin George-Warren (Catawba) pointed out, “The fact is that we’ve lost so much in terms of our language and place names. It might be more honest to recognize that loss in the map instead of giving the false notion that the place name still exists for us.”

    The names are written as they were shared with us, but may be spelled differently depending on the orthography. Note that some languages, like Lushootseed, do not use capital letters, while others, like Saanich, are written only in capital letters. Most names are spelled in the modern orthographies of their languages, but some, like the Lenape name for Philadelphia, were spelled as recorded by early settlers because it could not be confidently interpreted.

    In the context of Indigenous erasure, the global collapse of traditional ecological knowledge, language suppression and revitalization, our hope is that this map will lead to more accurate cultural representation and recognition of Indigenous sovereignty.

    Indigenous Names of Major Cities and Historical Sites

    The following is a list of every name as it appears on the map. Pronunciation resources can be found by clicking the hyperlinked names.

    https://decolonialatlas.wordpress.com/turtle-island-decolonized
    #toponymie #toponymie_politique #toponymie_décoloniale #colonialisme #décolonial #peuples_autochtones #cartographie #visualisation #contre-cartographie
    ping @reka

  • Perdre le Sud. Décoloniser la #solidarité_internationale

    Travailleuse d’usine mexicaine, cultivateur de riz indien, ménagère ougandaise, fermière aymara : ces personnes ont en commun d’être nées dans des nations exploitées ou opprimées. C’est le résultat de l’#ordre_mondial institutionnalisé : la prospérité de l’Occident vient en grande partie de l’appauvrissement du reste du globe. Pourtant, les positions antimondialisation actuelles sont trop souvent synonymes de #fermeture_des_frontières et de #repli sur soi. Pour faire contrepoids, #Maïka_Sondarjee développe une position internationale pour la #gauche qui est réellement solidaire avec les nations du Sud : l’#internationalisme_radical. Avec cette vision anticapitaliste, décoloniale et féministe de la coopération internationale, elle souhaite intégrer l’Autre au cœur de nos préoccupations. Une invitation à décoloniser la solidarité internationale et à envisager une transition globale juste, seule façon de ne pas perdre le Sud.

    https://ecosociete.org/livres/perdre-le-sud
    #exploitation #oppression #Sud_global #anti-capitalisme #décolonial #féminisme #coopération_internationale #transition_globale #ressources_pédagogiques
    #livre

    ping @karine4 @_kg_

  • La carte des pensées écologiques

    La carte des pensées écologiques est enfin disponible !

    Il aura fallu des mois de discussions et de travail collectif pour aboutir à cette #carte qui a l’ambition de représenter dans toute leurs pluralités les pensées de l’#écologie_politique en montrant les liens entre ses principaux courants, penseurs et penseuses, luttes et organisations.

    L’objectif premier est de montrer que l’#écologie est un #champ_de_bataille, un terrain où s’affrontent des #idées. En conséquence figurent sur cette carte des « #écoles » pauvres en apports théoriques mais riches en capitaux et en relais d’influence. Comme toute cartographie également, elle fige des positions par nature dynamiques, des espaces mouvants, et impose une vision qui lui est propre.

    Cette citation d’André Gorz résume bien la situation :

    “Si tu pars de l’impératif écologique, tu peux aussi bien arriver à un anticapitalisme radical qu’à un pétainisme vert, à un écofascisme ou à un communautarisme naturaliste”.

    La carte des pensées écologiques n’aurait jamais vu le jour sans un formidable travail de toute l’équipe du média Fracas. Nous avons décidé de la laisser gratuitement en accès libre. Pour soutenir Fracas et avoir la version poster, vous pouvez acheter leur premier numéro directement sur ce lien. Abonnez-vous pour soutenir la presse indépendante !

    La carte des pensées écologiques

    Voici la carte des pensées écologiques. 8 grandes familles, plus de 150 personnalités représentées :

    Les 8 grandes familles des pensées écologiques

    Pour vous y retrouver plus facilement, voici en détail les 8 grandes familles des pensées écologiques, avec leurs autrices et auteurs clés. Si vous souhaitez aller plus loin, plus de 150 noms sont à retrouver sur la carte, et des sources sont disponibles à la fin de cet article.
    1/ ÉCOLOGIES ANTI-INDUSTRIELLES

    Les #écologies_anti-industrielles rejettent le productivisme et l’hyper-mécanisation du travail issus de l’ère industrielle. Elles développent une approche technocritique tout au long du XXe siècle. Critiques du gigantisme de l’appareil productif et de l’État pour les ravages qu’ils causent aux écosystèmes et à la personne humaine, les écologies anti-industrielles prônent la petite échelle et refusent une certaine idéologie du Progrès.

    Elles critiquent vertement la dépossession des populations de leurs propres moyens de subsistance. Elles encouragent enfin le fait de considérer l’industrie et la technique comme un système avec ses logiques propres, dont on ne peut se contenter de critiquer tel ou tel effet pris isolément.

    Autrices et auteurs clés : #Ivan_Illich, #Jacques_Ellul et #Günther_Anders

    2/ ÉCOLOGIES LIBERTAIRES

    Les #écologies_libertaires s’inscrivent en filiation des traditions du socialisme ouvrier anglais et de l’anarchisme, et entretiennent une grande proximité avec les écologies anti-industrielles. L’idéal d’émancipation et d’autonomie des libertaires se trouve régénéré par une analogie : les dominations de l’homme sur l’homme, de l’homme sur la femme et de l’homme sur la nature ne peuvent être prises séparément, et doivent être combattues d’un bloc.

    En conséquence, elles aspirent à la constitution d’éco-communautés et d’institutions autogérées et démocratiques à l’échelon local et défendent des principes fédératifs contre les dynamiques centralisatrices de l’État. La vision de la société s’articule autour du champ, de l’usine et de l’atelier, et d’une démocratie radicale, parfois exprimée par le recours au tirage au sort.

    Autrices et auteurs clés : #Murray_Bookchin, #Kristin_Ross, #Bernard_Charbonneau

    3/ ÉCOFÉMINISMES

    Né dans les années 1970 sous la plume de Françoise d’Eaubonne, l’#écoféminisme est une famille qui propose une analyse de la catastrophe écologique fondée sur le genre et sur l’oppression des femmes sous le capitalisme patriarcal. Nébuleuse aux contours flous, l’écoféminisme se conjugue dès le départ au pluriel, soulignant la diversité des origines géographiques et des influences idéologiques qui composent ce courant : socialisme, spiritualisme, queer, marxisme, pensées décoloniales, etc.

    Elles partagent pour la plupart le constat que, d’une part, le rôle des femmes a été subordonné à une fonction purement reproductive et, d’autre part, que la nature a été associée à l’image de cette femme dominée, que le capitalisme doit soumettre, exploiter, et même violer.

    Autrices et auteurs clés : #Françoise_d’Eaubonne, #Vandana_Shiva, #Starhawk

    4/ ÉTHIQUES ENVIRONNEMENTALES

    Les #éthiques_environnementales émergent au sein de la philosophie de l’environnement aux États-Unis, et explorent, chacune avec des options parfois radicalement différentes, le lien qu’entretient l’homme avec la « nature ». Certaines écoles défendent que les espaces naturels ont une valeur intrinsèque, d’aucunes qu’on ne peut juger de la nature que par son utilité pour l’homme, d’autres encore que nous devons nous concevoir comme une espèce au sein d’une « communauté biotique ».

    Faut-il préserver des espaces vierges ? Faut-il au contraire être les stewards d’espaces dont l’homme ne s’exclue pas ? Les polémiques et conflits n’ont certainement pas manqué au sein de cette famille…

    Autrices et auteurs clés : #Aldo_Leopold, #Imanishi_Kinji

    5/ #ÉCOSOCIALISME

    La famille écosocialiste émerge comme un prolongement du #marxisme mais s’oppose à ses interprétations productivistes portées notamment par l’URSS. En partant de l’insuffisante prise en considération des écosystèmes dans les traditions socialiste et marxiste, il s’agit alors de les dépoussiérer et les adapter au tournant écologique des sociétés, en portant l’idée que l’oppression sociale et la destruction de la nature ont une même et unique cause : le capitalisme.

    Si la socialisation des moyens de production et l’autogouvernance démocratique restent au cœur de ce projet, les écosocialismes proposent une variété de réponses allant d’un interventionnisme fort de l’État à des perspectives davantage autogestionnaires. Certains écosocialismes contemporains, dont la branche étatsunienne, ont même rompu avec une perspective anticapitaliste claire et la tradition révolutionnaire.

    Autrices et auteurs clés : #André_Gorz, #Michael_Löwy, #John_Bellamu_Foster

    6/ ÉCOLOGIES DÉCOLONIALES

    Conceptualisée dans les années 1980, les #écologies_décoloniales pointent l’#impensé_décolonial de l’écologie dominante, à la fois libérale et occidentalo-centrée, qui empêcherait la constitution d’une lutte écologiste pleinement libératrice car internationaliste. Par son universalisme « naturaliste » et raciste, sa vision mortifère de la nature, son extractivisme et son colonialisme producteur de natures appauvries (dont la plantation coloniale est l’emblème), l’Occident est en grande partie responsable de la catastrophe en cours.

    De ce point de vue, une écologie de « transition » qui supplanterait les énergies fossiles par des ressources minières au profit d’énergies renouvelables ne serait pas seulement insuffisante : elle ne ferait que trouver de nouvelles formes au colonialisme.

    Autrices et auteurs clés : #Joan_Martinez_Alier, #Malcolm_Ferdinand

    7/ #CAPITALISME_VERT

    La crise écologique fournit chaque jour de nouvelles preuves de la logique mortifère qui se loge au cœur de la dynamique d’accumulation capitaliste. Pour autant, le capitalisme a aussi ses théoriciens, et ceux-ci ont eux aussi tenté d’intégrer les paramètres écologiques dans leur défense de l’ordre en place.

    Dès lors, il s’agit bien souvent de corriger les « excès » ou les « impensés » du capitalisme en intégrant la dimension environnementale aux échanges marchands (taxes, compensation, technologies vertes…). Certains vont jusqu’à vouloir accélérer la dynamique du système capitaliste, y voyant un moyen de contrôler le Système-Terre dans un sens qui ne nuise pas aux intérêts de la classe possédante.

    Autrices et auteurs clés : #Christiana_Figueres, #David_Keith

    8/ ÉCOFASCISMES

    Les #écofascismes, qui ont émergé à bas bruit depuis les années 1980, sont extrêmement fragmentés. En Europe, ils défendent un éco-différentialisme, soit l’idée d’une humanité divisée en différentes « races » ou civilisations non hiérarchisées mais qui doivent rester séparées, car adaptées à leur environnement immédiat : « chacun chez soi » devient « chacun dans son propre écosystème ».

    Aux États-Unis, le néo-malthusianisme et la xénophobie se doublent d’une apologie des grands espaces vierges, de la wilderness, souillée par l’immigration. Cette obsession démographique se traduit souvent par un repli sur des « bases à défendre », dans des logiques « survivalistes ».

    https://bonpote.com/la-carte-des-pensees-ecologiques
    #visualisation #cartographie #infographie #pensée_écologique #épistémologie #pensées_écologiques #décolonial #ressources_pédagogiques

    ping @reka

  • Pétition · SAVE ARI ! The Statue of Peace must remain ! - Allemagne · Change.org
    https://www.change.org/p/save-ari-the-statue-of-peace-must-remain


    Photo : Dong-Ha Choe

    “The Statue of Peace must remain - against colonial oppression and the continuing attempts to silence us!”

    Since September 2020, the Statue of Peace of the Korea Association Berlin (Korea Verband) has stood in Berlin’s Moabit district as a reminder of the fate of the so-called comfort women during the Second World War. While the monument was erected in memory of the girls and women who were sexually enslaved by the Japanese military at the time, it has since become an international symbol against sexual violence as a weapon of war - going beyond its historical context.

    Immediately after its installation, the Japanese government’s attempt to remove the Statue of Peace made headlines. In October 2020, organised protests by civil society saved the statue from being disassembled. Now Ari is under threat again.

    The mayor of Berlin, Kai Wegner (CDU), visited Japan in mid May. He met with Japanese Foreign Minister Yoko Kamikawa. According to a press release issued by the Senate Chancellery on 16 May, Wegner offers the “prospect of a solution for the controversial memorial to the comfort women in Berlin’’ and is “committed to ensuring that there is a memorial against violence against women, but a one-sided representation must no longer take place". The Japanese Ambassador will be involved in future discussions about a new memorial. What? The statue is currently only ’tolerated’ by the district authorities. The BVV’s (district assembly) decision in favour of its permanent preservation is being ignored.
    […]
    The Statue of Peace is a monument - not only in memory of the “#comfort_women”, but also for the many anti-colonial and ongoing struggles of FLINTA* (women, lesbians, intersex, non-binary, trans and agender people) against sexualised violence, femicide and their silencing worldwide. This is demonstrated time and time again when the Statue of Peace is chosen as a meeting place for BIPOCS (Black, Indigenous, People of Colours) in Berlin to give voice to anti-racist and post-migrant communities. The statue has long since become a decolonial monument in the neighbourhood. It is essential for the democratic politics of remembrance in the public space!

    The “Ari” Statue of Peace has been standing in Berlin for four years, while diplomatic relations between Germany and Japan have not deteriorated. The Korean and Japanese communities also continue to work closely together in civil society to raise awareness of sexualised and colonial violence. Ari is loved and appreciated by neighbours, Berliners and people from all over the world. In addition, the Korea Association (Korea Verband) and the “comfort women” task force are carrying out important educational and awareness-raising work with the Statue of Peace and the “Museum of Comfort Women” (MuT) as a reference point: schoolchildren, students, academics and artists are addressing the issues of sexualised violence, colonialism and the culture of remembrance. The Korea Association (Korea Verband) works with various youth groups and school classes.

    #femmes_de_réconfort #décolonialisme

  • À #Genève, un musée met en débat la restitution d’œuvres

    Le musée d’ethnographie de Genève met au jour ses errements passés, dans une exposition stimulante consacrée au rôle joué par la ville suisse dans le monde colonial. Et envisage, sur un registre apaisé, la restitution de pans de sa collection.

    La manœuvre n’est pas si fréquente : à Genève, un vénérable musée a décidé de faire en grand son autocritique, et d’égratigner la légende de ses pères fondateurs. À travers l’exposition « Mémoires. Genève dans le monde colonial », le musée d’Ethnographie (MEG), inauguré en 1901, interroge ses collections sous le prisme colonial. Il pose aussi de manière subtile l’enjeu des restitutions, non sans écho avec le film de Mati Diop Dahomey, qui sort en salles mercredi 11 septembre.

    Sur le parcours conçu dans l’immense sous-sol sombre du musée, une vitrine est consacrée à l’un des glorieux donateurs de l’établissement, le peintre suisse Émile Chambon (1905-1993), qui avait amassé un millier de pièces d’Afrique et d’Océanie : il surgit dans un autoportrait de 1931, portant le casque et l’uniforme de son oncle, qui fut administrateur colonial en Afrique équatoriale française. C’est de cet oncle qu’il avait hérité les premiers artefacts africains de sa collection.

    Un artiste contemporain, Mathias Pfund, a inversé les bordures du cadre de cette peinture malaisante, l’un des cœurs malades de cette exposition : une discrète intervention, qui signale que quelque chose s’est déréglé. Face aux objets personnels de Chambon, qui traduisent sa fascination pour l’Afrique, ont été rassemblés, dans une autre vitrine, certains de ses dons au musée : des statues de cuivre ou de fer qui représentent des gardiens de reliquaires kotas, sur les territoires du Gabon et de la République du Congo.

    Lorsque des missionnaires ont arraché ces figures au XIXe siècle, ils se sont débarrassés, en les brûlant ou en les cachant en forêt, des corbeilles d’os qu’elles surveillaient. Depuis, le MEG les a exposées comme de simples statues africaines. Cette fois, le musée a sculpté de nouvelles urnes funéraires glissées au pied de leurs gardiens, avec l’aide de visiteurs réguliers du MEG d’origine kota, pour tenter de rendre à ces objets une forme d’intégrité.

    « Dans l’exposition, les objets n’illustrent pas les discours. Les propos historiques viennent étoffer, dans un deuxième temps, l’histoire de ces objets. C’est pourquoi il y a beaucoup de choses que nous ne disons pas, sur le colonialisme à Genève et en Suisse, parce que les objets de notre collection ne le racontent pas », précise la Française Floriane Morin, commissaire de l’exposition.
    Le colonialisme suisse

    La Suisse, puissance coloniale ? L’affirmation peut surprendre, en particulier depuis la France. Dans l’exposition, une carte interactive relaie les conclusions d’un rapport de 2022 sur « l’héritage raciste et colonial dans l’espace public genevois ». « L’État suisse n’a pas conquis de territoires ni administré directement de colonies, explique Fabio Rossinelli, l’un des historiens qui ont travaillé sur l’exposition, rattaché aux universités de Lausanne et de Genève. Mais des sociétés suisses se sont formées spontanément, en Égypte ou encore au Brésil, qui étaient reconnues par le corps consulaire, et entretenaient des relations avec Berne. »

    Il poursuit, soucieux de « ne pas dédouaner l’État de ses responsabilités » : « L’État était bien présent, mais plutôt un peu à l’arrière-plan, en cachette. Prenez la Société de géographie de Genève [fondée en 1858 – ndlr]. C’était une société privée. Des collaborations avec l’État avaient lieu, des subventions étaient au besoin octroyées. On voulait favoriser l’intégration du pays dans le monde impérial et colonial. » Beaucoup des missionnaires suisses partis à cette époque, soutenus par cette société, ont rapporté des objets qui constituent le socle des collections actuelles du MEG.

    Quant à l’implication de la Suisse dans la traite négrière, elle est, là encore, bien réelle. D’après l’historienne Béatrice Veyrassat, la participation suisse à la traite, d’une manière « active » (des commerçants suisses qui recourent à l’esclavage dans leurs plantations aux Amériques) ou « indirecte » (via des investissements dans des compagnies maritimes dotées de bateaux négriers) « est estimée entre 1 % et 2 % de l’ensemble des Africain·es déplacé·es vers les Amériques ».

    Avec Nantes, Genève fut aussi, à partir des années 1670, l’un des centres de production des « indiennes », ces tissus fabriqués à partir de coton importé des comptoirs d’Inde (les collections suisses d’indiennes sont accrochées au château de Prangins, on ne voit que des reproductions frustrantes dans l’exposition genevoise). Ces indiennes pouvaient servir de monnaie d’échange des Européens contre des êtres humains mis en esclavage dans les ports africains, lors du commerce triangulaire. En 1785, pas moins de 20 % de la population active à Genève travaille pour une dizaine d’« indienneries ».
    Objets éclatés

    À bien des endroits, l’exposition est coupante et inconfortable, en particulier lorsqu’elle revient de manière très précise sur le travail problématique des équipes passées du MEG. Alors que Genève organise une « exposition nationale suisse » en 1896, dotée en son sein d’un « village noir », dans la sinistre tradition des zoos humains, le MEG achète à l’époque 85 artefacts fabriqués par ces captifs africains, majoritairement venus du Sénégal et de Gambie. Mais les experts du musée gomment ensuite leur origine et les font passer pour des objets fabriqués en Afrique de l’Ouest.

    Autre silence complice : une sublime coiffure de femme faite de cuir et de fer, attribuée à une femme d’origine herero, rapportée de Namibie par un couple de collectionneurs en 1906. Au même moment se déroule, de 1904 à 1908, le génocide des Herero (et des Nama), premier génocide commis par l’Allemagne. « La datation de ces objets laisse peu de doutes quant au contexte génocidaire et d’extrêmes violences qui a rendu leur acquisition possible », tranche un cartel de l’exposition.

    Une vitrine montre encore un ustensile aux allures de fouet, utilisé pour repousser les mouches, dans le Ghana du XIXe siècle. Ce chasse-mouches, peut-être détenu par un roi, avait aussi valeur de talisman coranique. À une date inconnue, des employés du musée l’ont éventré pour lui retirer sa charge magique, constituée notamment d’une lame de couteau – disparue – et de cinq feuillets de prières, retrouvés des décennies plus tard dans un tiroir du musée. « Comment perdre l’intégrité d’un objet au musée ? », s’interroge un cartel.

    L’exposition revient aussi sur l’essor de l’anthropologie telle qu’elle est enseignée à Genève à partir de 1860, discipline qui s’est distinguée en justifiant l’impérialisme occidental et en décrétant la supériorité européenne. C’est le point d’ancrage morbide des premières collections d’objets amassées à Genève, qui, là encore, alimenteront les réserves du MEG. Dans les années 1920, Eugène Pittard, fondateur du musée, tire aussi profit du trafic de restes humains dans les colonies britanniques.
    « Ramatriement »

    Floriane Morin assume cette approche « incisive » vis-à-vis de l’histoire de son musée, « parce qu’elle est la seule condition à la possibilité d’une réparation ». Mais est-il encore possible de décoloniser un musée construit sur des mensonges aussi lourds ? Même si le MEG s’est doté d’un nouveau bâtiment en 2014, en forme de pirogue blanche spectaculaire et facile à reconnaître dans le paysage genevois, ne faudrait-il pas plutôt fermer ses portes à jamais ?

    L’un des espaces les plus originaux de l’exposition prouve en tout cas que le musée a encore des choses à dire, et des chantiers à mener. « Nous ne parviendrons pas à décoloniser notre musée, à redéfinir l’institution, sans engager des relations sur le temps long, avec des personnes qui sont le plus à même [originaires des pays et populations concernés – ndlr] de reconsidérer ces collections et de réfléchir à leur avenir », avance encore Floriane Morin.

    Cinq « capsules » ont été aménagées, comme autant de cocons qui posent la question de la restitution d’objets aux populations qui les réclament. Dans ces salles, des registres de paroles se mêlent – juridiques, historiques, administratifs, intimes, mais aussi depuis le Nord et les Suds –, pour restituer le dialogue entretenu au fil des décennies entre le MEG et des populations autochtones.

    Ici, des objets déjà restitués à une communauté autochtone du Canada – un « ramatriement » plutôt qu’un rapatriement, précise le cartel – sont représentés par de simples silhouettes de papier noir sur le mur. On prend des nouvelles de leur vie d’après, réintégrés à des cérémonies rituelles. Ailleurs, un réseau de huit musées suisses négocie directement avec le Nigeria, pour le retour de biens originaires de l’ancien royaume du Bénin.

    L’histoire de deux mâts-totems est sans doute la plus emblématique. Achetés en 1955 par un collectionneur suisse dans une ville du sud-est de l’Alaska, les deux immenses totems aux motifs d’oiseaux ont été plantés dans le jardin du musée suisse pendant trente-quatre ans. Stockés par la suite dans des entrepôts dans un souci de protection, ils ont été remplacés par des copies. Mais ils sont restés des emblèmes de ce quartier de Genève au fil des années. L’exposition donne la parole aux descendants du sculpteur de ces mâts, qui disent leur sensation de manque et l’importance qu’ils revêtent encore pour eux, mais décrit aussi l’attachement de générations de Genevois·es à ces objets aux pouvoirs manifestement actifs des deux côtés de l’Atlantique.

    « Il y a une histoire qui se crée après la restitution, insiste Floriane Morin. Les restitutions ne sont pas la fin de quelque chose. Rendre un objet n’est pas fermer la porte, mais entamer une nouvelle histoire avec des personnes qui nous font confiance, cela crée plein de choses, déclenche de nouveaux projets, et c’est aussi ce que nous avons voulu raconter dans cette exposition. »

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/100924/geneve-un-musee-met-en-debat-la-restitution-d-oeuvres

    #Suisse #Suisse_coloniale #colonialisme_suisse #MEG #exposition
    #oeuvres_d'art #art #décolonial #Afrique #pillage #musées #colonisation #Emile_Chambon #Océanie #héritage #Société_de_géographie_de_Genève #missionnaires #objets #traite_négrière #indiennes #tissus #industrie_textile #coton #esclavage #exposition_nationale_suisse #village_noir #zoo_humain #ramatriement #réparation #mensonges

    ping @reka @cede

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    ajouté à la métaliste sur le #colonialisme_suisse :
    https://seenthis.net/messages/868109

  • #Biens_culturels en voie de #restitution

    Alors que sort en salle le #film_documentaire « #Dahomey », qui suit la restitution par la #France de vingt-six œuvres d’art au #Bénin, différentes équipes de recherche travaillent sur le retour des biens culturels africains à leurs communautés d’origine.

    Du fond de sa caisse en bois, dans laquelle les manutentionnaires aux gants blancs du musée du quai Branly-Jacques Chirac viennent de l’enfermer, la voix caverneuse de la statue anthropomorphe du roi Béhanzin, mi-homme mi-requin, s’interroge elle-même en langue fongbé, la langue du Bénin : « Reconnaîtrai-je quelque chose, me reconnaîtra-t-on ? » Aujourd’hui cette statue est un numéro, parmi les vingt-six œuvres que la France renvoie cette année-là (2021) par avion-cargo au pays qu’elle a colonisé de 1894 à 1958. La réalisatrice Mati Diop, née dans une famille franco-sénégalaise, est présente pour filmer cette première restitution officielle et accompagner les œuvres jusqu’au palais présidentiel de Cotonou, la capitale économique du pays, où des milliers de Béninois vont venir les découvrir, après cent trente ans d’absence.

    Le pillage a eu lieu en fait avant même la colonisation : de 1890 à 1892, des batailles font rage entre l’armée française et les troupes du roi Béhanzin, composées d’un tiers de combattantes, les « Agodjié », que les Français nomment « les Amazones ». Le 17 novembre 1892, sous les ordres du colonel Dodds, les Français entrent à Abomey, capitale de l’ancien royaume du Dahomey (actuel Bénin) où les palais royaux sont en feu : Béhanzin a déclenché l’incendie avant de prendre le maquis. Les militaires saisissent un grand nombre d’objets, dont trois grandes statues royales et quatre portes que Béhanzin et ses fidèles avaient enfouies dans le sol. Une petite partie sera donnée six mois plus tard, en 1893, au musée d’ethnographie du Trocadéro par le colonel Dodds, devenu général. Le reste sera écoulé sur le marché de l’art.
    Des appels à restitution depuis la fin du XIXe siècle

    La question de la restitution des œuvres aux pays africains, mais aussi aux autres anciennes colonies (Océanie notamment), n’est pas nouvelle. Les réclamations sont presque aussi anciennes que les spoliations elles-mêmes. L’une des premières demandes officielles émane sans doute de l’empereur Yohannes IV d’Éthiopie, lorsqu’il exige en 1880 la restitution de collections royales arrachées dans la forteresse de Maqdala en avril 1868. Ce joyau composé d’une coupole ornée des représentations des Apôtres et des quatre autres évangélistes, dérobé par un soldat britannique lors de l’attaque de la forteresse, trône toujours… au Victoria and Albert Museum, à Londres.

    Les appels à la restitution d’objets deviennent plus explicites au moment des indépendances, dans les années 1960. En 1970, l’Unesco adopte une convention qui établit notamment la légitimité du retour des biens culturels. En 1973, l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution sur la restitution « prompte et gratuite » des œuvres d’art aux pays victimes d’expropriation, qui « autant qu’elle constitue une juste réparation du préjudice commis, est de nature à renforcer la coopération internationale ». Mais cette résolution est adoptée avec l’abstention des anciennes puissances coloniales… En 1978, le directeur général de l’Unesco lance un appel « pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable » où il affirme avec force que « cette revendication est légitime ».

    « Mais, sur le terrain du droit, la colonisation a été qualifiée de “mission sacrée de civilisation” par le pacte de la Société des Nations en 1919 et aujourd’hui encore ne relève pas d’un fait internationalement illicite, en conséquence duquel pourrait être fixé un principe de réparation, rappelle le juriste Vincent Négri, à l’Institut des sciences sociales du politique1. La légalité internationale est ancrée sur une règle de non réactivité des traités internationaux, et aucune des conventions adoptées ne peut atteindre dans les rebours du temps les actes de dépossession des peuples pendant la période coloniale. »

    En France, c’est donc toujours le droit du patrimoine qui prévaut. En 2016, au gouvernement du Bénin qui réclamait la restitution, notamment du fait que « nos parents, nos enfants n’ont jamais vu ces biens culturels, ce qui constitue un handicap à une transmission transgénérationnelle harmonieuse de notre mémoire collective », le ministre des Affaires étrangères français adresse une fin de non-recevoir dans un pur langage administratif : « Les biens que vous évoquez sont inscrits parfois depuis plus d’un siècle au domaine public mobilier de l’État français, ils sont donc soumis aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité. En conséquence leur restitution n’est pas possible ».

    Aux revendications argumentées sur l’histoire, l’identité, la reconstitution des patrimoines, la mémoire, est donc opposé un argument asymétrique fondé sur le droit des collections publiques, déplore Vincent Négri. Un argument qui jusqu’ici n’a été levé que dans trois cas : pour les biens spoliés aux familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale, pour les restes humains quand ils peuvent être identifiés et pour les biens culturels ayant fait l’objet de trafics illicites.

    Dans ce contexte, le discours prononcé à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, par le président français Emmanuel Macron le 28 novembre 2017 fait date. En affirmant vouloir la « restitution temporaire ou définitive du patrimoine africain d’ici cinq ans », il introduit au sommet de l’État une parole dissonante. S’ensuit la commande d’un rapport aux universitaires Bénédicte Savoy, historienne de l’art française et Felwine Sarr, économiste sénégalais, qui dressent un état des lieux des spoliations et proposent un agenda de restitution, affirmant que plusieurs types de biens culturels africains peuvent nécessiter une restitution légitime : « Les butins de guerre et missions punitives ; les collectes des missions ethnologiques et “raids” scientifiques financés par des institutions publiques ; les objets issus de telles opérations, passés en mains privées et donnés à des musées par des héritiers d’officiers ou de fonctionnaires coloniaux ; enfin les objets issus de trafics illicites après les indépendances » .
    Vingt-six biens restitués : le premier petit pas de la France

    Les marchands d’art et certains conservateurs de musées tremblent, le débat est réanimé (et houleux) dans tous les pays européens, mais la France, après ce grand pas en avant, fait marche arrière. Elle ne s’engage pas dans une loi-cadre mais vote, en 2020, une « loi d’exception » pour restituer vingt-six biens culturels à la République du Bénin (choisis par la France) et un unique bien à la République du Sénégal (le sabre dit « d’El Hadj Omar Tall », du nom du chef de guerre toucouleur disparu en 1864). Vingt-six seulement, sur les milliers conservés en France, c’est peu ! D’autant que les Béninois n’ont pas eu leur mot à dire sur le choix des objets restitués, malgré leurs demandes répétées de voir notamment revenir le dieu Gou, exposé au pavillon des Sessions, au Louvre. « Pour passer de la “légitimité du retour” à un principe universel de “légalité des restitutions”, il faudra encore attendre », commente Vincent Négri… Mais les mentalités évoluent et de nombreux programmes de recherche et réseaux émergent pour identifier, cartographier ou documenter les biens culturels africains détenus dans les musées occidentaux. En France, Claire Bosc-Tiessé, directrice de recherches au CNRS, historienne de l’art africain et spécialiste de l’Éthiopie chrétienne entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, avait devancé le mouvement et demandé dès 2017 à être détachée à l’Institut national d’histoire de l’art pour se lancer dans un inventaire des collections africaines conservées dans les musées français.

    Avec la participation du musée d’Angoulême, la cartographie « Le monde en musée. Collections des objets d’Afrique et d’Océanie dans les musées français » est désormais accessible en ligne2. Outre l’inventaire, elle rassemble aussi « des éléments pour des recherches futures sur la constitution des collections et les processus d’acquisition, en indiquant les archives afférentes (inventaires anciens, carnets de voyage des acquéreurs, etc.) et en répertoriant, quand c’est possible, donateurs et vendeurs, explique Claire Bosc-Tiessé. En 2021, nous avons recensé près de 230 musées en France qui possèdent des objets africains et 129 des objets océaniens. Par exemple, on trouve des biens culturels du Bénin au musée du quai Branly, mais il y en a également dans soixante autres musées français ! »

    Au total, Claire Bosc-Tiessé estime à environ 150 000 le nombre de biens culturels africains dans les musées de France (à comparer aux 121 millions d’objets qu’ils détiennent), dont 70 000 sont au musée du quai Branly. Il suffit de glisser sa souris sur la carte de France pour tomber sur des trésors conservés , dans des lieux tout à fait confidentiels.

    Ces biens ne sont parfois même plus exposés, comme ceux conservés dans ce petit musée du Jura, à Poligny, (4 000 habitants), depuis longtemps fermé au public : pagaies de Polynésie, petit sac en filet de Nouvelle-Calédonie, collier en dents de mammifère marin des îles Marquises, ornement d’oreille masculin en ivoire (de cachalot ?, s’interroge la notice), lampe à huile à six becs d’Algérie, sont bien référencés sur le site internet de ces salles devenues virtuelles. Et ici comme ailleurs, c’est un véritable inventaire à la Prévert qui s’égrène, d’objets dont on ne sait s’ils ont été achetés ou volés, mais qui se retrouvent éparpillés aux quatre coins de la France.

    « Reconstituer l’histoire de ces objets, c’est raconter à la fois la colonisation et celle de la constitution des musées en France à la fin du XIXe siècle, explique Claire Bosc-Tiessé. Le musée d’ethnographie du Trocadéro (aujourd’hui musée de l’Homme) a envoyé dans les musées de province beaucoup de pièces qu’il possédait en double. Par ailleurs, les particuliers étaient souvent heureux, notamment à la fin de leur vie, de faire don au musée de leur ville natale des objets qu’ils avaient achetés, volés ou reçus en cadeau dans le cadre de leur vie professionnelle, qu’ils aient été missionnaires, médecins, enseignants, fonctionnaires ou militaires dans les colonies.

    À Allex, village de 2 500 habitants dans la Drôme, ce sont ainsi les missionnaires de la congrégation du Saint-Esprit qui, au XIXe siècle, ont rapporté de leurs campagnes d’évangélisation du Gabon, du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa quantité d’objets : amulettes ou effigies gardiennes de reliquaire du peuple fang au Gabon, statuettes anthropomorphes du peuple bembé au Congo, couvercle à proverbes du peuple hoyo en Angola… Tous ces biens culturels témoins de la vie quotidienne, des traditions et des croyances des populations africaines viennent de trouver place dans un musée local flambant neuf, ouvert en 2018. « Alors que le principe de la restitution semble faire l’unanimité en Afrique, la question du retour concret des biens suscite parfois des réticences dans les pays concernés », explique Saskia Cousin, anthropologue, responsable des programmes de recherche pluridisciplinaires ReTours3 et Matrimoines/Rematriation4, constitué chacun d’une vingtaine de chercheurs, artistes et opérateurs culturels internationaux.
    De la « restitution » au « retour »

    « La première réticence, alimentée par les marchands et les conservateurs occidentaux, consiste à dire que l’Afrique ne dispose pas d’institutions capables de conserver ses collections et de lutter contre le trafic illicite ». L’ouverture et la construction de musées un peu partout sur le continent sont autant de réponses à ces critiques. Rien qu’au Bénin, quatre musées sont en construction ! « Le deuxième problème soulevé est celui des coûts de ce retour, poursuit Saskia Cousin. Effectivement, la construction de musées se fait au moyen d’emprunts, contractés notamment auprès de la France. C’est la raison pour laquelle les pays concernés souhaitent développer le tourisme notamment de leurs diasporas. Le troisième problème est celui du devenir des biens. En bref, doivent-ils revenir au temple ou au musée ? C’est une question de souveraineté qui concernent les pays du retour, et surtout, les choses sont un peu plus compliquées que le laissent entendre les polémiques françaises ».

    D’une part, le retour aux espaces sacrés ne signifie pas l’interdiction au public ; d’autre part, la vision française d’un musée devant être vidé de toute vitalité et de toute sacralité est loin d’être universelle. « Ainsi, souligne Saskia Cousin, si les vingt-six objets restitués au Bénin l’ont été sous le titre de “Trésors royaux du Bénin”, expression empruntée au marché de l’art, et exposés sous vitrines, selon des critères bien occidentaux, de nombreux Béninois et notamment les princesses d’Abomey sont venus les honorer aux moyens de gestes et de chants ».

    Dans le film Dahomey, on voit l’artiste Didier Donatien Alihonou – sur l’affiche du film – converser avec le roi ancêtre Gbéhanzin. Pour lui, comme pour beaucoup, ces statues ne sont pas seulement des biens matériels, elles incarnent un héritage revenu, une force de retour, avec lesquelles il est enfin possible de se reconnecter. « Il faudrait cesser de penser cette question des retours seulement comme un arbitrage entre des pays qui formulent une demande de restitution et des États qui y répondent favorablement ou non, estime Claire Bosc-Tiessé. Il est d’ailleurs symptomatique que ce sujet au niveau gouvernemental soit confié au ministère de la Culture et à celui des Affaires étrangères, tandis que la recherche et l’enseignement sont laissés en dehors d’un débat rarement appréhendé sous l’angle scientifique. Il serait pourtant souhaitable de solliciter les chercheurs, afin de faire le récit de la façon dont ces œuvres sont arrivées sur le territoire, de la violence des captures peu prise en compte jusqu’ici, et donc écrire cette histoire occultée de la colonisation, et de le faire dans toute sa complexité. »

    Il serait temps aussi de déplacer la question de la « restitution » à celle du « retour », en prenant en compte le point de vue des populations et des États d’origine, complète Saskia Cousin. « Dans le cadre des programmes ReTours et Matrimoines/Rematriations, nous travaillons donc avec des chercheurs du Bénin, du Cameroun, du Mali, du Togo, du Sénégal et leurs diasporas, selon les méthodes inspirées de l’anthropologie collaborative. Par exemple dans le cas du Bénin, les mémoires sont essentiellement transmises par les “héritières”, des femmes qui héritent des savoirs, explique l’anthropologue. Nous les rencontrons et nous leurs présentons des photos ou des dessins de statues ou d’amulettes dont elles connaissent les noms, les usages et les panégyriques (discours à la louange de certaines personnes) associés. Dans les mondes féminins non francophones, cette mémoire est restée extrêmement vivante ».

    Dans le cadre du programme ReTours, une charte5 a été élaborée qui vise à considérer les musées et les espaces de conservation traditionnels comme complémentaires, légitimes et non exclusifs. L’enjeu est à la fois de faire reconnaître l’expertise des héritières et de faciliter l’accès des collègues du Sud aux ressources nécessaires à leurs enquêtes, y compris dans les pays du Nord : biens exposés, réserves, inventaires, dossiers d’œuvres, sources orales, etc. « Les musées belges, néerlandais et allemands sont très ouverts à l’accueil et à l’intégration des diasporas, des chercheurs et des héritiers concernés, c’est beaucoup plus compliqué en France où les musées veulent contrôler les récits relatifs à leurs collections », remarque Saskia Cousin.
    Un débat européen

    Outre la France, la question de la restitution anime tous les pays européens. Si en Angleterre le British Museum est le plus réticent, les musées universitaires de Cambridge, Oxford et Manchester ont rendu ou s’apprêtent à rendre des œuvres. En Belgique, un inventaire complet des objets d’art originaires du Congo, détenus par le musée de l’Afrique de Tervuren, a été réalisé. Et les Allemands ont largement entamé ce mouvement. Felicity Bodenstein, chercheuse en histoire de l’art au Centre André Chastel6, est à l’initiative du projet numérique « Digital Benin7 », qui documente les œuvres pillées dans l’ancien royaume du Bénin (actuel Nigeria, à ne pas confondre avec l’actuel Bénin, ancien Dahomey).

    À l’origine, ces œuvres ont été saisies par l’armée britannique lors d’une expédition punitive menée par 1 800 hommes en février 1897. À l’époque, les soldats prennent la capitale, Edo (aujourd’hui Benin City), au prix de lourdes pertes et mettent la main, de façon organisée ou individuelle, sur le trésor de l’Oba (le souverain).

    C’est ainsi que sont dispersés et en partie perdus plus de 5 000 « Bronzes du Bénin », dont des plaques en laiton fabriquées entre le milieu du XVIe et le milieu du XVIIe siècle. Représentant des individus, des symboles, des scènes de la cour, elles se retrouvent sur le marché de l’art puis en grande partie dispersées dans 136 musées de vingt pays, principalement en Angleterre et en Allemagne.

    À l’époque, contrairement à la France qui n’y consacrait que peu d’argent, les Allemands et les Anglais avaient une véritable politique d’achat de ce type d’objets pour leurs musées, explique Felicity Bodenstein. De plus, à la fin du XIXe siècle, chaque ville un peu importante en Allemagne créait son propre musée d’ethnographie, pour se montrer cosmopolite et ouverte sur le monde, notamment dans l’espoir de se voir désigner comme capitale de ce pays8. C’est ainsi que l’Allemagne s’est retrouvée avec dix fois plus d’objets africains que la France, qui fut pourtant présente bien plus longtemps sur ce continent avec ses colonies ». Le but du site web Digital Benin, réalisé par une équipe d’une douzaine de personnes, financé en partenariat avec le musée des Cultures et des Arts du monde de Hambourg et la fondation Siemens, est de relier les données de plus de 5 000 objets dont il fait l’inventaire et de les resituer dans une culture locale, de façon vivante, en mêlant archives visuelles et sonores, fixes et animées. Une partie du site, notamment la classification des objets, est en langue Edo, la langue vernaculaire du royaume dans lequel ils ont été élaborés puis pillés.

    Au-delà de ce site exemplaire, qu’en est-il de la politique de restitution des œuvres en Allemagne ? « La façon de procéder des Allemands est très différente de celle des français », explique Felicity Bodenstein, qui a commencé sa carrière de chercheuse dans ce pays, aux côtés de Bénédicte Savoy, à l’université technique de Berlin. « L’importance des collections qu’ils possèdent, mais aussi les questions très sensibles de mémoire liées à la Seconde Guerre mondiale font que le sujet des provenances est bien plus politique et inflammable en Allemagne qu’ailleurs en Europe ». En 2021, un accord national de restitution a donc été trouvé avec le Nigeria, à chaque musée ensuite d’élaborer son propre accord suivant les principes de l’État fédéral. Plusieurs centaines d’œuvres ont déjà été physiquement renvoyées par les musées au Nigeria.

    « Mais toutes les communautés d’origine, c’est du moins le cas pour le Bénin, ne souhaitent pas forcément récupérer toutes leurs œuvres, souligne l’anthropologue. Ils veulent surtout en retrouver la propriété et être associés au discours culturel et politique qui accompagne leur patrimoine. » Ainsi, lors des discussions pour l’ouverture au centre de la ville de Berlin du Humboldt Forum, immense musée qui prévoyait d’exposer une partie importante de cette collection de bronzes du Bénin, un débat très vif a permis de poser les bases d’une nouvelle façon de faire. L’espace d’exposition de ces objets est aujourd’hui cogéré avec les chercheurs et muséographes de Bénin City. Toutes les œuvres de Bénin City qui ont été identifiées ont d’abord été officiellement rendues au Nigeria qui les prête désormais à l’Allemagne, un écusson témoignant de ce processus étant apposé sur les vitrines d’exposition.

    En Allemagne toujours, une grande enquête collective, menée conjointement par l’université de Dschang et l’université technique de Berlin entre 2020 et 2023, intitulée « Provenances inversées9 », fait le point sur l’état du patrimoine camerounais pillé pendant la période coloniale : 40 000 objets qui font de l’Allemagne le premier pays détenteur d’œuvres camerounaises au monde ! « Il existe dans l’Allemagne contemporaine un “Cameroun fantôme” – pour reprendre le titre du célèbre ouvrage anticolonial de Michel Leiris, L’Afrique fantôme (1934) –, expliquent les auteurs de cette enquête, parmi lesquels Bénédicte Savoy. Malgré leur présence invisible (en Allemagne) et leur absence oubliée (au Cameroun), ces collections, qui sont aussi, du point de vue qualitatif, les plus anciennes et les plus variées au monde, continuent d’agir sur les sociétés qui les gardent ou les ont perdues ». L’objectif de l’enquête fut donc d’analyser et de publier les sources inédites permettant de confirmer cette présence massive. Et parallèlement d’aller à la rencontre, au Cameroun, des communautés privées de pièces matérielles importantes de leurs cultures respectives et de cerner, autant que faire se peut, les effets produits par cette absence patrimoniale prolongée.

    Le film Dahomey se termine par un débat organisé par la réalisatrice entre étudiants béninois, discutant de cette première rétrocession française. Premier pas ou insulte à leur peuple devant le peu d’objets revenus ? "Il était nécessaire de créer un espace qui permette à cette jeunesse de s’emparer de cette restitution comme de sa propre histoire, de se la réapproprier explique Mati Diop. Comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ? Comment mesurer la perte de ce dont on n’a pas conscience d’avoir perdu ?
    Dans l’attente d’une loi en France sans cesse reportée, les protagonistes de Dahomey soulignent l’urgence d’apporter une réponse à cette demande de restitution portée par tout un continent.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/biens-culturels-en-voie-de-restitution

    #oeuvres_d'art #art #décolonial #film #documentaire #Afrique #pillage #musées #colonisation #droit_du_patrimoine #patrimoine #identité #mémoire #visualisation #cartographie #retour

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    • Le monde en musée. Cartographie des collections d’objets d’Afrique et d’Océanie en France

      Cette cartographie propose de faire mieux connaître les collections d’objets d’Afrique et d’Océanie en France afin de faciliter leur étude. Elle signale les fonds ouverts au public qu’ils soient publics ou privés, elle décrit rapidement l’histoire de la collection et donne quelques éléments sur son contenu. Elle indique l’état des connaissances et donne les informations pour aller plus loin.

      https://monde-en-musee.inha.fr

    • #ReTours (programme de recherche)

      Résumé du programme de recherche collaboratif financé par l’Agence Nationale de la Recherche / 15 chercheurs, 7 pays. (in english below) – présentation du projet ici

      Alors que la question de la restitution des collections africaines fait polémique en France et en Europe, le programme comparatif, diachronique et multiscalaire ReTours vise à déplacer l’enquête 1) de l’Occident aux pays africains concernés, 2) des questions de restitution aux problématiques du retour, 3) de la vision muséo-centrée aux rôles des diasporas et du tourisme, 4) des instances et autorités officielles du patrimoine aux lieux, récits et transmissions considérés comme marginaux, secondaires ou officieux.

      ReTours est un programme novateur tant dans ses objectifs de recherche critiques que par ses méthodes d’enquêtes et ses collaborations culturelles. Constitué d’un consortium international et pluridisciplinaire de 15 chercheurs, ReTours travaillera à partir du Bénin, du Cameroun, du Mali et du Sénégal et sur leurs diasporas.

      L’objectif du programme est de saisir les enjeux politiques, les rôles économiques, les usages sociaux du retour. Il s’organise à partir de trois axes qui sont autant de manières de désigner les biens culturels : 1) Géopolitique du patrimoine, autour des mobilisations pour ou contre la restitution des “oeuvres”, 2) Économies du retour et imaginaires du tourisme, à propos des dispositifs d’accueil notamment touristiques des “pièces muséales” ; 3) Appropriations et resocialisations autour des mémoires sociales, de l’agency des “choses” revenues, des transformations des significations et des créations contemporaines.

      https://retours.hypotheses.org

  • Vers des architectures autochtones ? Plaidoyer pour construire des plurivers
    https://metropolitiques.eu/Vers-des-architectures-autochtones-Plaidoyer-pour-construire-des-plu

    Cet essai-manifeste vise à réconcilier le milieu de l’architecture avec des pratiques, des pensées et des luttes susceptibles de changer son éthique. Mathias Rollot souligne la nécessité de faire évoluer l’architecture vers l’autochtonie et la pluriversalité. Dans Décoloniser l’architecture, l’architecte et enseignant-chercheur Mathias Rollot poursuit sa réflexion critique sur l’architecture. Il y promeut la métamorphose disciplinaire et l’évolution des pratiques en décrivant les liens entre #écologie, #Commentaires

    / colonialité, #militantisme, #biorégion, écologie, #architecture

    #colonialité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/elkaddioui.pdf

  • Camminare il passato per riscrivere il futuro. I tour decoloniali di Berlino

    L’azienda “deSta-”, nata a inizio 2022, accompagna le persone alla scoperta del quartiere africano costruito per celebrare le conquiste coloniali tedesche. Un’occasione per affrontare alla radice i problemi del razzismo in Germania.

    Appena arrivato a Berlino sono venuto qui. Speravo che il ‘quartiere africano’ contenesse qualche traccia del mio Paese d’origine. Negozi o ristoranti”. Ma per Desmond Boateng, originario del Ghana, l’uscita dalla fermata della metro di Berlino Afrikanische Straße è stato uno shock: gli unici segni che ha trovato nel quartiere erano ben lontani da quello che immaginava. Come lui, anche i turisti che sperano di trovare l’ennesimo luogo speciale dello spirito multiculturale della capitale tedesca restano delusi. “Nessun ‘cuore’ di un melting pot della cultura nera ma una terribile glorificazione della potenza coloniale tedesca. Un modo per rivendicare questo ruolo anche nella mappa della città”, spiega ad Altreconomia Justice Mvemba, che dopo lo “scotto” iniziale ha deciso che non poteva incrociare le braccia e non fare nulla.

    Due anni e mezzo fa ha fondato “deSta-Dekoloniale Stadtführung” (deSta-), un’azienda che offre tour guidati nel quartiere africano, nel distretto Sud-occidentale di Schöneberg sul femminismo nero e all’Humboldt Forum, uno tra i più famosi musei d’arte della capitale tedesca. “Camminare il passato per cambiare il futuro”. È questo il leit motiv di “deSta-”. E percorrendo le strade del quartiere sito a Wedding, nel Nord di Berlino, se ne percepisce fin da subito la necessità. Costruito alla fine del XIX secolo per celebrare la presenza tedesca nel continente africano, è stato poi nuovamente rivitalizzato nel 1930 dal nazionalsocialismo per rinsaldare lo spirito colonialista dei berlinesi. Le strade prendono i nomi di alcuni Paesi del continente: camminando ci si imbatte Ghanastraße, Ugandastraße e Guineastraße. C’è poi un piccolo conglomerato di case che si affacciano sullo stesso giardino chiamato Klein Afrika (Piccola Africa).

    L’architettura di queste costruzioni, che replica le case degli europei nei Paesi colonizzati, fu proposta per convincere, sempre durante l’epoca nazista, i cittadini tedeschi a trasferirsi nuovamente nel continente africano. Anche sul parco del quartiere, uno dei più grandi di tutta Berlino, grava un’eredità storica pesantissima: alla fine dell’Ottocento per volontà del commerciante di animali Carl Hagenbeck è stato sede dello zoo umano, luogo in cui le popolazioni dei territori africani colonizzati (all’epoca Namibia e gli attuali Burundi, Ruanda e Tanzania) si esibivano in danze e “raccontavano” la loro cultura. Una forma di tratta degli esseri umani e sfruttamento mascherati da occasione di contaminazione tra diverse culture.

    Di fronte a tutto questo, Justice Mvemba, i cui genitori sono nati in Congo, ha sentito il dovere di fare qualcosa. “Per affrontare le radici del razzismo, che qui in Germania ha colpito anche me, sono convinta sia necessario capirne le origini e le funzioni -spiega-. Serve guardare la storia, conoscendo a fondo il motivo per cui è stato istituito il colonialismo e la sua struttura di potere e di controllo su interi Paesi sfruttati economicamente da quelli europei”. Le colonie, spesso, spariscono dai libri di scuola: Mvemba ricorda di aver approfondito durante le scuole superiori il periodo del nazismo ma ben poco, invece, su quanto è successo in Africa. “Nessuno ne vuole parlare. Così ho pensato di avviare una start up per dare la possibilità alle persone di conoscere. Per poter capire”.

    Il progetto iniziale, lanciato durante la pandemia da Covid-19, era lo sviluppo di un’applicazione per accedere alle visite guidate tramite il proprio smartphone ma poi l’idea è virata verso qualcosa di più strutturato che mettesse al centro anche un aspetto di relazione tra la guida e chi partecipa. Così, a inizio 2021 è stata fondata “deSta-” che organizza tour guidati -sia in inglese sia in tedesco- oltre che workshop e laboratori, sempre sul tema della decolonizzazione, per scuole e associazioni. Oggi, l’azienda conta dodici dipendenti. E i partecipanti alle visite hanno già superato i cinquemila con 421 tour all’attivo. “Mi capita anche di avere fino a otto visite guidate alla settimana -racconta Mvemba-. Purtroppo non poche volte ho problemi con i residenti del quartiere che non sempre sono d’accordo con queste iniziative”.

    La spaccatura, paradossale, riguarda soprattutto il processo di reintitolazione di quelle vie del quartiere dedicate a ufficiali tedeschi impegnati nei Paesi africani che si sono macchiati di gravi crimini nel loro operato. La strada dedicata a Carl Peters, conosciuto in Tanzania per la sua brutalità nei confronti delle popolazioni locali, oggi porta ufficialmente due nomi diversi: una parte intitolata ad Anna Mungunda, leader della resistenza in Nambia (dove tra il 1905 e il 1908 ci fu il genocidio degli Herero e dei Nama), l’altra chiamata Maji-maji-Allee in onore del movimento che, proprio in Tanzania, lottò per respingere l’offensiva dei tedeschi che provocò la morte di quasi 300mila persone.

    Ancora: la piazza dedicata a Gustav Nachtigal, fautore dell’annessione degli attuali Togo e Camerun attraverso contratti fraudolenti, oggi si chiama Bell-Platz in memoria del re camerunense ucciso durante la conquista dei tedeschi. “Questo è importante non solo per non onorare la memoria di criminali. Aiuta infatti anche a dare un altro racconto delle persone native del continente africano -riprende Mvemba-. Conosciamo forse i bianchi che sono venuti a salvare qualcuno o fare qualche attività ma ben poco sappiamo degli eroi africani, dei leader di comunità che hanno lottato per l’indipendenza. Dare un nome a quelle battaglie, ricordarli, può aiutare a modificare la prospettiva, in generale, sulle persone nere”.

    Non tutti, però, concordano con Mvemba. La modifica nella toponomastica delle strade non è stata ben accolta da tutti. “Nel quartiere Africano i partiti di destra raccolgono voti. Sembra una barzelletta -aggiunge Mvemba-. Sostengono che sia sbagliato rinominarli e quando giriamo per il quartiere, a volte, ci contestano. E pensare che, dal mio punto di vista, questo processo è fin troppo lento: ci sono voluti quarant’anni per modificarli. Troppi”. Per alcuni che si lamentano, tanti altri, invece, trovano nei tour organizzati da “deSta-” una conoscenza mancata per troppo tempo. “Spesso tra una tappa e l’altra, le persone hanno il tempo di elaborare, fare domande molto libere: in modo che ci sia un confronto senza giudizio. Questo credo che sia molto apprezzato dai partecipanti. La normalizzazione di questi temi è fondamentale”.

    https://altreconomia.it/camminare-il-passato-per-riscrivere-il-futuro-i-tour-decoloniali-di-ber
    #balade_décoloniale #Berlin #Allemagne #Allemagne_coloniale #marche #colonialisme_allemand #colonialisme #décolonial #desta #racisme #deSta-Dekoloniale_Stadtführung #Humboldt_Forum #Wedding #toponymie #toponymie_coloniale #toponymie_politique #Klein_Afrika #zoo_humain #Carl_Hagenbeck #Justice_Mvemba #histoire_coloniale #Carl_Peters #Anna_Mungunda #Maji-maji-Allee #Tanzanie #Namibie #Gustav_Nachtigal #Togo #Cameroun #Bell-Platz

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  • RBO al Festival Alta Felicità – in dialogo con Fatima Ouassak
    https://radioblackout.org/2024/08/rbo-al-festival-alta-felicita-in-dialogo-con-fatima-ouassak

    Fatima Ouassak è una politologa e militante ecologista, femminista e antirazzista. Il suo ultimo libro Per un’ecologia pirata (tradotto in italiano da Valeria Gennari per Tamu edizioni (2024)) propone un’alternativa all’ecologia bianca, borghese e a cui manca un’approccio intersezionale. Ouassak parte dalla realtà dei #quartieri_popolari francesi e scrive a partire da questo contesto di […]

    #L'informazione_di_Blackout ##decoloniale #ecologia #ecologia_pirata #francia #islamofobia
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2024/08/FAF-Fatima-Ouassak-2024_07_27_2024.07.27-21.00.00-escopost.mp3

  • Prise de #Terre et Terre promise : sur l’État colonial d’Israël
    https://www.terrestres.org/2024/08/02/prise-de-terre-et-terre-promise-sur-letat-colonial-disrael

    L’Etat israélien s’est bâti autour d’une double construction : celle d’une nation et celle d’un territoire originel. Dès lors, le rapport colonial d’Israël aux territoires palestiniens s’éclaire : les pollutions, des dépossessions, les destructions et les prises de terre s’inscrivent dans une volonté de créer de toute pièce une Terre promise. L’article Prise de terre et Terre promise : sur l’État colonial d’Israël est apparu en premier sur Terrestres.

    #Décolonial #Géopolitique #Guerre #Luttes