• Prostitution ou pas prostitution !

    Je mets en avant trois raisons pour lesquelles je soutiens le courant néo-abolitionniste :

    > 1. Pour la dignité humaine

    L’acte qui consiste à pratiquer des pénétrations et autres services sexuels sans désir, à subir des relations à répétition plusieurs fois par jour etc. provoque des #séquelles physiques et psychologiques très profondes et très destructrices chez les personnes prostituées. La #violence sexuée n’a pas le même impact que la violence tout court, sinon on punirait le viol avec autant de sévérité qu’une simple agression. Or nous savons très bien, combien même le viol serait moins douloureux, qu’il est beaucoup plus ravageur.

    À ce propos, j’ai déjà entendu dire que l’exploitation qu’endurent les personnes prostituées est comparable à celle que peuvent subir l’ensemble des salarié-e-s et employé-e-s sous le joug de la pénibilité, et de la cruauté du système capitaliste. Très franchement, je trouve qu’on ne peut raisonnablement pas mettre sur le même plan la détresse et les séquelles psychologiques des prostituées et celles des autres exploitées du monde du travail. Pour info, les prostituées sont, avec ceux qui ont connu la guerre du Vietnam, les seules à développer le symptôme de #décorporalisation. C’est-à-dire que les rapports sexuels non désirés à répétition sont d’une telle violence que les prostituées sont nombreuses à anesthésier psychologiquement leurs corps, et que bien souvent, quand elles se retrouvent couvertes de bleus en rentrant chez elles, elles sont incapables de se souvenir de qui les a frappé.

    De même, elles ne vont plus chez le médecin quand elles sont malades, leurs corps étant complètement insensibilisés. Ces femmes vivent un paradoxe psychologique très violent, celui d’être témoin et même de participer à leur propre viol, qui devient un viol compensé par l’argent. Bref, j’ai beau dénoncer toutes les formes d’exploitation comme vous pouvez d’ailleurs le constater sur ce blog, je ne veux pas laisser dire que les séquelles physiques et psychologiques qu’on relève chez les prostituées – au moins celles qui font ce métier pour gagner leur vie et donc sans en avoir totalement envie – sont les mêmes que celles d’une caissière ou d’une ouvrière. Pénibilité et traumatisme n’atteignent pas du tout le même niveau !

    > 2. Contre la #marchandisation

    L’Autre notion, ou plutôt maxime qu’il me semble important de rappeler, et que d’ailleurs notre méchant monde libéral nous rappelle sans cesse, c’est que Le client est roi ! C’est lui qui choisit tout, la prostituée, le service, les positions etc. Dans le cadre de ce métier, la femme ou l’homme prostitué ne peuvent que se plier à des pratiques intimes commandées par le client, quelles qu’elles soient.

    En un mot : L’argent c’est le pouvoir. Si je paye, je décide, et je décide CE QUE JE VEUX. Qui détient l’argent en France et dans le monde ? Les hommes ! Dans le monde, les #femmes détiennent 1% des #richesses et des capitaux mondiaux. Donc nous sommes dans des rapports complètement inégalitaires, et ne saurons jamais éviter que ce soit plutôt les femmes qu’on retrouve sur le trottoir, de grès ou de force.

    > 3. Pour l’égalité entre les femmes et les hommes :

    L’existence de la #prostitution est un frein à la liberté sexuelle et l’égalité entre les femmes et les hommes. La liberté sexuelle, c’est d’abord la réciprocité du désir et du plaisir, la liberté de choisir son partenaire et ses pratiques sexuelles, et il n’est pas question de qualifier de liberté une circonstance où l’homme paye pour pousser la femme, par la pression de l’argent plutôt que de la force usitée autrefois, à avoir telles pratiques sexuelles avec lui. La prostitution est le dernier bastion d’une longue histoire du #patriarcat où le désir de l’homme a toujours primé sur celui de la femme, d’où les traditions réactionnaires des mariages arrangés, du droit de cuissage, des viols et de viol conjugal que la loi n’a que trop tardé à reconnaître. C’est ainsi que ces cruelles traditions ont empilé des armées de femmes traumatisés dans le monde, au fil des siècles. La prostitution n’est d’ailleurs pas un luxe de riches ou de privilégiés, elle existe dans toutes les sociétés, même les plus pauvres. Dans les pays pauvres, les prostituées sont tout simplement moins chères.

    Pour finir, j’aimerai poser la question la plus cruciale à mon sens, celle du projet de société que nous voulons ? Acceptons-nous que la prostitution devienne un métier comme un autre, à savoir que dans les pays qui la légalisent, on voit fréquemment des campagnes publicitaires affichant des soldes sur les prostituées, voire des menus où on a droit à « un repas, une chambre et une prostituée » ? Peut-on tolérer que pôle emploi enregistre la prostitution comme un métier banal, et se plaigne de ce que telle femme ne veuille pas saisir tel poste disponible de prostituée ?

    | Fatima-Ezzahra Benomar
    http://fatimabenomar.wordpress.com/2011/04/07/prostitution-ou-pas-prostitution

    • « Acceptons-nous que la prostitution devienne un métier comme un autre, à savoir que dans les pays qui la légalisent, on voit fréquemment des campagnes publicitaires affichant des soldes sur les prostituées, voire des menus où on a droit à « un repas, une chambre et une prostituée » ? »

      Intéressant mais bien qu’ayant habité en belgique je n’ai jamais vu ce genre de choses. De quels pays parle-t-il ?

      « Peut-on tolérer que pôle emploi enregistre la prostitution comme un métier banal, et se plaigne de ce que telle femme ne veuille pas saisir tel poste disponible de prostituée ? »

      Cela relève un peu du fantasme je pense, non ? Une histoire du genre avait filtré en allemagne mais il était apparu que c’était juste une probabilité et que ça n’avait jamais eu lieu (lu sur un article du STRASS transmis ici, merci).

      Sur le fond je ne peux me prononcer, n’étant ni prostitué, ni client, j’ai du mal à voir l’intérêt de la pénalisation des clients.

    • On parle d’une dépénalisation totale de la prostitution, de sa banalisation : si on considère que la prostitution est un boulot comme les autres (discours des légalistes), alors, logiquement, on pourra avoir des démarches marketing ou des offres d’emploi à pourvoir, tout simplement.
      Or, justement, ces deux exemples soulignent bien qu’on ne parle évidemment pas d’un métier comme un autre. Ne serait-ce que parce qu’on peut accepter que sa mère, sa femme, sa fille ou sa sœur bosse dans une usine, voire même une centrale nucléaire (mais pas forcément de gaité de cœur), mais que les visualiser sur le trottoir à attendre des types qui vont payer pour les besogner, forcément, tout de suite, ça débanalise bien l’idée !