Donc, on est bien d’accord, c’est bien de « guerre » — une guerre qui se déroule dans un pays européen — dont il est désormais officiellement question à propos des évènements ukrainiens et de l’intervention russe en Crimée ?
« Les forces russes accentuent leur pression, Kiev accuse Moscou d’actes de guerre » (Le Monde, avec AFP et Reuters, 2 mars).
Trois choses font pourtant que cette guerre ne se traduit pas encore par un affrontement militaire sur le champ de bataille :
le nouveau pouvoir de Kiev n’a pas les moyens de la réplique ;
le camp occidental, pris de court comme à son habitude, tergiverse comme à son habitude ;
les “équipes” des camps opposés sont encore en cours de formation.
Préliminaires à la guerre comme à l’amour
Mais la guerre, c’est comme l’amour, les préliminaires y sont importants. Avant l’explosion finale.
Il y a bien sûr les rodomontades des nouveaux gouvernants de Kiev dont l’origine est de plus en plus contesté, sinon contestable, y compris aux yeux de très respectables médias occidentaux :
« Les néonazis menacent en Ukraine » (BBC Newsnight, 28 février).
Il y a ceux qui d’entrée étalent une nouvelle fois leurs faiblesses, sinon leur trouille et leur désarroi, par des déclarations et des décisions assez ubuesques. Franchement, cette menace lâchée par Kerry d’exclure la Russie du G8 doit sacrément bien faire marrer Poutine.
Il y a bien la formation d’”équipes”, qu’on pourrait croire convenue, mais qui ne laisse tout de même pas de surprendre les éternels surpris :
« La Russie et la Chine constatent leur concordance de vues sur l’Ukraine » (AFP, 3 mars).
L’Ukraine n’est qu’un pion
Il y a même, dites donc, les incontournables “profiteurs de guerre” qui tentent déjà d’exploiter la tragédie naissante à des fins de politique intérieure, manière également de délimiter un peu plus le clan des gentils blancs contre celui des vilains noirs :
« Intervention armée russe en Crimée : Jean-Luc Mélenchon parle de “mesures de protection prévisibles” » (le Lab, Europe1, 2 mars).
Fermons le ban sur ce cortège d’inconséquences et d’irresponsabilités. Qui sérieusement allait croire que la Russie, déjà fragilisée économiquement comme tous les émergents, avec son rouble en pleine dégringolade, allait se laisser piquer sans moufter ses pipelines ukrainiens ? Poutine réagit ni plus ni moins comme un Hollande volant au secours des intérêts français menacés par les méchants islamistes du Nord-Mali.
L’Ukraine n’est qu’un pion dans un jeu d’autant plus dangereux qu’il oppose des blocs éclopés par une crise interminable et fatale : celui des Occidentaux en “grande perdition” et celui que nous pourrions appeler désormais le bloc des “émergents”, mis à mal par la lente décrépitude du premier.
Maintenant, attendons de voir les réactions concrètes des États-Unis fragilisés d’Obama qui, par-delà leurs vertueuses condamnations, se voient menacées en représailles de krach financier par les conseillers du Kremlin. Et il ferait beau voir l’Europe unie décréter un embargo punitif sur ce gaz ou ces capitaux russes dont elle ne peut se passer. D’ailleurs déjà, la Grande-Bretagne…