• Limites de l’anarchisme

    L’anarchisme est diffus dans beaucoup de milieux, et en ce qui me concerne je fus membre de divers groupes où il allait de soi que ces groupes soient dirigés au consensus par l’ensemble des membres. Problème : le collectif où je suis le plus investi croule sous maintes contradictions et conflits, parce qu’il est fort hétérogène en même temps qu’il a de (trop) grandes ambitions. Il rencontre deux types de problèmes : soit une décision prise est contestée car elle n’est pas prise par l’ensemble des membres, soit l’action du collectif est bloquée car un ou des membres maintiennent leur désaccord et la décision n’est pas donc pas prise. On pourrait rétorquer que c’est parce qu’on s’y prend mal, et qu’il suffit de bien écrire les mandats et de prendre le temps de le faire. Bref que c’est une question de méthode et de technique. Mais j’ai l’intuition que le problème est plus profond et que ce n’est pas une question de temps (qui est souvent l’argument des personnes les plus à cheval sur l’horizontalité, à savoir qu’il faut abandonner toute forme d’impatience et que c’est normal que ça prenne du temps).

    Une solution théorique que j’entrevois est de briser le collectif en une série de plus petits groupes homogènes, les fameux groupes d’affinité, qui par leur homogénéité pratiquent facilement le consensus. Le collectif devient alors une fédération de tels groupes d’affinité, et on peut espérer qu’ils parviennent ainsi à quelque base commune. J’ai donc entamé une recherche succincte sur les groupes d’affinité, qui font partie de la tradition politique anarchiste.

    Et c’est là que je tombe sur une critique sévère, et bien argumentée, de l’anarchisme :

    Bertrand Cassegrain (2013), Le trilemme anarchiste

    https://www.erudit.org/en/journals/ateliers/1900-v1-n1-ateliers0812/1018331ar.pdf

    #critique_de_l'anarchisme #organisation-collective #dynamique-de-groupe

  • #democratie-directe #fabrice-wolff

    Fabrice Wolff
    Qu’est-ce que la démocratie directe ? (Manifeste pour une comédie historique)

    Livre en libre téléchargement : http://www.editionsantisociales.com/pdf/Qu_est_ce_que_la_democratie_directe.pdf

    http://www.editionsantisociales.com/democratie_directe.php

    Dès sa parution à Paris aux premiers jours d’avril 2010, ce bref « manifeste » libertaire pour la démocratie directe (qui s’appuie sur la plus moderne historiographie de la Grèce antique, et parti­culièrement d’Athènes au temps de Périclès et de Démosthène, pour tracer pour la première fois un plan synthétique des institutions fondatrices d’une authentique démocratie sociale : assemblées populaires souveraines fédérées, rotation et contrôle permanents de délégués révocables, « justice des plus démunis ») a eu une influence déterminante, par l’ampleur des discussions et la cascade de réactions qu’il a suscitées chez ses premiers lecteurs, sur l’ensemble du spectacle « politique » en France (où dans une délirante surenchère populiste, la « démocratie directe » s’est vue soudain inscrite aux listes de fausses promesses d’une myriade de petits partis, depuis le NPA néo-trotskiste jusqu’au Bloc Identitaire néonazi, en passant par le Parti pour la décroissance, écologiste-puritain, l’ex-Modem, catholique-libéral, la Droite populaire, crypto-fasciste, et même une croquignolesque Alliance royale, monarchiste ; les partis dits « de gouvernement » étant restés les seuls à ne pas s’y risquer, quoique le sujet ait été âprement débattu au plus haut sommet du Front National, l’ambitieux parti des nostalgiques de l’ordre colonial et des délateurs anonymes), et sur le mouvement social en Europe et au-delà (où la démocratie directe est cette fois expérimentée dans la pratique quand elle n’est pas déjà explicitement revendiquée par la rue, comme en Grèce ou au Québec).

    • (p.39-40)

      La démocratie directe est ainsi un régime qui, parce qu’il garantit à tous les citoyens, au- delà de la seule parrhèsia, le bénéfice de l’isègoria – qu’on traduit habituellement aussi par « liberté de parole » mais qui désigne très concrètement le droit égal qu’a chacun de faire des propositions ou des contre-propositions dans les assemblées
      décisionnelles –, ne peut pas tolérer qu’on se livre à des manœuvres politiques secrètes, autrement dit que l’on cherche à engager la cité dans des voies qui ne seraient pas soumises – ou pire, qui auraient échoué – à la rude épreuve d’un débat public libre et égalitaire. Cette obligation de transparence dans l’action politique est la condition nécessaire de l’isègoria, car la liberté d’expression en acte se transforme invariablement en vaine palabre là où dominent les tractations de coulisses.
      Les instruments privilégiés de la transparence athénienne étaient – pour le court terme – la multiplication des témoins et – pour le long
      terme – le recours à l’écriture. Toutes les réunions de délégués, du Conseil ou de ses commissions, étaient donc ouvertes au public sans aucune res- triction – sauf huis clos expressément décidé pour
      préserver certains débats des espions ennemis ; on affichait en place publique les propositions de décrets et les actes d’accusation que le dèmos serait appelé à voter, et les mesures adoptées étaient placardées à la vue de tous et déposées dans un centre d’archives, le Mètrôon, auquel tous les citoyens avaient librement accès (les plus
      importantes étaient même gravées dans la pierre, sur des stèles érigées sur l’Agora, telle cette loi de 337 prévoyant récompenses et honneurs pour quiconque attenterait à la vie d’un éventuel
      tyran). À ce que conclut Hansen sur le sujet : « Le régime démocratique s’accompagnait à Athènes d’un degré de publicité qui n’a pas d’équivalent connu dans les sociétés anciennes » (p. 354), on
      peut ajouter sans hésitation qu’une telle transpa- rence du pouvoir réel n’a trouvé d’équivalent dans les sociétés modernes qu’en de rares et tragiques fulgurances : pendant la Commune de Paris par
      exemple, ou bien dans Cronstadt en révolution, où le Soviet des ouvriers et marins proclama ses décisions dans les admirables Izvestia jusqu’à l’abominable massacre ordonné par les vampires
      de l’oligarchie bolchevik.

    • (p.41-42)

      « La démocratie d’assemblée reposait sur toutes sortes de volon-
      tariats, du citoyen qui votait au dirigeant qui prenait des initiatives, en passant par le magistrat qui administrait : il n’y avait aucune obligation légale d’y prendre part. » (p. 352) Nul n’est tenu
      d’intervenir dans les affaires publiques, chacun restant bien sûr parfaitement libre de préférer cultiver son jardin : la démocratie directe ne doit garantir que l’égale possibilité pour tous les
      citoyens de s’impliquer dans les prises de décision, et/ou dans leur exécution. La participation active au pouvoir n’est plus réservée à une élite de privilégiés, ni limitée à l’élection de représentants
      censés compétents et fidèles à leurs promesses, mais est offerte à tous « ceux qui veulent » (hoi bouloménoi). C’est cette masse de « volontaires » qui permet à la démocratie directe de fonctionner : c’est pourquoi les citoyens y sont vivement incités à mettre en pratique tous leurs droits politiques (à la seule exclusion de ceux qui se seraient notoirement discrédités par leur conduite privée).
      Ainsi la cité démocratique ne distingue nullement, dans les faits, entre dirigeants et dirigés, mais entre citoyens actifs et citoyens passifs – distinction toute relative, car dépendant, au cas par
      cas, du libre choix de chacun.

      « À en juger par leur activité politique, les citoyens d’Athènes pouvaient se diviser en trois groupes. D’abord les passifs, ceux qui ne prenaient pas part à l’Assemblée, ne se portaient jamais volontaires pour prêter le Serment des Héliastes ou être magis-
      trats. (...) En second lieu, la grande masse de ceux qui participaient à l’Assemblée, servaient comme nomothètes et comme jurés, mais se contentaient d’écouter et de voter sans mêler leur voix à la dis-
      cussion. Enfin il y avait le groupe beaucoup plus restreint des citoyens capables d’initiative, qui prenaient la parole et proposaient des textes ; et même parmi ceux-ci, la majorité tenaient le rôle de hoi bouloménoi en accord avec l’idéal démocratique, c’est-à-dire en tant que personnes privées prenant
      de temps en temps leurs responsabilités pour une initiative. Seule une minorité de ce dernier groupe constituait les citoyens réellement actifs dans la vie politique, orateurs à l’Assemblée, législateurs et instigateurs de poursuites publiques plus ou moins
      professionnels ; ce sont eux que les livres d’histoire appellent volontiers les “hommes politiques” d’Athènes. »

  • Ce que nous appelons extrême droite - @lieuxcommuns
    https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article725

    Les crises économiques ont souvent débouché dans l’Histoire sur des mouvements d’extrême droite, et il se pourrait que nos sociétés européennes en prennent le chemin. L’écho que rencontre l’apparente mutation du Front National ou le succès du « Printemps français » pourraient bien l’annoncer. Et d’autres mouvances sont récemment apparues, comme la manifestation « Jour de colère », le cirque médiatique de Dieudonné, le refus de l’égalité fille/garçon à l’école primaire, ou encore les manifestations des « bonnets rouges ». Cette dynamique est totalement hétéroclite et très confuse, mais semble à la recherche de mots d’ordres, de lignes politiques, de symboles fédérateurs. Tout cela pourrait alimenter une réappropriation à tâtons des grandes questions politiques confisquées par l’oligarchie, mais aussi une renaissance d’authentiques extrêmes-droites. Encore faut-il savoir ce que l’on entend par « extrême-droite ».

    #extrêmedroite #antifa

    • Maintenant que les Trente Glorieuses sont finies, la question n’est plus : qui va accéder à la société de consomma­tion ?, mais bien : qui va en être exclu ? Personne n’a rien à gagner, sinon les extrêmes-droites, de la guerre de tous contre tous, ni la sécurité, ni la li­berté, ni l’espoir. C’est pour l’instant, et sans doute pour quelques temps encore, le chaos social qui l’emporte et de cette situation histori­quement nouvelle peut naître tout et surtout n’importe quoi.

      #guerre_aux_pauvres

    • Je suis d’accord la plupart des points, mais je ne comprends pas cette manie de vouloir toujours rajouter du cassage de genre.

      la révolution féministe ne consiste pas à dé­nier les différences, mais à les comprendre comme principe de l’égalité des sexes

      À peu près personne ne dit qu’il n’y a pas de différence : c’est à peu près indéniable que dans notre société (et pas mal d’autres) les hommes et les femmes adultes sont différents.

      Mais ce que de plus en plus nient (dont moi), c’est que l’immense majorité de ces différences soient génétiques et apparaissent inévitablement pour n’importe qui ayant tel X ou tel Y.

      Franchement @lieuxcommuns, quand vous écrivez cette phrase, vous parlez de quelles différences ? Ça veut dire quoi « les différences » ? C’est trop flou pour vouloir dire quelque chose, à mon avis.

    • La phrase d’Alexis est sensiblement similaire à la votre : ça parle de « différences » dans le flou, sans préciser en quoi le fait qu’on aurait un appendice différent pour faire pipi, une différence de seins, de poils, ou même d’hormones, implique quoique ce soit de majeur dans les capacités, dans les compétences, des personnes ; et donc dans les relations sociales, dans les tâches (du quotidien ou du travail) assignées socialement aux gens.

      Si on veut casser de la cyber-transhumano-féministe, cassons-la explicitement en parlant de cette catégorie. Mais je ne vois pas l’intérêt de parler de « féministes » tout court, ou de critiquer celleux qui remettent en question la construction des genres. Ça rajoute de la confusion, ou c’est pour le fun de passer pour plus réactionnaire que ce qu’on est en réalité…

      cc @pacoo @aude_v :D

  • Dans l’isthme de Tehuantepec
    Récit d’un voyage mexicain (II)

    Georges Lapierre

    http://lavoiedujaguar.net/Dans-l-isthme-de-Tehuantepec-Recit,1160

    Les habitants se sont agglutinés sur le zócalo, les femmes se sont retrouvées ensemble d’un côté et les hommes de l’autre, les quelques partisans des deux partis politiques qui s’opposent dans l’Isthme, le PRI et la Cocei, se tiennent à l’écart. Le conseil des anciens, après un discours sur l’importance de l’événement, l’explication de son déroulement, son rôle, et en fonction de quels critères il a choisi les candidats, procède à l’appel de quinze candidats (pour dix conseillers et un président). Ceux-ci se rangent devant et l’élection pour les différentes charges commence. Le président ? L’assemblée ou plutôt quelqu’un dans l’assemblée crie un nom, il est repris ou n’est pas repris, un consensus se fait et se manifeste par un applaudissement général, et ainsi, poste par poste, quelquefois c’est la franche rigolade, mais l’accord sur un nom se fait toujours et rapidement, les gens se connaissent bien et ils savent qui est le plus apte pour la fonction. Le président, par exemple, à la différence des politiciens de tout acabit, est un taiseux, mais on sent que c’est un homme d’expérience, connu et reconnu par la population. À la fin de cet acte de démocratie directe, il est rappelé l’importance de l’assemblée : c’est elle qui est souveraine et les autorités qui viennent d’être nommées lui sont entièrement dévouées et doivent toujours se référer à elle pour les décisions importantes. (...)

    #Mexique #Oaxaca #démocratie-directe #éolien-industriel #résistance