• Comment les #passeurs profitent des politiques migratoires restrictives dans les #Balkans

    Les #réseaux_criminels étendent leur mainmise sur la route migratoire des Balkans. De plus en plus de passeurs parviennent à exploiter les politiques frontalières de l’Union européenne.

    Dans les zones frontalières de la #Serbie, de la #Bosnie et de la #Hongrie, la dynamique migratoire est en constante évolution. Alors que les camps de détention aux frontières ont été fermés et que les politiques frontalières de l’Union européenne (UE) deviennent de plus en plus restrictives, les migrants empruntent des itinéraires toujours plus dangereux, contrôlés par des réseaux de trafic toujours plus sophistiqués.

    C’est le constat fait par de nombreuses ONG qui travaillent avec les migrants le long de ces itinéraires.

    Milica Svabic, de l’organisation KlikAktiv, une ONG serbe qui développe des politiques sociales, explique que « malheureusement, de plus en plus de migrants ont fait état d’#enlèvements, d’#extorsions et d’autres formes d’#abus de la part de passeurs et de groupes criminels ces derniers mois. »

    Selon elle, des groupes de passeurs afghans opèrent actuellement aux frontières de la Serbie avec la Bosnie et la Hongrie. #KlikAktiv a ainsi recueilli des témoignages d’abus commis aux deux frontières.

    Le paysage changeant des réseaux de passeurs

    En Serbie, ces changements sont frappants. Les camps de fortune ont disparu des zones frontalières. Désormais, les personnes migrantes se retrouvent cachées dans des #appartements_privés dans les centres urbains et ne se déplacent plus que la nuit.

    Les bandes criminelles afghanes et des réseaux locaux ont pris le contrôle à travers une #logistique complexe, clandestine et dangereuse.

    Milica Svabic a expliqué à InfoMigrants que son organisation a également documenté « des cas de migrants enlevés et retenus dans des lieux isolés (généralement des logements privés) jusqu’à ce que leur famille paie une #rançon pour leur libération ». Elle précise que cette rançon s’élève souvent à plusieurs milliers d’euros.

    La plateforme d’investigation Balkan Investigative Reporting Network, le #BIRN, a récemment documenté comment des membres du #BWK, un gang afghan notoire opérant en Bosnie, ont retenu des demandeurs d’asile en otage dans des camps en pleine #forêt, en exigeant des rançons de leurs proches, tout en les soumettant à d’horribles #sévices, y compris des #viols et de la #torture. Ces #agressions sont parfois filmées et envoyées aux familles comme preuve de vie et moyen de pression.

    Rados Djurovic, directeur de l’ONG serbe #Asylum_Protection_Center, confirme que les passeurs ont recours à des #appartements et d’autres lieux tenus secrets dans les grandes #villes pour y cacher des migrants, les maltraiter et organiser le passage des frontières.

    « Ces opérations sont devenues de plus en plus violentes, les passeurs ayant recours à la force pour imposer leur contrôle et obtenir des #pots-de-vin. Ils enlèvent des personnes, les retiennent dans ces appartements et extorquent de l’argent à leurs familles à l’étranger », ajoute-t-il.

    D’autres groupes de défense des droits humains et des experts en migration rapportent des cas similaires.

    Un rapport du #Mixed_Migration_Center (MMC) relate des témoignages de #vol, de #violence_physique et d’extorsion. Roberto Forin, du MMC, souligne toutefois que « le rapport n’identifie pas spécifiquement les groupes armés d’origine afghane comme étant les auteurs de ces actes ».

    L’impact des politiques frontalières et des #refoulements

    Le renforcement des mesures de sécurité le long des frontières expliquerait en partie cette évolution.

    Un porte-parole du Border Violence Monitoring Network (BVMN) explique que « l’apparition de ces groupes est simplement la conséquence de la sécurisation croissante des régions frontalières dans toute l’Europe. Alors que les politiques frontalières européennes déploient des méthodes de plus en plus violentes pour empêcher la migration, les migrants n’ont d’autre choix que de recourir à des méthodes informelles pour franchir les frontières ».

    Ce point de vue est partage par le Mixed Migration Center.

    Le réseau BVMN ajoute qu’en fin de compte, « ce sont les personnes en déplacement qui sont les plus touchées par la violence que ce soit de la part des autorités publiques ou des groupes qui prétendent les aider dans leur périple ».

    Roberto Forin du MMC prévient que « la violence et les restrictions aux frontières exacerbent la #vulnérabilité des migrants à l’#exploitation et aux abus ».

    Rados Djurovic du Asylum Protection Center souligne également le « lien direct entre les pratiques de refoulement à la frontière hongroise et l’augmentation du trafic de migrants, tant en termes d’ampleur que de violence ».

    « Par peur des refoulements et de la violence, les migrants évitent les institutions et les autorités de l’État et font confiance aux passeurs, qui exploitent souvent cette confiance », ajoute Milica Svabic, de KlikAktiv.

    Les Etats concernés dans une forme de #déni

    Le rapport du BIRN montre que des membres du #gang afghan BWK possèdent des documents d’identité délivrés par l’UE sur la base du statut de protection qui leur aurait été accordé par l’Italie.

    Selon le BIRN, certains membres du gang pourraient avoir utilisé ces documents pour franchir sans encombres les frontières dans les Balkans et échapper aux autorités. Contacté par InfoMigrants, les autorités italiennes ont refusé de commenter ces allégations.

    Plus largement, les Etats concernés par des accusations de refoulement ou de négligence le long de leurs frontières nient avec véhémence toute #responsabilité. Cette posture pourrait encourager un sentiment d’#impunité chez les passeurs.

    Les migrants se retrouvent ainsi dans un cercle vicieux. Des demandeurs d’asile déclarent avoir été battus par des forces de l’ordre. Ils se retrouvent ensuite aux mains de #bandes_criminelles qui les soumettent à d’autres #traitements_inhumains.

    Lawrence Jabs, chercheur à l’université de Bologne, affirme dans l’enquête du BIRN qu’il existe « un lien certain entre les refoulements et les prises d’otages ».

    Les conclusions du BIRN mettent en lumière un problème plus général dans les Balkans : le #crime_organisé prospère dans les régions où l’application de la loi est violente et où l’obligation de rendre des comptes semble absente. Dans certains cas, des membres du BWK se seraient infiltrés dans des #camps_de_réfugiés gérés par l’État via l’intermédiaire d’informateurs locaux, qui auraient informé le gang des passages de frontière à venir.

    En octobre 2024, plusieurs membres présumés du BWK ont été arrêtés pour avoir enlevé des migrants turcs et filmé leur torture.

    La police bosniaque décrit les opérations du BWK comme « bien établies et très rentables », certains individus associés au réseau détenant des comptes bancaires avec plus de 70 000 euros de dépôts.

    L’enquête du BIRN décrit comment un gang dirigé par des migrants afghans bénéficie d’une certaine protection en Italie. De nombreux experts en matière de migration soulignent également que la nature de ces gangs est par définition transnationale.

    Selon Rados Djurovic du Asylum Protection Center, « ces réseaux ne sont pas uniquement constitués de ressortissants étrangers. Ils sont souvent liés à des groupes criminels locaux. Il arrive même que des migrants fassent passer de la #drogue pour d’autres, toujours avec le soutien de la population locale ».

    Les bandes criminelles s’appuient aussi sur des chauffeurs et des fixeurs locaux pour faciliter le passage des frontières.

    Rados Djurovic explique à InfoMigrants que ces groupes « impliquent à la fois des populations locales et des réfugiés. Chaque personne a son rôle ». Aussi, son organisation a « documenté des cas de personnes réfugiées voyageant légalement au sein de l’UE pour rejoindre ces groupes en vue d’un gain matériel. »

    Réponse de la police

    Le 14 avril, deux corps de migrants ont été retrouvés près d’un cimetière à Obrenovac, dans la banlieue de Belgrade, la capitale serbe.

    La forêt qui entoure le cimetière est devenue un campement informel exploité par des #passeurs_afghans. Les victimes seraient des ressortissants afghans poignardés à mort. Deux autres migrants ont été blessés, l’un au cou et l’autre au nez.

    Milica Svabic précise que « des incidents similaires se sont produits par le passé, généralement entre des groupes de passeurs rivaux qui se disputent le territoire et les clients ».

    Selon Rados Djurovic, bien qu’il y ait une volonté politique de lutter contre les réseaux criminels et la migration irrégulière, le souci de préserver une bonne image empêche un véritable engagement pour s’attaquer aux causes profondes.

    Il explique que la nature lucrative de l’activité et l’implication de la population locale rendent « presque impossible le démantèlement de ces réseaux ».

    La #dissuasion plutôt que la #protection

    Malgré les efforts des ONG, le soutien institutionnel reste inadapté. « Au lieu de se concentrer uniquement sur la lutte contre la migration irrégulière et le trafic de migrants, les institutions devraient développer des mécanismes pour soutenir ceux qui ont besoin de protection », estime Rados Djurovic.

    Il rappelle que « les routes migratoires ont changé. Elles ne sont plus visibles pour les médias, le public, les institutions et dans les camps. Mais cela ne signifie pas que les gens ne continuent pas à traverser (les frontières) ».

    Cette évolution coïncide avec la fermeture de camps d’accueil de migrants situés le long des principales routes de transit. « Sur 17 camps, seuls cinq fonctionnent encore, et aucun n’est situé sur les principaux axes de transit. Il n’existe plus de camp opérationnel dans toute la région de Voïvodine, dans le nord de la Serbie, à la frontière de l’UE ».

    Or, sans accès à un logement et confrontés à des expulsions régulières, les migrants n’ont que peu d’options. « Cela renforce les passeurs. Ces derniers comblent alors le vide en proposant des logements comme un service payant », observe Rados Djurovic.

    Et les ONG ne peuvent combler l’absence de structures étatiques. Roberto Forin, du Mixed Migration Center, constate que « si certaines ONG fournissent un soutien juridique et psychosocial, la couverture n’est pas permanente et de nombreux migrants ne sont pas au courant des services disponibles ». De plus, les travailleurs humanitaires s’exposent aux dangers des bandes criminelles, limitant ainsi leur champ d’action.

    Enfin, la Serbie a pour objectif de rejoindre l’UE et cherche à s’aligner sur les politiques migratoires européennes. En ce sens, montrer que la frontière serbe est forte est devenu une priorité.

    Selon Rados Djurovic, le Serbie veut « marquer des points sur la question de la migration ». Ainsi « ils peuvent prétendre que le recours à la violence, à la police des frontières et aux opérations conjointes stoppe la migration, même si ce n’est pas vrai. Tout le monde y gagne : les personnes qualifiées d’ »étrangères" sont ciblées et la lutte contre l’immigration devient à la fois politiquement et financièrement lucrative".

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64299/comment-les-passeurs-profitent-des-politiques-migratoires-restrictives
    #route_des_Balkans #politiques_migratoires #responsabilité #migrations #réfugiés #frontières #fermeture_des_frontières #criminalité

    ping @karine4

  • Dans une série inédite, Jean-Michel Aphatie revient en détail sur le déni colonial français en Algérie, et la difficulté d’en parler encore aujourd’hui.
    https://www.binge.audio/actualites/jean-michel-aphatie-revient-en-detail-sur-le-deni-colonial-francais-en-alge

    Sétif, Guelma, Kherrata : 80 ans après le 8 mai 1945, ce que la France choisit encore de ne pas commémorer

    Le 8 mai 1945, de l’autre côté de la Méditerranée, une tout autre histoire que celle de la victoire des Alliés s’écrivait. À Sétif, Guelma et Kherrata, des milliers d’Algériens – entre 15 000 et 20 000 selon les estimations – étaient massacrés par des soldats et colons français pour avoir manifesté leur désir d’indépendance – une répression d’une brutalité et d’une barbarie indignes du pays des droits de l’homme. Un épisode longtemps occulté, pourtant point de départ de la guerre d’Algérie, et symptôme d’un aveuglement persistant : celui d’un pays qui refuse encore de regarder en face la violence de son passé colonial.

    Au cœur de cette histoire, un fait presque méconnu, et pourtant glaçant : en juin 1945, dans la (...)

  • ‘I can’t discuss Israel with my anti-Zionist kids – it’s pointless.’ - The Jewish Chronicle - The Jewish Chronicle
    https://www.thejc.com/news/features/i-cant-discuss-israel-with-my-anti-zionist-kids-its-pointless-rgjojatv

    Sarah and her daughter are emblematic of a growing intergenerational phenomenon: Zionist parents whose children are scared of being associated with Israel; youngsters who have internalised antisemitism, in particular its political iteration, anti-Zionism.

    […]

    “The lack of intellectual rigour is what disappoints me as much as anything else,” says Alison*, whose sons are aged 24 and 22. “They are very bright boys who have fallen hook, line and sinker for a crude pro-Palestinian narrative that has brainwashed their generation.

    […]

    Dalia*, an Israeli and Israel activist in London, knows all about the yelling that often accompanies in this inter-generational rift.

    “My daughter has screamed that I am a Nazi and I have called her a kapo which I regret but I am horrified by the anti-Israel sentiments that come out of her mouth.”

    Her 22-year-old daughter works in the arts and Dalia thinks this is part of the problem. “Being anti-Israel is an article of faith in her professional circles and if you are dare to stand up for Israel, you are bullied.”

    On top of this, she thinks her daughter genuinely believes the lies that are spread about the Jewish state. “When she says Israeli snipers deliberately target Palestinian children, my hair stands on end. I tell her she is talking about our family, about my brothers and her uncles, and ask if she could possibly imagine them doing such a thing. She never replies.”

    Alison says she wishes her parents, who were Holocaust survivors, were still alive today. “I think then my children would have a better understanding of antisemitism.”

    #déni #fanatiques

    • David Miller cité dans l’article :

      David Miller sur X :
      https://x.com/Tracking_Power/status/1910299348295967137

      Nice to see our comrades at the Jewish Chronicle reporting from the frontline of the collapse of Zionism, on how anti-Zionist messages are penetrating the formerly ’brainwashed’ (their word not mine) minds of young Jewish people.

      […]

      “My husband and I are left-wing Jews who are more than willing to consider a range of views on the Middle East but we feel our kids are stuck in an intellectual position that beggars belief. The kindest thing I can say is they are incredibly naïve. They are even taken in by the disgraced academic David Miller.”

  • #Anouk_Grinberg : “Les hommes rigolent derrière l’enceinte de l’#impunité. Ça suffit.”

    Avec “#Respect”, Anouk Grinberg fait face au système qui a tenté de la détruire. D’une voix forte et claire, elle analyse les mécanismes qui permettent aux #violences_sexuelles et psychologiques de se produire et de se reproduire.

    Dans un monde qui compte sur le silence des victimes pour faire perpétuer sa violence, prendre la parole est un acte politique. La comédienne Anouk Grinberg signe Respect, un texte court, incisif, qui décrit avec une grande clarté la manière dont s’organise l’omerta. Partant de son propre vécu, elle raconte ce que cela fait, dans la tête et dans la chair, lorsque l’on a porté atteinte à notre intimité.

    “Je pense que sans le mouvement #MeToo, je ne me serais jamais réveillée de cette espèce d’insensibilisation que je me suis imposée pour survivre aux agressions qui ont jalonné ou percé ma vie. Il y a un mouvement très vertueux et assez fantastique qui se passe en ce moment autour des femmes et des relations entre hommes et femmes. J’avais l’impression que mon histoire pouvait apporter une bûche au feu. Ce feu n’est pas dévastateur, au contraire, il est là pour réparer.”

    “Je raconte mon histoire, mais je sais qu’en racontant mon histoire, je parle d’un « nous ». Je parle de millions de femmes, si ce n’est de milliards, qui sont agressées plus ou moins violemment, parfois très violemment, et qui, à la suite de ça, sont brisées à jamais, et se terrent dans un silence qui est le propre des crimes sexuels.”

    Elle poursuit : “C’est ce que je ne comprends pas. Qu’est-ce qu’il y a avec ce putain de crime ? Comment ça se fait que les victimes sont coupables et que les coupables sont innocents ? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et qui, évidemment, est le travail inconscient de la société ou des familles qui fabriquent le déni, qui fabriquent l’omerta. Quels que soient les viols ou les violences par lesquels on est passé, c’est à la femme d’avoir honte, c’est à la femme de se taire, c’est à la femme de ravaler son envie de mourir. Il faut que les hommes comprennent que quand ils nous touchent de force, quand ils nous violent, ils nous tuent. On a beau être vivant encore, on a beau marcher dans les rues, travailler, avoir des maris, des enfants, quelque chose est mort en nous. Et eux ils rigolent. Ils rigolent derrière l’enceinte de l’impunité. Et ça suffit.”

    A travers le récit de cette trajectoire individuelle intrinsèquement liée à la violence, elle fait le portrait d’une société impuissante à regarder en face sa propre brutalité. Prenant l’exemple du cinéma de Bertrand Blier, dont elle fût l’un des visages dans les années 90, Anouk Grinberg dénonce l’hypocrisie qui consiste à refuser de voir qu’en fait et place d’art subversif ce que nous avons célébré - et continuons parfois de défendre - est l’expression d’une jouissance à abimer les femmes.

    “Si des gens regardent « Mon homme », je voudrais qu’ils sachent que c’est un film de torture. Je ne voulais pas le faire. Blier, quand je l’ai connu, je ne connaissais rien de son cinéma, je n’avais jamais vu ses films. Il m’a accueillie dans son monde avec un tel enthousiasme que j’ai cru que c’était de l’amour. En fait, c’était un ogre. Très vite, je suis devenue sa chose, sa muse. Être la muse, c’est être l’objet des délires d’un homme. C’est être encerclé par le regard d’un homme qui fait de vous son fantasme. Et vous n’avez rien le droit d’être d’autre que ça.”

    “Blier était très fier de balancer sa misogynie au monde. Il a fait de l’humiliation des femmes un divertissement [...] C’est fou que la société entière ait applaudi ça. C’est dire à quel point il y a quelque chose de si archaïque, si ancien et si profond dans le dysfonctionnement des rapports entre les hommes et les femmes.”

    La suite est à écouter.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture/anouk-grinberg-respect-8017184
    #VSS #viols #violences_psychologiques #livre #inceste #emprise #hantise #traumatisme #violence #honte #sidération #respect #pierre #amour #trahison #péché #silence #violences_conjugales #domination #soumise #agressions #identité #déni #omerta #hystérie #nausée #souvenir #mémoire #rage #mort #souffrance #mépris #cinéma #Bertrand_Blier #tragédie

    #podcast #audio

    • Anouk Grinberg : « Je suis un soleil plus fort que ce qu’on m’a fait »

      La comédienne révèle, pour la première fois, les violences sexuelles qu’elle a subies depuis l’enfance jusqu’à sa relation avec le réalisateur Bertrand Blier, décédé en janvier. Dans un livre à paraître jeudi, elle dépeint les dommages, irréparables, et l’espoir suscité par #MeToo.

      Anouk Grinberg est une voix qui porte, et qui compte. La comédienne soutient depuis des mois les plaignantes face à Gérard Depardieu. Elle était dans la salle d’audience lors du procès pour agressions sexuelles de l’acteur. Cette fois, c’est d’elle qu’elle parle.

      Dans un livre nerveux, sobrement intitulé Respect (Julliard, 2025), l’actrice et peintre révèle une vie marquée par les violences sexuelles. Pendant l’enfance d’abord, avec un viol à l’âge de 7 ans commis, dit-elle, par un beau-père de substitution qu’elle « adorait », avant un inceste à 12 ans. Cela ne s’est plus vraiment arrêté ensuite, à l’exception de ces dernières années – elle partage aujourd’hui sa vie avec le mathématicien Michel Broué.

      Anouk Grinberg raconte un #continuum_de_violences sur les plateaux de cinéma ou de théâtre, quasi quotidiennes. Elle évoque surtout, pour la première fois publiquement, sa relation pendant plusieurs années, durant les années 1980 et 1990, avec le réalisateur Bertrand Blier, décédé au mois de janvier. Elle l’accuse de violences conjugales, d’emprise, dans la vie privée comme au cinéma.

      Le constat est accablant, et lui ne peut plus répondre. Seuls les livres de Blier et ses films sont encore là, souvent empreints de scènes violentes et de propos sexistes.

      L’actrice a longuement hésité avant de parler. Elle a eu besoin de temps. #MeToo,« le travail des journalistes et notamment de Mediapart », les témoignages d’autres femmes, l’ont aidée à mettre les mots. À comprendre que ce n’était « pas de [s]a faute ». L’an dernier, elle est tombée malade, « un cancer grave » ; elle a voulu tout dire.

      Mediapart a alors entamé une série d’entretiens avec Anouk Grinberg. « Vous m’avez proposé de réfléchir sur la période Blier, et pourquoi j’avais consenti à ma propre destruction et mon #humiliation pendant toutes ces années », raconte Anouk Grinberg. Mais la comédienne n’était pas encore prête : « Je vivais encore sous le régime de l’omerta qu’on m’avait imposé depuis tant d’années, celle du milieu du cinéma, celle de ma famille. » Et puis, elle avait besoin de mettre ses mots à elle, de reprendre le contrôle de sa vie, de ce qu’on lui avait volé petite. Anouk Grinberg a écrit un livre.

      « Si ce que moi j’ai dû traverser peut permettre à d’autres de mieux résister, tant mieux », nous confie-t-elle. Avant de dire, d’un ton bravache : « Je m’attends à des calomnies, à des agressions verbales et, en même temps, je suis dans une position confortable. Car moi, je dis la #vérité. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/020425/anouk-grinberg-je-suis-un-soleil-plus-fort-que-ce-qu-m-fait
      #sexisme #terreur #violences_conjugales #solidarité #sororité #vérité #guérison #réparation #survivante #mensonge #soleil

  • À propos d’une affiche : la nécessité d’une approche matérialiste de l’antiracisme – Tsedek !
    https://tsedek.fr/2025/03/19/a-propos-dune-affiche-la-necessite-dune-approche-materialiste-de-lantiracisme

    Depuis maintenant près d’un an et demi, la France Insoumise fait l’objet d’une intense campagne de délégitimation visant à l’exclure du prétendu “arc républicain” au motif de son engagement contre l’islamophobie et de son soutien à la lutte du peuple palestinien, en prenant prétexte de son antisémitisme supposé. Cette campagne a atteint ces derniers jours un nouveau paroxysme, suite à la publication par la FI d’une affiche appelant à la mobilisation antiraciste et antifasciste du 22 mars prochain, et représentant le visage grimaçant de Cyril Hanouna sous laquelle figurait la mention : “Manifestation contre l’extrême-droite, ses idées… et ses relais !” Motif invoqué : l’iconographie de cette affiche présenterait une proximité troublante avec l’imagerie antisémite nazie, et en particulier avec celle du film de propagande Le Juif éternel, sorti en 1940 et réalisé sous la supervision du ministre de la propagande du Troisième Reich Joseph Goebbels. Face au tollé médiatique, la France Insoumise a jugé bon de retirer cette affiche.

    Pour autant, assimiler le visuel produit par la FI dans le cadre d’une mobilisation antifasciste à la propagande d’État antisémite des années 1930 et 1940 apparaît aussi douteux politiquement que fragile sur le plan méthodologique. La FI poursuit-elle un programme antisémite ? Non. La FI désigne-t-elle Cyril Hanouna comme Juif ? Non. Ce visuel s’inscrit-il dans une campagne visant les Juif·ves ? Non. Rien dans le contexte d’énonciation ne permet de soutenir la thèse d’une prise de position antisémite de la FI.

    • FROJDXNJD MAIS PARDON ??🥶🥶, @KimSchvartz
      https://x.com/KimSchvartz/status/1902795788658651547

      J’avais l’esprit (et le corps) tellement pris dans l’expulsion de la Gaîté Lyrique et ses suites que je suis passé à côté des suites de la polémique sur l’affiche de LFI, dont ces posts dégueulasses de Bouteldja et ce communiqué hallucinant de Tsedek

      Merci à @CabriolesDouze de les avoir portés à mon attention, je serais passé à côté de ces monuments🙏

      J’ai pas le temps de faire un long thread mais juste : se prévaloir d’une analyse ✨matérialiste✨du racisme pour dédouaner complètement un parti de soc-dems qui, non content de faire de la récupération grossière d’1 manif antiraciste organisée par des orgas autonomes(cf. par ex. le tract electoraliste que LFI a distribué à propos de cette marche⬇️) l’entache d’une polémique de merde à cause de sa nullité abyssale sur l’antiracisme, c’est juste comique

      Et puisque vous voulez parler des conséquences ✨matérielles✨ des discours, je l’ai dit et je le répète : votre discours constant selon lequel si on parle d’antisémitisme à gauche (notamment chez LFI) c’est parce qu’on veut nuire à la gauche ✨de rupture✨ et au mouvement pro-🇵🇸 est un discours qui légitime le fait que des juifs de gauche se fassent harceler sur les RS et agresser dans la rue en tant que « sionistes » quand ils dénoncent des manifestations d’antisémitisme dans ces espaces là. Ça m’est arrivé, et je suis moi d’être le seul.

      Mais manifestement, ces conséquences ✨matérielles✨ là, vous en avez rien à carrer, ce qui est prioritaire pour vous c’est de défendre la gauche blanche et soc-dem, « seule alternative au fascisme » (sic.)

      Quand à cette merde de Bouteldja et ses leçons d’antiracisme depuis les salons et bureaux de la bourgeoisie culturelle, if I speak bordel…

    • L’inversion de la charge de la preuve est un sophisme qui consiste, dans un débat heuristique, à avancer un fait en incombant la charge de la preuve de son contraire à son interlocuteur. Le renversement a une portée particulière en droit où on traite de charge de la preuve, ainsi qu’en science, afin d’éviter que n’importe qui puisse affirmer n’importe quoi sans en apporter la preuve et laisser à son adversaire le soin de démontrer le contraire de ce qu’il prétend.

      Normalement, la charge de la preuve repose sur celui qui procède à une affirmation. Bertrand Russell a abordé le sujet dans son analogie de la théière. La formule originale est la locution latine : « Quod gratis asseritur gratis negatur. » (« Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve. »), formule régulièrement utilisée depuis au cours du XIXe siècle[1]. La charge de la preuve est notamment reprise par le philosophe Christopher Hitchens dans son livre Dieu n’est pas grand en 2007 et prend la forme du Rasoir de Hitchens.

    • Motif invoqué : l’iconographie de cette affiche présenterait une proximité troublante avec l’imagerie antisémite nazie, et en particulier avec celle du film de propagande Le Juif éternel, sorti en 1940 et réalisé sous la supervision du ministre de la propagande du Troisième Reich Joseph Goebbels.

      Je ne comprends pas comment on peut mettre cette phrase au conditionnelle, d’autant plus quand on est un collectif censé être pointu sur ces questions.
      Voir là les deux images : https://seenthis.net/messages/1103466#message1103791 (je vous épargne pour le moment de les reposter encore une fois...)

    • https://www.arretsurimages.net/chroniques/obsessions/affiche-antisemite-la-faute-a-grok

      LFI, c’est sa force, ne recule jamais. Depuis des années, LFI s’est blindée contre toutes les accusations extérieures, notamment les incessants procès médiatiques. Où serait-elle aujourd’hui si elle n’était pas blindée ? Mais sur cet épisode, LFI ne pourra pas faire l’économie d’une vraie enquête, totale, transparente, d’en tirer les conséquences, et de dire lesquelles. LFI le doit aux électeurs de gauche, qui placent tant d’espoir dans le mouvement, et sont en droit de l’exiger exemplaire. LFI le doit à la cause palestinienne, qui a tout à perdre à être soutenue par des mouvements politiques soupçonnables de la moindre complaisance avec l’antisémitisme. LFI le doit à tous ceux, comme moi [Daniel Schneidermann], qui se battent depuis des années contre les visqueuses accusations d’antisémitisme qui harcèlent injustement le mouvement, amalgamant obsessionnellement critique d’Israël et antisémitisme (encore ces derniers jours face à Guillaume Erner, par exemple), et ont le droit de dire qu’ils refusent de voir aujourd’hui ces efforts réduits à néant.

    • Mais sur cet épisode, LFI ne pourra pas faire l’économie d’une vraie enquête, totale, transparente, d’en tirer les conséquences, et de dire lesquelles. LFI le doit aux électeurs de gauche, qui placent tant d’espoir dans le mouvement, et sont en droit de l’exiger exemplaire. LFI le doit à la cause palestinienne, qui a tout à perdre à être soutenue par des mouvements politiques soupçonnables de la moindre complaisance avec l’antisémitisme.

      Voilà, nous y sommes une fois de plus :

      (L’accusation) : Il y a de l’antisémitisme à LFI.
      (LFI) : Apportez-en la preuve.
      (L’accusation) : Non, non. Pas du tout. C’est à vous de faire la preuve qu’il n’y a pas d’antisémites dans vos rangs.

      Depuis un an et demi (voire plus) quand même.

    • @sombre Peu importe qu’il y ait de l’antisémitisme réel ou pas chez LFI (sûrement chez X% comme dans la population entière, voire moins que la moyenne sûrement aussi) ou que ce soit « juste » une (ENORME) faute de goût et surtout de non-culture visuelle (quand on fait une affiche politique/militante c’est un peu con) : on le sait que tous les gens de droite et de fausse gauche n’attendent que ça de sauter sur LFI à la moindre erreur, donc c’est vraiment donner le bâton pour se faire battre, de sortir sans aucun véto interne une affiche aussi conne et ambiguë que ça. C’est avant tout une énorme faute politique, de (non)stratégie, du genre « je galère pas assez à atteindre un peu de pouvoir pour changer les choses, tiens si je glissais quelques peaux de bananes en plus moi-même »

    • https://www.youtube.com/watch?v=z6x2zytKGkc


      Accepté que cette image soit antisémite c’est accepté de reconnaitre que LFI serait antisémite (ce qu’elle n’est pas). L’image a été refusé, des excuses ont été faites. Pas besoin d’en faire plus, et surtout il ne faut pas en faire plus car c’est risqué d’être acculé comme le fut Jeremy Corbyn.
      Pour cette image posté comme prétendue preuve ;
      Il y a une élephant au milieu de la pièce dans ces comparaisons d’images avec celles des années 1930 - LE MOT JUIF est écrit en gros en rouge au milieu de l’affiche , assorti parfois de l’étoile de David. C’est dans ce mot qu’est l’antisémitisme, pas dans la tête du personnage qui est patibulaire mais ne serait pas identifié comme juif sans que le mot ne soit ecrit autour.

    • Charlie est un journal de caricatures. [...] Et sur les pièces à conviction présentées, le parallèle, trait pour trait, avec Le Juif Suss, film antisémite produit sous l’Occupation, apparait moins probant. Mais à chacun de juger.

      Même en donnant à Schneidermann globalement raison pour le reste du billet, et tout en trouvant que le pugilat anti-LFI va trop loin, je me permets de juger, comme il nous y invite, en modifiant légèrement sa contrainte (ça n’est pas le juif Süss mais celui éternel).

    • La vidéo de PDH dit bien le contraire : le racisme étant interdit (contrairement aux années 30, à l’époque de l’affiche), les fachos et racistes font feu de mille « dog whisles » où il n’y a surtout pas de mots explicites, jamais jamais. Ce qui compte ce sont les allusions, toujours uniquement par allusions.

      Il n’y a donc pas du tout besoin de mots explicites pour pouvoir chercher des accointances, en terme de références visuelles, de signes cabalistiques, etc (signes des doigts toussa).

      Mais la vidéo entière n’a que peu d’intérêt pour moi (par rapport à mon argumentation plus haut) puisqu’elle cherche à démontrer que LFI n’est pas réellement antisémite, ce qu’on sait qu’elle n’est pas spécialement (pas plus que la moyenne de la population, et sûrement même déjà moins, comme déjà dit).

      Ce qui compte c’est pas si elle est réellement antisémites, c’est ce que les autres forces réactionnaires vont pouvoir chercher comme allusions proches de signes antisémites, ce qui n’est pas une démarche débile puisqu’on l’a dit : c’est comme ça que fonctionnent là-aujourd’hui les vrais antisémites, racistes, suprémacistes.

      – Les vrais racistes fonctionnent majoritairement par allusions uniquement
      – Quand on voit un visuel ou signe (quenelle par ex) proche d’une allusion « officielle » des fachos, on doit tous se méfier et ne pas avoir envie de l’utiliser
      – Si on cherche sincèrement les fachos, on regarde les allusions et on les met en rapport avec les actes réels des gens qui les utilisent
      – Si on veut juste basher, on ne regarde que les allusions, mais ça reste du coup proche du raisonnement logique (puisqu’on est dans l’aire des allusions des fachos)
      – Si on veut PAS se faire basher : on DOIT donc avoir une culture visuelle et ne PAS utiliser les allusions parfaitement connues.

      Donc encore une fois tout ce que dit cette vidéo n’a que peu d’intérêt : ce qui compte n’est pas s’ils sont réellement antisémites (ce n’est pas le cas), c’est que justement car c’est la seule force de vraie gauche de gouvernement qui pourrait avoir un peu de pouvoir institutionnel, c’est une énorme faute politique de donner autant de bâtons pour se faire battre (cette affiche, la gestion de Quatennens, etc) et du coup se faire basher par les autres partis.

      Et c’est trop tard de retirer et s’excuser : le mal est fait non pas en terme moral (comme s’ils avaient fait du mal « aux juifs »), mais le mal est fait politiquement : ils se sont fait basher à mort et ça va réduire leur voilure encore un peu plus. Bien évidemment que le monde médiatique et politique ne va pas retenir leur retrait et excuses, c’est ça qui compte, pas ce que nous on en pense.

    • Les dog whisles et signes implicites fonctionnent car ceux à qui ils sont destinés savent les reconnaitre et les décoder. Avec l’affiche LFI incriminée, il n’y a pas d’appel caché à des nazis qui ont la réference du film « Juif Suss » et comprendraient que la manif s’adresse à eux en leur souhaitant la bienvenu par ce signe discret de nazisme. L’affiche est un portrait d’un fasciste désigné comme tel et la manif s’adresse à des antifa.

    • Je ne sais pas comment le dire autrement… :)
      Tu continues d’argumenter comme pour démontrer que LFI ne serait pas antisémite (pas plus que tout le monde), que ça ne s’adressait pas à des fachos, alors que ça on le sait (nous).

      Toi tu dis « mais non c’est pas une allusion pour les nazis » (ce qui évident), mais le monde médiatique va dire « les musulmans sont antisémites, pas juste les nazis, comme LFI fait du pied aux musulmans, en utilisant cette allusion antisémite… » etc.

      Ce que je dis, c’est que dans un monde où les vrais fachos et antisémites ne fonctionnent que par allusions (la quenelle Dieudo était un très bon exemple de signe rassembleur, ou l’ananas), il est logique d’accuser les autres sur le fait d’utiliser des allusions.

      Quand on est sincère, on regarde les allusions et le contexte (LFI ne propose rien d’antisémite), et quand on veut juste basher, on ne regarde que les allusions. Mais par contre on peut pas reprocher de comparer les allusions.

      Mais c’était donc très prévisible qu’avec une affiche aussi proche visuellement de plein d’autres du méchant juif, tout en ciblant une personne qui est juif et pro-israélien, en plus d’être d’extrême droite, bah tout le monde allait les basher à mort = faute politique, faute stratégique, assez majeure.

      Il y avait plein de photos de Hanouna à utiliser, la tête dans le cul d’un chien, ou bras dessus dessous avec Bolloré, autre qu’une faute stratégique comme ça.

    • Et sinon : quand on est LFI, au lieu d’utiliser une IA, on rémunère une vraie personne. (Avec pour effet induit qu’en rémunérant une personne dont c’est la profession, avec un peu de chance cette personne aura le minimum de culture visuelle qui aurait évité ça.)

    • Oui @arno l’utilisation de l’IA me semble tout à fait critiquable.
      Ca me semble un reproche légitime à leur faire.

      @rastapopoulos je ne cherche pas à te convaincre ni convaincre Pascal Praud et consor. Je partage des arguments pour les personnes qui seraient incertaines ou aurais besoin d’en convaincre d’autres.

    • On pourrait continuer de gloser sur l’antisémitisme (avéré ou supposé) de LFI ainsi que de rechercher des tropes antisémites même s’ils publiaient un visuel avec l’image d’un test de Rorschach, je préfère m’en tenir à l’essentiel qui se trouve dans le texte mis en lien dans le post d’origine :

      Dans ce contexte d’adversité considérable, alors que la fusion du bloc bourgeois avec le bloc fasciste est quasiment achevée, il est essentiel de refuser de céder à ces tentatives de diversion qui visent à fracturer notre camp. Adopter les mêmes outils rhétoriques que la droite et l’extrême-droite au nom de la défense des Juif·ves ne constitue pas une stratégie antiraciste viable, et ne permettra en aucune manière d’ériger un rempart solide face au fascisme. Dans ce contexte, la dénonciation de tropes dans l’absolu, en refusant d’appréhender leur contexte d’énonciation ou leurs conséquences matérielles, ne constitue rien d’autre qu’une manière de prendre des mues pour des serpents venimeux, au risque de détourner les yeux des dangers véritables.

    • Mais je suis bien obligé de reconnaître que, dans le contexte médiatique actuel, LFI a quand même l’art de déclencher des shitstorms, et qu’on en viendrait presque à se demander s’ils n’ont pas une taupe LR ou RN parmi leur équipe de communicants.

    • Je l’avais lu et suis en total désaccord.
      Ça ne sert à rien de dire que la forme (antisémite) ne dit rien du contenu (compliqué à assumer). Quant à l’argument de l’inversion de la charge de la preuve, il peut s’avérer aussi fragile que lorsque, par exemple, une militante de tel ou tel machin révolutionnaire critique la culture du viol dans son propre milieu et qu’on se contente de dire (comme un môme en cour de récré) : « c’est pas vrai ! tu es trop injuste ! »

      C’était trop difficile pour le cheffaillon de service de dire "on s’est planté, on a failli véhiculer une image antisémite à propos d’une ordure fasciste et pro israélienne alors que ce n’est pas le sujet. Nous sommes d’ailleurs fiers, non seulement des attaques de droite et d’extrême droite que les média ne cessent de relayer, des attaques qui prouvent la validité de notre orientation, comme nous sommes fiers de la vigilance démocratique qui s’exerce sur notre mouvement. Celle-ci est à la hauteur des attentes que suscite LFI, et c’est elle qui, dans un lien indissoluble, nous permet davantage de clarté, nous qui ne souhaitons pas verser dans une confusion qui menace de ruiner toute perpective de transformation " ? Très certainement lorsque l’on dispose en tout et pour tout d’une langue de politicard manipulateur ("rien à foutre des faits, vive la propagande et la mauvaise foi", « choisi ton camp ! »)

      Ces deux paragraphes de l’imMonde sont incontestables https://seenthis.net/messages/1105088

      (JLM aurait du tenter une psychanalyse, histoire de revenir utilement sur sa vie d’enfant de choeur chez les cathos ; JLM a inévitablement feuilleté un livre d’histoire à destination des collégiens, il y a vu des images de propagande antisémite ; je dirais que c’est un mec qui refoule, pas au sens psy, mais au sens technique du terme, comme une évacuation qui refoule).

      #déni #antisémitisme #gauche

    • Oui alors @colporteur et @parpaing, qu’on soit bien au clair avec LFI-Mélenchon. Je ne suis pas encarté chez eux et je n’ai pas spécialement le culte du chef (ou cheffaillon).
      Non, mais je suis juste ulcéré que les attaques médiatiques portent toujours sur les mêmes. Alors que du côté de certains des accusateurs, c’est comme si la SHOAH ne restait qu’un « détail de l’histoire ».
      Concernant les accusations d’antisémitisme, aucun·e de ses membres s’est vu inculpé·e de ce délit. D’ailleurs Hanouna (himself) ne porte pas plainte contre LFI pour comportement antisémite mais pour « atteinte au droit à l’image »
      https://www.20minutes.fr/societe/4144720-20250321-caricature-hanouna-france-insoumise-condamnee-atteinte-dr
      Et il réclame 3 500 €. Pas bête le bonhomme.
      (Tout comme Ciotti d’ailleurs qui porte plainte d’être désigné, lui et ses comparses, comme cibles de la « violence politique »).

      Par contre , l’avertissement porté par Tsedek est assez explicite, à savoir qu’il serait « essentiel de refuser de céder à ces tentatives de diversion qui visent à fracturer notre camp ».
      Nous avons encore deux ans pour y réfléchir. Alors comme pourrait dire le « cheffaillon », faisons mieux.

    • Tsedek a perdu toute crédibilité dans cette histoire.

      L’affiche qu’a fait LFI est antisémite.

      Quand on commet une faute politique grave il faut savoir l’assumer et s’en excuser et faire mieux après.

      Ce n’est pas à nous de devoir éteindre toute critique et resserrer les rangs derrière LFI.

    • Le mot d’ordre chez LFI, c’est que la faute est collective. Certains députés s’agacent pourtant de cette opacité, car la plupart ont découvert le visuel après publication et ne savent rien des processus de communication au siège du parti, véritable sanctuaire.

      Mis devant le fait accompli, des parlementaires disent en subir les conséquences sur le terrain : « Y aurait-il moyen de s’éviter des shitstorms (déferlement haineux sur internet), à chaque visuel ? », questionne le député Loic Prudhomme, dans un groupe WhatsApp interne. Il fait référence à un précédent visuel douteux associant Olivier Faure et Marine Le Pen, lui aussi supprimé. « Cette polémique a ceci de positif qu’elle va remettre en cause la stratégie de communication », espère un autre député.

      https://www.francetvinfo.fr/societe/antisemitisme/y-aurait-il-moyen-de-s-eviter-des-shitstorms-a-chaque-visuel-une-affich

    • Les seuls qui n’ont pas perdu de crédibilité dans cette histoire, c’est ceux qui n’en n’ont jamais eu  ! L’édito du Monde en est l’exemple type, en réussissant à proférer autant de bêtises en si peu de lignes, tout en débarquant une semaine après la bataille.

      Le seul à mes yeux qui a eu les mots justes, c’est Gunthert sur L’image sociale. En particulier, en rappelant la contradiction majeure de tous les prétendus anti-racistes qui viennent hurler contre l’image d’Hanouna mais ne sont pas du tout gênés par celle de Praud, pourtant strictement identique.

    • Merci pour ton commentaire @inadvertance !

      Une précision.

      Dans mon dernier commentaire, j’affirme péremptoirement que l’affiche publiée (et vite retirée mais le mal était fait) est antisémite.

      Vous avez parfaitement le droit de concevoir que non (Ou d’euphemiser la chose par des formules telle que « reprend les codes de l’iconographie antisémite des années 30/40 ».).

      Affirmer que tel support de communication (pour appeler à une manif contre le racisme...) est raciste ne veut pas dire que les personnes qui l’ont publié le sont. On peut parfaitement véhiculer des clichés racistes sans en avoir conscience. A priori c’est cette hypothèse qui est la vraie (du moins c’est celle que je préfère croire).

      L’argument judiciaire ne tient pas. La vérité judiciaire (qui tiendrait compte d’une intentionalité et prendrait le soin dune contextualisation) est une chose. Les ressentis en sont une autre. (Je ne parviens pas à me souvenir où, probablement dans un seen, j’avais lu quelque chose d’éclairant là dessus... probablement sur un sujet autour de questions de violences sexuelles.)

      Voilà, je m’arrête là pour le moment (j’espère !). Je n’ai pas l’habitude de commenter, c’est usant sur de tels épineux sujets ! Merci à vous tous pour la qualité et la bienveillance du débat.

    • Franchement Gunthert il fait tout ce qu’il faut pas :

      – S’en remettre pleinement et seulement qu’à la justice (alors que le problème est politique).

      – Passer sous silence les ressentis de ceux qui ont été choqué par l’affiche. Dans sa thèse, si on a osé une critique on est soit un idiot soit un manipulateur (voir un mélange des deux).

      – Jouer avec arrogance une position d’autorité intellectuelle du haut de son statut de prof.

      – Jouer (sur son fil bluesky) la concurrence des victimes entre musulmans et juifs.

  • … les parents de la fillette ont dénoncé aussi bien l’inertie de l’éducation nationale – contre laquelle il n’y aura aucune poursuite pénale à la suite d’une indemnisation – que le manque d’investigations des autorités, une première plainte ayant été classée alors qu’Evaëlle était encore vivante. « On a alerté tous ceux qu’on pouvait en tant que parents d’élèves », a souligné la mère.

    #déshumanisation #harcèlement #enfance #suicide #souffrance_a_l'école #déni_politique #laches #assassins #sadisme_éducatif #violences #france_2025
    #systémisme

    Je l’écris avec d’autant plus de tristesse et de rage que toujours rien ne bouge. Car je me suis moi même heurtée au mur de déni de l’institution lorsque, parent, j’ai dénoncé les humiliations et violences physiques sur des petits dont j’avais été témoin. C’était une prof de maternelle en fin de carrière, qui laissée seule avec 25 gamins avait sombré méchante et acariâtre, sa spirale de violence happait les unes et les autres autant durant les siestes que les sorties, frappant, insultant, et toute l’institution l’a alors protégé.

    Envie d’un contrepoint de tags salvateurs

    #courage #empathie #réhumaniser #douceur #apprendre_les_autres #s'entraider #politique_du_vivre_ensemble #reconnaitre_ses_émotions #consolation

  • Bien sûr que si, la #biodiversité s’effondre en #Europe

    Un nouveau discours dénialiste émerge : la biodiversité serait saine et sauve en Europe. C’est ce qu’affirme le porte-parole d’un think tank, #Action_Écologie. Les scientifiques s’opposent à cette déclaration, car elle n’est pas scientifiquement valide.

    Nous vivons la sixième #extinction_de_masse : la biodiversité s’effondre. Mais l’Europe fait-elle exception ? C’est ce que sous-entend une interview du porte-parole du think tank « Action Écologie », #Bertrand_Alliot, dans Le Point le 20 octobre 2024 : « La biodiversité ne s’effondre pas en Europe. » Problème : cette citation est scientifiquement fausse.

    La biodiversité européenne est en #danger

    Prenons d’abord le seul cas de la #France. En 2021, l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), le Muséum d’histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité publiaient un rapport synthétique s’écoulant sur 13 ans (https://www.numerama.com/sciences/692810-biodiversite-plus-de-2-000-especes-sont-menacees-en-france-et-ca-em). Au total, 13 842 espèces évaluées (France métropolitaine et outre-mer) ont été prises en compte : sur cet ensemble, 2 430 ont été classées comme menacées et 187 ont tout bonnement disparu. En proportion, sur le nombre d’espèces étudiées, 17,6 % sont en danger. Ce même rapport montrait que cela empire.

    Et à l’échelle européenne ? « La biodiversité — la diversité essentielle des formes de vie sur Terre — continue de décliner dans chaque région du monde », indiquait l’IPBES (groupe international d’experts sur la biodiversité sous l’égide de l’ONU) en 2018. Dans ce #rapport (https://files.ipbes.net/ipbes-web-prod-public-files/downloads/spm_2b_eca_digital_20180622.pdf), elle est claire : « La biodiversité de l’Europe et de l’Asie centrale connaît un fort #déclin continu. » Les paysages terrestres et marins sont devenus « plus uniformes dans leur composition en espèces », alerte la plateforme scientifique : « Les écosystèmes ont considérablement diminué en termes de diversité des espèces. Parmi les espèces évaluées vivant exclusivement en Europe et en Asie centrale, 28 % sont menacées. »

    Il est également possible d’aller jeter un œil du côté du Muséum d’histoire naturelle. Celui-ci rappelle sur son site qu’un quart des oiseaux d’Europe ont disparu ces 30 dernières années et que 80 % des insectes ailés ont chuté en l’espace de 40 ans en Europe. Rien qu’à Paris, « 60 % des moineaux ont disparu en 15 ans ». En clair, les sources et les études sont solides quant à l’effondrement de la biodiversité en Europe, et aux enjeux de sauvegarde.

    Sur les réseaux sociaux, des scientifiques reconnus ont pris la parole pour contester la teneur de cette interview. C’est le cas de l’écologue Sophie Leguil, par exemple, dans un thread très complet et à consulter. Elle rebondit notamment sur l’indice Planète vivante (LPI) en zone tempérée, mentionné par Bertrand Alliot, lequel affirme que cet indice indiquerait un redressement de la biodiversité dans les pays riches. « Non, le LPI ne s’intéresse qu’aux vertébrés (une petite proportion du vivant) », nuance Sophie Leguil.

    Elle ajoute : « Si l’on regarde l’évolution du LPI pour l’Europe et l’Asie, on constate que l’augmentation des populations de vertébrés mentionnée précédemment n’a pas duré, malgré des succès de conservation indéniables. » En effet, la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité n’est pas sans certaines réussites : mais il est nécessaire de ne pas désinformer sur la réalité de la crise, pour que ces politiques de conservation puissent avoir lieu et être utiles. Quelques réussites ne surpassent la crise du vivant dans son ensemble et le déclin plus global mis en avant par les travaux de recherche.

    En clair : il n’est pas « catastrophiste » d’affirmer que la biodiversité est menacée en Europe. Il s’agit au contraire d’une réalité très concrète (22 % des espèces animales européennes sont menacées d’extinction selon l’IUCN). Les macareux ont fait l’objet d’une étude publiée en 2022 dans une revue scientifique, qui montrait que les oiseaux de mer tels que les mouettes tridactyles et les macareux voient leurs habitats être de plus en plus menacés en Europe : « (…) Les menaces liées au changement climatique mises en évidence par les groupes de conservation des oiseaux de mer européens sont souvent mal comprises et (…) plusieurs menaces mises en évidence par les chercheurs et les groupes de conservation ne font pas l’objet d’actions de conservation claires. »

    Mais, selon Bertrand Alliot, ce ne serait pas grave si le macareux moine venant à disparaître d’une aire spécifique, comme en Bretagne, et il faudrait toujours parler à l’échelle mondiale. Sauf que, comme le pointe Sophie Leguil, en écologie scientifique, il y a aussi une notion fondamentale de diversité génétique locale, importante pour la bonne santé du vivant dans son ensemble. Sauver des espèces dans chaque région où elles habitent sert aussi à préserver les écosystèmes. La biologie de la conservation s’applique à des aires localisées pour de bonnes raisons.
    La désinformation sur la biodiversité

    D’ailleurs, on peut s’étonner de la publication de cette interview au premier jour de la COP16 dédiée à la biodiversité, plus grand sommet international dédié à la crise du vivant (en complément de la COP dédiée au climat — la COP29 attendue pour novembre). Le choix de la personne interviewée, qui n’est ni un scientifique ni un spécialiste reconnu sur les sujets environnementaux — au contraire –, pose question.

    Ses positions sur les réseaux sociaux ne correspondent en rien à la science et font même le jeu du climatoscepticisme. Au moment de son interview, celui-ci déclare sur X que « le récit de la crise climatique commence à s’épuiser et il faut donc nourrir une autre peur : celle de l’effondrement de la biodiversité ». L’occasion de rappeler que la crise climatique n’est pas un récit, encore moins épuisé, mais un fait scientifiquement avéré. C’est une urgence prouvée comme telle par des sources établies, et dont l’origine humaine fait consensus dans la communauté scientifique.

    Ses déclarations sont régulièrement et facilement contestées. En réponse à un rapport de la Ligue de protection des oiseaux montrant l’effondrement des populations d’oiseau, Bertrand Alliot affirmait qu’il y avait à l’inverse une « explosion » des oiseaux d’eau. Cette affirmation aura rapidement été récusée, en réponse, par des spécialistes, en raison de nombreuses confusions. On le voit aussi reposter des considérations absurdes, comme un internaute déclarant qu’« il n’y a tellement plus d’animaux que @letelegramme fait un dossier sur les collisions qui explosent », comme si les collisions avec des animaux sur les routes invalidaient le déclin des espèces.

    Pour éviter le pire, il faut agir, pas dénier la réalité.

    De même, sur son site internet, Action Écologie livre un discours basé sur « le pire n’est pas certain ». Or, le dernier rapport du GIEC montrait justement l’urgence de la situation : pour que le « pire » soit évité, une action rapide et ample est justement nécessaire. Cette déconnexion de la réalité se révèle aussi dans une exploration plus poussée des comptes d’Action Écologie et de Bertrand Alliot sur les réseaux sociaux. On y trouve des interactions et des liens récurrents avec des groupes (« l’association des climatoréalistes ») et personnalités climatosceptiques.

    Si les débats sont possibles en écologie politique et scientifique, sur les solutions comme les méthodologies, ils doivent malgré tout se faire dans le cadre des faits, et en responsabilité. La publication de cette interview apparaît donc assez irresponsable tant les propos sont dénués de source et que le profil de la personne interviewée n’a pas non plus d’ancrage scientifique valide. Durant la crise du covid, nous alertions déjà sur les invitations irresponsables de pseudo-experts dans certains médias : ce constat s’applique aussi à l’environnement.

    https://www.numerama.com/sciences/1829516-bien-sur-que-si-la-biodiversite-seffondre-en-europe.html
    #effondrement #déni #fact-checking

  • #Immigration : le grand #déni

    Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « #tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une #anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces #illusions, il faut en revenir aux #faits. Oui, la population immigrée a progressé en #France depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la #loi_Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.

    https://www.seuil.com/ouvrage/immigration-le-grand-deni-francois-heran/9782021531145
    #livre #préjugés #migrations #idées_reçues #afflux #invasion #statistiques #chiffres
    ping @karine4

  • #Adèle_Haenel : « Je veux que les #enfants aient droit à une #enfance »

    Après la condamnation de #Christophe_Ruggia pour agressions sexuelles sur mineure lundi 3 février, la comédienne Adèle Haenel accorde sa première réaction à Mediapart, cinq ans après sa prise de parole qui a marqué les esprits. Elle évoque son long parcours judiciaire, la prégnance des #violences_sexuelles dans la société, et sa sortie du cinéma.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/040225/adele-haenel-je-veux-que-les-enfants-aient-droit-une-enfance
    #interview #metoo #harcèlement_sexuel #attouchement #cinéma #les_monstres_n'existent_pas #procédure_pénale #mensonges #violence #procès #endurance #justice #système_judiciaire #plainte #droits_humains #réparation #fait_social #dépolitisation #responsabilité #silence #silenciation #déni #embrouillage #cruauté #ordre #changer_le_monde #violence_patriarcal #patriarcat #viol #parole #dignité #rendre_la_vie_pour_toutes_et_tous

  • 65 ans après « #Gerboise_bleue » : La #France toujours dans le #déni

    Le 13 février 1960, l’Etat français expérimentait « Gerboise bleue », le premier de ses 17 #essais_nucléaires atmosphériques et souterrains jusqu’en 1966, à #Reggane, dans le Sud algérien. Sujet #tabou vis-à-vis de la société française et statu quo à l’égard des autorités algériennes qui n’ont eu de cesse réclamer à la France depuis des décennies #réparation pour les graves #dommages occasionnés à l’#environnement et à la population locale exposée aux risques de #contamination sur des générations. D’assumer ses #responsabilités et de fournir documents et informations devant servir à la décontamination des sites. L’Etat français répond à cette demande légitime par le déni, arguant que les essais ont été « propres » et engendrant peu de dégâts.

    Dès le premier essai, « Gerboise bleue », les #retombées_radioactives sont importantes. Elles ont touché une grande partie de l’Afrique au nord de l’Equateur. Treize jours après, elles atteignent les côtes espagnoles et recouvrent la moitié de la Sicile ! C’est ainsi que le jour suivant l’explosion, le #nuage_radioactif arrive en Libye, traverse une partie du Niger pour atteindre les alentours de N’Djamena, capitale du Tchad.

    A J+4, les retombées recouvrent des milliers de kilomètres carrés pour atteindre le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Mali. Douze jours après l’explosion, les retombées radioactives atteignent Alger en passant par le Sahara occidental et le Maroc. Le lendemain, le nuage traverse la mer Méditerranée et approche des côtes espagnoles et de la Sicile.

    On est bien loin de la version officielle française qui laissait entendre dans une #carte publiée par le ministère de la défense français en 2007 dans un document sur les essais français au #Sahara, présenté comme un « gage de transparence » au moment où le gouvernement algérien organisait à Alger une conférence internationale sur les conséquences environnementales et sanitaires des essais nucléaires.

    La délimitation des retombées de « Gerboise bleue » du document de 2007 avait été sérieusement modifiée par rapport à ce qui s’est réellement produit en 1960 et n’indiquait plus qu’un minuscule « secteur angulaire » couvrant une zone non habitée à l’est du point zéro de #Hamoudia.

    On comprendra toute la gravité de cette #désinformation du ministère français de la Défense quand on sait que cette carte de 2007 retouchée a servi à délimiter la zone géographique saharienne où devraient se trouver les personnels civils et militaires et les populations pour bénéficier de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français du 5 janvier 2010.

    La thèse d’essais « propres » démentie par des experts indépendants

    L’Observatoire des armements /Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC) relève que le nombre global de documents classés « secret défense » relatifs aux essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie (1960 – 1996) déclassifiés en 2013 par le ministère français de la Défense est dérisoire : moins de 5%.

    Soit une trentaine de documents sur 154 qui ont de l’intérêt, selon les experts de l’Observatoire qui les ont analysés. Et cette déclassification résulte de la procédure judiciaire engagée en 2004 par des associations de victimes des essais nucléaires français en Algérie et en #Polynésie, l’#Aven et #Moruroa e tatou auprès du Parquet de Paris.

    Tandis que le rapport de 1996 intitulé « La genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara (CSEM et CEMO) » ne faisait pas partie des documents déclassifiés de la série saharienne, alors que sa divulgation, en 2009, par l’Observatoire des armements (revue de l’Observatoire, Damoclès, n°128-129) a mis en évidence que les essais nucléaires français au Sahara n’ont pas été « propres ».

    Ce rapport, classé « confidentiel-défense », est une synthèse rédigée à partir des documents militaires d’époque, classés « secret » ou « confidentiel défense »…

    « Même s’il apporte des informations jusque-là non connues, il s’agit bien d’une ‘relecture officielle’ de la période des essais nucléaires français », note la revue Damoclès. « Les rédacteurs ont dû trier dans les documents sources, ce qui explique les incohérences et surtout les silences et les omissions. » « C’est manifestement le cas pour les ‘ratés’ des essais au Sahara, notamment ‘Gerboise verte’ ou l’accident du tir Béryl »…

    Ainsi, on apprend que sur les treize tirs effectués entre 1961 et 1966, douze ont fait l’objet de fuites radioactives. Seul le tir « Turquoise » du 28 novembre 1964 n’aura pas provoqué de radioactivité à l’extérieur.

    Quant aux conséquences de ces radiations, elles ne se sont pas arrêtées avec la fin des essais et la fermeture administrative des sites, mais perdurent aujourd’hui encore, à la fois compte tenu de la très longue durée de vie de certains éléments radioactifs et du fait que la France a laissé de nombreux déchets nucléaires enfouis dans le désert.

    Feu Bruno Barrillot, expert et cofondateur de l’Observatoire des armements, nous indiquait dans un entretien à El Watan en 2014 que l’urgence, c’est In Ekker, zone où s’est produite la catastrophe de Beryl. L’expert évoquait « une immense coulée de lave de 600 m de long à ciel ouvert.

    On ne pouvait pas l’approcher à moins de 20 m ». « La dernière fois où j’étais passé, des Chinois qui construisaient un aqueduc ont raconté qu’ils avaient retrouvé des fûts de matériaux radioactifs en creusant le sol. A Hamoudia, il reste visiblement des traces de sable vitrifié qui s’effrite et qui peut être emporté par les vents. Une simple poussière inhalée, c’est un risque de développement d’un foyer de cancer. »

    Deux anciens scientifiques du contingent, Louis Bulidon et Raymond Séné, étaient présents à In Ekker en mai 1962. Ils avaient la charge des mesures de radioactivité, et leurs appareils ont enregistré les retombées radioactives du nuage de l’accident Béryl dans l’axe nord-sud, c’est-à-dire sur la zone la plus habitée de la région allant de la montagne du Tan Afela, au nord, à Tamanrasset et jusqu’au fleuve Niger, au sud.

    « Plus de 5000 personnes, hommes, femmes et enfants, habitant cette région du Hoggar, sans compter les quelque 2000 militaires et civils employés aux essais sur la base d’In Amguel et le millier de travailleurs « recrutés localement dans tout le Sahara, ont été affectés par le nuage radioactif. » Toutes les mesures faites par les deux scientifiques ont été enregistrées et restent, aujourd’hui, cadenassées dans les archives françaises gardées secrètes, au nom de « la raison d’Etat ».
    L’Algérie n’a eu de cesse d’appeler la France à assumer ses responsabilités

    Le chef d’état-major de l’ANP, Saïd Chanegriha, avait demandé à son homologue français, François Lecointre, à Alger le 8 avril 2021, « la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et d’In Ekker, et la récupération des cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques ».

    En juin de la même année, et dans une interview accordée au Point, le président Tebboune appelait « la France à soigner les victimes des essais nucléaires. Le monde s’est mobilisé pour Tchernobyl, alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations ». Récemment encore, il appelait les autorités françaises à venir nettoyer les déchets laissés sur-place.

    Aussi, « l’absence d’informations techniques sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui » est un « crime majeur commis par la France coloniale », selon les termes du général Bouzid Boufrioua, chef du service du génie de combat du Commandement des forces terrestres de l’ANP.

    Dans l’éditorial de son édition de ce mois de février 2025, El Djeïch, la revue de l’Armée nationale populaire (ANP), est revenue sur les essais nucléaires français, crime du colonialisme français que l’Algérie commémore pendant ce mois de février. El Djeïch évoque ce « crime odieux qui demeurera, à jamais, une tache indélébile au front de la France coloniale ».

    Dans leur étude, « Sous le sable, la radioactivité »* rendue publique le 27 août 2020, ICAN France*** et l’Observatoire des armements rappellent qu’« à ces matériaux contaminés, laissés volontairement sur- place aux générations futures, s’ajoutent deux autres catégories : des déchets non radioactifs… et des matières radioactives (sables vitrifiés, roche et lave contaminées) issues des explosions nucléaires ».
    Pour Jean-Marie Collin, expert et porte-parole d’ICAN France, « ces déchets sont de la responsabilité de la France et aujourd’hui du président Macron.

    Il n’est plus possible que ce gouvernement attende encore pour remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ils ont été enfouis. Pourquoi continuer de faire peser sur ces populations des risques sanitaires, transgénérationnels et environnementaux ? ». L’Etat français est resté quasiment sourd aux demandes d’information insistantes et de documents référents formulées par les autorités algériennes.

    Le déni français est total. Jusqu’à une information diffusée la semaine dernière selon laquelle les poussières transportées par les vents de sable du Sahara sur la France ne proviennent pas du Sahara et ne sont pas radioactives. La coïncidence de la diffusion de cette information avec la proximité du soixante cinquième anniversaire du premier essai nucléaire français « Gerboise bleue » est édifiante.
    Le « secret défense » français renforcé par la loi de 2008

    Le « secret défense » français a été renforcé par l’adoption le 15 juillet 2008 d’une loi rendant les archives sur les essais nucléaires non communicables sans une autorisation spécifique du ministère de la Défense.

    Assurer la transparence sur ces essais nucléaires par la déclassification des dossiers et rapports significatifs – il en reste des milliers – contribuerait à faire avancer la vérité et à rendre justice aux victimes directes et aux générations futures. Et aussi parce que la communication de la cartographie des sites d’enfouissement est primordiale, afin de les sécuriser et éventuellement de regrouper les déchets selon des normes conformes à la réglementation internationale.

    A noter que le ministère français de la Défense évalue le personnel qui a travaillé pour les essais nucléaires français en Algérie au Centre d’expérimentations militaires (région de Reggane) et au Centre d’expérimentations militaires des Oasis (In Ekker) à 27 000, dont environ 3000 travailleurs algériens employés localement. Quant aux populations de la région de Reggane, elles avaient été estimées à 50 000 personnes en 1957.

    Seules deux victimes algériennes indemnisées par la « loi Morin »

    La « loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires de la France », dite « loi Morin », du nom du ministre de la Défense de l’époque, entrée en vigueur le 5 janvier 2010, a été obtenue après plus de dix ans d’actions menées par les associations et leurs soutiens auprès des parlementaires, des autorités politiques et militaires, des médias. Il a fallu ensuite encore quasi une dizaine d’années pour que la loi puisse commencer à bénéficier à des victimes.

    Elle repose sur trois conditions pour le dépôt d’un dossier de demande d’indemnisation : 1/ avoir résidé sur les zones définies par décret où se sont déroulés les essais ; 2/ durant une période comprise entre le début et la fin des essais et 3/ avoir contracté une des 23 pathologies reconnues comme potentiellement radio-induites listées par décret.

    Dans la pratique, c’est beaucoup plus compliqué. Les dossiers doivent se faire en langue française, les démarches se font essentiellement par internet, il faut fournir nombre de documents administratifs, dossiers médicaux difficiles à obtenir.

    En Polynésie, les associations aident les populations, des équipes socio-médicales ont également été envoyées sur-place pour favoriser le montage de dossiers. Ce qui a permis de diagnostiquer 13 000 personnes impactées par une des maladies répertoriées dans la loi Morin, dont 400 ont été indemnisées.

    Jusqu’à fin 2023, ce sont 1026 victimes qui ont été indemnisées en tout, dont seulement deux résidant en Algérie ! Une commission d’une trentaine de députés français qui s’est emparée de la loi en vue de son amélioration pour qu’elle bénéficie au plus grand nombre de victimes doit rendre public son rapport courant juin prochain. La partie algérienne jusqu’à l’indépendance de l’Algérie est concernée par les travaux de cette commission.

    Concernant la prise en charge des victimes algériennes irradiées, l’indemnisation potentielle par l’Etat français des Algériens irradiés ne constitue pour les autorités algériennes qu’un aspect du traitement global de la question des retombées nocives des essais nucléaires durant les années 1960. C’est pourquoi l’Algérie plaide pour un règlement global collectif et non une prise en charge individuelle des victimes. -N. B.

    https://elwatan-dz.com/65-ans-apres-gerboise-bleue-la-france-toujours-dans-le-deni

    #histoire #histoire_coloniale #nucléaire

  • Viols sur mineurs à Bétharram : les mensonges de Bayrou pour défendre une institution catholique | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/050225/viols-sur-mineurs-betharram-les-mensonges-de-bayrou-pour-defendre-une-inst

    Des prêtres et des surveillants du pensionnat Notre-Dame-de-Bétharram, près de Pau, sont visés par une centaine de plaintes. Malgré l’ampleur du scandale, François Bayrou, qui y a scolarisé ses enfants, jure qu’il ignorait tout. Plusieurs documents et témoignages recueillis par Mediapart prouvent le contraire.

    David Perrotin et Antton Rouget

    5 février 2025

  • La plus grande association d’historiens aux États-Unis condamne le « scolasticide » d’Israël - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1442467/la-plus-grande-association-dhistoriens-aux-etats-unis-condamne-le-sco

    Après avoir détaillé l’ampleur des destructions à Gaza, la résolution conclut que l’AHA, « qui soutient le droit de tous les peuples à enseigner et à apprendre librement leur histoire, condamne la violence israélienne à Gaza qui sape ce droit ». La résolution de l’AHA appelle ainsi à « un cessez-le-feu permanent pour mettre fin au scolasticide », ainsi qu’à la formation d’ « un comité pour aider à reconstruire les infrastructures éducatives de Gaza ».

    La professeure Barbara Weinstein, enseignante en histoire à l’Université de New York et ancienne présidente de l’AHA, a déclaré lundi dans une interview accordée à l’émission américaine Democracy Now ! : « Au fil des années, il est devenu de plus en plus évident que nous ne pouvons pas adopter une définition étroite de nos rôles en tant qu’historiens. »

    Weinstein a décrit l’organisation comme ayant historiquement été relativement modérée, voire conservatrice, ce qui rendrait cette résolution significative, car elle témoignerait d’une « volonté croissante de ses membres de prendre position sur des questions directement liées à nos rôles d’historiens, d’éducateurs, de chercheurs et d’archivistes ».

    Rien dans les MSM français

  • Breaking: Israeli prosecutor says state has no rape cases against Palestinians from 7/10 raid – SKWAWKBOX
    https://skwawkbox.org/2025/01/05/breaking-israeli-prosecutor-says-state-has-no-rape-cases-against-palestin

    Israeli media outlet Ynet has published an interview with Moran Gaz, until recently, the head of the security cases division at the Southern District Prosecutor’s Office in Israel and a member of ‘Team 7.10,’ which responsible for cases involving captured Palestinians in connection with the October 7th attacks.

    Gaz has admitted that, despite having over fourteen months to investigate the Israeli regime’s claims of ‘mass’ and ‘systematic’ rape on 7 October 2023, her department has no evidence of any rapes or sexual assaults and is filing no cases for prosecution:

    In the end, we don’t have any complainants. What was presented in the media compared to what will eventually come together will be entirely different…
    We approached women’s rights organisations and asked for cooperation. They told us that no one had approached them.

    Gaz claims that this may be because rape victims were killed or are unwilling to come forward, but ignored the other more obvious conclusion – particularly since no one has approached women’s rights organisations even confidentially. So conspicuous is the lack of evidence that Gaz advocates lowering legal standards for a conviction because otherwise the prosecution will find it ‘difficult’.

    The conclusion ignored by Gaz fits far better with other available facts too. Israeli, UK, US and other international ‘mainstream’ media and politicians shamelessly amplified Israeli ‘atrocity propaganda’ claims of the use of rape as a weapon during the 7 October raid in southern Israel. So entrenched was the propaganda that they even claimed that an investigation by two United Nations experts had confirmed the claims – but in fact, in March last year, the two women investigators published their findings that they had found zero evidence of rape or sexual assault and that every claim Israel had made was either unverified or proven to be completely unfounded.

    Similarly lurid claims of babies beheads or baked in ovens were also completely disproven, yet continue to be used by propagandists and western politicians – who equally ignore the overwhelming evidence (and Israeli admissions) that most of the Israeli victims during the raid were killed by their own forces.

    Despite these clear facts, Gaz believes that anyone detained by Israel on 7 October “have no right to live”, typifying the genocidal urge of the Israeli regime and its apologists.

  • Dans l’Indre, un maire enterre « la mort dans l’âme » un projet de centre d’accueil de demandeurs d’asile

    Après deux ans de vives tensions alimentées par l’extrême droite politique et groupusculaire, le projet d’ouvrir un #Cada à #Bélâbre, dans l’Indre, a été abandonné. Menacé de mort, le maire de la commune, #Laurent_Laroche, revient sur cette décision, qu’il regrette.

    Le 18 décembre, Laurent Laroche, maire de la petite commune de Bélâbre (#Indre) a annoncé, aux côtés du préfet, l’#abandon du #projet de création d’un #centre_d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Depuis deux ans, la transformation d’une ancienne usine de chemises abandonnée en structure d’accueil a provoqué de vives tensions, dans le sillage de l’extrême droite partisane et groupusculaire.

    Le médiatique avocat #Pierre_Gentillet, candidat du Rassemblement national (RN) aux élections législatives de 2024 dans une circonscription voisine, a utilisé ses réseaux pour attirer la lumière sur ce projet, tandis que des militants d’extrême droite promettaient de faire de Bélâbre « un nouveau #Callac ». En 2023, un projet d’accueil de familles réfugiées a été abandonné dans cette commune bretonne, après une campagne de protestation et de harcèlement des élu·es par l’extrême droite.

    Après deux ans à porter l’initiative avec son conseil municipal, le maire divers gauche de Bélâbre, Laurent Laroche, revient sur l’épilogue de ce projet. Amer, il regrette que la mobilisation de l’extrême droite et les difficultés financières de l’association en charge du futur Cada aient mis un terme à ce projet d’accueil, qui aurait permis de redynamiser la petite commune.

    Mediapart : Pourquoi le projet de Cada a-t-il finalement été abandonné fin décembre ?

    Laurent Laroche : L’association #Viltaïs, qui était en charge du projet, rencontrait d’importantes difficultés financières, malgré sa reprise par le groupe SOS. Les travaux de rénovation de l’ancienne chemiserie étaient trop coûteux. À l’été, nous avions fait une proposition alternative à Viltaïs : transformer un ancien hôtel de Bélâbre en Cada, un projet moins coûteux, à plus petite échelle.

    J’en avais parlé au préfet de l’Indre, qui l’a très mal pris. J’ai été vraiment blessé par ses propos, il disait qu’il n’était pas favorable à ce projet, que ça allait raviver les tensions et réveiller les opposants alors qu’il avait ramené la paix à Bélâbre. On a fini par se voir le 18 décembre, et on a enterré le projet en actant l’incapacité de Viltaïs à le mener à bien. La mort dans l’âme.

    Les opposants au projet revendiquent un succès, à l’image de Pierre Gentillet, qui savoure la victoire d’« une communauté enracinée » qui fait « plier la volonté de gouvernants déconnectés ». Comment réagissez-vous ?

    On était inquiets depuis longtemps, quand on est élu on sait que ce qui compte, c’est quand on pose la dernière pierre d’un projet. Toute cette histoire nous avait un peu préparés à cette issue. Mais l’amertume que j’ai aujourd’hui, c’est de voir les opposants qui disent qu’ils ont gagné. Ils n’ont pas gagné, on cède face à la situation économique que rencontre l’association Viltaïs. Même si dans mon for intérieur, je me dis que l’État a quand même un peu cédé à la pression de l’extrême droite. Ce qui me rend amer, c’est que je n’aurais pas l’occasion de prouver aux Bélabrais que l’installation des demandeurs d’asile aurait pu très bien se passer.

    Aujourd’hui, le préfet, lui, est enchanté, il peut maintenant se glorifier en disant qu’il a ramené le calme à Bélâbre. Mais dans l’Indre, il nous a annoncé qu’on risquait 200 fermetures de classes d’ici 2030. Ce projet de Cada, il servait aussi à ça, à redynamiser le territoire. On ne s’est pas levés un matin avec le conseil municipal en se disant « tiens, si on ouvrait un centre pour accueillir des demandeurs d’asile », on y a réfléchi.

    Quel bilan tirez-vous de ces deux années de tension autour de ce projet de centre d’accueil ?

    Personnellement, je pense que l’erreur qu’on a commise, c’est que ce projet a été bien préparé mais qu’on aurait pu mieux communiquer dessus. On a sous-estimé qu’au lendemain d’une élection présidentielle où le RN fait des très gros scores sur la commune, forcément, il y a un habitant sur trois qui vote RN. Et la campagne présidentielle s’est beaucoup faite sur l’immigration, sur le rejet de l’autre. Moi, je me disais que ce vote s’expliquait beaucoup par la désertification médicale, le retrait des services publics, et j’ai sous-estimé cet aspect.

    Il y a eu un noyau d’opposants, pas très nombreux mais très bons en #communication, qui a réussi à entraîner des gens, de l’#attention_médiatique et qui a profondément divisé la commune. On s’est retrouvés avec les caméras de #Valeurs_actuelles, des militants du #RN et de #Reconquête, c’était beaucoup.

    Comment avez-vous vécu personnellement cette période ?

    Je suis peut-être naïf, mais j’ai été très surpris par l’ampleur que cette histoire a prise. Tout ça pour ça… L’extrême droite nous a inscrits, dès le début, comme une commune avec des élus « à abattre », le but était de faire « un nouveau Callac », c’était très inquiétant. On a reçu des centaines de #menaces, de courriers, de mails, d’appels téléphoniques injurieux ou menaçants, évidemment je ne peux pas dire que je l’ai bien vécu. On n’avait jamais vu ça, on s’est retrouvés sur notre petite commune avec des manifestations encadrées par 80 gendarmes.

    Le moindre fait divers impliquant un demandeur d’asile ou un étranger était instrumentalisé, des militants de l’#Action_française de Poitiers sont même venus s’introduire dans la chemiserie, faire des tags et poser avec une banderole « Stop immigration ».

    J’ai reçu des #menaces_de_mort et j’ai été placé sous #protection_policière. Une personne avait appelé à mon domicile pour me menacer, elle a été condamnée, tout comme une autre qui avait menacé de venir brûler ma maison. J’ai également eu un suivi psychologique, que j’ai toujours un peu, grâce à l’Association des maires de France.

    Mon erreur, c’est qu’au plus fort de la crise, quand on avait des #manifestations tous les mois et qu’on m’insultait en permanence, j’ai refusé de porter #plainte. J’étais encore dans une sorte de #déni, et je ne voulais pas porter plainte contre des habitants de la commune. C’était un tort, les gendarmes m’ont conseillé de le faire mais j’ai refusé. Ça aurait peut-être permis de dissuader les gens, de calmer un peu le jeu. L’imbécile qui a appelé chez moi au mois d’octobre ne l’aurait peut-être pas fait si j’avais déposé plainte plus tôt.

    Ces événements vous ont-ils fait vous poser la question de la démission ?

    La question de la démission m’a effleuré l’esprit évidemment, j’étais parfois au trente-sixième dessous. C’est grâce à l’équipe du conseil municipal que j’ai pu tenir aussi, j’ai des amitiés qui sont nées de ce combat, ça a été important. Et démissionner aurait fait trop de plaisir aux opposants au Cada.

    Pour la suite, les élections municipales de 2026, ma décision n’est pas encore prise. La cheffe de file des anti-Cada a déjà annoncé sa candidature, soutenue par le RN. Mais même si je ne fais pas de troisième mandat, j’essaierai de m’investir pour qu’une liste émerge de l’équipe municipale actuelle.

    Si je n’ai pas encore pris ma décision, c’est aussi qu’il reste encore beaucoup de projets à mener. L’objectif de l’extrême droite, ils le disaient, c’était de nous « pourrir la vie ». Des gens me l’ont dit en face. Leur but c’était de me faire #peur, de me pousser à la démission ou à ne pas me représenter, et de paralyser la vie de la commune.

    Certes, on n’a pas mené le projet de Cada jusqu’au bout et ça nous rend tristes. Mais on a ouvert une maison médicale avec trois médecins en plein désert médical, on a un projet de médiathèque... La vie communale ne s’est pas arrêtée pour autant. On a réussi ça, on a continué à mener des projets.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020125/dans-l-indre-un-maire-enterre-la-mort-dans-l-ame-un-projet-de-centre-d-acc
    #accueil #réfugiés #migrations #France #extrême_droite

    via @karine4

  • Pourquoi les mannequins de secourisme n’ont pas de seins ? | Les Glorieuses
    https://lesglorieuses.fr/mannequins-sans-seins

    Les sondages suggèrent que certaines personnes hésitent à effectuer un massage cardiaque sur des femmes parce qu’elles pensent qu’elles sont fragiles et donc sujettes aux blessures. D’autres s’inquiètent d’être accusées d’agression sexuelle ou se sentent gênées à l’idée de devoir retirer des vêtements. Les conséquences sont mortelles. Les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de mourir d’un arrêt cardiaque.

    “Nous pensons qu’il existe un lien entre la façon dont nous formons les gens et le fait que les femmes ne reçoivent pas de RCP”, a déclaré une des autrices de l’étude, Jessica Stokes-Parish, infirmière en soins intensifs et professeure de médecine à l’Université Bond en Australie.

    C’est en réfléchissant à la manière de préparer le personnel aux urgences obstétricales que Jessica Stokes-Parish et sa co-autrice, Rebecca Szabo, ont réalisé qu’elles n’avaient jamais croisé de mannequins de secourisme avec des seins auparavant, et encore moins un mannequin qui ressemblerait à une femme enceinte.

    “En tant que soignant·es travaillant en soins intensifs, la RCP est notre pain quotidien. Nous savons comment faire”, a déclaré l’infirmière. “En tant que femmes, la question des seins ne nous était jamais venue à l’esprit. Mais ensuite, nous avons pensé : qu’en est-il des formations
    de premiers secours et des jeunes qui n’ont jamais vu une autre personne nue auparavant ? Dans ces cas, être confronté·e à des seins est un sacré choc ! Alors nous avons décidé de creuser la question.”

    Elles se sont mises à cataloguer les fournisseurs de mannequins de RCP pour adultes, identifiant 72 fournisseurs qui travaillaient avec neuf fabricants différents, et proposant un total de 20 mannequins. Cinq de ces mannequins étaient supposément féminins, mais un seul avait des seins. Un autre seulement proposait une surcouche mammaire en option.

  • Le déni des #persécutions génocidaires des « #Nomades »

    Le dernier interné « nomade » des #camps français a été libéré il y a presque 80 ans. Pourtant, il n’existe pas de décompte exact des victimes « nomades » de la #Seconde_Guerre_mondiale en France, ni de #mémorial nominatif exhaustif. Le site internet collaboratif NOMadeS, mis en ligne le 6 décembre 2024, se donne pour mission de combler cette lacune. Pourquoi aura-t-il fallu attendre huit décennies avant qu’une telle initiative ne soit lancée ?
    Les « Nomades » étaient, selon la loi du 16 juillet 1912, « des “#roulottiers” n’ayant ni domicile, ni résidence, ni patrie, la plupart #vagabonds, présentant le caractère ethnique particulier aux #romanichels, #bohémiens, #tziganes, #gitanos[1] ».

    Cette #loi_raciale contraignait les #Roms, les #Manouches, les #Sinti, les #Gitans, les #Yéniches et les #Voyageurs à détenir un #carnet_anthropométrique devant être visé à chaque départ et arrivée dans un lieu. Entre 1939 et 1946, les personnes que l’administration française fit entrer dans la catégorie de « Nomades » furent interdites de circulation, assignées à résidence, internées dans des camps, et certaines d’entre elles furent déportées.

    Avant même l’occupation de la France par les nazis, le dernier gouvernement de la Troisième République décréta le 6 avril 1940 l’#assignation_à_résidence des « Nomades » : ces derniers furent contraints de rejoindre une #résidence_forcée ou un camp. Prétextant que ces « Nomades » représentaient un danger pour la sécurité du pays, la #Troisième_République en état de guerre leur appliqua des mesures qui n’auraient jamais été prises en temps de paix, mais qui s’inscrivaient parfaitement dans la continuité des politiques anti-nomades d’avant-guerre.

    Le 4 octobre 1940, les Allemands ordonnèrent l’internement des « #Zigeuner [tsiganes] » en France. L’administration française traduisit « Zigeuner » par « Nomades » et appliqua aux « Nomades » les lois raciales nazies. Les personnes classées comme « Nomades » furent alors regroupées dans une soixantaine de camps sur l’ensemble du territoire métropolitain, tant en zone libre qu’en zone occupée.

    À la fin de la guerre, la Libération ne signifia pas la liberté pour les « Nomades » : ils demeurèrent en effet assignés à résidence et internés jusqu’en juillet 1946, date à laquelle la #liberté_de_circulation leur fut rendue sous condition. Ils devaient toujours être munis de leur carnet anthropométrique. La loi de 1912, au titre de laquelle les persécutions génocidaires de la Seconde Guerre mondiale furent commises sur le territoire français, ne fut pas abrogée, mais appliquée avec sévérité jusqu’en janvier 1969. La catégorie administrative de « Nomades » céda alors la place à celle de « #gens_du_voyage » et de nouvelles mesures discriminatoires furent adoptées à leur encontre.

    L’occultation de la persécution des « Nomades » (1944-1970)

    En 1948, le ministère de la Santé publique et de la Population mena une vaste enquête sur les « Nomades ». Les résultats montrent que plus d’un tiers des services départementaux interrogés savaient assez précisément ce qu’avaient subi les « Nomades » de leur département pendant la guerre : il fut question des #camps_d’internement, des conditions dramatiques de l’assignation à résidence, de #massacres et d’engagement dans la résistance. Ces enquêtes font également état de l’#antitsiganisme de beaucoup de hauts fonctionnaires de l’époque : on y lit entre autres que les mesures anti-nomades de la guerre n’étaient pas indignes, mais qu’au contraire, elles avaient permis d’expérimenter des mesures de #socialisation.

    Cette enquête de 1948 permet de comprendre que ces persécutions n’ont pas été « oubliées », mais qu’elles ont été délibérément occultées par l’administration française. Lorsqu’en 1949 est créée une Commission interministérielle pour l’étude des populations d’origine nomade, ses membres ne furent pas choisis au hasard : il s’agissait de personnes qui avaient déjà été en charge des questions relatives aux « Nomades », pour certaines d’entre elles pendant la guerre. Ainsi y retrouve-t-on #Georges_Romieu, ancien sous-directeur de la Police nationale à Vichy, qui avait été chargé de la création des camps d’internement pour « Nomades » en zone libre.

    Il n’est donc pas très étonnant que les survivants des persécutions aient eu beaucoup de mal à faire reconnaître ce qu’ils venaient de subir. Alors même qu’en 1948, deux lois établirent le cadre juridique des #réparations des #préjudices subis par les victimes de la Seconde Guerre mondiale, le régime d’#indemnisation mis en place posa de nombreux problèmes aux victimes « nomades ». L’obstacle principal résidait dans le fait qu’une reconnaissance des persécutions des « Nomades » comme victimes de #persécutions_raciales remettait en cause l’idée que la catégorie « Nomade » n’était qu’un #classement_administratif des populations itinérantes et non une catégorie raciale discriminante. Le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre ne voulait pas que l’internement des « Nomades » puisse être considéré comme un internement sur critères raciaux.

    Ainsi, entre 1948 et 1955, les premiers dossiers de « Nomades » présentés au ministère des Anciens Combattants ne furent pas ceux des internés des camps français, encore moins des assignés à résidence, mais ceux des rescapés de la déportation afin d’obtenir le titre de « #déporté_politique ». Même pour ces derniers, l’administration manifesta un antitsiganisme explicite. Dans le dossier d’une femme rom française pourtant décédée dans les camps nazis, on peut y lire l’avis défavorable suivant : « Laissé à l’avis de la commission nationale, la matérialité de la déportation à Auschwitz n’étant pas établie. Les témoins (gitans comme le demandeur) signent tout ce qu’on leur présente. »

    Dans les années 1960, quelques dizaines d’anciens internés « Nomades » demandèrent l’obtention du statut d’interné politique. Les premiers dossiers furent rejetés : l’administration refusait de reconnaître que les camps dans lesquels les « Nomades » avaient été internés étaient des camps d’internement. Pour ceux qui arrivaient à prouver qu’ils avaient bel et bien été internés dans des camps reconnus comme tels, par exemple celui de #Rivesaltes, l’administration rejetait leur demande en arguant que leur état de santé ne pouvait pas être imputé au mauvais traitement dans les camps mais à leur mauvaise hygiène de vie.

    Devant ces refus systématiques de reconnaître la persécution des « Nomades », certaines personnes s’insurgèrent : les premiers concernés d’abord sans n’être aucunement entendus, puis des personnalités issues de l’action sociale comme, par exemple le #père_Fleury. Ce dernier avait été un témoin direct de l’internement et de la déportation depuis le camp de Poitiers où il avait exercé la fonction d’aumônier. Il contacta à plusieurs reprises le ministère des Anciens Combattants pour se plaindre du fait que les attestations qu’il rédigeait pour les anciens internés dans le but d’obtenir une reconnaissance n’étaient pas prises en compte. En 1963, les fonctionnaires de ce ministère lui répondirent que les demandes d’obtention du #statut d’interné politique faites par des « Nomades » n’aboutissaient pas faute d’archives et qu’il fallait qu’une enquête soit menée sur les conditions de vie des « Nomades » pendant la guerre.

    Le père Fleury mit alors en place une équipe qui aurait dû recenser, partout en France, les victimes et les lieux de persécution. Mais le président de la Commission interministérielle pour l’étude des populations d’origine nomade, le conseiller d’État Pierre Join-Lambert s’opposa à l’entreprise. C’est à peu près au même moment que celui-ci répondit également à l’ambassadeur d’Allemagne fédéral qu’il n’y avait pas lieu d’indemniser les « #Tziganes_français ». La position de Join-Lambert était claire : aucune #persécution_raciale n’avait eu lieu en France où les « Tsiganes » étaient demeurés libres.

    Cependant, à la fin des années 1960, devant la profusion des demandes d’obtention du statut d’internés politique de la part de « Nomades », le ministère des Anciens Combattants mena une enquête auprès des préfectures pour savoir si elles possédaient de la documentation sur « les conditions d’incarcération des Tsiganes et Gitans arrêtés sous l’Occupation ». Si certaines préfectures renvoyèrent des archives très parcellaires, certaines donnèrent sciemment de fausses informations. Le préfet du Loiret écrivit ainsi que, dans le camp de #Jargeau (l’un des plus grands camps d’internement de « Nomades » sur le territoire métropolitain), « les nomades internés pouvaient bénéficier d’une certaine liberté grâce à la clémence et à la compréhension de l’autorité administrative française ». En fait, les internés étaient forcés de travailler à l’extérieur des camps.

    Premières #commémorations, premières recherches universitaires (1980-2000)

    Pour répondre à l’occultation publique de leurs persécutions, des survivants roms, manouches, sinti, yéniches, gitans et voyageurs s’organisèrent pour rappeler leur histoire.

    À partir des années 1980, plusieurs associations et collectifs d’internés se formèrent dans le but de faire reconnaître ce qui doit être nommé par son nom, un génocide : on peut citer l’association nationale des victimes et des familles de victimes tziganes de France, présidée par un ancien interné, #Jean-Louis_Bauer, ou encore le Comité de recherche pour la mémoire du génocide des Tsiganes français avec à sa tête #Pierre_Young. Quelques manifestations eurent lieu : on peut rappeler celle qui eut lieu sur le pont de l’Alma à Paris, en 1980, lors de laquelle plusieurs dizaines de Roms et survivants de la déportation manifestèrent avec des pancartes : « 47 membres de ma famille sont morts en camps nazis pour eux je porte le Z ». Mais aucune action n’eut l’ampleur de celles du mouvement rom et sinti allemand qui enchaîna, à la même époque, grèves de la faim et occupation des bâtiments pour demander la reconnaissance du génocide des Roms et des Sinti.

    Cependant, la création de ces associations françaises coïncida avec le début des recherches historiques sur l’internement des « Nomades » en France, qui ne furent pas le fait d’historiens universitaires mais d’historiens locaux et d’étudiants. Jacques Sigot, instituteur à Montreuil-Bellay, se donna pour mission de faire l’histoire du camp de cette ville où avaient été internés plus de 1800 « Nomades » pendant la guerre. Rapidement, il fut rejoint dans ses recherches par d’anciens internés qui appartenaient, pour certains, à des associations mémorielles. Ainsi, paru en 1983, Un camp pour les Tsiganes et les autres… #Montreuil-Bellay 1940-1945. Plusieurs mémoires d’étudiants firent suite à cette publication pionnière : en 1984 sur le camp de #Saliers, en 1986 sur le camp de #Rennes et en 1988 sur le camp de #Jargeau.

    Les premières #plaques_commémoratives furent posées dans un rapport d’opposition à des autorités locales peu soucieuses de réparation. En 1985, Jean-Louis Bauer, ancien interné « nomade » et #Félicia_Combaud, ancienne internée juive réunirent leurs forces pour que soit inauguré une #stèle sur le site du camp de #Poitiers où ils avaient été privés de liberté. En 1988, le même Jean-Louis Bauer accompagné de l’instituteur Jacques Sigot et d’autres survivants imposèrent à la mairie de Montreuil-Bellay une stèle sur le site du camp. En 1991, grâce aux efforts et à la persévérance de Jean-Louis Bauer et après quatre années d’opposition, le conseil municipal de la commune accepta la pose d’une plaque sur le site de l’ancien camp de Jargeau.

    En 1992, sous cette pression, le Secrétariat d’État aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre, le Secrétariat général de l’Intégration et la Fondation pour la Mémoire de la Déportation demandèrent à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) de mener une recherche intitulée : « Les Tsiganes de France 1939-1946. Contrôle et exclusion ». L’historien Denis Peschanski en fut nommé le responsable scientifique et, sous sa direction parut deux ans plus tard un rapport de 120 pages.

    Ce rapport apportait la preuve formelle de l’internement des « Nomades », mais certaines de ses conclusions étaient à l’opposé de ce dont témoignaient les survivants : il concluait en effet que la politique que les Allemands avaient mise en œuvre en France à l’égard des « Nomades » ne répondait pas à une volonté exterminatrice, en d’autres termes que les persécutions françaises n’étaient pas de nature génocidaire. De plus, le rapport ne dénombrait que 3 000 internés « tsiganes » dans les camps français : un chiffre bas qui ne manqua pas de rassurer les pouvoirs publics et de rendre encore les survivants encore plus méfiants vis-à-vis de l’histoire officielle.

    Popularisation de l’histoire des « Nomades » et premières reconnaissances nationales (2000-2020)

    Au début du XXIe siècle, les anciens internés « nomades » qui étaient adultes au moment de la guerre n’étaient plus très nombreux. La question de la préservation de leur mémoire se posait, alors même que les universitaires n’avaient pas cherché à collecter leurs paroles et les survivants n’avaient pas toujours trouvé les moyens de laisser de témoignages pérennes derrière eux.

    Les initiatives visant à préserver cette mémoire furent d’abord le fait de rencontres entre journalistes, artistes et survivants : en 2001, le photographe Mathieu Pernot documenta l’internement dans le camp de Saliers ; en 2003 et 2009, Raphaël Pillosio réalisa deux documentaires sur la persécution des « Nomades » ; en 2011, la journaliste Isabelle Ligner publia le témoignage de #Raymond_Gurême, interné avec sa famille successivement dans les camps de #Darnétal et de #Linas-Monthléry, dont il s’évada avant de rejoindre la Résistance.

    Les années 2000 popularisèrent l’histoire des « Nomades » à travers des bandes dessinées, des films ou, encore, des romans. Le 18 juillet 2010, Hubert Falco, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, mentionna pour la première fois l’internement des « Tsiganes » dans un discours officiel. Cette reconnaissance partielle fut aussitôt anéantie par des propos du président de la République, Nicolas Sarkozy associant les « gens du voyage » et les « Roms » à des délinquants. L’été 2010 vient rappeler que la reconnaissance des persécutions passées était épineuse tant que des discriminations avaient encore cours.

    En 2016, alors que la plupart des descendants d’internés et d’assignés à résidence « Nomades » étaient toujours soumis à un régime administratif de ségrégation, celui de la loi du 3 janvier 1969 les classant comme « gens du voyage », il fut décidé que le président de la République, François Hollande, se rendrait sur le site du camp de Montreuil-Bellay. Une cérémonie, qui eut lieu le 29 octobre 2016, fut préparée dans le plus grand secret : jusqu’au dernier moment, la présence du résident fut incertaine. Les survivants et leurs enfants invités étaient moins nombreux que les travailleurs sociaux et les membres d’associations ayant vocation à s’occuper des « gens du voyage » et aucun survivant ne témoigna. François Hollande déclara : « La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa #responsabilité est grande dans ce drame. » La souffrance ne fut pas qualifiée et la question du #génocide soigneusement évitée.

    Le Conseil d’État rejeta en septembre 2020 la demande de deux associations de Voyageurs et de forains d’ouvrir le régime d’indemnisation des victimes de spoliation du fait des lois antisémites aux victimes des lois antitsiganes. Il déclara que les « Tsiganes » n’avaient pas « fait l’objet d’une politique d’extermination systématique ». Si le Parlement européen a reconnu le génocide des Roms et des Sinti en 2015 et a invité les États membres à faire de même, la France de 2024 n’a toujours pas suivi cette recommandation.
    Résistances et liste mémorielle

    À partir de 2014, les descendants de « Nomades » et des Roms et Sinti persécutés par les nazis et les régimes collaborateurs changèrent de stratégie : ce n’était pas seulement en tant que victimes qu’ils voulaient se faire reconnaître, mais aussi en tant que résistants. Le mouvement européen du 16 mai (#romaniresistance), rappelant l’insurrection des internés du Zigeunerlager [camp de Tsiganes] d’Auschwitz-Birkenau quand des SS vinrent pour les conduire aux chambres à gaz, se propagea. Il réunit tous les ans la jeunesse romani et voyageuse européenne à l’appel de l’ancien interné français Raymond Gurême : « Jamais à genoux, toujours debout ! »

    La base de données « NOMadeS : Mur des noms des internés et assignés à résidence en tant que “Nomades” en France (1939-1946) » propose d’établir collaborativement une #liste aussi exhaustive que possible des internés et des assignés à résidence en tant que « Nomades » en France entre 1939 et 1946. Soutenue par plusieurs associations de descendants d’internés, elle servira d’appui à de nouvelles revendications mémorielles. Peut-être aussi à une demande de reconnaissance par la France du génocide des Manouches, des Roms, des Voyageurs, des Gitans, des Sinti et des Yéniches.

    https://aoc.media/analyse/2024/12/18/le-deni-des-persecutions-genocidaires-des-nomades

    #persécution #encampement #France #histoire #déni #internement #déportation #travail_forcé #reconnaissance

    • Mémorial des Nomades et Forains de France

      Le Mémorial des Nomades de France, sous le parrainage de Niki Lorier, œuvre pour une reconnaissance pleine et entière par la France de sa responsabilité dans l’internement et la déportation des Nomades de France entre 1914 et 1946,

      Il collecte les témoignages des survivants.

      Il propose des interventions en milieu scolaire et du matériel pédagogique sur le CNRD.

      Il réalise des partenariats avec des institutions mémorielles (Mémorial de la Shoah, Mémorial du camp d’Argelès, Mémorial du Camp de Rivesaltes) et des associations dans la réalisation d’expositions, de sites internets…

      Un comité scientifique a été mis en place en 2018.

      Il dispose d’un fond documentaire, et d’archives privées.

      –-

      #Manifeste :

      ▼ Le MÉMORIAL DES NOMADES DE FRANCE a été crée en 2016 en réaction à l’annonce par la Dihal que le discours du président de la République sur le site du camp de Montreuil-Bellay constituerait une reconnaissance officielle de la France. Pour nous, cette démarche est trompeuse et purement déclarative. Nous souhaitons que la reconnaissance des persécutions contre le monde du Voyage par les différents gouvernements entre 1912 et 1969 passe par la voie législative, sur le modèle de la journée de commémoration nationale de la Shoah votée par le parlement en 2000, suivie le 10 mai 2001, par l’adoption de la « loi Taubira », qui reconnaît la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. Rappelons que depuis 2015, le Parlement européen a fixé par un vote solennel au 2 août la date de la « Journée européenne de commémoration du génocide des Roms », journée non appliquée en France.

      ▼ Le MÉMORIAL DES NOMADES DE FRANCE demande l’application pleine et entière de la loi Gayssot de 1990, notamment dans l’Éducation Nationale. Sur tous les manuels d’histoires utilisés en France, seulement 5 mentionnent le génocide des Zigeuner par les Nazis, pas un ne fait mention des persécutions subies du fait des autorités françaises sous les différents gouvernements de la Troisième République, de « Vichy », du GPRF, ou de la IVe République. Nous sommes parfaitement conscients de la difficulté pour l’État, de reconnaître une situation encore en vigueur aujourd’hui par un procédé d’encampement généralisé de la catégorie administrative des dits « gens du voyage » dans le cadre des « lois Besson » de 1990 et 2000.

      ▼ Le MÉMORIAL DES NOMADES DE FRANCE, demande que l’habitat caravane soit reconnu comme un logement de plein droit, ouvrant un accès aux droits communs qui leurs sont déniés aux Voyageurs et Voyageuses, l’État se mettant enfin en conformité avec l’article premier de la Constitution de 1958.

      ▼ Le MÉMORIAL DES NOMADES DE FRANCE demande la dissolution de la Commission Nationale des Gens du Voyage, dernier organisme post-colonial d’État, qui organise la ségrégation territoriale des différents ethnies constituant le monde du Voyage en France, par le biais de l’application des lois Besson et l’abandon de celle-ci, garantissant la liberté de circulation pour tous et son corollaire, le droit de stationnement, dans des lieux décents, ne mettant pas en danger la santé et la sécurité des intéressés. Les textes existent, il suffit de s’y conformer. Le Conseil constitutionnel considère que la liberté de circulation est protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (il l’a notamment rappelé dans la décision du 5 août 2021). A ce titre la loi Égalité et Citoyenneté de 2017 a abrogé les carnets de circulation. Nous considérons que l’application de l’avis du Conseil Constitutionnel est incomplète, les dites « aires d’accueil » ou « de grands passages » servant justement à contrôler la circulation des Voyageurs sur le territoire métropolitain. C’est le seul moyen de mettre fin au dernier racisme systémique d’État.

      ▼ Le travail de recherche et de restitution historique du MÉMORIAL DES NOMADES DE FRANCE tend en ce sens.

      https://memorialdesnomadesdefrance.fr

  • #Cyclone à #Mayotte : et voilà que les immigrés sont responsables des catastrophes climatiques

    Les déclarations rejetant la faute sur les personnes issues de l’immigration comorienne s’enchaînent dans le débat public. Une manière pour les personnalités politiques de se défausser de leurs responsabilités dans le drame humain que traverse l’île depuis plusieurs jours.

    À chaque fois qu’on pense avoir touché le fond, on creuse encore un peu plus. Les #déclarations indécentes de plusieurs personnalités politiques ou médiatiques après les ravages du cyclone #Chido à Mayotte démontrent, une fois de plus, combien les personnes immigrées servent de #bouc_émissaire et sont présentées comme les responsables de tous les maux de la société.

    Face à l’ampleur de la catastrophe et à l’urgence d’agir pour acheminer l’aide alimentaire, l’eau et autres produits de première nécessité, le ministre démissionnaire de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, n’a rien trouvé d’autre que de s’attaquer à l’immigration. « Il faut déjà penser au jour d’après. On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la #question_migratoire », a-t-il déclaré sur le réseau social X.

    Et le ministre d’ajouter : « Mayotte est le symbole de la #dérive que les gouvernements ont laissé s’installer sur cette question. Il faudra légiférer pour qu’à Mayotte, comme partout sur le territoire national, la France reprenne le contrôle de son immigration. »

    Au micro de BFMTV et RMC, mercredi 18 décembre, il a développé : « On ne pourra plus faire comme avant. Il faut trois actions : être beaucoup plus dur vis-à-vis des #Comores, envisager de nouveaux moyens de lutte en utilisant un certain nombre d’outils modernes pour prévenir les arrivées de #kwassa-kwassa, et enfin modifier notre législation. »

    Dans une comparaison qui n’a pas lieu d’être, par laquelle il surfe habilement sur la théorie d’extrême droite du « #grand_remplacement » sans toutefois la nommer, Bruno Retailleau a affirmé que « c’était comme si, en France, on avait à peu près 20 millions de clandestins ». « Est-ce qu’une société peut vivre dans la concorde civile avec un tel #déséquilibre_démographique ? eh bien, je dis non. »

    Le député de la #Marne_Charles de Courson (Liot) a emprunté la même voie de la déraison, allant jusqu’à parler d’« #invasion » : « Le plus grand problème de Mayotte, ce qui explique d’ailleurs le vote de nos compatriotes de ce département, c’est une forme d’invasion, il faut bien le dire, par des immigrants venant surtout des Comores, mais pas uniquement, et qui essaient de pénétrer en Europe via Mayotte. »

    #Hiérarchisation_des_vies

    #Barbara_Lefebvre, essayiste et chroniqueuse dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, a quant à elle assumé de hiérarchiser les vies : « Maintenant, on vient nous expliquer “Oh on va faire une minute de silence pour les Mahorais”. C’est pas pour les Mahorais. L’essentiel des morts, ça doit être des clandestins comoriens qui de toute façon n’ont pas voulu écouter les alertes quand on leur a dit de s’en aller de leur #bidonville. »

    Ce #racisme décomplexé est d’une violence inouïe. Pendant ce temps, le premier ministre à peine nommé a préféré se rendre à Pau en jet privé, pour présider le conseil municipal de sa commune. Un premier choix révélateur de son sens des priorités face à une telle catastrophe, touchant le département le plus pauvre de France. Mais il ne s’est pas arrêté là.

    Interrogé mardi 17 décembre sur France 2 à l’occasion d’une soirée spéciale visant à récolter des dons pour Mayotte, #François_Bayrou a souligné la situation administrative d’une partie des victimes du cyclone, évoquant une « population qui, du point de vue des papiers, est illégale, mais du point de vue de la vie, sont des hommes et des femmes ». « Est-ce que c’est le sujet, aujourd’hui, de savoir si c’est légal ou pas ? », a rétorqué Nagui, le présentateur.

    C’est sans doute la seule et unique question qui compte aujourd’hui dans le drame que traversent Mayotte et ses habitant·es, peu importe la couleur de leur passeport. Car personne n’est illégal dans ce monde : il a simplement été décrété que les personnes blanches pouvaient migrer n’importe où, en étant qualifiées d’« expatriées », et que les autres n’en avaient pas le droit, au prétexte qu’elles ne seraient nées du bon côté de la planète.

    Au lieu de s’interroger sur l’efficacité de leurs politiques, nos dirigeants ont donc choisi de se défausser de leurs responsabilités. Tout serait la faute des « migrants », qui participeraient à l’« invasion » de Mayotte et créeraient un « déséquilibre » sur le territoire.

    Pas de remise en question

    Personne ou presque ne rappelle l’histoire de cette île, qui appartenait à l’archipel des Comores avant d’être colonisée par la France en 1941 et d’en être isolée lorsque la population mahoraise a voté contre l’indépendance.

    Personne n’explique pourquoi, en gardant une telle scission géographique, Mayotte continuera d’attirer toujours plus de personnes cherchant à fuir la misère et à améliorer leurs conditions de vie, en rejoignant l’île voisine, située à une soixantaine de kilomètres.

    Qui pour évoquer le rapport caché rédigé par six ministères, révélé par Mediapart en mars 2023, qui annonçait déjà la couleur d’une situation explosive, dans un territoire rongé par la pauvreté, un système de santé à la dérive et une politique migratoire contre-productive basée sur le non-accueil ?

    Personne ne s’attarde, enfin, sur les retards effrayants de développement sur l’île, qui manque cruellement de logements, d’infrastructures, d’accès à l’eau ou d’accès à la santé. Il suffit pourtant de s’y rendre pour que tout cela saute aux yeux : les bidonvilles – dans lesquels vivent aussi des personnes en situation régulière ou de nationalité française –, le système éducatif, l’état des routes, l’absence de lignes de transport en commun, les coupures d’eau régulières qui contraignent les habitant·es à faire des stocks dans des bidons pour pouvoir se doucher…

    Que l’on ne s’y trompe pas, ces retards ne sont pas imputables aux personnes migrantes ; et les personnes migrantes ne sont pas responsables du dérèglement climatique. Elles sont d’ailleurs bien souvent les premières à en pâtir, et deviennent, pour certaines, des réfugié·es climatiques. Les accuser de tous ces maux se résume à une grande lâcheté.

    Le ministre de l’intérieur l’a dit lui-même, « l’île est dévastée » et « ce qui attend la France à Mayotte est colossal ». Il est temps d’accompagner enfin ce département français de manière digne – comme les autres départements et régions d’outre-mer (Drom) – et d’y investir, tout en veillant à ce que la corruption ne réduise pas à néant les chances de survie des habitant·es les plus vulnérables.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/181224/cyclone-mayotte-et-voila-que-les-immigres-sont-responsables-des-catastroph
    #immigration #migrations #immigrés #responsabilité

    ping @karine4

    • Mayotte face au cyclone Chido : quand l’obsession migratoire écrase la justice climatique

      Après le passage, ce samedi 14 décembre, d’un cyclone d’une violence inédite sur l’île de Mayotte, département français d’outre-mer, les conséquences matérielles et humaines sont colossales. Comment expliquer ce désastre climatique en brandissant la carte de la migration clandestine ? #Bruno_Retailleau, (ex)-ministre de l’Intérieur français y parvient très bien en attisant le délire fasciste du recours aux boucs émissaires pour tout justifier, de la catastrophe climatique à la #pauvreté extrême. Pour lui, ce sont les migrants en situation illégales qui expliquent les dégats causés par le passage de Chido.

      Les 14 décembre 2024, Mayotte est frappée par un violent cyclone, dévastant l’île et emportant des centaines de vies. Les destructions sont massives, tant au niveau des infrastructures où, par exemple, un hôpital a été gravement impacté, qu’au niveau d’habitations entières emportées. Au-delà de la destruction de lieux de vie, les pertes en vies humaines sont estimées à plusieurs centaines, voire milliers, selon le préfet de Mayotte. S’ajoutent au bilan humain et matériel des milliers de personnes sinistrées après le passage de ce tourbillon meurtrier. Alors que l’heure est au deuil et à l’appel à la solidarité internationale, à l’envoi de secours afin de soigner, nourrir et loger celles et ceux qui se retrouvent sans toit, l’(ex)-ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, dont la #rhétorique des trois derniers mois s’est concentrée sur un appel général au rétablissement de “l’#ordre”, explique sur X (ex-Twitter) :


      https://x.com/BrunoRetailleau/status/1868920034598306010

      Justifier le désastre du cyclone par la présence de l’immigration clandestine

      Reconnaître la #responsabilité du gouvernement français dans l’extrême pauvreté qui touche le département français de Mayotte n’a pas semblé être une priorité pour Bruno Retailleau, qui appelle à poursuivre la course contre l’immigration irrégulière plutôt que de s’attaquer aux causes du désastre dû à la catastrophe climatique. Faire appel à la “#question_migratoire” pour justifier l’écart de pauvreté entre la France métropole et Mayotte n’est pas une nouveauté pour le ministère de l’Intérieur français. En 2018, alors qu’un large mouvement social secouait l’île pour dénoncer les conditions de vie difficiles, la priorité du gouvernement était déjà donnée à la lutte contre l’immigration dite “irrégulière” des Comorien·nes cherchant refuge à Mayotte. Il est important de rappeler que Mayotte fait historiquement partie intégrante de l’archipel des Comores. Ce peuple forme une unité historique et culturelle avec les trois autres îles (Grande Comore, Mohéli et Anjouan). Lors des décolonisations, l’État français a isolé Mayotte, où une majorité s’était prononcée contre l’indépendance lors d’un référendum alors que les autres îles se prononcaient pour. Devenue département français en 1974, cette décision a été largement dénoncée par l’ONU comme une violation du droit international et une atteinte à l’intégrité territoriale des Comores.

      Le #déni_colonial de la France

      La catastrophe écologique du passage du cyclone Chido met en lumière les enjeux politiques et environnementaux des territoires d’outre-mer français. L’intensité du cyclone et les ravages qu’il a causés rappellent « les conséquences mortelles des inégalités en termes de ressources et d’infrastructures dans ces régions » [1]. En moyenne le niveau de vie à Mayotte est sept fois plus bas que la moyenne nationale, avec 77% des habitant·es vivant sous le seuil de pauvreté, soit cinq fois plus qu’en France et un tiers vivant dans des habitations trop précaires pour résister à la force du cyclone. Le désastre auquel font face les Mahorais aujourd’hui ne peut être dissocié, contrairement à ce qu’affirme Bruno Retailleau, de l’héritage colonial. La longue histoire de violences, d’accaparement des terres, de reconfiguration des paysages et de traumatismes liés à la colonisation et à l’esclavage, apparait aujourd’hui indissociable de la situation dans laquelle se trouve Mayotte.

      Aujourd’hui, appartenir à un département français tout en laissant des milliers de personnes dans une pauvreté extrême ne peut être interprété comme le résultat d’une « dérive » liée à la présence de Comorien·nes considérés comme clandestins sans-papiers. Le ministre de l’intérieur promet la chasse à celles et ceux qui demandent asile ou vivent clandestinement, sous-entendant que celle-ci pourrait solutionner les difficultés économiques de l’Outre-mer. Dans la clandestinité, nombreuses sont les personnes sans-papiers qui vivent dans des bidonvilles, souvent construits avec des matériaux largement dévastés par le cyclone. De plus, selon certaines informations, des personnes non régularisées ne se seraient pas rendues dans les centres d’hébergement indiqués pendant l’alerte rouge du cyclone, par crainte de répression et d’arrestation. Nombreux sont celles et ceux qui ont probablement perdu la vie dans le cyclone, victimes d’une nécropolitique répressive menée par la France à leur égard.

      Comme le rappellent Malcom Ferdinand et Mélissa Manglou, la vulnérabilité des territoires d’Outre-mer aux dégradations environnementales et aux perturbations climatiques n’est pas naturelle, mais résulte d’une « longue construction sociale et politique ». [2] Elle découle d’un héritage colonial qui a détruit les écosystèmes et fragilisé la souveraineté de territoires entiers. Mayotte fait partie de la France suite à un travail acharné visant des enjeux économiques et géopolitiques, notamment en raison de sa position stratégique dans l’Océan Indien, près du Mozambique, un pays riche en ressources exploitées par l’extractivisme. Le cyclone Chido illustre de manière poignante comment les habitant·es de Mayotte subissent la destruction des lieux fragilisés par des années de difficultés économiques et de chasse aux « clandestin·es » causée par la nécropolitique française. Ce processus reflète également une forme de dette écologique, où les conséquences des pratiques extractivistes et de l’exploitation des ressources naturelles se manifestent de manière disproportionnée sur les populations locales, amplifiant leur précarité face aux catastrophes climatiques. Aujourd’hui, la mort de nombreuses personnes lors de cette catastrophe climatique ne peut être comprise que comme le résultat d’un long processus d’anéantissement colonial. Bruno Retailleau, en l’associant à une « dérive » dans la gestion de l’immigration, utilise une rhétorique dangereuse et fascisante pour légitimer la position de la France en Outre-mer.

      https://www.cadtm.org/Mayotte-face-au-cyclone-Chido-quand-l-obsession-migratoire-ecrase-la-justice

  • « Les Syriens ont des craintes, mais sont heureux pour la première fois depuis des décennies »

    De la Syrie nous n’avons trop souvent que des images éparses. Celles d’un régime sanguinaire en place pendant cinq décennies, qui fut longtemps un partenaire privilégié de la France ; les images des révolutions populaires de 2011 réprimées dans le sang par l’ancien pouvoir ; la destruction des plus grandes villes du pays sous les bombes de #Bachar_al-Assad et des Russes ; les images des djihadistes de l’État islamique, ceux qui ont fomenté des attentats en France depuis la ville de Raqqa, dont le groupe terroriste avait fait sa capitale.

    Depuis une semaine, nous voyons désormais d’autres clichés, ceux d’un peuple en joie d’avoir renversé le tyran. Mais aussi les portraits des nouveaux maîtres de la Syrie, biberonnés au djihadisme, et dont nous ne savons pas quoi penser.

    Et puis il y a des images manquantes, celles de ces dizaines ou centaines de milliers de fantômes, des opposant·es, des artistes, des intellectuel·les ou des manifestant·es, embastillé·es et disparu·es : des noms sur des registres, dont les familles recherchent aujourd’hui les traces dans les sous-sols des prisons du régime.

    Qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie ? Quel peut être l’avenir du pays dans un Moyen-Orient en plein bouleversement ? Les Syriennes et les Syriens dont les proches ont été tué·es ou torturé·es par le régime connaîtront-ils un jour la vérité ? Obtiendront-ils justice ?

    Nos invité·es :

    - Sana Yazigi, créatrice du site Mémoire créative de la révolution syrienne (https://creativememory.org), autrice de Chroniques de la révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015 (Presses de l’Ifpo) : https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0 ;
    - Hanane et Obeida Dabbagh, proches de disparus syriens, qui ont obtenu la condamnation à perpétuité de trois officiels de l’ex régime syrien pour complicité de crimes contre l’humanité, en mai 2024 ;
    - Ziad Majed, politiste, enseignant à l’université américaine de Paris, auteur de Syrie, la révolution orpheline et coauteur de Dans la tête de Bachar al-Assad (éditions Actes Sud) : https://www.actes-sud.fr/dans-la-tete-de-bachar-al-assad ;
    – Gilles Dorronsoro, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique, coauteur de Syrie. Anatomie d’une guerre civile (éditions du CNRS) : https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    https://www.youtube.com/watch?v=NWXnsQRUtyo


    #Syrie #peur #statues #prisons #système_carcéral #Assad #surveillance #torture #dictature #terreur #clientélisme #clan #solidarité_de_corps #Russie #Iran #atrocités #répression #disparus #renaissance #armes_chimiques #justice #purge #colère #poursuites_judiciaires #HTS #Tahrir_al-Sham #al-Julani #Abu_Mohammad_al-Julani #sanctions #Kurdes #Turquie #souveraineté #Israël #Etat_islamique #Golan #USA #Etats-Unis #influences_étrangères #auto-détermination #complexité #kurdes_syriens #fédéralisme #baasisme #constitution #élections #bases_américaines #milices_turques #libération #procès #crimes_contre_l'humanité #affaire_Dabbagh #prisons_syriennes #destruction_des_corps #arrestations #résistance #révolution_syrienne #impunité #amnistie #détention #charniers #massacres #prisons_secrètes #tortionnaires

    • Creative memory

      Mémoire Créative est un projet à but non lucratif qui vise à documenter, archiver et protéger les œuvres et les événements de l’#oubli, de la #négligence et du #déni. Il s’agit là d’un engagement effectué dans la volonté de témoigner de l’effervescence culturelle et artistique née de la révolution syrienne. Celui-ci s’effectue dans un contexte instable de guerre, de destruction et de remodelage du tissu social. Le projet vise à témoigner, en ces temps troubles, de la construction d’une mémoire de sa révolution ainsi que de la création d’un patrimoine et d’une nouvelle identité culturelle, sociale et politique.

      Toutes les œuvres sont documentées sur le site telles qu’elles sont mentionnées dans leurs sources originales, avec les auteurs respectifs et tous les détails adhérents, y compris les éventuelles erreurs linguistiques. Des liens présents sur notre site, actifs au moment de l’archivage des sources y correspondant, peuvent avoir été désactivés, et ce pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous ne sommes donc pas responsables des suppressions des sources, des modifications et des erreurs qui se produisent après l’archivage.

      https://creativememory.org/fr/archive
      #archive #mémoire #culture #art #caricatures #dessins_de_presse #art_et_politique

    • Chroniques de la #révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015

      Ce livre est une invitation à explorer un pays qui, pris dans une spirale de #violence inouïe, est fragmenté au point d’être devenu étranger à lui-même. Il présente, sous forme documentaire, cinquante villes, villages, communes, banlieues et quartiers syriens qui se sont révoltés en 2011. Ces Chroniques reviennent sur le début du mouvement de révolte, ses vecteurs de mobilisation et ses dynamiques internes. Elles témoignent que le soulèvement initié en mars 2011 a généré une importante créativité et un monde d’initiatives et de projets sociétaux.

      https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0
      #livre #révolution

    • Syrie. Anatomie d’une #guerre_civile

      Voici la première étude sur la guerre civile syrienne faite à partir d’entretiens réalisés en Syrie même et dans les pays voisins.

      #2011 : des centaines de milliers de Syriens de toutes confessions et origines ethniques manifestent pacifiquement pour réclamer la démocratisation du régime. Au bout de quelques mois, la violence de la répression les contraint à prendre les armes et à organiser une contre-société avec des institutions embryonnaires et à regrouper des unités militaires improvisées au sein de l’Armée syrienne libre.

      Après 2013, cette logique inclusive et unanimiste cède progressivement devant la montée des groupes transnationaux comme le PKK et l’État islamique. L’insurrection se fragmente alors avec une polarisation croissante alimentée de l’extérieur. Les groupes les plus modérés sont marginalisés au profit de l’islam politique qui prend des formes de plus en plus radicales et de revendications ethno-nationales kurdes.

      Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l’économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l’insurrection, le PKK et l’État islamique ?

      Un livre unique qui combine une recherche de terrain – rare sur le confit syrien – et une réflexion théorique novatrice sur les situations de guerre civile.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    • Affaire Dabbagh

      L’affaire Dabbagh est une affaire criminelle concernant la disparition forcée et la mort sous la torture de #Mazzen_Dabbagh, conseiller principal d’éducation au Lycée français de Damas, et de son fils, #Patrick_Dabbagh, étudiant. Tous deux sont des citoyens franco-syriens, arrêtés à leur domicile à Damas en 2013 par les services de renseignement, victimes de disparition forcée pendant 5 années puis déclarés mort en 2018 par les autorités syriennes.

      En 2024, trois dignitaires syriens sont reconnus coupables de complicité de crime contre l’humanité par la justice française pour l’arrestation arbitraire, la torture et la privation de la vie de Mazzen et Patrick Dabbagh.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Dabbagh

  • À Gaza, 96 % des enfants ressentent une mort imminente, et près de la moitié souhaitent mourir
    https://french.presstv.ir/Detail/2024/12/12/738945/%C3%80-Gaza-la-moiti%C3%A9-des-enfants-veulent-mourir

    L’enquête, dont les résultats ont été publiés mercredi, a été réalisée par une ONG basée à Gaza et sponsorisée par l’organisation caritative War Child Alliance, basée à Londres.

    L’enquête a révélé que jusqu’à 96 % des enfants du territoire estimaient que leur mort était imminente et que 49 % souhaitaient réellement mourir.

    L’évaluation a également révélé que 92 % des mineurs « n’acceptaient pas la réalité », 79 % souffraient de cauchemars et 73 % présentaient des symptômes d’agressivité.

    Réalisée en juin, l’enquête a interrogé les parents ou les tuteurs de 504 enfants issus de familles où au moins un enfant était handicapé, blessé ou non accompagné.

  • "Le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi."

    Renée Dickason, professeure en civilisation et histoire contemporaine à l’Université Rennes 2, porte le projet aLPHa, lauréat en février 2023 de l’appel émergence TISSAGE. Ce financement va permettre de franchir une première étape dans l’impulsion d’un projet de création de #Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. #Denis_Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2.

    Votre projet, aLPHa, est lauréat de l’appel émergence TISSAGE (https://www.univ-rennes.fr/saps-tissage). C’est le premier jalon d’un projet plus vaste de création de « Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s », sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix. De quoi s’agit-il précisément ?

    Renée Dickason. Notre projet porte sur une réalité sociale lourde : les viols et les #violences faites aux femmes, aux enfants, aux vulnérables, abordés à travers les #témoignages de survivant·e·s (terme de Denis Mukwege) dans des situations de #guerres, de #conflits et de #paix.

    Face à ce problème de société prégnant, aux enjeux multiples, nous avons souhaité développer un agir collectif qui fasse société en nous concentrant sur la #libération_des_paroles, le #recueil des #mots substantialisant les #maux et la nécessaire #mise_en_mémoire de ces témoignages dans l’écriture d’une histoire singulière, plurielle et tout à la fois universelle.

    C’est dans ce cadre que nous avons déposé une réponse à l’appel à projets « émergence » de recherches participatives TISSAGE (Triptyque Science Société pour Agir Ensemble) : le projet aLPHa, qui a été retenu par le jury. Suite à la signature d’une convention bipartite, il est prévu que nous bénéficions d’un accompagnement financier d’amorçage d’un montant de 3 000 euros.

    aLPHa s’inscrit dans une dynamique globale autour de la lutte contre les #violences_genrées, en particulier celles à l’encontre des femmes, quel que soit le contexte culturel, géopolitique, social ou sociétal considéré, le phénomène étant universel.

    aLPHa a été imaginé comme un laboratoire co-partenarial d’expérimentations à ciel ouvert, qui constitue, en effet, un premier jalon, assez modeste car naissant, mais utile pour impulser un projet d’une envergure plus large qui nécessitera des financements pérennes, celui de la création progressive d’un Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2 (octobre 2022).

    Dans le cadre du projet aLPHa, nous espérons tisser des liens, recueillir des soutiens et ouvrir nos collaborations à des acteurs locaux et régionaux de la société civile, à des associations sur les droits humains et/ou qui interviennent à différents stades de la #réparation, de la #reconstruction ou de l’#accompagnement des #victimes / survivant·e·s de viol(ence)s, ou encore à des entreprises responsables et sincères, des responsables du secteur privé sur le territoire breton et des élus locaux…

    Phénomènes malheureusement universels, les violences sexuelles sont des expériences banalisées et souvent réduites au silence. Elles présentent des similarités malgré la pluralité des contextes où elles ont lieu. Dans le cadre d’aLPHa, nous allons entamer une série d’entretiens de survivant·e·s, réfugié·e·s, exilé·e·s, migrant·e·s, accompagné·e·s et suivi·e·s dans différentes structures, à Rennes. Nous allons aussi organiser, avec plusieurs membres fondateurs de notre projet, un « atelier témoignages » avec des survivant·e·s congolaises et certain·e·s de celles et ceux qui les aident et les accompagnent.

    En prolongement, et dans un autre périmètre que celui du projet aLPHa, le recueil de témoignages se fera aussi sur les lieux des exactions ou dans des zones de tension ou dans des structures de prise en soins, de formation ou de réinsertion, dans un but cathartique individuel et collectif, et avec une visée de reconstruction personnelle et/ou historique des faits. Tous ces aspects sont à l’étude avec des collègues médecins et psychologues, dont l’expertise permettra de se prémunir des risques (non souhaités, à l’évidence) de re-traumatisations des victimes.

    Colliger des témoignages de survivant·e·s déplacé·e·s dans leur pays, des survivant·e·s ayant vécu ou vivant dans des camps et/ou recueilli·e·s dans des centres d’accueil ou de réinsertion nécessite des partenariats multiples, qui vont s’engager en parallèle et dans la poursuite d’aLPHa. Nous avons, à cet égard, commencé à établir des conventions de recherche entre l’Université Rennes 2 et des centres en République Démocratique du Congo et au Kenya. Cette dimension du projet est soutenue et sera cofinancée par plusieurs laboratoires de l’Université Rennes 2 (ACE, ERIMIT, LIDILE, LP3C, Tempora).
    Pourquoi est-il important de mettre en mémoire la parole des survivant·es ? Comment cette mémorialisation se construit-elle ?

    R. D. Pour les victimes, les survivant·e·s de violences sexuelles (excision, viol, esclavage…), celles qui font face à des contextes de conflits notamment, il s’agit de chercher à s’échapper en s’engageant sur les chemins de l’exil et à s’extraire du trauma(tisme) ; ceci alors que viennent s’entretisser plusieurs trajectoires de violences et de vulnérabilités. Le poids du trauma(tisme) est alourdi par la souffrance psychique surajoutée qui découle de prises en soins parcellaires, de handicaps cumulés, ou encore du déracinement, de l’arrachement, voire de l’errance culturels… une pluralité de facteurs renforçant le silence, l’impossible communicabilité autour des expériences vécues.

    Il nous est apparu, après plusieurs échanges avec des personnes ayant subi des violences sexuelles et après plusieurs rencontres et discussions avec le Professeur Docteur Denis Mukwege, que le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi, que ce soit de manière individuelle ou collective.

    Mettre en mémoire la #parole des survivant·e·s est donc une étape nécessaire qui s’ajoute à d’autres mécanismes et préoccupations qui caractérisent, par exemple, la #justice_transitionnelle et les initiatives déployées dans la quête d’une #vérité_réparatrice, le plus souvent essentiellement basée sur la reconnaissance des exactions, des violations des #droits_humains.

    La #mémorialisation se construit en plusieurs phases : dévoilement, collecte, partage, puis analyse des témoignages.

    Étape indispensable pour contribuer à la fabrique de l’Histoire face aux omerta multiples, la mise en mots des maux, la « re-visibilisation » d’une histoire invisibilisée, occultée, la libération d’une parole enfouie, cachée, parfois interdite, prolongent un cheminement personnel thérapeutique.

    Vous l’avez compris, une partie de notre projet global réside dans la collecte mais aussi dans la création d’« archives vivantes », où les témoignages de rescapé·e·s, de survivant·e·s (toujours en vie, et c’est un point d’importance !) auront une place centrale. Quatre mots-clés sous-tendent toutes leurs trajectoires : trauma(tisme), réparation, reconstruction, mémoire.

    La mise en mémoire, la mémorialisation des expériences vécues des victimes, survivant·e·s de violences sexuelles dans le contexte d’une histoire « en train de s’écrire » seront croisées avec le regard des chercheurs impliqués.

    En révélant leur #vérité_subjective, les victimes qui témoignent seront actives dans leur processus de reconstruction et dans la mise en récit d’une histoire à la fois intime, personnelle et commune. Livrant leur #vécu et celui de leurs semblables, ces #personnes-histoires-témoins contribueront, ipso facto, outre à reprendre #confiance en elles-mêmes, à faire évoluer les mentalités et les regards portés sur les survivant·e·s et les violences. Ceci d’autant que ces témoignages auront vocation à être accessibles, à terme, à un public élargi, à travers le Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s.

    Pouvez-vous nous expliquer en quoi votre recherche est interdisciplinaire et participative ?

    R. D. Nous sommes un groupe d’universitaires, de psychologues et de médecins, venant de divers horizons disciplinaires et de différents secteurs. Nos travaux, par essence, interdisciplinaires (histoire et civilisation, anthropologie, littérature, psychologie, traductologie, médecine…) ont une finalité réflexive et éducative. Notre but est de contribuer à assurer la transmission, la bascule vers une dynamique collective de mise en partage et en expression des #expériences_vécues, afin de construire une #transition_sociale pleinement partagée, vertueuse et inclusive.

    Nos intérêts communs convergent autour d’objectifs à visée transformationnelle, des objectifs de responsabilité sociale et de développement durable tels qu’identifiés par l’ONU, des objectifs centrés sur le respect de la dignité et des droits humains, la lutte contre les violences genrées, la bonne santé et le bien-être, l’égalité de traitement et de prises en soins, une éducation de qualité, une paix responsable et pérenne.

    La nature de nos objets de recherche nous amène à nous pencher sur les interactions entre sciences et société et sur les interactions avec le tissu socio-économique et culturel, la société civile, tant pour essaimer les résultats de nos travaux que pour éveiller à certaines réalités troublantes et nécessitant une prise de conscience citoyenne, première étape dans la résolution des problèmes. Cette dimension participative est, d’ailleurs, centrale au projet aLPHa.

    Soucieux de faire évoluer les regards, les comportements et les mentalités relatifs aux questions complexes des violences sexuelles, conformément aux termes de la Charte des sciences et recherches participatives en France, nous sommes toujours sensibles à la possibilité d’ouvrir de nouveaux horizons réflexifs, de développer diverses formes de production de connaissances scientifiques, que ce soit par le truchement des arts ou par le relai d’espaces de paroles ponctuels et/ou de rencontres plus systématiques ou grâce à des collaborations entre la communauté scientifique et la société civile, telles que définies par l’UNESCO ou par le Comité économique et social européen.

    Autre précision, nos travaux sont régis par une charte éthique. Les données personnelles collectées nécessitent, en effet, une vigilance particulière du fait de leur caractère sensible, voire intime, afin de protéger la vie privée des survivant·e·s et de recueillir leur consentement et leur accord informé.

    Dans ce projet de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·es – qui n’est pas sans évoquer le travail journalistique –, qu’est-ce que l’expertise des chercheur·ses vient apporter ?

    R. D. Question vaste et très intéressante qui soulève une réflexion complexe quant à la porosité des apports du travail des journalistes d’investigation, ici, face à celui des chercheurs toutes disciplines confondues… Outre le fait que les missions des uns et des autres évoluent, les attentes que l’on peut avoir d’un article rédigé par un journaliste diffèrent de celles que suscite la contribution d’un chercheur… le dialogue entre le journaliste et le chercheur enrichit indéniablement les débats et aide à faire avancer nos pensées… Le travail journalistique peut ainsi venir en complément de celui du chercheur et surtout aider à la diffusion des résultats.

    Au gré des registres abordés, de la maïeutique discursive mobilisée, des mots à appréhender, de la finesse des ressentis exprimés et de la nature des maux à guérir, la recherche au sens large du terme est protéiforme. Le travail journalistique permet, en somme de « prendre le pouls » des sujets porteurs de sens, investis par les chercheurs et/ou la société civile, de donner à voir et de questionner la diversité des perspectives dans la modalité du traitement des sujets.

    Pour faire simple, et de manière générale, dans ce type de problématique sanitaire, humanitaire, humaniste, sociétale, des correspondances peuvent se faire jour entre travail journalistique d’investigation et travail de recherche. Cela passe, par exemple, par des méthodes d’observation, de recueil de données, de conduite d’enquêtes... Par contre, les modalités d’analyse et de diffusion diffèrent. Sensibiliser, documenter, analyser, informer, alerter font certes partie du travail du chercheur, mais sa focale n’est pas la même que celle du journaliste. Ceci d’autant que la posture du chercheur, son approche, ne sont pas les mêmes selon le champ d’expertise. L’ampleur des dispositifs mis en œuvre est aussi à souligner car si le chercheur peut travailler seul, généralement, ses résultats sont ceux d’un travail d’équipe et le travail mené s’inscrit dans le temps long. Ce temps long de la recherche est, à l’évidence, un marqueur de nos réflexions de recherche autour de la mémorialisation.

    Dans une démarche de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·e·s, victimes de trauma(tisme)s, des précautions s’imposent. Il s’agit pour nous de conduire des entretiens en équipe interdisciplinaire comprenant la présence de médecins et de psychologues. Au-delà de la transmission d’informations, d’analyses et de connaissances, les recherches, se nourrissant de croisements disciplinaires multiples, peuvent ouvrir des horizons et être vecteurs d’innovation grâce aux propositions/préconisations émergeant du travail mené.

    Enfin, le travail de recherche se nourrit de la confrontation à l’expertise d’autres chercheurs, d’autres cadres analytiques. Dans cette perspective, les échanges lors de divers types de manifestations scientifiques (séminaires, colloques...) ainsi que la mise en dialogue par écrits interposés (publication d’articles, de monographies) contribuent à nourrir le perfectionnement des outils d’analyse et à renouveler les questionnements. Un autre niveau est celui des productions à destination d’un public élargi (vulgarisation, « traduction » du travail de recherche par les journalistes) qui, par les allers-et-retours générés, viennent alimenter la réflexion sur la pertinence, la justesse de la démarche de recherche.
    Au-delà de sa dimension de recherche, votre projet ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·es de violences. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

    R. D. Notre projet global, au-delà d’aLPHa donc et en complément du Mémorial, ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·e·s de violences, une formation à visée holistique (la perspective holistique est, d’ailleurs, au cœur du modèle Panzi

    de Denis Mukwege). Selon les financements que nous pourrons réunir, il nous semble important de donner à ces victimes, ces témoins, ces survivant·e·s, des outils pratiques pouvant les aider à évoluer dans leur parcours personnel, à différents stades, dans leur cheminement, leur reconstruction et leur permettre de se prendre en charge, de faire entendre leur voix, de co-construire leur histoire individuelle et collective, d’écrire une histoire des survivant·e·s de violences, de faire évoluer les mentalités et les comportements…

    En d’autres termes, l’idée ici est d’encourager et d’outiller les survivant·e·s, de leur donner des clés pour développer un empowerment et un leadership au féminin.

    Face à l’empire du silence, il s’agirait de leur donner la chance, que certains ont voulu briser…

    … de se relever

    … de reprendre confiance en elles/eux

    … de s’émanciper

    … de faire entendre leur voix

    … d’affirmer leur place dans la société

    … de devenir des leaders de demain

    …et ainsi pour citer Denis Mukwege, « de changer le cours de l’Histoire ».

    https://nouvelles.univ-rennes2.fr/article/travail-memoire-est-etape-fondamentale-dans-reconstruction-so
    #viols #violence #survivants #VSS

    ping @karine4 @_kg_ @cede

  • « Nous assistons à une escalade de la #prédation_minière »

    Une nouvelle #ruée_minière a commencé et touche aussi la #France. Au nom de la lutte contre la crise climatique, il faudrait extraire de plus en plus de #métaux. Celia Izoard dénonce l’impasse de cette « #transition » extractiviste. Entretien.

    Basta/Observatoire des multinationales : Il est beaucoup question aujourd’hui de renouveau minier en raison notamment des besoins de la transition énergétique, avec la perspective d’ouvrir de nouvelles mines en Europe et même en France. Vous défendez dans votre #livre qu’il ne s’agit pas du tout d’un renouveau, mais d’une trajectoire de continuité. Pourquoi ?

    #Celia_Izoard : Les volumes de #métaux extraits dans le monde aujourd’hui augmentent massivement, et n’ont jamais cessé d’augmenter. Ce qui est parfaitement logique puisqu’on ne cesse de produire de nouveaux objets et de nouveaux équipements dans nos pays riches, notamment avec la #numérisation et aujourd’hui l’#intelligence_artificielle, et qu’en plus de cela le reste du monde s’industrialise.

    En conséquence, on consomme de plus en plus de métaux, et des métaux de plus en plus variés – aussi bien des métaux de base comme le #cuivre et l’#aluminium que des métaux de spécialité comme les #terres_rares. Ces derniers sont utilisés en très petite quantité mais dans des objets qui sont partout, comme les #smartphones, et de façon trop dispersive pour permettre le #recyclage.

    Et la production de tous ces métaux devrait continuer à augmenter ?

    Oui, car rien ne freine cette production, d’autant plus qu’on y ajoute aujourd’hui une nouvelle demande qui est un véritable gouffre : celle de métaux pour le projet très technocratique de la transition. « Transition », dans l’esprit de nos élites, cela signifie le remplacement des #énergies_fossiles par l’#énergie_électrique – donc avec des #énergies_renouvelables et des #batteries – avec un modèle de société inchangé. Mais, par exemple, la batterie d’une #voiture_électrique représente souvent à elle seule 500 kg de métaux (contre moins de 3 kg pour un #vélo_électrique).

    Simon Michaux, professeur à l’Institut géologique de Finlande, a essayé d’évaluer le volume total de métaux à extraire si on voulait vraiment électrifier ne serait-ce que la #mobilité. Pour le #lithium ou le #cobalt, cela représenterait plusieurs décennies de la production métallique actuelle. On est dans un scénario complètement absurde où même pour électrifier la flotte automobile d’un seul pays, par exemple l’Angleterre ou la France, il faut déjà plus que la totalité de la production mondiale. Ce projet n’a aucun sens, même pour lutter contre le #réchauffement_climatique.

    Vous soulignez dans votre livre que l’#industrie_minière devient de plus en plus extrême à la fois dans ses techniques de plus en plus destructrices, et dans les #nouvelles_frontières qu’elle cherche à ouvrir, jusqu’au fond des #océans et dans l’#espace

    Oui, c’est le grand paradoxe. Les élites politiques et industrielles répètent que la mine n’a jamais été aussi propre, qu’elle a surmonté les problèmes qu’elle créait auparavant. Mais si l’on regarde comment fonctionne réellement le #secteur_minier, c’est exactement l’inverse que l’on constate. La mine n’a jamais été aussi énergivore, aussi polluante et aussi radicale dans ses pratiques, qui peuvent consister à décapiter des #montagnes ou à faire disparaître des #vallées sous des #déchets_toxiques.

    C’est lié au fait que les teneurs auxquelles on va chercher les métaux sont de plus en plus basses. Si on doit exploiter du cuivre avec un #filon à 0,4%, cela signifie que 99,6% de la matière extraite est du #déchet. Qui plus est, ce sont des #déchets_dangereux, qui vont le rester pour des siècles : des déchets qui peuvent acidifier les eaux, charrier des contaminants un peu partout.

    Les #résidus_miniers vont s’entasser derrière des #barrages qui peuvent provoquer de très graves #accidents, qui sont sources de #pollution, et qui sont difficilement contrôlables sur le long terme. Nous assistons aujourd’hui à une véritable #escalade_technologique qui est aussi une escalade de la #prédation_minière. La mine est aujourd’hui une des pointes avancées de ce qu’on a pu appeler le #capitalisme_par_dépossession.

    Comment expliquer, au regard de cette puissance destructrice, que les populations occidentales aient presque totalement oublié ce qu’est la mine ?

    Il y a un #déni spectaculaire, qui repose sur deux facteurs. Le premier est la religion de la #technologie, l’une des #idéologies dominantes du monde capitaliste. Nos dirigeants et certains intellectuels ont entretenu l’idée qu’on avait, à partir des années 1970, dépassé le #capitalisme_industriel, qui avait été tellement contesté pendant la décennie précédente, et qu’on était entré dans une nouvelle ère grâce à la technologie. Le #capitalisme_post-industriel était désormais avant tout une affaire de brevets, d’idées, d’innovations et de services.

    Les mines, comme le reste de la production d’ailleurs, avaient disparu de ce paysage idéologique. Le #mythe de l’#économie_immatérielle a permis de réenchanter le #capitalisme après l’ébranlement des mouvements de 1968. Le second facteur est #géopolitique. Aux grandes heures du #néo-libéralisme, le déni de la mine était un pur produit de notre mode de vie impérial. Les puissances occidentales avaient la possibilité de s’approvisionner à bas coût, que ce soit par l’#ingérence_politique, en soutenant des dictatures, ou par le chantage à la dette et les politiques d’#ajustement_structurel. Ce sont ces politiques qui ont permis d’avoir par exemple du cuivre du #Chili, de #Zambie ou d’#Indonésie si bon marché.

    Les besoins en métaux pour la #transition_climatique, si souvent invoqués aujourd’hui, ne sont-ils donc qu’une excuse commode ?

    Invoquer la nécessité de créer des mines « pour la transition » est en effet hypocrite : c’est l’ensemble des industries européennes qui a besoin de sécuriser ses approvisionnements en métaux. La récente loi européenne sur les métaux critiques répond aux besoins des grosses entreprises européennes, que ce soit pour l’#automobile, l’#aéronautique, l’#aérospatiale, les #drones, des #data_centers.

    L’argument d’une ruée minière pour produire des énergies renouvelables permet de verdir instantanément toute mine de cuivre, de cobalt, de lithium, de #nickel ou de terres rares. Il permet de justifier les #coûts_politiques de la #diplomatie des #matières_premières : c’est-à-dire les #conflits liés aux rivalités entre grandes puissances pour accéder aux #gisements. Mais par ailleurs, cette transition fondée sur la technologie et le maintien de la #croissance est bel et bien un gouffre pour la #production_minière.

    Ce discours de réenchantement et de relégitimation de la mine auprès des populations européennes vous semble-t-il efficace ?

    On est en train de créer un #régime_d’exception minier, avec un abaissement des garde-fous réglementaires et des formes d’extractivisme de plus en plus désinhibées, et en parallèle on culpabilise les gens. La #culpabilisation est un ressort psychologique très puissant, on l’a vu durant le Covid. On dit aux gens : « Si vous n’acceptez pas des mines sur notre territoire, alors on va les faire ailleurs, aux dépens d’autres populations, dans des conditions bien pires. » Or c’est faux. D’abord, la #mine_propre n’existe pas.

    Ensuite, la #loi européenne sur les #métaux_critiques elle prévoit qu’au mieux 10% de la production minière soit relocalisée en Europe. Aujourd’hui, on en est à 3%. Ce n’est rien du tout. On va de toute façon continuer à ouvrir des mines ailleurs, dans les pays pauvres, pour répondre aux besoins des industriels européens. Si l’on voulait vraiment relocaliser la production minière en Europe, il faudrait réduire drastiquement nos besoins et prioriser les usages les plus importants des métaux.

    Peut-on imaginer qu’un jour il existe une mine propre ?

    Si l’on considère la réalité des mines aujourd’hui, les procédés utilisés, leur gigantisme, leur pouvoir de destruction, on voit bien qu’une mine est intrinsèquement problématique, intrinsèquement prédatrice : ce n’est pas qu’une question de décisions politiques ou d’#investissements. L’idée de « #mine_responsable » n’est autre qu’une tentative de faire accepter l’industrie minière à des populations en prétendant que « tout a changé.

    Ce qui m’a frappé dans les enquêtes que j’ai menées, c’est que les industriels et parfois les dirigeants politiques ne cessent d’invoquer certains concepts, par exemple la #mine_décarbonée ou le réemploi des #déchets_miniers pour produire du #ciment, comme de choses qui existent et qui sont déjà mises en pratique. À chaque fois que j’ai regardé de plus près, le constat était le même : cela n’existe pas encore. Ce ne sont que des #promesses.

    Sur le site de la nouvelle mine d’#Atalaya à #Rio_Tinto en #Espagne, on voir des panneaux publicitaires alignant des #panneaux_photovoltaïques avec des slogans du type « Rio Tinto, la première mine d’autoconsommation solaire ». Cela donne à penser que la mine est autonome énergétiquement, mais pas du tout. Il y a seulement une centrale photovoltaïque qui alimentera une fraction de ses besoins. Tout est comme ça.

    Le constat n’est-il pas le même en ce qui concerne le recyclage des métaux ?

    Il y a un effet purement incantatoire, qui consiste à se rassurer en se disant qu’un jour tout ira bien parce que l’on pourra simplement recycler les métaux dont on aura besoin. Déjà, il n’en est rien parce que les quantités colossales de métaux dont l’utilisation est planifiée pour les années à venir, ne serait-ce que pour produire des #batteries pour #véhicules_électriques, n’ont même pas encore été extraites.

    On ne peut donc pas les recycler. Il faut d’abord les produire, avec pour conséquence la #destruction de #nouveaux_territoires un peu partout sur la planète. Ensuite, le recyclage des métaux n’est pas une opération du saint-Esprit ; il repose sur la #métallurgie, il implique des usines, des besoins en énergie, et des pollutions assez semblables à celles des mines elles-mêmes.

    L’accent mis sur le besoin de métaux pour la transition ne reflète-t-il pas le fait que les #multinationales ont réussi à s’approprier ce terme même de « transition », pour lui faire signifier en réalité la poursuite du modèle actuel ?

    Le concept de transition n’a rien de nouveau, il était déjà employé au XIXe siècle. À cette époque, la transition sert à freiner les ardeurs révolutionnaires : on accepte qu’il faut des changements, mais on ajoute qu’il ne faut pas aller trop vite. Il y a donc une dimension un peu réactionnaire dans l’idée même de transition.

    Dans son dernier livre, l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz [Sans transition - Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, 2024] montre que la #transition_énergétique tel qu’on l’entend aujourd’hui est une invention des #pro-nucléaires des États-Unis dans les années 1950 pour justifier des #investissements publics colossaux dans l’#atome. Ils ont tracé des belles courbes qui montraient qu’après l’épuisement des énergies fossiles, il y aurait besoin d’une #solution_énergétique comme le #nucléaire, et qu’il fallait donc investir maintenant pour rendre le passage des unes à l’autre moins brutal.

    La transition aujourd’hui, c’est avant tout du temps gagné pour le capital et pour les grandes entreprises. Les rendez-vous qu’ils nous promettent pour 2050 et leurs promesses de #zéro_carbone sont évidemment intenables. Les technologies et l’#approvisionnement nécessaire en métaux n’existent pas, et s’ils existaient, cela nous maintiendrait sur la même trajectoire de réchauffement climatique.

    Ces promesses ne tiennent pas debout, mais elles permettent de repousser à 2050 l’heure de rendre des comptes. Ce sont plusieurs décennies de gagnées. Par ailleurs, le terme de transition est de plus en plus utilisé comme étendard pour justifier une #croisade, une politique de plus en plus agressive pour avoir accès aux gisements. Les pays européens et nord-américains ont signé un partenariat en ce sens en 2022, en prétendant que certes ils veulent des métaux, mais pour des raisons louables. La transition sert de figure de proue à ces politiques impériales.

    Vous avez mentionné que l’une des industries les plus intéressées par la sécurisation de l’#accès aux métaux est celle de l’#armement. Vous semblez suggérer que c’est l’une des dimensions négligées de la guerre en Ukraine…

    Peu de gens savent qu’en 2021, la Commission européenne a signé avec l’#Ukraine un accord de partenariat visant à faire de ce pays une sorte de paradis minier pour l’Europe. L’Ukraine possède de fait énormément de ressources convoitées par les industriels, qu’ils soient russes, européens et américains. Cela a joué un rôle dans le déclenchement de la #guerre. On voit bien que pour, pour accéder aux gisements, on va engendrer des conflits, militariser encore plus les #relations_internationales, ce qui va nécessiter de produire des #armes de plus en plus sophistiquées, et donc d’extraire de plus en plus de métaux, et donc sécuriser l’accès aux gisements, et ainsi de suite.

    C’est un #cercle_vicieux que l’on peut résumer ainsi : la ruée sur les métaux militarise les rapports entre les nations, alimentant la ruée sur les métaux pour produire des armes afin de disposer des moyens de s’emparer des métaux. Il y a un risque d’escalade dans les années à venir. On évoque trop peu la dimension matérialiste des conflits armés souvent dissimulés derrière des enjeux « ethniques ».

    Faut-il sortir des métaux tout comme il faut sortir des énergies fossiles ?

    On a besoin de sortir de l’extractivisme au sens large. Extraire du pétrole, du charbon, du gaz ou des métaux, c’est le même modèle. D’ailleurs, d’un point de vue administratif, tout ceci correspond strictement à de l’activité minière, encadrée par des #permis_miniers. Il faut cesser de traiter le #sous-sol comme un magasin, de faire primer l’exploitation du sous-sol sur tout le reste, et en particulier sur les territoires et le vivant.

    Concrètement, qu’est ce qu’on peut faire ? Pour commencer, les deux tiers des mines sur la planète devraient fermer – les #mines_métalliques comme les #mines_de_charbon. Ça paraît utopique de dire cela, mais cela répond à un problème urgent et vital : deux tiers des mines sont situées dans des zones menacées de #sécheresse, et on n’aura pas assez d’#eau pour les faire fonctionner à moins d’assoiffer les populations. En plus de cela, elles émettent du #CO2, elles détruisent des territoires, elles déplacent des populations, elles nuisent à la #démocratie. Il faut donc faire avec une quantité de métaux restreinte, et recycler ce que l’on peut recycler.

    Vous soulignez pourtant que nous n’avons pas cessé, ces dernières années, d’ajouter de nouvelles technologies et de nouveaux objets dans notre quotidien, notamment du fait de l’envahissement du numérique. Réduire notre consommation de métaux implique-t-il de renoncer à ces équipements ?

    Oui, mais au préalable, quand on dit que « nous n’avons pas cessé d’ajouter des nouvelles technologies polluantes », il faut analyser un peu ce « nous ». « Nous » n’avons pas choisi de déployer des #caméras_de_vidéosurveillance et des #écrans_publicitaires partout. Nous n’avons pas choisi le déploiement de la #5G, qui a été au contraire contesté à cause de sa consommation d’énergie.

    La plupart d’entre nous subit plutôt qu’elle ne choisit la #numérisation des #services_publics, instrument privilégié de leur démantèlement et de leur privatisation : l’usage de #Pronote à l’école, #Doctissimo et la télémédecine dont la popularité est due à l’absence de médecins, etc. Dans le secteur automobile, la responsabilité des industriels est écrasante. Depuis des décennies, ils ne cessent de bourrer les véhicules d’électronique pour augmenter leur valeur ajoutée.

    Ces dernières années, ils ont massivement vendu d’énormes voitures électriques parce qu’ils savaient que le premier marché de la voiture électrique, c’était d’abord la bourgeoisie, et que les bourgeois achèteraient des #SUV et des grosses berlines. Donc quand je dis que nous devons réduire notre #consommation de métaux, j’entends surtout par-là dénoncer les industries qui inondent le marché de produits insoutenables sur le plan des métaux (entre autres).

    Mais il est vrai que nous – et là c’est un vrai « nous » - devons réfléchir ensemble aux moyens de sortir de l’#emprise_numérique. Du point de vue des métaux, le #smartphone n’est pas viable : sa sophistication et son caractère ultra-mondialisé en font un concentré d’#exploitation et d’#intoxication, des mines aux usines d’assemblage chinoises ou indiennes.

    Et bien sûr il a des impacts socialement désastreux, des addictions à la #surveillance, en passant par la « #surmarchandisation » du quotidien qu’il induit, à chaque instant de la vie. Là-dessus, il faut agir rapidement, collectivement, ne serait-ce que pour se protéger.

    https://basta.media/nous-assistons-a-une-escalade-de-la-predation-miniere
    #extractivisme #minières #électrification #acidification #contamination #hypocrisie #relocalisation #prédation #guerre_en_Ukraine #militarisation #déplacement_de_populations #dématérialisation #industrie_automobile

  • L’escroc escroqué, une histoire française de gauche et tiers-mondiste

    Les éditions L’Harmattan déchirées par un conflit familial
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/21/les-editions-l-harmattan-dechirees-par-un-conflit-familial_6407423_3224.html

    Mercredi 13 novembre, l’éditeur a adressé à la procureure de Paris une plainte contre X pour plusieurs motifs dont « abus de biens », « escroquerie », « abus de faiblesse » et « faux et usage de faux ». Cette plainte est « en cours de traitement », fait savoir le parquet de Paris. Consultée par Le Monde, elle dénonce « une entreprise massive et systématique de pillage du groupe L’Harmattan, par des actions conçues, concertées et indivisibles entre elles et sciemment conduites sur la durée, qui devaient aboutir finalement à la cession d’un groupe d’édition et d’activités culturelles emblématique du monde éditorial français, gravement affaibli ». Par ailleurs, une procédure est également en cours devant le tribunal de commerce de Paris. Une audience a eu lieu le 15 novembre, dont la décision a été mise en délibéré.

    [...]

    Son modèle économique est singulier, parfois décrié : les auteurs sont rémunérés seulement, et faiblement, à partir du 501e exemplaire vendu. Ce qui revient pour beaucoup à ne pas toucher de droits d’auteur, l’enjeu primordial étant d’être publié. « C’est une maison d’édition universitaire internationale, une référence dans le monde », commente le philosophe Jacques Poulain, l’un des 250 directeurs de collection qui sélectionnent les textes publiés.

    https://justpaste.it/fwx9l

    L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/30/l-harmattan-la-maison-d-edition-qui-ne-paie-pas-les-africains_4566732_3212.h

    #édition #Denis_Pryen #L’Harmattan #édition_à_compte_d’auteur_déguisée #travaillerpourlagloirequonaurapas

    • c’est ça. Une exploitation des auteurs qui a permis à l’Harmattan de devenir un riche propriétaire foncier et immobilier à Paris... sans exercer leur métier d’éditeur, mais seulement celui de diffuseur, souvent en se faisant payer (ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais ça l’a longtemps été...)

  • Women walking #Camino_de_Santiago speak of ‘terrifying’ sexual harassment

    Sexual aggression said to be ‘endemic’ on route through Spain, Portugal and France with solo female pilgrims at risk.

    Lone female pilgrims walking the Camino de Santiago have spoken of being subjected to “terrifying” sexual harassment in near-deserted areas of rural Spain, Portugal and France.

    In interviews with the Guardian, nine women alleged they had experienced harassment while attempting the pilgrimage route over the past five years, with several saying they had feared for their lives.

    Seven of the women said they had encountered men in Spain and Portugal who were masturbating or touching themselves, one of whom went on to chase the pilgrim through the countryside.

    Another woman said she had fended off unwanted touching and lewd comments from several men, while the ninth woman said a man had pulled up in a van as she walked and urged her to get in. The incidents usually took place as the women were walking alone along remote stretches of the Camino.

    Lorena Gaibor, the founder of Camigas, an online forum that has been connecting female pilgrims since 2015, said the reports were shocking but not surprising. “Sexual harassment is endemic on the Camino. It feels very common. Every freaking year we get reports of women experiencing the same things,” she said.

    Rosie, 25, said she was walking through a forested route in Portugal earlier this summer when she came across a man with no trousers on who was masturbating as he watched her. The local police did not pick up when she tried to call them.

    “It was terrifying,” said Rosie, who asked that her full name not be published. “I just felt completely alone at that point.”

    The incident had left her feeling unsafe, making her realise her unique vulnerability as a lone female pilgrim.

    “The Camino is so amazing, because it’s so difficult, so physically challenging and so mentally challenging,” she said. “But there is this extra element that female hikers face, this extra huge safety issue, which completely affects your whole ability to face those other challenges or enjoy it in the way that other people do.”

    In recent years the popularity of the various pilgrimage routes collectively known as the Camino de Santiago has soared, particularly among women. Last year a record 446,000 people walked the Camino, 53% of them women, according to Pedro Blanco, the Spanish central government’s representative in Galicia. “More than 230,000 women did it last year, and many of them didn’t hesitate to do it on their own,” he recently told reporters.

    Marie Albert, a journalist, self-described adventurer and feminist writer, said there was insufficient discussion of the risks that female pilgrims faced. “These routes are said to be safe for women and there’s a taboo around saying anything different,” she said.

    In 2019, as Albert walked 435 miles (700km) across northern Spain to reach Santiago de Compostela, she documented a number of aggressions. One man tried to kiss her, and another masturbated in front of her, she said. One man harassed her by text message, and another followed her in the street. At times her aggressors were pilgrims who were walking the same route as her, leaving her panicked that she would again cross paths with them.

    Of the nine women who spoke to the Guardian, six reported the incidents to police. In only one case was the perpetrator located and prosecuted.

    A handful of incidents along the route have made headlines in recent years. Last year Spanish police arrested a 48-year-old man accused of holding a 24-year-old German pilgrim against her will in his home and sexually assaulting her. In 2019, police in Portugal arrested a 78-year-old man who was accused of kidnapping and attempting to rape a pilgrim from Germany.

    Concerns over female pilgrims’ safety burst into public view in 2015 after the American pilgrim Denise Thiem went missing in a rural area of León province, Spain. Her disappearance prompted several pilgrims to come forward with their own stories of being threatened or harassed, before a court sentenced a Spanish man in 2017 to 23 years in prison for Thiem’s murder.

    In 2021 the Spanish government launched a safety campaign that has since expanded to 1,600 points across Galicia where female pilgrims can access information in several languages on how to contact emergency services.

    Johnnie Walker, one of the admins behind the Camino de Santiago All Routes Group, a social media forum that counts more than 450,000 members, said there had long been frustration over the lack of statistics, even as efforts to combat these incidents had been stepped up.

    “As the number of pilgrims has grown, so have reports of men exposing themselves to pilgrims,” he said. “In response the Guardia Civil has stepped up patrols on a number of routes.”

    His forum has long advised pilgrims in Spain to download the AlertCops app, which allows pilgrims to contact police directly. “There’s always the balance to be struck between warning women and causing alarm,” he said. “However, a few of us feel that this issue now needs to be addressed more forcibly and coherently across the country.”

    Police in Portugal said that since 2023 they had received five reports from pilgrims, all of them related to incidents of exhibitionism. None of the suspects were identified and no arrests were made. Between May and October, police had stepped up patrols along various routes in Portugal in order to better protect pilgrims, they added in a statement.

    Police in Spain and France, as well as the interior ministries of those countries, were also approached for comment but did not respond.

    When asked whether there was an official tally of pilgrims who had reported incidents of harassment in the past five years, the Spanish central government’s delegation in Galicia said in a statement that it was not aware of any cases of sexual aggression involving female pilgrims.

    It pointed to a series of initiatives aimed at protecting pilgrims, including specific police patrols along routes and an established protocol that requires security forces to be dispatched each time a call comes in from a pilgrim.

    https://www.theguardian.com/world/2024/nov/11/women-pilgrimage-camino-de-santiago-sexual-harassment
    #chemin_de_Santiago #VSS #violences_sexuelles #harcèlement_sexuel #femmes #marche #Camigas

    ping @_kg_

    • Harcèlement sexuel sur le #chemin_de_Compostelle

      Interpelée, agressée, victime d’un exhibitionniste : notre journaliste n’a pas vraiment trouvé la sérénité en parcourant à pied les 1 800 kilomètres séparant Paris de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une expérience du sexisme masculin qui rejoint celle de bien d’autres pèlerines, trop souvent ignorées des autorités.

      J’oublie. Après avoir vu un homme se masturber devant moi dans une rue de Santander, c’est le conseil que m’avait donné la bénévole d’un refuge espagnol : « Pense à autre chose. Oublie. » J’oublie donc les agressions et le harcèlement sexuel subis pendant mon chemin de Compostelle. Trois mois de marche étalés sur trois ans, entre  2016 et  2019. 1 800 kilomètres parcourus entre Paris et la Galice.

      Aventurière et journaliste féministe, j’ai délaissé l’avion pour des modes de transport plus écologiques, au premier rang desquels la marche à pied, à mon avis la meilleure méthode pour approcher un territoire et rencontrer sa population. J’ai choisi ce sentier de pèlerinage catholique bien connu, bien que je me définisse comme athée. Ma consœur journaliste Marine Périn affirme que « le chemin de Compostelle est idéal pour commencer à marcher seule » et je la rejoins sur ce point. La présence de refuges sur tout l’itinéraire, l’excellent balisage du sentier et la solidarité entre pèlerines me rassurent aussi, pour ma première grande randonnée.

      En 2016, je marche d’abord jusqu’à la ville pyréenne d’Hendaye, à frontière franco-espagnole, en passant par Bordeaux. Les années suivantes, je poursuis mon pèlerinage par le « camino del Norte », chemin du nord de l’Espagne qui longe l’océan Atlantique jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle, où je pose mon sac à dos de 10  kg le 12  octobre 2019. Je dors toujours chez des bénévoles ou dans des refuges. Fière de mon périple solitaire, je garde un souvenir mitigé du dernier tronçon de 700 kilomètres, le plus fréquenté et le plus épuisant.

      Suivie jusque dans les refuges de Compostelle

      Je tente d’oublier mes mauvaises rencontres et rentre à Paris où je reprends mon travail de journaliste pigiste.

      Après quelques semaines, je retrouve une liste non exhaustive des violences sexistes et sexuelles endurées dans mon carnet de bord et m’étonne d’avoir perdu la mémoire :
      un homme me suit dans la rue,
      un homme m’explique la vie,
      un homme m’invite à partager un verre, un homme tente de m’embrasser,
      un homme se masturbe devant moi,
      un homme me harcèle par SMS,
      un homme mime un cunnilingus avec sa langue, un homme commente mon physique,
      un homme m’insulte…

      Je me souviens maintenant de Desmond, un pèlerin anglais de 50 ans qui était devenu un ami. Après avoir refusé de l’embrasser, il m’avait harcelé de textos et m’avait suivi jusque dans les refuges, choisissant le lit voisin du mien. Le jour de mon arrivée à Saint-Jacques de Compostelle, il m’attendait au bureau d’accueil, gâchant mes dernières heures de pèlerine. J’y avais également rencontré Solenne, une catholique française de 26 ans ravie d’obtenir sa compostela, certificat de pèlerinage écrit en latin. Elle aussi m’avait dit avoir été harcelée : « À Burgos, j’ai été accostée trois fois de suite, par trois hommes différents. L’un d’eux m’a agrippé le bras : ‘Viens prendre un verre’. Un autre : ‘Tu es belle.’ Je réponds toujours ‘Lâche-moi’, en français, avec un regard noir. »

      “J’ai cru que le chemin de Compostelle était un endroit safe. Je me suis trompée.”

      Ce harcèlement sexuel est-il isolé ? Sur les réseaux sociaux, je contacte d’autres pèlerines. Elles clament toute leur fierté de marcher seules. Et racontent avoir contourné les agressions avec patience et sang-froid. Marine Périn, journaliste de 30 ans : « À Santa Marina, je tombe sur un exhibitionniste. À 7  heures du matin, il se masturbe devant moi. Je trace pour le fuir. »

      Je fais le parallèle avec mon histoire. Certains Espagnols profitent de la présence de pèlerines isolées pour s’exhiber sur leur chemin. Lili Sohn, autrice de bande dessinée trentenaire, résume : « J’ai cru pendant longtemps que le chemin de Compostelle était un endroit safe, mais je me suis trompée. »

      Elle a échappé à un prof de yoga « qui voulait toujours nous faire des massages. Il était dégueulasse ». Les pèlerines me confient leur gêne, leur peur, leur colère et surtout leur déception. « Je me suis sentie trahie », m’écrit Diane sur Facebook. En 2017, elle côtoie un pèlerin plus âgé qui lui souffle son envie de la « caresser » dans un champ. Elle le fuit, mais garde « un goût amer » de sa semaine.

      Une Américaine assassinée en 2015

      Au sexisme s’ajoute parfois le racisme. Moune Mangattale, une Martiniquaise de 40 ans qui remarque « qu’il n’y a pas beaucoup de personnes noires sur le chemin », se souvient ainsi d’un vieux villageois qui l’a harcelée, répétant qu’il aimait « les femmes comme elle ».

      Certaines randonneuses évoquent l’événement traumatisant que constitue le meurtre sexiste et raciste de Denise Pikka Thiem. Le 5  avril 2015, cette Américaine d’origine asiatique est enlevée près de León. Un fermier espagnol, Miguel Angel Muñoz Blas, la détourne du sentier en y plaçant de faux panneaux. Et l’assassine chez lui. La police retrouve son corps démembré cinq mois plus tard. La justice espagnole a condamné le meurtrier à vingt-trois ans de réclusion. Mais les rares assassinats, viols et agressions sexuelles recensés par la presse ne dissuadent pas des centaines de milliers de femmes d’entreprendre le pèlerinage chaque année.

      2021 sera une année compostellane – ce qui arrive chaque fois que la fête de saint Jacques, fixée le 25  juillet, tombe un dimanche, quatorze fois par siècle. C’est l’occasion de grands rassemblements, événements et messes sur le chemin puis dans la ville de Compostelle, qui attire ces années-là jusqu’à 500 000 personnes. En 2021, certaines pourraient renoncer au pèlerinage, mais essentiellement en raison de la pandémie de Covid. Car les violences sexistes et sexuelles restent tues.
      Autocensure et culpabilité

      L’image d’un chemin sûr et agréable pour les femmes est tenace. Lorsque je lance un appel à témoignages sur un groupe Facebook spécialisé, des internautes me harcèlent de messages, m’accusant de ternir la réputation du pèlerinage. Plusieurs femmes tentent de me culpabiliser, affirmant que j’ai « provoqué » ces agressions sexuelles. Elles m’écrivent qu’elles n’ont jamais subi ou observé quelque violence que ce soit, et je les crois. Je crois aussi que les bons souvenirs effacent les mauvais, comme dans mon cas.

      La militante féministe Charlotte Soulary, créatrice du site La Guide de voyage, assure que le nombre de viols recensés sur le chemin est sous-estimé, car « on va moins porter plainte dans un pays qui n’est pas le nôtre ». L’origine sociale des pèlerins et pèlerines – riche, conservatrice, catholique – les rend par ailleurs peu perméables aux idées féministes. Florence, marcheuse de 35 ans : « J’ai rencontré un vieux pèlerin de 65 ans qui m’a appelée ‘jolie fille’ et m’a complimentée sur mon rouge à lèvres. Je n’en ai plus jamais mis sur le chemin. » Les pèlerines se censurent, se taisent et se culpabilisent. Une stratégie classique qui renforce la culture du viol.

      Marcher seule, une transgression

      Pendant mes recherches, je découvre le roman érotique Comment draguer la catholique sur le chemin de Compostelle, écrit par Étienne Liebig (éd. La Musardine, 2006). Extrait sexiste : « Je sens bien qu’elle est troublée par ma proximité et il faut que je passe à l’attaque sans tarder. Après ce sera tard. » Les pèlerins interprètent-ils notre gêne comme un feu vert ? Pensent-ils qu’une femme seule cherche un compagnon ? Oui, répond Charlotte Soulary : « Marcher seule, c’est vu comme une transgression. Les hommes ont été conditionnés à penser que la femme n’est pas dans son espace. Elle doit avoir envie de compagnie, elle doit chercher un mec. »

      Je ne cherche pas de mec quand je marche. Ni de pénis quand je quitte le refuge de Santander, à l’automne 2019. Je rencontre pourtant l’exhibitionniste espagnol cité plus haut. Nous sommes alors deux femmes victimes et appelons la police pour porter plainte et arrêter l’agresseur.

      À leur arrivée, les policiers nous apprennent que l’exhibitionnisme n’est pas un délit en Espagne. Si la police nous ignore, que fait l’Église catholique ?

      « La sécurité est totale, ou presque totale », éludait le chanoine doyen de la cathédrale de Compostelle Segundo Pérez en 2015, après le meurtre de Denise Pikka Thiem. En fait, il a fallu attendre septembre  2020 pour qu’émerge une initiative de villes espagnoles proposant « un chemin de Saint-Jacques convivial, sûr et gratuit pour les femmes ».
      Que fait l’Église ?

      Elle forme les bénévoles des refuges à prévenir les violences sexistes et sexuelles. De son côté, la police espagnole promeut une fonctionnalité mobile (Guardián Benemérito, lié à l’appli AlertCops) censée partager la localisation en permanence et prévenir les forces de l’ordre en cas de danger. En revanche, aucune initiative similaire n’existe sur les chemins français, tout aussi empruntés.

      Alors les victimes « gèrent la situation » elles-mêmes, à l’image de Lili Sohn : « J’ai réussi à me débarrasser du prof de yoga en lui racontant un mensonge. J’ai dû user de tact pour que ça ne dégénère pas plus ! » D’autres appellent au secours des personnes aperçues sur le chemin. Certaines affrontent directement leur agresseur. Comme Vanessa Louis, qui marchait avec sa copine Mélanie dans le sud de la France. Un jour, elles échangent un baiser près de leur tente : « Et là on entend un mec qui dit ‘Alors les filles, je peux me joindre à vous ?’ On se retourne et on voit le mec la queue à la main. Mélanie a filé sous la tente et moi je lui ai dit de dégager en le menaçant avec ma bombe à poivre. »

      En ce qui me concerne, j’ai décidé de me former à l’autodéfense féministe à Paris. Je sais casser un genou, mettre K.O. un homme et me libérer d’un étran­glement. « Mais n’exigeons pas des victimes de violence d’être Superwoman », tempère Charlotte Soulary. Seules solutions pour éradiquer les violences : éduquer les hommes, et amener plus de femmes sur les chemins. « Qu’on soit plus nombreuses à voyager seules va transformer ces espaces », conclut-elle, optimiste. Pour ma part, je me lance dans un tour de France à pied, seule et sans refuges.

      https://www.wedemain.fr/partager/harcelement-sexuel-sur-le-chemin-de-compostelle
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