#déracinement

  • Des #mines pour sauver la planète ?

    Pour réaliser la #transition_énergétique, il faudrait extraire en vingt ans autant de métaux qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité. C’est « l’un des grands #paradoxes de notre temps », constate #Celia_Izoard.

    Journaliste, traductrice et philosophe, Celia Izoard examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques du développement des nouvelles technologies. Ce nouvel ouvrage s’intègre dans cette veine en explorant les effets délétères de la transition énergétique et numérique.

    La #transition verte nécessite d’extraire du #sous-sol des quantités colossales de #métaux. Ils seront ensuite destinés à la production des énergies bas carbone qui sauveront la planète. Cette course aux métaux supposée sauver la planète du dérèglement climatique n’aggrave-t-elle pas le chaos écologique, les dégâts environnementaux et les inégalités sociales ?

    Celia Izoard mène une vaste enquête sur ce phénomène mondial, inédit et invisible. Si d’autres ouvrages ont également mis en avant l’insoutenabilité physique d’une telle transition, la force de ce livre est d’élaborer un panorama de cette question grâce à des enquêtes de terrain et une analyse fournie sur les aspects culturels, politiques, économiques et sociaux des mines et des métaux.

    Le #mythe de la #mine_verte

    Au début du livre, Celia Izoard part à la recherche des mines du XXIe siècle, « responsables », « relocalisées », « 4.0 », ou encore « décarbonées, digitales et automatisées ». Par un argumentaire détaillé et une plongée dans des mines en #Espagne ou au #Maroc, l’autrice démontre que derrière ce discours promu par les institutions internationales, les dirigeants politiques et les milieux d’affaires se cache un autre visage. Celui de la mine prédatrice, énergivore et destructrice. Celui qui dévore l’habitat terrestre et le vivant.

    De façon locale, le processus de « radicalisation » de la mine industrielle est détaillé par le prisme de ses ravages sociaux. La mine est avant tout « une gigantesque machine de #déracinement » (p. 54), qui vide des espaces en expropriant les derniers peuples de la planète. En outre, la mine contemporaine expose les populations à diverses maladies et à l’intoxication. Dans la mine de #Bou-Azzer au Maroc, on extrait du « #cobalt_responsable » pour les #voitures_électriques ; mineurs et riverains souffrent de cancers et de maladies neurologiques et cardiovasculaires.

    L’ampleur globale de la #prédation du #secteur_minier au XXIe siècle est aussi esquissée à travers la production grandissante de #déchets et de #pollutions. Le secteur minier est l’industrie la plus polluante au monde. Par exemple, une mine industrielle de #cuivre produit 99,6% de déchets. Stockés à proximité des #fosses_minières, les stériles, de gigantesques volumes de roches extraits, génèrent des dégagements sulfurés qui drainent les #métaux_lourds contenus dans les roches et les font migrer vers les cours d’#eau. Les tuyaux des usines crachent en permanence les #résidus_toxiques qui peuvent, en fonction du #minerai traité, se composer de #cyanure, #acides, #hydrocarbures, #soude, ou des #poisons connus comme le #plomb, l’#arsenic, le #mercure, etc. Enfin, les #mines_zéro_carbone sont des #chimères car elles sont toutes très énergivores. La quantité nécessaire pour extraire, broyer, traiter et raffiner les métaux représentent environ 8 à 10% de l’#énergie totale consommée dans le monde, faisant de l’#industrie_minière un principal responsable du dérèglement climatique.

    La face sombre de la transition énergétique

    Dans la seconde partie, Celia Izoard montre que les élites sont « en train d’enfouir la crise climatique et énergétique au fond des mines » (p. 62). Cet impératif d’extraire des métaux pour la transition coïncide avec le retour de la question des #matières_premières sur la scène publique, dans un contexte où les puissances occidentales ont perdu leur hégémonie face à la Chine et la Russie.

    Depuis quand la transition implique-t-elle une relance minière et donc le passage des #énergies_fossiles aux métaux ? Cet argument se diffuse clairement à la suite de la publication d’un rapport de la Banque mondiale en 2017. En collaboration avec le plus gros lobby minier du monde (l’ICMM, International Council on Mining and Metals), le rapport stipule que l’industrie minière est appelée à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique – en fournissant des technologies bas carbones. #Batteries électriques, rotors d’éoliennes, électrolyseurs, cellules photovoltaïques, câbles pour la vague d’électrification mondiale, toutes ces infrastructures et technologies requièrent néanmoins des quantités faramineuses de métaux. La transition énergétique des sociétés nécessiterait d’avoir recours à de nombreux métaux de base (cuivre, #nickel, #chrome ou #zinc) mais aussi de #métaux_rares (#lithium, #cobalt, #lanthanide). L’#électrification du parc automobile français exige toute la production annuelle de cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de lithium.

    Au XXIe siècle, la matière se rappelle donc brusquement aux puissances occidentales alors qu’elles s’en rêvaient affranchies dans les années 1980. Pourtant, les sociétés occidentales n’avaient évidemment jamais cessé de se fournir en matières premières en s’approvisionnant dans les mines et les industries délocalisées des pays du Sud. Ce processus de déplacement avait d’ailleurs contribué à rendre invisible la mine et ses pollutions du paysage et de l’imaginaire collectif.

    Sous l’étendard de la transition qui permet d’anticiper les contestations environnementales et de faire adhérer les populations à cette inédite course mondiale aux métaux se cache le projet d’une poursuite de la croissance et des modes de vie aux besoins énergétiques et métalliques démesurés. Cette nouvelle légende de l’Occident capitaliste justifie une extraction de métaux qui seront également destinés aux entreprises européennes du numérique, de l’automobile, l’aérospatial, l’armement, la chimie, le nucléaire et toutes les technologies de pointe.

    « Déminer le #capitalisme »

    Ce #livre explore ensuite dans une troisième partie l’histoire du capitalisme à travers celle de la mine et des métaux. Elle montre comment s’est fondé un modèle extractiviste reposant sur des idéologies : le Salut, le Progrès, le Développement – et désormais la Transition ? L’extractivisme est permis par l’élaboration et le développement d’un ensemble de croyances et d’imaginaires qui lui donnent une toute puissance. C’est ce que Celia Izoard nomme : la « #cosmologie_extractiviste » (p. 211). Accompagnée par une législation favorable et des politiques coloniales menées par l’État et la bourgeoisie, puis par l’industrialisation au XIXe siècle, cette matrice a favorisé notre dépendance à un régime minier. Aux yeux du peuple amazonien des Yanomamis, les Blancs sont des « mangeurs de terre » (p. 215).

    Comment sortir de cette vision du monde occidental structuré autour de la mine dont l’objectif est l’accumulation de capital et de puissance. La solution minière, comme technologique, à la crise climatique est un piège, affirme Celia Izoard. Le mouvement climat doit passer par la #décroissance_minérale, par un « sevrage métallique autant qu’un sevrage énergétique » (p. 291). La réduction des consommations énergétiques et matérielles est une solution réaliste. Le quotidien des occidentaux est surminéralisé à l’instar de l’objet emblématique de notre surconsommation quotidienne de métaux : le smartphone. Il contient à lui seul, sous la forme d’alliage complexe, plus de 50 métaux. Les métaux ne devraient-ils pas être réservés aux usages déterminés comme essentiels à la vie humaine ?

    Pour sortir du #régime_minier, il est d’abord urgent de rendre visible la surconsommation de métaux dans le débat public. D’une part, cela doit passer par des mesures politiques. Instaurer un bilan métaux au même titre que le bilan carbone car l’idéologie de la transition a créé une séparation illusoire entre les ressources fossiles toxiques (charbon, pétrole et gaz) et l’extraction métallique, considérée comme salutaire et indispensable. Ou encore cibler la surconsommation minérale des plus riches en distinguant émissions de luxe et émissions de subsistance, comme le propose déjà Andreas Malm. D’autre part, pour « déminer le capitalisme » (p. 281), cela devra passer par un processus de réflexions et de débats collectifs et démocratiques, de mouvements sociaux et de prises de consciences individuelles, en particulier dans les pays hyperindustrialisés dont la surconsommation de métaux est aberrante.

    Non content de contourner l’obstacle de la « transition énergétique », l’extractivisme pousse les frontières toujours plus loin, justifiant la conquête de nouveaux eldorados : le Groenland, les fonds océaniques, voire les minerais extraterrestres. Face au processus de contamination et de dégradation de la planète mené par le secteur minier et industriel, les luttes contre les projets s’intensifient. Récemment, ce sont les Collas, peuple indigène du Chili, qui s’opposent aux géants miniers. Ces derniers ont pour projet d’extraire du lithium dans le salar de Maricunga ; cela entraînera le pompage de millions de mètres cubes d’eau dans les profondeurs des déserts de sel, ces emblèmes de la cordillère des Andes. La communauté colla en sera d’autant plus affaiblie d’autant plus qu’elle souffre déjà de l’exode urbain et de l’assèchement de la région. Les éleveurs devront aussi abandonner leurs élevages et s’engager vers les immenses cités minières de la région. En outre, la transhumance, la biodiversité, une quarantaine d’espèces sauvages locales (le flamant rose chilien, les vigognes ou les guanacos, etc.), sont menacées. Appuyés par leur porte-parole Elena Rivera, ils ne comptent pas se laisser faire et ont fait un recours au Tribunal environnemental de Santiago, qui traite des nombreuses controverses écologiques dans le pays. Au XXIe siècle, les débats et luttes organisés autour de l’extraction au Chili, deuxième pays concentrant le plus de lithium sur la planète, prouvent que les pauvres et les derniers peuples de la planète sont en première ligne face aux effets délétères sous-jacents à la « transition verte ».

    https://laviedesidees.fr/Des-mines-pour-sauver-la-planete
    #changement_climatique #climat #extractivisme

  • https://orientxxi.info/magazine/les-camps-de-regroupement-entreprise-de-destructuration-du-monde-rural-a

    Les camps de regroupement, entreprise de destructuration du monde rural algérien

    Pour empêcher les combattants indépendantistes de bénéficier du soutien des villageois pendant la guerre d’indépendance, l’armée française procède au regroupement de la population dans une opération pudiquement désignée sous le nom de « pacification ». En réalité, plus de deux millions d’Algériens ont été parqués dans des camps soumis à l’autorité militaire et qui ont déstructuré la société rurale.

    Fabien Sacriste, 25 mars 2022

    (...)

  • Le nombre de déplacés internes, dus aux conflits et au climat, atteint des records
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/20/le-nombre-de-deplaces-internes-dus-aux-conflits-et-au-climat-atteint-des-rec

    Le nombre de déplacés internes, dus aux conflits et au climat, atteint des records. A la fin 2020, 55 millions de personnes vivaient en exil dans leur propre pays, un record. Près de 41 millions de nouveaux déplacements internes ont été enregistrés l’an dernier, dont les trois quarts en raison de catastrophes environnementales. Elles ont quitté leur foyer et leurs terres pour fuir des guerres, des tempêtes, des épisodes de sécheresse ou de violentes moussons. A la fin 2020, 55 millions de personnes vivaient en exil dans leur propre pays, un record, alerte l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), dans son bilan annuel publié jeudi 20 mai. Parmi ces populations, 48 millions de personnes ont été poussées au départ en raison de conflits et de violences, et 7 millions du fait de catastrophes environnementales – un chiffre probablement sous-estimé.
    Cette structure basée à Genève, qui dépend du Conseil norvégien pour les réfugiés, comptabilise également le nombre de nouveaux déplacements internes intervenus dans l’année, qui peuvent concerner plusieurs fois les mêmes personnes, dont certaines finissent par rentrer chez elles. L’an dernier, près de 41 millions de nouveaux déplacements ont été enregistrés dans 149 pays, soit le chiffre le plus élevé depuis dix ans (+ 20 % par rapport à 2019). Les trois quarts des départs (31 millions) sont dus à des catastrophes environnementales.« Ces nouveaux chiffres sont choquants. La hausse, année après année, du nombre de personnes déplacées montre que l’on ne trouve pas de solutions pour ces gens », regrette Alexandra Bilak, la directrice de l’IDMC. Elle note que les déplacés internes ne suscitent pas la même attention politique que les réfugiés, deux fois moins nombreux. Pourtant, rappelle-t-elle, ces déplacements entraînent « des chocs répétés sur des populations souvent précaires, des déracinements, des traumatismes, des vies brisées ». La pandémie de Covid-19 n’a pas forcément augmenté le nombre de personnes déplacées, mais elle a accru leur vulnérabilité et leur insécurité alimentaire. « Moins de personnes ont cherché des abris d’urgence après des catastrophes, par peur d’être contaminées », ajoute Alexandra Bilak.

    #Covid-19#migrant#migration#sante#vulnerabilite#personnedeplacee#migrantinterne#deracinement#exil#traumatisme#santementale#conflit#environnement#statistiques

  • Face à la haine et aux amalgames : « Redonner ses lettres de noblesse à la solidarité et à l’#hospitalité française »

    Elle appelle cela « l’#hospitalité_citoyenne ». #Julia_Montfort, journaliste et réalisatrice, a accueilli, comme beaucoup d’autres Français, un « migrant », Abdelhaq, originaire du Tchad. Elle raconte cette rencontre à Basta !, rencontre dont elle a tiré une web-série, #Carnets_de_solidarité. Son histoire nous rappelle que, loin des scènes indignes de harcèlement policier ou de commentaires racistes, des dizaines de milliers de citoyens font preuve de solidarité.

    Julia Montfort appelle cela « l’hospitalité citoyenne ». Comme beaucoup d’autres personnes en France, elle a ouvert sa porte pour accueillir un « migrant », Abdelhaq. Il avait alors 21 ans et ne devait rester que quelques jours. Il aura finalement vécu un an et demi chez Julia et Cédric, son mari. De cette expérience personnelle est alors née l’envie de raconter ce mouvement de #solidarité qui a gagné de nombreux foyers français – une réalité trop souvent invisibilisée – pendant que les politiques en œuvre choisissent trop souvent de harceler, humilier, reléguer dans la rue les exilés en quête d’accueil, ne serait-ce que temporaire. Réalisatrice, elle en a tiré une web-série passionnante, Carnets de Solidarité, qui offre la meilleure des réponses, en actes, à tous les préjugés, tous les cynismes ou toutes les haines qui s’accumulent sur ce sujet.

    Basta ! : Le point de départ de votre travail, c’est le #récit_intime de l’accueil d’Abdelhaq, chez vous, dans votre appartement. Avec le recul, qu’avez-vous appris de cette expérience d’hospitalité ?

    Julia Montfort [1] : Beaucoup de choses. Nous n’avons pas accueilli un citoyen français avec des références culturelles partagées : Abdelhaq est le fils d’un berger nomade, dans le sud du Tchad, qui parle un dialecte dérivé de l’arabe – le kebet – dont la vie consistait à garder les chèvres de son père ou à aller récolter du miel, autant dire une vie diamétralement opposée à la mienne. Tout nous séparait, et nous avons appris à trouver des #liens, à construire des ponts entre nos deux cultures.

    J’ai réalisé la portée de ce geste dès que j’ai ouvert ma porte devant ce grand gaillard de plus d’1 m 90, et que j’ai compris que le #langage ne nous permettrait pas de communiquer. Il apprenait les rudiments du français, mais il ne faisait pas de phrases, je ne parvenais même pas à savoir s’il aimait les pâtes. De fait, ce genre de situation permet aussi d’en apprendre beaucoup sur soi-même et sur notre rapport à l’autre. Cela m’offre aujourd’hui un ancrage très différent dans le présent.

    Il y a cette anecdote significative, lorsque vous racontez que vous hésitez plusieurs jours avant de lui signaler qu’il ne priait pas dans la bonne direction…

    Il se tournait exactement à l’opposé de la Mecque, nous ne savions pas comment lui annoncer, cela nous pesait, alors qu’au final, Abdelhaq a juste explosé de rire lorsque nous lui avons montré la boussole ! Une partie de notre complicité est née ce jour-là… Abdelhaq a une pratique très ouverte de sa religion, c’est notamment une façon de maintenir un lien avec son pays. Quand il est arrivé à Paris, son premier réflexe a été d’aller dans une mosquée, où il a pu être hébergé. C’est un peu son repère, son cadre. Mais depuis, on a constaté qu’il s’intéressait beaucoup aux autres religions.
    De notre côté, nous sommes parfaitement athées, et c’est probablement la première fois que j’ai côtoyé quelqu’un de religieux aussi longtemps, et aussi intimement. La probabilité que je puisse, à Paris, me retrouver directement confrontée à la réalité de la vie d’Abdelhaq était tout de même très faible, jusqu’à présent. Cela cultive une certaine #ouverture_d’esprit, et cela a généré aussi beaucoup de #respect entre nous.

    Pour autant, vous ne faites pas l’impasse sur les difficultés qui se présentent, aussi, à travers cette expérience. « L’hospitalité n’est pas un geste naturel, c’est une #épreuve », dites-vous.

    Il ne faut pas enjoliver cette expérience par principe, cela n’a rien de simple d’accueillir un étranger chez soi. Il faut s’ouvrir à lui, accepter qu’il entre dans notre #intimité, c’est une relation qui demande beaucoup d’énergie. Faire entrer l’exil à la maison, c’est aussi faire entrer des vies brisées et tous les problèmes qui accompagnent ces parcours du combattant… Et c’est compliqué quand, au petit-déjeuner, vous devez affronter son regard dans le vide, que vous voyez qu’il n’est pas bien. Tout paraît assez futile. J’ai parfois eu l’impression de plonger avec Abdelhaq. C’est le principe même de l’empathie, partager l’#émotion de l’autre. Mais quand c’est sous votre toit, il n’y a pas d’échappatoire, c’est au quotidien face à vous.

    Dans votre récit, vous utilisez très souvent les termes de « #générosité », de « #bienveillance », d’ « #humanité », comme si vous cherchiez à leur redonner une importance qu’ils ne semblent plus vraiment avoir, dans la société. Faut-il travailler à repolitiser ces valeurs, selon vous ?

    On pense toujours que la solidarité, l’#altruisme, l’#entraide, tout ça n’est que l’apanage des faibles. Ce seraient des vertus désuètes, bonnes pour les « bisounours ». Il a en effet fallu que j’assume, à l’écriture, de redonner des lettres de noblesse à ces mots-là. Car on a bien vu que tous ces petits #gestes, cette empathie, ces regards, ce n’était pas anodin pour Abdelhaq. On a vu comment cette solidarité qui s’est organisée avec les voisins l’a porté, lui a permis de se regarder autrement, de retrouver des prises sur le réel. Petit à petit, on l’a vu changer, reprendre pied. Et ça, c’est considérable.
    Et partant de là, on peut aussi se demander ce qui nous empêche d’appliquer cela à toutes nos relations – personnellement, j’essaye désormais d’être plus attentive à cette forme de #bienveillance dans mes échanges avec mes voisins ou mes amis, au travail. Cela semble toujours une évidence un peu simple à rappeler, mais c’est vertueux. C’est même l’un des principaux enseignements que nous avons tiré de notre expérience, à notre échelle : au-delà des difficultés, cela fait du bien de faire du bien. Diverses études documentent les bienfaits pour la santé de ces #émotions positives ressenties, cela porte même un nom – le « #helper’s_high », l’euphorie de celui qui aide. Donc oui, la solidarité fait du bien, et il faut en parler.

    De fait, votre initiative a rapidement fait la preuve de son effet multiplicateur auprès du voisinage, c’est ce que vous appelez la « #contagion_solidaire ».

    C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à raconter de cette expérience personnelle. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le discours sur « l’invasion » battait son plein. En 2017-2018, on est en plein dans la séquence où l’on entend partout que les migrants sont trop nombreux, qu’ils sont dangereux, qu’ils vont nous voler notre pain, notre travail et notre identité. Or à mon échelle, à Bagnolet, au contact de différentes classes sociales, j’ai vu le regard des gens changer et ce mouvement de solidarité se mettre en place, autour de nous. Et c’était d’autant plus significatif que nous étions officiellement devenus « hors-la-loi » puisque nous n’avions pas le droit d’héberger un sans-papier… De fait, lorsqu’on a reçu une enveloppe avec de l’argent pour payer le pass Navigo d’Abdelhaq, nous avons compris que nous étions plusieurs à accepter de transgresser cette règle absurde. Et à entrer ensemble dans l’absurdité du « #délit_de_solidarité ».

    « La chronique des actions en faveur de l’accueil des migrants montre une évolution au sein des sociétés européennes. Par leur ampleur et l’engagement qui les sous-tend, les formes de solidarité et d’hospitalité que l’on y observe s’apparentent de plus en plus à un mouvement social » affirme l’anthropologue Michel Agier, que vous citez dans votre livre. De fait, à l’échelle de la France, votre enquête tend à montrer que les démarches d’#accueil sont bien plus nombreuses et conséquentes qu’on ne le laisse souvent croire, vous parlez même d’une « #révolution_silencieuse ». Peut-on dresser une sociologie de ce mouvement social émergent ?

    C’est encore un peu tôt, on n’a pas assez de recul, on manque de chiffres. De nombreux chercheurs travaillent là-dessus, mais c’est un mouvement encore difficile à évaluer et à analyser. La plupart des gens restent discrets, par crainte de l’illégalité mais aussi par humilité, souvent. Mais lorsque j’ai présenté la bande-annonce avec l’objet de mon travail, j’ai été submergé de messages en retour, sur internet. Et de toute la France. J’ai réalisé qu’il y avait un défaut de #narration, et un défaut de connexion les uns avec les autres. La plupart agisse, chacun de leur côté, sans s’organiser de manière collective. Des mouvements et des plateformes se sont créés, sur internet, mais cette solidarité reste encore très « électron libre ». Il n’y a pas véritablement de #réseau_citoyen, par exemple.

    Pour ma part, ce que j’ai vu, c’est une France particulièrement bigarrée. J’ai vu des gens de tous les milieux, pas nécessairement militants, et beaucoup de #familles. En général, ils racontent avoir eu un déclic fort, comme par exemple avec la photo du petit #Aylan. Ce sont des gens qui ressentent une #urgence de faire quelque chose, qui se disent qu’ils « ne-peuvent-pas-ne-rien-faire ». La certitude, c’est qu’il y a énormément de #femmes. L’impulsion est souvent féminine, ce sont souvent elles qui tendent en premier la main.

    Ce #mouvement_citoyen est aussi, malheureusement, le reflet de l’#inaction_politique sur le sujet. Cette dynamique peut-elle continuer longtemps à se substituer aux institutions ?

    Il y a un #burn-out qui guette, et qui est largement sous-estimé, chez ces citoyens accueillants. Ils s’épuisent à « l’attache ». À l’origine, cette solidarité a vraiment été bricolé, avec les moyens du bord, et dans la précipitation. Et même si elle remplit un rôle fondamental, ça reste du #bricolage. Or ce n’est pas aux citoyens de pallier à ce point les défaillances de l’#État, ce n’est pas normal que nous ayons à héberger un demandeur d’asile qui se retrouve à la rue… La réalité, c’est qu’aujourd’hui, très régulièrement en France, on ne notifie pas leurs droits aux gens qui arrivent. Or toute personne qui pose le pied en France a le droit de demander l’asile, c’est une liberté fondamentale. Commençons donc, déjà, par respecter le #droit_d’asile !

    Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de ce qui se passe, parce que cela se joue dans des zones de frontières, loin de Paris, donc cela reste assez discret. Mais on est face à quelque chose d’assez considérable en termes de violations de #droits_humains, en France, actuellement : à la fois dans le fait de bafouer ces droits fondamentaux, mais aussi dans le fait de criminaliser les personnes qui leur viennent en aide… Et pendant ce temps-là, on remet la légion d’honneur à Nathalie Bouchart, la maire de Calais, qui avait interdit les distributions d’eau pour les exilés ? Il y a quand même quelque chose qui cloche, dans ce pays.

    Cela n’a pas toujours été comme ça, rappelez-vous, en évoquant notamment l’exemple des « #Boat_People » (en 1979, l’accueil de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens avaient obtenu un large consensus national, ndlr). Qu’est-il arrivé à cette grande « tradition française d’hospitalité », depuis ?

    Le contexte est très différent, par rapport aux Boat people. À l’époque, cela semblait sûrement circonscrit, tant dans le nombre que dans le temps. Aujourd’hui, la multiplication des conflits, un peu partout dans le monde, alimente cette idée que c’est un puits sans fond, qu’on va être submergé si on commence à accueillir trop largement… Plus fondamentalement, on le sait bien, une certaine #rhétorique s’est imposée dans les discours, sur ces questions : on parle de « flux », de « pompe aspirante », et tout ce vocable n’est plus l’apanage de l’extrême droite, on le retrouve dans la bouche des gouvernants. Tout ça insinue et conforte l’horrible mythe de « l’#appel_d’air ». Je crois qu’on oublie parfois combien les #discours_politiques contribuent à forger un cadre de pensée. Et en face, il y a un véritable défaut de pédagogie, on ne traite jamais de ces sujets à l’école, on ne produit pas de #contre-discours. Donc effectivement, c’est important de le rappeler : on a su accueillir, en France.

    Après l’assassinat terroriste du professeur Samuel Paty, vendredi 16 octobre, le débat public a pris des airs de course aux amalgames, avec une tendance à peine cachée à essentialiser toute une catégorie de population (demandeur d’asile, mineurs isolés...) comme de potentiels terroristes. Qu’est-ce que cela vous inspire, en tant qu’accueillante ?

    La #peur légitime et le #danger, bien réel, du #terrorisme ne doivent pas nous faire plonger dans une grande #confusion, en bonne partie entretenue par ma propre profession. Les journalistes ont une part de #responsabilité en entretenant ce lien dangereux, insufflé par nos gouvernants, qui envisagent la migration sous le spectre uniquement sécuritaire depuis les attentats terroristes de 2015. Nous avons besoin de #recul, et de #nuances, pour ne pas tomber dans la #stigmatisation à tout-va de tout un pan de la population, et éviter les #amalgames simplistes du type "immigration = terrorisme". Ce pur discours d’extrême droite n’est basé sur aucune étude formelle, et pourtant il s’est installé dans les esprits au point que ces femmes et ces hommes sont victimes d’un changement de perception. Hier considérés comme des personnes en détresse, ils sont désormais vus dans leur ensemble comme de potentiels terroristes car un assassin – ayant commis un acte effroyable – a préalablement été demandeur d’asile et a obtenu son statut de réfugié... Il s’agit d’un itinéraire meurtrier individuel. Les demandeurs d’asile, les mineurs isolés, les réfugiés sont les premiers à pâtir de ces amalgames. Les entend-on ? Très rarement. Leur #parole est souvent confisquée, ou bien nous parlons à leur place.

    Alors, il faut le rappeler : ces personnes exilées et arrivées en France aspirent simplement à s’intégrer et à mener une vie « normale », si tant est qu’elle puisse vraiment l’être après tout ce qu’elles ont traversé, et avec la douleur du #déracinement. Et ces étrangers, nous les côtoyons au quotidien sans même le savoir : ils livrent nos repas à domicile, se forment à des métiers dans des secteurs en tension où la main d’œuvre manque, ils changent les draps dans les hôtels. Nombre de médecins réfugiés furent en première ligne pendant le confinement... Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est justement de ramener de la mesure dans ce débat toxique et dangereux en humanisant ces destins individuels.

    https://www.bastamag.net/Redonner-ses-lettres-de-noblesse-a-la-solidarite-et-a-l-hospitalite-franca

    ping @isskein @karine4

  • Crises des islams et crises globales

    Louis de Colmar

    https://lavoiedujaguar.net/Crises-des-islams-et-crises-globales

    L’idéologie occidentale a tendance à présenter l’« islam » comme un tout cohérent, ainsi qu’à confondre l’augmentation de la médiatisation de la question dite islamique avec un renforcement de la cohésion de l’islam. Or, je dirais que l’on assiste exactement au contraire, c’est-à-dire à un processus d’implosion de l’islam : jamais encore, sans doute, la conflictualité interne à l’islam n’aura été aussi forte, aussi exacerbée…

    Ce que nous pouvons constater aujourd’hui, c’est l’échec de la greffe « nationale » (au sens occidental du terme) tentée au sortir de la Première Guerre mondiale tout particulièrement au Moyen-Orient. Ce rejet est devenu manifeste lors de l’effondrement de l’antagonisme structurant du XXe siècle entre la version libérale classique et la version dirigiste, en particulier léniniste, du capitalisme, qui a eu lieu durant la guerre d’Afghanistan, et qui aura été marqué par l’effondrement de l’URSS en 1989.

    L’effondrement de l’URSS, qui n’est que l’expression la plus visible de l’effondrement de la perception et de l’intelligibilité « classique » du capitalisme issues de la conscience historique du XIXe siècle, a ainsi ouvert la boîte de Pandore des contradictions géopolitiques qui avaient été mises sous le boisseau des illusions progressistes. (...)

    #islam #crise #implosion #conflictualité #capitalisme #URSS #effondrement #Afghanistan #Gilles_Kepel #Iran #Empire_ottoman #religion #nomades #migrants #errance #déracinement #État #France #Karl_Polanyi #Nedjib_Sidi_Moussa

    • Peut-être peut-on souligner le cas particulier de l’État français qui, parce qu’il a, plus que tous les autres, privilégié significativement le pôle politique aux dépens du pôle religieux, est de ce fait confronté à une crise de cohésion étatique plus forte que ses voisins, car plus bridé qu’eux dans ses capacités de rééquilibrage. Il est ici sans doute symptomatique que le ministère chargé du maintien de l’ordre soit également celui qui s’occupe des élections et des cultes...

  • #Décolonisations : du sang et des larmes. La rupture (1954-2017) —> premier épisode de 2 (voir plus bas)

    Après huit années de conflits meurtriers, l’#Empire_colonial_français se fragilise peu à peu. La #France est contrainte d’abandonner l’#Indochine et ses comptoirs indiens. Les peuples colonisés y voient une lueur d’espoir et réalisent que la France peut-être vaincue. Les premières revendications d’#indépendance se font entendre. Mais la France reste sourde. Alors qu’un vent de liberté commence à se répandre de l’Afrique aux Antilles en passant par l’océan indien et la Polynésie, un cycle de #répression débute et la République répond par la force. Ce geste va nourrir des décennies de #haine et de #violence. Ce #documentaire, réalisé, à partir d’images d’archives, donne la parole aux témoins de la #décolonisation_française, qui laisse encore aujourd’hui des traces profondes.

    https://www.france.tv/france-2/decolonisations-du-sang-et-des-larmes/decolonisations-du-sang-et-des-larmes-saison-1/1974075-la-rupture-1954-2017.html
    #décolonisation #film_documentaire #colonialisme #colonisation #film

    #France #Indochine #Empire_colonial #FLN #Algérie #guerre_d'Algérie #guerre_de_libération #indépendance #François_Mitterrand #Algérie_française #Section_administrative_spécialisée (#SAS) #pacification #propagande #réformes #attentats #répression #Jacques_Soustelle #Antoine_Pinay #conférence_de_Bandung #Tunisie #Maroc #Gaston_Defferre #Cameroun #Union_des_populations_du_Cameroun (#UPC) #napalm #Ruben_Um_Nyobe #Ahmadou_Ahidjo #Milk_bar #armée_coloniale #loi_martiale #bataille_d'Alger #torture #haine #armée_française #Charles_de_Gaulle #paix_des_Braves #humiliation #camps #déplacement_des_populations #camps_de_déplacés #déplacés #internement #Madagascar #Côte_d'Ivoire #Guinée #Ahmed_Sékou_Touré #communauté_franco-africaine #liberté #Organisation_de_l'armée_secrète (#OAS) #17_octobre_1961 #accords_d'Evian #violence #pieds-noirs #rapatriés_d'Algérie #Harki #massacre #assassinats #déracinement #camp_de_Rivesaltes #invisibilisation #néo-colonialisme #ressources #gendarme_d'Afrique #Françafrique #Felix-Roland_Moumié #territoires_d'Outre-mer #Michel_Debré #La_Réunion #Paul_Vergès #Polynésie #Bureau_pour_le_développement_des_migrations_dans_les_départements_d'Outre-mer (#Bumidom) #racisme #Djibouti #Guadeloupe #Pointe-à-Pitre #blessure #mépris #crimes #mémoire

    –—

    Et à partir du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer... un mot pour désigner des personnes qui ont « bénéficier » des programmes :
    les « #Bumidomiens »
    –-> ajouté à la métaliste sur les #mots en lien avec la #migration :
    https://seenthis.net/messages/414225
    #terminologie #vocabulaire

    –—

    Une citation de #Jean-Pierre_Gaildraud, qui dit dans le film :

    « Nous étions formatés dans une Algérie française qu’il ne fallait pas contester. C’était ces rebelles, c’étaient ces bandits, ces égorgeurs qui menaçaient, qui mettaient en péril une si belle France. En toute bonne foi on disait : ’La Seine traverse Paris comme la Méditerranée traverse la France’ »

    –---

    « Il faut tourner une page et s’abandonner au présent. C’est sûr, mais comment tourner une page quand elle n’est pas écrite ? »

    Hacène Arfi, fils de Harki

  • #Smile_In_Your_Sleep

    Hush, hush, time tae be sleepin
    Hush, hush, dreams come a-creepin
    Dreams o peace an o freedom
    Sae smile in your sleep, bonnie baby

    Once our valleys were ringin
    Wi sounds o our children singin
    But nou sheep bleat till the evenin
    An shielings stand empty an broken

    We stood, wi heads bowed in prayer
    While factors laid our cottages bare
    The flames fired the clear mountain air
    An many lay dead in the mornin

    Where was our fine Highland mettle,
    Our men once sae fearless in battle?
    They stand, cowed, huddled like cattle
    Soon tae be shipped owre the ocean

    No use pleading or praying
    All hope gone, no hope of staying
    Hush, hush, the anchor’s a-weighing
    Don’t cry in your sleep, bonnie baby

    https://www.youtube.com/watch?v=eMPnNaXLfKI&feature=emb_logo

    –-> song about Scottish #Highland_Clearances :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Highland_Clearances

    #histoire #Ecosse #industrialisation #clearance #nettoyage #violence #terres #arrachement #déracinement #déplacements_forcés #Fuadaich_nan_Gàidheal #évacuations #déportation #décès #morts #histoire #agriculture #moutons #élevage #Highlands #montagne

    #musique #chanson #musique_et_politique
    ping @sinehebdo @odilon @reka @simplicissimus

    –-----

    Découverte dans ce documentaire qui passe en ce moment sur Arte :
    Le temps des ouvriers
    https://www.arte.tv/fr/videos/082189-001-A/le-temps-des-ouvriers-1-4
    https://seenthis.net/messages/848105

    • Une pièce de théâtre autour de ces événements :
      The Cheviot, the Stag, and the Black Black Oil

      The Cheviot, the Stag and the Black, Black Oil is a play written in the 1970s by the popular playwright #John_McGrath. From April 1973, beginning at a venue in Aberdeen (Aberdeen Arts Centre), it was performed in a touring production in community centres on Scotland by 7:84 and other community theatre groups. A television version directed by John Mackenzie was broadcast on 6 June 1974 by the BBC as part of the Play for Today series.

      https://en.wikipedia.org/wiki/The_Cheviot,_the_Stag,_and_the_Black_Black_Oil

    • Du coup, je découvre aussi ce site web d’un groupe où j’ai trouvé la chanson et qui va beaucoup plaire à @sinehebdo (mais pas que...)

      Three Acres And A Cow. A history of land rights and protest in folk song and story

      Telling the history of land, housing and food in Britain is always a multi-stranded narrative. On one side we have the history of enclosure, privatisation and the dispossession of land based communities; on the other we have the vibrant histories of struggle and resistance that emerged when people rose up and confronted the loss of their lands, cultures and ways of life.

      These multiple histories go largely undocumented in the literature of the times, often expressed simply as a hanging here and an uprising there, yet in the music and stories of the people they take on a different life.

      ‘Three Acres And A Cow’ connects the Norman Conquest and Peasants’ Revolt with Brexit, fracking and our housing crisis via the Enclosures, English Civil War, Irish Land League and Industrial Revolution, drawing a compelling narrative through the radical people’s history of England in folk song, story and poem.

      Part TED talk, part history lecture, part folk club sing-a-long, part poetry slam, part storytelling session… Come and share in these tales as they have been shared for generations.

      Le blog :
      https://threeacresandacow.co.uk/blog
      #résistance #droits

      Song On The Times

      You working men of England one moment now attend
      While I unfold the treatment of the poor upon this land
      For nowadays the factory lords have brought the labour low
      And daily are contriving plans to prove our overthrow

      So arouse! You sons of freedom! The world seems upside down
      They scorn the poor man as a thief in country and in town

      There’s different parts in Ireland, it’s true what I do state
      There’s hundreds that are starving for they can’t get food to eat
      And if they go unto the rich to ask them for relief
      They bang their door all in their face as if they were a thief

      So arouse! You sons of freedom! The world seems upside down
      They scorn the poor man as a thief in country and in town

      Alas how altered are the times, rich men despise the poor
      And pay them off without remorse, quite scornful at their door
      And if a man is out of work his Parish pay is small
      Enough to starve himself and wife, his children and all

      So arouse! You sons of freedom! The world seems upside down
      They scorn the poor man as a thief in country and in town

      https://www.youtube.com/watch?v=caWkGxu3Mgw

      Version #Chumbawamba :
      https://www.youtube.com/watch?v=G6O0Erj0hkc


      #chanson_populaire #chansons_populaires

    • #Dùthaich_Mhic_Aoidh – song about the Highland clearances in Sutherland, Scotland for sheep

      Mo mhallachd aig na caoraich mhòr
      My curse upon the great sheep
      Càit a bheil clann nan daoine còir
      Where now are the children of the kindly folk
      Dhealaich rium nuair bha mi òg
      Who parted from me when I was young
      Mus robh Dùthaich ‘IcAoidh na fàsach?
      Before Sutherland became a desert?

      Tha trì fichead bliadhna ‘s a trì
      It has been sixty-three years
      On dh’fhàg mi Dùthaich ‘IcAoidh
      Since I left Sutherland
      Cait bheil gillean òg mo chrìdh’
      Where are all my beloved young men
      ‘S na nìonagan cho bòidheach?
      And all the girls that were so pretty?

      Shellar, tha thu nist nad uaigh
      Sellar, you are in your grave
      Gaoir nam bantrach na do chluais
      The wailing of your widows in your ears
      Am milleadh rinn thu air an t-sluagh
      The destruction you wrought upon the people
      Ron uiridh ‘n d’ fhuair thu d’ leòr dheth?
      Up until last year, have you had your fill of it?

      Chiad Dhiùc Chataibh, led chuid foill
      First Duke of Sutherland, with your deceit
      ‘S led chuid càirdeis do na Goill
      And your consorting with the Lowlanders
      Gum b’ ann an Iutharn’ bha do thoill
      You deserve to be in Hell
      Gum b’ fheàrr Iùdas làmh rium
      I’d rather consort with Judas

      Bhan-Diùc Chataibh, bheil thu ad dhìth
      Duchess of Sutherland, where are you now?
      Càit a bheil do ghùnan sìod?
      Where are your silk gowns?
      An do chùm iad thu bhon oillt ‘s bhon strì
      Did they save you from the hatred and fury
      Tha an diugh am measg nan clàraibh?
      Which today permeates the press?

      Mo mhallachd aig na caoraich mhòr
      My curse upon the great sheep
      Càit a bheil clann nan daoine còir
      Where now are the children of the kindly folk
      Dhealaich rium nuair bha mi òg
      Who parted from me when I was young
      Mus robh Dùthaich ‘IcAoidh na fàsach?

      https://www.youtube.com/watch?v=7ZefyNYqpYM&feature=emb_logo

  • #Et_pourtant_elles_dansent

    Marie-Noëlle, Denise, Asyath, Odile, Lizana, Emi­na ou encore Augustine et d’autres, toutes femmes réfugiées en France, se retrouvent à l’association Femmes en Luth à Valence et se sont confiées sur les raisons qui les ont contraintes à quitter leurs pays, souvent pour leur survie, laissant parfois leurs proches et leurs biens derrière elles. Portant le poids d’une culpabilité qui ne les quittera pas, elles évoquent les violences subies, les tortures au tra­vers de leurs témoignages, affichent leur courage et transmettent malgré tout un message de paix. Elles chantent, dansent, peignent et sourient ! Présent dans l’association, Vincent Djinda les a accompa­gnées durant une année.


    https://www.desrondsdanslo.com/EtPourtantEllesDansent.html
    #BD #livre #asile #migrations #réfugiés #procédure_d'asile #France #déqualification #femmes #déracinement #Tchétchénie #viols #viol_comme_arme_de_guerre #torture #violences_domestiques #violences_conjugales #prostitution #Valence #Femmes_en_Luth #guerre #témoignage #audition #récit #preuves #torture

  • #ACME - numéro spécial sur « Border Imperialism »

    Situating Border Imperialism
    Levi Gahman, Elise Hjalmarson, Amy Cohen, Sutapa Chattopadhyay, Enrica Rigo, Sarah Launius, Geoffrey Boyce, Adam Aguirre, Elsa Noterman, Eli Meyerhoff, Amílcar Sanatan

    Border Imperialism, Racial Capitalism, and Geographies of Deracination
    Levi Gahman, Elise Hjalmarson

    “Slavery hasn’t ended, it has just become modernized”: Border Imperialism and the Lived Realities of Migrant Farmworkers in #British_Columbia, #Canada
    Amy Cohen

    Borders re/make Bodies and Bodies are Made to Make Borders: Storying Migrant Trajectories
    Sutapa Chattopadhyay

    Re-gendering the Border: Chronicles of Women’s Resistance and Unexpected Alliances from the Mediterranean Border
    Enrica Rigo

    Drawing the Line: Spatial Strategies of Community and Resistance in Post-SB1070 #Arizona
    Geoffrey A Boyce, Sarah Launius, Adam O Aguirre

    Revolutionary Scholarship by Any Speed Necessary: Slow or Fast but for the End of This World
    Eli Meyerhoff, Elsa Noterman

    Borders and Marxist Politics in the Caribbean: An Interview with #Earl_Bousquet on the Workers Revolutionary Movement in St. Lucia
    Earl Bousquet, Interviewed by: Amílcar Sanatan

    #revue #frontières #impérialisme #déracinement #esclavagisme #capitalisme_racial #déracinement #Caraïbes #femmes #genre #résistance_féminine #USA #Etats-Unis #corps #agriculture #exploitation

    • Le président François Hollande veut définir un « état de guerre » adapté à la situation. Que pensez-vous de cette discussion ? Croyez-vous plus généralement qu’une modification de la Constitution soit une réponse adaptée aux attentats du 13 novembre ?

      Jürgen Habermas .- Il me semble sensé d’adapter à la situation actuelle les deux dispositions de la Constitution française relatives à l’état d’urgence. Si cette question est désormais à l’ordre du jour, c’est parce que le président a proclamé l’état d’urgence à la suite des événements choquants de la nuit du 13 au 14 novembre, et entend le prolonger trois mois durant. Je peux difficilement juger de la nécessité de cette politique et de ses raisons. Je ne suis en rien un expert des questions de sécurité.

      Mais, envisagée à distance, cette décision ressemble à un acte symbolique permettant au gouvernement de réagir – vraisemblablement de la manière qui convient – au climat régnant dans le pays. En Allemagne, la rhétorique guerrière du président français, guidée semble-t-il par des considérations de politique intérieure, suscite plutôt des réserves.

      Le président Hollande a aussi décidé d’accroître son niveau d’intervention en Syrie, notamment en bombardant Rakka, la « capitale » de l’Etat islamique, et en se rapprochant de la Russie. Que pensez-vous de l’interventionnisme en général ?

      Il ne s’agit pas d’une décision politique inédite mais seulement de l’intensification de l’engagement de l’aviation française, qui est en action depuis déjà un certain temps. Certes, les experts se montrent d’accord pour dire qu’un phénomène aussi déconcertant que l’Etat islamique – ce mélange de « califat » n’ayant pas encore trouvé son territoire définitif et de commandos de tueurs essaimant à l’échelle du globe – ne peut être vaincu uniquement par les armes aériennes.

      Mais l’intervention au sol de troupes américaines et européennes n’est pas seulement irréaliste, elle serait avant tout d’une grande imprudence. Il ne sert à rien d’agir en court-circuitant les pouvoirs locaux. Obama a appris des interventions de ses prédécesseurs et de leurs échecs, et a insisté sur un point important lors du dernier sommet du G20 qui s’est déroulé il y a peu en Turquie. Il a souligné que des troupes étrangères ne peuvent garantir très longtemps, après leur retrait, le résultat de leurs succès militaires.

      Du reste, on ne peut prendre à la gorge l’Etat islamique en recourant aux seuls moyens militaires. Les experts se montrent également d’accord sur ce point. Nous pouvons considérer ces barbares comme des ennemis, et nous devons lutter contre eux, inconditionnellement ; mais, si nous voulons vaincre cette barbarie sur le long terme, nous ne devons pas nous leurrer quant à ses raisons, qui sont complexes.

      Ce n’est sans doute pas le moment pour une nation française profondément blessée, pour une Europe bouleversée et une civilisation occidentale ébranlée, de se souvenir de l’origine de ce potentiel de conflit explosif et momentanément non maîtrisé du Proche-Orient – de l’Afghanistan et de l’Iran jusqu’à l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Soudan.

      Que l’on se remémore seulement ce qui s’est passé dans cette région depuis la crise de Suez de 1956. Une politique des Etats-Unis, de l’Europe et de la Russie déterminée presque exclusivement par des intérêts géopolitiques et économiques s’est, dans cette fragile région du monde, heurtée à un héritage de l’époque coloniale à la fois artificiel et fait de déchirements ; et cette politique a tiré profit des conflits locaux sans stabiliser quoi que ce soit.

      Comme chacun sait, les conflits opposant les sunnites et les chiites, dont le fondamentalisme de l’Etat islamique tire aujourd’hui en premier lieu ses énergies, se sont à l’évidence déchaînés à la suite de l’intervention américaine en Irak décidée par George W. Bush, qui a bafoué les règles du droit international.

      Le coup d’arrêt au processus de modernisation de ces sociétés s’explique également par certains aspects spécifiques de la très fière culture arabe. Mais l’absence de perspective et d’espoir en l’avenir qui afflige les jeunes générations de ces pays, avides de mener une vie meilleure, avides aussi de reconnaissance, est en partie le fait de la politique occidentale.
      Ces jeunes générations, lorsque échouent toutes les tentatives politiques, se radicalisent afin de regagner leur amour-propre. Tel est le mécanisme de cette pathologie sociale. Une dynamique psychologique semblablement désespérée, qui trouve là encore son origine dans ce défaut de
      reconnaissance, semble aussi faire de petits criminels isolés, issus des populations immigrées européennes, les héros pervers de commandos de tueurs téléguidés. Les premières enquêtes journalistiques consacrées au milieu et aux itinéraires respectifs des terroristes du 13 novembre le laissent en tout cas supposer. A côté de la chaîne de causalité qui conduit en Syrie, il en existe une autre, qui attire l’attention sur les destins ratés de l’intégration dans les foyers sociaux de nos grandes villes.

      Lors des attentats du 11 septembre 2001, des intellectuels, dont le philosophe Jacques Derrida et vous-même, s’étaient inquiétés du recul des libertés démocratiques que risquaient de provoquer la pression de la lutte contre le terrorisme et le recours à des notions comme la « guerre des civilisations » ou « les Etats voyous ». Le diagnostic a été largement vérifié par l’usage de la torture, les contrôles de la NSA, les détentions arbitraires de Guantanamo, etc. Une lutte contre le terrorisme qui maintiendrait l’espace public démocratique intact est-elle, selon vous, possible ou pensable ? Et à quelles conditions ?

      Un regard rétrospectif sur le 11-Septembre ne peut que nous conduire à constater, comme nombre de nos amis américains, que la « guerre à la terreur » de Bush, Cheney et Rumsfeld a abîmé la constitution politique et mentale de la société américaine. Le Patriot Act adopté à l’époque par le Congrès, encore en vigueur aujourd’hui, porte atteinte aux droits fondamentaux des citoyens, et touche à la substance même de la Constitution américaine.

      Et il est permis d’en dire de même de l’extension fatale de la notion de combattant ennemi, qui a légitimé Guantanamo et d’autres crimes, et qui n’a été écartée que par l’administration Obama. Cette réaction irréfléchie aux attentats du 11-Septembre, qui avaient été jusqu’alors inconcevables, explique en bonne part la propagation d’une mentalité incarnée aujourd’hui par une personnalité aussi innommable que Donald Trump, candidat aux primaires républicaines. Ce n’est en rien une réponse à votre question. Mais ne pouvons-nous pas, comme les Norvégiens en 2011, après l’effroyable attentat commis sur l’île d’Utoya, résister au premier réflexe du repli sur soi face à l’inconnu incompréhensible et de l’agression contre l’« ennemi intérieur » ?

      J’ai bon espoir que la nation française donne au monde un exemple à suivre, comme elle l’a fait après l’attentat ayant visé Charlie Hebdo. Il n’est pas besoin pour cela de riposter à un péril fictif tel que l’« asservissement » à une culture étrangère qui, soi-disant, menacerait. Le danger est bien plus tangible. La société civile doit se garder de sacrifier sur l’autel de la sécurité toutes ces vertus démocratiques d’une société ouverte que sont la liberté de l’individu, la tolérance vis-à-vis de la diversité des formes de vie et la bonne disposition à adopter la perspective d’autrui. En face d’un Front national qui se renforce, cela est plus facile à dire qu’à faire.

      Mais il existe de bonnes raisons de réagir ainsi, qui ont peu à voir avec des incantations. La plus importante est évidente : le préjugé, la méfiance et le rejet de l’islam, la peur de l’islam, et la lutte préventive contre lui, doivent beaucoup à une pure et simple projection.

      En effet, le fondamentalisme djihadiste a certes recours dans ses manières de s’exprimer à tout un code religieux ; mais il n’est en rien une religion. Il pourrait recourir, à la place du langage religieux qu’il utilise, à n’importe quel autre langage religieux, et même à n’importe quelle idéologie promettant une justice rédemptrice.

      Les grands monothéismes ont des origines qui remontent très loin dans le temps. Le djihadisme, en revanche, est une forme absolument moderne de réaction à des conditions de vie caractérisées par le déracinement. Attirer l’attention, dans un but préventif, sur une intégration sociale en panne ou sur une modernisation sociale défaillante, ce n’est naturellement pas exempter les auteurs de ces méfaits de leur responsabilité personnelle.

      L’attitude de l’Allemagne face à l’afflux des réfugiés a surpris
      positivement, malgré les reculs récents. Pensez-vous que la vague terroriste puisse modifier cet état d’esprit - puisque certains islamistes ont cherché à s’infiltrer dans le flot des réfugiés ?

      J’espère que non. Nous sommes tous dans le même bateau. Le terrorisme comme la crise des réfugiés constituent des défis dramatiques, peut-être ultimes, et exigent une coopération étroitement solidaire à laquelle les nations européennes ne se sont jusqu’à présent pas encore résolues, y compris dans le cadre de l’union monétaire.

      (Traduit de l’allemand par Frédéric Joly).

      Jürgen Habermas est né en 1929. Son nom est associé à l’école de Francfort. Il développe dans son œuvre une philosophie de l’espace public démocratique

      paywall = lecture zen + imprimer la page et afficher PDF ...

    • En fait de communicant :
      http://www.lcp.fr/actualites/politique/177066--terreau-du-jihadisme-la-societe-francaise-a-une-part-de-responsabilite-m

      Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a affirmé samedi que la société française devait assumer une « part de responsabilité » dans le « terreau » sur lequel le jihadisme a pu prospérer, en évoquant une disparition de l’idéal républicain de mobilité sociale.

  • Le centre du monde (Marie Darrieussecq)
    http://nle.hypotheses.org/2985

    Où est le centre du monde ? Ça continue à me tracasser. Je me suis rendue à Marseille, à un colloque sur l’exil. Pour les exilés, en particulier ceux des diasporas, il y a plusieurs centres : Téhéran et la Little Teheran de Los Angeles, Kinshasa et Paris pour beaucoup de Congolais, Erevan et Kiev pour les Arméniens. Le centre se diffuse, ou se replante. Un autre paysage pousse comme un arbre ou un rhizome, et les exilés sont des jardiniers parfois involontaires, avec des graines sous leurs semelles. Où va se replanter la belle Alep, où se redépose Bagdad qui fut le centre d’un monde ?

    #Géographie #Centre_du_Monde #Représenter_l_Espace #Représenter_le_Monde #Migrations #Géographie_des_Migrations #Migrants

  • Les mots et techniques de communication du pouvoir pour imposer les projets inutiles - Reporterre
    http://www.reporterre.net/spip.php?article6600

    Surtout, ce qui est censé « compenser » le scandale va en fait dans le même sens. Car la destruction comme la préservation des territoires par l’Etat, ces deux moments de leur aménagement, se font au détriment de leur usage commun par les populations locales qui s’en servent encore de garde-manger et de pharmacie. C’est notamment ainsi que les voient les vieilles paysannes et les jeunes « zadistes » qui n’ont pas intégralement délégué leur (sur)vie aux industries agro-alimentaires et pharmaceutiques.

    Ce que désigne l’aménagement du territoire apparaît ici clairement. Dans la plupart des cultures, les terroirs et les paysages étaient le produit de celles et ceux qui y vivaient ; tout cela est désormais « géré » d’en haut et de loin, par l’Etat central dépositaire de « l’intérêt général », lequel se mesure à la croissance du PIB, saupoudrée de « mesures écologiques ».

    Le territoire est ainsi soustrait aux gens qui y vivent et mis au service de l’accroissement du capital. Ce qui implique de faire la guerre aux usages vernaculaires et, si nécessaire, de déménager sans ménagement les populations locales.

    Construire l’acceptation sociale

    Toutes ces expropriations se sont faites sans trop d’opposition dans l’après-guerre, tant qu’il y eut un large consensus des communistes et des gaullistes en faveur du Progrès. Les choses se sont ensuite gâtées, notamment avec le « grand projet » de nucléarisation de l’Hexagone qui aboutit en 1977 au même crime que celui du 26 octobre 2014 : Vital Michalon est tué par une grenade offensive.

    Dans les années 1980, l’Etat crie alors à l’aide : comment donner un vernis démocratique aux projets mûrement imposés par les élites ? Et les sociologues de proposer un nouvel outil, la « démocratie technique » : au-delà de la propagande, il s’agit d’aménager la contestation, de l’intégrer au processus de décision pour mieux la gérer, la cantonner à un rôle de contre-expertise technique et anéantir en elle toute opposition politique.

    Il faut organiser des « forums hybrides » (Michel Callon) associant les représentants de l’Etat aux délégués des associations et autres organisations paragouvernementales, afin que la « société civile » puisse discuter et par là même valider démocratiquement les décisions prises par la technocratie.

    Il faut « cartographier les controverses » (Bruno Latour) et, si besoin, créer de toutes pièces des associations afin que, lors de ces débats, il y ait des acteurs de la « société civile » favorables aux projets des élites. Chacun verra alors qu’« en bas », il y a des « pour » et des « contre », que les choses sont « complexes » et qu’il vaut mieux laisser l’Etat savant s’en charger.

    #gpii #aménagement_du_territoire #administration_du_désastre #ruralité #déracinement
    lien avec http://seenthis.net/messages/273520

  • Entraides-Citoyennes | Exclusion : « Les abandonnés de la république », un drame français sous silence
    http://entraides-citoyennes.org/exclusion-les-abandonnes-de-la-republique-un-drame-francais-sous-silence/#more-1953

    Avec un sixième de la superficie de l’Hexagone, la #Guyane est la plus vaste région française. Environ dix mille Amérindiens de différentes communautés autochtones y vivent, pour l’essentiel, sur la côte et le long des fleuves frontaliers (Maroni et Oyapock).

    Parmi eux, les Amérindiens du Haut Maroni, installés au cœur de la forêt amazonienne, sont victimes de puis plusieurs décennies d’un drame qui se joue dans le silence et l’indifférence.

    Face à cette violence et à des conditions de vie déplorables (absence quasi-totale d’infrastructures, d’équipements et de services publics), la France n’agit pas comme elle le devrait. Conditions de vie déplorables, éloignement imposé aux jeunes enfants, destruction de la culture et de l’identité amérindiennes, emprise des sectes : elle se contente d’offrir aux Amérindiens, qui ont déjà souffert d’un passé tragique comme d’une acculturation forcée, une nationalité et un drapeau, quelques maigres ressources, mais aucun accès véritable à leurs droits fondamentaux de citoyens français, à la santé et à une éducation respectueuse de leur culture, leur refusant par là-même le droit d’être Amérindiens.

    http://www.youtube.com/watch?v=7all1Be6V_k

  • Le Jardin de Babylone - Bernard Charbonneau (Encyclopédie des nuisances, 2002)
    http://biosphere.ouvaton.org/de-1182-a-1999/1780-1969-le-jardin-de-babylone-de-bernard-charbonneau-encycloped
    Texte écrit en 1969, extrêmement visionnaire et complet

    « La #nature est à la fois la mère qui nous a engendrés, et la fille que nous avons conçue. A l’origine, il n’y avait pas encore de nature. L’homme ne s’était pas encore distingué d’elle pour la considérer. Individus et société étaient englobés dans le #cosmos. C’est en Judée que naquit la nature, avec la Création : Jahvé a profané le cosmos et l’homme peut y porter la main. Même provisoirement écrasée, la révolte de la liberté humaine était à tout jamais déchaînée. Alors grandirent parallèlement la maîtrise et le #sentiment_de_la_nature. La science pénétra le mécanisme du cosmos, et ainsi la #technique permit de la transformer. Le sentiment de la nature apparaît là où le lien avec le cosmos est rompu, quand la terre se couvre de maisons et le ciel de fumées ; là où est l’#industrie, ou bien l’#Etat. La #campagne s’urbanise, et l’Europe devient une seule banlieue. Mais quand la nature vient à disparaître, c’est l’homme qui retourne au chaos.

    1/5) Reconstruction de la nature, fin de la nature
    L’intervention puissante et aveugle de l’homme risque de rompre l’équilibre fragile dont l’homme est issu. Le souci de la #productivité s’attache trop au présent, pas assez à l’avenir ; alors vient un jour où le #rendement baisse. Si la production continue d’augmenter indéfiniment, alors se posera un autre problème, celui de l’élimination des déchets. Trop souvent, au constat de l’épuisement du milieu naturel, les fidèles du progrès opposent un acte de foi : « On trouvera bien un moyen. » Or il y a de fortes chances que nous soyons obligés de reconstituer à grand frais les biens qui nous étaient fournis par la nature ; et ceci au prix de discipline autant que d’efforts. L’homme naît de la nature comme au sein d’une mère. Là où elle disparaît, la société moderne est obligée de fabriquer une surnature, l’homme devra réempoissonner l’océan comme il empoissonne un étang. Mais alors l’homme doit imposer à l’homme toute la rigueur de l’ordre que le Créateur s’est imposé à lui-même. En substituant dans cette recréation l’inhumanité d’une police totalitaire à celle d’une nature totale.

    Si l’homme dépasse la nature, il en est aussi le fruit. Aussi voit-on se développer dans les sociétés industrielles et urbaines un « sentiment » de nature qui reflète la gravité de la rupture avec le cosmos. Ainsi au siècle de l’artifice, nous avons la passion de cette nature que nous détruisons. Le sentiment de la nature est à la fois profond et extérieur à la vie des individus ; il se nourrit d’apparences, son domaine est celui de la peinture et du spectacle. Sauf exception, nous aimons la nature, mais nous craignons d’y vivre.

    2/5) La fin des paysans
    « Là où il existe, le #paysan est l’homme du pays, il est englobé dans la pulsation du cosmos. L’Eden terrestre n’est pas un don de Dieu, mais le fruit de la peine, moissonneurs des plaines courbés sur l’horizon. Au siècle de la division du travail le paysan est l’homme des cultures et des travaux multiples. Jusqu’en 1914, il fallait prendre la carriole à la gare pour gagner le village, et parfois du village c’est à pied qu’il fallait gagner l’encart. Jusqu’en 1945 l’industrie agricole n’existait vraiment qu’aux USA et dans quelques pays neufs. Maintenant des machines toujours plus puissantes ébranlent son univers. La campagne doit se dépeupler pour accueillir le peuple des tracteurs. Il n’y a plus de nature ni d’homme qui puisse tenir devant l’impitoyable tracé des raisons de l’Etat ou de la Production. Des lois déracinent les peuples comme le bulldozer les haies.

    L’instruction primaire obligatoire fut une sorte de #colonisation bourgeoise de la campagne. En même temps qu’il apprenait à lire et à écrire, le jeune paysan devait désapprendre : sa langue et son folklore. Les instituteurs de la IIIe République participèrent d’autant plus à cette entreprise de colonisation qu’ils étaient fils de paysans, pour lesquels devenir bourgeois était une promotion sociale. On peut imaginer une évolution différente où l’école eût continué l’Eglise dans le village, s’insérant dans la nature et la tradition en leur ajoutant, avec l’instruction, la dimension de la conscience. Mais les manuels scolaires, qui se lamentaient de la « dépopulation » des campagnes, se mirent à déplorer leur surpopulation.

    Le plan Monnet a déraciné les paysans que 1789 avait enracinés en leur donnant la terre. Comment des ingénieurs auraient-ils pu concevoir la campagne autrement que comme une industrie ? Dans cette optique, la campagne française était évidemment « sous-développée ». Le plan prévoyait le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture de marché qui intégrait le paysan dans le cycle de l’argent et de la machine. Le paysan vivait sur la propriété de polyculture familiale, maintenant il se spécialise. La monoculture le fait dépendre du marché. Désormais il lui faut acheter pour vendre, et vendre pour acheter, le superflu dont il commence à prendre l’habitude, et le nécessaire : les machines, les engrais, et même la nourriture. Les critères du plan furent exclusivement techniques : rendements à l’hectare, consommation d’énergie, possession d’une auto ou d’un téléphone. Certains facteurs ne furent pas pris en compte : la conservation des sols, la saveur des produits, l’espace, la pureté de l’air ou de l’eau. A plus forte raison certains facteurs humains comme le fait d’être son propre maître. La vie à la campagne comportait un relatif isolement, la participation à un groupe retreint mais aux liens solides ; et voici que l’organisation administrative et syndicale, la diffusion de l’instruction et de la presse, de la TV, absorbent les paysans dans la société globale.

    La seconde révolution industrielle, celle des hydrocarbures et de la chimie, va s’imposer aux campagnes européennes. La machine va trop vite pour la pensée : son usage précède toujours la conscience de ses effets. La tronçonneuse ne laisse plus le temps de la réflexion comme la hache. Si on peut abattre un chêne en quelques secondes, il faut toujours un siècle pour le faire. Le tracteur n’est plus le monopole du très grand propriétaire, les produits chimiques diminuent le travail du paysan, mais comme il faut les payer, il faut d’autant plus travailler. La petite exploitation n’était pas rentable. Le progrès technique signifie la concentration, la mécanisation engendre la grande exploitation. Le ruisseau n’est plus que l’effluent d’un terrain saturé de chimie et il suffit de quelques pompes-canons pour le tarir. Qu’est devenue la vie secrète des vallons ? Il n’y a plus que l’eau morte des retenues collinaires. Le travail devient vraiment du travail, c’est-à-dire du travail d’usine. Avant peu, les paysans réclameront à leur tour le droit de passer leurs vacances à la campagne.

    L’électrification et l’adduction d’eau multiplient les tâches en intégrant le paysan dans le système urbain. L’#aménagement_du_territoire, ou plutôt le déménagement, étendit ses méthodes à la campagne. La grande presse, et surtout la TV, achèvent d’entraîner la campagne dans le circuit des villes. Avant la dernière guerre, la ville gagnait dans la campagne, maintenant elle la submerge. C’est ainsi qu’à la France des paysages succède celle des terrains vagues. Et bientôt la France rurale ne sera plus que la banlieue de Paris. La campagne n’est plus qu’un élément d’une seule économie dont la ville est le quartier général. Le reste n’est plus que terrain industriel, aérodromes, autostrades, terrain de jeu pour les citadins. Partout pénètrent les autos, et avec elles les masses, les murs : la ville.

    3/5) Le cancer de l’urbanisation
    Les villes anciennes étaient beaucoup moins nombreuses et beaucoup plus petites que les nôtres. Elles étaient perdues dans la nature. En hiver, la nuit, les loups venaient flairer leurs portes, et à l’aube le chant des coqs résonnait dans leurs cours. Puis un jour, avec le progrès de l’industrie, elles explosèrent, devenant un chaos. Le signe le plus voyant de la montée du chaos urbain c’est la montée des ordures. Partout où la population s’accumule, inexorablement l’air s’épaissit d’arômes, l’eau se charge de débris. La rançon du robinet, c’est l’égout. Sans cesse nous nous lavons, ce n’est plus une cuvette qui mousse, mais la Seine.

    Les villes sont une nébuleuse en expansion dont le rythme dépasse l’homme, une sorte de débâcle géologique, un raz de marée social, que la pensée ou l’action humaine n’arrive plus à dominer. Depuis 1960, il n’est plus question de limiter la croissance de Paris, mais de se préparer au Paris de vingt millions d’habitants dont les Champs-Élysées iront jusqu’au Havre. Les tentacules des nouveaux faubourgs évoquent irrésistiblement la prolifération d’un tissu cancéreux. La ville augmente parce qu’elle augmente, plus que jamais elle se définit comme une agglomération. La ville augmente parce que les hommes sont des êtres sociaux, heureux d’être nombreux et d’être ensemble. Il est bien évident qu’elle n’est pas le fruit d’un projet.

    Les hommes se sont rassemblés dans les villes pour se soustraire aux forces de la nature. Ils n’y ont que trop bien réussi ; le citadin moderne tend à être complètement pris dans un milieu artificiel. Non seulement dans la foule, mais parce que tout ce qu’il atteint est fabriqué par l’homme, pour l’utilité humaine. Au milieu des maisons, les hommes ont amené de la terre, construit un décor. Les usagers des jardins publics sont trop nombreux : regardez, mais ne touchez pas. Les coûts de Mégalopolis grandissent encore plus vite que sa taille. Il faut faire venir plus d’énergie, plus d’eau. Il faut assurer le transport des vivants, se débarrasser des cadavres et autres résidus. Il boit une eau qui n’est plus que celle, « recyclée » de ses égouts, la ville en est réduite à boire sa propre urine. Je propose en plus d’estimer en francs le mètre carré ou le mètre cube d’air pur, comme le kilowatt. Le XIXe siècle avait ses bagnes industriels, le nôtre a l’enfer quotidien du transport. Mégalopolis ne peut être sauvée que par le sacrifice, chaque jour plus poussé, de ses libertés.

    Après le style primitif, après l’ordre monarchique, le désordre de la période individualiste, la ruche monolithique d’une collectivité totalitaire. Si nous n’y prenons garde, en supposant un meilleur des mondes sans crise ni guerre, nous finirons dans une caverne climatisée, isolée dans ses propres résidus ; où nous aurons le nécessaire : la TV en couleur et en relief, et où il nous manquera seulement le superflu : l’air pur, l’eau claire et le silence. La ville pourrait bien devenir le lieu de l’inhumanité par excellence, une inhumanité sociale. Peut-être que si la science réussit à rendre l’individu aussi indifférencié qu’une goutte d’eau, la ville pourra grandir jusqu’à submerger la terre. Peut-être que le seul moyen de mettre un terme à la croissance inhumaine de certaines agglomérations est de laisser la pénurie atteindre un seuil qui, en manifestant avec éclat l’inconvénient d’y vivre, découragera les hommes d’y affluer.

    Le citadin s’est libéré en s’isolant du cosmos ; mais c’est ainsi qu’il a perdu sa liberté. Aujourd’hui, pour être libre, prendre des vacances, c’est sortir de la ville.

    4/5) Le tourisme, produit de l’industrie
    Pour les primitifs et les paysans, rien n’est plus étranger que l’idée de voyager. Ceux qui ont traversé les pays ignorés du tourisme savent à quel point leurs habitants sont surpris de voir un homme qui se déplace pour son plaisir. A l’origine, l’homme ne change de lieu que contraint par une nécessité supérieure : pour fuir un ennemi, s’enrichir, ou obéir à l’ordre d’un dieu. Pour le Moyen Age, le voyageur, c’est le pèlerin ou le trafiquant. Le voyage généralisé apparaît lorsque les conditions économiques et sociales permettent à l’individu de rompre avec son milieu. Il naît avec la richesse, la sécurité des routes, la curiosité et l’ennui. Le premier touriste, ce fut peut-être l’empereur Hadrien. Au contraire, le goût des voyages décroît avec la misère et l’insécurité. Le temps des invasions n’est jamais celui du tourisme ; alors l’individu se cramponne au sol pour subsister. Comme autrefois, il n’est pas assez d’une existence pour connaître vraiment son canton, parce qu’il lui faut avancer pas à pas. Et le quitter pour un autre, c’est le perdre.

    Le #tourisme commence au XVIIIe siècle, et d’Angleterre il gagne l’Europe. Le voyage n’est plus le fait d’une aristocratie, il devient celui d’une classe sociale tout entière : la bourgeoisie, et finalement les masses populaires. Pour un homme des villes, vivre physiquement et spirituellement, c’est retourner à la nature. Accablés de vêtements et d’artifices, nous nous étendons nus sur le sable. Ce sont les hommes de l’auto et de l’avion qui escaladent à pied les montagnes. La sympathie pour les sociétés indigènes aboutira tout au plus à un folklore pour touristes plaqué sur un abîme d’uniformité. On enfermera les derniers hommes sauvages, comme les derniers grands mammifères, dans des réserves soigneusement protégées, où ils joueront le rôle du primitif devant un public de civilisés. Le parc national n’est pas la nature, mais un parc, un produit de l’organisation sociale : le jardin public de la ville totale. C’est la terre entière qui devrait devenir un parc national ; tandis que la masse humaine irait vivre sous cloche dans quelque autre planète.

    La nature reste l’indispensable superflu de la société industrielle. La nature est photogénique ; notre civilisation de l’image est portée à l’exploiter pour compenser la rationalité de son infrastructure mathématique. Les mass media diffusent quotidiennement les mythes de la Mer, de la Montagne ou de la Neige. Le touriste n’est qu’un voyeur pour lequel le voyage se réduit au monument ou au site classé. Partout l’artifice cherche à nous restituer la nature. Isolé de la nature dans son auto, le touriste considère d’un œil de plus en plus blasé le plat documentaire qui se déroule derrière le miroir. Admirer les glaciers à travers les vitres d’un palace n’empêche pas de se plaindre de la faiblesse du chauffage. Un touriste ne vit pas, il voyage ; à peine a-t-il mis pied à terre que le klaxon du car le rappelle à l’ordre ; le tourisme et la vraie vie ne se mélangent pas plus que l’huile et l’eau. Avec la société capitaliste, le tourisme est devenu une industrie lourde. L’agence de tourisme fabrique à la chaîne quelques produits standard, dont la valeur est cotée en bourse. Il n’y aura plus de nature dans la France de cent millions d’habitants, mais des autoroutes qui mèneront de l’usine à l’usine – chimique ou touristique.

    L’auto, qui nous permet de nous déplacer aisément, par ailleurs nous enferme. Certains massifs de Pyrénées dépourvus de routes sont moins fréquentés qu’à l’époque de Russel et de Chausenque. Mais demain, le bulldozer permettra aux modernes centaures d’envahir partout la montagne, sans risque d’abîmer leurs délicats sabots de caoutchouc. Il faut du nouveau à l’individu moderne, n’en fût-il plus au monde. Le touriste change de lieu chaque fois plus vite – jusqu’au moment où le voyageur n’est plus qu’un passager affalé qui ronfle dans le fauteuil d’un avion lancé à mille à l’heure. Ce qui rend les voyages si faciles les rend inutiles. L’avion fait de Papeete un autre Nice, c’est-à-dire un autre Neuilly. Les temps sont proches où l’avion pour Honolulu n’aura pas plus de signification que le métro de midi. Tourisme ? Exactement un circuit fermé qui ramène le touriste exactement à son point de départ. A quoi bon l’auto qui permet de sortir de la ville, si elle nous mène au bord d’un autre égout ? Sur deux cents kilomètres de plage landaise, il n’est pas un feston de la frange des vagues qui ne soient ourlé par les perles noires du mazout. Et le soir, à la villa, le bain d’essence devient le rite complémentaire du bain de mer. On pouvait voir les bancs de perche évoluer dans les algues par trois mètres de fond dans l’étang de Biscarosse ; selon un rapport du Muséum il est aujourd’hui classé dans la quatrième catégorie, le maximum de pollution. La paix de l’hiver est rompue par les skieurs, le blanc des neiges, piétiné et balafré, n’est plus qu’un terrain vague maculé de débris et de traces. La montagne est mise à la portée des masses payantes. Mais est-elle encore la montagne ? Il n’y a plus de montagne ; il ne reste qu’un terrain de jeu. Le domaine du loisir étant celui de la liberté, pourquoi dépenser des milliards à couvrir les montagnes de téléphériques pour hisser le bétail humain sur les crêtes ? Aujourd’hui sites et monuments sont plus menacés par l’admiration des masses que par les ravages du temps. On voit venir le moment où les lieux les plus célèbres se reconnaîtront au fait que la visite en est interdite.

    Rien n’empêche la société industrielle d’enfermer la momie de Thoreau dans la vitrine de la littérature bucolique. Si nous voulons retrouver la nature, nous devons d’abord apprendre que nous l’avons perdue.

    5/5) Conclusion : échec et résurrection du sentiment de la nature
    Il n’est pas de lieu plus artificiel que ceux où la nature est vendue. Si un jour elle est détruite, ce sera d’abord par les industries de la mer et de la montagne. Si un « aménagement du territoire » désintéressé et intelligent s’efforce d’empêcher le désastre, il ne pourra le faire qu’au prix d’une organisation raffinée et implacable. Or l’organisation est l’exacte antithèse de la nature. Le « sentiment de la nature » s’est laissé refouler dans le domaine du loisir, du superflu et du frivole. La révolte naturiste n’a engendré qu’une littérature et non une révolution. Le scoutisme n’a pas dépassé l’enfance.

    Les passionnés de la nature sont à l’avant-garde de sa destruction : dans la mesure où leurs explorations préparent le tracé de l’autostrade, et où ensuite pour sauver la nature ils l’organisent. Ils écrivent un livre ou font des conférences pour convier l’univers à partager leur solitude : rien de tel qu’un navigateur solitaire pour rassembler les masses. L’amoureux du désert fonde une société pour la mise en valeur du Sahara. Cousteau, pour faire connaître le « monde du silence », tourna un film qui fit beaucoup de bruit. Le campeur passionné par les plages désertes fonde un village de toile. Ainsi, réaction contre l’organisation, le sentiment de la nature aboutit à l’organisation.

    En réalité il n’y a probablement pas de solution au sein de la société industrielle telle qu’elle nous est donnée. L’organisation moderne nous assure le superflu en nous privant du nécessaire. En dehors de l’équilibre naturel dont nous sommes issus, nous n’avons qu’un autre avenir, un univers résolument artificiel, purement social. L’homme vivra de la substance de l’homme, dans une sorte d’univers souterrain. Si l’espèce humaine s’enfonçait ainsi dans les ténèbres, elle n’aurait fait qu’aboutir à la même impasse obscure que les insectes. A moins qu’on ne s’adapte pour grouiller comme des rats dans quelque grand collecteur. Que faire ?

    La nature n’est pas une mère au sens sentimental du terme, elle est la Mère : l’origine de l’homme. L’homme doit péniblement se maintenir entre ces deux abîmes : la totalité cosmique et la totalité sociale ; et c’est ce terme même de nature qui lui indique où est son étroit chemin. Il faudra dominer l’industrie comme on a dominé la nature. Il nous faut réviser nos notions de nécessaire et de superflu. Il faut affronter le standard de vie, les investissements, les fusées et la bombe atomique pour choisir l’air pur. Ce n’est que si l’homme est capable de se dominer qu’il pourra continuer de dominer la terre. La solution suppose un renversement des valeurs. Il faut que la fin : la nature pour les hommes, commande les moyens : la science, l’industrie, l’Etat. Pour nous et surtout pour nos descendants, il n’y a pas d’autres voies qu’une véritable défense de la nature. Désormais toute entreprise devrait être envisagée en tenant compte de la totalité de l’équilibre qu’elle perturbe. Les hommes qui se voueraient à une telle révolution pourraient constituer une institution, indépendante des partis ou des Etats, consacrée à la défense de la nature. Elle se considérerait comme une sorte d’ordre, imposant à ses membres un certain style de vie, qui les aiderait à prendre leurs distances vis-à-vis de la société actuelle. Ils pratiqueraient une sorte d’objection de conscience. La merveille de Babylone est ce jardin terrestre qu’il nous faut maintenant défendre contre les puissances de mort.

    #ruralité #paysannerie #urbain_diffus #banlieue_totale #administration_du_désastre #wilderness #écoumène #critique_techno #système_technicien #déracinement #effet_rebond #hors_sol #soleil_vert #contre-productivité

    • A relire ici Charbonneau, il me semble y trouver bien plus de raisons qu’il ne m’a été nécessaire d’en réunir pour chercher à cesser de penser nos existences en fétichisant comme lui la Nature - mère ou non, peu importe - et en se mettant en travers de la pensée un dualisme aussi sclérosant que nature vs culture.

      Si je fais volontiers mien ses constats historiques quant à la dévastation à laquelle il assiste, je ne suis pas du tout en accord avec la manière dont il prétend trancher -

      l’origine de l’homme. L’homme doit péniblement se maintenir entre ces deux abîmes : la totalité cosmique et la totalité sociale ; et c’est ce terme même de nature qui lui indique où est son étroit chemin.

      , etc ;
      ou des perspectives aussi clairement exprimées que celles-ci (c’est moi qui graisse ) :

      Ce n’est que si l’homme est capable de se dominer qu’il pourra continuer de dominer la terre. La solution suppose un renversement des valeurs. Il faut que la fin : la nature pour les hommes ,

      [...]

      Les hommes qui se voueraient à une telle révolution pourraient constituer une institution , indépendante des partis ou des Etats, consacrée à la défense de la nature. Elle se considérerait comme une sorte d’ordre ,

      Voilà qui me semblent quant à moi tout aussi sinistres (il y a dans un tel propos naturaliste quelque chose qui sonne banalement chrétien -

      dominer la terre, la nature pour l’homme

      - voir fasciste à mes oreilles : le naturalisme s’y donne assez vite à voir se prenant les pieds dans son propre tapis culturel) - et participer de - cela même que l’auteur croit critiquer et combattre.

      Lisant cela, l’innocence naturalisme des hétérosexistes anti-industriels (ou l’hétérosexisme innocent des naturalistes anti-industriels) dont Aude cite un morceau de choix me surprends finalement assez peu ; il procède assez clairement de vieilles carences critiques qu’il partage avec ceux dont il se réclame.

      (autres morceaux de bravoure hétérosexiste issu du même site - là encore, je graisse :

      Sur ce blog, nous n’avons aucune préférence religieuse et une seule éthique, la volonté d’être à l’écoute d’une nature … qui nous a fait homme ou femme . La volonté des gays et lesbiennes de se marier et d’avoir un enfant est une forme de discrimination envers l’autre sexe [tiens donc : mais lequel ?] : un couple hétéro est naturellement dédié à une relation sexuelle et seul capable d’assurer la reproduction nécessaire à l’espèce. L’homosexualité, c’est donc la volonté de transcender les limites naturelles et sociales en s’accaparant du mariage [sic] , une institution jusque là réservé à l’union d’un homme et d’une femme

      http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/11/23/mariage-des-homosexuels-lois-de-la-nature-et-socialisme
      et en commentaire, cet accès de délirium :

      la revendication d’une ultra-minorité d’activistes qui parlent le langage de l’égalitarisme idéologique, synonyme de dé-différenciation.

      - où l’on retrouve notre vieil ami Escudero dans le texte...

      .
      C’est ballot pour eux, mais je préfère de loin consacrer du temps... aux écrits des féministes matérialistes, par exemple, qu’à grenouiller en compagnie de pareil tissu d’imbécilité béate).

    • Oui il y a certains trucs qui ont mal vieilli dans le texte de Charbonneau, notamment dans les pistes qu’il propose. Aussi un autre terme que « dominer » aurait sûrement été choisi s’il avait écrit son texte aujourd’hui.
      Pour ma part sur ces questions je reste sur la grille #écoumène vs #wilderness, qui a l’avantage de trancher la fausse dichotomie nature/culture et de rappeler que l’humain et ses milieux se co-créent (partout, localement et sans avoir recours à des institutions) et que le souci est là où cette co-creation n’a plus lieu.

    • @koldobika

      Je me suis attelé depuis plusieurs mois à la découverte (passionnante) des travaux de A. Berque.
      malgré quelques limites évidentes (un ton facilement universaliste abstrait), je dois dire que j’en trouve la lecture des plus stimulantes. Son érudition est parfois à double tranchant : autant je me régale à le suivre dans ses références, ses rapprochements et ses comparaisons... et parfois, il me semble qu’il se complaît dans ce qui ressemble tout de même à du jargon. Et, par exemple, ses références à Heidegger ne sont pas de mon goût.

      Heureusement, il y a bien d’autres choses chez lui, et il a le bon goût d’en laisser plus qu’assez en libre accès.

      je disputerai volontiers un de ces jours de ce qu’il me semble apporter au débat (entre autres, il m’a fait penser à Gunther Anders comme à l’historien d’art Gombricht) mais je pense que l’originalité de son approche exige, de ma part au moins, un temps de digestion conséquent avant de prétendre commencer d’en faire quelque chose.

      Quoi qu’il en soit, merci encore de me l’avoir fait connaître !

    • Ce n’est pas de la Nature avec un grand N qu’il s’agit, cette dame est très recommandable et bien des professeurs lui font la cour. Cette « Nature » n’existe pas, nous avons vu les Landes, les Pyrénées, suivi les chemins de montagne où des générations de paysans sont allés apporter des provisions à des générations de bergers. La « Nature » nous laisse froids, mais nous connaissons ces grands caps de bois qui s’avancent dans les landes vides, les derniers tisons qui luisent pendant que dans le ciel étoilé de l’été monte de plus en plus strident le chant des grillons. Avez-vous brisé contre une roche un de ces cailloux creux remplis de cristaux violets ? Alors vous avez connu le sentiment de la nature

      Le sentiment de la nature, force révolutionnaire, 1937, Bernard Charbonneau
      ça reste assez peu défini dans les pages suivantes, il y parle de Rousseau, de la déclinaison en littérature du sentiment de la nature, ce que j’y perçois surtout c’est une aspiration à sortir de la rationalité totale et de l’industrialisation de tout, mais les catégories dont il cause ne sont pas très claires.
      J’y trouve une résonance avec Retrouver l’Océan, d’Henri Raynal http://www.peripheries.net/article3.html et avec La mystique sauvage, de Michel Hulin http://www.peripheries.net/article53.html

  • La carte de la pauvreté dans le Sud-Ouest : la prise en compte de la rurbanité ?
    http://bearniaiseries.blogspot.fr/2014/06/la-carte-de-la-pauvrete-dans-le-sud.html

    La carte de la #pauvreté, officialisée par le Gouvernement, basée sur des critères économiques objectifs, vient d’être publiée. Le constat est évident : sont désormais prises en compte tout un tas de petites villes et moyennes en complète déliquescence depuis des années, villes profondément acculturées, où le pire de la #mondialisation côtoie souvent les restes aliénés des cultures autochtones populaires. C’est la France où se développe le vote #FN depuis deux décennies.


    Contrairement à ce qu’affirment des sociologues, pour critiquer cette nouvelle carte, il est assez faux de dire qu’elle serait un signe donné aux « petits blancs » des campagnes. Ce n’est pas que ça. L’affirmer, c’est faire montre d’une vraie méconnaissance de la réalité démographique de nombreuses villes petites et moyennes, dont les thématiques rejoignent souvent celles des villes périurbaines des plus grandes agglomérations.

    Le Lot-et-Garonne est un symbole avec l’inclusion de 4 villes qui complètent Agen : Marmande, Sainte-Livrade, Tonneins, Villeneuve-sur-Lot. Tout se cumule en Lot-et-Garonne : une économie en perte de vitesse (fermeture de la manufacture des tabacs de Tonneins, dépendance à la PAC de l’agriculture locale, ...), l’autoritarisme de l’État qui a fixé arbitrairement des populations (depuis les Italiens des années 30 jusqu’aux populations nord-africaines dans la seconde partie du XXème siècle), la vocation de lieu de passage entre métropoles (effet A62, pavillonarisation extrême), ...

    Cependant, le Lot-et-Garonne, parce qu’il a été le jouet de l’État qui y a testé une politique d’aménagement depuis 100 ans sans cohérence, est un peu particulier. Les villes où ce phénomène de #paupérisation s’installe de manière naturelle sont plus intéressantes, comme c’est le cas de Saint-Gaudens ou Pamiers. Les causes sont les mêmes, mais il est impossible de blâmer l’État véritablement : les dynamiques démographiques sont le seul produit du marché #immobilier. Les #classes_moyennes paupérisées de l’agglomération toulousaine ont migré dans de lointaines villes-satellites reliées à la métropole par l’#autoroute, où elles retrouvent une population locale qui a souvent perdu son activité industrielle traditionnelle.

    La prise en compte de la réalité économique de ces villes, loin des clichés sur les pays de cocagne, est une bonne chose, mais elle ne semble pas apporter de nos élites les solutions nécessaires. En effet, la carte de la pauvreté, outre l’aspect « subvention par tête de pipe », n’ouvre au fond qu’à des programmes de réhabilitation urbaine, or le problème de ces nouvelles villes pauvres, c’est moins le délabrement du bâti que l’absence de concertation en matière d’#aménagement_du_territoire avec les métropoles.

    On en vient - toujours - à la question de la #réforme_territoriale : en favorisant la construction de #régions centrées autour de #métropoles, qui auront pour but premier de finaliser la liaison entre ces dernières, nos élites vont accélérer le caractère d’hinterland de ces villes petites et moyennes, et conforter leur vocation de déversoir de tout ce que les métropoles boboïsées ne désirent plus, par les seules règles du marché. Au #RSA, on vit mieux à Pamiers qu’à Toulouse.

    Notre pays fonctionne tout entier pour le bien-être de ses seules grandes villes, dans l’espoir naïf qu’elles sont les uniques vectrices de la croissance économique. D’une certaine manière, le schéma français se généralise : une grande métropole accumule les richesses qu’elle daigne redistribuer sous la forme d’assistanat à ses périphéries moins dynamiques dont elle absorbe les forces vives. Ce fut longtemps Paris et la province. Ce sont désormais nos métropoles et leur région. Il est temps de briser ce modèle.

    écho à ce commentaire de @monolecte http://seenthis.net/messages/264639#message264670 sur la paupérisation
    #urbain_diffus #transports #banlieue_totale #culture_vernaculaire
    #déracinement #extrême-droite #centralisme

    • Voilà, c’est exactement ce que j’observe sur place : notre statut grandissant de colonies pénitentiaires des métropoles. Parce que les campagnes sont effectivement les nouveaux lieux de bannissement de ceux dont les villes n’ont plus besoin, avec l’idée sous-jacente qu’on pourra les forcer à bosser à vil prix dans les secteurs qui s’épanouissent sur la misère humaine : le tourisme, les services aux personnes, les travaux agricoles saisonniers.
      J’ai remarqué aussi que ces dernières années, on revient un peu à quelque chose de très semblable à la nourrice rurale de la période monarchique et de la période bourgeoise. Les enfants à problème des villes sont envoyés au vert, c’est à dire placés dans des familles d’accueil d’agriculteurs ou de ruraux propriétaires en perte de vitesse financière. De complément de revenu, cette activité est en passe de devenir le revenu principal dans beaucoup de familles du coin. Nos écoles rurales accueillent ainsi de plus en plus d’enfants déplacés, au moment même où la logique colonisatrice incite à fermer de plus en plus de postes d’enseignants chez nous pour les transférer dans les zones périurbaines de forte densité où s’entassent les jeunes actifs avec enfants (repoussés des centres-villes quand la naissance d’un enfant fait que la pression immobilière devient insupportable du fait du besoin d’espace supplémentaire !).
      De la même manière, les vieux et les handicapés urbains sont déplacés vers les zones rurales où la main d’œuvre captive et le mètre carré sont moins chers, mais où l’encadrement médical disparait à toute allure.

      En fait, tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      Mais cela ne s’arrête pas là, parce que dans le même temps, nous héritons des mêmes problèmes que les villes : devant l’afflux de cassos’ des villes, les ruraux modestes, mais néanmoins propriétaires (nous avons énormément de propriétaires pauvres en zone rurale) se transforment en marchands de sommeil, retapant avec trois coups de peinture des granges ou des garages qu’ils peuvent ensuite louer bien confortablement à des gens qui n’ont pas ensuite les moyens de chauffer correctement des habitats qui s’avèrent souvent indignes à l’usage. Tout en leur crachant à la gueule, le cassos’ devenant le nouvel exutoire des frustrations de toute une petite classe populaire rurale qui cumule les sous-boulots pour garder un certain standing... comme une voiture en état de rouler pour aller bosser ou simplement acheter du pain...

      Bref, merci pour ce partage, @koldobika

    • @monolecte

      tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      écho avec http://seenthis.net/messages/173394

      La ville-métropole n’a pu émerger qu’avec le développement du capitalisme et de l’État : par l’établissement de grands marchés urbains aux nœuds de circulation des flux d’êtres humains et de #marchandises, permettant aussi la centralisation des capitaux, et en parallèle par la centralisation du pouvoir qui était auparavant dispersé dans les innombrables fiefs, seigneuries ou républiques villageoises. Ainsi, de même que la grande économie n’a pu se constituer comme sphère autonome que lorsqu’elle s’est « désencastrée » des autres rapports sociaux, la #ville moderne n’a pu se constituer en tant que monde qu’à partir du moment où elle a rompu avec la #ruralité qui était en elle.

      #métropolisation

    • Campagnes à vendre Le miroir aux illusions
      http://www.infokiosques.net/spip.php?article961

      « Dans le passé, la France a été l’État le plus centralisé d’Europe, dont la grande majorité de la population était composée de paysans parcellaires. Mais, n’en déplaise aux nostalgiques, le capitalisme a depuis longtemps modifié la structure de la société campagnarde. Elle n’a plus grand-chose à voir, sauf parfois dans quelque vallée enclavée de haute montagne, avec les images d’Epinal. Deux guerres mondiales, puis l’accumulation forcenée du capital dès les années 50, sous l’égide de l’Etat et par le biais des plans d’aménagement du territoire national, l’ont labourée en profondeur. »

  • Les somnambules se rendorment - Edgar Morin
    http://blogs.mediapart.fr/blog/edgar-morin/070614/les-somnambules-se-rendorment

    Ils n’ont pas su voir le lent dépérissement du peuple de gauche, éduqué sous la Troisième République par les idées issues de la Révolution française, assumées et développées par le socialisme, réassumées après 1933 par les communistes, propagées par les instituteurs de campagne, les enseignants secondaires, les écoles de formation du PS et du PC. Ils n’ont pas perçu le vide que laissait la mort du radical socialisme, la dévitalisation du PS, la désintégration du PC.

    Ils n’ont pas su voir le vide de leur pensée politique, désormais à la remorque des dogmes pseudo-scientifiques du #néolibéralisme économique, s’accrochant aux mots gris-gris de croissance et de compétitivité.

    Ils n’ont pas réfléchi sur les angoisses de plus en plus corrosives suscitées par les incertitudes et menaces du présent, la crise économique s’insérant dans une crise de civilisation, la perte d’un espoir dans le futur.

    Ils n’ont pas su voir la mort d’une époque avec la fin des #paysans, le #déracinement généralisé, la perte de repères, la crise de la famille, la corrosion des #précarités et des incertitudes, et leur impact sur des consciences troublées se fixant sur le fantasme d’une invasion migrante d’Africains, Maghrébins et Roms.

    Ils n’ont pas rétroactivement découvert que la France était multiculturelle tout au long de sa formation historique qui engloba les ethnies les plus diverses, bretons, basques, catalans, alsaciens, flamands, etc., et que les implantations de nouveaux immigrants prolongeaient cette multiculturalité.

    Eloignés du peuple, le peuple s’est éloigné d’eux.

    Enfermés dans les calculs qui masquent les réalités humaines, ils n’ont pas vu les souffrances, les peurs, les désespoirs des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux qui conduisent si souvent au délire.

    Ils ont vécu pensé et agi dans les mondes clos de l’énarchie, de la technocratie, de l’éconocratie, de la fricocratie.

    Ils ont fermé les yeux sur l’inexorable croissance des inégalités de l’école jusqu’à la fin de vie, provoquées par la « #mondialisation heureuse » d’Alain Minc, laquelle crée de nouvelles pauvretés et transforme des pauvretés en misère.

    Ils ont fermé les yeux sur la domination insolente de la finance qui a réussi à noyauter les états-majors politiques y compris dans le gouvernement PS.

    Ils n’ont pas vu la progression d’un vichysme rampant, issu d’une deuxième France qui fut monarchiste, antidreyfusarde, anti-laïque, xénophobe, antisémite, raciste, toujours dans l’opposition jusqu’à l’effondrement national de 1940, décomposée en 1944, aujourd’hui recomposée dans le dépérissement républicain et la crise de notre temps.

    Ils ont toujours voulu croire que le #Front_national resterait figé au dessous de 20% alors qu’il devenait de plus en plus visible non seulement que le bleu Marine gagnait sur l’opinion de droite, mais qu’il s’implantait dans les sphères populaires et ouvrières qui furent les bastions communistes et socialistes.

    Ils ont été incapables de voir que l’Europe bureaucratisée de Bruxelles, paralysée politiquement et militairement, survivait au bord de la décomposition sans qu’ils puissent concevoir ou imaginer la métamorphose régénératrice.

    Y a-t-il eu victoire du parti des abstentionnistes, désormais majoritaires ? Y a-t-il eu victoire du Front National ? L’un et l’autre ? L’un dans l’autre ? En tout cas défaite pour la République, défaite pour la démocratie, faillite pour le Parti socialiste.

    Il y eut un somnambulisme d’avant-guerre qui, un moment réveillé par la stupeur de l’accession de Hitler au pouvoir dans le cadre de la démocratie de Weimar, se réassoupit et chemina dans l’inconscience jusqu’à la tragédie de 1940. La grande erreur de la non-intervention en Espagne fut d’y laisser l’intervention germano-italienne donner la victoire à Franco. La grande erreur de Munich fut de provoquer le pacte germano-soviétique. La grande erreur de 1939 fut de déclarer une guerre sans la faire. Les grandes erreurs de l’Etat-Major en 1940 conduisirent au désastre.

    Ne sommes nous pas en train de suivre somnambuliquement de nouveaux somnambules, en attendant de nouveaux désastres ?

    Le mal du XXème siècle s’est annoncé en 1914. Le mal du XXIème siècle s’annonce dans l’accumulation des nuages noirs, les déferlements de forces obscures, l’aveuglement au jour le jour.

    Et pourtant dans ce pays il y a des forces régénératrices se manifestant en associations, initiatives de toutes sortes dans les villes et les campagnes. Mais elles sont dispersées. Bien que le salut dépende de la convergence de leurs actions, elles n’arrivent pas à faire confluer chacune de leurs voies en une Voie commune et ainsi elles restent sans Voix.

    Il est temps que s’expriment les Voix qui indiqueront la Voie de salut.

    #déracinement #dépolitisation #extrême-droite

    • Le présupposé est l’incompétence et l’ignorance des dominants... ce à quoi je ne crois pas du tout. S’ils avaient été aussi ignorants des conséquences psychosociales de leurs choix politiques et économiques, ils n’auraient jamais utilisé le FN et le racisme comme catalyseurs dérivatifs de la colère des classes abandonnées.
      Je pense que l’utilisation des boucs émissaires est toujours totalement délibérée, afin de fournir des diversion au peuple qu’on est en train de dépouiller, afin qu’il ne regarde que trop tard la main qui entend bien leur récurer les poches à fond.

    • Je pense qu’il y a un mélange d’opportunisme et d’incompétence.
      Opportunisme comme celui de « tonton » à qui le fn était déjà bien utile électoralement. Ou comme la « stratégie terra nova ».
      Et en même temps cet opportunisme s’incrit dans une certaine incompétence, dans une incapacité de voir à long terme, et se tire ce faisant une balle dans le pied sur de nombreux sujets. L’état du Pasok et de ND en Grèce nous montre peut-être ce qui adviendra chez nous dans quelque temps...

  • L’impasse française du FN est le fruit de notre acculturation jacobine et de notre triste indifférenciation
    http://bearniaiseries.blogspot.fr/2014/05/analyse-des-resultats-des-europeennes.html
    Un bloggeur Béarnais nous livre une analyse de la cartographie électorale du Sud-Ouest, un peu à la Todd. A deux-trois approximations près (on lui pardonnera le terme « boboïsation ») c’est assez finement vu.

    Le scrutin européen est l’un des plus intéressants, potentiellement, car à 1 tour et proportionnel, même si la forte abstention et le caractère de défouloir de l’élection truquent quelque peu la visibilité des résultats.

    Il n’en reste pas moins que le département des Pyrénées-Atlantiques est atypique dans son vote et qu’il est possible de faire parler ce scrutin.
    Bleu : UMP
    Bleu clair : MoDem/UDI
    Rose : PS
    Bleu foncé : FN
    Vert : EELV

    a) Un département plutôt conforme à la tendance nationale

    Atypique, mais tout de même conforme dans les grandes lignes à la tendance nationale : le FN est ainsi en Béarn le premier parti, même s’il convient d’expliquer les raisons ci-après. Conformément à la vague Bleue Marine française, les Pyrénées-Atlantiques placent régulièrement le FN à de très hauts scores, les listes de ce parti sont donc bien l’objet d’un message de la part de l’électorat.

    Les foyers FN sont avant toute chose notables en Béarn, plus notamment dans l’arrondissement de Pau. Ils se concentrent autour de la plaine de Nay, de la route de Gan, d’Arthez et en Vic-Bilh.

    Il est très malaisé, tant ces zones sont différentes, de trouver les raisons communes à ce vote, ce qui peut être dit néanmoins, c’est que l’électorat de ces villages est profondément imprégné par les thématiques nationales françaises, et qu’il vote désormais en conformité avec le reste de la France.

    Le vote au Nord de Pau et autour d’Arthez, auquel il convient d’ajouter le foyer de Gan, s’explique, à mon sens, plus facilement par la civilisation pavillonnaire : les lieux sont depuis 20 ans le foyer d’un univers périurbain où se rassemblent les classes moyennes françaises qui ont fui les grandes métropoles. La débéarnisation y est à peu près totale, il ne reste rien de l’ancien monde paysan démocrate-chrétien, la « Bayrouie ».

    Le cas du Vic-Bilh me semble plus distinct, même si le phénomène pavillonnaire y est puissant, du fait de la proximité de Pau, et que le renouvellement des populations s’y est également opéré. Reste que le Vic-Bilh est aussi un pays d’exploitations agricoles qui périclitent, pour lesquelles la PAC peut s’avérer aliénante. Le vote de contestation est sans conteste le FN, en l’absence de formation locale qui capterait ce mécontentement.

    En Pays Basque, le FN perce notablement en Bas-Adour : c’est le même phénomène qu’en grande banlieue périurbaine paloise, sauf qu’ici c’est Bayonne. Le FN est très fort autour de Mouguerre et Urcuit, c’est là encore la banlieue résidentielle bayonnaise des gens qui ont fui les grandes villes françaises pour se barricader à la campagne, c’est le pays des trajets en bagnole quotidiens, des courses dans les malls commerciaux, le pays des haies et des lotissements, du « vivons cachés ». La sociologie politique introduite dans ces zones débasquisées est très étrangère à la tradition politique basque.

    On pourrait affiner ces résultats : le FN fait de bons résultats en Basse-Soule au Nord de Mauléon, ainsi qu’en zone frontalière, à Hendaye ou Biriatou. Chaque fois, le signe d’une acculturation identitaire.

    b) Un département de plus en plus bicéphale

    Le fait le plus marquant est le décrochage des électorats basque et béarnais. Cela a toujours été le cas plus ou moins, le Béarn étant partagé entre la démocratie chrétienne et le socialisme, tandis que le Pays Basque, dans les grandes lignes, était conservateur, RPR de l’ancienne mode.

    Le développement de foyers FN en Béarn est conforme à la tendance lourde de la contrée : celle d’une francisation des réflexes politiques, au sens où le Béarn, qui a longtemps possédé une sociologie politique propre, se cale de plus en plus sur les solutions nationales.

    En Béarn, la démocratie chrétienne MoDem de la paysannerie traditionnelle survit dans les environs de Morlaàs, dans l’Entre-deux-Gaves, en Barétous. Le radicalisme socialisant, lui, reste fort dans les vallées, en Aspe et Ossau. C’est l’incarnation de microcosmes politiques qui n’ont pas été altérés par les modifications contemporaines et la « nationalisation » du corps électoral béarnais. Ce sont des zones qui, comme par hasard, pratiquent encore subrepticement le béarnais et ont conservé un fort sentiment d’appartenance locale, le FN étant alors dans ce cadre un parti foncièrement étranger.

    Le constat est encore plus net chez les Basques : le vote « Vert » est important en Basse-Navarre et en Haute-Soule. Il est la traduction de l’importance de l’abertzalisme dans ces régions rurales, qui proposent un modèle alternatif de développement, face à la chambre de commerce de Pau, face à l’UE même, telle qu’elle se construit. Là où le paysan béarnais aliéné du Montanérès va voter FN, comme le reste des Français, l’agriculteur basque votera Bové, car il bénéficie depuis de longues années d’un mouvement ancré localement qui a opéré l’addition du sentiment basque et de la volonté des changements économiques et sociaux.

    En somme, les résultats marquent le succès naissant de la stratégie basque depuis des décennies : parler d’économie, parler aux jeunes. C’est une vraie révolution locale qui voit les descendants des électeurs RPR passer à une alter-gauche européenne qui porte un projet local original. Et l’analyse des résultats commune par commune montre de notables percées autour de Saint-Palais, au royaume de Lur Berri. Le Labourd semble plus récalcitrant, encore que le Labourd intérieur place souvent Bové en 2ème ou 3ème place.

    Le département des Pyrénées-Atlantiques est donc moribond : il ne se trouvera plus dans les années qui viennent une sociologie commune aux entités basque et béarnaise. Le #Pays_Basque français se plonge dans une expérience nouvelle, similaire à celle qu’a connue le Pays Basque espagnol, c’est un vrai laboratoire politique. Le #Béarn, acculturé, achève sa mutation vers une francisation à peu près totale sur tous les plans, dont celui de la sociologie politique. Il n’est peut-être pas trop tard encore que j’en doute fortement.

    c) Ailleurs dans le Sud-Ouest

    La vallée de la Garonne, conformément à mon analyse de 2012 http://bearniaiseries.blogspot.fr/2012/04/analyse-rapide-des-resultats-du-1er.html, confirme largement son ancrage national et l’évaporation de toute sociologie politique locale. En Gironde, il faut s’enfoncer loin en Bazadais pour retrouver un vote de centre-gauche traditionnel.

    Des villes moyennes en perte de vitesse montrent une vraie implantation du FN, souvent 2ème , voire 1er, devant la gauche : Tarbes, Lourdes, Saint-Gaudens, Pamiers, Carcassonne, Montauban, Agen, Albi, …

    A rebours, les grandes villes poursuivent leur boboïsation : Bordeaux place l’UMP en tête, puis le PS et les Verts. Même tiercé à Toulouse. Il semble que Pau, malgré sa modestie démographique, est sur un même schéma avec le MoDem en tête.

    On constate, tout comme au Pays Basque, dans des régions où la #culture_vernaculaire s’est mieux maintenue et où les structures économiques traditionnelles survivent, un vote classique UMP, avec des foyers verts naissants : #Aveyron ou #Cantal. Les Pyrénées-Orientales, elles, sont très divisées, entre une côte complètement FNisée et un intérieur où des foyers verts puissants émergent, qui marquent l’appartenance identitaire catalane.

    Dans tous les cas, la clé d’interprétation que je propose, entre régions acculturées et régions à forte identité, me semble à chaque fois la bonne : là où l’#identité locale a été éradiquée, le FN perce. Partout où le sentiment de la différence a pu subsister, une offre concurrente au FN engrange des points, souvent sur un modèle plus européen, qui somme toute est plus rationnel quand il s’agit d’obtenir des choses à Bruxelles.

    L’impasse française du #FN, car tel est mon avis, est avant tout le fruit de notre acculturation jacobine et de notre triste indifférenciation, de Dunkerque au Boulou.

    #langues_sans_frontières #jacobinisme #déracinement #extrême-droite
    cc @monolecte @aude_v @rastapopoulos #teamGasconha

    • c’est vrai, mais au delà de notre kanttu, on retrouve quelque-chose de commun dans ces différentes régions qui ont à la fois un faible taux de vote fn et des dynamiques locales fortes appuyées sur (ou coexistant avec) une culture vernaculaire encore vivante : Pays Basque, Ouest de la Bretagne, Occitanie rurale (le Sud et l’Ouest du Massif Central), Vercors, montagne ariégeoise et catalane...

    • Dynamique : ceux dont les revenus régressent... dans mon coin, très grosse culture vernaculaire, gros score FN en progression pendant que les revenus plongent. Les rares bleds qui ont voté autrement ont des populations d’actifs intégrés avec des revenus remarquablement supérieurs aux standards de la région. Ce sont surtout des gens qui n’ont pas peur de perdre leur statut, leur niveau de vie, voir leur logement... et ils ne sont plus très nombreux

    • Comme quoi, l’écologie culpabilisante et punitive est contre-
      productive.
      Un autre facteur de la montée du FN est la « mixité sociale » défendue par nos élites. La tendance qui veut qu’on doive faire cohabiter des populations d’origines et de catégories sociales très éloignés est un leurre. Tout le monde est à la peine et pendant que certains se sentent ostracisés, d’autres devront faire preuve de beaucoup de civilité pour pouvoir tolérer, relativiser (voire excuser) certains comportements. Le « vivre ensemble » ne fait plus recette. La faute à des modes de vie complètement atomisés entre temps de travail et temps de « consommation » incluant les temps de détente et de loisirs. Le lien sociale, précaire, peut encore être maintenu grâce aux services publics (bibliothèques) et au bénévolat des acteurs associatifs. La mixité sociale ne pourra pas marcher si on ne dit bonjour à ses voisins qu’en les croisant dans la cage d’escalier. Le vivre ensemble restera un voeux pieux tant que nous n’aurons pas compris qu’une liberté totale et non réfrénée d’accès au loisir n’est pas soutenable à long terme.

      Non je ne suis pas pour créer des ghettos sociaux, mais juste pour passer moins de temps devant des écrans pour retrouver le temps de taper la causette avec les autre locataires du quartiers (entre autre remèdes, mais il y en a certainement plein d’autres).

    • Pour revenir sur ce que disaient @monolecte et @aude_v, c’est fort possible que ces zones périurbaines soient à la fois les plus déculturées et uniformisées (remplacement des paysages et des modes de socialisation paysans par le cauchemar pavillonnaire) et les plus appauvries (endettement immobilier + coût de l’essence).
      Comme le dit l’auteur du blog dans un autre billet « le FN, c’est aussi la civilisation périurbaine qui dépense ses revenus en essence et a rêvé de l’accession à la propriété en lotissement loin des centre-villes »

  • Les origines rurales du socialisme
    http://offensive.samizdat.net/spip.php?article461

    Les prolétaires de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle étaient d’une espèce bien particulière. Pensant sans entraves, manifestant une énergie naturelle et spontanée, mécontents de la perte de leur indépendance, ils avaient hérité leurs valeurs d’un monde artisanal disparu, de l’amour de la terre et de la #solidarité communautaire. C’est là que prend sa source l’esprit révolutionnaire des mouvements #ouvriers, depuis les barricades de juin 1848 à Paris, où une classe ouvrière formée en grande partie d’anciens artisans a brandi les drapeaux rouges de « la sociale », jusqu’aux barricades de mai 1937 à Barcelone, où une classe ouvrière socialement encore plus consciente levait les drapeaux rouges et noirs de l’#anarcho-syndicalisme. Ce qui a si remarquablement changé aujourd’hui et dans les décennies qui suivirent ce siècle d’agitation et son projet révolutionnaire, c’est la composition sociale, la culture politique, l’héritage et les buts du #prolétariat. Le monde agraire et les tensions culturelles avec le monde industriel qui nourrissaient la ferveur révolutionnaire sont tombés dans l’oubli de l’histoire, mais aussi les individus, le type de personnalité même, qui incarnaient ce passé et ces tensions. La classe ouvrière actuelle s’est complètement industrialisée, au lieu de s’être radicalisée comme l’espéraient pieusement les socialistes et les anarcho-syndicalistes. Elle n’a plus le sens du contraste, ne connaît plus l’affrontement des traditions ni les attentes millénaristes de celle qui l’a précédée. Non seulement les #mass_media l’ont complètement récupérée et définissent ses attentes (une explication commode si l’on veut tout renvoyer à la puissance des médias modernes), mais, en tant que classe, le prolétariat est devenu le partenaire de la bourgeoisie et non plus son antagoniste inflexible. […] Nous ne pouvons qu’assister non seulement à l’échec de la classe ouvrière comme « agent historique » du changement révolutionnaire, mais aussi à sa transformation en un produit fabriqué par le #capitalisme dans le cours de sa propre évolution.

    Murray Bookchin, Une société à refaire. Vers une écologie de la liberté, traduction de C. Barret, Montréal, Écosociété, 1993, p.191-194.

    je fais aussi le lien avec ces deux magnifiques bouquins de Simone Weil, La condition ouvrière http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/condition_ouvriere/la_condition_ouvriere.pdf et L’Enracinement http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf notamment la partie « #déracinement ouvrier »

    et aussi #industrialisation et #système_technicien

  • Citation :

    Les #guerres_civiles, les #conflits_ethniques ou religieux provoquent des mouvements de population qui, en termes quantitatifs, n’ont pas de précédent dans l’histoire de l’humanité. Ces #crises posent clairement un problème de #territorialité dans la mesure où
    elles créent la pire des #exclusions, le #déracinement par l ’#exil. La
    #mémoire et le #culte du #territoire perdu deviennent alors la trame même du #lien_social. Les dizaines de millions de personnes #réfugiées sur les #lignes-frontières ou « #déplacées » rappellent que les #exodes d’aujourd’hui seront peut-être les #diasporas de demain.

    (p.11)

    Tiré de Bonnemaison « Le lien territorial entre frontières et identités », in Géographies et cultures , 1996

    #migration #asile

    • Plus loin dans l’article...

      Par sa seule existence, la #frontière permet à des centaines de milliers de personnes, « vrais » #réfugiés d’un conflit ou combattants vaincus mais toujours armés, de bénéficier de la #protection de la « #communauté_internationale » et de son #assistance_humanitaire, dans un pays limitrophe. La seule marge de manoeuvre du pouvoir central du pays d’accueil concerné réside dans le choix de la région d’installation des #camps_de_réfugiés. On autorisera cette installation dans des régions marginales dont on n’a que faire, mais on l’interdira partout où elle pourrait faire obstacle à des activités économiques ou touristiques lucratives.

      (pp.12-13)

    • Et plus loin...

      Dans ce contexte, le véritable accueil est bien souvent celui, spontané ou non, que donnent les #populations_locales sur le territoire desquelles l’installation des réfugiés a été tolérée par un pouvoir central indifférent ou contraint. En fait, les réfugiés s’imposent d’autant plus qu’ils sont nombreux et n’ont plus rien à perdre. Si le territoire est la #richesse des #pauvres, ce sont les plus pauvres qui doivent encore partager leurs maigres ressources.
      Dans les aires d’accueil, plusieurs logiques territoriales s’affrontent. Celle de la géopolitique internationale, fondée sur le principe du respect des frontières s’impose à celle, toute pragmatique, d’un pouvoir national qui voit son autorité sur le territoire s’affaiblir. Les espaces incertains qui en résultent deviennent des sanctuaires rêvés pour toutes sortes de troupes armées. Dans ce contexte, la logique de survie des réfugiés - lorsqu’ils ne sont pas sur les routes de l’#errance - se mesure aux quelques mètres carrés, au besoin chèrement défendus, d’une hutte de branchages. Quant aux sociétés locales, elles voient leurs territoires envahis, leur économie bouleversée et leurs règles sociales et politiques mises à mal par ces germes de chaos. On sait comment ce type de situation inextricable a conduit certains pays, par exemple le Liban, à la plus meurtrière des guerres civiles ... ou à des situations inextricables, comme dans la région de Kivu dans l’Est du Zaïre, où la spirale de l’interminable guerre civile se double d’un conflit frontalier dramatique.

      (p.13)