#désobéir

  • « Aujourd’hui mes #idéaux comptent plus que ma carrière » : #CRS depuis 12 ans, #Laurent_Nguyen préférerait renoncer à son métier qu’à son #humanité

    "Je m’appelle Laurent Nguyen, j’ai 44 ans, #gardien_de_la_paix et affecté en CRS depuis 12 ans. Moi, j’ai pris la décision d’entrer dans la #police quand j’avais 30 ans. J’avais des idées assez proches de l’#extrême_droite, et pour moi, la #sécurité était la première des #libertés qu’on devait garantir. On a tendance à considérer que les #manifestants sont complices des #casseurs. Et puis c’est une manière de se protéger psychologiquement, de se dire : ’De toutes façons, ils n’avaient qu’à pas être là, il y a un ordre de dispersion, il y a des casseurs. Donc, le #droit_de_manifester, bon, ça fait partie de la loi, effectivement, mais à un moment donné, on ne peut pas avoir des manifs tout le temps. Il y a des gens qui sont élus, bah si vous n’êtes pas contents, c’est comme ça’. J’étais dans ce logiciel-là, ça m’allait très bien.
    J’ai été vite déçu en CRS, déjà de ne pas trouver la cohésion que j’espérais trouver. Quand vous arrivez, que vous pensez sauver la France, que vous êtes confrontés aussi au désespoir de certains collègues dans des commissariats qui travaillent dans des conditions abominables. C’est difficile à vivre en tant que policier, ce sentiment d’#impuissance.
    J’ai le souvenir d’une mission à #Calais. On intervient un matin très tôt pour évacuer des migrants qui dorment dans la forêt. Et j’ai en face de moi un garçon qui a trois ans, qui a l’âge de mon fils. Et moi, je pense à mon fils, et que tu laisse ton humanité ressortir, tu te dis : ’Quelle #injustice pour cet enfant d’être là, dormir dans une forêt boueuse de #Dunkerque.' C’est pas normal qu’on en arrive là. Moi, j’en suis arrivé à vivre une très profonde #dépression. Je suis passé pas loin de me foutre en l’air. Et donc moi, après avoir vécu cette période, où je prends le choix que mon fils ait un père, bah, qu’est-ce que je peux lui transmettre ?
    Au départ du mouvement des #gilets_jaunes, j’ai tout de suite éprouvé de la sympathie pour ces gens, parce que c’étaient des revendications qui semblaient tout à fait légitimes. Je pense que beaucoup de policiers ont ressenti aussi cette sympathie, cette proximité. Il y avait une gêne chez beaucoup de mes collègues, et quand on a eu les premières scènes de violence, qui ont été diffusées dans les médias, moi, j’ai eu le sentiment qu’il y avait une forme de soulagement chez certains policiers, parce que ça leur permettait de régler un petit peu ce #problème_de_conscience en désignant un #ennemi. Moi, qui avait pris parti publiquement au sein de ma compagnie en faveur des gilets jaunes, parce que je défendais leurs revendications qui selon moi étaient justes, j’ai commencé à voir des collègues qui m’ont pris à partie, en me reprochant de soutenir les gilets jaunes, parce que si tu soutiens les gilets jaunes, tu soutiens les casseurs. Vous avez des gens qui ne peuvent même plus offrir des cadeaux de Noël à leurs enfants, qui ne peuvent pas les emmener en vacances, qui perdent leur boulot, qui ne savent pas comment ils vont s’en sortir, qui n’ont plus d’espoir. Est-ce qu’on peut comprendre aussi qu’à un moment donné ils puissent péter les plombs ? Alors il y en a qui disent que #réfléchir, c’est #désobéir, ou alors qu’il ne faut pas avoir d’états d’âme. Mais moi, je ne veux pas me priver de mon #âme, je ne veux pas me priver de ma #conscience, et moi, on m’a souvent reproché d’être un #idéaliste, comme si c’était une tare. Mais aujourd’hui je le revendique. Oui, j’ai des idéaux et aujourd’hui oui, mais idéaux comptent plus que ma #carrière et comptent plus que mon avenir personnel. Si je dois perdre mon boulot, bah, je perdrai mon boulot. C’est trop précieux pour moi de m’être trouvé, d’avoir trouvé mon humanité pour courir le risque de la perdre.

    https://twitter.com/ARTEfr/status/1684820991116185600

    Source : le #film_documentaire diffusé sur arte :
    Au nom du #maintien_de_l'ordre


    https://www.arte.tv/fr/videos/101352-000-A/au-nom-du-maintien-de-l-ordre-1-2
    ... qui n’est plus disponible sur le site web d’arte (et que je n’a pas trouvé ailleurs en ligne)

    #travail #forces_de_l'ordre #témoignage #France #liberté #déception #conditions_de_travail

    –—

    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

    • #flic, formellement il ne l’est plus depuis deux ans je crois, ex syndicaliste policier, son discours est rodé de manière à présenter les policiers comme victimes de l’administration policière et de leurs supérieurs.

      edit lorsque je ne savais rien de lui, j’avais trouvé son témoignage émouvant, tiens un facho dont le travail ignoble fait évoluer les vues ? là, je vois ces choses comme un marketing qui vise à humaniser la police et me souviens que ces animaux de plateaux sont occupé à faire mentir un dicton adapté au cas ( « flic suicidé à moitié pardonné », winch means : il n’y a pas de pardon qui tienne) en venant se faire aimer. leur pub, c’est un peu comme si il fallait publier du Cantat une fois par semaine. y a un moment où la prise de conscience c’est de fermer sa gueule.
      #hochet_de_gauche #ouin_ouin

  • [Les Promesses de l’Aube] #désobéir avec les #riches_claires
    https://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/desobeir-avec-les-riches-claires

    Ce mercredi, j’accueillerai deux invité·e·s pour le prix d’un. Il s’agira de Antoine Minne- pour le projet « Tenir son chien en laisse/Tenir son chien en laisse » - et de Mathilde Rault - pour le projet « Conspiration », deux spectacles qui seront présentés aux Riches-Claires ce mois d’avril.

    Nous avons également des places à vous offrir 3X2 places pour les séances de ce vendredi 14 avril, pour chacun deux spectacles.

    Pour les remporter, envoyez un message à concours@radiopanik.org avant jeudi 13 avril à 12h.

    #théâtre #système #spectacle #resistance #théâtre,système,spectacle,resistance,riches_claires,désobéir
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/desobeir-avec-les-riches-claires_15675__1.mp3

  • #David_Van_Reybrouck sur la #désobéissance_fiscale :

    Je pense qu’il faut plutôt penser à une #désobéissance_civile, qui relève d’abord pour moi d’une désobéissance fiscale. Au milieu du XIXe siècle, #David_Thoreau refuse de payer l’impôt dans l’État du Massachusetts à cause de l’esclavagisme et de la guerre contre le Mexique. Il a été arrêté au bout de six ans.

    Regardons le budget de nos États, et calculons quel pourcentage des dépenses de l’État belge ou hollandais va vers le secteur fossile. Si c’est 18 %, on enlève 18 % de nos impôts et on le met au pot commun. Quand les lois ne sont pas justes, il est juste de leur #désobéir.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/011022/david-van-reybrouck-il-existe-une-forme-de-colonisation-de-l-avenir
    et aussi :
    https://seenthis.net/messages/974979

    #budget #Etat #changement_climatique #climat #résistance #impôts

  • #Frédéric_Gros : « C’est confortable d’#obéir »

    Après avoir inauguré nos discussions de cette année par une réflexion sur le tueur de masse, Frédéric Gros complétera cette matière à penser en tant que philosophe. Il s’interroge en effet dans son dernier livre (#Désobéir, Albin Michel) sur l’acte d’obéir, ou mieux, de #surobéir, c’est-à-dire d’anticiper le désir du maître. Il trace la voie fragile - mais la seule qui puisse convenir à un homme démocratique - d’une obéissance à soi qui ne se confond pas avec le désir.

    https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-penser-avec-antoine-garapon/frederic-gros-cest-confortable-dobeir


    #obéissance #désobéissance

  • Savoir désobéir, par le philosophe Frédéric Gros - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/savoir-desobeir,-par-le-philosophe-frederic-gros,n5181792.php

    Pourquoi sommes-nous si soumis, alors que les motifs de révolte sont si nombreux ? Du conformisme au consentement, ce spécialiste de philosophie politique, auteur de “Désobéir”, décortique les mécanismes de l’obéissance.

    Interview passionant pour la sortie du livre « Désobeir ».

    #Désobeir

  • « Il faut désobéir par souci de soi, comme disaient les Anciens » Frédéric Gros | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/il-faut-desobeir-par-souci-de-soi-comme-disaient-les-anciens-frederic-gros-

    Frédéric Gros, philosophe français, spécialiste de Michel Foucault. Il est professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris. Paris, le 25 mai 2016 ©Frédéric STUCIN service de presse

    Dans un essai profond et salutaire ( Désobéir, Albin Michel), le philosophe Frédéric Gros, professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris et spécialiste de l’œuvre de Michel Foucault, interroge les raisons et les racines de la désobéissance. Au fil de sa démonstration, il puise aussi bien dans la philosophie que la littérature.

    Votre essai s’ouvre de façon originale, forte, avec un « poème fantastique » extrait des Frères Karamazov de Dostoïevski, qui nous a habitués à des textes littéraires où l’on peut puiser un fond philosophique. Ce passage qui revisite le retour du Christ parmi nous s’est-il imposé à vous comme une allégorie de la désobéissance ?

    Frédéric Gros Oui, je voulais en ouverture faire entendre cette provocation portée par le récit fantastique imaginé par Ivan Karamazov, celui du Christ revenant dans la Séville du XVe siècle et fait prisonnier par le Grand Inquisiteur, lequel lui reproche amèrement son retour parmi les hommes. C’est dans ce texte en effet que Dostoïevski pose une question terrible : celle de la profondeur de notre désir de liberté. On ne cesse de répéter comme une évidence que la liberté serait l’objet de notre volonté la plus forte, que toute notre dignité s’y résume. Mais est-ce que précisément elle ne fait pas peur cette liberté, est-ce qu’elle ne constitue pas pour chacun un vertige insoutenable, un insupportable fardeau ? Car, au fond, être libre, c’est devoir porter seul le poids de ses décisions, c’est avoir à se faire son propre jugement, et il est tellement plus confortable de réciter la leçon des autres ou de se contenter d’exécuter des ordres. On s’est demandé pendant longtemps, dans une perspective morale et pédagogique, pourquoi il pouvait être si difficile d’obéir. On entendait alors par « obéir » le fait de suivre la règle commune, d’accepter les consignes, de ne pas se laisser entraîner par son égoïsme, ses pulsions. Mais, dans une perspective évidemment plus politique, il faut reconnaître aussi qu’il est difficile de désobéir quand l’obéissance est devenue une habitude, ou même parfois un refuge pour la lâcheté.

    Le XXe siècle a connu des « monstres d’obéissance » , tels Eichmann ou Douch, pour citer les cas les plus terribles et spectaculaires. L’obéissance à laquelle on prépare les esprits aujourd’hui, vis-à-vis du supportable comme de l’intolérable, ne tire-t-elle pas sa force du fait qu’elle dicte en nous sa loi de manière plus sourde, moins démonstrative ?

    Frédéric Gros Notre modernité très certainement a inventé des formes d’obéissance sournoises, subtiles, presque invisibles, on pourrait même dire « douces ». Au fond, on nous fait obéir de plus en plus en nous rendant prisonniers de notre propre désir (le nouveau paradigme pour penser l’aliénation, ce n’est plus l’exploitation, mais l’addiction), de telle sorte que c’est en cherchant à satisfaire ses propres envies, constamment sollicitées, que chacun se révèle le plus docile. Je crois qu’on a là le secret de la gouvernementalité libérale : on ne gouverne plus en imposant de force des décisions à des volontés qui s’efforcent de leur résister, mais en prenant appui sur les désirs de chacun. Ou on pourrait dire encore : il ne s’agit plus de « vouloir qu’on fasse », mais de « faire qu’on veuille », c’est-à-dire qu’on aménage un milieu pour favoriser tel ou tel comportement. C’est quand chacun croit dévaler sa pente personnelle qu’il obéit le mieux.

    Le rapport des philosophes à l’obéissance est complexe, voire ambivalent. La philosophie est-elle tenaillée entre culte du libre arbitre et conformisme ? Faut-il choisir entre Kant, pour lequel « la vraie désobéissance, c’est la critique (théorique) » , et Thoreau, pour qui « la vraie critique, c’est la désobéissance (pratique) » ?

    Frédéric Gros Il me semble en effet qu’on peut dresser une opposition intéressante entre Kant et Thoreau, parce qu’elle se trouve au cœur du problème de la légitimité des actes de désobéissance en démocratie. Dans un premier temps, la définition par Kant des Lumières peut paraître très exaltante : il s’agit, écrit-il dans son opuscule (Qu’est-ce que les Lumières ?), de s’efforcer de penser par soi-même, il s’agit d’avoir le courage de se gouverner soi-même. Mais on comprend vite que, pour Kant, cette autonomie qui peut mener à la désobéissance doit rester au niveau du discours, un discours critique, contestataire sans doute, mais soigneusement canalisé et qui doit se cantonner dans certaines formes d’expression (c’est ce qu’il appelle « l’usage public de la raison »). Surtout, ce discours doit s’accompagner d’une obéissance pratique. On rejoint l’idée d’une conformité à la loi – Kant ne pose pas ici la question de savoir si on doit obéir à des lois qui seraient ouvertement injustes, iniques. Donc : critiquez tant que vous voulez, mais obéissez. Chez Thoreau, l’acte de désobéissance est au contraire immédiatement pratique. Il s’agit de désobéir à des lois qu’on trouve mauvaises ou de refuser d’apporter sa caution à un gouvernement qu’on juge injuste, fondamentalement pour demeurer en accord avec sa conscience. Il me semble en effet que ces deux options constituent une alternative forte : soit on se reconnaît le droit de critiquer, mais accompagné du devoir d’obéir aux lois, par respect de l’ordre public ; soit on est saisi essentiellement par le devoir de désobéir, le cas échéant, pour mieux respecter sa propre lumière intérieure.

    Vous traitez de la soumission, un des terrains sur lequel se développe l’obéissance, comme d’une « évidence première » , d’un « paradigme initial » . Pourquoi, au fond, demeurons-nous soumis ? Refusons-nous de payer le prix trop élevé de la désobéissance ou notre éducation l’étouffe-t-elle en chassant de la culture ce possible ?

    Frédéric Gros Il me semble que la soumission est le paradigme le plus écrasant et au fond le plus ambigu de l’obéissance. Il s’agit en effet de désigner par là une obéissance contrainte, forcée : j’obéis parce qu’il m’est impossible de désobéir, parce que je suis prisonnier d’un rapport de forces. On peut bien supposer que les individus consentent librement, mais c’est le plus souvent de l’hypocrisie : en fait il n’y a derrière l’obéissance que de la violence brutale et du rapport de forces. Le problème, une fois qu’on a fait ce constat, c’est de savoir jusqu’à quel point la dureté de ce rapport de soumission ne constitue pas aussi une excuse : j’exagère le coût de ma désobéissance pour excuser secrètement ma lâcheté.

    Vous analysez le moment de désobéissance d’Antigone, la déviance envers son oncle impitoyable, Créon, qui lui valut condamnation à mort. Vous relevez que sa subversion, sa révolte, ses refus, font « trembler l’idée même d’un ordre (…), dans la désobéissance peut entrer une part de transgression pure : c’est l’éclat d’Antigone » . La désobéissance nous condamne-t-elle à un dénouement tragique et à la solitude, fut-elle sublime ?

    Frédéric Gros Le risque de la désobéissance est effectivement la solitude. C’est, au fond, le grand problème de la politique : l’être-ensemble s’apprend prioritairement dans l’obéissance partagée, les communautés se forment dans l’adoration et l’abnégation. Antigone désobéit seule, elle affronte le tragique de la transgression. Il existe évidemment d’autres issues à la désobéissance que la mort, mais Antigone illustre, je crois, cette dimension du courage : pour désobéir, il faut du courage. Le conformisme passif est toujours la facilité.

    Vous soulevez, avec l’étude des rapports qu’entretiennent dialectiquement liberté, obéissance et responsabilité, un problème vertigineux mais passionnant. Qui d’autre que moi se soumet quand je consens à l’obéissance ? « La neutralité est un choix » , affirmez-vous avec justesse. Portons-nous, ainsi, l’obéissance sur nos épaules pour paraphraser Sartre ?

    Frédéric Gros J’essaye précisément d’articuler les concepts de désobéissance et de responsabilité. Il s’agit de dire que personne ne peut nous remplacer pour désobéir. Le sujet de l’insurrection politique, c’est celui qui se découvre irremplaçable, mais pour se mettre au service des autres. Être responsable, c’est répondre présent, c’est faire l’expérience, face à une injustice, de l’impossibilité de se défausser. On croit botter en touche en obéissant, en se disant qu’après tout je ne suis qu’un exécutant, et qu’un autre décide à ma place. Mais c’est librement que je m’en remets aux décisions d’un autre.

    À rebours d’une certaine doxa, vous écrivez que « les mouvements de désobéissance civile (…) peuvent se lire comme des mouvements de réactivation du contrat social, des expressions de la démocratie transcendantale » . Les désobéissants, qu’ils soient actifs ou soumis « ascétiques » , offriraient-ils la chance d’affirmer ce que vous nommez « démocratie critique » ? Cette démocratie est-elle plus authentiquement démocratique ?

    Frédéric Gros Le problème de notre modernité politique, c’est qu’elle propose, dans le prolongement de Hobbes et de Rousseau, une version conservatrice du contrat social puisqu’il s’agit de dire : nous avons depuis toujours déjà accepté d’obéir. De sorte que, face à n’importe quel mouvement de contestation, un gouvernement démocratiquement élu rétorquera : il est trop tard. Mais le vrai contrat social, c’est la capacité d’un collectif à se demander : comment voulons-nous être gouvernés ? Le contrat social n’inclut pas de clause d’obéissance, il est juste une décision commune de faire société. Or c’est cette puissance de faire société, de « faire peuple » face au gouvernement qui s’exprime dans la désobéissance civile. La démocratie, ce n’est pas seulement un système de règles et de procédures pour parvenir à des décisions. C’est aussi une exigence au cœur du citoyen qui l’oblige à la vigilance critique.

    Repérez-vous dans la modernité ou chez certains de nos contemporains des formes de désobéissance qui vous paraissent salutaires ou, disons, des figures de bon augure ?

    Frédéric Gros On arrive certainement à la fois au bout d’un cycle et au bord d’un désastre. Les inégalités sociales sont devenues de plus en plus abyssales, insupportables, tandis que le désastre écologique qui s’annonce fait paraître de nouvelles solidarités : nous sommes tous habitants de la Terre. Cette prise de conscience développe un nouveau sens critique sur fond de catastrophe imminente, elle engage à retrouver l’intensité perdue des collectifs politiques.

    Dans les pas d’Alain, qui estimait qu’ « obéir, c’est aussi, c’est surtout, en disant oui à l’autre, se répéter sans cesser non à soi-même », vous considérez que « désobéir, c’est donc, suprêmement, obéir. Obéir à soi » . La désobéissance serait donc un retour inattendu, exigeant, contraignant, lumineux à soi ?

    Frédéric Gros J’essaye de cerner une dimension sens précise de la désobéissance, un sens intempestif qui suppose de la part du sujet un engagement complet. Car s’il s’agissait simplement de désobéir pour désobéir, l’insoumission ne serait jamais qu’une posture ou, pire, un nouveau mot d’ordre. Il faut désobéir par « souci de soi » comme disaient les Anciens. Le « souci de soi », ce n’est pas une forme de narcissisme complaisant ou d’individualisme égoïste. Se soucier de soi, c’est accepter de ne faire que ce avec quoi on est d’accord, c’est refuser de mettre sa conscience en berne, c’est considérer qu’on a des devoirs pratiques envers ses principes et sa pensée. Ce retour à soi dont vous parlez n’a en fait rien de psychologique : il ne s’agit pas de partir à la conquête d’un soi « authentique », sous le vernis social, mais de faire l’expérience de sa subjectivité politique en prenant souci du monde et des autres. C’est la leçon de Socrate.
    Désobéir, de Frédéric Gros, Albin Michel, 19 euros, 270 pages.
    Le philosophe qui traque l’esprit de l’époque

    Dans les pas de Michel Foucault, dont il est, en France, un des meilleurs spécialistes et le maître d’œuvre de « la Pléiade », Frédéric Gros est un philosophe critique qui s’intéresse aux visages multiples de la domination et aux formes nouvelles de l’aliénation. C’est un chercheur et un marcheur qui a questionné la punition, tracé les transformations de la guerre, analysé l’esprit sécuritaire… avant de scruter récemment la désobéissance. Cet homme aime les idées autant que les mots, ainsi faisait-il son entrée en littérature, l’année dernière, avec un roman, Possédées (Albin Michel), salué ici.
    Nicolas Dutent

    #désobéir #soumission #démocratie

  • Retour sur… Les désobéissants du service public (R) - Information - France Culture
    http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-retour-sur-les-desobeissants-du-service-p

    Agents Pôle Emploi, gardes forestier, agents ERDF, professeurs des écoles, agents territoriaux... Aujourd’hui ils ne reconnaissent plus les valeurs pour lesquelles ils ont choisi d’exercer leur métier. Dans l’ombre ou publiquement, ils préfèrent désobéir plutôt que démissionner.

    http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10078-17.12.2015-ITEMA_20866593-0.mp3
    #désobéir