• "Le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi."

    Renée Dickason, professeure en civilisation et histoire contemporaine à l’Université Rennes 2, porte le projet aLPHa, lauréat en février 2023 de l’appel émergence TISSAGE. Ce financement va permettre de franchir une première étape dans l’impulsion d’un projet de création de #Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. #Denis_Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2.

    Votre projet, aLPHa, est lauréat de l’appel émergence TISSAGE (https://www.univ-rennes.fr/saps-tissage). C’est le premier jalon d’un projet plus vaste de création de « Mémorial vivant virtuel des survivant·es de viol(ence)s », sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix. De quoi s’agit-il précisément ?

    Renée Dickason. Notre projet porte sur une réalité sociale lourde : les viols et les #violences faites aux femmes, aux enfants, aux vulnérables, abordés à travers les #témoignages de survivant·e·s (terme de Denis Mukwege) dans des situations de #guerres, de #conflits et de #paix.

    Face à ce problème de société prégnant, aux enjeux multiples, nous avons souhaité développer un agir collectif qui fasse société en nous concentrant sur la #libération_des_paroles, le #recueil des #mots substantialisant les #maux et la nécessaire #mise_en_mémoire de ces témoignages dans l’écriture d’une histoire singulière, plurielle et tout à la fois universelle.

    C’est dans ce cadre que nous avons déposé une réponse à l’appel à projets « émergence » de recherches participatives TISSAGE (Triptyque Science Société pour Agir Ensemble) : le projet aLPHa, qui a été retenu par le jury. Suite à la signature d’une convention bipartite, il est prévu que nous bénéficions d’un accompagnement financier d’amorçage d’un montant de 3 000 euros.

    aLPHa s’inscrit dans une dynamique globale autour de la lutte contre les #violences_genrées, en particulier celles à l’encontre des femmes, quel que soit le contexte culturel, géopolitique, social ou sociétal considéré, le phénomène étant universel.

    aLPHa a été imaginé comme un laboratoire co-partenarial d’expérimentations à ciel ouvert, qui constitue, en effet, un premier jalon, assez modeste car naissant, mais utile pour impulser un projet d’une envergure plus large qui nécessitera des financements pérennes, celui de la création progressive d’un Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s, sous le patronage du Pr. Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix et Docteur Honoris Causa de l’Université Rennes 2 (octobre 2022).

    Dans le cadre du projet aLPHa, nous espérons tisser des liens, recueillir des soutiens et ouvrir nos collaborations à des acteurs locaux et régionaux de la société civile, à des associations sur les droits humains et/ou qui interviennent à différents stades de la #réparation, de la #reconstruction ou de l’#accompagnement des #victimes / survivant·e·s de viol(ence)s, ou encore à des entreprises responsables et sincères, des responsables du secteur privé sur le territoire breton et des élus locaux…

    Phénomènes malheureusement universels, les violences sexuelles sont des expériences banalisées et souvent réduites au silence. Elles présentent des similarités malgré la pluralité des contextes où elles ont lieu. Dans le cadre d’aLPHa, nous allons entamer une série d’entretiens de survivant·e·s, réfugié·e·s, exilé·e·s, migrant·e·s, accompagné·e·s et suivi·e·s dans différentes structures, à Rennes. Nous allons aussi organiser, avec plusieurs membres fondateurs de notre projet, un « atelier témoignages » avec des survivant·e·s congolaises et certain·e·s de celles et ceux qui les aident et les accompagnent.

    En prolongement, et dans un autre périmètre que celui du projet aLPHa, le recueil de témoignages se fera aussi sur les lieux des exactions ou dans des zones de tension ou dans des structures de prise en soins, de formation ou de réinsertion, dans un but cathartique individuel et collectif, et avec une visée de reconstruction personnelle et/ou historique des faits. Tous ces aspects sont à l’étude avec des collègues médecins et psychologues, dont l’expertise permettra de se prémunir des risques (non souhaités, à l’évidence) de re-traumatisations des victimes.

    Colliger des témoignages de survivant·e·s déplacé·e·s dans leur pays, des survivant·e·s ayant vécu ou vivant dans des camps et/ou recueilli·e·s dans des centres d’accueil ou de réinsertion nécessite des partenariats multiples, qui vont s’engager en parallèle et dans la poursuite d’aLPHa. Nous avons, à cet égard, commencé à établir des conventions de recherche entre l’Université Rennes 2 et des centres en République Démocratique du Congo et au Kenya. Cette dimension du projet est soutenue et sera cofinancée par plusieurs laboratoires de l’Université Rennes 2 (ACE, ERIMIT, LIDILE, LP3C, Tempora).
    Pourquoi est-il important de mettre en mémoire la parole des survivant·es ? Comment cette mémorialisation se construit-elle ?

    R. D. Pour les victimes, les survivant·e·s de violences sexuelles (excision, viol, esclavage…), celles qui font face à des contextes de conflits notamment, il s’agit de chercher à s’échapper en s’engageant sur les chemins de l’exil et à s’extraire du trauma(tisme) ; ceci alors que viennent s’entretisser plusieurs trajectoires de violences et de vulnérabilités. Le poids du trauma(tisme) est alourdi par la souffrance psychique surajoutée qui découle de prises en soins parcellaires, de handicaps cumulés, ou encore du déracinement, de l’arrachement, voire de l’errance culturels… une pluralité de facteurs renforçant le silence, l’impossible communicabilité autour des expériences vécues.

    Il nous est apparu, après plusieurs échanges avec des personnes ayant subi des violences sexuelles et après plusieurs rencontres et discussions avec le Professeur Docteur Denis Mukwege, que le travail de mémoire est une étape fondamentale dans la reconstruction de soi, que ce soit de manière individuelle ou collective.

    Mettre en mémoire la #parole des survivant·e·s est donc une étape nécessaire qui s’ajoute à d’autres mécanismes et préoccupations qui caractérisent, par exemple, la #justice_transitionnelle et les initiatives déployées dans la quête d’une #vérité_réparatrice, le plus souvent essentiellement basée sur la reconnaissance des exactions, des violations des #droits_humains.

    La #mémorialisation se construit en plusieurs phases : dévoilement, collecte, partage, puis analyse des témoignages.

    Étape indispensable pour contribuer à la fabrique de l’Histoire face aux omerta multiples, la mise en mots des maux, la « re-visibilisation » d’une histoire invisibilisée, occultée, la libération d’une parole enfouie, cachée, parfois interdite, prolongent un cheminement personnel thérapeutique.

    Vous l’avez compris, une partie de notre projet global réside dans la collecte mais aussi dans la création d’« archives vivantes », où les témoignages de rescapé·e·s, de survivant·e·s (toujours en vie, et c’est un point d’importance !) auront une place centrale. Quatre mots-clés sous-tendent toutes leurs trajectoires : trauma(tisme), réparation, reconstruction, mémoire.

    La mise en mémoire, la mémorialisation des expériences vécues des victimes, survivant·e·s de violences sexuelles dans le contexte d’une histoire « en train de s’écrire » seront croisées avec le regard des chercheurs impliqués.

    En révélant leur #vérité_subjective, les victimes qui témoignent seront actives dans leur processus de reconstruction et dans la mise en récit d’une histoire à la fois intime, personnelle et commune. Livrant leur #vécu et celui de leurs semblables, ces #personnes-histoires-témoins contribueront, ipso facto, outre à reprendre #confiance en elles-mêmes, à faire évoluer les mentalités et les regards portés sur les survivant·e·s et les violences. Ceci d’autant que ces témoignages auront vocation à être accessibles, à terme, à un public élargi, à travers le Mémorial vivant virtuel des survivant·e·s de viol(ence)s.

    Pouvez-vous nous expliquer en quoi votre recherche est interdisciplinaire et participative ?

    R. D. Nous sommes un groupe d’universitaires, de psychologues et de médecins, venant de divers horizons disciplinaires et de différents secteurs. Nos travaux, par essence, interdisciplinaires (histoire et civilisation, anthropologie, littérature, psychologie, traductologie, médecine…) ont une finalité réflexive et éducative. Notre but est de contribuer à assurer la transmission, la bascule vers une dynamique collective de mise en partage et en expression des #expériences_vécues, afin de construire une #transition_sociale pleinement partagée, vertueuse et inclusive.

    Nos intérêts communs convergent autour d’objectifs à visée transformationnelle, des objectifs de responsabilité sociale et de développement durable tels qu’identifiés par l’ONU, des objectifs centrés sur le respect de la dignité et des droits humains, la lutte contre les violences genrées, la bonne santé et le bien-être, l’égalité de traitement et de prises en soins, une éducation de qualité, une paix responsable et pérenne.

    La nature de nos objets de recherche nous amène à nous pencher sur les interactions entre sciences et société et sur les interactions avec le tissu socio-économique et culturel, la société civile, tant pour essaimer les résultats de nos travaux que pour éveiller à certaines réalités troublantes et nécessitant une prise de conscience citoyenne, première étape dans la résolution des problèmes. Cette dimension participative est, d’ailleurs, centrale au projet aLPHa.

    Soucieux de faire évoluer les regards, les comportements et les mentalités relatifs aux questions complexes des violences sexuelles, conformément aux termes de la Charte des sciences et recherches participatives en France, nous sommes toujours sensibles à la possibilité d’ouvrir de nouveaux horizons réflexifs, de développer diverses formes de production de connaissances scientifiques, que ce soit par le truchement des arts ou par le relai d’espaces de paroles ponctuels et/ou de rencontres plus systématiques ou grâce à des collaborations entre la communauté scientifique et la société civile, telles que définies par l’UNESCO ou par le Comité économique et social européen.

    Autre précision, nos travaux sont régis par une charte éthique. Les données personnelles collectées nécessitent, en effet, une vigilance particulière du fait de leur caractère sensible, voire intime, afin de protéger la vie privée des survivant·e·s et de recueillir leur consentement et leur accord informé.

    Dans ce projet de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·es – qui n’est pas sans évoquer le travail journalistique –, qu’est-ce que l’expertise des chercheur·ses vient apporter ?

    R. D. Question vaste et très intéressante qui soulève une réflexion complexe quant à la porosité des apports du travail des journalistes d’investigation, ici, face à celui des chercheurs toutes disciplines confondues… Outre le fait que les missions des uns et des autres évoluent, les attentes que l’on peut avoir d’un article rédigé par un journaliste diffèrent de celles que suscite la contribution d’un chercheur… le dialogue entre le journaliste et le chercheur enrichit indéniablement les débats et aide à faire avancer nos pensées… Le travail journalistique peut ainsi venir en complément de celui du chercheur et surtout aider à la diffusion des résultats.

    Au gré des registres abordés, de la maïeutique discursive mobilisée, des mots à appréhender, de la finesse des ressentis exprimés et de la nature des maux à guérir, la recherche au sens large du terme est protéiforme. Le travail journalistique permet, en somme de « prendre le pouls » des sujets porteurs de sens, investis par les chercheurs et/ou la société civile, de donner à voir et de questionner la diversité des perspectives dans la modalité du traitement des sujets.

    Pour faire simple, et de manière générale, dans ce type de problématique sanitaire, humanitaire, humaniste, sociétale, des correspondances peuvent se faire jour entre travail journalistique d’investigation et travail de recherche. Cela passe, par exemple, par des méthodes d’observation, de recueil de données, de conduite d’enquêtes... Par contre, les modalités d’analyse et de diffusion diffèrent. Sensibiliser, documenter, analyser, informer, alerter font certes partie du travail du chercheur, mais sa focale n’est pas la même que celle du journaliste. Ceci d’autant que la posture du chercheur, son approche, ne sont pas les mêmes selon le champ d’expertise. L’ampleur des dispositifs mis en œuvre est aussi à souligner car si le chercheur peut travailler seul, généralement, ses résultats sont ceux d’un travail d’équipe et le travail mené s’inscrit dans le temps long. Ce temps long de la recherche est, à l’évidence, un marqueur de nos réflexions de recherche autour de la mémorialisation.

    Dans une démarche de recueil et de mise en lumière de témoignages de survivant·e·s, victimes de trauma(tisme)s, des précautions s’imposent. Il s’agit pour nous de conduire des entretiens en équipe interdisciplinaire comprenant la présence de médecins et de psychologues. Au-delà de la transmission d’informations, d’analyses et de connaissances, les recherches, se nourrissant de croisements disciplinaires multiples, peuvent ouvrir des horizons et être vecteurs d’innovation grâce aux propositions/préconisations émergeant du travail mené.

    Enfin, le travail de recherche se nourrit de la confrontation à l’expertise d’autres chercheurs, d’autres cadres analytiques. Dans cette perspective, les échanges lors de divers types de manifestations scientifiques (séminaires, colloques...) ainsi que la mise en dialogue par écrits interposés (publication d’articles, de monographies) contribuent à nourrir le perfectionnement des outils d’analyse et à renouveler les questionnements. Un autre niveau est celui des productions à destination d’un public élargi (vulgarisation, « traduction » du travail de recherche par les journalistes) qui, par les allers-et-retours générés, viennent alimenter la réflexion sur la pertinence, la justesse de la démarche de recherche.
    Au-delà de sa dimension de recherche, votre projet ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·es de violences. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

    R. D. Notre projet global, au-delà d’aLPHa donc et en complément du Mémorial, ambitionne de proposer à l’avenir une formation aux survivant·e·s de violences, une formation à visée holistique (la perspective holistique est, d’ailleurs, au cœur du modèle Panzi

    de Denis Mukwege). Selon les financements que nous pourrons réunir, il nous semble important de donner à ces victimes, ces témoins, ces survivant·e·s, des outils pratiques pouvant les aider à évoluer dans leur parcours personnel, à différents stades, dans leur cheminement, leur reconstruction et leur permettre de se prendre en charge, de faire entendre leur voix, de co-construire leur histoire individuelle et collective, d’écrire une histoire des survivant·e·s de violences, de faire évoluer les mentalités et les comportements…

    En d’autres termes, l’idée ici est d’encourager et d’outiller les survivant·e·s, de leur donner des clés pour développer un empowerment et un leadership au féminin.

    Face à l’empire du silence, il s’agirait de leur donner la chance, que certains ont voulu briser…

    … de se relever

    … de reprendre confiance en elles/eux

    … de s’émanciper

    … de faire entendre leur voix

    … d’affirmer leur place dans la société

    … de devenir des leaders de demain

    …et ainsi pour citer Denis Mukwege, « de changer le cours de l’Histoire ».

    https://nouvelles.univ-rennes2.fr/article/travail-memoire-est-etape-fondamentale-dans-reconstruction-so
    #viols #violence #survivants #VSS

    ping @karine4 @_kg_ @cede

  • « Nous assistons à une escalade de la #prédation_minière »

    Une nouvelle #ruée_minière a commencé et touche aussi la #France. Au nom de la lutte contre la crise climatique, il faudrait extraire de plus en plus de #métaux. Celia Izoard dénonce l’impasse de cette « #transition » extractiviste. Entretien.

    Basta/Observatoire des multinationales : Il est beaucoup question aujourd’hui de renouveau minier en raison notamment des besoins de la transition énergétique, avec la perspective d’ouvrir de nouvelles mines en Europe et même en France. Vous défendez dans votre #livre qu’il ne s’agit pas du tout d’un renouveau, mais d’une trajectoire de continuité. Pourquoi ?

    #Celia_Izoard : Les volumes de #métaux extraits dans le monde aujourd’hui augmentent massivement, et n’ont jamais cessé d’augmenter. Ce qui est parfaitement logique puisqu’on ne cesse de produire de nouveaux objets et de nouveaux équipements dans nos pays riches, notamment avec la #numérisation et aujourd’hui l’#intelligence_artificielle, et qu’en plus de cela le reste du monde s’industrialise.

    En conséquence, on consomme de plus en plus de métaux, et des métaux de plus en plus variés – aussi bien des métaux de base comme le #cuivre et l’#aluminium que des métaux de spécialité comme les #terres_rares. Ces derniers sont utilisés en très petite quantité mais dans des objets qui sont partout, comme les #smartphones, et de façon trop dispersive pour permettre le #recyclage.

    Et la production de tous ces métaux devrait continuer à augmenter ?

    Oui, car rien ne freine cette production, d’autant plus qu’on y ajoute aujourd’hui une nouvelle demande qui est un véritable gouffre : celle de métaux pour le projet très technocratique de la transition. « Transition », dans l’esprit de nos élites, cela signifie le remplacement des #énergies_fossiles par l’#énergie_électrique – donc avec des #énergies_renouvelables et des #batteries – avec un modèle de société inchangé. Mais, par exemple, la batterie d’une #voiture_électrique représente souvent à elle seule 500 kg de métaux (contre moins de 3 kg pour un #vélo_électrique).

    Simon Michaux, professeur à l’Institut géologique de Finlande, a essayé d’évaluer le volume total de métaux à extraire si on voulait vraiment électrifier ne serait-ce que la #mobilité. Pour le #lithium ou le #cobalt, cela représenterait plusieurs décennies de la production métallique actuelle. On est dans un scénario complètement absurde où même pour électrifier la flotte automobile d’un seul pays, par exemple l’Angleterre ou la France, il faut déjà plus que la totalité de la production mondiale. Ce projet n’a aucun sens, même pour lutter contre le #réchauffement_climatique.

    Vous soulignez dans votre livre que l’#industrie_minière devient de plus en plus extrême à la fois dans ses techniques de plus en plus destructrices, et dans les #nouvelles_frontières qu’elle cherche à ouvrir, jusqu’au fond des #océans et dans l’#espace

    Oui, c’est le grand paradoxe. Les élites politiques et industrielles répètent que la mine n’a jamais été aussi propre, qu’elle a surmonté les problèmes qu’elle créait auparavant. Mais si l’on regarde comment fonctionne réellement le #secteur_minier, c’est exactement l’inverse que l’on constate. La mine n’a jamais été aussi énergivore, aussi polluante et aussi radicale dans ses pratiques, qui peuvent consister à décapiter des #montagnes ou à faire disparaître des #vallées sous des #déchets_toxiques.

    C’est lié au fait que les teneurs auxquelles on va chercher les métaux sont de plus en plus basses. Si on doit exploiter du cuivre avec un #filon à 0,4%, cela signifie que 99,6% de la matière extraite est du #déchet. Qui plus est, ce sont des #déchets_dangereux, qui vont le rester pour des siècles : des déchets qui peuvent acidifier les eaux, charrier des contaminants un peu partout.

    Les #résidus_miniers vont s’entasser derrière des #barrages qui peuvent provoquer de très graves #accidents, qui sont sources de #pollution, et qui sont difficilement contrôlables sur le long terme. Nous assistons aujourd’hui à une véritable #escalade_technologique qui est aussi une escalade de la #prédation_minière. La mine est aujourd’hui une des pointes avancées de ce qu’on a pu appeler le #capitalisme_par_dépossession.

    Comment expliquer, au regard de cette puissance destructrice, que les populations occidentales aient presque totalement oublié ce qu’est la mine ?

    Il y a un #déni spectaculaire, qui repose sur deux facteurs. Le premier est la religion de la #technologie, l’une des #idéologies dominantes du monde capitaliste. Nos dirigeants et certains intellectuels ont entretenu l’idée qu’on avait, à partir des années 1970, dépassé le #capitalisme_industriel, qui avait été tellement contesté pendant la décennie précédente, et qu’on était entré dans une nouvelle ère grâce à la technologie. Le #capitalisme_post-industriel était désormais avant tout une affaire de brevets, d’idées, d’innovations et de services.

    Les mines, comme le reste de la production d’ailleurs, avaient disparu de ce paysage idéologique. Le #mythe de l’#économie_immatérielle a permis de réenchanter le #capitalisme après l’ébranlement des mouvements de 1968. Le second facteur est #géopolitique. Aux grandes heures du #néo-libéralisme, le déni de la mine était un pur produit de notre mode de vie impérial. Les puissances occidentales avaient la possibilité de s’approvisionner à bas coût, que ce soit par l’#ingérence_politique, en soutenant des dictatures, ou par le chantage à la dette et les politiques d’#ajustement_structurel. Ce sont ces politiques qui ont permis d’avoir par exemple du cuivre du #Chili, de #Zambie ou d’#Indonésie si bon marché.

    Les besoins en métaux pour la #transition_climatique, si souvent invoqués aujourd’hui, ne sont-ils donc qu’une excuse commode ?

    Invoquer la nécessité de créer des mines « pour la transition » est en effet hypocrite : c’est l’ensemble des industries européennes qui a besoin de sécuriser ses approvisionnements en métaux. La récente loi européenne sur les métaux critiques répond aux besoins des grosses entreprises européennes, que ce soit pour l’#automobile, l’#aéronautique, l’#aérospatiale, les #drones, des #data_centers.

    L’argument d’une ruée minière pour produire des énergies renouvelables permet de verdir instantanément toute mine de cuivre, de cobalt, de lithium, de #nickel ou de terres rares. Il permet de justifier les #coûts_politiques de la #diplomatie des #matières_premières : c’est-à-dire les #conflits liés aux rivalités entre grandes puissances pour accéder aux #gisements. Mais par ailleurs, cette transition fondée sur la technologie et le maintien de la #croissance est bel et bien un gouffre pour la #production_minière.

    Ce discours de réenchantement et de relégitimation de la mine auprès des populations européennes vous semble-t-il efficace ?

    On est en train de créer un #régime_d’exception minier, avec un abaissement des garde-fous réglementaires et des formes d’extractivisme de plus en plus désinhibées, et en parallèle on culpabilise les gens. La #culpabilisation est un ressort psychologique très puissant, on l’a vu durant le Covid. On dit aux gens : « Si vous n’acceptez pas des mines sur notre territoire, alors on va les faire ailleurs, aux dépens d’autres populations, dans des conditions bien pires. » Or c’est faux. D’abord, la #mine_propre n’existe pas.

    Ensuite, la #loi européenne sur les #métaux_critiques elle prévoit qu’au mieux 10% de la production minière soit relocalisée en Europe. Aujourd’hui, on en est à 3%. Ce n’est rien du tout. On va de toute façon continuer à ouvrir des mines ailleurs, dans les pays pauvres, pour répondre aux besoins des industriels européens. Si l’on voulait vraiment relocaliser la production minière en Europe, il faudrait réduire drastiquement nos besoins et prioriser les usages les plus importants des métaux.

    Peut-on imaginer qu’un jour il existe une mine propre ?

    Si l’on considère la réalité des mines aujourd’hui, les procédés utilisés, leur gigantisme, leur pouvoir de destruction, on voit bien qu’une mine est intrinsèquement problématique, intrinsèquement prédatrice : ce n’est pas qu’une question de décisions politiques ou d’#investissements. L’idée de « #mine_responsable » n’est autre qu’une tentative de faire accepter l’industrie minière à des populations en prétendant que « tout a changé.

    Ce qui m’a frappé dans les enquêtes que j’ai menées, c’est que les industriels et parfois les dirigeants politiques ne cessent d’invoquer certains concepts, par exemple la #mine_décarbonée ou le réemploi des #déchets_miniers pour produire du #ciment, comme de choses qui existent et qui sont déjà mises en pratique. À chaque fois que j’ai regardé de plus près, le constat était le même : cela n’existe pas encore. Ce ne sont que des #promesses.

    Sur le site de la nouvelle mine d’#Atalaya à #Rio_Tinto en #Espagne, on voir des panneaux publicitaires alignant des #panneaux_photovoltaïques avec des slogans du type « Rio Tinto, la première mine d’autoconsommation solaire ». Cela donne à penser que la mine est autonome énergétiquement, mais pas du tout. Il y a seulement une centrale photovoltaïque qui alimentera une fraction de ses besoins. Tout est comme ça.

    Le constat n’est-il pas le même en ce qui concerne le recyclage des métaux ?

    Il y a un effet purement incantatoire, qui consiste à se rassurer en se disant qu’un jour tout ira bien parce que l’on pourra simplement recycler les métaux dont on aura besoin. Déjà, il n’en est rien parce que les quantités colossales de métaux dont l’utilisation est planifiée pour les années à venir, ne serait-ce que pour produire des #batteries pour #véhicules_électriques, n’ont même pas encore été extraites.

    On ne peut donc pas les recycler. Il faut d’abord les produire, avec pour conséquence la #destruction de #nouveaux_territoires un peu partout sur la planète. Ensuite, le recyclage des métaux n’est pas une opération du saint-Esprit ; il repose sur la #métallurgie, il implique des usines, des besoins en énergie, et des pollutions assez semblables à celles des mines elles-mêmes.

    L’accent mis sur le besoin de métaux pour la transition ne reflète-t-il pas le fait que les #multinationales ont réussi à s’approprier ce terme même de « transition », pour lui faire signifier en réalité la poursuite du modèle actuel ?

    Le concept de transition n’a rien de nouveau, il était déjà employé au XIXe siècle. À cette époque, la transition sert à freiner les ardeurs révolutionnaires : on accepte qu’il faut des changements, mais on ajoute qu’il ne faut pas aller trop vite. Il y a donc une dimension un peu réactionnaire dans l’idée même de transition.

    Dans son dernier livre, l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz [Sans transition - Une nouvelle histoire de l’énergie, Seuil, 2024] montre que la #transition_énergétique tel qu’on l’entend aujourd’hui est une invention des #pro-nucléaires des États-Unis dans les années 1950 pour justifier des #investissements publics colossaux dans l’#atome. Ils ont tracé des belles courbes qui montraient qu’après l’épuisement des énergies fossiles, il y aurait besoin d’une #solution_énergétique comme le #nucléaire, et qu’il fallait donc investir maintenant pour rendre le passage des unes à l’autre moins brutal.

    La transition aujourd’hui, c’est avant tout du temps gagné pour le capital et pour les grandes entreprises. Les rendez-vous qu’ils nous promettent pour 2050 et leurs promesses de #zéro_carbone sont évidemment intenables. Les technologies et l’#approvisionnement nécessaire en métaux n’existent pas, et s’ils existaient, cela nous maintiendrait sur la même trajectoire de réchauffement climatique.

    Ces promesses ne tiennent pas debout, mais elles permettent de repousser à 2050 l’heure de rendre des comptes. Ce sont plusieurs décennies de gagnées. Par ailleurs, le terme de transition est de plus en plus utilisé comme étendard pour justifier une #croisade, une politique de plus en plus agressive pour avoir accès aux gisements. Les pays européens et nord-américains ont signé un partenariat en ce sens en 2022, en prétendant que certes ils veulent des métaux, mais pour des raisons louables. La transition sert de figure de proue à ces politiques impériales.

    Vous avez mentionné que l’une des industries les plus intéressées par la sécurisation de l’#accès aux métaux est celle de l’#armement. Vous semblez suggérer que c’est l’une des dimensions négligées de la guerre en Ukraine…

    Peu de gens savent qu’en 2021, la Commission européenne a signé avec l’#Ukraine un accord de partenariat visant à faire de ce pays une sorte de paradis minier pour l’Europe. L’Ukraine possède de fait énormément de ressources convoitées par les industriels, qu’ils soient russes, européens et américains. Cela a joué un rôle dans le déclenchement de la #guerre. On voit bien que pour, pour accéder aux gisements, on va engendrer des conflits, militariser encore plus les #relations_internationales, ce qui va nécessiter de produire des #armes de plus en plus sophistiquées, et donc d’extraire de plus en plus de métaux, et donc sécuriser l’accès aux gisements, et ainsi de suite.

    C’est un #cercle_vicieux que l’on peut résumer ainsi : la ruée sur les métaux militarise les rapports entre les nations, alimentant la ruée sur les métaux pour produire des armes afin de disposer des moyens de s’emparer des métaux. Il y a un risque d’escalade dans les années à venir. On évoque trop peu la dimension matérialiste des conflits armés souvent dissimulés derrière des enjeux « ethniques ».

    Faut-il sortir des métaux tout comme il faut sortir des énergies fossiles ?

    On a besoin de sortir de l’extractivisme au sens large. Extraire du pétrole, du charbon, du gaz ou des métaux, c’est le même modèle. D’ailleurs, d’un point de vue administratif, tout ceci correspond strictement à de l’activité minière, encadrée par des #permis_miniers. Il faut cesser de traiter le #sous-sol comme un magasin, de faire primer l’exploitation du sous-sol sur tout le reste, et en particulier sur les territoires et le vivant.

    Concrètement, qu’est ce qu’on peut faire ? Pour commencer, les deux tiers des mines sur la planète devraient fermer – les #mines_métalliques comme les #mines_de_charbon. Ça paraît utopique de dire cela, mais cela répond à un problème urgent et vital : deux tiers des mines sont situées dans des zones menacées de #sécheresse, et on n’aura pas assez d’#eau pour les faire fonctionner à moins d’assoiffer les populations. En plus de cela, elles émettent du #CO2, elles détruisent des territoires, elles déplacent des populations, elles nuisent à la #démocratie. Il faut donc faire avec une quantité de métaux restreinte, et recycler ce que l’on peut recycler.

    Vous soulignez pourtant que nous n’avons pas cessé, ces dernières années, d’ajouter de nouvelles technologies et de nouveaux objets dans notre quotidien, notamment du fait de l’envahissement du numérique. Réduire notre consommation de métaux implique-t-il de renoncer à ces équipements ?

    Oui, mais au préalable, quand on dit que « nous n’avons pas cessé d’ajouter des nouvelles technologies polluantes », il faut analyser un peu ce « nous ». « Nous » n’avons pas choisi de déployer des #caméras_de_vidéosurveillance et des #écrans_publicitaires partout. Nous n’avons pas choisi le déploiement de la #5G, qui a été au contraire contesté à cause de sa consommation d’énergie.

    La plupart d’entre nous subit plutôt qu’elle ne choisit la #numérisation des #services_publics, instrument privilégié de leur démantèlement et de leur privatisation : l’usage de #Pronote à l’école, #Doctissimo et la télémédecine dont la popularité est due à l’absence de médecins, etc. Dans le secteur automobile, la responsabilité des industriels est écrasante. Depuis des décennies, ils ne cessent de bourrer les véhicules d’électronique pour augmenter leur valeur ajoutée.

    Ces dernières années, ils ont massivement vendu d’énormes voitures électriques parce qu’ils savaient que le premier marché de la voiture électrique, c’était d’abord la bourgeoisie, et que les bourgeois achèteraient des #SUV et des grosses berlines. Donc quand je dis que nous devons réduire notre #consommation de métaux, j’entends surtout par-là dénoncer les industries qui inondent le marché de produits insoutenables sur le plan des métaux (entre autres).

    Mais il est vrai que nous – et là c’est un vrai « nous » - devons réfléchir ensemble aux moyens de sortir de l’#emprise_numérique. Du point de vue des métaux, le #smartphone n’est pas viable : sa sophistication et son caractère ultra-mondialisé en font un concentré d’#exploitation et d’#intoxication, des mines aux usines d’assemblage chinoises ou indiennes.

    Et bien sûr il a des impacts socialement désastreux, des addictions à la #surveillance, en passant par la « #surmarchandisation » du quotidien qu’il induit, à chaque instant de la vie. Là-dessus, il faut agir rapidement, collectivement, ne serait-ce que pour se protéger.

    https://basta.media/nous-assistons-a-une-escalade-de-la-predation-miniere
    #extractivisme #minières #électrification #acidification #contamination #hypocrisie #relocalisation #prédation #guerre_en_Ukraine #militarisation #déplacement_de_populations #dématérialisation #industrie_automobile

  • L’escroc escroqué, une histoire française de gauche et tiers-mondiste

    Les éditions L’Harmattan déchirées par un conflit familial
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/21/les-editions-l-harmattan-dechirees-par-un-conflit-familial_6407423_3224.html

    Mercredi 13 novembre, l’éditeur a adressé à la procureure de Paris une plainte contre X pour plusieurs motifs dont « abus de biens », « escroquerie », « abus de faiblesse » et « faux et usage de faux ». Cette plainte est « en cours de traitement », fait savoir le parquet de Paris. Consultée par Le Monde, elle dénonce « une entreprise massive et systématique de pillage du groupe L’Harmattan, par des actions conçues, concertées et indivisibles entre elles et sciemment conduites sur la durée, qui devaient aboutir finalement à la cession d’un groupe d’édition et d’activités culturelles emblématique du monde éditorial français, gravement affaibli ». Par ailleurs, une procédure est également en cours devant le tribunal de commerce de Paris. Une audience a eu lieu le 15 novembre, dont la décision a été mise en délibéré.

    [...]

    Son modèle économique est singulier, parfois décrié : les auteurs sont rémunérés seulement, et faiblement, à partir du 501e exemplaire vendu. Ce qui revient pour beaucoup à ne pas toucher de droits d’auteur, l’enjeu primordial étant d’être publié. « C’est une maison d’édition universitaire internationale, une référence dans le monde », commente le philosophe Jacques Poulain, l’un des 250 directeurs de collection qui sélectionnent les textes publiés.

    https://justpaste.it/fwx9l

    L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/30/l-harmattan-la-maison-d-edition-qui-ne-paie-pas-les-africains_4566732_3212.h

    #édition #Denis_Pryen #L’Harmattan #édition_à_compte_d’auteur_déguisée #travaillerpourlagloirequonaurapas

    • c’est ça. Une exploitation des auteurs qui a permis à l’Harmattan de devenir un riche propriétaire foncier et immobilier à Paris... sans exercer leur métier d’éditeur, mais seulement celui de diffuseur, souvent en se faisant payer (ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais ça l’a longtemps été...)

  • Women walking #Camino_de_Santiago speak of ‘terrifying’ sexual harassment

    Sexual aggression said to be ‘endemic’ on route through Spain, Portugal and France with solo female pilgrims at risk.

    Lone female pilgrims walking the Camino de Santiago have spoken of being subjected to “terrifying” sexual harassment in near-deserted areas of rural Spain, Portugal and France.

    In interviews with the Guardian, nine women alleged they had experienced harassment while attempting the pilgrimage route over the past five years, with several saying they had feared for their lives.

    Seven of the women said they had encountered men in Spain and Portugal who were masturbating or touching themselves, one of whom went on to chase the pilgrim through the countryside.

    Another woman said she had fended off unwanted touching and lewd comments from several men, while the ninth woman said a man had pulled up in a van as she walked and urged her to get in. The incidents usually took place as the women were walking alone along remote stretches of the Camino.

    Lorena Gaibor, the founder of Camigas, an online forum that has been connecting female pilgrims since 2015, said the reports were shocking but not surprising. “Sexual harassment is endemic on the Camino. It feels very common. Every freaking year we get reports of women experiencing the same things,” she said.

    Rosie, 25, said she was walking through a forested route in Portugal earlier this summer when she came across a man with no trousers on who was masturbating as he watched her. The local police did not pick up when she tried to call them.

    “It was terrifying,” said Rosie, who asked that her full name not be published. “I just felt completely alone at that point.”

    The incident had left her feeling unsafe, making her realise her unique vulnerability as a lone female pilgrim.

    “The Camino is so amazing, because it’s so difficult, so physically challenging and so mentally challenging,” she said. “But there is this extra element that female hikers face, this extra huge safety issue, which completely affects your whole ability to face those other challenges or enjoy it in the way that other people do.”

    In recent years the popularity of the various pilgrimage routes collectively known as the Camino de Santiago has soared, particularly among women. Last year a record 446,000 people walked the Camino, 53% of them women, according to Pedro Blanco, the Spanish central government’s representative in Galicia. “More than 230,000 women did it last year, and many of them didn’t hesitate to do it on their own,” he recently told reporters.

    Marie Albert, a journalist, self-described adventurer and feminist writer, said there was insufficient discussion of the risks that female pilgrims faced. “These routes are said to be safe for women and there’s a taboo around saying anything different,” she said.

    In 2019, as Albert walked 435 miles (700km) across northern Spain to reach Santiago de Compostela, she documented a number of aggressions. One man tried to kiss her, and another masturbated in front of her, she said. One man harassed her by text message, and another followed her in the street. At times her aggressors were pilgrims who were walking the same route as her, leaving her panicked that she would again cross paths with them.

    Of the nine women who spoke to the Guardian, six reported the incidents to police. In only one case was the perpetrator located and prosecuted.

    A handful of incidents along the route have made headlines in recent years. Last year Spanish police arrested a 48-year-old man accused of holding a 24-year-old German pilgrim against her will in his home and sexually assaulting her. In 2019, police in Portugal arrested a 78-year-old man who was accused of kidnapping and attempting to rape a pilgrim from Germany.

    Concerns over female pilgrims’ safety burst into public view in 2015 after the American pilgrim Denise Thiem went missing in a rural area of León province, Spain. Her disappearance prompted several pilgrims to come forward with their own stories of being threatened or harassed, before a court sentenced a Spanish man in 2017 to 23 years in prison for Thiem’s murder.

    In 2021 the Spanish government launched a safety campaign that has since expanded to 1,600 points across Galicia where female pilgrims can access information in several languages on how to contact emergency services.

    Johnnie Walker, one of the admins behind the Camino de Santiago All Routes Group, a social media forum that counts more than 450,000 members, said there had long been frustration over the lack of statistics, even as efforts to combat these incidents had been stepped up.

    “As the number of pilgrims has grown, so have reports of men exposing themselves to pilgrims,” he said. “In response the Guardia Civil has stepped up patrols on a number of routes.”

    His forum has long advised pilgrims in Spain to download the AlertCops app, which allows pilgrims to contact police directly. “There’s always the balance to be struck between warning women and causing alarm,” he said. “However, a few of us feel that this issue now needs to be addressed more forcibly and coherently across the country.”

    Police in Portugal said that since 2023 they had received five reports from pilgrims, all of them related to incidents of exhibitionism. None of the suspects were identified and no arrests were made. Between May and October, police had stepped up patrols along various routes in Portugal in order to better protect pilgrims, they added in a statement.

    Police in Spain and France, as well as the interior ministries of those countries, were also approached for comment but did not respond.

    When asked whether there was an official tally of pilgrims who had reported incidents of harassment in the past five years, the Spanish central government’s delegation in Galicia said in a statement that it was not aware of any cases of sexual aggression involving female pilgrims.

    It pointed to a series of initiatives aimed at protecting pilgrims, including specific police patrols along routes and an established protocol that requires security forces to be dispatched each time a call comes in from a pilgrim.

    https://www.theguardian.com/world/2024/nov/11/women-pilgrimage-camino-de-santiago-sexual-harassment
    #chemin_de_Santiago #VSS #violences_sexuelles #harcèlement_sexuel #femmes #marche #Camigas

    ping @_kg_

    • Harcèlement sexuel sur le #chemin_de_Compostelle

      Interpelée, agressée, victime d’un exhibitionniste : notre journaliste n’a pas vraiment trouvé la sérénité en parcourant à pied les 1 800 kilomètres séparant Paris de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une expérience du sexisme masculin qui rejoint celle de bien d’autres pèlerines, trop souvent ignorées des autorités.

      J’oublie. Après avoir vu un homme se masturber devant moi dans une rue de Santander, c’est le conseil que m’avait donné la bénévole d’un refuge espagnol : « Pense à autre chose. Oublie. » J’oublie donc les agressions et le harcèlement sexuel subis pendant mon chemin de Compostelle. Trois mois de marche étalés sur trois ans, entre  2016 et  2019. 1 800 kilomètres parcourus entre Paris et la Galice.

      Aventurière et journaliste féministe, j’ai délaissé l’avion pour des modes de transport plus écologiques, au premier rang desquels la marche à pied, à mon avis la meilleure méthode pour approcher un territoire et rencontrer sa population. J’ai choisi ce sentier de pèlerinage catholique bien connu, bien que je me définisse comme athée. Ma consœur journaliste Marine Périn affirme que « le chemin de Compostelle est idéal pour commencer à marcher seule » et je la rejoins sur ce point. La présence de refuges sur tout l’itinéraire, l’excellent balisage du sentier et la solidarité entre pèlerines me rassurent aussi, pour ma première grande randonnée.

      En 2016, je marche d’abord jusqu’à la ville pyréenne d’Hendaye, à frontière franco-espagnole, en passant par Bordeaux. Les années suivantes, je poursuis mon pèlerinage par le « camino del Norte », chemin du nord de l’Espagne qui longe l’océan Atlantique jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle, où je pose mon sac à dos de 10  kg le 12  octobre 2019. Je dors toujours chez des bénévoles ou dans des refuges. Fière de mon périple solitaire, je garde un souvenir mitigé du dernier tronçon de 700 kilomètres, le plus fréquenté et le plus épuisant.

      Suivie jusque dans les refuges de Compostelle

      Je tente d’oublier mes mauvaises rencontres et rentre à Paris où je reprends mon travail de journaliste pigiste.

      Après quelques semaines, je retrouve une liste non exhaustive des violences sexistes et sexuelles endurées dans mon carnet de bord et m’étonne d’avoir perdu la mémoire :
      un homme me suit dans la rue,
      un homme m’explique la vie,
      un homme m’invite à partager un verre, un homme tente de m’embrasser,
      un homme se masturbe devant moi,
      un homme me harcèle par SMS,
      un homme mime un cunnilingus avec sa langue, un homme commente mon physique,
      un homme m’insulte…

      Je me souviens maintenant de Desmond, un pèlerin anglais de 50 ans qui était devenu un ami. Après avoir refusé de l’embrasser, il m’avait harcelé de textos et m’avait suivi jusque dans les refuges, choisissant le lit voisin du mien. Le jour de mon arrivée à Saint-Jacques de Compostelle, il m’attendait au bureau d’accueil, gâchant mes dernières heures de pèlerine. J’y avais également rencontré Solenne, une catholique française de 26 ans ravie d’obtenir sa compostela, certificat de pèlerinage écrit en latin. Elle aussi m’avait dit avoir été harcelée : « À Burgos, j’ai été accostée trois fois de suite, par trois hommes différents. L’un d’eux m’a agrippé le bras : ‘Viens prendre un verre’. Un autre : ‘Tu es belle.’ Je réponds toujours ‘Lâche-moi’, en français, avec un regard noir. »

      “J’ai cru que le chemin de Compostelle était un endroit safe. Je me suis trompée.”

      Ce harcèlement sexuel est-il isolé ? Sur les réseaux sociaux, je contacte d’autres pèlerines. Elles clament toute leur fierté de marcher seules. Et racontent avoir contourné les agressions avec patience et sang-froid. Marine Périn, journaliste de 30 ans : « À Santa Marina, je tombe sur un exhibitionniste. À 7  heures du matin, il se masturbe devant moi. Je trace pour le fuir. »

      Je fais le parallèle avec mon histoire. Certains Espagnols profitent de la présence de pèlerines isolées pour s’exhiber sur leur chemin. Lili Sohn, autrice de bande dessinée trentenaire, résume : « J’ai cru pendant longtemps que le chemin de Compostelle était un endroit safe, mais je me suis trompée. »

      Elle a échappé à un prof de yoga « qui voulait toujours nous faire des massages. Il était dégueulasse ». Les pèlerines me confient leur gêne, leur peur, leur colère et surtout leur déception. « Je me suis sentie trahie », m’écrit Diane sur Facebook. En 2017, elle côtoie un pèlerin plus âgé qui lui souffle son envie de la « caresser » dans un champ. Elle le fuit, mais garde « un goût amer » de sa semaine.

      Une Américaine assassinée en 2015

      Au sexisme s’ajoute parfois le racisme. Moune Mangattale, une Martiniquaise de 40 ans qui remarque « qu’il n’y a pas beaucoup de personnes noires sur le chemin », se souvient ainsi d’un vieux villageois qui l’a harcelée, répétant qu’il aimait « les femmes comme elle ».

      Certaines randonneuses évoquent l’événement traumatisant que constitue le meurtre sexiste et raciste de Denise Pikka Thiem. Le 5  avril 2015, cette Américaine d’origine asiatique est enlevée près de León. Un fermier espagnol, Miguel Angel Muñoz Blas, la détourne du sentier en y plaçant de faux panneaux. Et l’assassine chez lui. La police retrouve son corps démembré cinq mois plus tard. La justice espagnole a condamné le meurtrier à vingt-trois ans de réclusion. Mais les rares assassinats, viols et agressions sexuelles recensés par la presse ne dissuadent pas des centaines de milliers de femmes d’entreprendre le pèlerinage chaque année.

      2021 sera une année compostellane – ce qui arrive chaque fois que la fête de saint Jacques, fixée le 25  juillet, tombe un dimanche, quatorze fois par siècle. C’est l’occasion de grands rassemblements, événements et messes sur le chemin puis dans la ville de Compostelle, qui attire ces années-là jusqu’à 500 000 personnes. En 2021, certaines pourraient renoncer au pèlerinage, mais essentiellement en raison de la pandémie de Covid. Car les violences sexistes et sexuelles restent tues.
      Autocensure et culpabilité

      L’image d’un chemin sûr et agréable pour les femmes est tenace. Lorsque je lance un appel à témoignages sur un groupe Facebook spécialisé, des internautes me harcèlent de messages, m’accusant de ternir la réputation du pèlerinage. Plusieurs femmes tentent de me culpabiliser, affirmant que j’ai « provoqué » ces agressions sexuelles. Elles m’écrivent qu’elles n’ont jamais subi ou observé quelque violence que ce soit, et je les crois. Je crois aussi que les bons souvenirs effacent les mauvais, comme dans mon cas.

      La militante féministe Charlotte Soulary, créatrice du site La Guide de voyage, assure que le nombre de viols recensés sur le chemin est sous-estimé, car « on va moins porter plainte dans un pays qui n’est pas le nôtre ». L’origine sociale des pèlerins et pèlerines – riche, conservatrice, catholique – les rend par ailleurs peu perméables aux idées féministes. Florence, marcheuse de 35 ans : « J’ai rencontré un vieux pèlerin de 65 ans qui m’a appelée ‘jolie fille’ et m’a complimentée sur mon rouge à lèvres. Je n’en ai plus jamais mis sur le chemin. » Les pèlerines se censurent, se taisent et se culpabilisent. Une stratégie classique qui renforce la culture du viol.

      Marcher seule, une transgression

      Pendant mes recherches, je découvre le roman érotique Comment draguer la catholique sur le chemin de Compostelle, écrit par Étienne Liebig (éd. La Musardine, 2006). Extrait sexiste : « Je sens bien qu’elle est troublée par ma proximité et il faut que je passe à l’attaque sans tarder. Après ce sera tard. » Les pèlerins interprètent-ils notre gêne comme un feu vert ? Pensent-ils qu’une femme seule cherche un compagnon ? Oui, répond Charlotte Soulary : « Marcher seule, c’est vu comme une transgression. Les hommes ont été conditionnés à penser que la femme n’est pas dans son espace. Elle doit avoir envie de compagnie, elle doit chercher un mec. »

      Je ne cherche pas de mec quand je marche. Ni de pénis quand je quitte le refuge de Santander, à l’automne 2019. Je rencontre pourtant l’exhibitionniste espagnol cité plus haut. Nous sommes alors deux femmes victimes et appelons la police pour porter plainte et arrêter l’agresseur.

      À leur arrivée, les policiers nous apprennent que l’exhibitionnisme n’est pas un délit en Espagne. Si la police nous ignore, que fait l’Église catholique ?

      « La sécurité est totale, ou presque totale », éludait le chanoine doyen de la cathédrale de Compostelle Segundo Pérez en 2015, après le meurtre de Denise Pikka Thiem. En fait, il a fallu attendre septembre  2020 pour qu’émerge une initiative de villes espagnoles proposant « un chemin de Saint-Jacques convivial, sûr et gratuit pour les femmes ».
      Que fait l’Église ?

      Elle forme les bénévoles des refuges à prévenir les violences sexistes et sexuelles. De son côté, la police espagnole promeut une fonctionnalité mobile (Guardián Benemérito, lié à l’appli AlertCops) censée partager la localisation en permanence et prévenir les forces de l’ordre en cas de danger. En revanche, aucune initiative similaire n’existe sur les chemins français, tout aussi empruntés.

      Alors les victimes « gèrent la situation » elles-mêmes, à l’image de Lili Sohn : « J’ai réussi à me débarrasser du prof de yoga en lui racontant un mensonge. J’ai dû user de tact pour que ça ne dégénère pas plus ! » D’autres appellent au secours des personnes aperçues sur le chemin. Certaines affrontent directement leur agresseur. Comme Vanessa Louis, qui marchait avec sa copine Mélanie dans le sud de la France. Un jour, elles échangent un baiser près de leur tente : « Et là on entend un mec qui dit ‘Alors les filles, je peux me joindre à vous ?’ On se retourne et on voit le mec la queue à la main. Mélanie a filé sous la tente et moi je lui ai dit de dégager en le menaçant avec ma bombe à poivre. »

      En ce qui me concerne, j’ai décidé de me former à l’autodéfense féministe à Paris. Je sais casser un genou, mettre K.O. un homme et me libérer d’un étran­glement. « Mais n’exigeons pas des victimes de violence d’être Superwoman », tempère Charlotte Soulary. Seules solutions pour éradiquer les violences : éduquer les hommes, et amener plus de femmes sur les chemins. « Qu’on soit plus nombreuses à voyager seules va transformer ces espaces », conclut-elle, optimiste. Pour ma part, je me lance dans un tour de France à pied, seule et sans refuges.

      https://www.wedemain.fr/partager/harcelement-sexuel-sur-le-chemin-de-compostelle
      #exhibitionnisme #sexisme #sexisme_masculin #marche_à_pied #meurtre #Denise_Pikka_Thiem #viols #marcher_seule

  • « #Permis_de_tuer » : mise en cause devant l’ONU, la #France s’enfonce dans le #déni

    Interrogés par le #Comité_des_droits_de_l’Homme de l’#ONU sur la hausse du nombre de #décès consécutifs à l’intervention de la police, les représentants de l’État français sont passés à côté du sujet.

    « Étant donné qu’il y a eu un grand nombre d’issues létales lors de contrôles routiers, souhaitez-vous nous dire s’il est prévu de modifier les #conditions_juridiques d’utilisation des #armes_à_feu par la police et la #gendarmerie ? ». En ce 22 octobre, la voix de la juriste Tijana Šurlan, membre du comité d’experts de l’ONU, résonne gravement dans l’ambiance feutrée du Palais Wilson, sur les rives sur Lac Léman. Et pour cause : ce n’est pas tous les jours que les actions des #forces_de_l’ordre françaises sont examinées par le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des nations unies (ONU).

    Le refrain sonne creux

    Au moment d’engager le sixième rapport périodique de la France sur l’application du #Pacte_international_relatif_aux_droits_civils_et_politiques, la cheffe de la délégation française et ancienne magistrate #Isabelle_Rome entonne un refrain bien connu : « les droits de l’Homme sont intimement liés à l’histoire de la France ». Comme pour désamorcer toute critique en matière de doctrine policière, elle appuie : « garantir une plus grande confiance envers la justice, la démocratie et les forces de l’ordre est une condition nécessaire au renforcement de l’État de droit. Une attention particulière est portée aux conditions d’usage de la force, et plus particulièrement au respect des règles de déontologie lors de toutes les opérations de police ».

    Mais la petite musique bien connue de « la France, patrie des droits de l’Homme » a-t-elle vraiment convaincu le comité onusien ? Celui-ci, composé de 18 experts indépendants spécialistes des droits humains, a interpellé le gouvernement sur le #racisme, le #colonialisme, la #surpopulation_carcérale… mais aussi sur la politique de #violence menée grâce aux forces de l’ordre. Sollicité sur le « permis de tuer », un représentant de la délégation française a éludé le sujet en affirmant laconiquement que l’introduction, en 2017, de ce cadeau aux syndicats policiers répondait « à la nécessité des deux forces de [police et gendarmerie] de définir un régime commun d’usage des armes. Je ne donnerai pas lecture du quatrièmement de cet article, qui est très clair et qui concerne plus particulièrement le cas particulier des refus d’obtempérer ».

    Problème : ledit article n’est justement pas « très clair », que ce soit du point de vue de son contenu juridique, de sa déclinaison dans les instructions ministérielles, ou encore de son interprétation par la Cour de cassation. C’est d’ailleurs une mission parlementaire qui reconnaissait ce problème par la voix de l’un de ses rapporteurs (du même parti – socialiste – qui avait introduit cette loi sept ans plus tôt), jugeant que la rédaction actuelle du texte était « trop floue ».

    Silences diplomatiques

    Le comité des droits humains ne s’est peut-être pas laisser abuser par la rhétorique de la délégation française. M. José Manuel Santos Pais, membre du comité onusien, également procureur-général adjoint à la Cour constitutionnelle portugaise, s’est même permis d’épingler la « patrie-des-droits-de-l’homme » : « le nombre de mort a été multiplié par cinq après la #loi de 2017, et la France est devenue depuis quelques années le pays de l’UE où on compte le plus grand nombre de personnes tuées ou blessées par des tirs réalisés par des agents des forces de police. »

    Il en a déduit cette question de bon sens : « est-ce que l’État partie [la France] serait disponible pour réviser le #cadre_légal concernant l’usage des armes et amender l’#article_L435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure en limitant le recours aux armes à feu aux situations de #légitime_défense ? » Côté délégation française, ce fut silence radio. Ni la cheffe de la délégation, ni personne de la représentation permanente, ni aucun de la dizaine de membres du ministère de l’Intérieur présents à Genève ne piperont mot sur le sujet.

    Alors M. Santos Pais est revenu à la charge : s’inquiétant de « l’accroissement énorme du nombre personnes tuées et de personnes blessées au cours de manifestations ou d’interventions des forces de l’ordre », il a aussi remarqué ne pas avoir « entendu de réponse au sujet que j’ai présenté de réduire les utilisations d’armes seulement aux situations de légitime défense où il y a un danger [imminent] qui pourrait mettre en cause la vie du gendarme ou du policier ».

    Peine perdue. Durant les six heures de tirs courtois entre diplomates, aucune réponse ne sera exprimée par la représentation française à l’ONU sur la volonté ou non de revenir sur le cadre d’emploi des armes policières. Dans les prochains jours, le Comité des droits de l’homme rendra public son rapport sur la France. Si l’ONU identifie dans ses observations conclusives le problème du permis de tuer comme particulièrement prioritaire, la France aura un an pour agir.

    https://paris-luttes.info/permis-de-tuer-mise-en-cause-18824
    #police #violences_policières

    ping @karine4

  • Des institutions scientifiques entretiennent le #doute sur les bénéfices du #bio

    Une vaste #étude française de 2018, montrant un lien entre #alimentation bio et baisse de certains #cancers, a été selon ses auteurs dénigrée par des organismes comme l’#Institut_national_du_cancer ou l’#Académie_de_médecine.

    Pour peu qu’elle soit suffisamment médiatisée, toute publication mettant en évidence les bénéfices de l’alimentation bio pour la #santé se heurte à un tir de #barrage de #dénigrements et de #contrevérités. Avec comme circonstance singulière que ces #fausses_informations ne circulent pas seulement sur les réseaux sociaux ou dans la presse : ce sont parfois des #sociétés_savantes ou des #institutions_scientifiques qui produisent ou relaient ces informations trompeuses. Selon plusieurs chercheurs en #nutrition et en #santé_publique, l’Académie nationale de médecine, l’Académie d’agriculture de France (#AAF) et l’#Institut_national_du_cancer (#INCa) ont ainsi, chacun à leur manière, participé à alimenter la #confusion sur le sujet.

    En cause, une #étude_épidémiologique française publiée en 2018 dans JAMA Internal Medicine, ayant suivi 70 000 personnes pendant quatre ans et demi, et mettant en évidence une baisse significative de #lymphomes (– 75 %) et du #cancer_du_sein postménopausal (– 34 %) chez les plus gros consommateurs et consommatrices de bio, par rapport à ceux qui n’en consomment pas. Trois jours seulement après la publication, l’AAF diffuse sur son site Web un « point de vue » de deux de ses membres, qui l’éreintent.

    « Ce texte était un modèle des techniques utilisées par les industriels pour fabriquer du doute, avec un empilement de critiques méthodologiques frisant la #mauvaise_foi, mais qui parviennent à donner l’illusion d’une discussion scientifique légitime, raconte Serge Hercberg, l’une des figures de l’épidémiologie nutritionnelle, et coauteur de cette étude. Nous ne sommes évidemment pas hostiles au débat, mais il s’agissait, à l’évidence, d’une volonté de jeter le #discrédit plus que de débattre. » Interrogé, le secrétaire perpétuel de l’AAF rappelle que les « points de vue » des académiciens, bien que diffusés par la société savante, ne sont pas formellement endossés par elle.

    En avril 2019, plusieurs mois après la publication de la fameuse étude, l’Académie nationale de médecine publie un bref communiqué qui « alerte sur l’interprétation trop rapide des résultats épidémiologiques ». Le texte fait valoir que les groupes comparés (consommateurs de bio, et non-consommateurs) diffèrent par d’autres facteurs : « La consommation de fruits et légumes, le niveau socio-économique, l’activité physique… tous [sont] susceptibles d’expliquer à eux seuls une différence. »

    Une critique qui suggère que les auteurs auraient fait preuve de négligence en ne tenant pas compte de ces facteurs de confusion dans leur analyse. « C’est complètement ridicule, répond le biochimiste et nutritionniste Denis Lairon, coauteur de l’étude attaquée. Il est impensable qu’une revue comme JAMA Internal Medicine, l’une des plus réputées et exigeantes, accepte de publier une étude épidémiologique qui ne tiendrait pas compte de ces facteurs de confusion ! »

    « #Infox »

    De son côté, l’épidémiologiste Emmanuelle Kesse-Guyot de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, coautrice de l’étude, ne s’explique pas le communiqué de l’Académie. « Je suis allée présenter notre travail aux académiciens pendant plus d’une heure et demie, en leur détaillant les efforts que nous avons faits pour prendre en compte des facteurs de confusion, et les analyses de sensibilité que nous avons conduites avant de publier nos résultats », raconte-t-elle.

    Pourquoi l’Académie a-t-elle publié un communiqué qu’elle savait erroné ? La société savante n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Le caractère trompeur de son communiqué a été porté à l’attention de l’Académie à plusieurs reprises depuis sa publication, voilà plus de cinq ans, mais aucune modification ou rectificatif ne lui a été apportée.

    L’Institut national du cancer n’est pas en reste. En juin 2021, l’institution publie sur son site Web un « éclairage » en forme de fact-checking. L’INCa assure que l’affirmation selon laquelle « manger bio permet de diminuer le risque de cancers » relève d’une « infox ». Et de souligner les limites de l’étude française de 2018.
    Liste de griefs

    En janvier, Le Monde a soumis à l’INCa une demande d’accès aux documents administratifs pour comprendre la genèse de ce communiqué. Suite au refus de l’institution, Le Monde a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs qui a fait droit à sa demande en mars. Les correspondances internes, finalement transmises, indiquent d’abord que la publication de ce communiqué s’est faite sous la supervision du cancérologue Norbert Ifrah, le président de l’institut.

    Ensuite, elles montrent qu’en février 2022 quatre chercheurs d’institutions publiques protestent par écrit auprès de l’institut. Une protestation d’autant plus autorisée que les auteurs du courrier sont les animateurs du Réseau NACRe (Nutrition, Activité physique, Cancer, Recherche), qui fédère une quarantaine de laboratoires publics travaillant, entre autres, sur la prévention nutritionnelle des cancers. « Il nous paraît important de signaler que le fait de qualifier l’association entre alimentation bio et risque de cancer comme une “infox” n’est pas tout à fait exact, compte tenu du nombre croissant de publications sur le sujet, écrivent les chercheurs à l’INCa. Ce n’est pas encore avéré avec un niveau de preuve solide, mais cela n’est pas une infox non plus. »

    Dans leur courrier, ils soulignent que d’autres travaux vont à l’appui d’une telle association, et citent une étude française de mars 2021 sur un lien entre faible teneur en résidus de pesticides et risque diminué de cancers de sein (https://www.inrae.fr/actualites/certains-cocktails-pesticides-favoriseraient-risque-cancer-du-sein-femmes-meno), et une autre, américaine, de janvier 2022, sur un risque diminué de #gliomes (un type de cancer cérébral). L’INCa n’a pas donné de suites à l’interpellation des chercheurs. Leur critique était formulée mezza voce, mais d’autres spécialistes sont bien plus critiques.

    Denis Lairon retourne ainsi à l’INCa l’amabilité : pour le chercheur, la communication de l’institution publique « frôle la fake news ». Le chercheur transmet au Monde une longue liste de griefs sur de nombreux points du #fact-checking de l’INCa et estime que certains sont « totalement injustifiés et témoignent d’une forte ignorance des méthodologies utilisées et/ou d’un biais partisan totalement inacceptable ». L’INCa n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/11/04/des-institutions-scientifiques-entretiennent-le-doute-sur-les-benefices-du-b

    voir aussi ici, signalé par @colporteur
    https://seenthis.net/messages/1080446

    • Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk. Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study

      Key Points

      Question What is the association between an organic food–based diet (ie, a diet less likely to contain pesticide residues) and cancer risk?

      Findings In a population-based cohort study of 68 946 French adults, a significant reduction in the risk of cancer was observed among high consumers of organic food.

      Meaning A higher frequency of organic food consumption was associated with a reduced risk of cancer; if the findings are confirmed, research investigating the underlying factors involved with this association is needed to implement adapted and targeted public health measures for cancer prevention.
      Abstract

      Importance Although organic foods are less likely to contain pesticide residues than conventional foods, few studies have examined the association of organic food consumption with cancer risk.

      Objective To prospectively investigate the association between organic food consumption and the risk of cancer in a large cohort of French adults.

      Design, Setting, and Participants In this population-based prospective cohort study among French adult volunteers, data were included from participants with available information on organic food consumption frequency and dietary intake. For 16 products, participants reported their consumption frequency of labeled organic foods (never, occasionally, or most of the time). An organic food score was then computed (range, 0-32 points). The follow-up dates were May 10, 2009, to November 30, 2016.

      Main Outcomes and Measures This study estimated the risk of cancer in association with the organic food score (modeled as quartiles) using Cox proportional hazards regression models adjusted for potential cancer risk factors.

      Results Among 68 946 participants (78.0% female; mean [SD] age at baseline, 44.2 [14.5] years), 1340 first incident cancer cases were identified during follow-up, with the most prevalent being 459 breast cancers, 180 prostate cancers, 135 skin cancers, 99 colorectal cancers, 47 non-Hodgkin lymphomas, and 15 other lymphomas. High organic food scores were inversely associated with the overall risk of cancer (hazard ratio for quartile 4 vs quartile 1, 0.75; 95% CI, 0.63-0.88; P for trend = .001; absolute risk reduction, 0.6%; hazard ratio for a 5-point increase, 0.92; 95% CI, 0.88-0.96).

      Conclusions and Relevance A higher frequency of organic food consumption was associated with a reduced risk of cancer. If these findings are confirmed, further research is necessary to determine the underlying factors involved in this association.

      https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2707948

    • #Pesticides et santé – Nouvelles données (2021)

      Ce document présente la synthèse issue des travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective pour répondre à la demande de cinq directions de l’État, la Direction générale de la prévention des risques, la Direction générale de la santé, la Direction générale du travail, la Direction générale de la recherche et de l’innovation, ainsi que le secrétariat général du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’actualisation du rapport d’expertise collective Inserm intitulé Pesticides : Effets sur la santé, publié en 2013 (https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-effets-sur-sante).

      https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021

    • Certains #cocktails_de_pesticides favoriseraient le risque de cancer du sein chez les #femmes ménopausées

      Certains pesticides utilisés en Europe sont suspectés d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine. Ils provoqueraient des #perturbations_hormonales et auraient également des propriétés carcinogènes, déjà observées en milieu professionnel. Le lien entre l’exposition à ces pesticides via l’alimentation et le cancer du sein dans la population générale est encore peu étudié. Des chercheurs d’une équipe mixte INRAE, Inserm, Cnam et Université Sorbonne Paris Nord ont déjà montré que les consommatrices d’aliments issus de l’agriculture biologique de la cohorte NutriNet-Santé, avaient un moindre risque de cancer du sein en post-ménopause (1). Cette même équipe a poursuivi ses travaux en s’intéressant cette fois à l’exposition à différents cocktails de ces pesticides sur cette catégorie de la population. Leurs travaux, parus le 15 mars dans la revue International Journal of Epidemiology apportent un éclairage sur l’impact de l’exposition alimentaire aux pesticides dans la survenue de cancer du sein en post-#ménopause.

      https://www.inrae.fr/actualites/certains-cocktails-pesticides-favoriseraient-risque-cancer-du-sein-femmes-meno

  • Le hérisson désormais « quasi menacé » d’extinction
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/28/le-herisson-desormais-quasi-menace-d-extinction_6363392_3244.html

    Les hérissons ouest-européens sont en déclin, poussés hors de leurs habitats par l’expansion urbaine et fauchés sur les routes. Dans la liste rouge actualisée de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), publiée lundi 28 octobre à Cali (Colombie) lors de la COP16 sur la biodiversité, l’Erinaceus europaeus a changé de catégorie, passant de « préoccupation mineure » à « quasi menacé » d’#extinction.

    #biodiversité

    • Le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) est passé de la catégorie Préoccupation mineure à Quasi menacé sur la Liste rouge de l’UICN. On estime que les effectifs de l’espèce ont diminué dans plus de la moitié des pays où elle est présente, y compris au Royaume-Uni, en Norvège, en Suède, au Danemark, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche. À l’échelle nationale, les populations ont diminué d’environ 16 à 33% au cours des dix dernières années, des études locales signalant également des diminutions allant jusqu’à 50% en Bavière (Allemagne) et en Flandre (Belgique). Les pressions humaines croissantes, en particulier la dégradation des habitats ruraux par l’intensification agricole, les routes et le développement urbain entraînent le déclin du hérisson d’Europe.

      https://iucn.org/fr/communique-de-presse/202410/plus-dune-espece-darbre-sur-trois-dans-le-monde-est-menacee-dextinction
      #hérisson

    • Alors ça y est ça passe à la radio. Après que pour conclure, une journaliste résume ce qui suit (chez Le Monde)

      ... la survie des hérissons « va se jouer dans les jardins des maisons ». Elle invite les propriétaires à construire des « autoroutes pour hérissons », c’est-à-dire un trou dans la clôture extérieure pour leur permettre le passage la nuit, et déposer sur leur chemin une petite réserve d’eau et de déchets alimentaires.
      « La meilleure chose que vous puissiez faire est de laisser pousser votre jardin à l’état sauvage pour attirer tout ce dont un hérisson a besoin pour se nourrir : insectes, vers de terre, escargots et limaces », précise Mme Rasmussen.

      la présentatrice du journal de France cul d’enchainer avec un rassérénerait "alors, il y a des solutions".

      #écologie #déni

    • #petits_gestes #colibris (je fais ma part).

      Ceci dit, nous avons « fait notre part » également en participant à des opérations de sauvetages et de réintroductions en milieu (à peu près) naturel de hérissons blessés ou malades dans le cadre d’une association locale. Attitude très professionnelle et compétences avérées chez les membres de cette asso mais gros investissement personnel (contraintes liées au temps passé et à la place disponible pour héberger les « pensionnaires » avant de les remettre en liberté) plus beaucoup de tracas administratifs pour obtenir un agrément et des subventions.

      https://www.sosherisson49.com

  • La preuve en images ?

    En suivant le procès de #Mazan, je perçois un parallèle avec les meurtres de masse à #Gaza, en Cisjordanie et au Liban : dans les deux cas, nous assistons à un échec des idéaux de #justice que nos sociétés revendiquent, échec accentué par l’abondance d’#images incriminantes. Je tente ici d’examiner comment cette #crise_de_la_preuve se déroule sous nos yeux et le miroir qu’elle nous tend.

    Dans un texte publié cette semaine, Mona Chollet (https://www.la-meridienne.info/Le-genocide-invisible) écrit :

    « Le découpage minutieux par lequel les médias et les dirigeants occidentaux distinguent les victimes dignes d’être pleurées de celles qui ne méritent pas une seconde d’attention me fait penser à ces vieilles #photos de l’URSS sur lesquelles la #censure effaçait soigneusement les contours des dignitaires tombés en disgrâce. »

    Je n’aurais pas pu trouver meilleure introduction à mon propos.

    L’historienne de formation (et de l’URSS, justement) que je suis est forcément débordée par l’actualité : ayant exercé mes recherches dans un milieu par définition déserté par les preuves matérielles, j’ai étudié dans le sillage d’historiens comme Iouri Dmitriev et Dmitri Yurasov qui ont couru leur vie durant après des traces de massacres et leur dissimulation par les perpétrateurs (et les autorités), et me suis principalement employée à reconstituer des récits de violences de masse à partir d’éléments rares et lacunaires.

    Depuis plusieurs années, c’est l’inverse qui se produit : pour enquêter, on est au contraire contraint de fouiller dans la masse de documents disponibles en ligne et de constituer des outils à même d’isoler le signal du bruit, le vrai du manufacturé et l’aiguille de la botte de foin. Nous investissons donc des terrains où les #preuves abondent. Pour autant, force est de constater qu’elles ne sont pas nécessairement retenues contre les auteurs des #crimes. J’ai pour ma part le sentiment que nous vivons collectivement une inversion paradoxale du #rapport_à_la_preuve, par lequel des #preuves_visuelles accablantes accompagnent des #violences pourtant ignorées ou niées.

    Au cours de mes recherches ou en pratiquant l’#OSINT sur plusieurs épisodes de #violence ces dernières années, je suis travaillée par cette réflexion sur le #statut_de_l’image — notamment dans ce qu’elle change dans notre rapport à l’événement historique — et de la preuve ; l’affaiblissement paradoxal de la #charge_de_la_preuve par la pléthore d’images s’est vérifié tous les jours en Syrie, sur le front ukrainien, etc.

    En ce moment, deux événements d’ordres en apparence très différents alimentent en continu cette réflexion : les crimes de guerre conduits par l’armée israélienne, et le #procès_de_Mazan.

    PREUVES ET #DÉNI

    Dans ces deux contextes, les vidéos provoquent une crise collective de notre rapport aux images et de notre rapport à la justice, philosophiquement, socialement mais aussi et surtout, c’est en tout cas l’enjeu, dans le cadre très précis du #droit_international et du #droit_pénal français, respectivement. On assiste à la rupture avec un paradigme dans lequel l’#absence_de_preuve justifiait que soient laissés impunis des actes, qu’il s’agisse de #crimes_sexuels ou de #crimes_de_guerre, dont la matérialité était suspendue aux déclarations des victimes, victimes qui, faute de preuves, n’étaient pas ou rarement crues.

    Mais que se passe-t-il alors face à des faits amplement documentés ?

    Alors qu’on pourrait s’attendre à ce que la #vérité éclate au grand jour, on vérifie tous les jours que ce n’est pas le cas. Le sort fait aux images y est pour beaucoup : selon le narratif qu’elles peuvent appuyer, elles verront leur circulation entravée ou encouragée et leur contenu validé ou discrédité. C’est de cette façon que des images propres à susciter l’#indignation se heurtent paradoxalement à l’#indifférence voire au #doute, qui sont bien sûr de puissants facteurs de #démobilisation.

    Plusieurs dispositifs agissent dans ce sens, que renseigne abondamment une longue tradition de théorie de l’information et de critique des médias : d’une part, l’accès à l’information limité et cloisonné, de la bulle de filtres à la censure délibérée. D’autre part, face à l’impossibilité de contrôler le flux désormais intarissable des informations, se mettent en place des réponses cognitives telles que la #fatigue_de_compassion ou la #surcharge_cognitive, qui paralysent au lieu de mobiliser. Enfin, les médias d’#information_en_continu, la concentration des titres de presse et en général le fonctionnement des médias moderne est propice à l’#entropie, la #manipulation de l’information, la perméabilité à la #propagande. Face à ces phénomènes de d’#altération de l’information, l’émergence croissante de médias de #fact-checking ou de #debunk est salutaire mais à la fois insuffisante (c’est la fameuse loi dite de Brandolini) et sujette à caution, ces plateformes qui s’érigent en instances de neutralité devenant potentiellement des agents de contrôle de l’information.

    Je parle souvent de notre usage des #réseaux_sociaux en politique, et notamment le dispositif de #spectacle par lequel nous assistons en live sur nos téléphones à des massacres filmés, et l’#impuissance acquise à laquelle nous cela nous réduit, dans une sorte de #conscientisation_sans_action. L’idée que des images puisse provoquer une #prise_de_conscience en même temps qu’une #distance_émotionnelle est au coeur de la réflexion de #Susan_Sontag dans Regarding the Pain of Others, et plus récemment dans le livre de #Samah_Karaki L’Empathie est politique (https://www.editions-jclattes.fr/livre/lempathie-est-politique-9782709672504), paru au début de ce mois.

    Une forme de #militantisme_compassionnel consiste alors à liker, partager, s’indigner à longueur de stories (moi la première) en se raccrochant à l’idée de « faire quelque chose ». J’ai depuis appris qu’un mot existe en réalité depuis longtemps pour désigner ce phénomène : le #slacktivisme, autrement dit un #activisme_paresseux pratiqué depuis son canapé. Bien entendu, si ce qui se joue relevait de la seule paresse, cela ne vaudrait pas pour moi une minute de peine.

    Je voudrais revenir sur la nature et le rôle du « spectacle » en question, c’est-à-dire ce que nous regardons : les images, en quantité désormais infinies, et leur caractère de preuve.

    Si tout ce qui précède tend à montrer que la #démobilisation est un effet pervers de l’inflation des images, je pense qu’est également à l’œuvre un mécanisme délibéré de #disqualification de ces images. En effet, si l’#indifférence est une des conditions de l’#impunité, le #doute en est une autre et c’est ce qui m’intéresse plus particulièrement.

    DU DÉNI AU #NÉGATIONNISME

    Le procès Pélicot et les vidéos de Gaza présentent selon moi un point commun très fort et symptomatique de l’époque en ce qui concerne notre rapport aux images : dans ces deux cas de figure nous sommes en présence d’images qui se retrouvent au cœur du #débat_public.

    Ce sont notamment des contextes de production d’images par les auteurs mêmes des crimes, et dans les deux cas, la controverse repose sur l’idée que ces images ne constituent pas des preuves. Dominique Pélicot, qui a drogué son épouse afin que plusieurs dizaines d’inconnus puissent la violer à son insu pendant des années, a tout filmé ; c’est même cette collection visuelle monumentale qui a conduit à la mise en examen des accusés. On peut aussi relever que c’est déjà le fait de filmer ses victimes, en public cette fois (sous les jupes de clientes d’une grande surface), qui a attiré l’attention des autorités sur lui et mené à la découverte du reste. La documentation systématique de ses propres agissements constitue donc une part fondamentale desdits agissements (dans un but principalement pornographique en l’occurrence). À l’issue de la fouille de son matériel, cette archive devient logiquement une #pièce_à_conviction.

    Pourtant, depuis le début des audiences, s’est joué un retournement du rôle de ces images : les plaidoiries des avocats des accusés mobilisent massivement les vidéos incriminantes pour au contraire les dédouaner. Il a pu être ainsi avancé que ces images montraient en fait que la victime était consentante ; qu’elle faisait semblant de dormir ; que rien ne prouvait qu’elle n’avait pas sollicité ces actes.

    Dans le cas de Mazan, le paradoxe est consommé : sans ces vidéos, les accusés auraient probablement continué leur vie sans être inquiétés, mais sur ces vidéos se construit désormais un #récit_alternatif visant à les disculper.

    Depuis un an, une autre catégorie de vidéos sature nos écrans : les images en provenance de Gaza. Depuis un an Israël a imposé une interdiction stricte sur l’accès indépendant à Gaza pour les médias internationaux ; les vidéos qui nous parviennent sont donc nécessairement le fait d’individus impliqués dans les événements. Certaines sont filmées avec les téléphones des victimes ; d’autres sont, comme dans le cas de Dominique Pélicot, tournées par les auteurs des crimes : des soldats israéliens enregistrant des crimes de guerre en zone occupée, soit par souci nationaliste, soit par fanfaronnade individuelle pour se mettre en valeur sur Tiktok et Tinder. On note au passage qu’à Mazan comme à Gaza, la compilation des actes criminels par leurs auteurs dit quelque chose de leur #sentiment_d’impunité.

    Dans les deux cas de figure, un enjeu fondamental est donc l’existence d’une #documentation_visuelle d’actes qui dans d’autres contextes restent impunis, précisément faute de preuves.

    Tout l’argumentaire de notre idée de la justice est fondé sur la preuve, soit le fait que le flagrant délit ou la prise sur le fait rend les faits indéniables. C’est même ce qui justifie la #surveillance_de_masse.

    Ici, cet argumentaire se retrouve mis à mal et les images font l’objet d’une entreprise de #disqualification : les victimes sont des menteurs et les vidéos sont fake. Nous le savons bien : dans le monde « #post-vérité », les faits ne sont plus aussi têtus.
 Ainsi encore tout récemment des images des frappes qui ont ciblé les patients d’un hôpital en ruines à Deir al Balah et notamment vu périr dans les flammes le jeune Shaban al-Dalou sur plusieurs vidéos ont suscité une émotion virale. Mais très rapidement en réponse à ces images se met en place une rhétorique de #négation d’ordre conspirationniste : les vidéos seraient le fruit de « #Pallywood », invention raciste et révisionniste qui prétend que les Palestiniens disposent d’une industrie cinématographique dédiée à la production « hollywoodienne » de films victimaires. Ainsi l’épisode très choquant de la mort de #Shaban_al-Dalou a été remis en question en ciblant l’auteur d’une des vidéos de l’attaque de l’hôpital ; dans ces contenus, le jeune Gazaoui est présenté comme un « acteur » et accusé de créer de faux contenu destinés à attirer la compassion. Bien que les vidéos aient été vérifiées comme bien réelles et la conspiration Pallywood largement debunkée, et notamment sur l’épisode précis en question, les tweets relayant cette opération de propagande autant par les comptes officiels de l’état israélien que de l’influenceur d’extrême-droite et ex-policier Bruno Attal mais aussi la vice-Présidente du CRIF, n’ont pas, à ce jour, été supprimés.
    Ce #discrédit jeté sur la preuve peut sembler tellement grossier qu’on aurait du mal à le prendre au sérieux, mais il fonctionne très bien sur les spectateurs de bonne foi qui ne veulent pas croire aux images “choc” qui leur parviennent. Il a même pu être dit que ces images étaient "trop choquantes pour être réelles".

    Ainsi, en présence d’images, la négation doit simplement passer par d’autres canaux : ces images prouveraient en fait le contraire de ce qu’elles montrent explicitement ; seraient fausses ou trafiquées ; les victimes seraient en fait consentantes, ou ne seraient que des acteurs jouant la comédie.

    La #fictionnalisation des images documentaires participe donc de la mise en place d’un #déni_de_preuve. Priver les images de leur #charge_probatoire est alors un enjeu capital pour les perpétrateurs.

    VICTIME PARFAITE, PARFAIT COUPABLE

    Revenons sur Mazan.

    Gisèle Pélicot, soumise chimiquement par son mari et livrée à des centaines d’hommes pour qu’ils la violent pendant qu’elle était inconsciente, pourrait incarner l’archétype de la "bonne victime" de viol : les preuves sont accablantes, les faits indiscutables.

    Cette idée de "#bonne_victime" se retrouve chez Giulia Fois, qui évoque le viol dont elle a été victime comme un “bon viol”, expliquant qu’elle a été considérée comme une victime recevable parce que son viol a eu lieu dans un contexte conforme à l’idée qu’on veut se faire du viol à l’échelle de la société : un inconnu la nuit sur un parking sombre — cliché bien utile pour recouvrir complètement la réalité qui est toute autre : puisque 90% des #viols sont commis par un homme connu de la victime.

    Pourtant, Gisèle Pélicot se voit harcelée par les avocats de la défense qui s’acharnent à démontrer qu’elle aurait été consentante, et par là mettre en doute son statut même de victime. On le voit bien : l’image, soit le plus haut niveau de preuve, dans ce contexte, ne sert plus à rien. Si ce n’est éventuellement à se retourner contre les victimes : on est même allé chercher des photographies érotiques réalisées par la victime pour étayer le portrait d’une femme lascive et libertine, donc essentiellement une femme qui a bien cherché à se faire passer dessus et certainement pas une « bonne victime ».

    On voit donc la facilité avec laquelle, en dépit des preuves, la victime légitime peut être rétrogradée au statut d’irrecevable.

    Dans le même ordre d’idées, Mona Chollet, toujours dans son texte si bien nommé « le génocide invisible », relève ceci (et je souligne) :

    « Au fil des mois, déjà, on avait pu mesurer l’ampleur du “deux poids, deux mesures”. Les massacres, les viols : au vu de l’indignation générale soulevée, à juste titre, quand des Israélien·nes en ont été victimes, on avait pu en déduire, naïvement, que ces crimes étaient condamnables en eux-mêmes. Mais l’indifférence, voire l’approbation, rencontrées quand des Palestinien·nes en sont victimes à leur tour nous force à en déduire que ce qui est réellement terrifiant, ce n’est pas d’être violé·e, décapité·e, massacré·e : c’est de l’être par des Arabes ».

    La #recevabilité du #statut_de_victime légitime semble donc moins inféodée au faisceau de preuves dont on dispose qu’au statut de l’auteur des actes dont elle est victime. En gros : dis-moi qui t’a agressé·e, je te dirai si c’est vrai.

    En effet, la question de savoir qui est la "bonne victime" sert à détourner l’attention du véritable problème : celui des "#bons_coupables", ceux que la justice désigne comme des cibles légitimes — migrants, pauvres, minorités de race et de genre… (et il va de soi que ces coupables idéaux ne peuvent pas constituer à leur tour des victimes parfaites). Pour le dire simplement, le système protège les agresseurs quand ils correspondent à un certain profil.

    Nous avons à Mazan un procès accablant pour les auteurs (avec 10 ans de vidéos à charge) mais comme comme ce sont des coupables irréprochables — un « #bon_père_de_famille » et des « monsieur tout-le-monde » —, on est en train de nous expliquer que c’est plus compliqué que ça, qu’ils n’ont pas fait grand chose de mal, qu’ils ont souffert dans leur enfance et que Gisèle Pélicot a peut-être un peu cherché ce qui lui est arrivé. La médiatisation du procès de Mazan rompt l’illusion et montre au grand jour l’arbitraire de la séparation entre bons et mauvais hommes, et entre vrais et faux coupables.

    Le contraste est saisissant avec typiquement le battage médiatique tout récent autour de l’inculpé désigné sous la seule appellation de « Marocain sous OQTF » qui a tué la jeune Philippine, créant immédiatement une panique d’extrême-droite — extrême-droite qu’on a pas beaucoup vu s’émouvoir du procès Mazan.

    Il apparaît clairement qu’on ne prend fait et cause pour les victimes qu’en fonction de qui les agresse, en faisant en réalité peu de cas de ces victimes.

    CACHEZ CES VICTIMES QUI NE SAURAIENT EXISTER

    Dans ce contexte, le huis clos judiciaire joue d’ailleurs un rôle clé : il devient le pilier d’un système qui, sous couvert de protéger les victimes, protège en réalité les coupables. Le refus du #huis_clos par Gisèle Pélicot est un enjeu de société car il expose publiquement ce qui était auparavant relégué à l’imaginaire sordide des « affaires de mœurs » et recouvert d’un voile pudique.

    Dans le même ordre d’idées, les #smartphones utilisés par les populations ciblées ont en quelque sorte brisé le huis clos symbolique des scènes de crimes de guerre d’habitude considérés comme essentiellement incompréhensibles, exotiques, ambigus et frappés d’un flou artistique.

    En ce moment, le monde traverse donc une #médiatisation_des_violences qui fait vaciller les conceptions de la justice des gens qui y assistent. Si l’idée d’une #justice_à_deux_vitesses n’est certes pas nouvelle, les niveaux d’impunité et de cynisme déployés dans ces deux contextes ont suscité des indignations très larges.

    S’y pose à nouveaux frais la question centrale : qui a le droit d’exercer la #violence ?

    
Mythe fondateur de l’état de droit, le #monopole_de_la_violence_légitime réservé aux agents du pouvoir exécutif prouve jour après jour non seulement son échec à protéger les plus vulnérables, mais sa tendance croissante et de plus en plus manifeste à s’exercer contre eux, des violences policières aux persécutions institutionnelles contre les minorités. Je vois pour ma part dans l’acharnement à innocenter les violeurs de Mazan une extension tacite et conditionnelle de ce monopole de la violence à certaines catégories sociales (plutôt dominantes) pourvu qu’elles limitent leur action violente à certaines autres catégories (plutôt minoritaires).

    Les images de Gaza et de Mazan concourent au même mouvement de révélation à grande échelle de l’étendue de l’arnaque d’un régime profondément illégaliste, au sens foucaldien : la gestion de la légalité ou de l’illégalité de certains phénomènes en fonction de qui en sont les acteurs.

    S’y dévoile en fait la matrice d’un système fondé sur la #négation_des_victimes : face à l’impunité acquise de certains, selon une organisation finalement tout à fait suprémaciste, on le voit aujourd’hui : les preuves ne valent pas grand chose ; face à des perpétrateurs qui bénéficient à d’un totem d’#immunité, ou à minima de nombreux points d’avance, il n’y a pas de victime assez parfaite pour établir la #culpabilité de leur bourreau.

    Le #victim_blaming (terme qui désigne l’attribution d’un acte malveillant à la responsabilité de la victime) est en fait le mode par défaut du parcours de la victime vers la reconnaissance de son statut et l’éventuelle réparation du préjudice et participe d’une #impunité_institutionnelle. Le huis clos que les images viennent briser n’est pas seulement géographique, mais aussi moral et idéologique : il est celui d’une société internationale qui refuse de reconnaître la pleine humanité des victimes, car cela impliquerait de remettre en question les structures de pouvoir qui la sous-tendent.

    Si comme le veut l’adage le vieux monde peine à mourir, les monstres qui surgissent prennent pour l’instant la forme d’une ère post-factuelle où l’émotion et l’opinion remplacent les faits, et dans laquelle les spectateurs sont complices par leur inaction. Et si un nouveau monde tarde à apparaître c’est aussi parce l’#indifférence et le #déni prédominent et autorisent l’impunité à prospérer.

    J’ai l’optimisme de penser que l’indignation suscitée par décalage entre les déclarations des pouvoirs publics et les actes qui sont documentés ne n’est pas vouée à tourner dans une boucle stérile et fera à terme bouger les lignes. Je caresse même la chimère que par le spectacle qui se donne de cas d’impunité tellement patents, après l’indignation incrédule se produise un déclic des consciences même chez les gens les plus enclins à avoir confiance en la justice nationale et internationale. Le régime actuel de coexistence des #récits_dominants avec les images qui les contredisent est en train de creuser une faille qui expose les processus par lesquels les systèmes de justice et les systèmes d’information sont à la fois régis par les #rapports_de_pouvoir qui traversent nos sociétés et producteurs de #récits dominants. Chaque jour qui passe montre un peu davantage combien le roi est nu.

    Omar El Akkad tweetait il y a un an : “One day, when it’s safe, when there’s no personal downside to calling a thing what it is, when it’s too late to hold anyone accountable, everyone will have always been against this.” Ce tweet a été vu plus de 10 millions de fois. Pouvons-nous vraiment attendre que trois générations s’écoulent ?

    https://blogs.mediapart.fr/cerisuelo/blog/171024/la-preuve-en-images
    #viols_de_Mazan

  • Contre l’expertise
    Retour sur un savoir inaudible
    Revue Zilzel 2023/2 no 13. https://shs-cairn-info/revue-zilsel-2023-2-page-333?lang=fr
    "En 2015, l’introduction du Dictionnaire critique de l’expertise rappelait la phrase de Philippe Roqueplo selon laquelle « l’expression d’une connaissance scientifique ne revêt valeur d’expertise que dans la mesure où elle s’articule à un processus décisionnel et c’est précisément cette articulation qui lui confère sa valeur d’expertise. » [1] Le Dictionnaire lui-même possède deux entrées incluant le terme de sciences : « Sciences réglementaires » et « Sciences sociales », mais pas d’entrée pour les sciences naturelles, comme si ces dernières étaient en deçà du processus d’#expertise. Il se pourrait que la crise sanitaire ait éclairé d’un jour cruel cet « en deçà ». Les premières années de la pandémie de Covid-19 ont donné lieu à une débauche d’expertises allant des cabinets de consultance privés aux cabinets ministériels, des agences sanitaires aux médias, en passant par des comités scientifiques. Mais il a été très difficile aux #scientifiques de se faire entendre sur de nombreux points parmi lesquels la transmission de SARS-CoV-2 par voie d’aérosol. Au travers d’un retour d’expérience, détaillant comment cette donnée scientifique majeure a été, dans ces circonstances de crise, écoutée par des agents économiques privés et occultée par le pouvoir #politique, cette étude entend analyser et montrer les limites de la stratégie de contre-expertise [2] prétendant retourner la rhétorique expertale pour en faire un levier d’action publique.
    L’expertise par temps de crise : rappel du contexte

    Rien ne me prédisposait au rôle d’expert sur un quelconque sujet, a fortiori sur la sécurisation des centres commerciaux vis-à-vis du risque de transmission épidémique du #coronavirus SARS-CoV-2. Universitaire et physicien, je suis fermement attaché au principe d’autonomie de la recherche scientifique vis-à-vis de toutes les formes de pouvoir – politique, religieux et économique – et n’en fais pas mystère. Par ailleurs, je suis de ceux qui déplorent les conséquences sociales et climatiques du développement conjoint de l’usage de la voiture et des centres commerciaux. Enfin, je travaillais depuis quelques mois intensivement sur la micro-physique des brouillards et des nuages lorsque le #Covid-19 a fait irruption dans nos vies, et n’avais alors que de vagues notions d’épidémiologie. Aussi, recevoir le 3 février 2021 un message électronique informel d’un cadre dirigeant d’Unibail-Rodamco-Westfield (URW) me demandant un entretien présentait-il un caractère improbable. Le problème posé alors par cette firme qui exploite de grands centres commerciaux est simple à exposer. Fin janvier 2021, le gouvernement a pris la décision de maintenir fermés les centres commerciaux de plus de 20 000 m2, ce qui engendre une perte de plusieurs millions d’euros par jour pour le groupe URW. Les cadres du groupe n’ont qu’une urgence : obtenir de l’exécutif la réouverture des centres commerciaux."
    https://justpaste.it/c6mz4

    • Décidément, c’est une perle cet article même si cela demande du temps pour le lire jusqu’au bout :

      "Cette défiance vis-à-vis des résultats scientifiques provient-elle exclusivement de la volonté de préserver des positions de pouvoir, ou d’un biais lié à la formation des médecins ? Enfin, il y a cette étrange affirmation sur les masques FFP2. Le pouvoir filtrant des couches de matériau intissé dont ils sont constitués a été mesuré en laboratoire de longue date, ainsi que les fuites des masques à la jonction avec le visage. Comment cette immense littérature technique a-t-elle pu être balayée au profit de croyances non justifiées du milieu hygiéniste ? M. Véran, demandant le pardon à la radio en septembre 2022 nous en livre une clé : « Quand on est à l’aune des connaissances scientifiques contemporaines, il est plus facile de regarder en arrière et de se dire : est-ce qu’on a bien fait ou est-ce qu’on a mal fait ? […] En février, en mars, en avril 2020, toutes les recommandations, de l’OMS, des comités scientifiques internationaux, écrivent noir sur blanc que le port du masque en population générale n’est pas utile contre le Covid. » Il n’existe que trois essais cliniques méthodologiquement corrects sur le port du #FFP2, mais neuf méta-analyses qui, à une exception près, ont dupliqué les mêmes erreurs, ignorant les études montrant que la protection n’est significative que si le masque est porté en continu et non par intermittence, à proximité des patients, voire en agrégeant les données des bras d’essais cliniques de ces études [26]. Cette erreur démontre que les « experts » d’agences sanitaires lisent rarement les articles scientifiques et ont donc tendance à reprendre les conclusions d’autres rapports. Parmi les personnalités occupant une position stratégie au sein de l’OMS, figure un opposant au masque, J.-M. Conly, qui est membre du « WHO Health Emergencies Programme (WHE) » et surtout « Chair WHO Infection Prevention & Control R&D Expert Group ». Ce groupe d’experts est supposé commander des revues externes et indépendantes. Mais en l’occurrence, les 17 synthèses rémunérées sur SARS-CoV-2 sont échues à trois membres du WHE, T. Jefferson, C. Heneghan, du « Centre for evidence-based medicine » et à J.-M. Conly lui-même. Aucun coauteur de ces synthèses n’a ni formation ni production savante sur les aérosols. On retrouve C. Heneghan et T. Jefferson dans ce qu’il est difficile d’appeler autrement que le réseau de désinformation sur le Covid, depuis les officines contre toute politique sanitaire, Collateral Global, Brownstone Institute et PANDA jusqu’à la Great Barrington Declaration [27], tract pseudo-scientifique de promotion de l’immunité naturelle financé par l’un des think tanks libertariens des frères #Koch"

  • Au #procès des folles

    « Les violences sont déplacées dans le champs du #fantasme »

    Victimes de violences physiques et psychologiques de la part de leurs ex conjoints, Anouk et Marie doivent être expertisées par des psychologues et psychiatres suite aux #démarches_juridiques qu’elles entament, au pénal et au civil. Elles racontent leurs expériences traumatisantes face à des expertes qui minimisent les faits, remettent en doute leurs paroles, symétrisent les comportements ou encore les accusent d’être hystériques et masochistes. Ces psys considèrent qu’Anouk et Marie « y sont sans doute pour quelque chose », compte tenu de leurs profils psychologiques.

    De très nombreuses femmes vivent les mêmes expériences, source de nouveaux traumatismes, devant la justice, mais aussi dans les cabinets libéraux. Cet épisode décrypte le processus de #psychologisation de la violence (des victimes, mais aussi des agresseurs) qui permet de mieux l’occulter. Avec les analyses de psychologues et d’avocates qui tentent de faire changer ces pratiques.

    https://www.arteradio.com/son/61684896/au_proces_des_folles
    #justice #violence #procès_pénal #procès #traumatisme #masochisme #hystérie #occultation #invisibilisation #psychologie #anxiété #VSS #violences_sexuelles #expertise #peur #honte #répétition #larmes #humiliation #culturalisation #religion #histoire_familiale #hystérie #suspicion #intimité #expertise_psychologique #enquête_de_crédibilité #crédibilité #toute_puissance #traumatisme #post-traumatisme #consentement #colère #tristesse #témoignage #anxiété_généralisée #traumatisme_de_trahison #troubles_du_stress_post-traumatique (#TSPT) #subjectivité #psychanalyse #névrose #masochisme #analyses_paradoxales #présomption_de_masochisme #présomption #concepts #mise_en_scène #jeu #mensonge #manipulation #exagération #répétition #co-responsabilité #dépsychologisation #féminisme #violences_politiques #vulnérabilité #expertises_abusives #maltraitance_théorique #théorie #rite_de_domination #violences_conjugales #analyse_sociale #psychologisation_de_la_violence #patriarcat #domination #violence_systémique #féminicide #sorcière #pouvoir #relation_de_pouvoir #victimisation #violences_conjugales #crime_passionnel #circonstances_atténuantes #injustice #haine #haine_contre_les_femmes #amour #viol #immaturité #homme-système #empathie #désempathie #masculinité #masculinité_violente #violence_psychologique #humiliations #dérapage #déraillement #emprise_réciproque #reproduction_de_la_violence #émotions #récidive #intention #contexte #figure_paternelle #figure_maternelle #imaginaire #violence_maternelle #materophobie #mère_incenstueuse #parentalité_maternelle #parentalité_paternelle #dénigrement

    #audio #podcast

    ping @_kg_

    • Merci
      Cette émission a fait un écho tremblant aux accusations et dénigrements de psychologues dont j’avais requis les compétences pour m’aider (croyais-je) alors que j’étais en soin pour un cancer du sein métastasé. La première, je n’ai pas ouvert la bouche que déjà elle me dit que je me suis assise de façon présomptueuse et un autre moment elle rit en me disant qu’elle voudrait bien voir mon enfant pour savoir comment il s’en sort d’avoir une mère comme moi. Une autre, à qui j’ai demandé d’agir en relais le temps des soins pour mon enfant qui débute ses études, et qui présente des phases dépressives suite à des maltraitances de son père, lui conseille d’aller vivre chez lui devenu SDF à 600km de là et me donne un rdv où j’apprends qu’il sera présent, refusant de m’entendre alors que c’est moi qui l’ai toujours payé. Tellement choquée que je pars en voir une autre pour lui demander si il est normal d’agir ainsi. Cette fois, en sortant, j’étais responsable du cancer qui m’avait fait perdre mon sein dû à des problèmes psys de maternité non résolu, j’allais détruire mon entourage, mon enfant également et j’avais juste envie de me suicider.
      J’ai quand même repris trois mois plus tard un suivi par une psychologue de la clinique qui m’a cette fois réellement écoutée et aidée. Jamais eu le courage cependant de retourner voir les 3 autres pour dénoncer leur incompétence et leurs humiliations.

      #psychologues #violences_psychologiques #maternophobie #courage_des_femmes

  • Face au pire, nos aveuglements contemporains

    « La #polarisation a empêché l’#information d’arriver. » Iryna Dmytrychyn est parvenue à cette conclusion après avoir disséqué ce que la presse écrivait sur l’Holodomor, la grande famine de 1932-1933 en Ukraine, au moment où elle avait lieu.

    Malgré tous les efforts du pouvoir soviétique, quelques reporters avaient réussi à rendre compte de la catastrophe en cours, le plus célèbre étant le Gallois Gareth Jones et la plus effacée peut-être Rhea Clyman, une journaliste canadienne. En France, Suzanne Bertillon avait publié le témoignage circonstancié d’un couple de paysans américains d’origine ukrainienne dans le journal d’extrême droite Le Matin.

    Dans le paysage médiatique des années 1930, terriblement clivé selon l’orientation politique, la #presse d’extrême droite couvre la famine, tandis que les titres liés au Parti communiste, à commencer par L’Humanité, la taisent voire la nient. Dans les deux cas, la lecture politique des événements s’impose.

    Les #faits comptent moins que les #opinions : selon que l’on soit communiste ou anticommuniste, on croit ou non à l’existence de la famine, comme si les personnes affamées relevaient d’un point de vue. « Au-delà des faits, c’était une question de #foi », résume Iryna Dmytrychyn dans son livre. Peu importe le réel, ce qui fait « foi », c’est l’idée que l’on veut s’en faire.

    Si la presse fasciste a eu raison, c’était parce que les circonstances l’arrangeaient. Et encore, tous les journaux de l’extrême droite n’ont pas couvert cette gigantesque famine avec la même intensité : l’Ukraine, périphérie d’un empire colonial, avait moins d’importance aux yeux de Rivarol ou de L’Action française que ce régime communiste honni pour ne pas rembourser les emprunts russes, remarque Iryna Dmytrychyn.

    #Dissonance_cognitive

    « La presse du centre n’en parle pas car elle manque d’informations ou considère n’en avoir pas suffisamment », ajoute la chercheuse. L’approche sensationnaliste, quant à elle, exacerbe les récits déjà terribles. Des millions de morts sur des terres fertiles, en paix, des cas de cannibalisme… « Une disette peut se concevoir, mais manger ses enfants ? L’entendement se dérobe, conclut Dmytrychyn en reprenant la formule de l’historien Jean-Louis Panet. Notre cerveau ne pouvait l’admettre. »

    L’écrivain hongrois Arthur Koestler fut l’un des rares compagnons de route du parti communiste à être lucide sur l’#Holodomor, parce qu’il s’est rendu sur place. Il a fait l’expérience de cette « trieuse mentale » qui le poussait à refuser ce qui heurtait ses convictions. Il en va de même, aujourd’hui, pour les catastrophes en cours : les dizaines de milliers de morts aux frontières de l’Europe, les guerres meurtrières plus ou moins oubliées (au Soudan, à Gaza, en Ukraine, en Éthiopie…), ou encore le changement climatique. Ce dernier fait l’objet de nombreuses recherches pour tenter d’expliquer l’apathie, l’indifférence, voire le déni, qu’il suscite, comme d’autres catastrophes.

    La philosophe Catherine Larrère propose de reprendre le concept de dissonance cognitive, développé dans les années 1950 par le psychologue Leon Festinger. « Notre vie suppose une forme de #croyance dans l’avenir car cette #confiance nous permet d’agir. Quand quelque chose met en question ces #certitudes, on préfère trouver une autre #explication que de remettre en cause nos croyances. On préfère croire que le monde dans lequel on vit va continuer », résume l’intellectuelle.

    Les #neurosciences confirment le « coût » biologique de renoncer à ce qu’on pensait établi. « Lorsque les faits contredisent nos représentations du monde, le cerveau envoie un signal d’erreur en produisant des “#hormones_du_stress” », décrit Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho. Créer des stratégies pour s’adapter à la nouvelle donne nécessite d’activer d’autres parties du cerveau, dont le cortex préfrontal, ce qui est « très consommateur d’énergie », poursuit le chercheur.

    Plutôt que de procéder à ces remises en cause, la première réaction consiste à s’en prendre au messager. « Les porteurs de mauvaises nouvelles, on les met à mort, au moins symboliquement », note le psychanalyste Luc Magnenat, qui a publié La Crise environnementale sur le divan en 2019. « On impute aux écologistes la #responsabilité de ce qui arrive parce qu’ils en parlent », précise Catherine Larrère, en suggérant nombre d’illustrations tirées de l’actualité : les inondations dans le nord de la France seraient causées par l’interdiction de curer les fossés afin de protéger les batraciens, et non par le changement climatique qui provoque des pluies diluviennes… Ou encore les incendies seraient dus « à des incendiaires », et non à la sécheresse.

    « Être écologiste, c’est être seul dans un monde qui ne veut pas entendre qu’il est malade », reprend Luc Magnenat en citant Aldo Leopold, le père de l’éthique environnementale. Dans sa chanson From Gaza, With Love, le rappeur franco-palestinien Saint Levant le dit dans son refrain : « Continuez à parler, on vous entend pas. »

    Cette difficulté à dire une catastrophe que personne ne veut entendre est étudiée dans l’ouvrage collectif Violence et récit. Dire, traduire, transmettre le génocide et l’exil (Hermann, 2020). « La #violence limite toute possibilité de #récit, mais aussi toute possibilité d’#écoute et de réception. Elle hante une société d’après-guerre peu encline à admettre la dimension impensable du #génocide […]. Elle se traduit par l’#effroi : d’un côté la #négation de ceux dont le récit ne peut pas se dire ; de l’autre le déni et la #peur d’une société qui ne veut pas être témoin de la #cruauté_humaine dont atteste le récit. Comment dire et entendre les rafles, les morts de faim ou sous la torture dans les prisons ou sur les routes d’Arménie ou dans les camps nazis ? […] Le témoignage met des décennies à pouvoir se tisser, le temps de sortir du #silence_traumatique et de rencontrer une #écoute possible », pose en introduction la directrice de l’ouvrage, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, à la tête de l’Institut Convergences Migrations du CNRS.

    #Responsabilités_collectives

    Anthropologue et psychologue clinicienne, elle s’est concentrée sur la parole des personnes exilées, qui subissent une « triple violence » : une première fois sur le lieu du départ, ce qui constitue souvent la cause de l’exil (opposition politique, risques en raison de son identité, etc.) ; lors de la #migration pour éviter les risques inhérents à la clandestinité ; à l’arrivée en France où l’#administration impose un cadre qui ne permet pas à la #parole de s’exprimer librement.

    La possibilité du récit disparaît donc dans la société qui ne veut pas l’entendre, car elle se retrouverait sinon face à ses responsabilités dans ces violences. « Les #morts_aux_frontières relèvent de l’intentionnel, c’est une politique économique qui érige des murs », synthétise Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky.

    Refuser d’« attester de la violence » est l’une des formes du déni, qui en revêt d’autres. « Plus l’#angoisse est forte, plus le déni est fort », relève Luc Magnenat.

    Au-delà de son intensité, il trouve différentes manifestations. Dans son livre States of Denial (non traduit, « les états du déni »), le sociologue Stanley Cohen propose une typologie : le déni peut être littéral (cet événement ne s’est pas produit), interprétatif (la signification des faits est altérée), implicatif (les conséquences et implications sont minimisées). Surtout, Stanley Cohen sort le déni du champ psychologique en montrant qu’il peut relever de #politiques_publiques ou de #pratiques_sociales.

    Dans ses recherches sur les massacres des opposants politiques dans les prisons iraniennes en 1988, l’anthropologue Chowra Makaremi a observé ces « reconfigurations du discours du déni ». Après des décennies de négation pure et simple, le régime iranien a, sous la pression d’une mobilisation de la société civile, tenté d’en minimiser l’ampleur, puis a dénié aux victimes leur statut en considérant qu’elles n’étaient pas innocentes, avant de se présenter lui-même en victime agissant prétendument en légitime défense.

    Indispensable « #reconnaissance »

    Sortir du déni n’est pas un phénomène linéaire. S’agissant du #changement_climatique, Sébastien Bohler a observé une prise de conscience forte en 2018-2019. À ce « grand engouement », incarné notamment par les manifestations pour le climat, a succédé « un retour du climato-rassurisme », « nouvelle tentative de ne pas poursuivre la prise de conscience ».

    La théorie d’un #effondrement global simultané, qui a connu un nouvel essor à ce moment-là, a constitué un « #aveuglement », estime pour sa part Catherine Larrère dans le livre Le pire n’est jamais certain (Premier Parallèle), coécrit avec Raphaël Larrère, parce qu’elle empêchait de regarder la « multiplicité des catastrophes locales déjà en cours ». « La fascination pour le pire empêche de voir ce qui est autour de soi », en déduit la philosophe.

    Malgré les retours en arrière, des idées progressent inexorablement : « Au début des années 1990, il allait de soi que le progrès et les innovations techniques allaient nous apporter du bien-être. C’était l’évidence. Ceux qui émettaient des réserves passaient pour des imbéciles ou des fous. Aujourd’hui, c’est l’inverse, la croyance dans l’évidence du progrès fait passer pour étrange. »

    Le mur du déni se fissure. Ce qui l’abattra, c’est le contraire du déni, c’est-à-dire la reconnaissance, selon Stanley Cohen. Indispensable, la connaissance des faits ne suffit pas, ils doivent faire l’objet d’une reconnaissance, dans des modalités variables : procès, commissions vérité et réconciliation, compensation, regrets officiels…

    L’Ukraine a dû attendre la chute de l’URSS pour qualifier officiellement l’Holodomor de génocide, une reconnaissance qui a pris la forme d’une loi adoptée par le Parlement en 2006. Après l’invasion de son territoire par la Russie le 24 février 2022, plusieurs États européens, dont la France, ont fait de même, reconnaissant, 90 ans après, que cette famine organisée par le pouvoir soviétique n’était pas une « disette », ni une « exagération colportée par les ennemis du régime », mais bel et bien un génocide.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/180824/face-au-pire-nos-aveuglements-contemporains

    #déni #aveuglement

    • Violence et récit. Dire, traduire, transmettre le génocide et l’exil

      Face au désastre, peut-il y avoir un récit ? Au sortir du camp de Buchenwald, à l’heure des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, que dire, que traduire, que transmettre ? Le récit peut-il prendre forme lorsqu’il s’agit d’attester du mal et de la cruauté, dont la conflagration mine l’écrit ? La violence empêche le récit lorsque les mots manquent radicalement pour dire l’expérience génocidaire ou exilique. Elle l’abîme, tant sa transmission et son écoute sont hypothéquées par le déni et le silence de la société qui le recueille. À travers l’étude de plusieurs formes de récits – chroniques de ghetto, récits de guerre ou poèmes et fictions – émerge l’inconscient de l’Histoire qui ne cesse de traduire les expériences de domination et de persécution de populations marginalisées. Comment décentrer la violence pour rendre le récit audible ? Les dispositifs d’écoute, d’interprétariat et de transmission se renouvellent. Ce livre apporte une lecture inédite des récits de violence, en proposant un parallèle entre les violences génocidaires et les exils contemporains dans une perspective résolument pluridisciplinaire.

      https://www.editions-hermann.fr/livre/violence-et-recit-marie-caroline-saglio-yatzimirsky

      #livre

    • States of Denial: Knowing about Atrocities and Suffering

      Blocking out, turning a blind eye, shutting off, not wanting to know, wearing blinkers, seeing what we want to see ... these are all expressions of ’denial’. Alcoholics who refuse to recognize their condition, people who brush aside suspicions of their partner’s infidelity, the wife who doesn’t notice that her husband is abusing their daughter - are supposedly ’in denial’. Governments deny their responsibility for atrocities, and plan them to achieve ’maximum deniability’. Truth Commissions try to overcome the suppression and denial of past horrors. Bystander nations deny their responsibility to intervene.

      Do these phenomena have anything in common? When we deny, are we aware of what we are doing or is this an unconscious defence mechanism to protect us from unwelcome truths? Can there be cultures of denial? How do organizations like Amnesty and Oxfam try to overcome the public’s apparent indifference to distant suffering and cruelty? Is denial always so bad - or do we need positiv...

      https://www.wiley.com/en-us/States+of+Denial%3A+Knowing+about+Atrocities+and+Suffering-p-9780745623924

  • The Long Shadow of German Colonialism. Amnesia, Denialism and Revisionism

    From 1884 to 1914, the world’s fourth-largest overseas colonial empire was that of the German #Kaiserreich. Yet this fact is little known in Germany and the subject remains virtually absent from most school textbooks.

    While debates are now common in France and Britain over the impact of empire on former colonies and colonising societies, German imperialism has only more recently become a topic of wider public interest. In 2015, the German government belatedly and half-heartedly conceded that the extermination policies carried out over 1904–8 in the settler colony of German South West Africa (now Namibia) qualify as genocide. But the recent invigoration of debate on Germany’s colonial past has been hindered by continued amnesia, denialism and a populist right endorsing colonial revisionism. A campaign against postcolonial studies has sought to denounce and ostracise any serious engagement with the crimes of the imperial age.

    #Henning_Melber presents an overview of German colonial rule and analyses how its legacy has affected and been debated in German society, politics and the media. He also discusses the quotidian experiences of Afro-Germans, the restitution of colonial loot, and how the history of colonialism affects important institutions such as the Humboldt Forum.

    https://www.hurstpublishers.com/book/the-long-shadow-of-german-colonialism
    #livre #Allemagne #colonialisme #colonialisme_allemand #histoire_coloniale #histoire #héritage #héritage_colonial #Allemagne_coloniale #Afro-allemands #impérialisme #impérialisme_allemand #Namibie #génocide #amnésie #déni #révisionnisme

    ping @_kg_ @cede @reka

    • German colonialism in Africa has a chilling history – new book explores how it lives on

      Germany was a significant – and often brutal – colonial power in Africa. But this colonial history is not told as often as that of other imperialist nations. A new book called The Long Shadow of German Colonialism: Amnesia, Denialism and Revisionism aims to bring the past into the light. It explores not just the history of German colonialism, but also how its legacy has played out in German society, politics and the media. We asked Henning Melber about his book.
      What is the history of German colonialism in Africa?

      Imperial Germany was a latecomer in the scramble for Africa. Shady deals marked the pseudo-legal entry point. South West Africa (today Namibia), Cameroon and Togo were euphemistically proclaimed to be possessions under “German protection” in 1884. East Africa (today’s Tanzania and parts of Rwanda and Burundi) followed in 1886.

      German rule left a trail of destruction. The war against the Hehe people in east Africa (1890-1898) signalled what would come. It was the training ground for a generation of colonial German army officers. They would apply their merciless skills in other locations too. The mindset was one of extermination.

      The war against the Ovaherero and Nama people in South West Africa (1904-1908) culminated in the first genocide of the 20th century. The warfare against the Maji Maji in east Africa (1905-1907) applied a scorched earth policy. In each case, the African fatalities amounted to an estimated 75,000.

      “Punitive expeditions” were the order of the day in Cameroon and Togo too. The inhuman treatment included corporal punishment and executions, sexual abuse and forced labour as forms of “white violence”.

      During a colonial rule of 30 years (1884-1914), Germans in the colonies numbered fewer than 50,000 – even at the peak of military deployment. But several hundred thousand Africans died as a direct consequence of German colonial violence.
      Why do you think German debate is slow around this?

      After its defeat in the first world war (1914-1918), the German empire was declared unfit to colonise. In 1919 the Treaty of Versailles allocated Germany’s territories to allied states (Great Britain, France and others). The colonial cake was redistributed, so to speak.

      This did not end a humiliated Germany’s colonial ambitions. In the Weimar Republic (1919-1933) colonial propaganda flourished. It took new turns under Adolf Hitler’s Nazi regime (1933-1945). Lebensraum (living space) as a colonial project shifted towards eastern Europe.

      The Aryan obsession of being a master race culminated in the Holocaust as mass extermination of the Jewish people. But victims were also Sinti and Roma people and other groups (Africans, gays, communists). The Holocaust has overshadowed earlier German crimes against humanity of the colonial era.

      After the second world war (1939-1945), German colonialism became a footnote in history. Repression turned into colonial amnesia. But, as Jewish German-US historian and philosopher Hannah Arendt suggested in 1951 already, German colonial rule was a precursor to the Nazi regime. Such claims are often discredited as antisemitism for downplaying the singularity of the Holocaust. Such gatekeeping prevents exploration of how German colonialism marked the beginning of a trajectory of mass violence.
      How does this colonial history manifest today in Germany?

      Until the turn of the century, colonial relics such as monuments and names of buildings, places and streets were hardly questioned. Thanks to a new generation of scholars, local postcolonial agencies, and not least an active Afro-German community, public awareness is starting to change.

      Various initiatives challenge colonial memory in the public sphere. The re-contextualisation of the Bremen elephant, a colonial monument, is a good example. What was once a tribute to fallen colonial German soldiers became an anticolonial monument memorialising the Namibian victims of the genocide. Colonial street names are today increasingly replaced with names of Africans resisting colonial rule.

      Numerous skulls – including those of decapitated African leaders – were taken to Germany during colonialism. These were for pseudo scientific anthropological research that was obsessed with white and Aryan superiority. Descendants of the affected African communities are still in search of the remains of their ancestors and demand their restitution.

      Similarly, cultural artefacts were looted. They have remained in the possession of German museums and private collections. Systematic provenance research to identify the origins of these objects has only just begun. Transactions such as the return of Benin bronzes in Germany remain a matter of negotiations.

      The German government admitted, in 2015, that the war against the Ovaherero and Nama in today’s Namibia was tantamount to genocide. Since then, German-Namibian negotiations have been taking place, but Germany’s limited atonement is a matter of contestation and controversy.
      What do you hope readers will take away from the book?

      The pain and exploitation of colonialism lives on in African societies today in many ways. I hope that the descendants of colonisers take away an awareness that we are products of a past that remains alive in the present. That decolonisation is also a personal matter. That we, as the offspring of colonisers, need to critically scrutinise our mindset, our attitudes, and should not assume that colonial relations had no effect on us.

      Remorse and atonement require more than symbolic gestures and tokenism. In official relations with formerly colonised societies, uneven power relations continue. This borders on a perpetuation of colonial mindsets and supremacist hierarchies.

      No former colonial power is willing to compensate in any significant way for its exploitation, atrocities and injustices. There are no meaningful material reparations as credible efforts of apology.

      The colonial era is not a closed chapter in history. It remains an unresolved present. As the US novelist William Faulkner wrote: “The past is never dead. It’s not even past.”

      https://theconversation.com/german-colonialism-in-africa-has-a-chilling-history-new-book-explor

      #Cameroun #Togo #Tanzanie #Rwanda #Burundi #Hehe #Ovaherero #Nama #Maji_Maji #expéditions_punitives #abus_sexuels #travail_forcé #white_violence #violence_blanche #violence #Lebensraum #nazisme #Adolf_Hitler #Hitler #monuments #Kolonialelefant #Brême #toponymie #toponymie_coloniale #toponymie_politique

  • The Absent Presence of German Colonialism

    The German national narrative around colonialism is one of minimization, if not of outright denial. Such a minimization is supported by the exceptionalization of the Shoah, and the consensus around the idea that the German state has been making the proper amends around its genocidal history. If the 1904-1908 genocide of the Nama and the Ovaherero in present-day Namibia is acknowleged, it is often presented as temporally and spatially distant, in comparison with the temporal and spatial proximity with the Nazi holocaust. Fatou Sillah and Abdur Rehman Zafar challenge such a narrative and allow us to perceive the ghosts of German colonialism, from Namibia to Papua-New-Guinea, as transcending a specific time or place.

    En anglais:
    https://thefunambulist.net/magazine/colonial-continuums/the-absent-presence-of-german-colonialism
    En français:
    https://drive.google.com/file/d/1owTlB0eiaabVUKR2jByYIR1vxZeAoAQF/view

    –-

    –-> Citations toponymiques (de la version française):

    "Le colonialiste #Karl_Peters, qui fut renvoyé pour déshonneur de ses fonctions de gouverneur de l’Afrique de l’Est allemande en raison de son usage excessif de la violence, fut redécouvert par les Nazi*es et érigé au rang de héros national. Dans mon (Fatou) quartier de Brême – considérée sous l’#Allemagne Nazie comme la « ville des colonies » – une rue porte encore le nom de Karl Peters. Le lycée que j’ai fréquenté est situé juste à côté d’un monumental éléphant de briques érigé par les Nazi*es pour commémorer les colonies perdues et réaffirmer leurs droits sur elles. Le colonialisme et le Troisième Reich ne sont pas consécutifs : si le colonialisme a précédé le Troisième Reich, il a aussi coexisté avec lui et lui a survécu [jusqu’à aujourd’hui]."

    « À Brême, la présence absente du passé colonial allemand reste gravée dans les rues baptisées du nom de colons, de navires coloniaux et de sites de violence coloniale. Südweststraße and Waterbergstraße (du nom des lieux où les troupes allemandes forcèrent les Ovaherero à fuir dans le désert) incarnent des rappels tangibles de la violence si souvent niée. »

    « Comme relativement peu de personnes issues des anciennes colonies allemandes vivent aujourd’hui en Allemagne, le mouvement décolonial actuel est en grande partie mené par des militant*es qui ne leur sont pas rattaché*es. Compte-tenu de cette situation, les liens qui existent avec des militant*es décoloniaux*ales des anciennes colonies sont vitaux pour les luttes anti-coloniales à la fois locales et globales. Par exemple, en 2021, l’association des Chef*fes Traditionnel*les Nama et l’Autorité Traditionnelle Ovaherero ont coopéré avec des militant*es allemand*es pour organiser des rassemblements simultanés à Windhoek et Berlin afin de demander réparation, tandis qu’un procès intenté au gouvernement allemand par les Ovaherero et les Nama a été soutenu par des avocat*es militant*es en Allemagne. Les rues allemandes qui doivent être rebaptisées reçoivent des noms honorant les ancêtres des militant*es actuel*les et des survivant*es de génocide. »

    #colonialisme #colonialisme_allemand #Allemagne_coloniale #Brême #noms_de_rue #toponymie #toponymie_politique #toponymie_coloniale #déni #Namibie #Ovaherero #Nama #récit #Hambourg #Papouasie-Nouvelle-Guinée #Samoa #traces

    ping @cede @reka

    • Bremen’s Elefant: Memorialisation, politics, and memory surrounding German colonialism

      In 1932, German citizens gathered for the dedication of the Kolonialelefant in Bremen. The Bremen Colonial Society created this monument in memory of the German soldiers who died in the German colonies during the First World War. As well as to glorify colonialism and bolster the neo-colonial movement (after the Treaty of Versailles had stripped Germany of its colonies in 1919). The first speaker at the ceremony was Eduard Achelis, Chairman of the Bremen section of the Deutsche Kolonialgesellschaft (German Colonial Society). In his speech, he stated:

      In this solemn hour dedicated to our colonies, may the whole German people step up and […] unanimously shout to the world: Away with the events of the past, with lies and slander; we Germans demand our rights. The recognition of necessary living conditions. Immediate return of our own land, honestly acquired and honestly managed, an expensive legacy left to us by our fathers: the German colonies.

      For Achelis and many others, the value of the Elefant lay not in the memory of the specific German soldiers who had lost their lives but in the reminder of the sacrifice that went into obtaining and controlling colonial land in Africa: the injustice of that land being taken away. A specific version of colonialism was publicly displayed through the Kolonialelefant: colonialism was a worthy venture that brought glory and prosperity. The city’s actions followed this version of colonial memory. The National Socialists of Bremen established the town as the ‘Capital of the Colonies’ after the statue’s dedication, and in 1938, a convention that brought together all of the German colonial organisations was held in Bremen.

      Six decades later, the Elefant underwent a second dedication – this time it was dedicated as the Anti-Kolonial-Denk-Mal (Anti-Colonial Monument). Before the ceremony, the Elefant was wrapped in fabric ‘chains’ of racism and colonialism, which were cut away during the ceremony. Speeches were given that grieved the atrocities of German colonialism, and a plaque was unveiled, which provided a history of German colonialism and the monument’s problematic creation. The plaque also highlighted the reason for rededicating the memorial: ‘This monument is a symbol of the responsibility we have inherited from history.’ Many Bremen-based organisations were involved in the rededication process, and other efforts to campaign for greater awareness of Germany’s colonial past. The fond memory of German colonialism that prevailed in Bremen in the 1930s was replaced by a memory of German colonialism shrouded in racism and violence.

      The Elefant is both a reflection of and exception to German memorial culture. Like the Elefant, German colonial memorials created before the Holocaust glorified colonialism. After the Holocaust, when genocide was defined and criminalised, there was a gap in German colonial memorialisation. No longer were memorials glorifying colonialism erected, and colonial monuments that already existed, including the Elefant, were largely left to decay.

      In the 1970s and 80s, the anti-apartheid movement swept across Europe, bringing awareness to the lasting impact of colonialism. Citizens in Bremen began to analyse how the city was responsible for the disastrous situation in South West Africa, particularly in Namibia (then controlled by South Africa), a former German colony. It is at this point, Bremen began to be an exception to overall German memorial culture, starting with the creation of initiatives to support Namibia and its independence movement. In 1980 the Centre for African Studies at Bremen University co-founded the Namibia Project, the purpose of which was to promote education and improve the legal system in Namibia. This programme spread beyond the University, creating connections with political groups across the Bremen area. In 1989, Bremen joined the Europe-wide campaign ‘Cities against Apartheid’. At the time, movements against colonialism and apartheid were yet to gain momentum in Germany. Germany’s official policy was cooperation and even friendship with South Africa while ignoring apartheid and the illegal occupation of South West Africa and, in some sense, supporting the occupation due to lobbying by the German minority living in South West Africa. Bremen’s efforts to improve the situation in South West Africa were accompanied by initiatives for greater awareness of Germany’s colonial past. Activist individuals and organisations in Bremen wrote educational materials for schools and articles for newspapers and academic journals while also organising awareness campaigns in the city. These decolonisation efforts led to a renewed focus on the Elefant statue, the very existence of which was a symbol of Bremen’s former support of colonialism. By rededicating the Elefant, Bremen confronted a colonial legacy that the rest of Germany had been ignoring for decades. The Elefant remains one of the only anti-colonial memorials in Germany – evidence of the nation’s continued willful amnesia of its colonial crimes.

      Works Cited

      ‘Treaty of Versailles’, United States Library of Congress, June 28, 1919, Part IV Section I.

      ‘Einweihung des deutschen Kolonial-Ehrenmals’, 7 July 1932, Ausgabe Nr. 187 Drittes Blatt, Schünemann, Bremen, quoted in G. Eickelberg, ‘Die Geschichte des Bremer AntiKolonialDenkmals’, Feb. 2012.

      The Plenipotentiary of the Free Hanseatic City of Bremen for Federal Affairs, Europe and Development Co-operation, ‘Co-operation Bremen – Namibia: A Responsibility Posed by History’ (Bremen, 1999).

      ‘Als Bremen „Stadt der Kolonien” sein wollte’, WK Geschichte [Bremen], (27 May 2018).

      Bremen State Office for Development Co-operation, ‘Vom Kolonial-Ehrenmal zum Anti-Kolonial-Denk-Mal’ (Bremen, 2004).

      Bremen Parliament, Entschließung der Stadtbürgerschaft vom 19.9.1989, ‘Die Stadtbürgeschaft begrüßt die 1986 in Den Haag gestartete europäische Aktion “Städte gegen Apartheid” und schließt sich ihr an’, September 19, 1989.

      https://contestedhistories.org/uncategorized/bremens-elefant
      #Kolonialelefant

  • Ayelet Waldman: My Father and Liberal Zionism’s Downfall
    https://nymag.com/intelligencer/article/ayelet-waldman-my-father-and-liberal-zionisms-downfall.html

    On the morning of October 8, I looked up bleary-eyed from the computer on which I’d been scrolling nonstop for hours and said a version of what I have since heard so many Israelis say: “They hate us. They all want us dead. There’s no peace to be made with animals like that.” My husband stared at me in horror. He placed his hand on my shoulder, shaking me, and said, “How can you be saying this! You’re the one who taught me how to feel about Palestine!”

    I remember in his eyes an expression not merely of dismay but of betrayal. Who was this unrecognizable person with a snarl on her face and revenge in her heart? My urge was to shout at him that he didn’t understand, he couldn’t understand, but I managed to choke down my fury. It’s not that he shook me out of my incoherent, visceral rage. But he reminded me of who I’d been and, more important, who I wanted to be. Pretend, I said to myself. Pretend you are who you once were, until you are able to find yourself again.

    Though this spinning of my moral compass was dramatic and shattering, it was not an unfamiliar feeling when it comes to Israel. […]

    […]

    Like all observant parents, mine raised me in the tradition of their beliefs. I went to Zionist summer camps, visited Israel, lived for a year in high school on Kibbutz Kfar Blum in the Galilee, and did my junior year abroad at Hebrew University in Jerusalem. Afterward, I decided to make my life in Israel on Kibbutz Hazorea, not far from Haifa, where my eldest brother, Yosi, lived. I was fulfilling my father’s Zionist dream.

    As a citizen of Israel, I was obliged to serve in the military, a duty I welcomed. My father had served in the Palmach, an elite Jewish fighting force that merged with the Haganah, the Zionist paramilitary organization that eventually became the Israeli army. Yosi had been a highly decorated officer in the paratroopers, while another brother had also served. I fully intended to follow in their footsteps, but when budget cuts caused the IDF for a short period to offer draft exemptions to girls, I jumped at the opportunity. Without really understanding or interrogating why, within two months I had packed my bags and left the country. I was 22 years old.

    Over the next years and decades I disengaged from Zionism, eventually becoming an advocate for Palestinian rights and sovereignty. Along with my husband, I edited a volume of essays called Kingdom of Olives and Ash: Writers Confront the Occupation. I gave lectures about the injustices of the Nakba and of occupation, I wrote op-eds and made television appearances defending the necessity of Palestinian self-determination, I received awards as a “Defender of Palestine.”

    This advocacy gave me purpose, but in the nine months since the Hamas attack and the Israeli invasion, I have grown increasingly hopeless, buffeted by feelings of despair, shame, anger, and disgust both with myself and the country of my birth. I felt powerless in the face of the catastrophic horror Israel is raining down on the people of Gaza.

    That was how I found myself accepting an invitation from a group of American rabbis to participate in an antiwar demonstration at a border crossing between Gaza and Israel. This would be my teshuvah, my repentance, for my violent yearning for vengeance as well as an affirmation of the fundamental values I had in those moments betrayed. What I didn’t realize then was that this trip would take me back in time to dig deeper into the inherent contradiction and willful blindness of the “liberal” form of Zionism that motivated my father when he first came to, in his own words, “colonize” Palestine for the Jews in 1948 — an ideology that lost much of its political influence long ago and was, for me, shattered by October 7 and the consequent invasion of Gaza.


    […]

    Though I had never before visited, Kibbutz Kissufim has played a starring role in the narrative of my father and my family for as long as I can remember. In June 1948, when he was 23 years old, my father, a socialist and Zionist, left Montreal and made his way to Palestine to be part of the forming of a Jewish state and to join the Jewish military forces in their battle against the Arab armies. As he was an aspiring journalist, his letters home, which my siblings and I came across only after his death in 2021, are long and filled with ideological musings and elaborate descriptions.

    In the first letter, upon reaching Palestine via Marseilles, he writes that the Jews are “all slightly slap-happy at the thought of having their own country.” It is, he writes, “the freest country in the world,” adding that “the country is now Eretz Israel and that’s the way it stays.” Throughout that summer, he writes with increasing exhilaration about the settlements and farms cropping up over areas conquered by Jewish forces. He writes that the Jews are “making the country look like a garden where it once looked like a desert,” repeating the phrase used by many Jews who arrived in Palestine in the 1940s, and one I myself learned in Hebrew school 35 years later.

    […]

    In none of our conversations about the early years did my father talk about his service in the Palmach or about the war. The reason became clear to me on the first day of my trip to Israel this past March, when I asked Yosi, the eldest of the four children of my father’s first marriage, to drive south with me so I could visit Kissufim for the first time.

    […]

    On our drive south to Kissufim, Yosi announced firmly that he was neither a subject of nor a partner in my investigations. “I’m just the driver,” he said. And for the next two hours, he talked without pause. When our father told his parents that he would avoid combat in 1948, it was either a wish or a lie, Yosi told me. In fact, he was a machine gunner who would have fought in intense battles in which those Arabs he claimed ran at the sound of a loud noise tore his unit to shreds, likely killing many of the young people he had recruited and trained. “It’s about six months that there is continuous fighting and they continuously lose people,” Yosi said. “You go out at night and you don’t know if you’ll come back in the morning.” For some, those battles continued after the war, into the early 1950s. “They did crazy things. All kinds of stupid raids.” Raids on whom, I asked. “Gaza,” Yosi said.

    I sat stunned. Raiding Arab villages long after the end of the war was not part of the picture of Zionist idealism my father had painted for me. […]

    As a result of his experiences during the war, Yosi said, our father suffered for his entire life from untreated PTSD.

    […]

    Over the years, and especially after 1967 when Israel occupied the West Bank and Gaza, my father was forced to reckon with the “conflict,” the word he, like most Israelis, used to refer to the oppression of the Palestinian people . He supported “peace” and an end to occupation as part of the ethos of socialism and liberalism. My parents despised the Likud Party. They were members of Peace Now, an organization that works in opposition to the settlements and advocates for a two-state solution, and they donated to the New Israel Fund, a U.S.-based NGO that supports social justice and equality in Israel. In an interview on CBS Reports, my father denounced the military intertwinement of the U.S. and Israel and called for negotiation and peace. He celebrated the Oslo Accords and the efforts of Yitzhak Rabin toward a version, albeit a hollow one, of an independent Palestinian state, and he grieved when Rabin was murdered by a Jewish terrorist.

    But this dream of a leftist version of Zionism, the dream my father nurtured for his entire life, cannot exist without denial of the crimes and atrocities committed both during the founding of the state and after. My father’s fantasy of his war years and of the years on kibbutz is one all but devoid of Arabs. In his letters, he writes little of the Palestinians who were displaced, and only then with a casual racism that jars me, referring to them derisively as “Abdullah.” He does not acknowledge that the “rocky spot south of Haifa” where he and the members of his garin learned how to farm was Kabara, once a Palestinian village of over 117 homes. He makes no mention of the village of Al-Zraiye, 2.2 kilometers from Kissufim: 4,790 people driven from their homes in 1948.

    I don’t mean to single out my father in this. Israeli society as a whole has conspired to eradicate the memory of the more than 500 Palestinian villages depopulated and destroyed in 1948, the three-quarters of a million people expelled, despite attempts by some Jewish Israeli historians starting in the late 1980s to more accurately rewrite the narrative of the Nakba. This denial continues to this day.

    A decade ago, I went to Hebron with a group that included Israeli journalists to see Al-Shuhada Street, a once-bustling Palestinian market on which only Jews and foreigners are now allowed to tread, the Palestinian residents having been either evicted or forced to enter their homes through rear doors and windows. Al-Shuhada Street had been “sterilized” of Palestinians more than a decade previous, but an Israeli journalist who joined this group kept murmuring in wonder, “It’s not to be believed.” This grotesque violation of human and civil rights was going on an hour and 15 minutes from her home in Tel Aviv, but she, a journalist and self-described leftist, had managed to keep from knowing anything about it.

    The Jewish left in Israel has been in a downward spiral for decades. The social-democratic Labor Party dominated Israeli politics until 1977 and alternated power with Likud until the early aughts. According to Dahlia Scheindlin, an Israeli public-opinion researcher writing in Haaretz, “During the early 2000s, the portion of Jews who defined themselves as left wing dropped by half, from roughly 30 percent to about 15 percent,” and “by 2019, the left was drifting to the range of 11 to 14.” In the first few months after October 7, that number dropped to the single digits, though it has since crept back up to 12 percent.

    The reasons for the left’s withering are numerous and well documented: They include the increase in the number of “revisionist Zionists” who assert Jewish dominion from the river to the sea and the political enfranchisement of Mizrahi Jews, whose families came primarily from the Middle East and North Africa. Israelis of Mizrahi ancestry are the country’s largest ethnic bloc and vote overwhelmingly for Likud and other parties further to the right. But a hardening against the Palestinians has spread throughout Israeli society, including on the left, a hardening that is reminiscent of the callous disregard with which my father and his fellow socialist Zionists held the people whose lands they appropriated. There is a phrase that Jewish Israelis who consider themselves left or centrist have taken to using since October 7: Hitpakachti. It means “I have sobered up,” from believing that peace is possible, from believing they can live alongside Palestinians.

    Every Saturday night in Tel Aviv, thousands gather to protest against Netanyahu, a regular feature of many people’s weeks. “Let’s meet for dinner and a protest,” a friend said to me. There are a number of protests going on at the same time, each in its own designated area. In the center is the largest group, the Kaplanists (named for the square where they gather), organized around deposing Netanyahu and returning the hostages. The families of the hostages have their own areas. One group of families refrains from criticizing Netanyahu for fear of alienating him; the other is adamant that Netanyahu himself is what stands in the way of the hostages’ return. When I attended, I heard heartbreaking speeches from these family members, a mother berating Netanyahu for caring more about his political skin than her son’s life, a wife longing for her husband. People throughout the crowd held signs illustrated with the hostages’ faces. Yet in all those speeches, not once did I hear from the stage a denunciation of the war or any mention of the suffering of Palestinians in Gaza.

    I have heard myriad stories from friends about this shift on the part of people who once considered themselves progressives. One recounted a conversation with someone very close to him, “an amazingly sweet, sweet guy who has always voted left of center, one of the last in Jerusalem fighting for liberal values,” who stated unequivocally that the Israeli government should allow no food aid into Gaza. “I know what a kind, loving, intelligent, smart person he is,” my friend said, but he was legitimizing starvation as a tactic to be used against civilians to pressure Hamas. In January, Yigal Mosko, a journalist who has written extensively about military and settler abuses in the West Bank, posted a tweet justifying the destruction of Gaza framed as a letter to the people:

    Hello Gazans. You will soon return to your homes and find that they have been completely destroyed. You will clap your hands in despair and cry bitterly, “Why?” … Because of Kafir and Ariel and Shiri Bibas, because of the twin babies Guy and Roy Berdichevsky whose parents were murdered … When your heroic sons finished raping and murdering and entered Gaza with the abductees, you went out into the streets to cheer … You will now return to the same streets and will not recognize them. The buildings collapsed, the infrastructure was demolished, the roads were plowed with the tank chains. Yes, many thousands of you were also killed. What did you think would happen? … You don’t have a roof over your head to mourn them? Maybe dig a new hole, you’re good at that. You burned hundreds of millions on your terror tunnels instead of investing in a better future for your children.

    Tomer Persico, a Jewish Israeli philosopher with a long career of advocating for freedom of religion in Israel, posted a tweet, since deleted, with images of Gazans taking advantage of a rare respite in the bombing to cool off in the ocean, implying that this moment gave the lie to claims of genocide.

    Roni Aboulafia, a filmmaker and peace activist who believes a negotiated two-state solution is the only way forward, has a compassionate explanation for why even liberals and those who consider themselves humanists in Israel are not focused on the suffering of the people of Gaza. “We are all living through trauma,” she said. “Every day brings new stories of the horrors that survivors went through and are still going through. The hostage situation is a very, very painful open wound.” She added, “We are in a collective state of processing that limits our capacity to absorb Gazan pain and accept our accountability for it.”

    Very few Israeli Jews even talk about what is happening in Gaza. When I asked why, I was told again and again that the Israeli media do not cover events on the ground. The public does not see images or hear stories of dead Palestinian children or devastated communities. Al Jazeera, the only network to reliably report on the horrors ongoing in Gaza, was recently banned in Israel. Yet we live in an interconnected world; we live online. Though it’s true that our social-media and news silos can isolate us from the views and opinions of others, it is hard to imagine that anything but a concerted effort could keep a person from knowing the toll the war has taken on Palestinian civilians.

    This carefully nurtured ignorance reminds me of my father and his stories about kibbutz life in the 1940s, which never included raids across the border into Gaza, the driving out of villages full of people, the murder of civilians. It reminds me of another saying we learned in Hebrew school: “A land without a people for a people without a land.”

    This denial is not ubiquitous, however. As I wandered through the crowds at the Saturday protests, I encountered a smaller group, many of them clad in the purple of Standing Together, a Jewish and Palestinian organization that supports coexistence. I found the Gush Neged haKibush, the Anti-Occupation Bloc, banging drums and demanding peace and an end to the war. You can wander among these various groups as in a shopping-mall food court. Buy a T-shirt here, take a poster of a hostage there. Shout an anti-Netanyahu slogan here, bang a drum against the occupation there.

    […]

    For the majority of Jewish Israelis, the only grief they can feel is their own, the only dead worth mourning are their own.

    […]

    Only a country in deep denial could believe the Palestinians in Gaza would live in perpetually abject but passive misery. It is a denial so ingrained that Jewish Israelis extend it even to Palestinians who live outside the occupation in Israel proper. Yara Shahine Gharablé, a history graduate student and activist, encountered a Palestinian flag in Jerusalem during a school trip in eighth grade and only then realized that she herself was Palestinian. “I went to the internet and started reading, and at the end of the day I started crying,” she said. “I asked my mother about the Nakba; she’s like, ‘I do not want to talk about this. You’re making me nervous.’” Palestinians like herself, Shahine Gharablé says, feel that since October 7 there has been only one story they are expected and allowed to tell. Jewish friends asked why they had not heard her publicly condemn the Hamas invasion. “And I was like, and I haven’t been hearing from you since, I don’t know, 76 years,” she said. Since October 7, the divide has only grown between her and her Jewish classmates, including those she once considered allies and friends. “One community is going this way and the other is going this way, and it’s only getting escalated in a sharp way,” she said.

    […]

    By the upside-down, looking-glass logic of modern liberal Zionism, a person of conscience and principle becomes “sober” by embracing a willed oblivion, remembering only incidents of Palestinian terrorism and forgetting the generations of Palestinians who have sought redress through myriad legal and nonviolent ways. This “sobering up” is to focus on incidents of antisemitism on American college campuses, which are analyzed in excruciating detail in the Israeli and U.S. media. It is to embrace the balm of victimhood, to wrap ourselves in the mantle of an age-old hatred that led to the murder of 6 million — victimhood that has now been transferred to October 7, which is referred to again and again, including by Netanyahu and President Biden, as the worst tragedy the Jews have experienced since the Holocaust, in order to expiate the shame of the war in Gaza.

    To “sober up” is to forget the 750,000 Palestinians expelled and the 500 villages destroyed in 1948 and the massacres and abuses since. It is to mourn the 1,139 murdered in the horrific massacre by Hamas on October 7, the 240 taken hostage, 70 of whom are believed to still be alive, while ignoring the tens of thousands killed in Gaza, among them aid workers and physicians, the elderly and women, and children dismembered and burned alive.

    […]

    While the dwindling of the Israeli left is a tragedy, the reality is that in some way there never was an Israeli left to begin with. People like my father defined themselves as socialists devoted to the eradication of class distinction; democratic control over political, economic, and industrial institutions; and, as he wrote, “the interests of the commune” over their own self-interest. But their commune, their classless society, was composed exclusively of Jews. It was as if it had never occurred to him or them that the Palestinians who lived on the land they viewed as the Jewish homeland were also people who had a fundamental right to be part of it.

    But even if liberal Zionism is rotten to its core, there are still millions of Palestinians and Jews between the river and the sea, and none of them are going anywhere. And so the remnant of the Israeli left protests. They give testimonies to Breaking the Silence, they get arrested while demonstrating, they act as a buffer between the trucks carrying food to Gaza and the violent religious Jewish extremists trying to destroy that food. Jews and Palestinians create common cause in organizations like Standing Together and A Land for All. And I carry a bag of rice to a checkpoint a mile from the Gaza border knowing full well it will never reach its destination.

    #déni #sionisme

  • How Israel twists antisemitism claims to project its own crimes onto Palestinians
    https://www.972mag.com/ihra-antisemitism-israel-inversion-projection

    Crucially, the #IHRA definition manifests the inversion and projection mechanism by which Israel and its supporters deny Israel’s crimes and attribute them to the Palestinians. One of the definition’s examples states, for instance, that “Denying the Jewish people their right to self-determination” is antisemitic. Yet Israel’s official policy of settlement, occupation, and annexation for the last several decades has denied the Palestinian people their own right to self-determination.

    This policy has been intensified under Benjamin Netanyahu, who, in January 2024, publicly vowed to resist any attempt to establish a Palestinian state. The governing coalition’s fundamental guiding principles further declare, echoing the 2018 Jewish Nation-State Law, that “The Jewish people have an exclusive and inalienable right over all areas of the Land of Israel.” As Israel actively thwarts Palestinian self-determination, the IHRA definition inverts and projects this onto the Palestinians themselves, calling it antisemitism.

    According to the IHRA definition, “Drawing comparisons of contemporary Israeli policy to that of the #Nazis” is another example of antisemitism. Here, too, the pattern of #inversion and #projection is evident, as Israel and its supporters continuously link Arabs and especially Palestinians to the Nazis.

    […]

    Thus, what Israel and its supporters accuse Palestinians of inciting, Israeli officials and public figures are explicitly and openly declaring, and the Israeli army is prosecuting. And while Palestinians and their supporters chant for liberation “from the river to the sea,” Israel is enforcing Jewish supremacy “from the river to the sea” in the form of occupation, annexation, and apartheid. 

    We therefore suggest interpreting this inversion and projection not only as a classic case of hypocritical double standards against the Palestinians, but also — as is often the case with processes of projection — a defense mechanism of denial. Israel and its supporters cannot confront the state’s oppressive #apartheid structure, its delegitimization of the Palestinians, or its genocidal rhetoric and crimes, so they twist these allegations and thrust them onto the Palestinians.

    The so-called “fight against antisemitism” that Israel and its supporters are waging, grounded in the IHRA definition of antisemitism, should therefore be seen as yet another means used by a powerful state to deny its criminal acts and mass atrocities. The U.S. government must reject it outright.

    #antisémitisme #déni #génocide

  • Entretien Elucid avec Sylvain Cypel (Cypel toujours passionnant)
    https://www.youtube.com/watch?v=Z1ARYWeO1Wc

    Sylvain CYPEL est journaliste, ancien directeur de la rédaction de Courrier international. Il a couvert la seconde Intifada en 2001-2003 et a également été correspondant du Monde aux États-Unis de 2007 à 2013. Il est l’auteur de « L’État d’Israël contre les Juifs » (La Découverte, 2024). Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Élucid, Sylvain Cypel nous aide à cerner la mentalité profonde d’Israël, qui a évolué jusqu’à devenir un état d’apartheid, ouvertement raciste, et responsable de crimes contre l’humanité. Il démontre comment l’endoctrinement a déformé leur vision du réel, comment l’histoire est détournée, abîmée et oubliée. La terrible riposte d’Israël conduit de plus en plus à mettre en danger les juifs, et une grande partie d’entre eux ne se retrouvent pas cette politique, qui très injustement, risque de se retourner contre eux.

    • Ttttt mentir du temps des réseaux sociaux c’est pas très futé ! On attrape plus vite un menteur qu’un boiteux !

  • HalalFlow sur X :
    https://twitter.com/halalflow/status/1775250915756212668

    John Kirby when pressed on Biden saying it’s policy of the Admin to prevent arms transfers that risked humanitarian law violations: “Is killing people delivering food not a violation?”

    “No evidence this was deliberate. The State Dept. hasn’t found any incident of Israel violating humanitarian law”

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1775250541666357248/pu/vid/avc1/1280x718/Iw82LRh8qUTENNFf.mp4?tag=12

    #déni_génocidaire
    #états-unis

  • Prise en charge des affections longue durée : ce qui se passe depuis Sarkozy est gravissime – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/sante/prise-en-charge-des-affections-longue-duree-ce-qui-se-passe-depuis-sarkoz
    https://www.liberation.fr/resizer/4fQQZ9rz3r0YowjSgNoBgjb3AD0=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(2371x1106:2381x1116)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/IZ7SLVPTYNA2XKRFYHLV6N4EKM.jpg

    « La protection sociale est plus un coût dans la compétitivité internationale qu’un avantage », expliquait l’économiste Eric Le Boucher dans le Figaro en 2006, alors que Nicolas Sarkozy entamait sa longue marche vers la présidentielle, avec son slogan fétiche « Travailler plus pour gagner plus », et parmi les mesures phares de son projet néolibéral la mise en place de franchises sur les soins, au nom de la responsabilisation… des cancéreux, des accidentés du travail, des diabétiques et des insuffisants rénaux. « Y a-t-il une assurance sans franchise ? » demandait-il, goguenard, devant un public conquis. Dix-huit ans plus tard, le travail de sape a bien avancé. Les franchises sur les soins ont été adoptées en 2007, malgré une forte mobilisation et la grève des soins entamée par Bruno-Pascal Chevalier, militant du sida aujourd’hui décédé. Le périmètre des affections de longue durée (ALD) bénéficiant d’une prise en charge à 100 % a été redéfini, à la baisse, avec la sortie de l’hypertension artérielle (HTA) sévère, ce qui a touché des millions de personnes, au motif que la HTA n’était pas une maladie, mais un facteur de risque. Qu’importe la cohérence financière, car évidemment traiter les maladies chroniques dès le départ pour éviter leur aggravation abaisse le coût final pour la collectivité. Qu’importe l’écart d’espérance de

  • Santé mentale des jeunes filles : il y a urgence | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130224/sante-mentale-des-jeunes-filles-il-y-urgence

    La hausse affolante des tentatives de suicide des jeunes filles, dès l’âge de 10 ans, ne peut plus s’expliquer par la crise du Covid. Face à l’urgence, les annonces de Gabriel Attal, comme l’offre de soin, sont très insuffisantes, estiment les psychiatres.
    [...]
    Les derniers chiffres de la Direction des études, de l’évaluation, des statistiques et la recherche du ministère de la santé (Drees) sont affolants : en 2022, 75 803 personnes de 10 ans ou plus ont été hospitalisées pour un geste auto-infligé, soit des scarifications ou des tentatives de suicide. Si le niveau est comparable à celui d’avant la crise sanitaire, détaille la Drees, de « brutales augmentations sont observées chez les filles et les jeunes femmes » entre 2021 et 2022 : + 63 % chez les filles de 10 à 14 ans ; + 42 % parmi les adolescentes de 15 à 19 ans ; + 32 % de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans.
    [...]
    Les rapports s’empilent, comme celui de la Cour des comptes en 2023 qui estime que « 13 % environ des enfants et adolescents présentent au moins un trouble psychique ». Pour les prendre en charge, il ne reste plus que 597 pédopsychiatres, dont la moyenne d’âge est de 65 ans. Leur nombre est en chute libre, en baisse de 34 % entre 2010 et 2022.
    [...]
    Le Dr Blanchard explique ainsi la hausse si forte du passage à l’acte suicidaire chez les jeunes filles : « Des études montrent qu’il y a une corrélation entre les gestes auto-infligés et la fréquentation des réseaux sociaux. Ils créent un cadre très normatif de la féminité, encouragent les comparaisons permanentes, abîment l’identité et l’estime de soi. Les adolescentes que je vois en consultation portent un regard sur elles impitoyable, elles sont dans un processus d’autodénigrement insupportable. L’exigence de la performance scolaire pèse aussi : je vois des refus scolaires anxieux par des ados rongées par l’angoisse. Elles ne dorment plus, se lèvent à 4 heures du matin pour réviser, elles se consument littéralement. »

    Mais le psychiatre se dit plus inquiet encore pour les garçons : « Ils s’isolent, en s’enfermant dans les jeux en ligne. Ils vivent la nuit, consomment beaucoup de stupéfiants. Ils sont dans un déni, c’est difficile de mettre en place avec eux un projet de soins. » Chez les filles, les passages à l’acte, souvent « très visibles », sont au contraire un appel à l’aide qui permet une entrée plus aisée dans les soins.
    Selon la professeure Ouss, les enfants et les adolescents passent d’autant plus à l’acte qu’ils vivent dans « un contexte économique et social très précaire. Les situations sont de plus en plus inextricables. La jeunesse est très déboussolée, l’ensemble de la société et l’ensemble des institutions, l’Éducation nationale, l’hôpital sont fragilisés ». Elle assure voir aussi « des éléments optimistes et réjouissants, des jeunes qui inventent des modes de vie alternatifs ».
    [...]
    Autre fait inquiétant : la consommation de psychotropes ne cesse d’augmenter. Dans un livre qui vient de paraître, Le Silence des symptômes – Enquête sur la santé et le soin des enfants (Champ social Éditions), trois membres du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge documentent l’augmentation de la consommation de médicaments psychotropes par les enfants et les adolescent·es entre 2014 et 2021 : + 48,54 % pour les antipsychotiques, + 62,58 % pour les antidépresseurs, + 78,07 % pour les psychostimulants, + 155,48 % pour les hypnotiques et sédatifs, etc.
    [...]

    https://jpst.it/3Awh_

  • Aurore Bergé dénonce les propos « inacceptables » de Gérard Depardieu mais réfute tout soutien d’Emmanuel Macron
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/14/aurore-berge-denonce-les-propos-inacceptables-de-gerard-depardieu-mais-refut

    La ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes affirme ne pas avoir entendu « un quelconque soutien » de la part Emmanuel Macron envers l’acteur.

    ça ose tout

    edit ah ben non, c’est qu’elle a "pas entendu"
    et oh surprise !

    Roussel, a pour sa part estimé que « le président de la République a commis une faute grave » en affichant son soutien à Gérard Depardieu. « Il a voulu faire diversion au lendemain du vote sur [la loi relative à] l’immigration », a-t-il affirmé.

    #déni

  • « L’algorithme de la #CAF conduit à un surcontrôle des populations les plus précaires » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lalgorithme-de-caf-conduit-a-un-surcontrole-populations-plus-pr/00109069

    Fin novembre et début décembre, l’association La Quadrature du Net et le journal Le Monde ont chacun fait paraître une enquête sur l’utilisation du data mining (l’exploration de données) par les caisses d’allocations familiales (CAF), pour détecter les indus et les fraudes. Les deux enquêtes montrent que ce système, qui permet de scanner des milliers de données de 32 millions de personnes (les allocataires et leurs proches) et sur la base duquel sont déclenchés les contrôles, cible les plus pauvres, notamment les mères isolées.

    L’algorithme utilisé attribue un score de risque aux allocataires allant de 0 à 1. Plus on est proche de 1, plus on est exposé à la probabilité d’un contrôle. Parmi les critères pénalisants, le fait d’avoir changé de loyer plus de quatre fois en un an et demi, d’avoir un enfant à charge de 19 ans ou plus, ou encore de déclarer chaque trimestre ses ressources pour percevoir l’allocation adulte handicapé (AAH).

    • on sait _qui_ à pondu ledit algorithme, sur ordre de qui, et selon les specification de qui ? ou c’est secret défense ? (voire, secret défonce)

    • #Notation des allocataires : fébrile, la CAF s’enferme dans l’#opacité

      Alors que la contestation monte (voir ici, ici, ici ou ici) concernant son algorithme de notation des allocataires à des fins de #contrôle_social, la CAF choisit de se réfugier dans l’opacité tout en adaptant, maladroitement, sa politique de communication. Suite à son refus de communiquer le code source de son algorithme, nous avons saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

      Comme nous l’expliquions ici, la CAF utilise depuis 2012 un algorithme de #profilage attribuant à chaque allocataire une note ou « #score_de_risque ». Construite à partir des centaines de données dont la CAF dispose sur chaque allocataire, cette note est ensuite utilisée pour sélectionner celles et ceux qui seront contrôlé·es.

      Cet algorithme symbolise l’étendue des #dérives de l’utilisation des outils numériques au service de politiques de contrôle social portées par des logiques policières de suspicion généralisée, de #tri et d’#évaluation continue de chacun de nos faits et gestes.

      Ici, comme c’est généralement le cas par ailleurs, ce tri cible les plus précaires. Les rares informations disponibles à ce sujet laissent apparaître que parmi les critères dégradant la note d’un·e allocataire, et augmentant ses chances d’être contrôlé·e, on trouve pêle-mêle : le fait de disposer de faibles revenus, d’habiter dans un quartier défavorisé, d’être une mère célibataire ou encore d’être né·e hors de France.

      Pour en avoir le coeur net, nous avons donc demandé à la CAF de nous communiquer le #code source de son algorithme1. Et sa réponse est affligeante2.

      Sortir de la précarité pour “tromper l’algorithme”

      Si la CAF a bien accepté de nous communiquer le code de l’algorithme… ce n’est qu’après avoir masqué la quasi-totalité des noms des variables comme on peut le voir sur l’illustration de cet article, qui est une photo de ce que la CAF nous a répondu.

      En d’autres termes, le fichier fourni nous permet simplement d’apprendre combien de #critères sont utilisés pour le calcul de la note des allocataires. Rien de plus. Ce qui n’empêche pas la CAF de préciser dans son courrier qu’elle espère que sa communication nous « permettra de comprendre le modèle »3.

      Les responsables de la CAF ont toutefois tenu à justifier le caviardage du fichier. Ces dernier·es précisent que le #code_source a été « expurgé des mentions qui, si elles étaient communiquées, pourraient donner des indications aux fraudeurs pour tromper l’algorithme »4. Et pour être tout à fait honnête, nous n’étions pas préparé·es à cette réponse.

      La CAF croit-elle vraiment que les critères liés à la #précarité (situation professionnelle instable, faibles revenus, logement situé dans un quartier défavorisé…) pourraient être modifiés par la seule volonté de l’allocataire ? Qu’afin d’augmenter leur note et de « flouer » l’algorithme, des millions d’allocataires pourraient décider, d’un coup, de sortir de la pauvreté ?

      Ce raisonnement frise l’#absurdité. A vrai dire, il est méprisant et insultant pour celles et ceux vivant des situations difficiles.

      Pire, le secrétaire général de la CAF entretient publiquement la confusion entre #fraudes et #erreurs de déclarations involontaires, prenant ainsi le risque de stigmatiser les personnes ciblées par l’algorithme, et ce, dans le seul but de justifier l’opacité de son institution.

      En réponse à un journaliste de Radio France5 l’interrogeant sur la réponse de la CAF à notre demande, il l’expliquait en disant qu’« il y a un certain nombre de données dont on pense que, si elles sont connues, peuvent nourrir des stratégies de contournement de personnes dont le but c’est de frauder le système ». Et d’ajouter : « Il faut que l’on ait un coup d’avance ».

      Faut-il donc lui rappeler que l’algorithme de la CAF n’est pas entraîné à détecter les fraudes mais les erreurs de déclaration, par définition involontaires6. Et que sa réponse pourrait donc être reformulée ainsi : « Nous ne communiquerons pas le code de l’algorithme de peur que les allocataires arrêtent de faire des erreurs ».

      De notre point de vue, cette réponse révèle l’ampleur de l’embarras des responsables de la CAF vis-à-vis de leur algorithme. Ils et elles ont peut-être en tête le scandale entourant un algorithme, en tout point similaire, de notation des allocataires ayant été utilisé aux Pays-Bas et dont les suites ont amené à la démission du gouvernement7 ?

      #Déni_de_justice

      Pire, cette opacité est aussi appliquée, à l’échelle individuelle, aux allocataires ayant été séléctionné·es par l’algorithme pour être controlé·es et qui chercheraient à obtenir des informations sur la raison de ce contrôle. Et ce, alors même que la loi prévoit que tout individu ayant fait l’objet d’une décision prise sur le fondement d’un traitement algorithmique (ici le fait d’être contrôlé) a le droit de connaître les données utilisées ainsi que les #paramètres de cet algorithme8. Ce qui signifie que les personnes ayant fait l’objet d’un contrôle9 sont censées avoir un droit d’accès plus étendu qu’une association comme la Quadrature.

      Nous avons pu consulter la réponse à la demande d’informations réalisée par une personne ayant été contrôlée sur la base de sa note. Le courrier, signé par le délégué à la protection des données de la CNAF, se contente de renvoyer l’allocataire à la page “Internet et Libertés” de la CAF.

      Sur cette page sont présents deux documents relatifs à l’algorithme de notation : un communiqué de la CAF et l’avis de la CNIL associé10. Aucun ne fournit d’informations sur les paramètres utilisés par l’algorithme, ni sur leur impact sur le score de risque.

      Cette réponse est un déni de justice pour celles et ceux ayant fait l’objet d’un contrôle déclenché algorithmiquement, l’opacité entretenue par la CAF les empếchant de contester juridiquement le bien-fondé du contrôle dont ielles ont fait l’objet.
      La discrimination : un savoir-faire à protéger

      Nous avions aussi demandé la liste des variables utilisées pour l’entraînement du modèle, c’est à dire sa phase de création. Cette question est importante car elle permet de comprendre l’étendue des données utilisées par l’algorithme. Et donc le degré d’intrusion dans la vie privée des allocataires que la construction d’un tel modèle nécessite.

      En effet, en mettant régulièrement en avant dans sa communication que son algorithme n’utilise « que » quelques dizaines de variables11, la CAF fait mine d’ignorer qu’elles sont le fruit d’une sélection qui nécessite l’analyse d’un nombre bien plus grand de variables au préalable12.

      Et la justification apportée par les responsables de la CAF est, là aussi, déconcertante. Ces dernier·es avancent que la communication de ces variables n’est pas possible car elles constituent un « savoir-faire »13. La CAF souhaiterait-elle monétiser son algorithme et le revendre à d’autres administrations ? Penserait-elle pouvoir équiper les équipes de contrôleurs.ses des institutions sociales du monde entier de son algorithme assimilant les plus précaires à de potentiel·le·s fraudeurs ou fraudeuses ?

      A défaut de réponse, nous nous en remettons à ce que, techniquement, tout·e data-scientist ferait pour entraîner un modèle le plus « précis » possible. Il suffirait de partir de l’intégralité des variables à sa disposition et, par itérations successives, décider lesquelles garder pour le modèle final. Dans cette hypothèse, ce serait alors la quasi-totalité des variables détenues par la CAF sur chaque allocataire qui serait utilisée pour l’entraînement de son modèle.

      Ceci serait cohérent avec un document publié en 2013 dans lequel un statisticien de la CAF que « les statisticiens chargés de la modélisation disposaient d’environ un millier d’informations par allocataire contrôlé » et que « la base d’apprentissage contient toutes les données habituelles des fichiers statistiques »14.
      Vingt ans de développement… et aucun compte-rendu de réunions

      Quant à notre demande relative aux documents internes (notes, comptes-rendus, échanges…) concernant le développement de l’algorithme, la CAF nous a tout simplement répondu qu’en presque 20 ans de travail aucune réunion technique n’a fait l’objet de compte-rendu…15

      Pour être tout à fait honnête, c’est une première dans l’histoire de nos demandes CADA.
      Le retour de l’alibi technique

      A ceci s’ajoute, depuis le début de l’année, la mise en place de ce qui apparaît comme une véritable communication de crise par l’institution autour de son algorithme. En juin 2022, la CAF a notamment publié un communiqué intitulé « Contrôle et datamining » dans lequel elle tente de répondre aux critiques soulevées par son algorithme16.

      A sa lecture, on prend toute la mesure du rôle d’alibi technique à une politique de contrôle discriminatoire que joue l’algorithme, ce que nous dénoncions déjà ici.

      L’algorithme y est décrit comme étant un objet purement scientifique dont le caractère politique est nié. Il est ainsi expliqué que la note des allocataires est le fruit d’une « démarche scientifique d’étude statistique […] menée par des experts » se fondant sur des critères « scientifiquement pondérés » ayant été sélectionnés « sur seuls critères statistiques ». Le secrétaire général de la CAF ajoute17 de son côté que cet outil serait un « miroir des situations statistiques » servant à identifier des « environnements de risques ».

      Ce faisant, les responsables de la CAF cherchent à nier leur responsabilité (politique) dans la conduite, et la validation, d’une politique de contrôle discriminatoire. Nul part n’apparaît que que si les erreurs se concentrent sur les plus précaires, c’est tout simplement parce qu’au fil des ans se sont multipliées les règles et contraintes encadrant l’accès aux minima sociaux, et ce, dans le seul but de restreindre leur accessibilité18.

      On mesure enfin l’impact des logiques gestionnaires appliquées aux institutions sociales. Logiques réduisant des millions de vies et d’histoires, à de simples notions statistiques, déshumanisantes, froides et vides de sens.
      Communication mensongère

      La deuxième partie du document est consacrée à un « Vrai/Faux » portant sur l’algorithme où transpire la malhonnêteté intellectuelle.

      A l’affirmation « Les scores de risques les plus élevés concernent toujours les plus pauvres », la CAF répond Faux car « les scores de risques sont calculés pour tous les allocataires ». Ce qui n’a tout simplement aucun sens…

      A la question « Les contrôleurs sont payés aux résultats », la CAF répond que ce serait faux, bien qu’elle admette que l’Etat lui fixe bien un objectif à atteindre en termes de détection de fraude. Ici encore, l’institution joue avec les mots. S’il est vrai que les contrôleurs.ses n’ont pas de « prime sur leurs résultats », ils et elles touchent un intéressement, tout comme l’ensemble du personnel de la CAF, dont le montant dépend bien de l’atteinte de ces objectifs de contrôle19.

      A la question « Plus de 1000 données concernant les allocataires sont utilisées dans le modèle de datamining des CAF », la CAF répond que seules une quarantaine seraient utilisées. Elle détourne ainsi la question puisque – comme expliqué ci-dessus – elle omet de dire que ces quarante variables sont sélectionnées après une phase d’entraînement du modèle qui nécessite l’utilisation, et le traitement, de plus de mille variables par allocataire20.

      Enfin, aux questions « Les contrôleurs de la Caf ont accès à toutes les infos qu’ils souhaitent à l’insu des allocataires », et « Les allocations sont suspendues pendant le contrôle », la CAF répond que non car « aucune demande n’est faite à d’autres administrations, sans en avoir averti auparavant l’allocataire, aucune procédure vis-à-vis d’un tiers n’est engagée à l’insu de celui-ci. » Et ajoute que, lors d’un contrôle, « les allocations ne sont pas suspendues ».

      Sur ces deux derniers points, nous vous invitons à lire les témoignages collectés par le Défenseur des Droits, les collectifs « Stop Contrôles », « Changer de Cap » et différentes associations de lutte contre la précarité21 qui alertent depuis des années sur les suspensions abusives d’allocations pendant les contrôles et les pratiques invasives (consultation des comptes bancaires, relevés d’électricité, analyse de l’adresse IP etc…) des contrôleurs·ses de la CAF à l’insu des allocataires.
      Fraude à enjeux et lutte contre le non-recours : des contre-feux médiatiques

      A ceci s’ajoute diverses annonces de la CAF participant à nourrir une stratégie de diversion médiatique autour de son algorithme de notation.

      Dans son dernier rapport annuel sur la « lutte contre la fraude », nulle référence n’est faite à l’algorithme alors que celui-ci était mis à l’honneur, en première page, l’année précédente. La CAF précisant au passage qu’il était loué par la Cour des Comptes et l’Assemblée Nationale.

      A sa place, la CAF a préféré cette année mettre en avant son équipe de contrôleur.ses dédiée à la « lutte contre la fraude à enjeux »22, c’est à dire des fraudes organisées (usurpation d’identités, faux documents, fraude au RIB) à grande échelle. Soit 30 agentes et agents qui d’après les dires de la CAF sont, ni plus ni moins, chargé·es de « protéger le système de sécurité sociale français des risques de pillage » et qui font rentrer la CAF dans « une nouvelle dimension de la lutte contre la fraude »23.

      A titre de comparaison, nous tenons à rappeler que ce sont pas moins de 700 contrôleuses et contrôleurs qui, guidé·es par son algorithme discriminatoire, sont chargé·es de traquer les moindre erreurs de déclaration faites par les plus précaires.

      Deuxième angle d’attaque : la mise en avant de l’utilisation d’algorithmes de profilage à des fins de lutte contre le non-recours24. Comme si l’application des techniques de profilage à des fins « positives » pouvait justifier leur application à des fins répressives. Sur ce sujet, la CAF omet pourtant de dire le plus important : depuis maintenant plus de 10 ans, elle a systématiquement favorisé l’application de ces techniques à des fins de contrôle plutôt que de lutte contre le non-recours.

      Ses équipes de « data-scientist » regrettaient dès 2013 que les techniques de profilage des allocataires soient uniquement utilisées à des fins de contrôle et non de lutte contre le non recours25. Cette réalité est rappelée dans un rapport de l’Assemblée Nationale daté de 2016 qui précise que « l’extension explicite de l’usage du data mining à d’autres fins, notamment celle de lutte contre le non-recours, était envisageable dès l’origine, mais cette possibilité a été écartée, au moins dans les premières années d’utilisation de cet outil »26. Il aura fallu attendre 2017 pour que la CAF commence à mener des expérimentations, et il semblerait qu’aujourd’hui le profilage contre le non-recours est limité à la prime d’activité et l’allocation de soutien familial27.

      Le sociologue Vincent Dubois ajoute que cette situation « interroge sur la réalité des slogans institutionnels “tous les droits rien que les droits” qui en fait est beaucoup plus tournée vers l’identification des indus, frauduleux ou non, que vers les cas de non-recours qui sont en fait beaucoup plus nombreux »28.

      En tout état de cause, l’histoire politique de l’utilisation par la CAF des techniques de profilage à des fins de lutte contre le non-recours ne semble pas très glorieuse.

      Ce dernier point interroge aussi sur le fantasme entretenu autour de l’automatisation de l’état social pour répondre aux problèmes sociaux. A l’heure où le gouvernement lance l’expérimentation d’un « RSA sous conditions », la mise en avant de solutions techniques pour lutter contre le non-recours dépolitise la question de l’accès aux droits. Tout en taisant les problèmes que génèrent, pour des millions de personnes, la dématérialisation des services publics.

      Enfin, la CAF a annoncé en grande pompe la nomination d’une médiatrice nationale chargée, entre autres, des questions de données personnelles à la CNAF29 en juin 2022. Parmi ses missions : « la protection des données et de la sécurité des usagers dans le cadre des systèmes d’information. » Et le communiqué accompagnant sa nomination ajoute qu’elle « sera également la référente nationale déontologie ». Nous serions plus que ravi·es d’entendre son avis sur l’algorithme de notation de la CAF.
      Lutter au-delà de la transparence

      La transparence que nous exigeons auprès de la CAF ne doit pas masquer le fond du problème. En un sens, ce que nous savons déjà de l’algorithme de cette institution, sans même avoir eu accès à son code, nous suffit à nous y opposer.

      La transparence n’est donc pas une fin en soi : c’est un moyen que nous souhaitons mobiliser pour mettre en lumière, et critiquer, un discours politique cherchant à légitimer la volonté de contrôle d’un appareil étatique via l’entretien d’un discours de suspicion généralisée et la stigmatisation de certaines catégories de la population.

      Volonté de contrôle qui, hélas, profite aujourd’hui de la puissance des outils numériques et de l’exploitation de nos données personnelles afin de toujours plus nous évaluer et, ainsi, nous trier.

      A l’heure où un nombre toujours plus grand d’institutions, sociales et policières, mettent en place de telles solutions de surveillance algorithmique, nous continuerons de les documenter et de faire ce que nous pouvons, à notre niveau, pour les contrer.

      Au côté des collectifs Stop Contrôles, Changer de Cap et de toutes les associations et collectifs de lutte contre la précarité qui font face, depuis des années, aux dérives du tout numérique et au développement sans limite des politiques de contrôle social, nous espérons que vous serez nombreux.ses à nous rejoindre.

      Enfin, nous ne doutons pas que ce sentiment d’injustice est partagé par la plupart des employé·es de la CAF. C’est pourquoi nous tenons à encourager celles et ceux qui, révolté·es par ces pratiques, pourraient nous aider à les documenter. Vous pouvez nous contacter par mail, téléphone, en venant nous rendre visite ou déposer de manière anonyme des documents sur notre SecureDrop. A l’heure où les responsables de la CAF font le choix de l’opacité, nous avons plus que jamais besoin de vous.

      https://www.laquadrature.net/2022/12/23/notation-des-allocataires-febrile-la-caf-senferme-dans-lopacite
      déjà sur seenthis (via @colporteur) :
      https://seenthis.net/messages/984668

      #algorithme #discrimination #mères_isolées #risque

    • C’est la réponse qui a toujours été faite aux syndicats qui réclament depuis des années les barèmes et algo pour pouvoir contester dans le cadre des TRÈS nombreuses erreurs de calcul.

      « gna gna gna, vous allez tricher ! ».

      Marrant comme on accuse toujours l’autre de ses propres turpitudes.

      Oui, des fois, les gens pourraient refuser une miette de boulot de merde qui va faire sauter tous leurs droits de manière disproportionnée et les foutre encore plus dans la merde. Oui, des fois, les gens pourraient s’organiser pour ne pas se retrouver dans une trappe à contrôle ou une situation encore plus dégradée.

      Oui, t’imagine ? Les gens pourraient juste faire valoir leurs droits si souvent déniés sans même avoir à avancer un début de justification.

      Et ils pourraient se rendre compte que ce n’est pas l’algo, mais bien un agent malintentionné qui a niqué leur dossier.

    • y aurait pas moyen de « retourner » (comme une chaussette) leur truc de la caf ? Genre, une expérience de science participative :-) on pourrait : 1./ demander que le "score" soit communiqué à chaque administré (e.g. via CNIL), 2./ collecter score et infos perso sur la base du volontariat, éventuellement en anonymisant les données, et 3./ faire un modèle « externe » avec ces données, le publier, et enfin 4./ s’en servir pour identifier les cas de non-recours (et au moins les compter)