Aux Pays-Bas, le dirigeant populiste Wilders reçoit l’appui inattendu d’un rapport suggérant de limiter l’immigration
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Aux Pays-Bas, le dirigeant populiste Wilders reçoit l’appui inattendu d’un rapport suggérant de limiter l’immigration
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)
Les Pays-Bas « débordent » : sur le réseau social X, le populiste néerlandais Geert Wilders a repris et adapté, lundi 15 janvier, le slogan de son prédécesseur Pim Fortuyn, qui, en 2002, avait lancé : « Les Pays-Bas sont pleins », et inauguré ainsi un débat qui perdure sur l’immigration et l’identité nationale. Un thème qui a d’ailleurs été au cœur des élections législatives du 22 novembre 2023, marquées par la victoire du dirigeant d’extrême droite et de son Parti pour la liberté (PVV), arrivé en tête avec 37 sièges sur les 150 de la Deuxième Chambre.
Alors qu’il tente de former une coalition avec trois autres partis, M. Wilders a reçu, lundi 15 janvier, l’aide inattendue d’une instance indépendante, mandatée en 2022 par les députés pour étudier la situation démographique du royaume. La commission d’Etat pour les développements démographiques 2050 a rendu un rapport prônant « une augmentation limitée de la population » afin de préserver le bien-être du pays. Elle suggère essentiellement une forte limitation de l’immigration, avec notamment davantage de sélectivité pour la main-d’œuvre étrangère et un frein au regroupement familial. Le nombre des naissances ne joue pas dans l’accroissement de la population du pays : le taux de natalité était de 1,49 en 2022 (1,55 pour les mères d’origine étrangère).
Le rapport estime aussi que les autorités devraient obtenir une dérogation aux règles européennes sur l’asile et la libre circulation des personnes, a fortiori si l’Union devait s’ouvrir à de nouveaux pays, comme l’Ukraine. Les Pays-Bas ont, depuis 2015, accueilli annuellement quelque 100 000 migrants avec, en 2022, un pic à 150 000 (outre 113 000 Ukrainiens). Si cette évolution devait se poursuivre, le pays, peuplé actuellement de 17,9 millions de personnes, pourrait en compter jusqu’à quelque 23 millions en 2050, prédit la commission, dirigée par Richard van Zwol, un membre du Conseil d’Etat.
Dans ce scénario, le plus extrême des cinq retenus, 45 % de la population serait alors d’origine étrangère, contre 26 % si l’immigration était plus contrôlée. La commission suggère, en tout état de cause, une limitation à 40 000, ou 60 000 au maximum, du nombre d’étrangers admis chaque année. Selon les experts, le royaume ne devrait pas totaliser plus de 19 ou 20 millions d’habitants s’il veut s’épargner « pénurie, nuisances et exaspération ». Un nombre trop élevé de résidents entraînerait par ailleurs un accroissement des inégalités et des tensions, nuirait à la nécessaire confiance dans l’Etat et mettrait en danger le système de sécurité sociale, affirme le rapport. Il met aussi en exergue l’exiguïté du pays, qui est le plus densément peuplé d’Europe après Malte, avec 529 habitants par kilomètre carré. Les Pays-Bas connaissent, par ailleurs, un problème criant de manque de logements : il faudrait en construire 100 000 par an au cours de la prochaine décennie, et un afflux supplémentaire de population rendrait la situation plus critique encore.
La limitation du nombre d’étrangers recueillerait, selon les auteurs de l’étude, l’approbation de 87 % des Néerlandais. Une aubaine pour Geert Wilders, qui espère toujours former une coalition avec le Mouvement agriculteur-citoyen de Caroline van der Plas, le Nouveau Contrat social de Pieter Omtzigt et le Parti populaire pour la liberté et la démocratie de Dilan Yesilgöz, la ministre démissionnaire de la justice. Les quatre dirigeants, retirés dans un domaine proche d’Hilversum, dans la province de Hollande septentrionale, poursuivent des débats difficiles, même si le chef du PVV a gelé ses propositions les plus extrêmes, comme l’interdiction du Coran, la fermeture des mosquées ou la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne. Il a aussi accepté de soumettre le reste de son programme à un examen portant sur la légalité de celui-ci. Et la rumeur indique qu’il serait même prêt à confier le poste de chef du gouvernement à une autre personnalité.
Rien n’est toutefois réglé. Sur l’immigration, par exemple, M. Omtzigt évoque un quota annuel de 50 000 personnes, tandis que le parti agrarien en tolérerait 15 000 au maximum. Mardi 16 janvier, M. Wilders a par ailleurs déclaré : « Nous avons un problème », dans une allusion à un vote intervenu la veille au Sénat. Les élus libéraux de la Première Chambre ont, contre l’avis de la direction de leur parti, approuvé un projet de répartition obligatoire des demandeurs d’asile dans toutes les communes du royaume. Un texte fermement combattu par les populistes et condamné par Mme Yesilgöz.
L’épisode démontre que celle-ci, qui a succédé à Mark Rutte à la tête de la formation libérale, ne contrôle pas ses élus, par ailleurs divisés quant à une participation gouvernementale avec le PVV. Mme Yesilgöz entretient dès lors le flou : acceptera-t-elle un accord gouvernemental, fera-t-elle capoter les discussions, ou apportera-t-elle un soutien à la carte à une éventuelle coalition à trois ?
La relance spectaculaire de la thématique migratoire inquiète, en tout cas, les milieux économiques, qui évoquent depuis des années un manque criant de main-d’œuvre, impossible à régler, selon les patrons, sans le recours à des travailleurs étrangers. La commission sur la démographie prône, pour l’avenir, l’acceptation d’étrangers disposant d’un niveau de formation élevé, mais ce sont les secteurs de la logistique, de la distribution ou du transport qui recherchent des collaborateurs, en général faiblement qualifiés. L’éducation et la santé recherchent toutefois également de nombreux travailleurs migrants.
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