• On entend beaucoup les winners de la désertion, dit-elle, mais pas celles et ceux qui n’arrivent pas à abandonner un peu de sécurité matérielle ; qui se plantent ; qui se lancent en auto-entreprise pour vendre le fruit de leur travail et se partagent des niches de consommation minuscules, luttant contre la concurrence des produits manufacturés ou de plus grosses entreprises. Ou qui ne réussissent à changer de métier que pour découvrir que tous les domaines d’activité sont taylorisés, soumis au contrôle et déshumanisés (elle mentionne à ce propos Xavier Noulhianne, chercheur en sciences de laboratoire devenu éleveur de brebis qui fait ce constat dans Le Ménage des champs (2)). Surprise... pour qui n’avait pris la peine de suivre aucune lutte autour du travail (3). Humbert cite même un conflit social lors duquel la seule à ne pas participer fut une future déserteuse. Elle critique le désinvestissement du collectif que permet, justifie et parfois encourage la désertion, geste très individuel. Le revenu universel a suscité les mêmes espoirs. La « grande démission » a apporté quelques réponses très concrètes, mais pas franchement positives, à ces rêves de changement social par la déstabilisation du marché du travail. Est-ce seulement un problème d’échelle si ces stratégies ne changent pas le monde ?

      #désertion #capital #syndicalisme #collectif #individualisme #libéralisme #Aude_Vidal ##Anne_Humbert #livre #recension

  • « Je me mets en grève » : Adèle Haenel quitte le monde du cinéma au nom de ses engagements politiques - ladepeche.fr
    https://www.ladepeche.fr/2023/05/09/je-me-mets-en-greve-adele-haenel-quitte-le-monde-du-cinema-au-nom-de-ses-e

    Sans doute ne verrez-vous plus Adèle Haenel sur le grand écran de sitôt. Dans une lettre publiée dans les colonnes de Télérama ce mardi 9 mai, la jeune actrice de 34 ans a annoncé qu’elle se mettait en retrait du monde du cinéma en raison de ses engagements politiques : « J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma », commente d’ailleurs l’intéressée.

    La trentenaire critique vivement « la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels » ainsi que « la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est ». En pratique, Télérama avait sollicité l’actrice dans le cadre d’une enquête : celle-ci a souhaité publier une lettre ouverte [payante] dans les colonnes de l’hebdomadaire culturel.

    #industrie_culturelle #machisme #désertion_spectaculaire

    • Die Hotline, bei der sich russische Soldaten ergeben sollen
      https://www.spiegel.de/ausland/ukraine-krieg-die-hotline-bei-der-sich-russische-soldaten-ergeben-sollen-a-8

      Au premier abord ceci a l’air d’une manière intelligente de combattre agression russe. Malheureusement il y a un problème.

      30.11.2022 - Wer am Leben bleiben möchte, sollte sich ergeben: Diese Rechnung macht die ukrainische Regierung auf – und verspricht russischen Militärangehörigen Hilfe zur sicheren Kapitulation. Per Telefon.
      ...
      Informationskrieg abseits des Schlachtfelds

      Russland und die Ukraine kämpfen nicht nur auf dem Schlachtfeld miteinander. Der Konflikt ist längst auch zum Informationskrieg geworden. Fake News, Propaganda, gezielt gestreute Teilinformationen – all das gehört zum modernen Waffenarsenal. Zuletzt erlebt etwa im Fall eines mutmaßlichen Kriegsverbrechens an russischen Soldaten
      . Kaltblütige Hinrichtung nennt es Moskau, Notwehr im heimtückischen Hinterhalt, heißt es aus Kiew. Eine unabhängige Beurteilung fällt wie so häufig auch zu diesen Vorfällen schwer.

      Bref, on ne sait pas si c’est vrai. cf. Un taxi pour Tobrouk
      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Un_taxi_pour_Tobrouk

      Dans le contexte occidental (spiegel.de !) cette information ne manque pas d’hypocrisie. D’abord on n’ouvre toujours pas les frontières aux Russes qui fuient la guerre. Puis on ne propose pas de solution aux Ukrainiens qui voudraient ne pas risquer leurs vies dans l’affrontement militaire alors qu’on les a accueilli à bras ouverts comme main d’œuvre bon marché.
      Comme d’habitude l’Occident se comporte en combattant dans cette guerre fratricide au lieu d’agir pour l"arrêt des hostilités meurtrières.

      Dans cette époque belliqueuse il faudrait se rappeler du précurseur de l’existentialisme Max Stirner. Karl Marx se moquait de son compagnon de beuverie en l’appelant Saint Max pour son air de pasteur fanatique.
      http://www.mlwerke.de/me/me03/me03_168.htm
      Plus loin il s’amuse à l’assimiler au Sancho de Cervantes parce que son sérieux ne tient pas la route.
      http://www.mlwerke.de/me/me03/me03_430.htm
      Pourtant son pamphlet « Der Einzige und sein Eigentum » nous enseigne une indépendance d"esprit que le « marxisme » ne contient qu’implicitement :

      Tu es une personne qui n’appartient qu’à toi-même. Tu as l’obligation de tout faire pour survivre. Tu ne dois pas croire ce que disent les autres sur dieu et ton devoir.

      D’après Stirner il s"agit toujours de mensonges.

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Max_Stirner


      Portrait de Stirner dessiné par Friedrich Engels

      #Russie #Ukraine #guerre #désertion

    • Les guerres sont absurdes comme les justifications inventées.
      Je soupçonne les Indiens d’une immense politesse à l’égard de leur invité.
      Lavrov par contre semble avoir trop lu Artaud sans le comprendre. Depuis il octroie sa version du théâtre de la cruauté au public qu’il oblige d’assister à sa mise en scène. Moi j’évite d’allumer la télé pour ne pas tomber sur les reportages des théâtres de la guerre. Même le Volodomir’s and Buffalo Bill’s Wild West Show ne m’amuse plus depuis que j’ai compris qu’on y tue vraiment.
      #rire_sardonique


      La meilleure lecture du moment sont Les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Grande Guerre . On y apprend à rire de la guerre sans être de mauvaise fois. Quel chef d’œuvre !
      Depuis Jaroslav Hašek on ne peut plus ne pas aimer les Tchèques. Sans ses histoires le monde serait infiniment triste.

      Texte entier
      https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Brave_Soldat_Chv%C3%A9%C3%AFk/Texte_entier

      La traduction allemande contient une préface absente de du texte français sur WIkisource. L’auteur y parle de l’affection qu’il ressent pour Chvéïk.

      Préface

      Une grande époque requiert de grands hommes. Il existe des héros méconnus, modestes, sans la gloire et l’histoire d’un Napoléon. Une analyse de leur caractère éclipserait même la gloire d’un Alexandre de Macédoine. Aujourd’hui, vous pouvez rencontrer dans les rues de Prague un homme miteux qui ne sait pas lui-même ce qu’il représente réellement dans l’histoire de la nouvelle grande époque. Il va modestement son chemin, n’embête personne et n’est pas non plus importuné par les journalistes qui lui demandent une interview. Si vous vouliez lui demander son nom, il vous répondrait simplement et modestement : « Je m’appelle Schwejk . . . »

      Et cet homme silencieux, modeste et miteux est vraiment le vieux et brave soldat héroïque et courageux Svejk, qui était autrefois dans la bouche de tous les citoyens du royaume de Bohême sous l’Autriche et dont la gloire ne s’estompera pas non plus dans la République.

      J’ai beaucoup d’affection pour ce brave soldat Chvéïk et, en écrivant ses aventures pendant la guerre mondiale, je suis convaincu que vous éprouverez tous de la sympathie pour ce héros humble et méconnu. Il n’a pas mis le feu au temple de la déesse d’Éphèse comme cet imbécile d’Hérostrate pour faire la une des journaux et des manuels scolaires.

      Et cela suffit.

      L’auteur

      ... encore ... il y a Catch 22 .

      un extrait.
      https://www.youtube.com/watch?v=MfPEQbEK7t8

  • D’une dissidence à l’autre. Lettre aux jeunes déserteurs et déserteuses, Jean-Paul Maldrieu Terrestres
    https://www.terrestres.org/2023/01/23/dune-dissidence-a-lautre-lettre-aux-jeunes-deserteurs-et-deserteuses

    Les appels à déserter la société dominante fleurissent un peu partout. Les diplômes d’ingénieur·es sont refusés, les fermes reprises, et les méga-bassines sabotées. Ces gestes prolongent la vague de subversion qui parcourut les sociétés avec Mai 68. Au-delà d’un simple écho, comment faire dialoguer ces deux moments séparés par un demi-siècle ? Voici un témoignage sur l’esprit de désertion, et ses limites, par un ancien membre du groupe Survivre et vivre.
    Jean-Paul Malrieu

    .... Le Politique, qui n’aura pas vu venir cette crise sans précédent, qui l’aura de fait organisée et pilotée, ne sera pas évacué pour autant, il ne cédera pas humblement la place à des formes décentes de sociétés autogérées et responsables, négociant pacifiquement leurs équilibres internes et leurs relations avec les groupes voisins, comme le suggère la très séduisante utopie « communaliste » à la Bookchin.

    .... Dans les actes de révolte et d’objection, comme dans les efforts pour construire des modes de vie alternatifs, nos minorités doivent se penser comme immergées dans un corps social à transformer.

    Enjeu majeur, moment historique décisif, comment faire émerger des formes d’existence collective durable et pacifique, plutôt qu’une régulation dictatoriale centralisée ou un effondrement convulsif ? Lorsque je réfléchissais, voici 50 ans, à une mutation qui ne prenne pas la forme conflictuelle de la Révolution, et par laquelle la dissidence finirait par devenir hégémonique (comme la bourgeoisie finit, voici plus de 2 siècles, par se débarrasser de la société féodale et de ses structures de rangs), je nous accordais du temps. Et voici que le temps nous est compté, ....

    #écologie #désertion

  • Clinatec : rencontre avec un repenti
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article1749

    Toujours en librairie : Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme. Voir ici

    Dans une récente tribune du Monde, le pédopsychiatre Bruno Falissard dénonce la technolâtrie de ses confrères : « La médecine est le meilleur alibi de l’hubris technoscientifique, écrit-il. Dans l’espoir utopique de pouvoir vaincre la mort et la souffrance par la puissance sans limite de notre science, nous tous, médecins, patients, autorités de santé, politiques… nous enivrons du flot ininterrompu des découvertes (…) Il est grand temps d’arrêter cette folie. » Bruno Falissard doit passer de bons moments avec ses collègues de l’académie de Médecine, où siège également Alim-Louis Benabid, le neurocrate grenoblois, fondateur de Clinatec et incarnation de l’hubris technoscientifique en milieu médical. On imagine leurs (...)

    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=960 #Nécrotechnologies
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/clinatec_repenti.pdf

  • Manifeste Tangping. Dictature de l’économie contre désertion en Chine - tousdehors
    https://tousdehors.net/Manifeste-Tangping-Dictature-de-l-economie-contre-desertion-en-Chine

    L’origine exacte du texte que nous traduisons aujourd’hui est difficile à situer. Il semble qu’il ait été en premier lieu posté le 1er juin 2021 sur WeChat (une application de messagerie populaire en Chine), puis partagé sur des plateformes en langue chinoise qui échappent au contrôle du Parti communiste chinois (PCC) . Bien que sa source soit difficilement identifiable et que son auteur·rice demeure anonyme, il est important de comprendre le contexte dans lequel il est apparu.

    Écrasé par la culture de travail du "996", [nom donné à la journée de travail moyenne chinoise qui dure de 9h à 21h, 6 jours par semaine], Luo Huazhong a pris la décision radicale de déserter. Dans une série de publications rapidement censurées sur les réseaux sociaux, Luo Huazhong (dont le pseudonyme signifie "Voyageur au coeur tendre") a décrit les contours d’un autre type de vie qu’il a appelé le Tangping. Terme métaphorique qui signifie s’allonger et laisser les gens se moquer, le Tangping décrit une forme de vie centrée sur le refus d’être esclave de l’ordre économique. Il s’oppose aux "ciboules" qui, dans le langage de l’internet chinois, désignent ces personne qui s’épuisent au travail et perdent leur vie à la gagner.

    Le mode de vie Tangping correspond à une culture du voyage et de la désertion, qui consiste à passer le moins de temps possible au travail. Sur les réseaux chinois, le hasthag sert à raconter comment, plutôt que de s’épuiser à répondre aux impératifs de la culture dominante et de consommer, on peut éviter de se tuer au travail. (...)

    –-------------

    1. Le grand refus

    Certain·es jeunes, écoeuré·es par ce qui se déroule autour d’eux·elles, vont de l’avant. Plutôt que de se laisser écraser par une vie sinistre, ils·elles font le choix de se laisser porter par leur instinct. Leur attitude ne révèle pas une conception renouvelée du repos, du sommeil, de la maladie et de la mort, mais constitue un refus de l’ordre du temps lui-même.

    L’appel du XXe siècle qui aspirait à convertir toute vie en énergie combustible, qui poussait autrefois si violemment ses citoyens à aller de l’avant, n’est plus qu’une mouche irritante qui bourdonne à nos oreilles. Voici poindre une époque dans laquelle une ancienne magie échoue dans sa visée alors qu’une autre revient à la vie.

    En réalité, sans ce récent rappel des Tangpingistes, nous serions presque sur le point d’oublier ce que le mot « justice » signifie. De la même manière que les salarié·es exploité·es tentent de récupérer le temps qu’ils·elles ont perdu à travailler en pratiquant le toucher de poissons[1], les Tangpingistes empruntent le chemin du refus. Ils·elles exigent des compensations pour tous les préjudices qu’ils·elles ont subi dans le passé. L’adoption du Tangping requiert une réduction des besoins afin survivre en consommant le moins possible, ceci dans le but de travailler le moins possible. Il traduit un désir plus large, qui traverse toute la société : celui de se réapproprier le temps et l’espace - de sorte que la position couchée devienne une pratique répandue.

    #travail

    • Nous cherchons à défendre la propriété collective. Nous cherchons à taxer nos collecteur·rices de loyers et nos propriétaires pour qu’ils·elles nous rendent enfin ce qu’ils nous ont volé par le passé. Nous cherchons à créer un grand atelier qui réparera les tonneaux. Nous cherchons des technologies qui accélèrent le Tangping plutôt que l’esclavage, pour que les réductions de travail soient tout de suite payantes. Nous cherchons des maisons de soins et des garderies communautaires. Nous cherchons à supprimer les frontières pour que chacun puisse se déplacer librement entre toutes les régions autonomes qui émergeront. En particulier nous cherchons à faire attention à celles et ceux qui sont dans le besoin – à fournir des soins à celles et ceux qui ont souffert physiquement et mentalement ou qui sont en situation de handicap, à fournir de l’argent à celles et ceux qui sont endetté·es, à ouvrir des espaces pour celles et ceux qui ont enduré la discrimination, la stigmatisation et l’injustice…

      #solidarité #propriété_collective

  • Retour d’Erythrée | Un témoin pour faire bouger les lignes ?

    Rentré au pays et torturé, Yonas[1] réussit à revenir en Suisse pour obtenir protection

    Il y a deux ans, une équipe de journalistes (Republik , Reflekt, SRF) s’était rendue en Érythrée pour décrire les conditions de vie de requérant·es d’asile débouté·es de Suisse. En était ressorti un reportage en trois volets décrivant les persécutions dont faisaient l’objet ces retourné·es (voir Érythrée | « Retour en dictature ». Enquête sur la pratique suisse : https://asile.ch/2020/08/27/erythree-retour-en-dictature-enquete-sur-la-pratique-suisse). Aujourd’hui, l’un d’eux a réussi à revenir en Suisse et à y obtenir protection. Il raconte les tortures qu’il a subies au pays et le périple qu’il a à nouveau dû affronter pour finalement obtenir gain de cause en Suisse. Tou·tes n’ont pas connu cette fin heureuse. Republik raconte son histoire[2] dans un article et questionne : la Suisse peut-elle continuer à considérer comme « exigibles » les renvois vers l’Érythrée ?

    Yonas est venu se réfugier en Suisse en 2015. En 2017, il est #débouté de sa demande pour « manque de preuves tangibles de persécution et incohérence du récit ». C’est le cas d’une majorité d’Érythréen·nes depuis 2016, puisque la politique suisse a donné un signal clair pour des restrictions d’accueil à leur encontre, en ne considérant plus la #fuite ou la #désertion comme des motifs suffisants pour obtenir le #statut de réfugié en Suisse[3] . Tour de vis encore renforcé en 2017 par le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) qui juge le retour en Érythrée licite et exigible même pour les personnes susceptibles d’y être enrôlées de force au sein du #service_national – assimilé à du travail forcé. Le nombre de décisions négatives a alors pris l’ascenseur et une septantaine de levées d’admissions provisoires ont été recensées en 2020.

    Pour Yonas, le TAF évalue les risques encourus en cas de retour comme inexistants. Il ne peut donc bénéficier ni du statut de réfugié, ni d’une admission provisoire. Lui qui a fui la répression dans son pays, refuse de mourir en Suisse en émargeant à l’#aide_d’urgence. Il rentre en Érythrée. Or, une fois là-bas, un nouveau calvaire commence : il est arrêté, torturé et battu, ce qui le contraint à nouveau à la fuite.

    C’est en 2019, depuis la Grèce, qu’il recontacte Christian Zeier, le journaliste de Republik pour obtenir de l’aide. Celui-ci intercède pour lui auprès des autorités d’asile helvétiques, qui lui conseillent de déposer une demande d’asile dans le pays où il se trouve. C’est sans compter le délitement du droit d’asile en œuvre en Grèce depuis plusieurs années (voir Grèce | Chronique d’une détérioration annoncée). Après plusieurs mois d’attente et la naissance de son enfant avec une compatriote qui a trouvé refuge en Suisse, il parvient à les rejoindre à ses risques et périls. Cette fois sa nouvelle demande d’asile sera rapidement examinée et lui donnera accès au permis B réfugié en début d’année 2022.

    L’énigme du retour dévoilée

    Vis-à-vis des réfugié·es érythréen·nes, la Suisse pratique une des politiques d’asile les plus restrictives en Europe[4]. Le cas de Yonas ne permet pas de déterminer si la Suisse a mal évalué son récit et les risques qu’il disait encourir en cas de retour. Ou si – comme le dit l’autorité – son récit était incohérent et ne mentionnait pas sa participation à des rassemblements contre le régime érythréen lors de son premier séjour en Suisse.

    Il témoigne néanmoins des exactions commises à l’encontre de la population et du degré de violation des droits humains à l’œuvre en Érythrée. Selon la juriste Nora Riss, qui a défendu Yonas, le cas questionne l’évaluation faite par les autorités des dangers en Érythrée, et des sources utilisées. « Si les sources sont incertaines, il faut plutôt être prudent et décider en faveur des demandeurs d’asile. »

    Dès lors, une des grandes problématiques demeure : que se passe-t-il après le retour des personnes déboutées si elles ne peuvent pas revenir comme Yonas pour venir témoigner ? La Suisse semble ne pas s’en préoccuper, puisqu’il n’y a aucun suivi effectué par les autorités. Par contre, deux jugements récents du Comité des Nations unies contre la torture (CAT) ont reconnu que la Suisse avait violé la convention dans des décisions de renvoi vers l’Érythrée[5].

    Les personnes qui refusent de rentrer « volontairement » au pays ne peuvent pour l’instant pas se le voir imposer : il n’y a pas de renvois forcés. Mais on comprend, à la lecture de l’histoire de Yonas, les raisons qui les conduisent à rester en Suisse, même « déboutées ». Elles traversent alors un processus de marginalisation les dépossédant de leur propre destinée. Bloqué·es par un régime de l’aide d’urgence qui se veut précaire et déstabilisant, devant abandonner leurs apprentissages et emplois, ces femmes, hommes et enfants vivent un enfer sur un territoire qui devait leur servir de refuge. En 2020, l’Érythrée était encore l’origine la plus représentée parmi les bénéficiaires de longue durée de l’aide d’urgence[6]. Jusqu’à quand la Suisse sera-t-elle capable de continuer à fermer les yeux sur ces drames humains ? Il y a fort à parier qu’il faudra encore beaucoup de Yonas pour que cela change.

    https://asile.ch/2022/08/11/retour-derythree-un-temoin-pour-faire-bouger-le-lignes
    #renvois #expulsions #Erythrée #Suisse #réfugiés_érythréens #asile #migrations #réfugiés #torture #retour_au_pays #retour_volontaire

    • Ein Asylfall, der alles ändern könnte

      Die Schweiz verwehrt einem Eritreer Asyl. Zurück in seinem Heimatland wird er inhaftiert und gefoltert. Weil ihm ein zweites Mal die Flucht in die Schweiz gelingt, gerät das Staats­sekretariat für Migration in Erklärungs­not.

      Seit Jahren wird in der Schweiz darüber diskutiert, ob abgewiesene Asyl­suchende aus Eritrea gefahrlos in ihr Heimat­land zurück­kehren können. Oder ob ihnen dort schwere Menschen­rechts­verletzungen drohen. Nun muss sich das Staats­sekretariat für Migration erstmals mit dem Fall eines Eritreers beschäftigen, der angibt, nach seiner Wegweisung aus der Schweiz inhaftiert und gefoltert worden zu sein. Das zeigen Recherchen der Republik, des investigativen Recherche­teams «Reflekt» und der SRF-Sendung «10 vor 10».

      Aussergewöhnlich dabei ist: Hätte der Eritreer es nicht zurück in die Schweiz geschafft, wäre nicht bekannt geworden, dass die ursprüngliche Risiko­einschätzung falsch war, die zu seiner Wegweisung führte. Und jetzt könnte sein Fall die umstrittene Asylpraxis der Schweiz mit Eritrea ändern.
      Odyssee zurück in die Schweiz

      Dass der Fall überhaupt geprüft wird, hängt mit der unwahrscheinlichen Odyssee des Eritreers Yonas zusammen, der in Wirklichkeit anders heisst. An einem Montag­abend im April sitzt der 35-Jährige auf dem Bett seiner Zürcher Wohnung und sagt: «Ich habe zu viel gelebt.» Dann lässt er die vergangenen zehn Jahre seines Lebens Revue passieren.

      Wie er ein erstes Mal aus Eritrea flüchtete.
      Wie er Freunde an die Wüste verlor, ohne sie begraben zu können.
      Wie er in der Schweiz Asyl beantragte und weggewiesen wurde.
      Wie er Putzmittel trank, um sein Leben zu beenden.
      Wie er durch Zufall überlebte und zur Ausreise gedrängt wurde.
      Wie er in Eritrea Folter und Haft erlebte.
      Und wie er dann, nach der zweiten Flucht, erneut in der Schweiz landete.

      «Ich habe den Schweizer Behörden gesagt, dass man mich nach der Rückkehr nach Eritrea vielleicht tötet», sagt Yonas. «Aber sie haben mir nicht geglaubt.»

      «Eine Chance, dass sein Fall aufgearbeitet wird, hat Yonas nur, wenn er es schafft, illegal erneut in die Schweiz einzureisen.» Mit diesem Satz endete im April 2020 die dreiteilige Eritrea-Serie, welche die Republik gemeinsam mit dem investigativen Recherche­team «Reflekt» veröffentlichte. Dafür hatten wir den damals 33-jährigen Eritreer nach seiner zweiten Flucht aus Eritrea in Griechenland aufgespürt und seine Geschichte rekonstruiert und verifiziert.

      Yonas erzählte von seiner Zeit in der Schweiz, der Rückkehr nach Eritrea, seiner Inhaftierung und der darauf­folgenden Flucht. Seine Erzählungen waren nicht sehr ausführlich, auf Nachfrage konnte er aber Geschehnisse oder Orte detailliert beschreiben. So etwa die Folter­szene, kurz nach seiner Ankunft in der eritreischen Hauptstadt Asmara: Sie hätten ihn in einen Raum gebracht, die Hände hinter seinem Rücken gefesselt, sagt er. «Sie waren vermummt, der eine nahm seinen Gürtel heraus und schlug mich damit, während der andere einen Stock nahm, der im Zimmer lag, und auf meinen Rücken einschlug.»

      Bis heute zeugen Narben an Yonas’ Beinen von dieser Nacht. Die chronischen Schmerzen erträgt er nur dank Medikamenten.

      Wir schätzten Yonas damals als glaubwürdig ein, seine Erzählung als substanziiert, plausibel und schlüssig. Doch solange er sich ausserhalb der Schweiz befand, interessierten sich die hiesigen Behörden nicht für seinen Fall. «Herr Y. hat die Möglichkeit, in seinem Aufenthalts­land ein Asylgesuch einzureichen», schrieb das Staats­sekretariat für Migration (SEM), als er sich 2019 aus Griechenland an die Behörden wandte. Man habe sein Asyl­verfahren abgeschlossen, er könne nicht legal in die Schweiz zurückkehren.

      Wir blieben mit Yonas in Kontakt und verfolgten seinen Weg aus der Ferne. Wie er in Athen mit Gelegenheits­jobs über die Runden kam. Wie seine eritreische Freundin, die er in Griechenland kennen­gelernt hatte, in die Schweiz einreiste. Wie sie hier ihr gemeinsames Kind zur Welt brachte – und Yonas sich immer verzweifelter anhörte.

      Bis eines Tages im Juli 2021 eine Whatsapp-Nachricht alles änderte: «Lieber Christian, wie geht es dir?», schrieb Yonas. «Ich komme in die Schweiz. Ich bin hier. Ich bin hier in der Schweiz.»

      Allen Widerständen zum Trotz hatte er es geschafft. Genau so, wie die Republik in Zusammen­arbeit mit «Reflekt» damals Yonas’ Geschichte verifiziert hatte, musste das Staats­sekretariat für Migration nun seine Erzählung prüfen. Würde es ihn ablehnen, weil es die Geschichte der Folter und Inhaftierung nicht für glaubhaft hält? Oder würde Yonas Asyl erhalten und damit die Bestätigung, dass seine Wegweisung ein Fehler war? Dass die Schweiz ihn damals in die Hände seiner Folterer schickte?

      Denn im negativen Asylentscheid vom 12. Juli 2017 hatte das SEM nicht nur festgehalten, dass Yonas aufgrund widersprüchlicher Angaben und mangelhafter Glaubhaftigkeit die Flüchtlings­eigenschaft nicht erfüllt. Dort steht auch, dass sich aus den Akten keine Anhalts­punkte ergeben, dass dem Eritreer im Falle einer Rückkehr «mit beachtlicher Wahrscheinlichkeit eine durch Art. 3 EMRK verbotene Strafe oder Behandlung droht». Der Vollzug der Rückkehr stelle keine konkrete Gefährdung dar und sei zumutbar. Yonas sei demzufolge zur Ausreise und damit zur Rückkehr in die eritreische Diktatur verpflichtet.

      Was den Fall besonders macht: Die meisten Asyl­suchenden aus Eritrea, die einen negativen Asyl­entscheid erhalten, bleiben trotz allem in der Schweiz. Unfreiwillige Rückkehrerinnen – sprich Ausschaffungs­flüge – akzeptiert das Regime in Asmara nicht. Und weil sich die abgewiesenen Asyl­suchenden vor Repressionen bei der Rück­kehr fürchten, landen sie zu Hunderten in der Nothilfe. Ohne Arbeits­erlaubnis, Einkommen oder Perspektive. Yonas hingegen gab auf und kehrte im Juli 2018 in sein Heimat­land zurück. «Nach all den negativen Entscheiden war ich komplett demoralisiert», sagt er. «Ich dachte: Entweder sterbe ich in der Schweiz oder ich sterbe eben in Eritrea.»
      Verheerender Fehl­entscheid

      Doch es kommt anders. Yonas gelingt die erneute Flucht, und er beantragt im Oktober 2021, sechs Jahre nach seinem ersten Gesuch am 13. August 2015, zum zweiten Mal Asyl in der Schweiz. Mit der Inhaftierung und der Folter nach seiner Rückkehr sowie dem Besuch einer regierungs­kritischen Demonstration im Sommer 2016 in Genf macht er neue Asylgründe geltend und reicht neben einer Registrierungs­karte aus dem Sudan auch den Artikel ein, den die Republik und «Reflekt» über ihn publiziert haben. Zwei Monate später ist klar: Yonas erhält Asyl und wird als Flüchtling mit Status B anerkannt.

      Das Staatssekretariat für Migration geht also davon aus, dass er in Eritrea ernsthaften Nachteilen ausgesetzt ist oder begründete Furcht haben muss, solchen Nachteilen ausgesetzt zu werden. Darunter fallen: die Gefährdung des Leibes, des Lebens oder der Freiheit sowie Massnahmen, die einen unerträglichen psychischen Druck bewirken. Mehr ist über den positiven Entscheid nicht bekannt. Sowohl Yonas als auch der Republik und «Reflekt» hat das Staats­sekretariat Einsicht in die Begründung verwehrt – eine Praxis, die Usus ist und vom Bundes­verwaltungs­gericht gestützt wird.

      Würde seine Erzählung von Inhaftierung und Verfolgung aufgrund seines politischen Engagements grundsätzlich angezweifelt, hätte Yonas kaum die Flüchtlings­eigenschaft zugesprochen erhalten. Inwiefern das Staats­sekretariat für Migration aber für den Fehlentscheid verantwortlich ist, bleibt unklar. Yonas hat bei seinem ersten Asylgesuch widersprüchliche Aussagen gemacht und etwa nicht erwähnt, dass er an einer regierungs­kritischen Demonstration in Genf teilgenommen hatte. Sprecher Daniel Bach weist darauf hin, dass das SEM auf korrekte und vollständige Angaben angewiesen ist, um die konkrete Gefährdung einer Person einschätzen zu können.

      Für die Juristin Nora Riss von der Freiplatz­aktion, die Yonas im Asyl­verfahren vertreten hat, ist klar: «Die Risiko­einschätzung war in diesem spezifischen Fall falsch.» Es stelle sich die Frage, aufgrund welcher zuverlässiger Quellen diese und andere Einschätzungen vorgenommen worden seien. «Wenn die Quellen­lage unsicher ist, muss man eher vorsichtig sein und zugunsten der Asyl­suchenden entscheiden», sagt Riss. Ansonsten riskiere man genau solche Fälle, in denen Personen nach der Rückkehr gefoltert werden. Andere Länder seien in dieser Frage vorsichtiger, was die Schweizer Asylpraxis zu einer der schärfsten in ganz Europa macht.
      Ein anfälliges System

      Die Schweiz argumentiert, dass es in Eritrea zwar zu Menschen­rechts­verletzungen komme, dies allein aber kein ausreichender Grund sei, anzunehmen, dass eine Person bei der Rückkehr Opfer von Folter werde.

      Man müsse den Einzelfall prüfen. Weggewiesen würden nur Asyl­suchende, bei denen keine stichhaltigen Gründe für die Annahme einer konkreten und ernsthaften Gefahr bestünden.

      Seit einer umstrittenen Verschärfung der Asylpolitik von 2016 erhalten deutlich mehr eritreische Asylsuchende einen negativen Entscheid und werden weggewiesen – die meisten landen in der Nothilfe, einige Hundert sind in den vergangenen Jahren zurück­gekehrt. Wie viele von ihnen wie Yonas inhaftiert oder sogar gefoltert wurden, ist unbekannt.

      Gäbe es Rück­meldungen, würde man diese prüfen, sagt SEM-Sprecher Daniel Bach. «Bislang haben wir aber keine erhalten.» Und genau hier liegt das Problem. Nach der Rückkehr verschwinden die Menschen im nach wie vor stark abgeschotteten Land, ein Monitoring zu ihrem Schutz existiert nicht. Die Schweizer Behörden wissen kaum etwas darüber, was mit den abgewiesenen Asylsuchenden in Eritrea passiert. Das Staats­sekretariat für Migration kann bis heute keine dokumentierten Fälle von Zurück­gekehrten vorweisen, die unbehelligt geblieben sind.

      Zweifellos gibt es Eritreerinnen, die nach einem negativen Asylentscheid gefahrlos in ihr Heimatland zurück­kehren können. Doch nicht alle, die tatsächlich gefährdet sind, können das gegenüber dem SEM glaubhaft machen. So wie Yonas. Oder wie die beiden Asylsuchenden, deren Fälle in den letzten Jahren vor dem Uno-Ausschuss gegen Folter (CAT) landeten. 2021 und 2022 kam das Gremium in zwei Urteilen zum Schluss, dass die Schweiz mit einer Wegweisung nach Eritrea die Antifolter­konvention der Uno verletzt hat.
      Die Angst bleibt

      Ob die neuen Erkenntnisse die Asylpraxis verändern, ist unklar. «Die Praxis wird dann angepasst, wenn neue Erkenntnisse zur Bedrohungs­lage in einem Land vorliegen oder wenn das Bundes­verwaltungs­gericht einen Entscheid des SEM in genereller Weise korrigiert», heisst es vonseiten des Staats­sekretariats für Migration. Einen Wegweisungs­stopp würde es dann geben, wenn man zum Schluss käme, dass alle Leute, die zurück­kehren, konkret bedroht sind. Das sei aktuell nicht gegeben, sagt Sprecher Daniel Bach. «Selbstverständlich schauen wir uns aber den Fall an. Falls die Bedrohungs­lage anders geworden ist, könnte dies in letzter Konsequenz auch zu einem Wegweisungs­stopp führen.» Es bestehe aber auch die Möglichkeit, dass dem SEM im Asylverfahren Informationen vorenthalten worden seien, die für die Einschätzung wichtig gewesen wären.

      Für Yonas spielt das keine Rolle mehr. Er lernt fleissig Deutsch, möchte möglichst bald eine Lehre absolvieren und sagt: «Ich bin okay. Zum ersten Mal fühle ich mich nicht unsicher in der Schweiz.» Zwar schlafe er schlecht, leide an den Schmerzen der Folter und träume oft von Menschen, die er zurück­lassen musste. Seine grösste Angst aber ist eine andere: «Bitte zeigt mein Gesicht nicht und nennt mich nicht beim Namen», sagt er zum Abschied. «Sonst passiert meiner Familie in Eritrea das, was ich erleben musste.»

      https://www.republik.ch/2022/05/04/ein-asylfall-der-alles-aendern-koennte

  • « Nous, démissionnaires » : enquête sur la désertion d’en bas
    https://www.frustrationmagazine.fr/enquete-desertion

    Les discours vibrants d’étudiants d’une grande école d’ingénieurs agronomes, au moment de la remise de leur prestigieux diplôme, qui déclarent ne pas vouloir suivre la voie royale que notre société de classe leur réserve, ont eu un grand retentissement. Or, si la désertion d’une petite frange de nos élites est un événement, elle masque trop souvent la désertion d’en bas, moins flamboyante mais parfois plus héroïque, des membres de la classe laborieuse. Elle survient actuellement dans tous les secteurs, de la restauration à l’informatique en passant par l’Éducation nationale ou l’associatif. Les démissionnaires d’en bas disent beaucoup du dégoût du travail et de la vie sous le capitalisme. Ils remettent en question avec force la façon dont on produit, dirige et travaille dans ce pays comme ailleurs. Ils (...)

    • Des étudiants d’AgroParisTech appellent à « déserter » des emplois « destructeurs »

      Huit diplômés de l’école d’ingénieurs agronomes se sont exprimés, lors de leur cérémonie de remise de diplômes, contre un avenir tout tracé dans des emplois qu’ils jugent néfastes.

      « Ne perdons pas notre temps, et surtout, ne laissons pas filer cette énergie qui bout quelque part en nous. » Sur la scène de la luxueuse salle parisienne Gaveau, ce 30 avril, ils sont huit ingénieurs agronomes, fraîchement diplômés de la prestigieuse école AgroParisTech, à prendre la parole collectivement. Dans l’ambiance plutôt policée de cette soirée de remise de diplômes, après une introduction de musique disco sous éclairage de néons violet et vert bouteille, ils déroulent, d’un ton calme, un discours tranchant très politique.

      https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/11/des-etudiants-d-agroparistech-appellent-a-deserter-des-emplois-destructeurs_

    • « Nous, démissionnaires » : enquête sur la désertion d’en bas

      Les discours vibrants d’étudiants d’une grande école d’ingénieurs agronomes, au moment de la remise de leur prestigieux diplôme, qui déclarent ne pas vouloir suivre la voie royale que notre société de classe leur réserve, ont eu un grand retentissement. Or, si la désertion d’une petite frange de nos élites est un événement, elle masque trop souvent la désertion d’en bas, moins flamboyante mais parfois plus héroïque, des membres de la classe laborieuse. Elle survient actuellement dans tous les secteurs, de la restauration à l’informatique en passant par l’Éducation nationale ou l’associatif. Les démissionnaires d’en bas disent beaucoup du dégoût du travail et de la vie sous le capitalisme. Ils remettent en question avec force la façon dont on produit, dirige et travaille dans ce pays comme ailleurs. Ils sont un groupe dont on ne parle pas mais qui augmente en nombre et dont l’existence est un caillou dans la botte du patronat. Enquête sur la désertion d’en bas.

      Il y a un an, j’ai conclu une rupture conventionnelle et quitté mon dernier CDI. Deux mois plus tard, une amie faisait de même. Six mois plus tard, un autre m’annonçait sa démission. Il y a deux semaines, mon frère a démissionné de son premier CDI, il a vécu ce moment comme une libération. Après des années de brimades et de résistances dans une association, ma belle-mère a fait de même. Autour de moi, au travail, “on se lève et on se casse”. “Félicitations pour ta démission !” est un message que j’envoie plus souvent que “bravo pour ta promotion !” . Le récit du premier rendez-vous Pôle Emploi est devenu, parmi mes proches, plus répandu que celui du prochain entretien d’embauche. Le média en ligne Reporterre nous a informé la semaine dernière que nous n’étions pas les seuls, loin de là. Le phénomène de la « grande démission », qui a concerné aux Etats-Unis autour de 47 millions de personnes, semble toucher la France. L’enquête périodique du ministère du Travail sur les mouvements de main-d’œuvre le confirme : on assiste depuis 2 ans à une augmentation importante des démissions (+20,4% entre le premier trimestre 2022 et le dernier trimestre 2019).

      Ça n’a échappé à personne tant que le matraquage médiatique est intense : des secteurs peinent à recruter, ou perdent du personnel. C’est le cas de la restauration, dont le patronat se plaint, dans Le Figaro, de ne plus oser parler mal à ses salariés de peur qu’ils fassent leur valise. Mais c’est aussi le cas de l’hôpital public ou de l’Education nationale. Les explications médiatiques laissent le plus souvent à désirer : pour le Point, nous aurions perdu le goût de l’effort, tandis que la presse managériale se lamente sur ce problème qui serait générationnel. Ces dernières semaines, le thème de la désertion est essentiellement traité du point de vue d’une petite partie de la jeunesse diplômée et bien née, qui pour des principes éthiques et politiques, refuserait, comme par exemple dans les discours devenus viraux des étudiants d’AgroParisTech dont nous parlions en introduction, de diriger une économie basée sur la destruction de notre habitat pour se reconvertir dans l’agriculture paysanne.

      Mais qu’en est-il de cette désertion du milieu et d’en bas, celle des employés, des cadres subalternes, des fonctionnaires, des techniciens et des exécutants de la société capitaliste qui décident – souvent parce qu’ils n’en peuvent plus – de quitter leur emploi ? Derrière les grands principes, la réalité du travail est exposée dans la cinquantaine de témoignages que nous avons reçue, issus de tous secteurs : la désertion de la classe laborieuse est avant tout une quête de survie individuelle dans un monde du travail absurde et capitaliste. Elle dit beaucoup de la perte de nos outils collectifs de résistance aux injustices, de la solitude des travailleurs dont tout le monde se fout, mais aussi d’un refus puissant de jouer le rôle qu’on nous assigne. La grande démission est-elle une chance à saisir pour changer la société ?

      La démission, une question de survie face à la violence au travail

      Arthur* ne parle pas de « désertion ». Il n’a pas eu l’occasion de faire un discours vibrant lors de sa remise de diplôme. C’est normal, il est devenu apprenti pâtissier dès ses 14 ans et n’a pas eu le temps de souffler depuis. Mais il y a deux mois, il a démissionné de son emploi dans la restauration. Son patron a refusé la rupture conventionnelle, ce dispositif légal qui permet de partir, avec l’accord de son employeur, en échange d’indemnités minimales mais d’un accès aux indemnités chômage. Sa justification ? « Je t’ai appris des valeurs donc tu ne vas pas pointer au chômage ». Parmi les valeurs de ce Père La Morale : l’homophobie, qui a contraint Arthur à devoir cacher sa sexualité, avant d’être poussé au coming out, devant des collègues, par son patron. Dans cette petite entreprise, il a enduré des années de brimades et d’humiliations qui lui ont fait perdre confiance en lui et le goût de son travail. Depuis sa démission, il est sans revenus et a du mal à retrouver un emploi décent. Il n’empêche qu’il vit son départ comme un soulagement, après avoir enduré tête baissée ces années de captivité professionnelle, avec ses horaires décalées, son chef tyrannique et sa paye minimale. Le confinement de 2020 a joué un rôle déterminant dans sa prise de décision : Arthur a enfin eu du temps pour voir ses proches, sa famille, pour s’intéresser à la politique et ainsi, avancer.

      Les problèmes de turnover du secteur de la restauration ne sont quasiment jamais décrits du point de vue d’Arthur et de ses collègues. La presse est entièrement mobilisée pour relayer le point de vue du patronat, qui se plaint d’une pénurie de main-d’œuvre. Arthur rit jaune devant un tel spectacle : « ça me fait autant marrer que ça me dégoûte, m’explique-t-il, et mon patron tenait aussi ce discours de ouin-ouin « il y a un grand turn over plus personne ne veut travailler… » alors qu’on faisait quasiment tous 65h payées 39h ». Le secteur de la restauration est à l’avant-poste de tout ce qui dysfonctionne – ou plutôt fonctionne selon les intérêts du patronat – dans le monde du travail : des salariés isolés, sans représentation syndicale efficace, une hiérarchie omniprésente et intrusive, un travail difficile, en horaires décalés, avec beaucoup d’heures supplémentaires (souvent non payées) et avec peu d’autonomie et où le droit est très peu respecté.

      C’est aussi à cause de la violence généralisée que Yann a quitté plusieurs emplois successifs, dans la manutention puis le bâtiment. Pour lui, le problème venait tout autant de hiérarchies « maltraitantes » que de l’ambiance générale entretenue au sein des entreprises qu’il a connu : « J’avais cette sensation qu’on m’obligeait à bosser avec des personnes que j’aurais détesté fréquenter en dehors, et d’un autre côté qu’on me mettait en compétition avec des gens avec qui j’aurais pu être pote » m’a-t-il raconté. L’ambiance « stupidement viriliste » au travail ne lui convenait pas et il n’a pas trouvé de possibilités d’améliorer les choses.

      La plupart des témoignages reçus viennent confirmer une tendance lourde du monde du travail des années 2020 : si la violence est aussi répandue, c’est parce que la pression au travail s’est accrue, et pèse sur les épaules de toute une partie des effectifs, des managers aux employés de base. L’absence d’empathie des chaînes hiérarchiques semble être devenue la norme, comme nous l’avions déjà décrit dans un précédent article. C’est ainsi que Sara*, responsable de boutique dans une chaîne d’épicerie, a fini par quitter son emploi, après avoir gravi tous les échelons. Déjà éprouvée par la misogynie continuelle qu’elle subissait au quotidien, elle s’est retrouvée seule face à une situation de violence au travail, sans réaction de sa hiérarchie. Dans cette structure jeune, très laxiste sur le droit du travail, elle n’a pas trouvé de soutien face à la pression continuelle qu’elle subissait. Résultat, nous dit-elle, « j’allais au travail la boule au ventre, je faisais énormément de crises d’angoisse chez moi le soir, beaucoup d’insomnies aussi. J’ai un terrain anxieux depuis l’adolescence mais c’était la première fois depuis des années que j’ai ressenti le besoin d’être sous traitement. Je me sentais impuissante et en danger ».

      Ce témoignage est tristement banal : il semblerait qu’en France, les hiérarchies se complaisent dans l’inaction face aux atteintes à la santé des salariés. Il faut dire que les dernières évolutions législatives ont considérablement favorisé cette nouvelle donne. Nous en avons parlé à de multiples reprises : depuis la loi El Khomri de 2016 et les ordonnances travail de 2017, la santé au travail est reléguée au second plan, et le pouvoir du patronat face aux salariés a été considérablement renforcé. Le prix à payer était, jusqu’ici, l’augmentation du mal-être au travail, du burn out ainsi que des accidents, qui fait de la France une triste championne d’Europe de la mortalité au travail.

      La démission et le turn over qui en résultent, ainsi que la difficulté à recruter dans de nombreux secteurs, est désormais le prix que doivent payer les employeurs, et ils ne sont pas contents : peut-être auraient-ils pu y songer quand ils envoyaient toutes leurs organisations représentatives (MEDEF, CPME…) plaider pour détricoter le code du travail auprès des gouvernements successifs.

      La « perte de sens » : une question matérielle et non spirituelle

      Dans les témoignages reçus, la question du sens occupe une place moins grande que celle des (mauvaises) conditions de travail. Là encore, la désertion d’en bas diffère de la désertion d’en haut décrite dans la presse, où la question du sens et des grands principes est centrale. Au point que les grands groupes s’adaptent pour retenir leurs « talents » (c’est comme ça que les cadres sup appellent les autres cadres sup) en se donnant une « raison d’être » qui ne soit pas que la satisfaction de l’appât du gain des actionnaires. Ce dispositif est permis par la loi PACTE depuis 2019, et il ne sert à rien d’autre qu’à faire croire qu’une boîte capitaliste n’est pas seulement capitaliste : elle aime les arbres, aussi. Quand il s’agit du sens au travail, personne n’évoque la politique de “Responsabilité Sociale et Écologique » que les grands groupes affichent fièrement sur des affiches dans le hall du siège social. En revanche, trois cas de figures semblent se dessiner : le sentiment d’absurdité et d’inutilité, le sentiment de ne pas réussir à faire correctement son travail et de voir ses missions dévoyées, et enfin celui de faire un travail nuisible, intrinsèquement mauvais, qu’il convient de quitter pour des raisons politiques et morales.
      1 – L’absurdité au rendez-vous : « qu’on existe ou pas, ça ne change rien »

      Mon frère a quitté une structure associative où il était constamment noyé de boulot… sans savoir à quoi il servait. « J’ai encore une histoire à la The Office à te raconter » avait-il l’habitude de m’écrire. The Office, brillante série américaine, met en scène des salariés qui font toujours autre chose que leur travail, car constamment sollicités par un patron égocentrique et extravagant les entraînant dans un tourbillon de réunions, formations sécurité, séminaires de team building, concours de meilleur employé etc. Mais à la fin, ils servent à quoi, ces gens qui travaillent ? Dans le cas de mon frère, si le sens était altéré, c’était d’abord en raison d’une mauvaise gestion, d’un objet mal défini par un compromis politique reconduit chaque année par un directoire composé d’élus locaux. Il n’empêche que pour mon frère, l’intérêt de son job pour la société n’était pas avéré : « qu’on existe ou pas, ça ne change rien » m’a-t-il dit avant de décider de partir.

      Le thème des « bullshit jobs », ces métiers inutiles et ennuyeux dont l’existence a été brillamment théorisée par l’anthropologue britannique David Graeber, peut expliquer tout un pan du désamour d’une partie des cadres moyens pour leurs professions vides de sens. Pour mon ami A., son activité de consultant s’inscrivait en partie dans ce paradigme-là. Bien sûr, son action avait une utilité pour l’entreprise cliente, car le logiciel qu’il y mettait en place et pour lequel il formait le personnel à une organisation dédiée améliorait vraiment les choses. Mais que faire si l’entreprise elle-même avait une activité absurde ?

      Le capitalisme contemporain, nous dit Graeber, génère une immense aristocratie constituée de services de ressources humaines et de cabinets de consultants, c’est-à-dire de gens dont le travail est de gérer le travail des autres. Forcément, l’utilité ne tombe pas toujours sous le sens. Cette masse de gens qui dépendent de cette économie des services pour le travail n’a cessé de grossir, et ses contradictions génèrent sa propre croissance : dans ces entreprises où les cadres s’ennuient et se demandent à quoi ils servent, il faut faire venir des consultant en bien-être au travail qui vont organiser des ateliers et des cercles de parole pour parler de ce problème.

      Le problème du sentiment d’absurdité au travail, c’est qu’aucune hiérarchie ne tolère qu’il s’exprime librement. Les techniques de management des années 2020 insistent sur la nécessité de l’engagement, en toute bienveillance évidemment : il s’agit d’être sûr que tout le monde adhère à fond au sens de son travail. Ecrire un hymne en l’honneur de l’entreprise, comme A. a été invité à le faire lors d’un week-end de « team building », poster des photos de son travail et de son enthousiasme sur un réseau social interne, comme doivent le faire les salariés d’un grand groupe agroalimentaire où j’ai eu l’occasion de mener une expertise en santé au travail. Le non-engagement est sanctionné : dans cette entreprise, une évaluation comportementale annuelle se penche sur le niveau d’engagement et d’implication des salariés. Le soupir n’est pas de mise. Comment, dans ces conditions, tenir le coup sans devenir un peu fou ? A., comme d’autres consultants qui m’ont écrit, a choisi la démission.
      2 – La qualité empêchée : « j’aimerais juste pouvoir faire mon travail »

      Le sentiment d’absurdité ne peut expliquer à lui seul la succession de démissions et de déception professionnelle. Au contraire, nombre de récits reçus sont ceux de gens qui croyaient en ce qu’ils faisaient mais se sont vu empêcher de mener correctement leurs missions. La question du sens est le plus souvent abordée sous l’angle de la capacité ou non à bien faire son travail. Or, autour de moi et dans les témoignages reçus pour cette enquête, tout le monde semble frappé de ce que les psychologues du travail appellent la « qualité empêchée ».

      L’histoire de Céline*, maîtresse de conférence dans l’université d’une grande ville française, s’inscrit en partie dans ce cadre. Elle aussi a été poussée au départ par une pression administrative constante et l’absence de solidarité de son équipe. Elle a quitté une situation pourtant décrite comme confortable et stable : fonctionnaire, dans l’université publique… Pour elle, son travail est détruit par « les dossiers interminables pour avoir des moyens ou justifier qu’on a bien fait son travail », mais aussi les programmes et l’organisation du travail qui changent constamment et, évidemment, le manque de moyens. Paloma, enseignante dans le secondaire, a pris conscience de son envie de partir lors des confinements, mise face à la désorganisation de l’Education nationale, au niveau du pays comme des deux établissements où elle enseignait. Plus généralement, elle m’a confié que “le plus dur, c’était de constater que les élèves détestent l’école et les profs aussi, et qu’on ne cherche pas à faire réfléchir les élèves ou à développer leur sens critique. Je ne voulais pas contribuer à ça.”

      La question du manque de moyens est omniprésente lorsque l’on discute avec les personnels des services publics. Ce manque, qui se ressent dans la rémunération mais qui transforme toute envie d’agir ou d’améliorer les choses en parcours du combattant face à des gestionnaires omniprésents et tâtillons, brisent l’envie de rester. Les soignant.e.s ne cessent de le répéter, apparemment en vain : « En formation, on apprend que chaque patient est unique et qu’il faut le traiter comme tel, résumait Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers. Mais quand on arrive à l’hôpital, on est face à un processus bien plus industriel, où on n’a pas le temps d’accompagner le patient, d’être à l’écoute. Il y a alors le sentiment de mal faire son travail et une perte de sens ». C’était il y a un an. Désormais, la pénurie de personnel entraîne la fermeture de services d’urgences la nuit, un peu partout en France. Ce sont les patients, et le personnel qui continue malgré tout, qui subissent de plein fouet les départs en masse de l’hôpital public où « la grande démission » n’est pas une légende médiatique.

      Face à ces problèmes très concrets, la question du sens devient presque une opportunité rhétorique pour le gouvernement et les strates hiérarchiques : il faudrait « réenchanter la profession », donner du sens aux métiers du service public à base de communication abstraite, plutôt que de donner les moyens de travailler correctement.
      3 – Le sentiment de faire un travail nocif : ​​”j’étais surtout un maillon de la perpétuation de la violence sociale”

      Hugo* travaillait pour un important bailleur social d’Île-de-France. Désireux de sortir de la précarité continue qu’il connaissait en enchaînant les CDD dans la fonction publique, il est devenu chef de projet dans cette structure, en ayant l’espoir de pouvoir se rendre utile. « J’y suis arrivé plein d’entrain car j’avais à cœur de faire un métier « qui ait du sens » … loger les pauvres, être un maillon de la solidarité sociale, etc ». Il a vite déchanté : « Globalement, je me suis rendu compte que j’étais surtout un maillon de la perpétuation de la violence sociale. In fine, malgré tout l’enrobage du type « bienveillance », « au service des plus démunis », des photos de bambins « de cité » tout sourire, il s’agissait d’encaisser les loyers pour engraisser les actionnaires (c’était un bailleur social privé, pas public). J’ai ainsi participé à une opération de relogement d’une tour de 60 habitants, qui allait être démolie dans le cadre du « renouvellement urbain ». Autant vous dire que les locataires n’étaient pour beaucoup (hormis quelques fonctionnaires communaux ayant encore un peu d’âme) que des numéros. Des « poids » à dégager au plus vite. Toutes les semaines je devais faire un « reporting » sur combien étaient partis, combien il en restait encore, avec un objectif… Je devais faire 3 propositions de logement aux locataires et leur mettre la pression pour qu’ils acceptent, en brandissant la menace de l’expulsion à demi-mot. Je voyais l’angoisse sur le visage des gens. » Hugo a fini par craquer et obtenir – au forceps – une rupture conventionnelle.

      Selma* et Damien* travaillaient aussi dans des professions participant de la façon dont on construit et on habite les villes. La première est urbaniste, le second architecte. Ils ont quitté des métiers pourtant souvent perçus comme intéressants et utiles parce que les effets de leur action leur semblaient vains voire néfastes, sur le plan social et écologique. Pour Selma, les mauvaises conditions de travail liées aux contraintes financières de son entreprise rachetée par un grand groupe sapait la qualité de son travail. Quant à Damien, il déplore les activités de son ancienne agence d’architecture : “Les projets sur lesquels je travaillais étaient très loin de mes convictions : des logements pour des promoteurs, en béton, quasiment aucune réflexion sur l’écologie (au-delà des normes thermiques obligatoires). Je faisais partie d’une organisation qui construisait des logements dans le seul but de faire de l’argent pour les promoteurs avec qui je travaillais.” Sa conclusion est sans appel : “Globalement, j’en suis arrivé à la conclusion que nous allions tous dans le mur (écologique). Les villes seront bientôt invivables, ne sont pas résilientes au changement climatique (essayez de passer un été sans clim à Strasbourg). J’ai constaté que j’étais totalement impuissant pour changer un tant soit peu les choses.”

      Les personnes qui travaillent dans des domaines d’activité nocifs à la société et qui en souffrent évoluent dans une contradiction forte, qui se termine souvent par un départ, faute d’avoir pu faire changer les choses de l’intérieur. Le manque d’autonomie conjugué à la quête de sens peut expliquer le nombre croissant de démissions et la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs (le nucléaire, par exemple, a de grosses difficultés à recruter – étonnant, non ?). Chercher du sens dans son travail pose néanmoins une question de ressources : la stabilité économique doit d’abord être garantie, et la majeure partie de la classe laborieuse n’a pas le luxe de s’offrir le sens et la sécurité tout à la fois.
      La démission : une forme (désespérée) de protestation au travail ?

      Je repense à mes départs successifs (trois, au total : un non-renouvellement de CDD, une démission, une rupture conventionnelle) avec soulagement mais aussi une pointe de culpabilité. Quitter un emploi, c’est laisser derrière soi des collègues que l’on appréciait, avec qui l’on riait mais aussi avec qui on luttait. Deux de mes départs ont été le résultat de petites ou de grosses défaites collectives, accompagné d’un dégoût ou d’un désintérêt pour des secteurs ou des entreprises que j’estimais impossibles, en l’état du rapport de force, à changer. J’ai donc demandé à toutes les personnes qui m’ont raconté leur démission si elles avaient tenté de changer les choses de l’intérieur, et comment cela s’était passé. La majeure partie des personnes qui m’ont répondu ont tenté de se battre. En questionnant la hiérarchie sur les conditions de travail, en réclamant justice, en poussant la structure à s’interroger sur le sens de son action et de ses missions… en vain.

      Les situations les plus désespérées en la matière m’ont sans doute été racontées de la part de démissionnaires du monde associatif. Les associations, des structures où l’on exerce en théorie des métiers qui ont du sens… et qui sont progressivement vidées de leur essence par des hiérarchies calamiteuses, des conditions de travail très dégradées, des logiques néolibérales et gestionnaires qui viennent s’appliquer au forceps, contre l’intérêt des salariés et des usagers… Et le pire, c’est que le discours du sens y est devenu une arme mobilisée par le patronat associatif pour mater les salariés récalcitrants en leur opposant la noblesse de leur mission et la nécessité de ne pas y déroger pour ne pas nuire aux usagers. Antoine, démissionnaire d’une association d’éducation populaire dans l’ouest de la France, résume bien la situation : “dans l’associatif, la répression syndicale est super forte, joli combo avec le côté « on est dans une association alors on est toustes des gens biens et militants donc ça se fait pas de parler de domination”, qui décourage pas mal à se mobiliser…”.

      Il y a des secteurs qui sont structurellement moins propices à la résistance salariale collective, et l’associatif en fait partie, et pas seulement à cause du discours évoqué par Antoine. Le syndicat ASSO, la branche de Solidaires dédié aux salariés de l’associatif, rappelle qu’il s’agit d’un secteur “très atomisé, où nombre de salarié.e.s se trouvent seul.e.s dans de très petites structures : plus de 80 % des associations emploient moins de 10 salarié.e.s. L’organisation d’élections n’est pas obligatoire selon le code du travail pour les structures de moins de 10 salarié.e.s (6 pour la Convention de l’animation). Très peu de salarié.e.s ont une voix officielle, via un représentant.e du personnel, pour participer aux discussions sur leurs conditions de travail et pas d’appuis en interne en cas de conflit.” Par ailleurs, “près de 30% des salarié.e.s associatifs ne sont pas couverts par une convention collective (contre 8% dans le secteur privé marchand)”. On part donc de plus loin, quand on est salarié de l’associatif, que d’autres, pour améliorer les choses. Mais c’est le cas, d’une façon générale, dans l’ensemble des secteurs du pays qui ont tous subi d’importants reculs en matière de rapport de force salarial. Partout, le patronat est sorti renforcé des différentes réformes gouvernementales.

      C’est le cas à la SNCF, dont le personnel est massivement sur le départ depuis 2018, date de la réforme ferroviaire et d’une longue grève brisée par Macron et Borne, alors ministre des Transports et depuis Première ministre. En 2019, les départs ont augmenté de 40% par rapport à 2018, et ils suivent depuis le même rythme. La direction de la SNCF a tout fait pour briser les collectifs de travail, atomiser les salariés et modifier leurs conditions de travail. Dans Libération, les cheminots racontent comment la fin de leur statut a mis fin, entre autres, à la retraite garantie à 55 ans, compensation d’un rythme de travail épuisant.

      Difficile de résister quand les syndicats sont de moins en moins présents et nombreux. Yann, notre manutentionnaire démissionnaire, s’en prend quant à lui à la perte de culture du rapport de force chez ses collègues : « J’ai 35 ans et j’ai entendu de plus de plus les discours managériaux et les exigences patronales dans la bouche des ouvriers. C’est d’une déprime… Rien à prendre aussi du côté des « anciens » avec des dos défoncés qui ressassent des discours du type « on se plaignait pas avant », « les jeunes veulent plus rien faire »… ». Le problème dépasse largement, selon Yann, la culture de son ex-entreprise. Il s’étonne : “C’est fou que le sujet du malheur au travail ne soit quasiment jamais abordé à part par le côté clinique des burn out. Le sujet est absent de toutes les dernières campagnes électorales.”

      La solitude et la désunion, ou du moins l’absence de culture du rapport de force au travail, est une réalité qu’il est facile d’éprouver : la baisse continue des effectifs syndicaux n’en est que l’illustration statistique la plus flagrante. La démission devient alors une façon de mettre le collectif face à ses contradictions, d’interpeller collègues, direction et la société plus globalement sur les injustices qui s’accumulent. C’est un peu ce que concluait mon amie Orianne, infirmière à l’AP-HP et depuis en disponibilité pour exercer dans le privé. Comme des milliers de soignant.e.s en France, elle a déserté des hôpitaux publics détraqués par les gouvernements successifs – et celui-ci en particulier. Membre du collectif InterUrgences, Orianne s’est pourtant battue pendant plusieurs années, avec ses collègues, pour obtenir une revalorisation salariale et de meilleures conditions de travail, globalement en vain. Les applaudissements aux fenêtres durant le premier confinement n’auront donc pas suffi : le départ a été pour elle une issue personnelle et, dans un sens, collective ; face au manque de soignant.e.s, le gouvernement va-t-il finir par réagir ?

      De là à dire que la démission est une forme radicale et individuelle de grève, il n’y a qu’un pas que nous franchirons pas : car les grèves renforcent le collectif, soudent les collègues autour d’un objectif commun alors que la démission vous laisse le plus souvent seul, même si des effets collectifs peuvent se créer. Antoine a bon espoir que sa démission ait un peu secoué les choses : “mon départ a pas mal remué le Conseil d’Administration de mon association qui a prévu un gros travail sur la direction collégiale entre autres. A voir si cela bouge en termes de fonctionnement interne”, me dit-il. Lorsque mon frère a quitté son association, il s’est demandé si ses supérieurs hiérarchiques allaient “se remettre en question”. Je lui ai plutôt conseillé de ne pas en attendre grand-chose : les hiérarchies sont généralement expertes pour ne pas se remettre en question. Les “départs” sont évoqués, dans les entreprises, avec une grande pudeur, voire carrément mis de côté ou rangés du côté des fameux “motifs personnels” qui sont la réponse préférée des hiérarchies aux manifestations de la souffrance au travail.
      La quête (vaine ?) d’un ailleurs

      “Si ça continue, je vais partir élever des chèvres dans le Larzac moi” : c’est une phrase que j’ai souvent entendu, cliché du changement de vie après des déceptions professionnelles. Force est de constater que ce n’est pas la route empruntée par la plupart des démissionnaires, sinon les départements de la Lozère ou de l’Ariège auraient fait un signalement statistique. La plupart des personnes qui ont témoigné au cours de cette enquête ont des aspirations plus modestes : trouver un emploi avec des horaires moins difficiles, quitter une entreprise toxique, prendre le temps de réfléchir à la suite ou devenir indépendant.

      La reconversion agricole ou la reconversion tout court restent des possibilités accessibles à une minorité de personnes, en raison du temps et de l’argent que cela requiert. Yann, à nouveau, a tout résumé : “J’entends souvent le type de discours sur la perte de sens des CSP+ qui rêvent d’ouvrir un food truck ou un salon de massage, et ça m’irrite au plus haut point. Quand on est cadre, on a le capital financier/scolaire et le réseau pour faire autre chose. C’est nettement plus difficile quand on est préparateur de commande”. Mon compagnon fait partie de celles et ceux qui ont choisi la reconversion agricole comme planche de salut après des expériences désastreuses dans d’autres secteurs de l’économie. Il est le premier à relativiser le discours qui fait de l’agriculture un “ailleurs” au capitalisme . Ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’il a franchi ce cap, mais bien en raison d’un désir de vivre à la campagne, loin de la ville et dans un secteur qui l’intéressait davantage. Mais pour lui ce n’est pas une “alternative” au capitalisme, et c’est loin d’être une activité qu’il conseillerait à toutes celles et ceux qui veulent déserter les bureaux ou les entrepôts de la vie capitaliste : “C’est dur et tu gagnes mal ta vie”.

      Loin de l’image d’Epinal de la reconversion agricole enchantée où l’on vit d’amour et d’eau fraîche dans des cabanes dans les bois, façon vidéo Brut, l’agriculture, même biologique, s’insère dans un marché et dans des rapports de force qui sont tout sauf anticapitalistes. Le poids politique de l’agriculture intensive, le règne de la FNSEA, le principal lobby agro-industriel qui impose ses vues à tout le monde, avec le soutien du gouvernement, ne font pas de ce secteur un endroit apaisé et éloigné des turpitudes décrites précédemment.

      J’ai voulu un temps m’y lancer moi aussi (depuis, je me contente d’être vendeur au marché, ce qui me convient très bien) et j’ai vu, lors des formations que je suivais, l’attraction que le secteur exerçait sur de nombreux salariés désireux de changer, littéralement, d’horizon. J’ai vu ceux d’en bas, qui luttaient pour obtenir un lopin de terre à peine cultivable, et ceux d’en haut, qui rachètent des domaines immenses, font creuser des étangs et plantent le jardin bio-permaculture de leur rêve – pardon, font planter par des ouvriers agricoles – et semblent y jouer une vie, comme Marie-Antoinette dans la fausse fermette construite pour elle dans les jardins de Versailles. Puis ils s’étonnent que la population locale ne les accueille pas à bras ouverts… Bref, le monde agricole n’est pas un ailleurs, il est une autre partie du capitalisme où il faut lutter – même si le paysage y est souvent plus beau. Et d’ailleurs, les agriculteurs démissionnent aussi – de leur métier ou, c’est une réalité tragique, de leur propre vie. Les exploitants agricoles ont malheureusement la mortalité par suicide la plus élevée de toutes les catégories sociales.

      S’il y a bien un désir qui réunit la majeure partie des démissionnaires à qui j’ai parlé, et qui m’a moi-même animé, c’est celui de sortir du lien de subordination et du monde étouffant de l’entreprise en devenant indépendant. Ce désir d’indépendance, souvent snobé, quand on est de gauche, car il s’apparenterait à de la soumission déguisée en autonomie entrepreneuriale, n’est pourtant pas vécu comme un “projet” disruptif et capitaliste. Bien au contraire, les gens qui choisissent la voie de “l’auto-entrepreneuriat” et du freelance savent que c’est aussi une précarité économique que l’on peut vivre si on en a les moyens : quelques économies, un niveau de qualification suffisant, un petit réseau… Mais parfois, après avoir subi la violence du lien hiérarchique, on peut s’en contenter si c’est une possibilité. Mohamed, ingénieur, résume ce qui, pour lui, mène à l’envie d’indépendance, et qui résulte directement des impasses structurelles du travail sous le capitalisme contemporain : “Je n’ai que trois possibilités : faire partie d’un grand groupe (Atos, Orange, Thales, etc.), pire solution car travaillant exclusivement pour des actionnaires avec un boulot qui n’a aucun sens. Repartir en PME, ce qui est très bien pour 5 ans maximum mais on finit toujours par se faire racheter par les gros. Ou devenir indépendant.” Mais pour beaucoup, après la démission, c’est la quête d’un boulot salarié “moins pire” qui reste le seul choix possible.

      Démissionnaires de tous les secteurs, unissons-nous !

      Poussés dehors par des entreprises et des services publics de plus en plus macronisés (c’est-à-dire où la violence des rapports humains, la fausseté du discours et la satisfaction des actionnaires ou des gestionnaires prennent toute la place), nous sommes amenés à chercher des recours possibles pour mener une vie plus tranquille, un peu à l’égard de la guerre que le capitalisme nous mène. Mais l’ailleurs n’existe pas, ou bien il implique des choix de vie radicaux et sacrificiels. “Je me demande s’il y a moyen de dire fuck à la société capitaliste sans devenir un primitiviste babos qui ne se lave plus”, me résumait cette semaine mon frère, sans pitié. Franchement, sans doute pas. On peut s’épargner des souffrances inutiles en refusant le salariat, des boulots absurdes et profondément aliénants – quand on le peut – mais partout où on l’on se trouve, il faut lutter.

      Ce constat serait plombant si j’étais le seul à avoir quitté à répétition mes derniers emplois. Mais ce n’est pas le cas. Nous, démissionnaires, sommes des dizaines de milliers. Nous, les rescapés des ruptures conventionnelles, les démissionnaires sans allocations, les abandonneurs de postes, rejoignons chaque jour le cortège ordinaire des licenciés, des en-incapacité-de-travailler, des accidentés, des malades, de tous ceux qui ont été exclus ou se sont exclus du cursus honorum que le capitalisme accorde à celles et ceux qui ne font pas partie de la classe bourgeoise : baisse la tête, obéis au chef, endette-toi, fais réparer ta voiture et peut-être qu’à 40 ans tu seras propriétaire de ton logement.

      Nous, démissionnaires, sommes si nombreux et si divers. Les écœurés du virilisme des chantiers comme Yann, les saoulées du sexisme de boutique comme Sara, les rescapés de la brutalité patronale comme Arthur, les Selma et Damien qui ne veulent pas nuire aux habitants en faisant de la merde, les Céline, Paloma et Orianne qui n’ont pas rejoint le service public pour maltraiter élèves et patients mais aussi les Mohamed, les Hugo qui ne veulent pas engraisser des actionnaires en faisant de l’abattage de dossier pour gonfler les chiffres… Démissionnaires = révolutionnaires ? En tout cas, leur démission est une preuve de non-adhésion au système capitaliste.

      Démissionnaires de tous les secteurs : vous n’êtes pas seuls, nous sommes des milliers, et notre existence fait le procès de l’entreprise capitaliste. Notre amour du travail bien fait, de la justice et de la solidarité sont incompatibles avec la façon dont le capitalisme transforme nos activités, même celles qui en sont a priori le plus éloignées. Démissionnaires de tous les secteurs : unissons-nous !

      https://www.frustrationmagazine.fr/enquete-desertion

      #désertion #désertion_d'en_bas #démissionnaires #travail

    • pas de côté en paca - via Le Ravi

      https://www.leravi.org/social/alternatives/la-region-paca-loin-de-lextreme-droite-est-aussi-une-terre-de-resistance-a-l

      N’est-il pas plus beau pied-de-nez que d’avoir à passer devant le domicile de Christophe Castaner à Forcalquier pour aller à Longo Maï ? Une communauté autonome et autogérée bien implantée dans la région puisque présente aussi dans le Luberon et la Crau.

      Emblématique de cet attrait pour le pas de côté, deux lieux à Marseille (Manifesten et la Déviation) appartiennent au Clip, un réseau de lieux en propriété d’usage, en clair, un système de propriété collective qui permet à une demi-douzaine d’espaces gérés collectivement de « sortir » du marché immobilier ! Et, lors de l’AG annuelle, plusieurs projets en Paca se sont fait connaître, notamment du côté d’Avignon mais aussi dans les départements alpins.

      Comme le disait en rigolant un occupant de la « Zone à patates », cette Zad visant à préserver des terres agricoles de l’extension d’une zone industrielle à Pertuis : « Entre le bocage nantais et une Zad dans le sud, y a pas à hésiter ! » Même si la « Zap » est désormais expulsable à tout moment.

    • Intervention qui m’a un peu laissé dubitatif, par l’écart entre l’ampleur du problème décrit (avec des mots très justes) et la faiblesse de ce qui est mis en avant en conséquence, c’est à dire pas grand chose d’autre que la fuite individuelle. Une référence bienvenue à Terre de Liens qui font un gros boulot pour l’installation des jeunes, mais c’est à peu près tout.
      Ou alors j’ai pas pigé le propos...

    • @koldobika vers quelle alternative organisée pourraient-elles et ils se tourner ? ce qui est frappant, c’est l’émergence parmi les jeunes « éduqués » d’un tel courant exprimant le refus d’entrer « dans le système  » ; refus fondé sur des motivations diverses plus ou moins politiques (de la conscience du caractère destructeur du système, que ce soit social ou écologique, au rejet des perspectives de vie qui s’offrent à elleux). Qui aujourd’hui porte un tel rejet ?

      Par mon bout de lorgnette : j’interviens depuis pas mal de temps en tout de fin de cycle d’une spécialisation dans le domaine de l’énergie destinée à des ingénieurs tout juste sortis d’école ; ça fait 3-4 ans que certains d’entre eux expriment ce refus du système et sortent « ailleurs » que dans les débouchés naturels, les grands du secteur ou les startups variées, les unes comme les autres faisant pourtant miroiter à leur destination un monde nouveau à créer plein d’énergies renouvelables et de consommation maîtrisée par des réseaux intelligents… Je n’ai, hélas, pas la possibilité de suivre ce qu’elles et ils deviennent dans la durée.

    • @simplicissimus Est-ce du fait de l’endroit où j’habite, je m’attendais à ce qu’ils parlent de l’urgence à développer des systèmes nourriciers robustes en dehors de ce système destructeur qu’ils décrivent parfaitement bien. Des chambres d’agricultures issues de la paysannerie comme #EHLG, des associations d’aide à la conversion ou installation en bio, des centres de recherche comme le CREAB dans le Gers, batailler pou une sécurité sociale de l’alimentation, pour des modèles agricoles moins dépendants d’intrants globalisés, des initiatives comme https://www.prommata.org/?lang=fr, comme https://latelierpaysan.org etc. Il existe plein d’initiatives qui ne demandent qu’à être étendues, copiées, propagées, et je m’attendais à ce que ces jeunes agros les connaissent bien mieux que moi, et lancent un appel à reconstruire des agricultures non nuisibles et capables de survivre au bordel qui s’installe. Car malheureusement ce ne sont pas les fuites individuelles qui pourront contrecarrer les famines qui s’annoncent.

    • @latelierpaysan même
      https://www.creabio.org
      https://securite-sociale-alimentation.org

      Des désertions rendues publiques pour des raisons politiques, il y en a toujours eu, au moins depuis les années 70, et on voit bien que ça n’a jamais changé quoi que ce soit. Ce qui change un peu, ce qui est particulier, c’est peut-être la précocité de ces désertions, avant même d’être vraiment incorporés au système (même si les écoles d’ingé c’est déjà en faire partie). Mais même pas sûr si on lit les archives des années post 68, yavait aussi des très jeunes comme ça.

      Donc oui c’est pas ça qui va changer la face du monde, et c’est vrai que publiciser dans une grande salle + dans une vidéo devenue pas mal virale, des initiatives comme l’atelier paysan ou la SSA, ça aurait carrément eu plus de gueule que juste dire « je vais faire du miel à la place ». Une occasion un peu manquée.

    • Il y a un autre phénomène qui n’a pas été soulevé : c’est le nombre important de bac + 5 ou plus qui s’installent en tant qu’agriculteurs. Pour ma part, je n’y vois pas forcément un effet de cette désertion, mais de la complexité de la démarche même de l’installation agricole.

    • Je trouve ça plutôt inquiétant. Dans ma vision idéale du futur, il n’y a pas besoin de faire bac + 5 (avec tout ce que ça suppose à la fois en terme de concurrence pour y accéder à ce niveau que de vision du monde acquise via un tel parcours) pour cultiver la terre et nourrir autrui.
      Je ferai même un lien avec l’influence du réseau salariat dans les alternatives alimentaire et agricoles, lequel propose un salaire à vie dont le montant est fonction de la qualification.

    • @deun Le problème c’est que les études sont vues comme un « bagage », une compétence potentielle. Et on se juge beaucoup plus sur ce qu’on pourrait être que sur ce qu’on est.

      Un bac+5 / 7 / 11 est encore vu comme supérieur à un bac-3 / 0 / 2 / 3 dans l’esprit collectif. Même quand le second fait un truc bien plus utile et nécessaire que le premier (comme ramasser les poubelles, faire pousser des légumes ou faire du pain). Et le salaire, n’en parlons même pas, va en proportion des études. Souvent indexé sur les « responsabilités », qui est un synonyme de domination des autres (combien de personne tu encadres) ou les capitaux engagés (combien de fric tu brasses, alors qu’en général, c’est pas le tiens).

      Donc les études, c’est un peu un pare-chocs social, un badge que tu brandis quand on est un peu trop condescendant envers toi : « Je pues le poireau et le lisier de porc ? Mais j’ai fait des études, je sais écrire et parler, je maitrise la rhétorique aussi bien que l’algèbre, alors viens pas me chercher sur l’échelle sociale ! »

      Bon, ça ne rend pas confiant en soi pendant des décennies quand tu fais un boulot chiant et nul ou éco-destructeur à te maudire sur 13 générations, et ça rendrait même un peu schizophrène. Et puis c’est un peu une reproduction du système qu’on refuse tant.

    • Partie 2, c’est peut etre aussi pour cela que le syndicalisme ne reprend pas de membres ou se divise en petits syndicats.
      Et oui, les salariés étant plus instruits, ils se sentent aussi plus apte à se défendre individuellement, là où d’autres complétaient leurs lacunes en s’unissant.

  • « Jamais les patients ne se sont sentis aussi fragiles et en danger face à un système hospitalier public exsangue »

    « On ne réécrit pas l’histoire en un claquement de doigts », soulignait récemment le ministre de la santé [dans Libération du 27 octobre]. Pourtant, ni les 12 milliards d’euros annoncés à l’occasion du Ségur de la santé, ni les promesses de voir arriver une nouvelle génération de soignants (dans des délais indéterminés) ne suffisent à endiguer le départ des personnels des hôpitaux publics. Repos fragmentés, plannings irréguliers, manque de reconnaissance, les soignants n’en peuvent plus et cela affecte désormais de plus en plus lourdement les soins.

    Nous attendons des mesures fortes, incitatives et immédiates de la part des femmes et des hommes politiques, représentants de l’Etat et garants de la santé de leurs concitoyens, de notre santé.
    Maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, accident vasculaire cérébral, épilepsie, maladie de Charcot-Marie-Tooth, neuropathies inflammatoires, sclérose en plaques, amyloses, myopathies, amyotrophies spinales, sclérose latérale amyotrophique, myasthénie, dystrophies musculaires… Des maladies neuromusculaires aux maladies neurodégénératives, nous sommes plusieurs millions de personnes malades et proches de patients particulièrement concernés par la fermeture continue de lits dans les unités spécialisées des hôpitaux publics.

    L’accueil et la prise en charge de ces personnes malades aux besoins hétérogènes et complexes requièrent beaucoup de personnel médical et paramédical aux compétences spécifiques. S’habiller, se laver, manger, se déplacer, aller aux toilettes, communiquer, être en sécurité, prendre un traitement sont autant d’éléments pourtant essentiels, mais particulièrement concernés par le manque de personnel.
    Devons-nous rappeler la valeur constitutionnelle de la protection de la santé dans notre pays ?

    « Désertion sanitaire »

    Il est clair qu’aujourd’hui, en France, dans les services de neurologie, faute de personnels, la réponse aux besoins des malades n’est plus adaptée. Si nous ne voulons pas voir arriver une catastrophe sanitaire d’une tout autre nature que celle que nous venons de vivre, il faut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour attirer et retenir les personnels dans les unités de soins.

    Bien que nous ne disposions hélas pas de chiffres très précis, nous constatons que certains services ont dû fermer parfois plus de la moitié de leurs lits. Si les hôpitaux de l’AP-HP sont souvent mis en lumière, en réalité, bien peu d’établissements publics échappent à ce mouvement de « désertion sanitaire » d’une ampleur inédite.
    Au-delà, n’oublions pas que l’hôpital public est un acteur majeur dans la mise en application de soins hautement techniques, dans l’évolution des connaissances à l’origine d’innovations pour les malades de demain ou encore dans la délivrance d’une expertise hautement spécialisée.

    150 à 200 jours

    Soins suspendus, décalés par manque de ressources humaines qualifiées, chaque jour le fardeau qui pèse sur les malades et les familles les conduit à se tourner vers des associations qui n’ont de cesse d’alerter.
    Des maladies neuromusculaires aux maladies neurodégénératives, nous sommes plusieurs millions de malades et proches de patients concernés par la fermeture continue de lits dans les unités spécialisées des hôpitaux publics

    Dans certains hôpitaux, les prises en charge programmées sont décalées de 150 à 200 jours. Comment expliquer à un malade que son accès aux soins n’est plus garanti ou que le maintien de son autonomie physique n’est pas assuré par notre système de santé ? Et que faute d’accès à son traitement habituel, il va perdre l’usage de la marche, de ses membres supérieurs et qu’on ne sait pas si, quand et comment il pourra récupérer ?
    Nous aurions pu croire qu’avec la pandémie et les difficultés d’accès aux soins pour les malades chroniques, une prise de conscience politique et sociétale était en marche. En réalité, ce sont les soignants qui ont pris conscience des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et qui massivement ont décidé de partir ; et l’on constate combien ils sont de loin plus réactifs que la mise en œuvre d’une nouvelle politique de santé…
    En fait, jamais les patients ne se sont sentis aussi fragiles et en danger face à un système hospitalier public lui-même exsangue.

    Maltraitance professionnelle

    Le ministre de la santé évoquait récemment une « situation compliquée ». A y regarder de plus près, les choses nous paraissent extrêmement simples. Il ne s’agit pas seulement de former plus mais avant tout de revaloriser de manière conséquente une profession dont on a laissé le statut en totale désuétude pendant des années.

    Il faut cesser cette forme de maltraitance professionnelle auprès de soignants qui, au-delà de questions salariales, se sentent aujourd’hui épuisés et plus que tout malmenés par une administration incapable d’entendre les propositions et de mener des changements structurels permettant d’offrir des conditions de travail et des moyens pour une prise en charge de qualité.
    Il semble désormais indispensable pour le ministère de la santé à travers son administration hospitalière de reconstruire une confiance perdue, et cela passe par des actes forts. Gageons que nous trouverons rapidement une issue pour rebâtir ensemble, quoi qu’il en coûte…

    Liste des signataires : Alain Derbesse, président de l’Union pour la lutte contre la sclérose en plaques (Unisep) ; Olivier Heinzlef, président de la Ligue française contre la sclérose en plaques ; Joël Jaouen, président de France Alzheimer et maladies apparentées ; Martine Libany, présidente de Charcot-Marie-Tooth et neuropathies périphériques France (CMT-France) ; Christophe Lucas, président d’Epilepsie France ; Françoise Pelcot, présidente de l’Association française contre l’amylose ; Jean-Philippe Plançon - Président de l’Association française contre les neuropathies périphériques ; Pascale Ribes, présidente d’APF France Handicap ; Didier Robiliard, président de France Parkinson ; Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’Association française contre les myopathies (AFM)-Téléthon.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/15/jamais-les-patients-ne-se-sont-sentis-aussi-fragiles-et-en-danger-face-a-un-

    #hôpital #santé_publique #soignants #désertion_sanitaire

  • Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020

    Deux ans après une première publication sur la question (https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7), l’ODAE romand sort un second rapport. Celui-ci offre une synthèse des constats présentés en 2018, accompagnée d’une actualisation de la situation.

    Depuis 2018, l’ODAE romand suit de près la situation des requérant·e·s d’asile érythréen∙ne∙s en Suisse. Beaucoup de ces personnes se retrouvent avec une décision de renvoi, après que le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) a confirmé la pratique du #Secrétariat_d’État_aux_Migrations (#SEM) amorcée en 2016, et que les autorités ont annoncé, en 2018, le réexamen des #admissions_provisoires de quelque 3’200 personnes.

    En 2020, le SEM et le TAF continuent à appliquer un #durcissement, alors que la situation des droits humains en #Érythrée ne s’est pas améliorée. Depuis près de quatre ans, les décisions de renvoi tombent. De 2016 à à la fin octobre 2020, 3’355 Érythréen·ne·s avaient reçu une décision de renvoi suite à leur demande d’asile.

    Un grand nombre de requérant·e·s d’asile se retrouvent ainsi débouté·e·s.

    Beaucoup des personnes concernées, souvent jeunes, restent durablement en Suisse, parce que très peu retournent en Érythrée sur une base volontaire, de peur d’y être persécutées, et qu’il n’y a pas d’accord de réadmission avec l’Érythrée. Au moment de la décision fatidique, elles perdent leur droit d’exercer leur métier ou de se former et se retrouvent à l’#aide_d’urgence. C’est donc à la constitution d’un groupe toujours plus important de jeunes personnes, exclues mais non renvoyables, que l’on assiste.

    C’est surtout en cédant aux pressions politiques appelant à durcir la pratique – des pressions renforcées par un gonflement des statistiques du nombre de demandes d’asile – que la Suisse a appréhendé toujours plus strictement la situation juridique des requérant∙e∙s d’asile provenant d’Érythrée. Sur le terrain, l’ODAE romand constate que ces durcissements se traduisent également par une appréciation extrêmement restrictive des motifs d’asile invoqués par les personnes. D’autres obstacles limitent aussi l’accès à un examen de fond sur les motifs d’asile. Au-delà de la question érythréenne, l’ODAE romand s’inquiète pour le droit d’asile au sens large. L’exemple de ce groupe montre en effet que l’application de ce droit est extrêmement perméable aux incitations venues du monde politique et peut être remaniée sans raison manifeste.

    https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7

    Pour télécharger le rapport :
    https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2020/12/RT_erythree_2020-web.pdf

    #rapport #ODAE_romand #Erythrée #Suisse #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #droit_d'asile #protection #déboutés #permis_F #COI #crimes_contre_l'humanité #service_militaire #travail_forcé #torture #viol #détention_arbitraire #violences_sexuelles #accord_de_réadmission #réadmission #déboutés #jurisprudence #désertion #Lex_Eritrea #sortie_illégale #TAF #justice #audition #vraisemblance #interprètes #stress_post-traumatique #traumatisme #trauma #suspicion #méfiance #procédure_d'asile #arbitraire #preuve #fardeau_de_la_preuve #admission_provisoire #permis_F #réexamen #santé_mentale #aide_d'urgence #sans-papiers #clandestinisation #violence_généralisée

    ping @isskein @karine4

  • “La justice, ce n’est pas ça”

    Cela fait des mois que Mohamed ne dort plus. Il tourne comme un lion en cage depuis que les tribunaux helvétiques ont refusé sa demande d’asile, après qu’il a déserté l’armée syrienne et que sa famille, à Alep, subit à la fois les persécutions de l’armée turque et celles des forces gouvernementales de Bachar el-Assad. Ce jeune informaticien de 29 ans, polyglotte, toujours prêt à rendre service, est convaincu que s’il devait rentrer en Syrie, ce serait sa condamnation à mort ou, au minimum, à la prison. Mais pas de quoi émouvoir la justice helvétique qui, selon les organisations d’aide aux réfugiés, interprète le droit d’asile de manière toujours plus restrictive à l’égard des déserteurs.

    A l’heure actuelle, être Kurde et Syrien équivaut à une double malédiction. Mohamed y a provisoirement échappé en venant en Suisse où il a demandé l’asile, en septembre 2015. Mais pas sa famille, pour laquelle il ne cesse de se ronger les sangs. Il y a peu, sa mère malade et ses deux sœurs sont retournées dans leur ville natale d’Alep (ouest), après que leur maison d’Afrin a été brûlée puis réquisitionnée par des soldats turcs. La même Alep qu’elles avaient fuie une première fois sous les bombes. Un de ses frères a disparu depuis plus de deux mois. Un autre aurait été enrôlé dans l’armée « pour le remplacer », et ses deux beaux-frères ont été tués du fait qu’ils étaient membres du Parti de l’union démocratique (PYD), le parti kurde de Syrie, raconte-t-il.
    Renvoi « pas raisonnablement exigible »

    Et quand sa mère lui demande au téléphone si lui au moins est en sécurité en Suisse, il se désole : « Je suis obligé de mentir. »

    En juillet 2017, sa demande d’asile a été rejetée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), au motif qu’il n’était pas parvenu à apporter les preuves de sa désertion (perdues dans divers déménagements). Puis le Tribunal administratif fédéral a rejeté son recours sur sa demande de réexamen, en avril dernier, arguant cette fois que le fait d’avoir déserté n’est pas un motif suffisant en soi, du moment qu’il n’apparaît pas comme un opposant au régime, ni en Syrie ni en Suisse. Il bénéficie toutefois d’une admission provisoire, le tribunal ayant admis que son renvoi dans l’enfer syrien n’était pas « raisonnablement exigible ».

    « A moins qu’il dispose de moyens de preuves additionnels, très solides, la voie juridique est close », déplore Marie-Claire Kunz, juriste au Centre social protestant (CSP). « La question qui se pose ici est de savoir si la désertion en Syrie doit être considérée comme un délit politique ou non, ajoute-t-elle. La Cour européenne des droits de l’homme n’est pas compétente pour y répondre et il n’y a malheureusement pas de juridiction internationale contraignante dans le domaine. »
    Juges suisses particulièrement restrictifs

    Le jugement à l’encontre de Mohamed est particulièrement sévère, estime la juriste, mais de loin pas exceptionnel. Le CSP se bat actuellement pour faire reconnaître le statut de réfugiés à plusieurs déserteurs érythréens déboutés.

    La pratique des tribunaux, et de certains juges en particulier, s’est durcie depuis la révision de la loi sur l’asile (LAsi), en 2013, rapporte-t-elle. Désormais, le refus de servir ou la désertion ne sont plus suffisants pour obtenir l’asile. Toutefois, pour ne pas se mettre en porte-à-faux avec le droit international, la loi (art. 3 al. 3 LAsi) précise que les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 demeurent réservées.

    Or, selon Marie-Claire Kunz, le « glissement » opéré par les juges helvétiques à l’égard des déserteurs ces dernières années viole ladite convention. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ajoute qu’en Suisse seul un tiers des Syriens obtiennent le statut de réfugiés alors que l’Allemagne l’accorde dans la quasi-totalité des cas, eu égard à la situation effroyable qui règne dans le pays.

    Pendant ce temps, Mohamed s’accroche à ce qu’il peut, refusant de croire que « la Suisse, pays des droits de l’homme, pourrait se montrer aussi injuste ». Il a écrit au SEM pour obtenir un entretien, frappé aux portes de nombreuses associations. En vain. « Le seul espoir qu’il me reste, c’est la société protectrice des animaux », conclut-il amèrement.


    https://asile.ch/2018/08/21/le-courrier-la-justice-ce-nest-pas-ca
    #justice #réfugiés_syriens #Syrie #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_syriens #désertion #armée #droit_d'asile #Suisse

    Lien vers l’article dans Le Courrier :
    https://lecourrier.ch/2018/08/16/la-justice-ce-nest-pas-ca
    #paywall

    Et une comparaison avec l’Allemagne (#loterie_de_l'asile) :

    L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ajoute qu’en Suisse seul un tiers des Syriens obtiennent le statut de réfugiés alors que l’Allemagne l’accorde dans la quasi-totalité des cas, eu égard à la situation effroyable qui règne dans le pays.

  • Friedenspreisträger Ludwig Baumann ist im Alter von 97 Jahren gestorben | Bremen
    https://www.kreiszeitung.de/lokales/bremen/friedenspreistraeger-ludwig-baumann-alter-jahren-gestorben-10009966.htm


    Ludwig Baumann était le dernier de sa génération à avoir ouvertement dit non aux ordres du régime nazi. Il vient de nous quitter à 97 ans.

    Bremen - Der langjährige Vorsitzende der Bundesvereinigung Opfer der NS-Militärjustiz, Ludwig Baumann, ist tot. Er sei am Donnerstagmorgen im Alter von 97 Jahren gestorben, teilte ein Sprecher des Verbandes in Bremen mit.
    ...
    Vor allem Baumann war es, der über Jahrzehnte trotz massivster Anfeindungen für die Rehabilitierung von Wehrmachtsdeserteuren und sogenannten „Kriegsverrätern“ gekämpft hatte.
    ...
    Baumann war der einzige Überlebende jener 36 Initiatoren, die 1990 die Bundesvereinigung Opfer der NS-Militärjustiz gegründet haben. Rund 30.000 Deserteure, Verweigerer und „Kriegsverräter“ wurden von der NS-Militärjustiz zum Tode verurteilt, etwa 20.000 hingerichtet. „Der Soldat kann sterben, der Deserteur muss sterben“, lautete Hitlers Weisung.

    Erst 2002 wurden Deserteure offiziell rehabiliert

    Nach dem Krieg galten noch lange die Unrechtsurteile der NS-Militärjustiz. Der Bundestag hob sie erst 1998 auf. Vier Jahre später beschloss das Parlament dann die pauschale Rehabilitierung von Deserteuren.

    Leben | Ludwig Baumann
    http://ludwigbaumann.de/leben/index.html

    Ludwig Baumann kehrte aus der Kriegsgefangenschaft in Russland in eine Gesellschaft zurück, die Deserteure als „Verräter“ und „Feiglinge“ ächtete. In kurzer Zeit vertrank er sein Erbe. Als seine Frau bei der Geburt des sechsten Kindes starb, sagte er sich vom Alkohol los und zog seine Kinder groß.

    Im Jahr 1990 gründete er mit etwa 40 noch lebenden Wehrmachtsdeserteuren und einigen engagierten Wissenschaftlern und Historikern die Bundesvereinigung Opfer der NS-Militärjustiz. Die Bundesvereinigung kämpfte um eine Aufhebung der damals immer noch bestehenden Unrechtsurteile gegen Deserteure, so genannte Wehrkraftzersetzer und Selbstverstümmler sowie gegen weitere Opfer der NS-Militärjustiz. Das Ziel einer vollständigen Rehabilitierung wurde erst 2002 mit dem Gesetz zur Aufhebung nationalsozialistischer Unrechtsurteile in der Strafrechtspflege erreicht.

    Ludwig Baumanns Blick blieb nicht auf die eigene Sache beschränkt. Er engagierte sich auch in der Friedensbewegung und für eine gerechtere Welt. An den Einberufungsterminen zur Bundeswehr stand er regelmäßig vor Kasernen und versuchte mit den Einberufenen ins Gespräch zu kommen. Seine Botschaft: „Leistet Widerstand, wenn ihr Befehle bekommt, denen ihr im zivilen Leben nicht folgen würdet.“

    Ludwig Baumann (Wehrmachtsdeserteur) – Wikipedia
    https://de.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Baumann_(Wehrmachtsdeserteur)

    Ludwig Baumann (* 13. Dezember 1921 in Hamburg; † 5. Juli 2018 in Bremen) war ein deutscher Wehrmachtsdeserteur und Friedensaktivist.
    ...
    Weblinks
    Commons: Ludwig Baumann – Sammlung von Bildern https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Ludwig_Baumann_(Deserteur)?uselang=de
    Ludwig Baumann: Das Unrecht an den Deserteuren. In: Ossietzky 23/2004. wiedergegeben auf der Website „Sozialistische Positionen“, archiviert vom Original am 6. März 2016. https://web.archive.org/web/20160306084329/http://www.sopos.org/aufsaetze/41a6e4ba4081a/1.phtml
    Ludwig Baumann: Zehn Monate in der Todeszelle: Ansprache zum Weltfriedenstag. Montagsdemo am Antikriegstag 2008 (mp3, 3,7 MB, 15:28 Minuten). http://www.bremer-montagsdemo.de/196/Ludwig_Baumann.mp3
    Markus Deggerich: Wehrmachtsdeserteure: Ein deutscher Held. In: einestages auf Spiegel Online. 13. Dezember 2011. http://einestages.spiegel.de/static/topicalbumbackground/24086/ein_deutscher_held.html
    Ludwig Baumann zum 90. Geburtstag. In: ludwigbaumann.de. http://ludwigbaumann.de/index.html
    Günter Knebel: Nachruf auf Ludwig Baumann (13.12.1921 – 05.07.2018). Bundesvereinigung Opfer der NS-Militärjustiz e.V., 5. Juli 2018 (pdf, 277 kB). http://upgr.bv-opfer-ns-militaerjustiz.de/uploads/Dateien/Stellungnahmen/LBNachruf20180705.pdf

    #Allemagne #guerre #antifascisme #désertion

  • Ruling gives a drop of hope for asylum seekers facing deportation in Israel

    A Justice Ministry appeals tribunal last week handed down what many are hoping will be a groundbreaking ruling for Eritrean asylum seekers in Israel. A judge ruled that desertion from the Eritrean army, which forms at least part of the basis of a great number of Eritrean nationals’ asylum applications, is a valid basis for refugee status. Up until now, the Interior Ministry has refused to recognize desertion as a basis for refugee status in asylum claims.

    https://972mag.com/ruling-gives-a-drop-of-hope-for-asylum-seekers-facing-deportation-in-israel/133270
    #désertion #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #Israël #procédure_d'asile #statut_de_réfugié

  • Ucraina, dove l’obbedienza non è una virtù. I tanti richiedenti asilo fuggiti alla leva obbligatoria per non essere costretti a uccidere

    Ucraina, regione del #Donbass, oggi: il conflitto tra governo di Kiev ed indipendentisti filo russi ha provocato la morte di 9600 persone in tre anni. Situazione di vero disastro umanitario. Si combatte in mezzo ai villaggi, tra la popolazione civile inerme. Si utilizzano da ambo le parti belligeranti munizioni a grappolo (razzi cluster) che mietono vittime tra i civili, anche bambini. Sono stati bombardati villaggi (Uglegorsk e Nikishino) senza consentire un corridoio umanitario. A #Donetsk gli abitanti sono stati trasformati in scudi umani.


    https://www.cartadiroma.org/news/quinto-non-uccidere
    #désertion #asile #migrations #réfugiés #Ukraine #armée

    • «Migration lässt sich nicht stoppen, nur kontrollieren»

      Von der verschärften Schweizer Asylpraxis für Eritreer hält François Crépeau gar nichts. Für den UNO-Sonderberichterstatter für Migration führt sie in die verkehrte Richtung.

      Les mots de François Crépeau, traduits en français par un collègue:

      « Quand il existe un consensus au sein des institutions de l’ONU pour dire que les dangers rapportés doivent être pris au sérieux et qu’il demeure dangereux de retourner en Erythrée, cela devrait être la position de l’ensemble de la communauté des Etats jusqu’à ce que la preuve du contraire soit apportée. L’Etat de droit ne peut quand même pas bâtir sa politique migratoire et d’asile sur des doutes. L’inverse doit prévaloir : tant que des doutes existent sur les besoins de protection, la protection doit avoir la priorité » (traduction libre).

      http://www.bernerzeitung.ch/schweiz/standard/migration-laesst-sich-nicht-stoppen-nur-kontrollieren/story/31808595

  • A Contre-Emploi | Autographie, s’écrire soi-même.
    http://autographie.org/blog/2016/04/05/a-contre-emploi

    Annotations :

    Mais comme il n’y a pas d’emploi sans employeur, sans #Travail prescrit et commandé, sans enrôlement salarial, sans assujettissement à la hiérarchie ou au Marché, comme il ne nous est pas proposé de contrat de travail qui ne soit d’abord un renoncement au sens de la vie et à celui de la production, nous sommes particulièrement intéressés de concourir à cette « victoire » dans la mesure où des espaces de « contre-emploi », de vie sans #emploi, vont être créés pendant ce temps et, espérons-le, seront durablement soutenus. C’est contre le moindre jour d’emploi que nous nous battons, et nos absences du conflit social ne signifient pas que nous nous tournons les pouces. Nous (...)

    #Loi_travail #désertion #lutte #autonomie

  • Migration Scholars | Les déserteurs, notamment syriens, sont-ils des réfugiés ?
    http://asile.ch/2016/03/28/migration-scholars-les-deserteurs-notamment-syriens-sont-ils-des-refugies

    La Suisse n’accorde l’asile aux déserteurs syriens que de manière très limitée, car ceux-ci sont rarement en mesure de prouver qu’ils seraient exposés à des sanctions disproportionnées en cas de retour. Ce faisant, la Suisse ignore les recommandations du HCR qui considère que les réfractaires et les déserteurs présentent un profil à risque sous l’angle […]

  • Amnesty | Érythrée : Accueillir les réfugiés fuyant la conscription illimitée
    http://asile.ch/2015/12/19/amnesty-erythree-accueillir-les-refugies-fuyant-la-conscription-illimitee

    Des jeunes en grand nombre tentent d’échapper au service national à durée indéterminée qui a cours en Érythrée, ce qui ne fait qu’aggraver la crise mondiale des réfugiés. Ils ont droit à une protection internationale, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport qui se fonde sur des entretiens d’Erythréens ayant fui leur pays et dont […]

  • Amnesty International | Juste des déserteurs ?
    http://asile.ch/2015/12/03/amnesty-international-juste-des-deserteurs

    Dans un rapport publié en Décembre 2015, Amnesty International fait un état des lieux du service militaire obligatoire à durée indéterminée en vigueur en Érythrée. Un système qui pousse les citoyens érythréens à fuir, créant une génération entière de réfugiés. Rapport publié en anglais sur le site d’Amnesty International, en décembre 2015. Cliquez ici pour […]

  • http://www.arteradio.com/son/615989/la_puce_a_l_oreille
    http://download.arteradio.com/sons/04lapucealoreille_hq_fr.mp3

    La puce à l’oreille

    Quitter la science pour la cuisine (21’05’’)
    « Nos recherches modifient le champ social »
    Jacques Mora

    A Grenoble, le scientisme est une religion. Mais cette fringale de hautes technologies peut provoquer des indigestions. Antoine Keledjan est un défroqué : chercheur au CEA avant de "perdre la foi" devant la privatisation rampante de la recherche et ses abus, il ouvre en janvier 2006 Les Bas-côtés, épicerie-cantine populaire. Il y sert avec Charles Molina une cuisine bio, simple et délicatement relevée.

    Enregistrements : 14, 15 décembre 10
    Mise en ondes & mix : Samuel Hirsch
    Entretiens, montage & musique : Jacques Mora