Soutenue par l’UE, Giorgia Meloni investit en Afrique pour limiter l’émigration
Le Monde avec AFP
Giorgia Meloni, première ministre italienne, promeut vendredi 20 juin son « plan Mattei », aux ambitions jugées par certains irréalistes. Son but : soutenir les économies africaines pour limiter l’émigration venant d’Afrique, tout en y étendant l’influence de l’Italie. Lors de ce sommet coprésidé par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne est à Rome pour soutenir ce dispositif porté à bout de bras par la cheffe du gouvernement italien ultraconservateur.
Au dire de la présidente du conseil des ministres italien, cette initiative mobilisera 5,5 milliards d’euros pour des initiatives éparpillées sur quatorze pays (principalement ceux du Maghreb – sauf la Libye – le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Kenya, l’Ethiopie), mais selon un rapport officiel de novembre 2024, moins de 2 milliards d’euros ont déjà été assignés par l’Italie à des projets précis, sous forme de dons, de prêts ou de garanties sur plusieurs années.
A l’occasion de ce sommet, Bruxelles cherchera à faire converger le plan italien et sa stratégie Global Gateway annoncée en 2021, qui inclut de nombreux investissements en Afrique en réponse au programme chinois des « nouvelles routes de la soie ». Interrogée jeudi 19 juin, une porte-parole de la Commission européenne a estimé que le plan Mattei est une « contribution importante » à ce projet européen, dont les financements à hauteur de 150 milliards d’euros font pourtant pâlir les 5,5 milliards avancés par Rome.
Pour « supprimer les causes » de l’immigration clandestine en Italie, Giorgia Meloni avait annoncé un mois après son élection en 2022 vouloir soutenir les économies des pays africains. D’où ce plan qui porte le nom d’Enrico Mattei, père fondateur du géant italien des hydrocarbures Eni, connu pour avoir mis en place des contrats d’extraction de pétrole plus avantageux pour les pays producteurs.
C’est précisément cet héritage que revendique Rome, qui promet des relations avec l’Afrique dénuées de « paternalisme ». Une allusion à peine dissimulée à la France, qui a vu son influence en Afrique reculer, plusieurs pays du Sahel ayant sommé Paris de retirer ses forces militaires. De fait, d’un point de vue diplomatique, l’Italie peut s’afficher comme un acteur plus « présentable » que la France pour porter les intérêts européens, selon le professeur à l’Université de Milan et chef du programme Afrique de l’Institut pour les études de politique internationale, Giovanni Carbonne.
Ce plan permet également de renforcer les relations commerciales entre l’Italie et le continent dans l’énergie, alors que l’invasion russe en Ukraine a forcé l’Italie à chercher de nouveaux fournisseurs de l’autre côté de la Méditerrannée – en Algérie notamment. Il y a certes l’énergie et les matières premières mais d’autres fonds sont destinés à l’éducation, la santé et l’accès à l’eau. Rome compte par exemple participer au financement d’une voie ferrée entre la Zambie et l’Angola, et investir 65 millions d’euros dans la production de biocarburants au Kenya.
Mais le gouvernement « a trop promis » en faisant miroiter que ces investissements pourraient réduire le nombre de migrants en créant des emplois et de la croissance. « Les financements que l’Italie peut mettre à disposition ne sont pas à la bonne échelle », a jugé Giovanni Carbone. Il ajoute que « le suivi » des projets « sera important » et note que « les efforts sur le sujet ne sont pas encore suffisants ».
Le « plan Mattei » a globalement été bien reçu par les gouvernements partenaires. Toutefois, bien que le président kényan, William Ruto, avait salué l’ambition de ce plan, il avait prévenu que « l’investissement seul n’est pas suffisant ». Il rappelait les obstacles pour les économies africaines qui doivent payer « cinq fois plus leur dette » que les pays européens. Pour l’ONG ReCommon, qui « travaille pour contrer le pouvoir des multinationales », les investissements du « plan Mattei » pourraient servir avant tout les intérêts des « grandes entreprises de l’industrie italienne des combustibles fossiles », a expliqué Simone Ogno qui s’occupe des sujets liés à la finance et au climat pour l’organisation. D’importantes sociétés italiennes sont impliquées dans le plan – comme Eni, le transporteur d’électricité Terna ou encore le groupe agro-industriel Bonifiche Ferraresi.