• Pierre France, La valse du taux de change au Liban
    https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid0Us5G2PiSm8LMHoSwzhCgQ9Zu8yT7ypZhrCVdgjHZDBT5yUQ

    Il y avait cette semaine au Liban quelque chose d’inédit, passé dans les fils twitter, et qui a été majoritairement pris sous son angle tragi-comique : une note de restaurant, avec deux cafés identiques, et deux prix différents. Parce que dans la même journée la livre avait connu plusieurs augmentations. Cette note n’est pas tant le témoin d’une livre qui bouge vite, que d’une évolution des pratiques autour de ces fluctuations, à savoir le fait que désormais les prix s’adaptent en direct ou presque (notamment par la numérisation des menus, qui constitue un petit marché émergent de la crise). D’autres magasins affichent leur taux, par exemple en renouvelant sans cesse le post-it qui l’indique, tout en ayant désormais des prix fixes et imprimés comme tels en dollars.
    C’est un des petit détails auxquels on peut observer ce que veut dire le passage d’"un seuil" dans le cas de la monnaie libanaise - qui a encore une fois cette semaine fluctué de manière dramatique, atteignant les 60000 livres pour un dollar - pré-2019 elle était à 1500 pour un dollar, exactement 40 fois plus. Les seuils ne sont pas seulement des comptes ronds et des frontières qu’on pourra établir à posteriori pour de futures études, ce sont des lignes vécues, investies, anticipées, craintes, par rapport auxquelles les calculs ordinaires sont omniprésents et écrasants.
    Ces seuils étaient auparavant complexes à passer, on voyait la ligne avec inquiétude, avec l’hypothèse en suspension d’un moment où symboliquement le service (ce taxi collectif du quotidien) quitterait le domaine du 2000 livres libanaises, alors même que chaque jour la valeur de la course diminuait et que ce prix fixé depuis des lustres tenait bon. Ils sont au fil du temps devenus plus flexibles, moins dépendants d’une autorité qui annoncerait fataliste qu’il faut changer les prix (par exemple dans le cas des prix de taxis, un syndicat) ou les contrôlerait (le ministère du tourisme en 2020 qui a imposé aux restaurants un contrôle des prix). Ils sont devenus plus individualisés, moins réversibles aussi ; et avec cette flexibilité croissante s’installe des pratiques qui facilitent ces fluctuations, les anticipent dans des dispositifs techniques et des codes réinventés et admis par tou.te.s. La première chose admise étant désormais simple, mais avec des conséquences lourdes, à savoir que les prix changent et peuvent changer : en une semaine, le prix du bus numéro 4, l’une des seules lignes opérationnelles de Beyrouth a changé deux fois, 30,000 dimanche dernier, 35000 cette semaine. Auparavant, il avait changé en Juin 2022 (20,000), Mars (15000), Novembre 2021 (12000), fin-août (10,000), mi-août (5000), Juillet (4000), Mai (3000), précédemment entre 2019 et mai 2021 il n’avait changé qu’une fois (passant de 1000 à 2000).
    Il avait jusque là à chaque fois quelque chose qui ressemblait à un pas mal assuré et qui se jouait à contre-temps, quelques jours après les coups de folie et les variations les plus importantes, une fois que les choses se calmaient. Un changement résigné, gêné de la part de ceux qui le changaient, face à une fluctuation dont personne ne comprenait la logique, et qu’on attribuait surtout à des enjeux et des choix (géo)politiques, ou une minorité de salauds de profiteurs, plutôt qu’à l’effet cumulé de pratiques micro-économiques où chacun prend une part de responsabilité. Dorénavant, le changement se fait quasiment dans la journée même, ce qui veut dire qu’économiquement il accompagne quasiment le moment de fluctuation au lieu d’intervenir après, et donc ne favorise aucunement une retombée du taux de change, voire évidemment précipite le seuil qu’on veut éviter (ce qui a été le cas ces derniers jours quand on a atteint 48000 et que 50000 se rapprochait trop).
    Ce qui veut dire que le changement de valeur de la monnaie est aussi une question de participation bien plus large, un mouvement social sourd, au delà de l’aspect structurel et de la décision claire au fondement de ces derniers mouvements (une variation d’un des taux de change officiels, oui il y en a plusieurs en fonction de ce dont on parle, qui a fait bondir certains prix et certaines factures). Autrement dit il y a eu une socialisation à la crise économique, qui a des conséquences en retour.
    Conséquences conomiques mais aussi politiques. Les effets politiques de cette extension des pratiques et des calculs économiques à tout le monde sont potentiellement dramatiques : ces pratiques individualisantes, où chacun est en compétition avec chacun, de fait, pèsent nécessairement sur toute notion de citoyenneté et de co-dépendance, et servent totalement un régime libanais qui peut regarder chaque personne dans les yeux et tranquillement lui dire qu’il ou elle est désormais complice à s’empresser de changer ou rechanger son argent, de stocker son essence, de profiter de la dernière circulaire de la banque centrale poru récupérer son argent à tel ou tel taux, etc. C’est l’effet le plus pernicieux d’une pratique qu’ont inventé les milices pendant la guerre (que je pense avoir été bien plus structurante à l’époque que le jeu sur les identités confessionnelles, car plus quotidienne et en prise directe avec des éléments pratiques) : celui de transformer les obligations qu’elles ont pu imposer (notamment sur la monnaie et l’électricité) en preuve opposable, celle de la complicité passive, qui permet ensuite de reprocher à chacun « d’avoir fait ses choix », d’avoir participé même de loin, et en conséquent de ne plus être fondé à pouvoir se plaindre.
    A ce noeud politique démobilisateur, auquel il faut ajouter une variable temporelle (on n’a pas le temps de descendre dans les rues quand on le prend pour aller à la banque ou chez le changeur), s’ajoute une dimension très banale et quotidienne, qui démobilise aussi du fait du type d’interactions en face à face qu’on peut avoir quand on est pris dans une de ces périodes de fluctuations - qui sont un monde en soi et pas le tremplin de mobilisations qu’on rêverait de voir. Si l’on peut saluer l’écho que donnent à chaque fois les médias libanais, et les services de sécurité des ambassades et des organisations internationales, à chaque micro-mouvement et chaque blocage de route (au demeurant blocages souvent sans bloqueurs visibles, avec quelques poubelles renversées), laissant rêver à chaque fois (c’est l’exact contraire dans les autres pays de la région où rien ne doit être couvert) à un effet d’entrainement possible, suivant l’espoir que la petite mobilisation surcouverte pourrait créer la grosse - la vraie mobilisation sociale la plus courante est celle en direction de la banque ou du changeur - l’élément de base des mobilisations au Liban désormais n’est pas le cortège de manif, c’est la queue d’attente. Devant les banques, c’est un fabuleux moyen de discipliner et de faire attendre, d’individualiser les demandes, de contrôler les comportements. Là encore, les moments de gloire médiatisés, les quelques cas de braquages légaux par les propriétaires des fonds, cachent ça.
    Dans les bus pendant ce temps, le changement de prix se voit consacré par une nouvelle page imprimée, collée à l’appui-tête du bus, visible dès qu’on s’y assoie. Il n’est plus question, comme il y a quelques mois, d’ouvrir la porte à une négociation et une discussion comme j’avais pu l’observer quand une personne avait contesté le prix qu’on lui attribuait. L’écrit est un moyen de fixer des prix et d’éloigner la discussion, toujours en embuscade.
    Car tout le monde a bien compris ce qui se jouait dans ces seuils, où le discursif et le registre émotionnel font dangereusement irruption. Les passages de ces seuils ne sont pas des passages de lignes, mais des zones de flou, où notamment les interactions quotidiennes changent de nature, où l’argent n’a pas d’odeur mais il a soudainement un goût, se teinte d’émois particuliers et de sentiments : la honte de demander, l’énervement de se voir imposer un prix, la fatigue de ne pas savoir combien l’on paye cette journée là (et même pour ce qui est de la journée de jeudi dernier ce qu’on paie à cette heure là), la récurrence de la négociation, sa dépendance à une interaction qu’on saura mener (et qu’on peut perdre ou gagner à ce titre, surtout perdre à la fin de la journée où l’on est éreinté de trop d’économie pratique).
    On parle de la monnaie et de ses fluctuations en général, on discute de sa valeur ensemble pour se mettre d’accord sur un cas particulier ; on teinte le billet d’un peu de soi-même aussi. Soudainement une transaction qui était de l’ordre de l’habitude et du marchand, où aucune des personnes n’avait son mot à dire, peut dangereusement tendre vers d’autres situations qu’on reconnaît au passage, extortion, petite arnaque, mendicité, mais aussi charité, don et générosité. Chacun se voit personnellement impliqué et y plaque son interprétation, la situation en devient plus unique, et le prix plus fluctuant : c’est à ce titre par exemple que lorsqu’on monte dans un service, on ne sait plus combien l’on va payer, 50,000, 70,000, 80,000. Et probablement le chauffeur n’est pas tout à fait certain de ce qu’il va demander non plus, tout dépendant de la performance que chacun va donner. L’une des interactions les plus déchirantes désormais, c’est celle avec ces chauffeurs qui continuent à demander 50,000, comme si eux aussi étaient épuisés de demander plus et se protégeaient dans leur propre bulle - mais on est plus à une fiction près après tout.

    #Liban #Crise #monnaie #dévaluation #inflation

    • Sinon il est devenu clair que ces criminels (les gens au pouvoir) ont maintenant une façon bien rodée de procéder : ils augmentent brutalement de x% (on est passé de 30000 LL en été à 60000 environ aujourd’hui avec une très brusque accélération en quelques jours), avant de très légèrement diminuer (de 65000 maximum à 58000 LL aujourd’hui même - façon de dire qu’ils ont fait des concessions), puis ils maintiennent tel quel, en l’occurrence autour de 60000 LL pendant quelques mois, puis ainsi de suite.

  • Jad Chaaban د. جاد شعبان sur Twitter : “When the non-bank $ exchange rate exceeds 2000LBP, a 30% #devaluation, those who are losing first are: - Lebanese poor, more than 1.5 million - Lebanese paid in LBP, almost 700,000 - Refugees, 1.5 million Syrians & 200,000 Palestinians - Migrant workers, >300,000 who send $ home.” / Twitter
    https://twitter.com/JadChaaban/status/1199940655818182657

    Jad Chaaban د. جاد شعبان
    @JadChaaban
    When the non-bank $ exchange rate exceeds 2000LBP, a 30% devaluation, those who are losing first are:
    – Lebanese poor, more than 1.5 million
    – Lebanese paid in LBP, almost 700,000
    – Refugees, 1.5 million Syrians & 200,000 Palestinians
    – Migrant workers, >300,000 who send $ home.

    #Liban

  • Liban : « La stabilité du taux de change doit être défendue coûte que coûte » économiste avec l’économiste Albert Dagher
    https://www.lecommercedulevant.com/article/29445-albert-dagher-la-stabilite-du-taux-de-change-doit-etre-def

    Pourquoi faut-il éviter à tout prix une dévaluation ? 

    Pour éviter des répercussions sociales d’une extrême violence, la stabilité du taux de change doit être défendue coûte que coûte, quitte à descendre dans la rue. Si on laisse la livre flotter, le dollar pourrait passer à 3000 livres libanaises selon certains scénarios. Le prix des biens importés augmenterait alors de 100 %. Celui des produits fabriqués localement suivrait car les industriels libanais répercuteraient eux aussi la hausse subie du coût des matières premières ou des produits intermédiaires. Avec la dépréciation du taux de change, interviendrait alors un phénomène d’hyper inflation – c’est-à-dire quand l’inflation approche ou dépasse les 100 % - laquelle se traduira directement par une chute du pouvoir d’achat, des salaires ou des autres revenus des Libanais d’au moins 50 %.

    #Liban #dévaluation

  • Au Liban, des stations-service en rupture de stock contraintes de fermer et de rationner le carburant - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1194479/en-rupture-de-stock-des-stations-service-contraintes-de-fermer-et-de-
    https://s.olj.me/storage/attachments/1195/957042-01-08-1573304856_56_618362.jpeg/r/800

    Vendredi, la ministre sortante de l’Énergie, Nada Boustani, avait réaffirmé son opposition à toute augmentation du prix de l’essence, deux jours après avoir refusé d’ajuster les prix du carburant pour tenir compte des coûts supplémentaires auxquels les distributeurs affirment devoir faire face suite à la hausse du cours du dollar dans les bureaux de change.

    Jeudi, les propriétaires de stations-service, de camions-citernes et autres distributeurs intermédiaires avaient annoncé qu’ils allaient continuer de vendre le carburant déjà stocké au prix imposé par l’État, mais qu’ils allaient suspendre les nouvelles commandes jusqu’à ce qu’une réponse positive à leurs revendications soit apportée par les responsables concernés. Les représentants du secteur n’ont pas précisé la quantité des stocks disponibles. Selon une source proche du dossier, les sociétés importatrices de carburant ne seraient en effet pas alignées sur cette position et devraient continuer à alimenter les stations-service dépendant directement d’elles.

    En soirée, ces sociétés ont publié un communiqué dans lequel elles « répondent aux rumeurs selon lesquelles les importateurs ont arrêté d’importer de l’essence et du diesel ». Elles ont précisé avoir importé des quantités de ces matières « durant les derniers jours » et que « des navires déchargeront leur marchandise au profit de quatre compagnies aujourd’hui, demain et après-demain ». Elles soulignent enfin que d’autres navires transportant des hydrocarbures devront arriver dans les prochains jours et que les importations se font en coordination avec les banques.

    #LIBAN #carburant #dévaluation

  • Ethiopia Devaluates Currency by 15%
    http://www.ena.gov.et/en/index.php/economy/item/3817-ethiopia-devaluates-currency-by-15

    Ethiopia has devaluated its exchange rate of Birr by 15 percent against international currencies, the National Bank of Ethiopia announced.

    Deputy CEO of NBE Yohannes Ayalew said the devaluation is important in enhancing performance of the country’s export sector.

    The move is said to promote the country’s export sector that has been performing low over the past years.

    For the past five years, the fluctuation of commodity price in international market and strength of USD relatively against other foreign exchanges, lead to the decline of Ethiopia’s export commodities, especially coffee, oilseed, gold, and leather.

    The World Bank has been suggesting that the Ethiopian government should devaluate its currency by at least 10 percent, pointing out that in real terms it may lead to a five percent increase in export earnings and two percent increase in growth.

    Ethiopia last devaluated its currency in 2010 by 17 percent but the value of Birr against international currencies has been depreciated from time to time due to floating exchange rate.

    #Éthiopie #BM #dévaluation #monnaie #exportation

  • La #Chine accélère la #dévaluation_du_yuan, faisant chuter les Bourses
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/070116/la-chine-accelere-la-devaluation-du-yuan-faisant-chuter-les-bourses

    La Chine a accéléré la dévaluation du #yuan jeudi, provoquant une nouvelle chute des marchés actions chinois ainsi qu’un recul prononcé de l’ensemble des #bourses_asiatiques, dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant la santé de la deuxième puissance économique mondiale et de craintes d’une guerre des monnaies dans la région.

    #Economie #Fil_d'actualités #Bourse

  • Greece has nothing to lose by saying no to creditors - FT.com
    http://www.ft.com/intl/cms/s/0/5e38f1be-1116-11e5-9bf8-00144feabdc0.html#axzz3d4fXSHNu

    Dans une tribune du Financial Times, Wolfgang Münchau conseille vivement au gouvernement grec de tenir bon, de faire défaut sur la dette et de réinstaurer une monnaie nationale. L’Allemagne et la France en seront pour 160 milliards d’euros et elles l’auront bien cherché...

    My conclusion is that the acceptance of the troika’s programme would constitute a dual suicide — for the Greek economy, and for the political career of the Greek prime minister.

    #dévaluation #dette #euro

  • Blog gaulliste libre : Ces leçons du modèle anglais qu’on ne veut pas voir
    http://www.gaullistelibre.com/2013/11/ces-lecons-du-modele-anglais-quon-ne.html

    Comme le rappelle Le Monde, « l’élément le plus déterminant semble être la réactivité de la politique monétaire. La Banque d’Angleterre a acheté à tour de bras des obligations du Trésor, ce que la BCE n’a pas le droit de faire en vertu de ses statuts. L’encours de dette publique dans le bilan de la banque centrale britannique est passé de 3% à 20% du PIB depuis 2009. Cette politique a permis à l’économie britannique de se financer à bas coût ». Et de fait, la banque d’Angleterre a racheté la bagatelle de 375 milliards de livres d’obligations du Trésor, plus de 400 milliards d’euros !

    Soit dit en passant, cela correspond très précisément à ce que nous avions recommandé lors de l’élection présidentielle de 2012, et qui avait été accueilli avec fraîcheur par beaucoup. Pourtant, ce programme de rachat de la dette publique par la banque centrale est un élément central de la reprise britannique. Il a permis de protéger le pays de la pression du marché. En effet, tout le monde semble oublier que le déficit affiché par la Grande-Bretagne est de plus de 7% du PIB cette année, plus que l’Espagne ou la Grèce… Mais à partir du moment où un pays garde le contrôle de sa monnaie, il n’y a pas de menace de défaut. Du coup, Londres emprunte à seulement 2,7% sur 10 ans.

    Contrairement aux pays de la zone euro qui ont mis en place des politiques d’austérité sévères sans pouvoir compenser par la politique monétaire, Londres a pu équilibrer sa politique budgétaire très restrictive. En rachetant des centaines de milliards d’obligations d’Etat, la Banque d’Angleterre a maintenu des taux faibles extirpant l’Etat de la pression des marchés, et facilitant le financement de l’économie (quand Rome et Madrid souffrent de taux trop élevés). Mieux, cela a également fait baisser la livre de 20%, donnant une bouffée d’oxygène aux entreprises exportatrices, rendues plus compétitives....

    #économie
    #Banque-d'Angleterre
    #dévaluation
    #Le-Monde
    #monétisation
    #Paul-Krugman