• Trump & Musk, pire que la mort - Olivier Fournout (Télécom-Paristech yeurk yeurk)
    https://aoc.media/opinion/2025/01/21/trump-musk-pire-que-la-mort

    En 2020, Olivier Fournout a publié La Trumpisation du monde. Pourquoi le monde adore Trump, y compris ceux qui le détestent. Depuis la réélection du candidat républicain, il s’était décidé à ne rien écrire sur la situation américaine et à refuser les invitations des chaînes de télévision. C’était sans compter sur le discours d’investiture de Trump et les saluts hitlériens de Musk.

    Les onze semaines écoulées entre l’élection de Trump et son investiture à Washington apportent une sorte de paroxysme à l’antimodèle de réussite du capitalisme tardif, niché au cœur de son modèle de réussite. La forme achevée de la tragédie en cours devient une évidence. Le gouffre qui s’ouvre atteint des profondeurs vertigineuses, et il concerne la planète entière.

    5 novembre 2024 — Donald Trump, milliardaire capitaliste, est réélu une seconde fois président des États-Unis, avec pour slogan : « Drill, baby, drill ! », « fore, bébé, fore ! », déjà en circulation lors de la campagne du Parti républicain en 2008 ; le Parti vert obtient 0,5 % du vote populaire. #Trump s’empresse de confier les rênes de l’État fédéral à Elon #Musk, milliardaire capitaliste.

    Pour son investiture, le 20 janvier 2025, il enfonce le clou : « Nous allons forer, bébé, forer ! Nous avons les plus grosses réserves de pétrole et de gaz de tous les pays de la Terre et nous allons les utiliser. Nous allons exporter l’énergie américaine partout dans le monde. Nous allons redevenir une nation riche et c’est cet or liquide sous nos pieds qui va nous aider. Nous allons mettre fin au New Deal Vert et révoquer le mandat sur les véhicules électriques pour sauver notre industrie pétrolière et tenir ma promesse sacrée aux formidables travailleurs de notre industrie américaine de l’automobile. »

    Antimodèle de réussite d’une stabilité extrême : surtout, poursuivre le délitement de la puissance publique face à la crise environnementale toujours déniée, faire suer la pompe à cash des hydrocarbures comme au plus fort des révolutions industrielles du passé, mêlant libéralisme sauvage, enrôlement des ouvriers et dévastation de la nature.

    2 décembre 2024 — Bernard Arnault, milliardaire capitaliste, est élu à l’Académie des sciences morales et politiques de France. Le patron du premier groupe de luxe dans le monde – grand commerçant globalisé, très présent en Chine et invité à l’investiture de Trump aux côtés de Giorgia Meloni, Javier Milei, Marine Le Pen, Éric Zemmour, Marion Maréchal… le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite mondiale – est un homme d’affaires dont le parcours n’a, de près ou de loin, rien à voir avec l’académie, la science, la morale et la politique.

    Le salut nazi de Musk fait remonter la terreur du pire que la mort. Elle est là, d’un seul coup, sous nos yeux, revenante : invraisemblable mais bien présente.
    Antimodèle de réussite d’une stabilité extrême : surtout, entretenir la boussole folle, faire valser les repères, au plus haut de l’académie, de la science, de la morale et de la politique, pour ensuite, plus facilement, la décliner dans la logistique quotidienne.

    7 décembre 2024 — Réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les milliardaires capitalistes y sont conviés pour y célébrer une réussite : les travaux réalisés en cinq ans, les métiers du Moyen Âge mis en valeur, les gros moyens. « Harmonie retrouvée », « audace chromatique », les dirigeants de la planète saluent les symboles.

    Antimodèle de réussite d’une stabilité extrême : rien d’équivalent n’est planifié pour le sauvetage de la planète. En matière de lutte contre la catastrophe environnementale, ni harmonie, ni audace, ni réunion des puissants. Rien. Rien sur les métiers artisanaux et leur organisation qui pourrait inverser les tendances sur le saccage de la planète. Rien sur la cathédrale de la nature, et donc de l’humanité, toujours plus en ruine à l’échelle globale. L’élite mondiale, les Trump, les Musk, les Arnault, les princes et les présidents, main dans la main, en restent à faire la fête dans un établissement religieux illuminé – comme une boîte de nuit à New York – pendant que leurs propres services savent tout de l’extinction du vivant en cours, la pire depuis soixante-dix millions d’années.

    Le dispositif de Notre-Dame de Paris, le 7 décembre 2024, concentration impressionnante de pouvoir et d’argent physiquement réunie à un instant t sur six mille mètres carrés, arrose les populations, par tous les canaux internationaux présents, d’une musique d’orgue en accompagnement de la planète en train de brûler comme brûlait la cathédrale : ce qui est célébré, finalement, c’est l’acceptation structurelle de l’incendie au nom d’une capacité de restauration, merveilleuse, mais qui se limite à moins d’un terrain de foot, pour le prestige.

    Parfait symbole de la situation actuelle : la capsule cathédrale-témoin, dont les tuiles de protection sont en train de sauter, traverse l’atmosphère dans une gerbe de feu, et, à l’intérieur, on sable le champagne. Concert sur le pont du Titanic. Modèle de réussite au parterre luxueux qui entretient un antimodèle de réussite macrocosmique – duquel le Pape, absence remarquée, s’est désolidarisé.

    Même jour, 7 décembre 2024 — L’installation Lumières en Seine maintient une forêt de néons allumés en plein air, en plein jour, dans un espace inaccessible, désert, fermé par des barrières, dans le parc de Saint-Cloud. Les salles de réception du bois de Boulogne, vides, sont illuminées. Porte Dauphine, sur le trottoir, deux personnes échangent sur leur destination pour Noël : Dubaï pour l’une, Tokyo pour l’autre. Sur les Champs-Élysées, des touristes se montrent mutuellement sur leurs écrans individuels leurs maisons illuminées sous surveillance de caméras reliées en direct à leur smartphone.

    Antimodèle de réussite d’une stabilité extrême : surtout, transformer les populations en milliards de petits Trump, Musk, Arnault, selon la propagande disant que les milliardaires capitalistes nous délivreraient les recettes de la réussite et le mode de vie souhaitable, auquel nous ne pourrions que souscrire, chacun à sa mesure. Il n’y a plus qu’à être les PDG de nos vies et à aller sur Mars en trottinette après les fusées d’Elon Musk.

    Janvier 2025 — Los Angeles est en flammes, l’attelage Trump/Musk cherche des boucs émissaires parmi les dirigeants démocrates de l’État de Californie. Au même moment, Musk apporte son soutien à l’extrême droite en Europe, singulièrement en Allemagne, évacuant les derniers restes de retenue issus de la Seconde Guerre mondiale.

    Couronnement : le 20 janvier 2025, le jour de l’investiture de Trump, Musk fait un évident salut nazi, deux fois, en meeting, devant les caméras qui inondent le monde. Le salut nazi de Musk fait remonter la terreur du pire que la mort. Elle est là, d’un seul coup, sous nos yeux, revenante : invraisemblable mais bien présente.

    Le pire que la mort, pensé par Theodor Adorno après Auschwitz, c’est que « depuis Auschwitz la mort signifie avoir peur de quelque chose de pire que la mort » et qu’« avec le massacre par l’administration de millions de gens, la mort est devenue quelque chose qu’on n’avait encore jamais eu à redouter sous cette forme »[1].

    Les phrases d’Adorno rendent compte de l’impression de terreur que laisse la connaissance que nous avons de l’administration de la mort dans les camps nazis, qui n’est pas la guerre, ses cadavres et ses camps de prisonniers. La terreur du pire que la mort s’ancre dans la terreur d’une mort qui, par elle-même, dans les regards et les corps – que l’on songe aux images du documentaire de 1956, Nuit et brouillard, d’Alain Resnais –, est effroyable, mais qui est doublée d’un système pire que la mort qui fait de l’administration de la mort son principe – d’organisation, d’efficacité, son assouvissement normal, sa raison d’être. Elle est glaçante parce que normalisée, ce que Nuit et brouillard dévoile, avec, par exemple, la tranquillité des officiers nazis en bord de voie ferrée, devant les wagons entassés d’humanité qui périra sur le trajet ou à l’arrivée, dans les chambres à gaz.

    Le salut hitlérien de Musk – allons ! une maladresse ? –, c’est le momentum (un mot qu’adore Trump) d’un pire que la mort qui n’est plus caché, honteux, à décrypter, mais exposé avec fierté, éclatant, projeté à la face du monde.

    Alors, bien sûr, Musk n’en est pas au massacre de masse, mais l’annonce de la tragédie environnementale, elle, en dessine le chemin. Elle est promise, en osmose étroite avec les extrêmes droites réactionnaires.

    Adorno, à nouveau : « Le génocide est l’intégration absolue qui se prépare partout où les hommes sont nivelés, dressés comme on dit à l’armée jusqu’à ce que, entorses au concept de leur complète inanité, on les extermine littéralement[2]. »

    C’est là que la terreur environnementale se marie à la terreur politique : le 15 janvier 2025, quelques jours avant l’investiture de Trump, la pollution planétaire fait la une des journaux. Tout est su, tout est dit, tout est clair : pendant que les polluants éternels se répandent, « les industriels déploient un intense lobbying et une vaste campagne de désinformation » pour empêcher les interdictions, le coût vertigineux de la dépollution est chiffré à cent milliards d’euros par an, les services publics « sont abasourdis par l’ampleur de la tâche » (voir les enquêtes du Forever Pollution Project et du Forever Lobbying Project, menées par des dizaines de médias internationaux partenaires).

    Tout est su, tout est dit, tout est clair, planétairement, depuis le clip de l’ONU du 28 octobre 2021, intitulé « Ne choisissez pas l’extinction ». Frankie le dinosaure y montait à la tribune de l’ONU pour expliquer aux humains à quel point l’extinction massive de la vie sur Terre, opérée par l’humanité, est « la chose la plus ridicule des soixante-dix derniers millions d’années ».

    Antimodèle de réussite d’une stabilité extrême : surtout, repousser les décisions sur les problèmes structurels de la planète et de l’humanité. Aller à l’inverse de ce que, politiquement, il faudrait faire pour les résoudre. Mettre le pouvoir politique à la remorque des affaires causant la tragédie environnementale et les affaires à la remorque d’une guerre perpétuelle par où la Terre entière va s’enquiller à désigner « l’Étranger » comme un non-sujet. « L’Étranger » qu’il faut battre dans une guerre commerciale menée le doigt sur la gâchette nucléaire ou conventionnelle, « L’Étranger » à refouler s’il se présente aux frontières, « L’Étranger » à laisser mourir s’il tente une traversée.

    Le pire que la mort n’est-il pas proche ?

    Les populations abîmées dans la catastrophe politique et environnementale ne peuvent que mettre en cause leurs élites, comme l’écrivaient David Graeber et David Wengrow au tournant des années 2020 : « L’histoire de l’humanité a déraillé, c’est un fait incontestable. Aujourd’hui, un pourcentage infime des habitants de la planète tiennent entre leurs mains la destinée de tous les autres, et ils la gèrent de manière de plus en plus catastrophique[3]. »

    Oui, mais avec cette difficulté qui ne peut pas être passée sous silence que la structure de l’antimodèle de réussite n’est pas qu’entre les mains de Trump, Musk et Arnault. Elle l’est, bien sûr, mais elle est aussi, puissamment et largement, admise comme modèle de réussite, et par là, méthodiquement, elle immobilise le système tout le long d’une chaîne de démissions imprégnant les coins et recoins du quotidien.

    Taper sur Trump ne suffit donc pas à émouvoir le système. L’empirique le confirme : qualifié de fou, d’imbécile, d’imprévisible, de monstre au QI d’une gerboise, vulgaire, misogyne, fasciste, Trump est parvenu, malgré toutes ses casseroles, sur une durée de cinquante ans, aux sommets et du business et de la télévision et des conseils de développement personnel et du pouvoir politique. Il revient même victorieux à Washington, en 2025, pour quatre ans, par élection.

    C’est que taper sur Trump pour le spectacle fait monter Trump car participe de la technique de la controverse médiatique tous azimuts choyée par Trump comme la clé de ce qui fait son succès : il le dit dans un livre au début des années 1980, et, depuis, tout le système médiatique et les bonnes consciences occidentales tombent dans le panneau[4].

    Et donc, bien sûr, il faut être saisi de terreur devant le salut hitlérien de Musk le jour de la prise de pouvoir de Trump.

    Mais il faut taper plus large. Voir comment l’antimodèle de réussite du capitalisme tardif s’enferre dans une tragédie pour tous. Dans un pire que la mort administré en toute connaissance de cause, annoncé par la science depuis cinquante ans, qui vient avec le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité, la pollution des milieux, l’épuisement des ressources.

    La loi tragique de la modernité tardive demande aux individus, et pas aux structures, de s’adapter. Des décisions politiques pourraient inverser les tendances, mais le système ne le permet pas. Il préfère le sacrifice des individus, à la fois choyés et sous contrainte d’un ordre de mort que Foucault avait repéré comme « une des antinomies centrales de notre raison politique » : « Allez donc vous faire massacrer, nous vous promettons une vie longue et agréable. L’assurance-vie va de pair avec un ordre de mort. La coexistence, au sein des structures politiques, d’énormes machines de destruction et d’institutions dévouées à la protection de la vie individuelle est une chose déroutante qui mérite quelque investigation. C’est l’une des antinomies centrales de notre raison politique[5]. »

    Où s’entend, comme en écho, sur la longue durée de l’Occident : « Le pouvoir #nécropolitique opère par une sorte de réversion entre la vie et la mort, comme si la vie n’était que le médium de la mort[6]. »

    La forme contemporaine de l’antinomie et de la réversion est la suivante : Allez donc vous faire massacrer sur l’autel de la catastrophe environnementale et du salut nazi du milliardaire capitaliste, nous vous promettons une assurance-vie sous le terme générique d’adaptation, ou aptitude à vivre dans le plus haut degré de la catégorie du mauvais, bouclant le système de l’antimodèle en pleine ivresse de sa réussite.

    Paradoxe tueur : la survie du capitalisme continue à s’extrémiser sur une terre qu’il continue à brûler. La crise environnementale remet les pendules de l’Histoire à zéro, mais pas celles du capitalisme qui reste à manager le tic-tac d’une bombe à fragmentation à l’échelle de la planète, bloquant toute sortie du labyrinthe.

    [1] Theodor Adorno, Dialectique négative (1951), traduit de l’allemand par Gérard Coffin et al., Payot & Rivages, 2003, p. 449 et 438.

    [2] Ibid., p. 438.

    [3] David Graeber et David Wengrow, Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité (2021), traduit de l’anglais par Élise Roy, Les liens qui libèrent, 2023, p. 104.

    [4] Pour plus d’éléments sur ce point, je me permets de renvoyer à mon livre La Trumpisation du monde. Pourquoi le monde adore Trump, y compris ceux qui le détestent, Le Bord de l’eau, 2020.

    [5] Michel Foucault, « La Technologie politique des individus » (prononcé à l’université du Vermont, États-Unis, octobre 1982), in Dits et écrits (1980-1988), tome IV, édité posthume par Daniel Defert et François Ewald (dir.), Gallimard, 1994, p. 815.

    [6] Achille Mbembe, Politiques de l’inimitié, La Découverte, 2016, p. 55.

    #dialectique_négative

  • #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

    ping @cede @karine4
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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • #Gramsci, défenseur des subalternes dans « un monde grand et terrible »

    Avec « L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci », Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini nous plongent dans les combats et le laboratoire intellectuel d’une figure majeure de la tradition marxiste. Victime du fascisme et opposant au tournant stalinien du communisme, il a développé une pensée encore stimulante.

    « Gramsci« Gramsci, ça vous dit quelque chose ? Il était né en Sardaigne, dans une famille pauvre. À deux ans, une tuberculose osseuse le frappa à la moelle épinière, si bien qu’il ne mesura jamais plus d’un mètre et demi. Vous comprenez ? Un mètre et demi. Et pourtant, c’était un géant ! » Voilà comment, dans Discours à la nation (Les Éditions Noir sur Blanc, 2014), le dramaturge Ascanio Celestini présente le membre fondateur du Parti communiste italien (PCI), martyr du régime fasciste de Mussolini, aujourd’hui considéré comme un monument de la pensée marxiste.

    La même admiration pour « un des plus grands [philosophes] de son siècle » se ressent à la lecture du livre de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, consacré à L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (Éditions La Découverte). S’il existe déjà des biographies du révolutionnaire sarde (notamment celle de Jean-Yves Frétigné) ou des introductions de qualité à son œuvre (aux Éditions sociales ou à La Découverte), les deux spécialistes en études italiennes proposent, avec cet ouvrage de plus 500 pages, une enquête lumineuse et inégalée.

    Ils suivent pas à pas l’élaboration de la pensée gramscienne, liée aux événements de sa vie personnelle et militante, elle-même affectée par les soubresauts d’une époque que Gramsci a décrite comme un « monde grand et terrible ».

    Les deux auteurs embrassent ainsi tous les textes produits depuis ses premières années de militantisme socialiste dans les années 1910, jusqu’aux Cahiers de prison rédigés dans les années 1930, en passant par son implication dans le mouvement turinois des conseils d’usine en 1919-1920, puis son engagement comme responsable et chef du PCI dans les années 1920.

    « Sa vie, son action et sa pensée, écrivent Descendre et Zancarini, l’ont conduit à produire un corpus de textes ayant une double caractéristique rare : il conserve aujourd’hui encore une grande pertinence théorique et politique, en même temps qu’il hisse son auteur au rang des plus grands “classiques” européens. »

    Si c’est le cas, c’est parce que Gramsci a suivi une évolution intellectuelle singulière. Nourri de la lecture de philosophes italiens de son temps, il est imprégné d’une culture très idéaliste lorsqu’il découvre le marxisme. Tout en dépassant ses premières conceptions, il a développé une pensée subtile sur l’ordre politique et les moyens de le subvertir, en intégrant l’importance des conditions socio-économiques, mais en accordant toujours un rôle crucial aux idées et à la culture.
    La culture et l’organisation, clés de l’émancipation

    Certes, « Gramsci n’a jamais écrit ni pensé qu’il suffisait de gagner la bataille des idées pour gagner la bataille politique ». Pour autant, les deux auteurs repèrent chez lui une réflexion constante « sur les mots (idées ou images) qui permettent de mettre en mouvement une volonté collective et sur l’articulation entre pensée et action, entre interprétation et transformation du monde ».

    L’émancipation des groupes subalternes est le moteur de Gramsci, au sens où « possibilité [devrait être] donnée à tous de réaliser intégralement sa propre personnalité ». La chose est cependant impossible dans une société capitaliste, sans parler des autres dominations qui se combinent à l’exploitation du prolétariat ouvrier et paysan.

    Pour changer cet état de fait, la prise du pouvoir est nécessaire. Elle requiert des tâches d’organisation auxquelles Gramsci consacrera une bonne partie de sa vie, mais présuppose aussi un minimum de conscience, par les subalternes eux-mêmes, de leur condition, des tâches à accomplir pour la dépasser et de l’idéal de société à poursuivre. C’est pourquoi Gramsci insiste régulièrement dans son œuvre sur l’importance de s’approprier la culture classique existante, afin de la dépasser dans un but révolutionnaire.

    Citant un texte de 1917, Descendre et Zancarini pointent que selon Gramsci, « l’ignorance est le privilège de la bourgeoisie. […] Inversement, l’éducation et la culture sont un devoir pour les prolétaires, car la “civilisation socialiste”, qui vise la fin de toutes les formes de privilèges catégoriels, exige “que tous les citoyens sachent contrôler ce que décident et font tour à tour leurs mandataires” ». Avant que ce contrôle s’exerce à l’échelle de la société, Gramsci pensait nécessaire qu’il se déploie dans le parti révolutionnaire lui-même.

    À la même époque, des auteurs comme Roberto Michels délivrent des diagnostics sans concession sur les tendances oligarchiques qui finissent par affecter les partis de masse, y compris ouvriers. Or Gramsci est attaché à la forme-parti, qu’il juge indispensable pour affronter de manière « réaliste » la domination sociale et politique de la bourgeoisie. Contre tout fatalisme, il veut donc croire en la possibilité d’une dialectique démocratique, propre à éviter les « phénomènes d’idolâtrie, […] qui font rentrer par la fenêtre l’autoritarisme que nous avons chassé par la porte ».
    Un opposant au « tournant sectaire » de Staline

    Certes, Gramsci a été le dirigeant d’un parti de l’Internationale communiste dans lequel on ne plaisantait pas avec la discipline une fois l’orientation tranchée. Mais son attachement à la libre discussion n’était pas feint, et lui-même n’a pas hésité à interpeller de manière critique le parti frère russe, dans une missive d’octobre 1926 fort mal reçue par les intéressés, à l’époque où la majorité dirigée par Staline attendait un alignement sans discussion.

    L’épisode peut se lire comme un prélude à son rejet du « tournant sectaire » imprimé par Staline au mouvement communiste en 1928 – rejet qui l’a placé en porte-à-faux avec ses propres camarades, qui eux s’y sont ralliés. Gramsci était alors incarcéré, et doutait que tout soit fait, à l’extérieur, pour faciliter sa libération. Le constat de son « isolement », affirment Descendre et Zancarini, a en tout cas été « un élément déclencheur de sa réflexion » dans les Cahiers de prison.

    Les deux auteurs restituent bien les conditions compliquées dans lesquelles Gramsci a travaillé, en devant lutter contre la maladie, négocier l’accès aux lectures multiples qui le nourrissaient, et déjouer la surveillance de ses écrits. La ligne qu’il développait était originale, en ce qu’elle s’opposait tout autant au stalinisme qu’au trotskisme, sans se replier sur un réformisme social-démocrate. Mais « cette opposition de l’intérieur [ne devait] surtout pas être comprise ni récupérée par les autorités fascistes. D’où le caractère partiellement crypté – et donc ardu – de l’écriture de Gramsci. »

    Appuyés sur une nouvelle édition en cours des Cahiers de prison, Descendre et Zancarini décryptent comment le penseur sarde a élaboré un réseau de notions telles que « l’hégémonie politique », « la révolution passive », ou encore la « guerre de position » distinguée de la « guerre de mouvement ».

    En raison de la puissance de sa réflexion, ces notions peuvent encore nous aider à penser notre situation politique. Mais les deux spécialistes préviennent : « Le travail théorique de Gramsci ne produit jamais de catégories abstraites, encore moins un système à visée universelle : toute son élaboration critique et conceptuelle […] est en prise sur la réalité internationale autant qu’italienne. »

    Un exemple permet de bien le comprendre. Fin 1930, Gramsci défend auprès des autres détenus communistes une proposition hétérodoxe. Face au régime de Mussolini, estime-t-il, le PCI devrait travailler avec les autres forces antifascistes derrière le mot d’ordre de Constituante républicaine. Puisque « l’inutilité de la Couronne est désormais comprise par tous les travailleurs, même par les paysans les plus arriérés de Basilicate ou de Sardaigne », il s’agit d’un point de départ intéressant pour politiser des masses, avant d’aller plus loin.

    Au-delà du cas italien, il ne croit pas que la crise du capitalisme fournisse les conditions suffisantes à une offensive du prolétariat, du moins à court terme. Le refus du déterminisme économique est renforcé par le constat, préalable aux Cahiers de prison, des différences qui existent entre les pays d’Europe de l’Ouest et la Russie de 1917. Dans les premiers, la société civile et la société politique apparaissent beaucoup plus denses, et les élites dirigeantes sont mieux parvenues à reproduire le consentement des populations.

    C’est ce qui convainc Gramsci que la priorité est à la « guerre de position », c’est-à-dire une période longue d’apprentissages, d’accumulation de force, et d’élaboration d’une « contre-hégémonie ». Il ne croit certes pas à une transition pacifique vers le socialisme. Mais même après la dimension « militaire » de la prise du pouvoir, il estime qu’il restera beaucoup à faire pour qu’émerge un État nouveau, permettant à la société de s’autogouverner. Une « perspective anti-autoritaire et anti-bureaucratique » en contradiction avec l’évolution de l’État soviétique, que Gramsci cible en mettant en garde contre « le fanatisme aveugle et unilatéral de “parti” » et les risques d’une « statolâtrie » prolongée.

    Dans leur conclusion, Descendre et Zancarini rappellent que Gramsci s’était lui-même défini, dans une phrase terrible, comme « un combattant qui n’a pas eu de chance dans la lutte immédiate ». Si ses efforts n’ont toujours pas suffi à ce que triomphe une hégémonie des subalternes, ils lui auront néanmoins assuré une postérité impressionnante dans le champ de la pensée critique, bien au-delà de l’Italie et même de l’Occident.

    Pour les deux auteurs, Gramsci appartient à une génération « broyée dans les affrontements de cette époque, entre fascisme et communisme et au sein même du communisme ». Il se distingue cependant par « la force de [sa] résistance morale et intellectuelle ».

    C’est ce que traduit, à sa façon, le texte théâtral d’Ascanio Celestini par lequel nous avons commencé, et qui se poursuit ainsi : « Je suis en train de parler de Gramsci, le type qui fonda le Parti communiste italien et qui fit un seul discours au Parlement vu qu’ensuite les fascistes l’arrêtèrent et le jetèrent en prison où il passa dix années pendant lesquelles il transforma la pensée socialiste. Il sortit de prison cinq jours avant de mourir et pourtant, près d’un siècle plus tard, il nous rappelle que nous devons nous opposer au pessimisme de la raison en ayant recours à l’optimisme de la volonté. »

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/101223/gramsci-defenseur-des-subalternes-dans-un-monde-grand-et-terrible
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    • L’Oeuvre-vie d’Antonio Gramsci

      Antonio Gramsci (1891-1937) reste l’un des penseurs majeurs du marxisme, et l’un des plus convoqués. L’Œuvre-vie aborde les différentes phases de son action et de sa pensée – des années de formation à Turin jusqu’à sa mort à Rome, en passant par ses activités de militant communiste et ses années d’incarcération – en restituant leurs liens avec les grands événements de son temps : la révolution russe, les prises de position de l’Internationale communiste, la montée au pouvoir du fascisme en Italie, la situation européenne et mondiale de l’entre-deux-guerres. Grâce aux apports de la recherche italienne la plus actuelle, cette démarche historique s’ancre dans une lecture précise des textes – pour partie inédits en France –, qui permet de saisir le sens profond de ses écrits et toute l’originalité de son approche.
      Analysant en détail la correspondance, les articles militants, puis les Cahiers de prison du révolutionnaire, cette biographie intellectuelle rend ainsi compte du processus d’élaboration de sa réflexion politique et philosophique, en soulignant les leitmotive et en restituant « le rythme de la pensée en développement ».
      Au fil de l’écriture des Cahiers, Gramsci comprend que la « philosophie de la praxis » a besoin d’outils conceptuels nouveaux, et les invente : « hégémonie », « guerre de position », « révolution passive », « subalternes », etc. Autant de concepts qui demeurent utiles pour penser notre propre « monde grand et terrible ».

      https://www.editionsladecouverte.fr/l_oeuvre_vie_d_antonio_gramsci-9782348044809
      #livre

  • #Murray_Bookchin #Marx #dialectique #marxisme #anarchisme #communisme #communisme_libertaire #autogestion #émancipation #écologie #antimilitarisme #anticléricalisme #fédéralisme_libertaire #feminisme #antiétatisme #anticapitalisme #antifascisme #internationalisme...

    ★ LES LIMITES HISTORIQUES DU MARXISME par Murray Bookchin (1972)...

    " C’est une idée totalement absurde que de penser qu’un homme, qui a réalisé ses travaux théoriques majeurs entre 1840 et 1880, ait pu « prévoir » la dialectique complète du capitalisme. Si nous pouvons toujours apprendre beaucoup des analyses de Marx, nous pouvons apprendre encore plus à partir des erreurs que devaient commettre inévitablement des hommes dont la pensée était limitée par une ère de pénurie matérielle et une technologie qui exigeait à peine l’emploi de l’électricité. Nous pouvons apprendre combien notre propre époque est différente de celles de toute l’histoire passée, combien les potentialités auxquelles nous sommes confrontés sont qualitativement neuves, et combien uniques sont les problèmes, les analyses et la praxis auxquels nous aurons à faire face si nous voulons faire une révolution — et non un autre avortement historique (...) "

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/09/les-limites-historiques-du-marxisme.html

  • Hartwig Schmidt - Topische Dialektik – Aristoteles
    https://hartwigschmidt.name/2011/08/06/topische-dialektik-aristoteles.html


    Je me suis posé la question de la place de la dialectique dans la pensée d"Aristote. M. Schmidt en sait des choses. Normal, il est prof de philo.

    BEGRÜNDUNG DER TOPISCHEN DIALEKTIK DURCH ARISTOTELES. Das Geschehen, dessen Logik diese Dialektik verhandelt und ausmacht, besteht in einer Unterredung, die über das von Platon gemeinte innere Reden hinausgeht. Sie findet zwischen leibhaftig verschiedenen Personen statt, die dabei konträre Rollen spielen. Die eine Person stellt einen Satz auf, behauptet ihn, zumal gegen Angriffe, sie verteidigt ihn. Sie wird direkt als der Aufstellende und Verteidiger bezeichnet. Die andere wird der Angreifer genannt. Sie hat den Satz auf eine noch näher zu beschreibende Weise in Frage zu stellen, ihn zu prüfen und gegebenenfalls zu widerlegen. Bei dem Geschehen handelt es sich offenkundig um eine Kontroverse. Das Dialektische an der Kontroverse besteht im Widerspruch als Widersprechen und im Widersprechen als wechselseitige Sprechhandlung, mag sie mündlich oder schriftlich ausgeführt werden. In Gestalt der Kontroverse bildet der Widerspruch nicht bloß eine kahle Beziehung zwischen solchen Handlungen, sondern selbst auch eine Sprechhandlung. Die Kontoverse kennt eine ihr eigentümliche Logik, eine Logik des Behauptens, Infragestellens, Verteidigens und Widerlegens. Bei ihr handelt es sich nicht einfach um eine Schlußlogik, gleichwohl gewisse Formen des logischen Schließens dazugehören. Die Schlußlogik hatte Aristoteles bereits in seinem zweibändigen Werk „Analytik“ behandelt. Die Dialektik als Logik der Kontroverse verhandelt er in einem gesonderten Text, der den erläuterungsbedürftigen Titel „Topik“ trägt. Die „Analytik“ wie die „Topik“ gehören zu einer Abteilung seiner Werke, die unter dem Obertitel „Organon“ steht. Beiden Schriften gemeinsam ist der Werkzeugcharakter, den der Begriff des Organons verheißt. Wenn Aristoteles innerhalb des Organons seine Analytik noch um eine Topik ergänzt hat, dann deshalb, weil die Logik der Kontroverse von der Schlußlogik zwar nicht getrennt werden darf, wohl aber von ihr unterschieden werden kann und muß. Sie stellt eben eine Logik der Infragestellung, Prüfung, Widerlegung und Verteidigung von Auffassungen dar. Die beginnt damit, von welcher besonderen Art schon eine Frage sein muß, um folgerichtig in eine Kontroverse münden zu können, das heißt, um einen Streitsatz herzugeben.

    STREITSÄTZE – PROBLEM, DIALEKTISCHES PROBLEM, PARADOXES PROBLEM. Der Streitsatz ist die logische Triebfeder der Kontroverse. Aristoteles qualifiziert ihn mit drei Begriffen (Topik 101b, 104a – 105a). Erstens: das Problem. Nur ein Problem taugt zum Streitsatz. Was aber ist ein Problem? Jemand stellt einen Satz auf, beispielsweise den Satz „Jede Lust ist ein Gut“. Nun findet sich ein anderer, der den Anspruch erhebt, diesen Satz zu prüfen. Seinen Anspruch artikuliert und resümiert er, indem er den Satz in eine Frage von ganz bestimmter Form überführt, in die Form „Ist jede Lust ein Gut oder nicht?“ In dieser Frageform gerät der Satz zu einem, wie es wörtlich heißt, Problem. Die markierte Frageform ist dem Autor der „Topik“ wichtig, Er will, daß man sie nicht verwechselt mit der einfachen Frageform „Ist jede Lust ein Gut?“. Die einfache Frage, ob jede Lust ein Gut ist, stelle lediglich eine Prämisse dar, noch nicht ein Problem. Für ein Problem ist sie zu linear. Um ein echtes Problem handelt es sich erst bei der alles andere als linearen Frage, ob jede Lust ein Gut ist, oder ob sie das nicht ist. Allgemein gesagt, ein Problem besteht darin, daß etwas und seine Negation zugleich befragt, zusammen erfragt wird. Indem eine positive Möglichkeit und ihre Negation erfragt werden, indem ihre Konjunktion befragt wird, stellt das Problem einen Widerspruch zur Entscheidung. Und indem die Konjunktion von etwas mit seiner Negation derart fraglich wird, erscheint sie als Alternative: etwas oder seine Negation. Mit anderen Worten, die Frage gilt der Konjunktion von etwas mit seiner Negation, sie ist auf diese Konjunktion gerichtet, auf einen Widerspruch, aber als Frage, als frageförmiger Gedanke macht sie aus der Konjunktion eine Alternative: etwas oder die Negation desselben. Das eröffnet folgerichtig eine Kontroverse. Um diesen Punkt noch in einer Zuspitzung deutlicher zu machen. Die zu späterer Zeit als besonders tiefsinnig geltenden Warum-Fragen stellen im Lichte der „Topik“ keine Probleme dar. Die Frage zum Beispiel, warum der Mensch nach Lust strebt, kann danach nicht als ein Problem durchgehen. Das vermag höchstens eine Frage wie: „Ist die Begierde der Grund des Strebens nach Lust oder nicht?“ In dieser Fassung wird wieder eine positive Möglichkeit und deren Negation erfragt, stellt das Fragen einen Widerspruch zur Entscheidung. In dem angegebenen Sinne ein Problem darzustellen, macht eine notwendige Bedingung für jeglichen Streitsatz aus. Eine hinreichende Bedingung allerdings ist das noch nicht. Es muß noch etwas hinzukommen, damit uneingeschränkt von einem Streitsatz gesprochen werden kann.

    Zweitens: das dialektische Problem. Allein ein dialektisches Problem gibt in hinreichender Weise einen Streitsatz her. Und nicht jedes Problem ist schon ein dialektisches (Top. 104a). Es gibt auch Fragen, die zwar die angegebene Form eines Problems aufweisen, deren Beantwortung jedoch dermaßen flach auf der Hand liegt, daß sie keineswegs zu Streitsätzen taugen. Denn niemand, der bei Verstand ist, heißt es, wird ein Problem zur Diskussion stellen, bei dem es für alle oder die meisten Menschen offensichtlich ist, wie es zu entscheiden sei. Das sind nicht dialektische Probleme. Dialektisch fällt ein Problem erst aus, wenn nicht nur etwas und seine Negation zugleich erfragt bzw. befragt wird, sondern darüber hinaus seine Entscheidung unselbstverständlich ist. Dies sei der Fall, wenn entweder die beiden Möglichkeiten, es zu entscheiden, für gleichermaßen unrichtig gehalten werden, oder die Menge es anders entscheidet als die Fachleute, oder aber seine Entscheidung sowohl innerhalb der Menge als auch unter den Fachleuten strittig ist, wie etwa bei der Frage, ob jede Lust ein Gut und als solches wählenswert ist oder nicht (Top. 104b). „Dialektisch“ bedeutet hier soviel wie: umstritten sein, auf Widerrede und Widerspruch stoßen, kontrovers beschieden werden. Aus dem weiten Kreis der dialektischen Probleme will Aristoteles schließlich noch eine besondere Gestalt ausdifferenzieren. Drittens: das paradoxe Problem. Als paradox wird urtümlich ein Gedanke bezeichnet, der buchstäblich neben der doxa, neben der herrschenden Meinung liegt, von ihr abfällt, mit ihr kollidiert. Eine dialektische Problemstellung tut das, fällt paradox aus, wenn sie nicht nur von der Menge anders als von den Fachleuten beurteilt wird bzw. von einem Teil der Menge und der Fachleute anders beurteilt wird als von einem anderen Teil, sondern einer geradezu herrschenden Meinung zuwiderläuft, nichtsdestotrotz aber doch von einem angesehenen Weisen vertreten wird. Als viele Jahrhunderte nach Aristoteles ein Gelehrter namens Kopernikus sich die Frage stellte „Dreht sich die Sonne um die Erde oder nicht?“, hatte er ein paradoxes Problem.

    TOPEN. Aristoteles will mit seiner Schrift einer Kultivierung der intellektuellen Kontroverse zuarbeiten, indem er vor allem sogenannte Topen markiert und auflistet. Diesem Anliegen ist auch der auf den ersten Blick merkwürdige Titel der Schrift geschuldet. „Topen“ ist die eingedeutschte Form des griechischen Ausdrucks „topoi“, der wiederum bildet den Plural zu „Topos“, und „Topos“ bedeutet Ort, „Topen“ also Örter. Gemeint sind natürlich nicht irgendwelche Austragungsorte von Streitgesprächen wie die berühmte Wandelhalle „peripatos“, in der sich Aristoteles mit seinen Schülern traf. Gemeint sind Örter an und in Sätzen. Und das klingt schief. Was soll das sein – Örter in und an Sätzen? Plausibler wird der Ausdruck, wenn wir für „Örter“ gewisse räumlich örtliche Begriffe wie „Punkte“ oder „Stellen“ einsetzen. An einem Satz finden sich gewisse Punkte, in einem Satz gewisse Stellen, das kann man sich vorstellen. Gemeint ist aber noch etwas Genaueres, etwas wie neuralgische Punkte und typische Schwachstellen, bei denen eine kritische Prüfung und Widerlegung jener Sätze ansetzen kann, den Hebel ansetzen kann und der Verteidiger sich behaupten muß. Um das an Beispielen zu verdeutlichen, an zwei ausgewählten Topen. Zum einen. An beliebigen aufgestellten Sätzen findet sich ein Topos, ein neuralgischer Punkt, den Aristoteles im fünften Kapitel des zweiten Buchs seiner Schrift markiert (Top. 112a 17 – 21). Was immer jemand über irgend etwas behauptet, stets hat er damit mehr als das ausdrücklich behauptete gesagt. Zusammen mit dem ausdrücklich behaupteten hat er immer auch das gesagt, was es anerkanntermaßen impliziert, was es voraussetzt, unterstellt und zur Konsequenz hat. Wer zum Beispiel behauptet, ein ganz bestimmtes Wesen sei ein Mensch, der hat damit implizit behauptet, dieses Wesen sei ein Lebewesen, zweibeinig, beseelt sowie dem Einsehen und Lernen zugänglich. All das impliziert ja der auf das Wesen angewandte Begriff des Menschen einer weithin anerkannten Auffassung nach. Diese Implikationen der aufgestellten Behauptung bilden einen Topos, ihren Topos. Das ist die Stelle, von der her ein Angreifer sie kritisch prüfen und gegebenenfalls widerlegen kann. Wenn jenem Wesen zugesprochen wird, ein Mensch zu sein, dann muß es folgerichtig darauf befragt werden können, ob es ebensogut ein Lebewesen, zweibeinig, beseelt sowie dem Einsehen und Lernen zugänglich sei. Wenn das nun auch nur in einem Punkt nicht bejaht werden kann, sondern verneint werden muß, kann folgerichtig der ganzen Behauptung in begründeter Weise widersprochen werden. Ein weiteres Exempel. Gesetzt, es werden Aussagen über jeweils bestimmte Ganzheiten und deren Zusammensetzung aus Teilen und Elementen gemacht, wie zum Beispiel die Aussage, daß ein Lebewesen die Zusammensetzung von Leib und Seele sei. Einen Topos oder neuralgischen Punkt an Aussagen dieser Art kennzeichnet Aristoteles im 14. Kapitel des sechsten Buches (Top. 151a 20! – 27?). Er besteht in der logischen Beziehung zwischen der Besonderheit des jeweils angesprochenen Ganzen einerseits und der Art, wie seine Zusammensetzung gefaßt wird, andererseits. Ob und wie sich die Fassung der Zusammensetzung mit der Besonderheit des angesprochenen Ganzen verträgt, darin besteht er näher. Das ist die Stelle, an der die Prüfung der Aussage ansetzen und gegebenenfalls zur Widerlegung verlängert werden kann. Möglich ist, daß in der kritisch zu prüfenden Aussage dem spezifischen Begriff für das jeweilige Ganze eine angemessen spezifizierende Fassung seiner Zusammensetzung aus Teilen und Elementen entspricht. Und dann läßt sich die Aussage nicht widerlegen, jedenfalls nicht unter dem gewählten Gesichtspunkt. Möglich ist aber auch, daß die Aussage einen spezifischen Begriff für das Ganze mit einer unspezifischen Fassung seiner Zusammensetzung verknüpft. Die als Beispiel angeführte Aussage – ein Lebewesen ist eine Zusammensetzung aus Leib und Seele – macht genau das. Sie benennt ein spezifisches Ganzes – Lebewesen – und spezifische Teile – Leib und Seele – aber die Zusammensetzung faßt sie unspezifisch, indem sie von einer Zusammensetzung schlechthin und überhaupt spricht. So aber fällt sie nicht folgerichtig aus. Denn niemals läßt sich ein spezifisches Ganzes von einer unspezifischen Zusammensetzung (aus wie immer gearteten Teilen) her folgerichtig begreifen, meint Aristoteles. An den ausgezeichneten Topos schließt also folgende Logik an. Wenn für ein Ganzes eine Zusammensetzung behauptet wird, dann muß folgerichtig die Behauptung daraufhin befragt werden, ob sie die Zusammensetzung in einer der Besonderheit des Ganzen angemessenen Weise spezifiziert. Wenn sie dies vermissen läßt und dem spezifischen Ganzen eine unspezifische Zusammensetzung unterstellt, so kann ihr in begründeter Weise widersprochen werden. Zusammenfassend läßt sich sagen: Topen zu markieren, heißt zu sagen, an welchen neuralgischen Punkten, kritischen Punkten, typischen Schwachstellen, möglichen Fehlerquellen von Sätzen bei ihrer Prüfung, Widerlegung und Verteidigung wie, mit welchem Mitteln angesetzt werden kann und muß?

    DIALEKTISCHE ARGUMENTE. Entschieden wird eine Streitfrage mit Argumenten. Das Widerlegen und Verteidigen, in dem die Kontroverse kulminiert und das tunlichst bei bestimmten Topen ansetzt, muß argumentativ geschehen. Als dialektische Argumente weist Aristoteles zwei Formen des logischen Schließens aus: zum einen die Induktionen, zum anderen eine bestimmte Form der Deduktionen. (Top. 105a 10 – 19). Erstens. Unter der Induktion versteht er den schlußfolgernden „Aufstieg vom Einzelnen zum Allgemeinen“. Er gibt dafür selbst ein Exempel: Wenn derjenige Steuermann, der sich auskennt, der beste Steuermann ist und es ähnlich beim Wagenlenker steht, dann wird wohl in jedem Bereich derjenige, der sich auskennt, der beste sein. Dieser Schluß ist nicht notwendig; die gefolgerte Verallgemeinerung ergibt sich nicht mit eherner Notwendigkeit aus den vorangestellten Einzelheiten. Alle Induktionen sind keine notwendigen Schlüsse. Dafür fallen sie aber meist recht anschaulich aus und würden sich dadurch dem Disput mit der Menge empfehlen. Zweitens. Von den Induktionen zu scheiden: das Schließen mit Notwendigkeit die Deduktion. An der Deduktion differenziert Aristoteles abermals zwei Formen aus, die apodiktische, beweiskräftige und keinen Widerspruch duldende einerseits und die dialektische andererseits (Top. 101a 25 – 101b 23?). Für die Logik der Kontroverse soll allein die letztere Form, die dialektische, in Betracht kommen. Was zeichnet sie aus? Apodiktische und dialektische Deduktion unterscheiden sich in der Art der Aussagen, aus denen geschlußfolgert wird, in der Art der Prämissen. Die apodiktische Deduktion ist ein Schließen aus Prinzipien. Unter Prinzipien werden Aussagen verstanden, die aus sich selbst überzeugen, die einer Begründung durch weitere Aussagen weder bedürfen noch fähig sind und die darum auch „erste und wahre Sätze“ heißen. Dem verdankt sich ihre gleichsam zwingende Beweiskraft, das Apodiktische an ihnen. Die dialektische Deduktion sei dagegen ein Schließen aus Prämissen, die „endoxa“ .genannt werden. Ein Wort, das recht vielfältig übertragen wird. Aber nachdem die Prinzipien als erste, nicht mehr begründungsbedürftige und aus sich selbst überzeugende Sätze vorgestellt wurden, hat man unter den endoxa folgendes zu verstehen; Aussagen, die nicht erste Sätze heißen können, weil sie der Begründung durch weitere Aussagen bedürftig und fähig sind, die darum von sich aus nur glaubwürdig ausfallen können, und das auch tun durch ihre Verbreitung, indem sie, wie es ausdrücklich heißt, für richtig gehalten werden von Allen oder von den Meisten oder aber von den Weisen, zumindest von den am meisten anerkannten (Top. 100a). Aus solchen Aussagen notwendig zu schließen, macht die dialektischen Deduktionen aus. Um einen Fall davon handelte es sich beispielsweise bei jenem Schluß, auf den die kritische Prüfung der Identifikation eines bestimmten Wesens als menschliches Wesen hinauslief. Ein Angreifer mag ihn etwa so formulieren: Wenn alle Menschen Lebewesen, zweibeinig, beseelt sowie zum Einsehen und Lernen fähig sind, wenn ferner das fragliche Wesen wenigstens eines der angegebenen Merkmale vermissen läßt, dann gehört dieses Wesen mitnichten zu den menschlichen Wesen; und die urtümliche Behauptung des Aufstellenden, dieses Wesen sei ein menschliches, muß als eine falsche gelten. Hier handelt es sich um ein notwendiges Schließen und um ein Schließen aus einem endoxon statt aus einem Prinzip, aus einer anerkannten, zu Aristoteles Zeiten weithin anerkannten Auffassung vom Menschen. Notwendiges Schließen aus einem endoxon, d. h. dialektische Deduktion. Drittens. Nicht allein die notwendigen Schlüsse der dialektischen Deduktion, sondern auch die nicht notwendigen Schlüsse der Induktion werden von Aristoteles als dialektische Argumente vorgestellt. Was macht beide zu dialektischen Argumenten? Worin besteht der ihnen gemeinsame dialektische Charakter? Die einen wie die anderen sind dem Widersprechen zugänglich; sie sind logisch so verfaßt, daß den Schlußfolgerungen stets widersprochen werden kann. An dem gerade bemühten Fall zeigt sich das auf folgende Weise. Die Widerlegung wurde in diesem Falle vom Angreifer zwar mit einem notwendigen Schluß angestrengt, aber nicht mit einem apodiktischen, keinen Widerspruch duldenden Schluß. Sein Obersatz – alle Menschen sind Lebewesen, zweibeinig, beseelt sowie zum Einsehen und Lernen fähig – ist genauso wie jedes andere endoxon kein erster Satz, kein von selbst überzeugender, sondern ein der Begründung bedürftiger. Dieser logische Status gibt einen Topos her, den Ansatzpunkt für einen Angriff, der nunmehr allerdings vom Verteidiger geführt wird. Der kann u. a. zu bedenken geben, daß besagter Satz zwar in einem notwendigen Schluß zur Anwendung kam, selbst aber auf ganz andere Weise gewonnen wurde. Er wird auf induktive Weise gewonnen worden sein, gestützt auf die zigfache Begegnung mit Menschen, die alle die aufgezählten vier Merkmale aufwiesen. Aber daraus, daß die Fürsprecher jenes Satzes nie andere Menschen als solche angetroffen haben, so kann der angreifende Verteidiger argumentieren, folgt nicht, daß es keine anderen gebe. Der Satz stellt also bestenfalls eine Hypothese dar. Und eine Widerlegung, die auf einer bloßen Hypothese fußt, ist fragwürdig. So gerät der für eine Widerlegung aufgebotene Schluß seinerseits zum Zielpunkt eines Widerlegens. Analog in allen Kontroversen. Dem Widersprechen wird regelmäßig widersprochen. Jedes Argument ist logisch anschlußfähig für ein Gegenargument usw. Das macht sie zu dialektischen Argumenten. „Dialektisch“ bedeutet in diesem Kontext auch das Gegenteil von „ex cathedra“.

    STREITBARE VERNUNFT. Platon sah Dialektik und Vernunft, dialektisches und vernünftiges Erkennen dem Umfang nach zusammenfallen. Alle Vernunft ist danach dialektisch, alle Dialektik vernünftig. Vernunft bedient sich nach allen Seiten hin der Kraft der Dialektik, Dialektik ist in jeder Hinsicht Vernunftvermögen. Ein so weites Feld hat Aristoteles unter dem Titel „Dialektik“ nicht im Auge, sondern offenkundig etwas ungleich Spezielleres. Aber von Grund auf vernünftig, rational ist auch die Logik der Kontroverse, als welche er seine Dialektik ausbreitet. Diese Dialektik ist voller Vernunft, weil sie – sogar in intensiver Weise – ein Begründen ausmacht, ein Urteilen aus ausdrücklich angegebenen und der Prüfung ausgelieferten Gründen heraus. Das Widerlegen und Verteidigen von Aussagen, Werturteilen usw. stellt ja niemals ein einfaches Verneinen und Bejahen dar, sondern ein vermitteltes, durch Begründungen vermitteltes Verneinen und Bejahen. Unbegründet sind sie schlicht unmöglich. Der Widerspruch als Widerrede schlechthin und überhaupt ist noch ohne Begründung möglich. So etwa im Falle der strikt autoritären Widerrede und der rein auf die Tradition pochenden Verwerfung von neuen Ansichten. Aber der Widerspruch als ein wechselseitiges Widersprechen, das sich im Widerlegen und Verteidigen von Urteilen vollzieht, ist in jedem Falle allein in einer begründenden Weise zu haben. Es gehört zum Wesen des Widerlegens und des Verteidigens gegen Widerlegungen, ein begründendes Verneinen und Bejahen zu sein. Die Logik der Kontroverse ist streitbare Vernunft.

    #philosophie #dialectique #Aristote #Grèce_antique

  • Dialectique, approches et questionnements

    Louis de Colmar

    https://lavoiedujaguar.net/Dialectique-approches-et-questionnements

    Qu’est-ce que la dialectique ? Je ne dirais pas que c’est la capacité de penser deux choses opposées et de décider : ce serait, au contraire, décider que la façon particulière qui permet d’appréhender une problématique, une réalité, etc. à travers une opposition donnée et historiquement constituée est devenu une impasse. Précisément donc, la question dialectique se pose lorsque les termes d’une opposition qui permettaient jusqu’alors de comprendre une problématique, une réalité, etc. deviennent non significatifs, non opérationnels, non manipulables, et conduisent à des impasses, quelles que soient les manières de tricoter et détricoter les éléments contradictoires.

    La question dialectique intervient lorsque qu’une logique donnée, construite, établie, instituée, ne rend plus compte du réel (alors qu’elle a effectivement été en mesure de le faire jusque-là), et qu’il faille changer de logique pour rétablir un lien avec une réalité reconstruite sur des bases nouvelles (bases nouvelles qui ne sont pas visibles, pas perceptibles, pas rationalisables, etc., dans le contexte de cette première logique, rationalité, etc.). Cette question dialectique est ainsi relativement bien illustrée par le concept de changement de paradigme dans l’approche de Kuhn, ou encore à travers la problématique des structures dissipatives de Prigogine.

    Il ne peut pas y avoir de dialectique dans un processus si ce dernier ne comporte pas un imprévu, une non-linéarité, un non-nécessaire, un illogisme, une non-continuité, etc. (...)

    #dialectique #question #Hegel #Marx #langues #cosmogonies #modernité #civilisations

  • Ecce Homo - hypathie - Blog féministe et anti-spéciste

    http://hypathie.blogspot.com/2019/11/ecce-homo.html

    Carla Lonzi (1931-1982) est une féministe italienne, critique d’art, puis créatrice d’un collectif féministe Rivolta femminile. Dans son texte Crachons sur Hegel, elle critique la dialectique maître-esclave de Hegel, et sa suite le marxisme, qui ne font que mettre en sourdine l’oppression encore plus radicale qui réside dans le rapport homme/femmes et qui se cache dans ’les ténèbres des origines’. C’est la culture patriarcale qui est dialectique. (4ème de couverture). Elle reproche, comme toutes les féministes, dans son cas à Hegel, de ne pas voir les femmes, de les décrire comme a-historiques, dans l’immanence, l’homme humaniste dans la transcendance, en opposition à la nature. De ce fait, selon Carla Lonzi, il est abstraction et néglige la vie.

    " Toute la structure de la civilisation , comme une seul grande battue de chasse, pousse la proie vers les lieux où elle sera capturée : le mariage est le moment où s’accomplit sa captivité. Pendant que les états accordent le divorce et que l’Eglise catholique s’évertue à le nier, la femme révèle sa maturité en étant la première à dénoncer l’absurde organisation des rapports entre les sexes. La crise de l’homme se manifeste dans son attachement aux formules : on confie à ces dernières la tâche de garantir sa supériorité.

    #dialectique #domination_masculine

  • “Joker”, un film “détestable”. Et les “élites” de nos sociétés ultra-libérales et consuméristes détestent qu’on leur mette le nez dans leur caca.

    TIFF 2019: Joaquin Phoenix’s Joker is the antihero the alienated and angry have been waiting for, and that’s precisely the problem - The Globe and Mail
    https://www.theglobeandmail.com/arts/film/tiff/article-tiff-2019-joaquin-phoenixs-joker-is-the-antihero-the-aliena

    TIFF 2019: Joaquin Phoenix’s Joker is the antihero the alienated and angry have been waiting for, and that’s precisely the problem

    https://www.revolutionpermanente.fr/Le-Joker-entre-le-desespoir-du-capitalisme-et-l-espoir-de-l-eme

    Le Joker : entre le désespoir du capitalisme et l’espoir de l’émeute

    Toutes les critiques américaines ont détesté le Joker : elles le voient comme un film sans message, ou comme une source d’inspiration pour le terrorisme de droite. Quel film ont-elles vu ? En réalité, son message ne pourrait pas être plus clair : les travailleurs doivent diriger leur rage contre les riches.

    • A lire les critiques je constate qu’il y a des chiens de Pavlov partout. En contenant ses réflexes conditionnels on arrive à regarder l’oeuvre comme telle.

      Le film ressemble étrangement à Bad Lieutenant d’Abel Ferrara où Harvey Keitel nous expose au processus de décomposition d’un caractère aliéné.

      https://www.youtube.com/watch?v=Ir8Y4iFrWk8

      Le joker ne subit pas sa décomposition, bien au contraire il provoque la Aufhebung de sa souffrance dans un soulèvement de masse clownesque. Le dernier rempart contre sa révolte est une psychiatre noire intégrée au système carcéral. Finalement elle est aussi impuissante comme la police et les médias contre les puissances qui font du Joker l’expression d’un malaise concernant tout le monde.

      https://www.youtube.com/watch?v=QxkBTqQY9vk

      Solution pratique pour mieux comprendre ce film : Consacrez sept minutes à une introduction dans la pensée de Hegel, ce qui est peu de temps mais c’est un début.
      https://www.youtube.com/watch?v=H5JGE3lhuNo

      Le film se termine par une chanson de Frank Sinatra qui désigne le Joker comme incarnation actuelle de l’américain idéal. Elle explique la morale de l’histoire. J’y découvre beaucoup d’ironie, mais c’est uniquement mon impression personnelle. Et la vôtre ?

      https://www.youtube.com/watch?v=KIiUqfxFttM

      Frank Sinatra – That’s Life Lyrics
      https://genius.com/Frank-sinatra-thats-life-lyrics

      [Verse 1]
      That’s life (that’s life), that’s what people say
      You’re riding high in April, shot down in May
      But I know I’m gonna change that tune
      When I’m back on top, back on top in June
      I said, that’s life (that’s life), and as funny as it may seem
      Some people get their kicks
      Stompin’ on a dream
      But I don’t let it, let it get me down
      Cause this fine old world it keeps spinning around

      [Chorus]
      I’ve been a puppet, a pauper, a pirate, a poet
      A pawn and a king
      I’ve been up and down and over and out
      And I know one thing:
      Each time I find myself flat on my face
      I pick myself up and get back in the race

      [Verse 2]
      That’s life (that’s life), I tell ya, I can’t deny it
      I thought of quitting, baby
      But my heart just ain’t gonna buy it
      And if I didn’t think it was worth one single try
      I’d jump right on a big bird and then I’d fly

      [Chorus]
      I’ve been a puppet, a pauper, a pirate
      A poet, a pawn and a king
      I’ve been up and down and over and out
      And I know one thing:
      Each time I find myself laying flat on my face
      I just pick myself up and get back in the race

      [Verse 3]
      That’s life, that’s life
      And I can’t deny it
      Many times I thought of cutting out but my heart won’t buy it
      But if there’s nothing shaking come here this July
      I’m gonna roll myself up in a big ball and die
      My, my

      That’s Life (song) - Wikipedia
      https://en.wikipedia.org/wiki/That%27s_Life_(song)

      “That’s Life” is a popular song written by Dean Kay and Kelly Gordon and first recorded by Marion Montgomery. The most famous version is by Frank Sinatra, released on his 1966 album of the same name. Sinatra recorded the song after hearing an earlier cover of it by O.C. Smith; the song proved successful and reached the fourth spot on the Billboard Hot 100 singles chart. Following the success of Sinatra’s version, it was subsequently recorded by a number of artists including Aretha Franklin, James Booker, Shirley Bassey, James Brown, Van Morrison, David Lee Roth, Michael Bolton, Michael Bublé, Russell Watson, and Deana Martin and Holt McCallany. Sinatra’s version appeared in the 1993 film A Bronx Tale, the 2019 film Joker (2019 film), and the 2004 video game Tony Hawk’s Underground 2, while a cover by Bono was on the soundtrack of The Good Thief (2002).

      #film #cinéma #terrorisme #USA #band_dessinée #Batman #décadence #révolte #dialectique

  • Missing Shulamith and The Dialectic of #MeToo

    The history of #MeToo has been obscured by the media frenzy that concurrently emerged. Tarana Burke, an African American woman, created a non-profit organization called Me Too in 2006, to help women of color who had been sexually abused or assaulted. This was not about naming perpetrators or holding them accountable; it was only to give the affected women a voice. This, the media ignored. But in 2017 two things happened which did get media attention: The New York Times published revelations about Harvey Weinstein’s sexual abuse of Hollywood women, and following that, an actress, Alyssa Milano, who became aware of Tarana Burke’s work, wrote in social media, “If all the women who have been sexually harassed or assaulted wrote “Me Too” as a status, we might give people a sense of the magnitude of the problem.” What followed was the flooding of social media with stories of abuse and harassment, and a way for women to tell their experience and stand in solidarity with other abuse survivors. In the first 24 hours of Milano’s post, more than 12 million “MeToo” posts appeared. All these aspects of #MeToo, its mass base and its revelation of the pervasive and perverse alignment of misogyny and power, make it dangerous to the established power structure. Not surprisingly, that power structure has responded quickly in its attack on #MeToo.

    As it addresses these challenges, this wave of feminism, of which #MeToo may be the vanguard, will herald a transformative process, a process that would be both revolutionary and healing. I wish #Shulamith_Firestone were here to witness and comment on this moment. The struggle and potential for women and men to lead new lives is stronger than ever. There is still much work to do, leadership to emerge, organizing and theory to be developed, but the era of silence and shame is coming to an end.

    https://www.tikkun.org/nextgen/missing-shulamith-and-the-dialectic-of-metoo
    #me_too #dialectique #sexisme #harcèlement_sexuel #pouvoir #misogynie #structures_de_pouvoir #patriarcat #féminisme #anti-metoo

  • La Dialectique peut-elle casser des briques ? (1973) - René Viénet [MultiSub] - YouTube

    https://www.youtube.com/watch?v=Anr2d_Tuakg

    La #dialectique peut-elle casser des briques ? est un film français de #René_Viénet sorti en 1973. La dialectique peut-elle casser des briques est un film se rattachant au #mouvement_situationniste initié entre autres par #Guy_Debord. Il s’agit du détournement d’un film de kung-fu chinois (唐手跆拳道, 1972) dans lequel des pratiquants de taekwondo coréens s’opposent à des oppresseurs japonais. Le détournement cinématographique est une pratique visant à récupérer un film déjà réalisé et commercialisé en changeant le discours des personnages (post-doublage). Le dialogue original est remplacé par un autre dialogue, généralement à portée humoristique. Le scénario détourné relate comment des prolétaires tentent de venir à bout de bureaucrates violents et corrompus grâce à la dialectique et à la subjectivité radicale. La violence est finalement choisie du fait de l’incapacité des bureaucrates à suivre un argument logique. Le dialogue contient de nombreuses allusions à des révolutionnaires anticapitalistes (Marx, Bakounine, Wilhelm Reich), et évoque au passage des thèmes contemporains : conflits syndicaux, égalité des sexes, mai 68, gauche française et les #situationnistes eux-mêmes

  • Karl Marx: Ökonomisch-philosophische Manuskripte
    3. Manuskript - Kritik der Hegelschen Dialektik und Philosophie überhaupt
    http://www.mlwerke.de/me/me40/me40_568.htm

    Es sind nun die positiven Momente den Hegelschen Dialektik – innerhalb der Bestimmung der Entfremdung – zu fassen.

    a) Das Aufheben, als gegenständliche, die Entäußerung in sich zurücknehmende Bewegung. – Es ist dies die innerhalb den Entfremdung ausgedrückte Einsicht von der Aneignung des gegenständlichen Wesens durch die Aufhebung seiner Entfremdung, die entfremdete Einsicht in die wirkliche Vergegenständlichung des Menschen, in die wirkliche Aneignung seines gegenständlichen Wesens durch die Vernichtung der entfremdeten Bestimmung der gegenständlichen Welt, durch ihre Aufhebung, in ihrem entfremdeten Dasein, wie der Atheismus als Aufhebung Gottes das Werden des theoretischen Humanismus, der Kommunismus als Aufhebung des Privateigentums die Vindikation des wirklichen menschlichen Lebens als seines Eigentums ist, das Wenden des praktischen Humanismus ist, oder der Atheismus ist den durch Aufhebung der Religion, der Kommunismus der durch Aufhebung des Privateigentums mit sich vermittelte Humanismus. Erst durch die Aufhebung dieser Vermittelung – die aber eine notwendige Voraussetzung ist – wird den positiv von sich selbst beginnende, der positive Humanismus.

    Aber Atheismus, Kommunismus sind keine Flucht, keine Abstraktion, kein Verlieren der von dem Menschen erzeugten gegenständlichen Welt, seinen zur Gegenständlichkeit herausgebornen Wesenskräfte, keine zur unnatürlichen, unentwickelten Einfachheit zurückkehrende Armut. Sie sind vielmehr erst das wirkliche Werden, die wirklich für den Menschen gewordne Verwirklichung seines Wesens und seines Wesens als eines wirklichen.

    MIA: K. Marx - Manuscrits de 1844
    Critique de la dialectique de Hegel et de sa philosophie en général
    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1844/00/km18440000/km18440000_5.htm

    Considérons maintenant les moments positifs de la dialectique de Hegel - à l’intérieur de la détermination de l’aliénation.

    C’est, exprimée à l’intérieur de l’aliénation, ridée de l’appropriation de l’essence objective par la suppression de son aliénation. C’est la compréhension aliénée de l’objectivation réelle de l’homme, de l’ap­pro­priation réelle de son essence objective par l’anéantissement de la détermination aliénée du monde objectif, par sa suppression dans son existence aliénée, - de même que l’athéisme, suppression de Dieu, est le devenir de l’humanisme théorique, que le communis­me, abolition de la propriété privée, est la revendication de la vie réelle de l’homme comme sa propriété, le deve­nir de l’humanisme pratique ; en d’autres termes, l’athéisme est l’humanisme ramené à lui-même par le moyen terme de la suppression de la religion, le communisme est l’humanisme ramené à lui-même par celui de l’abolition de la propriété privée. Ce n’est que par la sup­pression de ce moyen terme - qui est toutefois une condition préalable nécessaire - que naît l’humanisme qui part positivement de lui-même, l’humanisme positif.

    Mais l’athéisme et le communisme ne sont pas une fuite, une abstraction, une perte du monde objectif engendré par l’homme, une perte de ses forces essentielles qui ont pris une forme objective. Ils ne sont pas une pauvreté qui retourne à la simplicité contre nature et non encore développée. Ils sont bien plutôt, pour la pre­mière fois, le devenir réel, la réalisation devenue réelle pour l’homme de son essence, et de son essence en tant qu’essence réelle.

    Economic and Philosophic Manuscripts of 1844
    Critique of Hegel’s Philosophy in General
    https://www.marxists.org/archive/marx/works/1844/manuscripts/hegel.htm

    It is now time to formulate the positive aspects of the Hegelian dialectic within the realm of estrangement.

    (a) Supersession as an objective movement of retracting the alienation into self. This is the insight, expressed within the estrangement, concerning the appropriation of the objective essence through the supersession of its estrangement; it is the estranged insight into the real objectification of man, into the real appropriation of his objective essence through the annihilation of the estranged character of the objective world, through the supersession of the objective world in its estranged mode of being. In the same way atheism, being the supersession of God, is the advent of theoretic humanism, and communism, as the supersession of private property, is the vindication of real human life as man’s possession and thus the advent of practical humanism, or atheism is humanism mediated with itself through the supersession of religion, whilst communism is humanism mediated with itself through the supersession of private property. Only through the supersession of this mediation – which is itself, however, a necessary premise – does positively self-deriving humanism, positive humanism, come into being.

    But atheism and communism are no flight, no abstraction, no loss of the objective world created by man – of man’s essential powers born to the realm of objectivity; they are not a returning in poverty to unnatural, primitive simplicity. On the contrary, they are but the first real emergence, the actual realisation for man of man’s essence and of his essence as something real.

    Marx and Engels Collected Works
    https://www.marxists.org/archive/marx/works/cw/index.htm

    many of the most valued works of Marx and Engels were translated by Progress Publishers in the USSR and some other works by other publishers, and are in the public domain, and may be found in the Marx-Engels archive on marxists.org.

    #philosophie #religion #athéisme #dialectique

  • Séance du dimanche : « La dialectique peut-elle casser des briques ? »
    https://quartierslibres.wordpress.com/2016/02/07/seance-du-dimanche-la-dialectique-peut-elle-casser-des-br

    La Dialectique peut-elle casser des briques ?, film réalisé par René Viénet en 1973, se réapproprie un film de karaté, Crush karaté / The Crush tourné à Hong-Kong l’année précédente par Kwang-Gee Doo et Lam Nin Tung. C’est le premier exemple de détournement intégral d’un film à travers le doublage en français des dialogues et de la voix off, qui remplace les dialogues originaux et le sujet original –un affrontement dans un village coréen entre adeptes locaux du taekwondo et oppresseurs japonais, pratiquant le karaté– recodifié en lutte entre les forces populaires auto-organisées et l’oppression bureaucratique. Source : Quartiers (...)

  • Le revenu universel citoyen ou l’éternel retour du serpent
    https://lundi.am/Le-revenu-universel-citoyen-ou-l-eternel-retour-du-serpent

    Cette proposition nous est d’emblée suspecte, défendue qu’elle est par des personnes ou des groupes que l’on pourrait croire adversaires ou, au moins, opposés. Ainsi ce revenu inconditionnel, sous le nom d’impôt négatif, est-il soutenu par les libéraux, les ultralibéraux et les libertariens, comme un moyen d’améliorer le fonctionnement de « l’économie de marché ».

    « https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9grisme »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_politique »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Basic_Income_Earth_Network »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Emploi »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Altermondialistes »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Libertariens »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Allais »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/James_Tobin »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Herbert_A._Simon »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Hayek »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/James_Meade »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Solow »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Milton_Friedman »
    « http://www.bioaddict.fr/article/inegalites-1-des-plus-riches-possederont-plus-que-le-reste-de-la-populatio »
    « http://plus.lefigaro.fr/tag/francois-hollande »
    « http://revenudebase.info »
    « http://www.wedemain.fr/Finlande-Pays-Bas-Suisse-Le-revenu-universel-va-t-il-conquerir-l-Europe_a15 »
    « http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3399/AN/511.asp »
    « http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3399/AN/552.asp »
    « http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cloi/15-16/c1516033.asp »
    « http://video.lefigaro.fr/figaro/video/finlande-le-centre-arrive-en-tete-aux-legislatives/4182740848001 »
    « http://plus.lefigaro.fr/tag/eric-woerth »
    « http://plus.lefigaro.fr/tag/arnaud-montebourg »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Besoin_primaire »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Transferts_sociaux »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Imp%C3%B4t_n%C3%A9gatif »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Argumentation »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9 »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89galit%C3%A9_sociale »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauvret%C3%A9 »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ducation »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Exode_rural »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9dit_social »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%B4mage »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/March%C3%A9_du_travail »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Trappe_%C3%A0_pauvret%C3%A9 »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu_minimum »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A8que_%C3%A9ducation »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A8que_sant%C3%A9 »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Yann_Moulier-Boutang »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Salaire_minimum »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_de_Villepin »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Marseille »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Baptiste_Mylondo »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_Boutin »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Yoland_Bresson »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Dieter_Althaus »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Finances_publiques »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Co%C3%BBt_du_travail »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Comp%C3%A9titivit%C3%A9 »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxe_sur_la_valeur_ajout%C3%A9e »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Prestation_sociale »
    « https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonctions_r%C3%A9galiennes »

    • L’article est plutôt faible d’avoir négligé de dire quoi que ce soit de la généalogie réellement contradictoire, voire antagoniste, dont le #revenu_garanti procède, du côté ouvrier, comme du côté des chômeurs et précaires, et de ce fait, là aussi, plus largement qu’en terme de couche ou de catégorie sociale.
      Le revenu garanti ou le salaire politique comme revendication n’était pas défendu comme une modalité de modernisation (irénique) du capitalisme mais un facteur de sa mise en crise.
      La version présentée ici écarte tout cela, c’est lisse (néolibéral et capitaliste), comme si il ne s’agissait pas d’#histoire, c’est à dire de conflit. À force d’accroire que la #dialectique doit nécessaire déboucher sur une synthèse, c’est toute exposition dialectique qui en vient à être négligée. #Présentisme.

  • Un peu de Hegel : Abbildung der spekulativen Methode im Dreieck
    http://hegel-system.de/de/v0methode-dreieck.htm

    ’Das, um was es hier zu tun ist, ist die Wissenschaft,
    und in der Wissenschaft ist der Inhalt wesentlich an die Form gebunden.’ [RP]

    ’Es kann nur eine Methode in aller Wissenschaft sein’, [VR]
    ’und irgend etwas ist nur begriffen und in seiner Wahrheit gewußt,
    als es der Methode vollkommen unterworfen ist;
    sie ist die eigene Methode jeder Sache selbst, weil ihre Tätigkeit der Begriff ist.’ [L]

    ’Nach den Momenten des Begriffs
    wird daher die Darstellung und Entwicklung in drei Teilen geschehen.

    Wir werden den Begriff betrachten zuerst im allgemeinen [A],
    dann in seiner Besonderheit [B] als sich teilenden und unterscheidenden Begriff, welches die Seite des Urteils, der Beschränktheit, der Differenz und der Endlichkeit ist, und drittens den Begriff, der sich mit sich zusammenschließt, den Schluß oder die Rückkehr des Begriffs aus seiner Bestimmtheit [Einzelheit, E].’ [VR]

    #Hegel #dialectique #philosophie #auf_deutsch

  • Exhibit B : ne pas se tromper d’adversaires
    http://blog.mondediplo.net/2014-12-02-Exhibit-B-ne-pas-se-tromper-d-adversaires

    On croyait tout savoir d’Exhibit B avant même de l’avoir vue... Difficile d’échapper à la polémique déclenchée autour de l’installation-performance qui, rappelons-le, a tourné en Europe depuis 2010, avant même d’être programmée au Festival d’Avignon et au CentQuatre, à Paris, l’an dernier. Exhibit B serait un « événement raciste » et à ce titre on devrait l’interdire, demandent ses détracteurs du « Collectif anti-Exhibit B », sans autre forme de procès.

  • « Exhibit B » : Oui, un spectacle qui se veut antiraciste peut être raciste
    http://www.slate.fr/story/95219/exhibit-b-raciste

    Et c’est le problème avec la performance montée par le metteur en scène sud-africain blanc Brett Bailey, qui reproduit un zoo humain du début du XXè siècle. Tribune d’Amandine Gay, militante anti-raciste, opposée à cette performance, et qui a participé aux manifestations. Source : Slate

    • http://mrsroots.wordpress.com/2014/10/14/boycotthumanzoo-i-le-racisme-sinvite-au-musee

      “Notre passé colonial”. Un “notre” bien hypocrite quand il s’articule uniquement sur la servitude des corps noirs pour une exposition au musée. Voilà donc plusieurs jours que cette exposition est questionnée sur son racisme. A peine daigne-t-on soulever l’annulation de cette même exposition outre-manche, il nous revient d’anticiper les cris à la censure et à la liberté d’expression ; soit une liberté qui se complaît dans le dénigrement et le rabaissement des mêmes minorités ethniques dans l’espace médiatique.

      http://mrsroots.wordpress.com/2014/11/26/boycotthumanzoo-exhibitb-it-is-nothing-newca-na-rien-de-nouveau-

      Voir des gens noirs, de voir des Africains - présentés comme des corps, plutôt que des personnes : ça n’a rien de nouveau. Voir ces corps noirs souffrant, présentés dans la douleur et la terreur insupportables, ça n’a rien de nouveau. Les femmes noires comme des objets sexuels en attente d’être violées, comme des spécimens anatomiques pour être examinées, comme des Mama, comme des animaux, voir les hommes noirs désincarnés ou présentés comme violents et effrayants, dans des cages, avec leurs corps mutilés, ou sans organes du tout, comme quatre têtes désincarnées chantant au fond de l’exposition - une complainte lugubre, bien sûr, de sorte que tout l’espace suinte des relents de pitié et de honte et de douleur. Voir l’histoire des Noirs présentée comme si elle a commencé et se terminera avec le colonialisme - c’est à dire quand des personnes blanches font partie du tableau, ça n’a RIEN DE NOUVEAU. Ce n’est pas radical, cela ne me remet pas en cause - en fait, ça ne remet en cause personne, vraimentt, car cela se nourrit d’un récit culturel qui est trop commun : celui dans lequel la douleur et la persécution sont la seule manière dont nous pouvons comprendre l’expérience de la Négritude, celui dans lequel nous fétichisons l’expérience noire abjecte

      http://mrsroots.wordpress.com/2014/11/29/boycotthumanzoo-exhibitb-en-france-respect-et-dignite

      De notre côté de la barrière, les gens discutent, se soutiennent dans cette conviction que notre dignité n’est pas à vendre, que cet “antiracisme” qui n’écoute que lui-même en prétendant nous défendre, est hypocrite ; et que la dénonciation du racisme dans une énième répétition du Noir asservi, est fantaisiste et naïf.

      #privilège_blanc
      #antiracisme
      #mrsroots
      #boycott_human_zoo
      #intersectionalité

    • @Karl-Groucho

      je ne suis pas client de slate, c’est pourquoi j’ai proposé d’autres liens, qui proposent une critique qui me semble assez précise, et très peu suspecte de faire une « unanimité », du privilège blanc à l’oeuvre dans cette sorte d’antiracisme.

      En matière de racisme, reconnaître que l’on se doit d’écouter ce qu’ont à en dire celleux qui le subissent est un phénomène des plus récents.

      Et nous autres blancs antiracistes demeurons bien trop souvent persuadés de ce que nos intentions, aussi bonnes soient elles, pourraient nous dispenser de devoir prendre conscience de privilèges liés au racisme dont notre antiracisme ne nous privera pas.

      « art dégénéré », fichtre ! Mais la différence entre Auschwitz et l’esclavage des noirs, c’est que l’antisémitisme est tout de même un petit peu moins institutionnel aujourd’hui que ne l’est le racisme envers les noirs. Le contrôle au faciès ne concerne heureusement plus, par exemple, ceux de nos concitoyens dont l’Etat soupçonnerait la confession juive. On ne saurait en dire autant des rapports entre les personnes à peau noire et les forces de l’ordre (ce n’est qu’un exemple très simple parmi bien trop d’autres possibles) Ce qui change effectivement beaucoup de choses : quand on parle d’esclavage ou de colonies, on parle d’un racisme qui structure encore notre société, même si c’est sous des formes (à peine) moins caricaturales.
      Ne vous emballez pas trop vite à employer des grands mots et des intimidations, qui constituent justement un exercice de privilège blanc caractérisé (et ne fonctionneront plus).

    • Et les gens qui représentent les colonisés sont des gens engagés et présents volontairement.

      Les gens qui représentent les colonisés ne sont pas indépendants du capitalisme. En dépit du système il faut bien se nourrir…

      Auschwitz-Birkenau aujourd’hui est-il incompréhensible hors la présence simultanée des nazis ?

      Une exposition au cours de laquelle des juifs seraient tatoués (par qui ?) puis enfermés (par qui ?) dans des simulacres de chambre à gaz serait tout aussi malvenue…

      Cette exposition est hypocrite car si elle reproduit « au nom de l’Art » des atrocités commises envers les noirs, elle se garde bien de dénoncer QUI a commis ces atrocités.

      Tous ceux qui agissent avec virulence contre cette performance sont-ils autant présents et actifs, par exemple, contre toutes les manifestations nationalistes et excluantes (du front national aux ignominies gouvernementales de Calais, etc.) ?

      L’injonction à être de toutes les luttes pour pouvoir prétendre à être perçu de manière crédible est d’une particulière mauvaise foi. Personne n’a à juger de l’engagement des autres, en particulier si le but est, comme ici, d’avoir un prétexte pour minimiser cet engagement sans avoir à le critiquer directement.

      De plus, tu ne fais que prêter des intentions perfides aux gens, ce serait louche qu’ils soient tous d’accord. Mais si tout le monde s’accorde à ne pas sauter d’un pont, feras-tu le contraire à cause d’une unanimité de mauvaise aloi ? Cet argument est fallacieux.

    • @martin5 a écrit :

      En matière de racisme, reconnaître que l’on se doit d’écouter ce qu’ont à en dire celleux qui le subissent est un phénomène des plus récents.

      Voilà, tout est dit.

      J’ai vu que des noirs gueulent au racisme devant les portes de cette expo et qui se font taper sur la gueule par des CRS blancs pour la défendre, j’en déduis (même sans CRS) qu’ils sont autrement mieux placés que moi pour savoir quelles sales gueules peut prendre le racisme !

      Ailleurs, dans ce registre, il y a le gag de Timsit sur l’analogie entre les crevettes et les trisomiques. Ça m’a fait rire. Les proches de trisomiques, pas du tout. J’ai en conclu qu’au final, c’était de l’humour blessant et que donc, ce n’était pas drôle du tout. Timsit aussi s’est excusé.

      Et effectivement, les bonnes blagues de fin de banquet sur les femmes, ça fait super longtemps qu’elles ne me font plus rire du tout et ça me fait encore plus chier quand un gros con vient l’expliquer que je n’ai aucun humour.

      CQFD !

    • @monolecte > Clairement. Il y a encore pas si longtemps L’Elfe le rappelai comme ça dans un article :

      Militer n’est pas une obligation. Militer prend du temps, de l’énergie. Nous sommes tous pris dans des vies parfois difficiles. Nous avons nos problèmes. Certains d’entre nous subissent d’ailleurs des injustices sociales (sexisme, racisme) qui sont handicapantes et qu’ils doivent eux-même déconstruire pour avoir une meilleure vie.

      Militer peut aussi être un privilège. La mère célibataire de 3 enfants milite rarement… Militer peut être difficile, voire impossible, pour certaines personnes, qu’elles soient jeunes et dépendantes de leurs parents, vieilles et isolées…

      - http://lesquestionscomposent.fr/militer-cest-chiant

    • « politiquement correct » n’est pas à mes yeux une catégorie qui aide à y voir clair, si l’on essaie d’aller plus loin que l’aspect « buzz » de tel ou tel événement.

      La question n’est pas « d’être ou ne pas être politiquement correct », mais d’avoir ou non conscience des rapports de domination qui structurent la société dans laquelle nous sommes.

      La « liberté dans l’art » ne tombe pas du ciel, et n’est encore moins un absolu. (Rien qu’avec les termes « liberté » et « art », nous avons de quoi disputer âprement quelques jours avant de commencer à être certains de parler de la même chose). De fait, réclamer la « liberté » pour un art désincarné, séparé des réalités sociales, qui n’aurait de compte à rendre à personne : on ne fait pas plus platement et idéalement bourgeois.
      Cette question est entièrement traversée par les conditions matérielles dans lesquelles cette liberté et cet art existent : autrement dit, elle est pleinement prise dans ces rapports de domination. Dans ces conditions, prétendre être « libre » ou « libéré », lorsqu’on est blanc, de la contrainte si affreusement liberticide (aïe ! j’ai mal à mon privilège !) de devoir prendre en considération ce que les racisés peuvent penser de nos gentilles actions artistiques antiracistes, c’est tout simplement perpétuer, sous couvert de Création et de Liberté un déni et un mépris que ces mêmes racisés connaissent trop bien, et qui se nomment, figurez-vous, racisme. C’est, platement, exercer son privilège de dominant, qui a effectivement le pouvoir de dire et d’imposer ce sa conception de la « liberté de créer », une conception qui ménage les hiérarchies sociales, et sa perception de lui-même.

      Mais c’est vrai que les dominé-e-s sont si susceptibles, et peu au fait de ce qu’est la liberté... expliquons leur : la liberté, c’est d’être comme nous des hommes blancs hétéros, et de faire ce qu’il nous plaît, et de faire taire les noirs/femmes/homos/lesbiennes qui auraient le toupet de nous rappeler qu’il existe des hiérarchies sociales !

      J’ai appris que j’avais besoin de ce qu’en disent les racisés pour comprendre le racisme. Comme j’ai appris que je devais écouter ce que disaient les féministes pour comprendre ce qu’étaient les rapports de domination de genre. Comme j’ai appris que ma position d’homme blanc hétéro faisait de moi un privilégié sur ces plans là, que je le veuille ou non, que je sois proféministe, anti-homophobie, anti-lesbophobie antiraciste ou non, etc. Oui, il y a aussi des personnes transgenre, des personnes intersexe, et j’en oublie sûrement.

      Tout cela ne fait pas de moi un coupable qui doit expier, mais quelqu’un qui a commencé de prendre conscience que, tant que nous vivrons dans une société genrée, raciste, hétéronormée, un homme blanc hétéro ne s’exprimerait pas depuis la même position qu’un noir, tzigane... qu’une femme, qu’une lesbienne ou qu’un homosexuel, et que dans de telles conditions, tourner ma langue dans ma bouche avant de m’exprimer à tort et à travers sur ce que vivent les dominé-e-s ne relevait pas de la censure, mais de la conscience de ma propre position, non neutre, au sein des rapports de domination existant

      Le politiquement correct et son inverse ne sont pas des critères de jugement pertinents. Si l’illusion d’être subversif et « libre » flatte les ego idéalistes, elle ne les dispense en rien de prendre connaissance des conditions matérielles existantes.

    • Le rapport entre les blagues sexistes de fin de banquet et l’exposition antiraciste accusée de racisme est pour moi limpide : dans les deux cas, les dominants (les machos pour le banquet, les blancs pour l’expo) expliquent aux dominés (les femmes pour le sexisme, les noirs pour le racisme) qu’ils n’ont rien compris à leur domination et qu’on va donc leur expliquer ce qu’ils doivent ressentir !

    • @jean-no alors... rien, car là ce n’est pas la question du « tous » mais celle de la suprématie de l’"un", et précisément de celle de l’#artiste, dont une des fonctions actuelles est d’esthétiser le politique pour en dissoudre l’âpreté. N’en déplaise à Stirner et et à bon nombre d’anarchistes, cette suprématie de l’un écrase le singulier comme le quelconque.

      Ce blanc qui fait travailler des noirs pour des blancs croit renverser ce rapport au nom de ses intentions ? Bullshit.

      #minorité #individu

      rétrochrono : oups... j’avais pas lu scriblerus.

    • Vous ferez ce que vous voudrez,

      mais que l’on en soit réduit à disputer d’ « interdire » une telle expo est d’abord dû au fait que la bonne conscience antiraciste sûre de son fait de ses organisateurs et/ou de l’artiste et de leurs soutiens les rend sourds aux réactions qu’elle suscite chez nombre de personnes racisées aujourd’hui.

      Il me semble que lutter contre le racisme, lorsque l’on en est pas victime soi-même, doit se faire - c’est la moindre des choses - en se tenant aux côtés des racisé-e-s, et en acceptant de devoir leur rendre des comptes.
      Puisque ce sont elleux qui font les frais de la plus ou moins grande pertinence de cette lutte.
      Ce n’est pas ce que fait ici l’ « artiste », me semble-t-il, et encore moins ce qui préoccupe celleux qui viennent défendre sa « liberté » ou celle, plus idéale encore, de l’ « Art » face à Anastasia (c’est le petit nom de la Censure).
      Faire le choix d’une démonstration très spectacliste et clivante de la Très Virulente Radicalité de son propre antiracisme est avant tout une démarche de privilégié qui entend surtout jouir de son privilège.

      Lutter contre le racisme, cela passe aussi, et cela commence pour moi qui suis blanc, par le fait de prendre conscience de mon propre privilège de blanc. Même antiraciste.

    • Ton post, @jean-no fait de moi (et d’autres) le responsable potentiel de ta désincription, ça me déplait.
      Esthétiser le politique c’est enjoliver le retrait, la dépossession, voilà de quelle « utilité politique » il s’agit. Je n’objecte pas, j’affirme. Le baratin autojustificateur sur « l’art est politique » me dégoûte. De quelle politique sagit il ? Comment ? Avec qui ? Pourquoi ?

      Je n’ai pas envie de me poser la même question que toi (interdiction), et en fait je m’en fous car ça me va fort bien si les « performances » neutralisantes sont piratées par une foule non payante qui transforment l’échéance en une AG ou quelque chose du genre, en une occasion de manifester, en une prise de parti.

      Si des interdictions posent problème selon moi, ce n’est pas parce que c’est un gros mot qui en dirait suffisamment dans tous les cas. Je me sens bien plus affligé et révolté par exemple par l’interdiction qui dure depuis plus de 25 ans du minable revenu minimum français à l’encontre des moins de 25 ans que de la liberté individuelle des #auto-entrepreneurs de la meilleure des #marchandises possibles : la #culture.

      Plutôt d’innombrables artistes de la liberté que la liberté des artistes.

    • @jean_no : si, quand même, je trouve cet endroit mieux que pas mal d’autres. Après, y a que moi que ça ne dérange pas viscéralement que les autres ne soient pas forcément d’accord avec moi en tout et tout le temps ?
      J’ai des points de divergence avec la plupart des gens sur #seenthis. Pas forcément les mêmes points et les mêmes gens. Mais bon, si je ne me mets qu’à discuter qu’avec des gens totalement d’accord avec moi sur tout... je vais me faire chier grave. Surtout que je ne crois pas que ça existe. Parfois, je ne suis même pas d’accord avec moi-même, c’est dire.

      Il y a des divergences qui peuvent être indépassables, mais la plupart du temps, ce sont de bonnes occasions de creuser un truc et d’améliorer ses connaissances, d’affiner son point de vue.

      Et quand vraiment on s’énerve, on peut toujours éteindre l’écran et revenir le lendemain au lieu de brûler ses vaisseaux chaque soir...

    • Une manière, de mon point de vue de femme blanche, de ressentir ce qui gêne est d’imaginer une exposition d’un artiste sur les maisons closes avec des actrices payées à s’exposer en prostituées. Un, j’aurai du mal à y voir un intérêt même sous couvert de pédagogie, deux j’en dénoncerai le voyeurisme pervers trois, je continuerai à dire que le sexisme a de beaux jours devant lui.
      Sinon, tous les soirs, il y a une émission sur FR3 où les noirs et les arabes sont montrés comme des personnes ne sachant pas s’exprimer en français et ayant comme activités principales le vol ou le deal. Plus belle la lie, ou un truc du genre.

    • Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine

      https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=FCp2i7IDcuM

      Je dors le jour, je ris à peine
      Je sors de ces tours que l’on met en quarantaine
      Je suis de ces parasites dont on parle à l’antenne
      Moralité, la sécurité des lieux n’est pas certaine
      Je crame, je brule, je hurle, je gueule
      Je traine en ville en bande ou même déambule seule
      J’ai un rôle colossal à la cave et au sous-sol
      Je recherche l’étincelle mais j’ai paumé ma boussole
      Alors je bois, je fume, je noie ma flemme
      Je crois aux flammes, j’acclame la haine
      Mes larmes et mes peines n’impressionnent personne
      Et on me traite de hyène sur toutes les ondes hertziennes
      On se moque de mes œdèmes et de mes états d’âme
      Tout m’ordonne en fait de ne pas vivre à l’état d’homme
      Et moi que l’on nomme l’individu bas de gamme,
      Qu’on me dégomme sur le macadam serait le minimum.

      Je sais, je traine, je sens, je gêne
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      Ma tête mêlée, ma peau ébène
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      La hargne est dans mon sang, mes veines
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      J’habite au loin, en zone urbaine
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine

      J’ai le ventre à terre et on m’en veut à tort
      Je n’ai aucun de leurs critères pour monter à bord
      Mon dortoir est autant solitaire qu’en retard
      Beaucoup trop près de l’arbitraire et ses avatars
      Ce qu’on déplore en clair, c’est que je ne sais pas plaire
      Embrasser l’étendard, applaudir en fanfare
      Et on me fait dire qu’il faut bannir ma colère
      Et puis faire taire mes nerfs à vifs et mes nombreux mollards
      Mon calvaire n’est réduit qu’à un bruit de couloir
      Un parcours vulgaire qui manque de bon vouloir
      On dit que ma cité n’est pas le défouloir
      De flics zélés, un triste défilé d’abus de pouvoir
      Et mon itinéraire n’est ni mort ni tout noir ni bétonné
      Ni à mille bornes des plus beaux territoires
      Mon teint n’est pas non plus maintenu sous le tonnerre
      Attendons le meilleur, commençons les prières.

      Je sais, je traine, je sens, je gêne
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      Ma tête mêlée, ma peau ébène
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      La hargne est dans mon sang, mes veines
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      J’habite au loin, en zone urbaine
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine

      Allez-y, utilisez la science ou la raison
      Criez à l’hérésie, protégez vos maisons
      Vivez l’instant présent avec l’air amusé
      Et dressez les cloisons pour les faibles et les frisés
      Et écrasez quiconque voudrait fouler vos gazons
      A chaque carreau brisé, réclamez la prison
      Et bâtissez maintenant tous vos propres musées
      Car très bientôt vos nuits ne seront plus apaisées
      Le climat est pesant, les gens sont épuisés
      Veulent les têtes des méprisants sur le banc des accusés
      Le projet est séduisant, les lames aiguisées
      Qu’il serait plaisant de tous les saigner à l’Élysée
      Vous ne faites plus illusion, vos promesses sont usées
      On va venir embraser tous vos salons tamisés
      J’ai déjà composé le chant de vos oraisons
      Je suis désabusé, j’ai la nausée et pas mal de lésions.

      Je sais, je traine, je sens, je gêne
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      Ma tête mêlée, ma peau ébène
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      La hargne est dans mon sang, mes veines
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      J’habite au loin, en zone urbaine
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine

      #love

    • Pour @jean_no sur seenthis : seenthis est un endroit merveilleux, un lieu pratiquement « troll free » où s’échange et se partage sans restriction aucune le savoir, la connaissance, les réflexions, les analyses.

      Il serait très très très dommage que tu quittes ce lieu extraordinairement riche en nous privant de toi, de tes trouvailles, de tes réflexions et de ton travail, juste parce que sur UNE contribution il y a eu UN dérapage. Grâce qu dieu de l’Internet libre, c’est extrêmement rare ici :)

      La réflexion de notre autre ami le Bougnoulosophe n’était pas utile, il aurait pu, et il sera sans doute d’accord, éviter cette mauvaise pique et plutôt argumenter de nmanière compréhensible et constructive. En tout cas il n’est pas seul sur seenthis, et si c’est juste pour cet incident que tu souhaite prendre la poudre d’escampette, et je comprends que c’est désagréable (moi non plus je n’aimerai pas), c’est dommage pour les 200 ou 300 personnes qui restent et qui pourraient profiter grandement de ce que tu as à apporter.

      Alors, 1 contre 300 ? :)

      Tu restes avec nous ?

    • Je sais, je traine, je sens, je gêne
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      Ma tête mêlée, ma peau ébène
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      La hargne est dans mon sang, mes veines
      Inutile d’en rajouter j’ai déjà purgé ma peine
      J’habite au loin, en zone urbaine
      Inutile d’en rajouter ... je purge toujours ma peine

      Voir aussi http://seenthis.net/messages/316454 (tiens, tiens, tiens ...)

      Voir aussi la polémique créée par un spectacle mettant en scène un zoo humain, « les Squames » (compagnie Kumlus) lors du festival des Accroche-Cœurs à Angers en septembre dernier. Un article de presse locale renvoyait à une vidéo postée sur Facebook
      http://www.courrierdelouest.fr/actualite/angers-accroche-coeurs-dialogue-muscle-avec-les-opposants-aux-squam
      (mais apparemment, le lien ne fonctionne pas ou bien il faut avoir un compte FB ; si quelqu’un pouvait extirper la vidéo des abimes du Net, ça me ferait bien plaisir). Le moment le plus intéressant de la discussion ainsi retranscrite est celui où l’on voit un jeune-homme déplorer que, lors de ce festiva,l on voit toujours les mêmes compagnies se produire alors que dans les quartiers populaires, il y a de nombreux collectifs porteurs de projets mais que ceux-ci sont systématiquement écartés de ce genre de manifestations « festives ».
      Personnellement, je désapprouve ce genre de « spectacle » car c’est bien de l’ordre du spectacle donc de la distraction que procèdent les zoos humains et leurs actuels avatars baptisés « performances » pour la bonne santé sociale. Je n’ai pas besoin de ce genre de rappel de vaccination pour me souvenir que « le ventre de la Bête reste toujours fécond ». Ne pas censurer ces « performances » mais autoriser qu’elle fassent polémiques, donc ne pas sacraliser « l’œuvre » par un cordon de CRS pour la mettre à l’abri de la contestation et ne pas se retrancher derrière l’argument ô combien fallacieux que, au nom de l’Art, on puisse tout se permettre.
      Car au final, Brett Bailey touchera une jolie enveloppe de pognon alors que les personnes représentées par sa performance seront toujours abonnées au minima sociaux.

      #loisirs_formatés

    • @jean_no qui a effacé son compte nous transmet ce message :

      En fait je ne reproche rien à personne, et je ne voudrais pas qu’on croie que je veux me faire prier, je cherchais juste un prétexte.
      J’ai débarqué sur les forums usenet en 1996, j’ai connu moult clashs, flamewars, et autres trolls (dans l’ancienne acception : le fait continuer une discussion sans but jusqu’à la nausée), mais depuis quelques jours, je dois vieillir, je n’ai plus le courage.
      jn

    • Jean_no en est à deux remises en cause en 10 jours... sur le sexisme... puis sur le racisme. Ça fait sans doute beaucoup à la fois. La chasse aux privilégiés a fait une victime de plus ! On ne dira jamais combien il est difficile d’en faire partie (d’avoir l’étiquette infamante du privilégié) à notre époque troublée. Zemmour en soutien de Jean_no ! ! ! ;-)))

    • Oui, moi qui arrive le lendemain je ne comprends pas tout. Mais je suis d’accord que c’est quand même pas mal problématique cette suppression totale des messages (y compris de premier niveau) des gens qui suppriment un compte. On avait possiblement évoqué le fait que ça pourrait être gardé mais anonymisé (en changeant le nom ou un truc comme ça), au moins pour ceux de premiers niveaux (ceux qui peuvent recevoir l’étoile). Mais ça pose d’autres questions aussi…

    • Le principe de #seenthis qui est qu’on peut supprimer/modifier ses messages me semble essentiel, mais une suppression massive est dommageable pour celleux qui ont étoilé des articles/url,

      Y aurait pas moyen de garder les messages de premier niveau, de les attribuer à un compte spécialement créé pour les articles orphelins, et de modifier ces articles de premier niveau pour conserver uniquement les liens, voir les liens + les citations (qui sont a priori des liens de l’article). Comme ça ça efface les propos de l’auteure, mais pas les urls et textes, et pas les conversations qui s’en suivent.

    • Je m’en veux de noter ça dans ce fil qui a bien d’autres intérêts, mais « Sinon, tous les soirs, il y a une émission sur FR3 où les noirs et les arabes sont montrés comme des personnes ne sachant pas s’exprimer en français et ayant comme activités principales le vol ou le deal. Plus belle la lie, ou un truc du genre. » n’est pas juste. On peut dire bien du mal de PBLV mais, à moins que ça ai radicalement changé depuis l’époque déjà lointaine où je regardais, c’est plutôt l’inverse.

    • Je débarque aussi sur le sujet.
      Pour revenir a Exibit B, cet article de slate (site que je n’aime vraiment pas d’habitude) m’a convaincu avec certains arguments.
      De mon point de vue d’artiste, bourgeoise et blanche, j’ai eu au début de la polémique sur Exhibit B en France, un avis assez favorable à l’expo.

      Par exemple au début je me suis dit que l’appellation de « zoo humain » était injuste. Je me disait que le théatre Gerard Philippe et le 104 ne sont pas des zoo et que les performeureuses n’étaient pas comparé à des animaux. En fait je me disait mais pourquoi des personnes rascisées ne pourraient pas performer des tableaux vivants. Quant des acteurs blancs performent des tableaux vivants personne ne trouve à y redire.

      En fait être des « tableaux vivants » exposé dans une galerie me fait plus pensé à une objectivation qu’a une animalisation, le mot « zoo humain » me parait toujours inadapté dans le sens que les animaux ne sont pas des objets.
      Aussi j’ai pensé à la même comparaison que @touti, si un artiste homme faisait une exposition de femmes prostituées offertes comme dans les vitrines des bordels j’aurais beaucoup à y redire.

      Ca me fait pensé à cette affiche pour un album de varité pour lequel l’artiste prétendait vouloir dénoncer la marchandisation du corps des femmes. A mes yeux de féministe, cette affiche est clairement raté, même si celleux qui l’ont commise étaient de bonne foi.

      ou a cet horrible gâteau

      Au début je me disait aussi que cette expo ne montrait pas les dominant·e·s car cela voulait dire que les colonisateur·e·s et les esclavagiste étaient le publique. Comme ca dénonce la permanence du racisme ca voulait dire que celleux qui colonisent et esclavagisent sont celleux qui viennent voire l’expo. Le « tableau » avec la reconduite aux frontières en charter me fait cet effet, ainsi que celui de la femme de ménage. Les spectateurices. C’est ce que dit l’artiste un truc comme « mon sujet c’est le publique, son regard... »

      Mais ceci entre en opposition avec les quartiers choisi pour le spectacle, deux quartiers à la population rascisé. Du coup le publique a beaucoup de chances de ne pas être blancs et dans ce sens le discours de l’artiste ne me semble pas cohérent.

      Je suis perplexe aussi face à cette image


      Ici pour une fois qu’on voie qui exerce la violence, elle est joué par un acteur noir. Et ca me fait pensé aussi à l’insulte de « bounty » que je trouve mal venu de la part d’un homme blanc.

      J’ai chercher des images du publique de l’expo, vu que l’artiste prétend que c’est le sujet de son travail. J’en ai pas trouvé.

      Il y a pas mal de choses qui manquent de cohérence, de finesse mais au moins cette expo est l’occasion d’un debat qui m’a éclaircie certaines idées et aidée à comprendre certaines de mes travers de blanche.

      –----------

      @jean_no j’espère que tu reviendra et que cette pause te sera bénéfique.

      –----------

      Au sujet de la disparition des articles des comptes effacés c’est vraiment dommage. A ce sujet je partage l’avis de @nicolas et @rastapopoulos

      –-------

      Bonne soirée

    • @baroug ah ben merci de me tacler ainsi, et si j’en parle ici c’est que la mise en spectacle d’un racisme latent passe tous les soirs sans que personne ne trouve à redire. Je suis PBLV en notant les clichés véhiculés, et peut-être devrais-tu toi aussi t’inquiéter de ce qui est renvoyé via cette série plutôt que me dénigrer.

    • Je voulais pas spécialement te tacler touti mais j’ai regardé PBLV pendant de longues années et je constatais l’inverse, avec des noirs et des arabes notable, avocat, bon élève… des personnages racisés récurrents positifs et plutôt pas stéréotypés. C’était pas non plus génial mais à l’époque plutôt novateur et bienvenu dans la télé française. Après ça fait un moment que j’ai pas regardé, peut être ont ils complètement changé de prisme, mais ça me surprend.

    • Je ne veux pas tacler non plus mais j’ai regarder PBLV il y a quelques années et je n’ai pas le même souvenir que toi @baroug. C’est peut être pas la même période que toi, je n’ai pas regarder dès le début et j’ai du tenir deux saisons. Il y avait il est vrai une sorte de tentative de faire de l’antiracisme light avec les personnages récurrents. Je dirait assez proche de ce qu’explique Tomas J sur la chanson de yannick Noa http://www.lecinemaestpolitique.fr/ma-colere-yannick-noah-2014-misere-de-lantiracisme
      Il y avait trois style de scénarios et l’un d’eux était le fait de société de la semaine vu par PBLV avec des personnages qui disparaissent 3 jours après. Là c’était la plus part du temps très stéréotypé et proche de ce qu’on entend dans la JT télévisés comme discours. Des méchants arabes de cité dealeurs et gangsters, des sans papiers malintentionnés, des fausses accusatrices de viol et j’en passe.
      Mon visionnage de cette série date pas mal et est assez flou alors je ne peu pas donner de détails précis mais c’est l’impression que j’ai gardé de PBLV. Et je m’excuse mais j’ai pas envie d’en revoir pour vérifier si c’est toujours aussi mauvais ou si mon souvenir est faussé :)

    • Je ne veux franchement pas pourrir ce fil avec une discussion autour de ce roman télé qui atteint 6 millions de personnes, au besoin on peut en ouvrir un autre. Je voulais seulement souligner que le racisme de Exhibit B (si il existe) n’est amha pas aussi sournois que celui véhiculé par PBLV. Bref, désolée d’avoir divergé mais je m’interrogeais sur les différentes représentations racistes dans le spectacle.

    • @odilon je l’ai vu, il y a un an. Et manifestement, j’ai vu une autre performance (ce n’est ni un zoo, ni un spectacle) que celle dont il s’agit dans cette mobilisation (qui a démarré en Angleterre, ce qui n’est pour moi pas du tout anodin dans le mode d’action et d’objectif de la version française de l’opposition à Exhibit B).

      Il y a cependant plein de choses intéressantes dans cette polémique, mais il parait que @melanine y reviendra bientôt. (#teasing)

      Je crois ce qui me fascine le plus (après tout défendre Bailey, son spectacle je m’en bats les #zwarte_piet) c’est le mépris avec lequel sont traités les collectifs et individus qui s’expriment sur le sujet. En gros, ce que je lis principalement c’est que les critiques sont de braves nègres bien bêtes qui ont rien compris. Super la dialectique française en 2014.

    • + même si je ne suis pas trop d’accord (avec la mobilisation et ses objectifs), je rejoindrais Casey sur un truc : quelle belle occasion de foutre la foire, de se mobiliser, d’échanger, de s’instruire et se compter. A quelle autre occasion quelqu’un comme Pô aurait-elle eu autrement droit de citer dans les premières pages de libé comme aujourd’hui ?

  • L’ISLAM EN DÉBAT • Une vague d’athéisme dans le monde arabe | Courrier international
    http://www.courrierinternational.com/article/2014/11/27/une-vague-d-atheisme-dans-le-monde-arabe

    Le “califat islamique” a délié les langues. Les critiques ne visent plus seulement les mauvaises interprétations de la religion, mais la religion elle-même.
    (...)
    Au cours de ces trois dernières années, il y a eu autant de violences confessionnelles en Syrie, en Irak et en Egypte qu’au cours des cent années précédentes dans tout le Moyen-Orient.

    Cela provoque un désenchantement chez les jeunes Arabes, non seulement vis-à-vis des mouvements islamistes, mais aussi vis-à-vis de tout l’héritage religieux. Ainsi, en réaction au radicalisme religieux, une vague d’athéisme se propage désormais dans la région.
    (...)

    Omar Youssef Suleiman
    Publié le 3 octobre 2014 dans Aseef22 (extraits) Beyrouth

    #islam #athéisme #daesh #jeunesse_arabe #dialectique

    • Il est à craindre que ce soit une évolutions essentiellement urbaine et que cela accroisse encore la fracture culturelle et idéologique entre ruraux et urbains dans les pays arabes.

      Cette fracture mène à des incompréhensions graves, comme cela été le cas en Egypte : les intellectuels urbains en appelant à l’armée face un président très démocratiquement élu, ouvrant ainsi la voie à la sanglante répression du général Sissi.

  • A Glossary of Gestures for Critical Discussion
    http://criticalhandgestures.tumblr.com
    #gestes #rhétorique #argumentation#corps #critique #dialectique via @prac_6


    The Dialectic. ‘This is a dialectic and I’m going to explain it.’
    Grip imaginary six centimetre object between thumb and forefinger. Rotate wrist ninety degrees, snapping into end position. Smoothly rotate back to start. Repeat up to three times depending on conviction.
    Use when expressing a shift from one thing to another. Highly infectious.

    A ne pas confondre avec :


    The Tiny Dialectic. ‘I’m making a very fine distinction’
    Follow directions for ‘The Dialectic’ but with thumb and forefinger one centimetre apart. Bring hand toward eyes for closer inspection.
    Use when unpicking specific detail, or when too self-conscious to use ‘The Dialectic’ gesture.

  • Le racisme est toujours justifié et construit par la culture (la supériorité esthétique des pratiques culturelles), le biologique, l’appartenance à un groupe social ( la stigmatisation des pauvres issus de l’immigration)
    "Racisme et Culture" par Frantz Fanon
    http://www.dailymotion.com/video/xoib3i_frantz-fanon-racisme-et-culture_news


    extrait de la préface de « Oeuvres » de Frantz Fanon paru aux éditions de la Découverte
    http://www.mouvements.info/L-universalite-de-Frantz-Fanon.html

    Il n’y est question, faut-il préciser, que de la lutte et du futur qu’il faut ouvrir coûte que coûte. Cette #lutte a pour but de produire la vie, de renverser les #hiérarchies instituées par ceux qui se sont accoutumés à vaincre sans avoir raison, la « violence absolue » jouant, dans ce travail, une fonction désintoxicatrice et instituante. Cette lutte a une triple dimension. Elle vise d’abord à détruire ce qui détruit, ampute, démembre, aveugle et provoque peur et colère – le devenir-chose. Ensuite, elle a pour fonction d’accueillir la plainte et le cri de #l’homme_mutilé, de ceux et celles qui, destitués, ont été #condamnés à l’#abjection ; de #soigner et, éventuellement, de #guérir ceux et celles que le pouvoir a blessés, violés et torturés, ou simplement rendus fous. Elle a enfin pour but de faire jaillir un #sujet #humain inédit, capable d’habiter le monde et de le partager afin que les possibilités de #communication et de #réciprocité sans lesquelles ne sauraient exister ni la #dialectique de la reconnaissance ni le #langage humain soient restaurées.
    Ce gigantesque labeur, Fanon l’appelait la « sortie de la grande nuit », la « #libération », la « #renaissance », la « restitution », la « #substitution », le « #surgissement », l’« émergence », le « #désordre absolu », ou encore « marcher tout le temps, la nuit et le jour », « mettre sur pied un homme neuf », « trouver autre chose », forger un sujet humain nouveau sorti tout entier du « mortier du #sang et de la #colère », #libre du #fardeau de la #race et débarrassé des attributs de la #chose. Un sujet quasi-indéfinissable, toujours en reste parce que jamais fini, comme un écart qui résiste à la #loi, voire à toute limite.
    Quant au reste, et bien mieux que d’autres écrits de l’époque, les textes de Fanon dévoilent l’étendue des souffrances psychiques causées par le racisme et la présence vive de la folie dans le système colonial [3] . En effet, en situation coloniale, le travail du racisme vise, en premier lieu, à abolir toute séparation entre le moi intérieur et le regard extérieur. Il s’agit d’anesthésier les sens et de transformer le corps du colonisé en chose dont la raideur rappelle celle du cadavre. À l’anesthésie des sens s’ajoute la réduction de la vie elle-même à l’extrême dénuement du besoin. Les rapports de l’homme avec la #matière, avec le #monde, avec l’#histoire deviennent de simples « rapports avec la nourriture », affirmait Fanon. Pour un #colonisé, ajoutait-il, « vivre, ce n’est point incarner des valeurs, s’insérer dans le développement cohérent et fécond d’un monde ». #Vivre, c’est tout simplement « ne pas #mourir », c’est « maintenir la vie ». Et de conclure : « C’est que la seule perspective est cet estomac de plus en plus rétréci, de moins en moins exigeant certes, mais qu’il faut tout de même contenter. »
    Cette #annexion de l’homme par la force quasi-physiologique du besoin et la matière de l’estomac constitue le « temps d’avant la vie », la « grande nuit » de laquelle il faut sortir. On reconnaît le temps d’avant la vie au fait que, sous son emprise, il n’est pas question pour le colonisé de donner un sens à son existence et à son monde, « mais plutôt d’en donner un à sa mort ». Et c’est à éclairer les attendus de ce différend et à le trancher en faveur des « réserves de vie » que s’attela Fanon.

    Un bel hommage de #Jacques_Coursil (Clameurs) à #Frantz_Fanon tiré du livre "Peau Noire, Masques Blancs(collection Points)
    http://www.youtube.com/watch?v=8yaGS2uJvis

    Je suis nègre.

    Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer.
    Non !
    je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine.
    – pas le droit,
    de souhaiter la cristallisation
    d’une culpabilité
    envers le passé de
    ma race -
    Dois-je me confiner
    à la répartition raciale de la culpabilité,
    Non, je n’ai pas le droit d’être un Noir.
    – je n’ai pas le droit d’être ceci ou cela…
    Le Nègre n’est pas, pas plus que le Blanc.
    Je demande qu’on me considère à partir de mon Désir.
    Je me reconnais un seul droit :
    celui d’exiger de l’autre
    un comportement
    humain.

    Le malheur et l’inhumanité du Blanc
    sont d’avoir tué l’humain
    quelque part.
    Le malheur du nègre
    est d’avoir été esclave.
    Mais je ne suis pas esclave
    de l’esclavage
    qui déshumanisa mes pères.

    Je suis homme
    et c’est tout le passé du monde
    que j’ai à reprendre.
    – la guerre du Péloponnèse
    est aussi mienne
    que la découverte de la boussole.
    Je ne suis pas seulement responsable
    de Saint-Domingue -
    La densité de l’Histoire
    ne détermine aucun de mes actes.
    Je suis mon propre fondement.

    Exister absolument.
    Je n’ai ni le droit ni le devoir
    d’exiger réparation
    pour mes ancêtres domestiqués.
    Pas le droit de me cantonner
    dans un monde de réparations rétroactives.
    Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire
    Il y a ma vie prise
    au lasso de l’existence.
    Il y a ma liberté.Il n’y a pas de mission Nègre ;
    Pas de fardeau Blanc
    pas de monde blanc
    pas d’éthique blanche,
    pas d’intelligence blanche.
    Il y a de part et d’autre du monde
    des humains qui cherchent.

    Ô mon corps,
    fais de moi toujours
    un homme qui interroge !

    #Colonialisme #Décolonisation #Anticolonialisme #Racisme #Hiérarchisation #Ségrégation #Culture #Anthropologie #Politique #Déculturation #Musique #Jazz #Livres #Vidéo