• 22 novembre 1918 : Fin du Soviet de Strasbourg ! L’asymptomatique - Claude Sémal
    https://www.asymptomatique.be/tous-les-22-novembre

    200 ans, jour pour jour, après la fin mouvementée de Barbe-Noire, une autre aventure émancipatrice prenait fin le 22 novembre 1918. Ce jour-là, Les troupes françaises mettent fin au Soviet de Strasbourg. Vous avez bien lu. Il y avait un Soviet à Strasbourg !
    Il ne vous aura pas échappé qu’en 1918, les relations entre la France et l’Allemagne étaient plutôt belliqueuses, et que l’armistice du 11 novembre qui met fin à la Première Guerre mondiale intervient au cœur d’un grand chaos.


    Le soviet de Strasbourg proclame la République (document Bibliothèque Université de Strasbourg / La Revue Alsacienne Illustrée)

    Depuis janvier 1918, l’Allemagne connait des grèves insurrectionnelles, des mutineries, des tentatives révolutionnaires et d’éphémères Républiques des soviets rapidement réprimées. Avant la signature de l’armistice, les principales villes d’Alsace-Lorraine connaissent une agitation politique forte. Dans l’interstice entre « l’occupation allemande » et le « libération française », des Conseils d’ouvriers et de soldats (Soldaten und Arbeiterräte) sur le modèle des soviets russes se forment à Mulhouse, à Strasbourg, Colmar, Metz.

    Des soldats retirent leurs insignes aux officiers, et distribuent des vivres aux passants affamés. Le 13 novembre, le drapeau rouge flotte sur la cathédrale de Strasbourg. Une République des soviets est proclamée en Alsace-Lorraine, le 10 novembre. Les murs se couvrent d’affiches qui proclament : « nous n’avons rien de commun avec les États capitalistes, notre mot d’ordre est : ni Allemands ni Français ni neutres. Le drapeau rouge a triomphé. »


    Du 10 novembre au 22 novembre 1918 (date de l’entrée des troupes françaises dans la région), la République des soviets prendra des décrets pour la liberté de la presse, la levée de la censure sur le courrier, le droit de manifester, l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de travail, et la libération des prisonniers politiques.


    Des commissions organisent la vie quotidienne : transports, finances, ravitaillement, démobilisation, justice…


    Panique dans la bourgeoisie allemande de Strasbourg qui appelle au secours les troupes françaises pour qu’elles mettent fin au soviet. Leur slogan : « Plutôt Français que rouges ! » Le 22 novembre, les troupes françaises entrent dans la ville. L’Alsace est « libérée ».

    Les autorités françaises, démantèleront toutes les avancées obtenues et le commandement militaire perdurera jusqu’à la signature du traité de Versailles en juin 1919, le temps d’opérer une épuration ethnique et politique rigoureuse.

    #Strasbourg #soviet #anarchisme #révolte #liberté #Alsace

    • Le texte suivant est un article de Didier Daeninckx de novembre 2000.

      11 novembre 1918 : le drapeau rouge flotte sur Strasbourg et l’Alsace proclame la République des soviets…

      Un jour, venant de Strasbourg où j’étais allé repérer les décors d’une nouvelle, je me suis arrêté devant la plaque d’une importante voie de la capitale alsacienne, la « rue du 22 novembre ». Je ne saurais dire pourquoi cette dénomination avait attiré mon attention, mais j’avais demandé à un passant à quel événement elle faisait référence. « A la Libération, en 1944 », m’avait-il répondu. Un simple coup d’oeil sur un livre d’histoire régionale m’apprit que les troupes du général Leclerc avaient fait leur entrée fulgurante dans Strasbourg le 23. La plaque émaillée bleu comportait une grossière coquille historique, ou alors elle commémorait un autre fait marquant. Un ami alsacien émit l’hypothèse que ce 22 novembre avait à voir avec l’armistice de 1918. Je lui rétorquai que dans ce cas, l’erreur ne portait plus sur une journée mais sur onze, la fin des hostilités ayant eu lieu le 11 novembre à midi.

      Une visite dans les archives de la bibliothèque nationale et universitaire, place de la République, l’ancienne Kaiserplatz, me donna la surprenante solution : Strasbourg avait bien été libérée le 22 novembre 1918, mais pas de l’armée allemande ! Les troupes françaises avaient mis fin à un soviet de soldats, d’ouvriers, de paysans… Une telle affirmation demande à être étayée, et il faut revenir à la fin du mois d’octobre de cette année-là pour y voir plus clair. L’Allemagne impériale a perdu la guerre, mais quelques généraux ultras, dont Ludendorff veulent tenter un baroud d’honneur en prenant appui sur la puissante flotte de guerre. La troupe refuse de marcher. A Kiel, sur la Baltique, les marins se mutinent et se constituent en Soviet. Les syndicats ouvriers les rejoignent, et des détachements d’insurgés, drapeaux rouges en tête, se rendent dans les villes voisines pour gagner les habitants à leur cause. Une quinzaine de milliers d’Alsaciens et de Lorrains sont alors incorporés dans la Kriegsmarine, et nombre d’entre eux participent à ces événements. Certains décident de soulever leurs deux provinces natales soumises à une véritable disette, et qui sont agitées de forts mouvements de mécontentement.

      Le 8 novembre, la population de Strasbourg apprend la proclamation de la République des conseils de Bavière. Le lendemain, des milliers de manifestants envahissent la place Kléber pour acclamer les premiers détachements de marins arrivés du nord de l’Allemagne. Des dizaines d’officiers sont dégradés en public. Un train d’insurgés est bloqué au pont de Kiehl, et un commandant loyaliste fait ouvrir le feu. Le soldat Fir est abattu. Ses camarades prennent le contrôle de la ville jumelle de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin, puis traversent le fleuve. La bourgeoisie allemande de Strasbourg ne cesse de faire appel aux troupes françaises, afin de mettre un terme aux troubles. Un slogan court les quartiers bourgeois :

      « Plutôt Français que rouges ! ».

      Les marins révolutionnaires alsaciens se forment en Conseil de soldats de Strasbourg, et exigent du gouverneur Von Rohden la libération des détenus, la liberté de presse et d’expression, la levée de la censure sur le courrier, le droit de manifester. Les prisons ouvrent leurs portes, les Conseils se rendent maîtres des bâtiments publics et toutes les marques d’autorité comme les insignes, les grades sont supprimées. La ville se hérisse de drapeaux rouges dont l’un va même flotter sur la flèche de la cathédrale !

      Toutes les forces sociales tentent de s’assurer le contrôle du mouvement en se fondant dans le Conseil des ouvriers et soldats, présidé par le secrétaire du syndicat des ouvriers brasseurs, Rebholz, qui annonce l’abdication de Guillaume II, à Berlin, et proclame l’avénement d’un pouvoir populaire. Les murs de la ville se couvrent d’affiches « Nous n’avons rien de commun avec les États capitalistes, notre mot d’ordre es : ni Allemands ni Français ni neutres. Le drapeau rouge a triomphé ». Une trentaine de commissions organisent la vie quotidienne : transports, finances, ravitaillement, démobilisation, justice… Des grèves radicales éclatent, comme celle des cheminots.

      Le dirigeant social-démocrate strasbourgeois Jacques Peirotes fait appel au Grand Quartier Général français et demande aux généraux de « hâter leur entrée à Strasbourg, la domination des rouges menaçant de prendre une fin tragique ». L’entrée dans la ville était prévue pour le 25, mais son appel est entendu. Les troupes marchent sans relâche et pénètrent dans les faubourgs le 22 novembre 1918. Le Conseil des ouvriers et soldats déclare qu’il « a rempli sa mission, même si, compte tenu des circonstances, il n’a pu réaliser son idéal politique ». Il décide de remettre l’autorité militaire entre les mains du commandement français. Le général Gouraud fera savoir qu’il ne reconnaît ni le Soviet des ouvriers et soldats, ni aucune des mesures qu’il a édictées. Le 22 novembre, le premier acte symbolique de l’armée française sera d’occuper le Palais de justice où siégeait le « Soviet de Strasbourg ». La troupe s’empare des usines, les décrets sociaux sont annulés, les salaires ramenés à leur niveau de septembre 1918, les « agitateurs » sont expulsés. On choisit les sous-préfets parmi les officiers, des commissions de contrôle de la population, présidées par un officier du 2ème Bureau sont mises en place.

      Il en sera de même dans toutes les villes des deux provinces perdues en 1870. Car le Soviet de Strasbourg n’a pas été une création unique : le premier Conseil a vu le jour à Haguenau, le 9 novembre suivi dans la soirée par Mulhouse. A Saverne les soldats se mutinent, comme à Sélestat. A Colmar le Conseil siège à la mairie, et le futur Feldmaréchal Rommel viendra s’y plaindre des vexations dont sont victimes ses officiers ! Partout sur le front des Vosges on fraternise, on manifeste, drapeaux rouges en tête. En Lorraine, les nombreux immigrés italiens se joignent au mouvement. A Metz, le Conseil siège à l’hôtel de ville sur lequel flotte un drapeau turc dont on a passé le croissant au minium… Des Conseils prennent les usines en charge, on occupe les mines, comme à Knutange. A Algrange, Hagondange, Rombas, les grèves éclatent. A Thionville c’est un acteur, Seelow, qui dirige le conseil, un aumônier militaire à Sarrebourg, un pasteur à Neuf-Brisach…

      Un jour que j’évoquais cette épopée et le nom de cette ville de garnison, Neuf- Brisach, mon ami Rémy Fisch, délégué mineur des potasses d’Alsace, m’a interrompu.

      – Neuf-Brisach ! Maintenant, je comprends mieux ce que me racontait mon père… Il nous disait des choses bizarres, lors des banquets familiaux, mais tout le monde se moquait de lui… Il parlait des soviets et chantait une chanson, « Hop là », en faisant valser les chapeaux, les casquettes…

      Je l’ai suivi à Soultz, sur laquelle veille la masse imposante des collines du Vieil Armand et il m’a traduit les paroles de Joseph Fisch qui, toute sa vie, ne s’est exprimé qu’en alsacien et en allemand :

      – Quand j’ai été mobilisé, en 1917, je travaillais aux fortifications du Vieil Armand. Le 9 novembre 1918, on nous a rassemblés pour nous envoyer sur le front de l’Est. On a fait étape à Neuf-Brisach. Là, il y avait un rassemblement de six mille soldats. La première chose que j’ai vue, c’est un officier supérieur allemand dégradé devant tout le monde, obligé de rendre son épée et ses distinctions. L’atmosphère était surchauffée. La foule entonnait des chansons populaires pleines de joie. Certains chantaient des airs révolutionnaires. La manifestation parcourait la ville et dès qu’on rencontrait un gradé, on l’arrêtait et on disait : « Hop là, donne tes galons, sinon tu prends une claque ». Après, ce qu’on a eu en tête les copains et moi, c’était de ficher le camp le plus vite possible, et rentrer chez nous, à Soultz. Quand on est arrivé, le 10, on est tombé sur un défilé qui venait de la gare, musique en tête. La population de Soultz portait en triomphe Richard Heisch. C’était un responsable socialiste internationaliste, libéré de prison sous la pression du Conseil de Colmar. Heisch était tenancier de bistrot. Il a pénétré dans son troquet et, hop là, il a sauté sur une table et harangué les soldats allemands pour les appeler à partir, pour la paix entre les peuples. J’avais dix-huit ans, je n’oublierai jamais ces journées-là.

      Je crois aujourd’hui que si la plaque de rue strasbourgeoise signale le jour mais reste silencieuse sur l’année, c’est pour faire oublier la force de ce qui se disait là, au coeur d’une l’Europe meurtrie.

    • Alsace-Moselle novembre 1918 : des conseils d’ouvriers et de soldats comme en Allemagne https://www.lutte-ouvriere.org/en-regions/alsace/breves/des-conseils-douvriers-et-de-soldats-comme-en-allemagne-114749.html

      Le 9 novembre 1918, à la chute de l’empereur allemand, le pays se couvre de conseils d’ouvriers et de soldats, prenant modèle sur les soviets ouvriers arrivés au pouvoir un an plus tôt en Russie. Cette traînée de poudre atteint beaucoup de villes d’Alsace et de Moselle.

      A Strasbourg, ces conseils d’ouvriers et de soldats proclament qu’ils ne sont : « ni Allemands, ni Français, ni neutres, mais rouges ! », ce qui signifiait clairement socialistes et internationalistes. Pendant environ deux semaines, ils forment un pouvoir qui décrète, entre autre, des augmentations de salaires et affirme la nécessité de combattre la bourgeoisie. Mais, comme en Allemagne, les dirigeants socialistes comme Jacques Peirotes ne veulent surtout pas que ces organisations puissent menacer le pouvoir de la bourgeoisie. Ils se hâtent d’appeler l’armée française qui finit par dissoudre les conseils.

      Cent ans après, la société capitaliste en crise est plus que jamais lourde de catastrophes sociales, financières ou guerrières, qui provoqueront des révoltes populaires. Les travailleurs ont tout intérêt à s’organiser pour ôter le pouvoir aux capitalistes et à ne pas faire confiance à tous les politiciens qui prétendent changer leur sort à leur place, même quand ils se disent socialistes.

  • Fou d’histoire, Didier Daeninckx
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-l-histoire/fou-d-histoire-didier-daeninckx


    https://www.youtube.com/watch?v=fnRQcitWHuk

    Marc Perrone - Gentils enfants d’Aubervilliers

    Fou d’histoire, pour donner la parole à ceux et à celles qui ne sont pas historiens, pas historiennes, mais qui transmettent l’histoire, qui se construisent par l’histoire, qui portent un regard sur le passé. Des « Meurtres pour mémoires » au « Roman noir de l’histoire », des « Nazis dans le métro » au « Cannibale » à Vincennes, l’œuvre de #Didier_Daeninckx est imbibée d’histoire, la nôtre bien sûr, la sienne aussi, personnelle, familiale. Fou d’histoire, car il faut souvent tourner la tête en arrière pour regarder vers l’avant ! Xavier Mauduit

  • “Le terme colonial d’‘assimilation’ est extrêmement agressif envers les migrants”, Didier Daeninckx - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/livre/le-terme-colonial-d-assimilation-est-extremement-agressif-envers-les-migran

    Qu’enseignait-on dans les écoles des colonies, en Algérie, en Afrique sub-saharienne, en Asie, aux Antilles, quand l’empire français pesait 11 millions de kilomètres carrés et 48 millions d’habitants ? Quel était le pourcentage d’enfants indigènes scolarisés ? Que cherchait-on à former : des citoyens, une élite, de bons et loyaux serviteurs ?

    #colonies #empire