• Des Africains témoignent de leurs difficultés à passer les frontières pour sortir d’Ukraine

    Depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine, des centaines de milliers de personnes résidant en Ukraine ont tenté de quitter le pays ces derniers jours et les témoignages d’Africains se multiplient concernant les difficultés de passer la frontière polonaise.

    « Il y a eu des informations regrettables (selon lesquelles) la police ukrainienne et le personnel de sécurité refusent de laisser les Nigérians monter dans les bus et les trains » pour la Pologne, a déclaré le porte-parole de la présidence nigériane Garba Shehu. « Il est primordial que chacun soit traité avec dignité et sans faveur », a-t-il insisté.

    M. Shehu a déclaré que selon d’autres informations, des fonctionnaires polonais ont refusé l’entrée en Pologne à des citoyens nigérians en provenance d’Ukraine. Depuis le début de l’offensive russe, la situation est compliquée à la frontière terrestre à cause de l’afflux de personnes fuyant les combats.

    Pour beaucoup d’Africains, le passage vers la Pologne a été bloqué du côté ukrainien et certains ont pu franchir la frontière en descendant un peu plus au sud, par la #Slovaquie. C’est le cas de Patrice, menuisier camerounais qui a quitté Kharkiv.

    "C’est très difficile. Très difficile au niveau de la frontière de la #Pologne. On refusait beaucoup les Noirs, on ne les acceptait pas du tout et on faisait juste passer des Blancs. Nous sommes ensuite arrivé au niveau de la frontière en Slovaquie, c’était parfait."

    De son côté, l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, Joanna Tarnawska, a rejeté les accusations de racisme. « Tout le monde reçoit un traitement égal. Je peux vous assurer que, selon les informations dont je dispose, certains ressortissants nigérians ont déjà franchi la frontière avec la Pologne », a-t-elle réagi auprès des médias locaux.

    Selon elle, les documents d’identité invalides sont acceptés pour franchir la frontière et les restrictions liées au Covid-19 ont été levées. Les Nigérians disposent d’un délai de 15 jours pour ensuite quitter le pays, a-t-elle ajouté.

    Comme des centaines de milliers de personnes, de nombreux Africains - pour la plupart étudiants - tentent de fuir l’Ukraine pour rejoindre les pays voisins, notamment la Pologne. C’est notamment le cas de Mike, qui vit à Kharkiv.

    "Ça bombarde de partout, les transports en commun ne fonctionnent plus, les métros ont été transformé en abri anti-bombes."

    https://www.rfi.fr/fr/europe/20220228-guerre-ukraine-africains-temoignent-difficult%C3%A9s-passer-fronti%C3%A

    #racisme #réfugiés #guerre #Ukraine #Africains #étudiants #frontières #fermeture_des_frontières #catégorisation #tri #réfugiés_ukrainiens

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    Les formes de #racisme qui montrent leur visage en lien avec la #guerre en #Ukraine... en 2 fils de discussion sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/951232

    • Les étudiants tunisiens s’organisent pour quitter l’Ukraine en guerre

      Environ 800 étudiants tunisiens sont encore bloqués en Ukraine. Les premières évacuations ont eu lieu vendredi 25 février dans la soirée, mais beaucoup restent encore à évacuer vers les pays voisins.

      Les étudiants tunisiens sont encore présents un peu partout en Ukraine. Une partie est à Odessa, au sud du pays. C’est le cas de Myriam. Ce samedi matin, elle a pu prendre un bus en direction la Roumanie.

      « Nous sommes environs 25 dans le bus, raconte Myriam. Il y a des Algériens et des Marocains aussi. On a même des animaux avec nous, deux chiens et un chat. On ne pouvait pas les abandonner. Il a fallu se battre pour qu’ils nous laissent monter. Ils voulaient nous envoyer en Moldavie. On avait peur de rester bloqués là-bas, il n’y a pas d’avions. Ça fait quatre jours que nous ne dormons pas. Nous étions une vingtaine à être cachés dans un sous-sol. Nous avions très peu d’informations. »

      Myriam et les autres Tunisiens d’Odessa ont pu organiser leur évacuation avec l’aide d’Amine Smiti. Il travaille pour une agence privée qui se charge d’aider les étudiants tunisiens à s’installer à l’étranger. Mais depuis le début de la guerre en Ukraine, il est membre de la cellule de crise mise en place par le ministère des Affaires étrangères tunisien.

      Amine Smiti explique comment il organise le départ des étudiants et les difficultés auxquelles il fait face : « En coordination avec les services de sécurité en Ukraine, j’ai pu avoir deux chemins sûrs pour évacuer à travers la Moldavie et la Roumanie. C’est difficile de trouver des bus, car les militaires les ont réquisitionnés pour rassembler les civils qui se sont engagés. Avec mon frère, et par nos propres moyens, on a réussi à trouver des bus, des taxis et des voitures privées. Les ambassadeurs et le ministère des Affaires étrangères se chargent d’assurer aux Tunisiens de ne pas passer plus de quatre ou cinq heures aux frontières. Personnes n’y est resté bloqué. Sans leur intervention aucun tunisien n’aurait pu quitter l’Ukraine. »
      Situation compliquée pour les Tunisiens de Dnipro

      Vendredi, trente Tunisiens ont pu rejoindre la Moldavie. Aujourd’hui, Amine Smiti dit pouvoir en faire évacuer encore une centaine. Les étudiants d’Odessa devraient tous être évacués d’ici à la fin du week-end. Mais la situation est plus compliquée pour les 227 Tunisiens bloqués à Dnipro. La ville étant située à plus de 900 km des frontières voisines, il est difficile d’assurer un chemin sécurisé pour leur évacuation.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220226-les-%C3%A9tudiants-tunisiens-s-organisent-pour-quitter-l-ukraine-en-gue

    • Exode à la frontière Ukraine-Pologne : « Ils nous refoulent juste parce qu’on est Noirs ! »

      De nombreux Africains fuyant la guerre en Ukraine ont affirmé sur les réseaux sociaux avoir été recalés à la frontière polonaise en raison de leur couleur de peau. À la gare de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, France 24 a rencontré plusieurs #étudiants africains ayant été refoulés sans raison au poste-frontière de Medyka. Des discriminations démenties par Kiev et Varsovie.

      Des civils sont-ils empêchés de fuir la guerre en Ukraine en raison de leur #couleur_de_peau ? Des Africains affirment en tout cas avoir été refoulés à la frontière avec la Pologne tandis que d’autres personnes, blanches, étaient autorisées à passer. Des discriminations qui pourraient venir ternir le grand élan de solidarité affiché par les pays de l’Union européenne, tandis que des centaines de milliers de réfugiés continuent à affluer vers les frontières polonaise, hongroise, slovaque et roumaine de l’Ukraine.

      Le blocage de la frontière polonaise pour les Africains n’est pas total car certains groupes ont pu passer, ce qui suggère plutôt un filtrage arbitraire des gardes-frontières locaux.

      Mais lors d’un reportage dimanche 27 février à la gare de Lviv, grande ville de l’ouest de l’Ukraine située à environ 80 kilomètres de la frontière polonaise, France 24 a rencontré plusieurs étudiants africains qui affirment avoir été empêchés de pénétrer en Pologne par les gardes-frontières ukrainiens.

      « On nous a bloqués à la frontière, on nous a dit que les Noirs ne rentrent pas. Pourtant, on voyait les Blancs rentrer... », se remémore ainsi Moustapha Bagui Sylla, un Guinéen qui étudiait la médecine en Ukraine. Le jeune homme a fui sa résidence universitaire de Kharkiv dès les premiers bombardements pour se lancer dans une folle course vers l’ouest.

      Comme des dizaines de milliers de civils ukrainiens, il a enduré des heures de marche à pied et d’attente dans le froid sur la route de Medyka en Pologne. Mais son périple s’est heurté à l’intransigeance des gardes-frontières ukrainiens, qui lui ont intimé l’ordre de rebrousser chemin.

      Un étudiant nigérian en train de faire la queue pour acheter des billets de train a décrit une scène similaire au même endroit. Son groupe, qui comprenait des femmes, est resté bloqué devant les grilles du poste-frontière tandis que les gardes ukrainiens faisaient passer des Blancs.

      « Ils ne laissent pas passer les Africains. Les Noirs qui n’ont pas de passeports européens ne passent pas... Ils nous refoulent juste parce qu’on est noirs ! », s’exclame Michael. « On est tous humains, on est nés comme ça, ils ne devraient pas nous discriminer sur la couleur de notre peau. »

      Selon Moustapha Bagui Sylla, les gardes ukrainiens ont justifié leur refoulement par des instructions de leurs homologues polonais, qui leur auraient dit « qu’il n’y avait plus de place pour les migrants » en Pologne.

      Varsovie a fermement démenti toute discrimination. « Je ne sais pas ce qui se passe du côté ukrainien, mais nous admettons tout le monde quelle que soit la nationalité. Cela fait deux jours que je démens de fausses allégations comme ça », a affirmé à France 24 Anna Michalska, porte-parole des gardes-frontières polonais. Un deuxième communiqué polonais a confirmé qu’aucun visa n’était requis, que les cartes d’identité ou passeports, même périmés, étaient acceptés.

      Un responsable des gardes-frontières ukrainiens a également démenti ces informations en insistant qu’il n’y avait aucune nationalité favorisée plus qu’une autre pour passer la frontière. La principale restriction de sortie du territoire vise actuellement les hommes de nationalité ukrainienne âgés de 18 à 60 ans, qui sont mobilisés pour défendre le pays face à l’invasion russe.

      « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, ces personnes ont peut-être été refoulées parce qu’elles essayaient de griller la priorité dans la file d’attente », a ajouté Andriy Demchenko, porte-parole des gardes-frontières ukrainiens.

      La situation humanitaire du côté ukrainien du poste-frontière de Medyka est extrêmement précaire pour tous les déplacés, comme l’a illustré un de nos récents reportages. Selon un document interne de la Commission européenne cité par Le Figaro, il faut désormais entre vingt et soixante-dix heures pour franchir les postes-frontières de la Pologne.

      Pour les principaux concernés, ces refoulements arbitraires ressemblent à une double peine. Être renvoyé au statut de migrant économique est une véritable douche froide pour ces jeunes Africains venus faire des études avancées, avec des papiers en règle et de brillantes perspectives d’emploi. Dimanche, la plupart des Africains coincés à la gare de Lviv cherchaient désormais à fuir par la Roumanie, la Hongrie, ou la Slovaquie.

      https://www.france24.com/fr/europe/20220228-exode-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re-ukraine-pologne-ils-nous-refoulent
      #refoulement #Blancs #Noirs #filtrage

    • Nigerian Students Fleeing Ukraine Stranded at Poland Border

      Nigerian students in Ukraine are being subjected to a tormenting reality following the Russian invasion of Ukraine on Thursday.

      In a series of tweets, the students have detailed their painful experiences, ranging from trekking long distances to escape the situation at hand, to experiencing racism in the face of danger.

      Many Nigerians walked between 14 and 25 kilometres to seek refuge in Poland. But despite trekking for hours, Poland refused them entry.

      Kachi_Nate, a Twitter user, said his friend in Ukraine could not enter Poland because she’s black.

      “She just told me they’re not letting any Black into Poland without a visa. These are students who are legally in Ukraine. They didn’t even check their documents; just turned them back,” he said.

      “We spoke on a call. She said they turned all blacks without a visa back. As long as you don’t have a visa to Poland, you can’t enter. Also, they didn’t check any other document to confirm their status as international students. She’s walking 3-4 hours back to Lviv.”

      On Thursday, Ukraine’s interior ministry said men between the ages of 18 and 60 are banned from leaving the country. Nigerians are protesting this order by heading to Poland.

      Reacting, a Nigerian said, “Nigerians living in Ukraine shouldn’t be mandated to fight or partake in a war they do not understand. There’s a reason they left in the first place. Why are they being turned back from entering Poland?”

      Some angry parents blamed the inability of Nigerian students to enter Poland on the federal government.

      “Parents are claiming the Nigerian Embassy in Poland should have informed the government there so they could approve the arrival of Nigerians. They’re taking Ukrainians in and, I think, Indians too, because the Indian Embassy in Poland said so,” a Twitter user said.

      Others say they are still subjected to racism. Nzekiev, a Twitter user, said when the train to Poland got to where he was, he and two other Africans entered first. But a few minutes later, the police came in and dragged them down from their cabin, as only Ukrainians were allowed.




      “I don’t blame them, though. I blame African leaders,” he said. “In the train stations here in Kyiv, children first, women second, white men third, and the remaining space is occupied by Africans. This means that we have waited many hours for trains here and couldn’t enter because of this. Majority of Africans are still waiting to get to Lviv.”

      On Thursday, the Russian military launched an offensive against Ukraine with land support from Belarus.

      This came minutes after Russian President Vladimir Putin declared war on Ukraine, claiming Russia was invited by the Donbas People’s Republic.

      Following this development, the House of Representatives of the Federal Republic of Nigeria promised to help Nigerian students in Ukraine.

      In a tweet on Thursday, they offered “to shoulder the immediate evacuation of Nigerian students from Ukraine”.

      The House of Representatives said the committee on the Nigerian Ministry of Foreign Affairs would jet out to Ukraine on Friday.

      However, over 24 hours after the federal government said they would help, students are still stuck in the web of the Russian-Ukraine war.

      It is estimated that over 4,000 Nigerian students are in Ukraine, making them the second most populated group of international students in the country.

      https://fij.ng/article/nigerian-students-fleeing-ukraine-stranded-at-poland-border

    • Ukraine : 436 Marocains ont réussi à fuir le pays via les postes frontières

      Un total de 436 Marocains ont réussi à fuir l’Ukraine via les postes frontaliers vers lesquels l’ambassade du Maroc à Kiev avait précédemment annoncé qu’ils devaient se rendre.

      Selon les données exclusives obtenues par Hespress Fr, 251 Marocains ont réussi à fuir l’Ukraine vers la Roumanie, dont 97 sont arrivés hier, samedi, et 154 ce dimanche 27 février.

      Par ailleurs, 130 Marocains ont traversé via la Pologne, dont 60 sont arrivés ce dimanche et 70 samedi, tandis que 46 Marocains ont quitté le pays vers la Slovaquie, dont 29 sont arrivés ce dimanche et 17 samedi. De même, 9 Marocains ont pu quitter l’Ukraine vers la Hongrie, dont 9 sont arrivés ce dimanche et un seul arrivé samedi.

      Il convient de rappeler que des milliers de Marocains sont toujours sur les routes essayant d’atteindre les pays voisins de l’Ukraine, et se mettre à l’abri des bombardements intensifs. Le nombre d’étudiants marocains en Ukraine est estimé, à lui seul, à près de 9.000.

      https://fr.hespress.com/250799-ukraine-436-marocains-ont-reussi-a-fuir-le-pays-via-les-postes-f

    • Guerre en Ukraine : la détresse d’étudiants africains livrés à eux-mêmes

      En Ukraine, des étudiants africains vivent la guerre au rythme des Ukrainiens. Ils sont nombreux à être sans nouvelle de leurs ambassades. Isolés, sans plan d’évacuation ni numéro d’urgence à contacter, ils vivent très mal la situation et appellent leurs gouvernements à organiser leur rapatriement. Témoignages dans les villes de Kharkiv et de Loutsk.

      « Nous ne recevons aucune information, aucune directive. Tout ce que j’ai comme réconfort, c’est mon papa et ma maman qui m’appellent. »

      À 23 ans, Lilian se sent bien seul dans son appartement de la grande ville industrielle de Kharkiv. La ville n’est pas tombée aux mains des troupes russes, mais des combats intenses se poursuivent dans la zone, selon le Pentagone. Comme de nombreux étudiants africains, Lilian n’a reçu aucun signe de la part des autorités camerounaises depuis le début de l’invasion russe.

      « Je me sens isolé parce que je n’ai aucune nouvelle de mon ambassade. J’ai même envie de dire de nos ambassades, car je ne suis pas le seul Africain dans ce cas. Pourtant, je sais que l’ambassade kenyane a par exemple pris des nouvelles de ses ressortissants, leur disant que s’ils se rendent à la frontière avec la Pologne, à Lviv, ils seront pris en charge là-bas. Nous, nous n’avons rien. »

      Depuis deux jours, le quotidien de l’étudiant camerounais en master de management s’est transformé en cauchemar. Dans la nuit de mercredi à jeudi, à 4 heures du matin, le tremblement des vitres de son immeuble et les bombardements le tirent de son sommeil.

      « Avant ça, tout était calme. On ne savait pas que l’on pouvait se réveiller comme ça, du jour au lendemain, avec la boule au ventre », explique Lilian, la voix monocorde.

      Pour tromper l’angoisse de l’isolement, le jeune homme a proposé à l’un de ses amis camerounais de quitter sa chambre étudiante pour venir vivre avec lui.

      « Il est venu avec moi car c’est mieux qu’être seul », explique-t-il.

      Depuis deux jours, les deux amis ont dû s’adapter au danger imminent. Faute de pouvoir fermer l’oeil la nuit, ils profitent des moments d’accalmie, dans la journée, pour pouvoir se reposer un peu. À la moindre sirène, les jeunes hommes « courent » dans le sous-sol du bâtiment. C’est là qu’ils ont décidé de passer toutes leurs nuits.

      « Les gares et les banques sont fermées, les métros sont à l’arrêt, les bus aussi. Les bombardements se déroulent à une extrémité de la ville. Cela fait deux jours que des gens dorment dans les métros », décrit Lilian.

      À 23 ans, l’étudiant camerounais est réaliste. « Mes parents ont peur pour moi, j’ai peur aussi. On ne sait pas de quoi sera fait le lendemain. Après m’être fait réveiller par des bombardements, je m’attends à peu près à tout », argue-t-il.

      Ce qu’attend le ressortissant camerounais, c’est un plan d’évacuation de la part de son pays.

      « Je ne demande pas de l’aide gratuite. Je peux me payer un billet d’avion pour me rendre au Cameroun. Mais sans communication ni plan d’ évacuation, je suis livré à moi-même ici. »

      Amadou, un étudiant sénégalais de 32 ans, a lui reçu un mail de la part de son ambassade située en Pologne.

      « Au début, je me sentais isolé. Mais jeudi soir, dans la nuit, nous avons reçu un mail venant de l’ambassade du Sénégal en Pologne. Elle a demandé à ceux souhaitant rentrer au Sénégal, de franchir la frontière polonaise. C’est la seule alternative actuellement ».

      Sur un groupe de conversation WhatsApp, des étudiants africains de toutes les nationalités s’échangent conseils et expériences par centaines de messages. Tous souhaitent sortir du pays mais dans la plupart des villes ukrainiennes, louer une voiture ou trouver un taxi est devenu un véritable « parcours du combattant ».

      L’étudiant en master de tourisme le confirme lui-même. Il cherche aussi à quitter Loutsk. La ville n’est pas très loin de la frontière polonaise, mais il attend un ami pour entreprendre son périple. Ce dernier habitait à Kiev et a eu du mal à trouver un transport. Les prix ont explosé.

      « Trouver un transport, c’est le plus grand souci actuellement. Les prix qui ne dépassaient pas les 25 dollars atteignent maintenant les 1.000 dollars pour voyager de Kiev à Varsovie », explique l’étudiant sénégalais.

      Son ami est finalement parvenu à quitter la capitale pour Lviv, mais ce dernier ne trouve pas le moyen de se rendre à Loutsk. Il n’a plus donné de nouvelles à Amadou depuis un jour. Son portable est éteint.

      « Loutsk est un peu plus sûre que les autres villes. Il n’y a pas d’affrontements ici donc les gens viennent. Comme à Lviv, Rivne… »

      Malgré un calme apparent, les sirènes retentissent plusieurs fois par jour dans la ville.

      « C’est difficile de dormir. Les sirènes n’arrêtent pas de retentir. Quand je les entends, je me précipite, je cours pour trouver un abri. C’est la psychose. Les supermarchés, les banques, les pharmacies sont prises d’assaut. Il y a des pénuries pour tout », explique Amadou.

      Natif de Bakel, à l’est du Sénégal près de la frontière avec la Mauritanie et le Mali, Amadou n’a qu’une idée en tête, partir.

      « Tout ce que je désire, c’est rentrer chez moi. Ou au moins franchir la frontière polonaise et me rendre dans l’espace Schengen pour être un peu plus protégé », dit-il.

      "Il y a de la peur, de l’angoisse, de la fatigue. Parfois, l’information n’est pas claire, on ne comprend pas ce que l’on doit faire, la langue ukrainienne n’est pas facile à comprendre pour tout le monde. Il faut vraiment vivre en Ukraine pour comprendre ce qu’il se passe ici. Je n’ai pas vraiment les mots", confesse Amadou.

      Il lance aussi un appel aux autorités sénégalaises. Il a peut-être été contacté par son ambassade en Pologne, mais il n’est pas rassuré par le passage de la frontière polonaise. L’inconnu l’effraie. D’autant que des rumeurs circulent sur les réseaux sociaux et dans les différents groupes de conversations observés.

      « Le problème en Pologne, c’est que beaucoup de monde cherche déjà à traverser la frontière. Nous ne savons donc pas quand nous serons autorisés à la franchir une fois sur place, et quel sort nous sera réservé. Je n’ai pas été là-bas mais j’ai entendu qu’ils nous traitent différemment et qu’ils séparent les Ukrainiens des étrangers. Ça nous fait peur, on ne sait pas quel sort nous attend en Pologne. Je veux que les autorités nous récupèrent une fois la frontière passée, qu’ils organisent notre rapatriement ou qu’ils nous trouvent un abri là-bas », déclare Amadou.

      Sa peur est partagée par de nombreux expatriés africains résidant en Ukraine. Tous lancent un appel à leurs gouvernements pour organiser leur rapatriement.

      https://information.tv5monde.com/info/guerre-en-ukraine-la-detresse-d-etudiants-africains-livres-eux

    • Guerre en Ukraine : des milliers d’étudiants arabes coincés sur place cherchent désespérément à fuir

      Plus de 10 000 étudiants arabes se sont retrouvés pris au piège du conflit en Ukraine. Leur rapatriement est un casse-tête pour leurs gouvernements et une difficile traversée pour les concernés livrés à eux-mêmes

      Trois jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, le nombre de réfugiés ou déplacés grandit rapidement. Les ressortissants étrangers sont aussi menacés par l’avancée de l’envahisseur. C’est le cas de plus de 10 000 étudiants arabes, pris au piège sur place. Les Marocains forment le principal contingent d’étudiants en Ukraine, prisée pour les études de médecine et d’ingénierie. Au moins 8 000 étudiants y résident habituellement.
      Des « scènes traumatisantes »

      Parmi ces étudiants, Rania Oukarfi, 23 ans. Elle a pris la route vers la Moldavie, peu après le début de l’invasion. Jointe par téléphone, elle raconte avoir vu des « scènes traumatisantes ». Selon elle, « l’ambassade n’aide pas, on essaie d’appeler, aucune réponse ».

      Nassima Aqtid, 20 ans, étudiante en pharmacie, est bloquée à Kharkiv où les combats font rage. « J’ai pensé quitter la ville mais c’est impossible, la frontière la plus proche est celle de la Russie », explique-t-elle. « J’ai quitté le Liban à cause de l’effondrement » économique, raconte sur place Samir, 25 ans. Pour lui, la situation est plus critique. Pour gagner la Pologne, il doit traverser toute l’Ukraine.

      Livrés à eux-mêmes

      Des jeunes Syriens et Irakiens sont dans la même situation. Ali Mohammad, un étudiant en ingénierie de 25 ans, appelle constamment son ambassade sans succès depuis Chernivtsi (à l’ouest), proche de la frontière roumaine. « On est partis d’Irak pour changer de mode de vie, la guerre, les galères. On est venus en Ukraine, et c’est la même chose », déclare-t-il par téléphone. Selon un responsable gouvernemental, l’Irak compte 5 500 ressortissants en Ukraine dont 450 étudiants.

      Faute de directives de leurs pays, les ressortissants égyptiens ne savent que faire, comme le confie Saad Abou Saada, 25 ans, étudiant en pharmacie à Kharkiv. « L’ambassade n’a encore rien fait. Je ne sais pas où aller. » Il loge dans sa résidence universitaire qui hébergeait d’autres étrangers « partis sans (lui) ». La moitié des ressortissants du pays sont des étudiants en majorité inscrits à Kharkiv.

      Les États s’organisent

      Depuis le début de la guerre, l’Irak, la Tunisie, l’Égypte et la Libye tentent de préparer la sortie de leurs ressortissants vers des pays limitrophes. Le Maroc les a invités à se rendre à des points d’accès frontaliers avec la Roumanie, la Hongrie, et la Slovaquie. La Tunisie, qui ne dispose pas d’ambassade en Ukraine, va envoyer en Pologne et en Roumanie des avions pour rapatrier ses ressortissants qui souhaitent partir parmi les 1 700 vivant en Ukraine. Tunis a pris contact avec l’ONU et la Croix-Rouge internationale pour l’aider à les évacuer par voie terrestre, ce qui reste très risqué.

      La Libye a prévu des points de ralliement en Ukraine et des évacuations vers la Slovaquie pour une diaspora estimée à près de 3 000 personnes. L’Algérie, liée à la Russie par des accords militaires, s’est distinguée en n’appelant pas à ses ressortissants à quitter le pays. Mais elle les a exhortés à « une extrême prudence ».

      https://www.sudouest.fr/international/guerre-en-ukraine-des-milliers-d-etudiants-arabes-coinces-sur-place-cherche

    • Guerre en Ukraine : le difficile exode des étudiants africains

      Après de multiples accusations de comportements racistes aux frontières, l’Union africaine s’est élevée contre tout « traitement différent inacceptable ».

      Jusqu’au déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, Theresia Kabimyama était étudiante en ingénierie à Odessa, ville portuaire située au bord de la mer Noire. Mais du jour au lendemain, la guerre a poussé cette jeune Congolaise à fuir le pays où elle avait élu domicile. Un voyage éprouvant en bus – faute de pouvoir trouver une place à bord d’un train – l’a menée jusqu’à Lviv, la grande ville de l’ouest, à 800 kilomètres de là, puis à la frontière avec la Pologne, où elle a finalement pu entrer dimanche 27 février.« C’était un cauchemar, franchement, les policiers n’ont pas du tout été sympas avec les étrangers, surtout les Noirs ; ça nous insultait de tous les noms, ça braquait les armes sur nous, ça nous bousculait », rapporte-t-elle au téléphone.Alors que de nombreux Africains, pour la plupart étudiants, tentent comme des centaines de milliers d’Ukrainiens de rejoindre vaille que vaille les pays voisins, les accusations de comportements racistes aux frontières se sont multipliées ces derniers jours. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux sous le hashtag #AfricansinUkraine montrent des scènes de fortes tensions et des Africains empêchés de monter à bord de trains quittant le pays.

      Hervé Offou, un étudiant ivoirien en médecine à Dnipro, une ville de l’est de l’Ukraine, vient d’en faire l’amère expérience. A Lviv où il venait d’arriver, alors qu’il voulait prendre le train avec d’autres étrangers, un policier s’est énervé : « Enlevez les singes d’ici », s’est écrié l’agent, selon le récit de l’étudiant qui assure avoir failli en venir aux mains. Il a finalement décidé de marcher près de 40 km, lundi matin, pour rejoindre la frontière avec la Pologne, en compagnie de plusieurs compatriotes.« Choquant et raciste »« Là aussi les étrangers sont mis à l’écart. Personne ne s’approche de nous, c’est difficile », relate Davy, un ami ivoirien d’Hervé. Kader Niekiema, un étudiant burkinabé de 28 ans à l’université de Lviv, a vécu la même situation, cette fois à la frontière avec la Hongrie. « Il y avait deux files, une pour les Européens, l’autre pour les Africains, c’était la panique, les gardes-frontières ukrainiens nous ont insultés et repoussés, ça a failli dégénérer », raconte le jeune homme par téléphone.Face à la multiplication de ce type de témoignages, l’Union africaine (UA) a publié lundi un communiqué en forme de mise en garde. Appliquer un « traitement différent inacceptable » aux Africains serait « choquant et raciste » et « violerait le droit international », ont souligné le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’institution, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat.« Il est primordial que chacun soit traité avec dignité et sans favoritisme », avait déjà réclamé la veille Garba Shehu, un porte-parole de la présidence nigériane, rapportant qu’« un groupe d’étudiants nigérians qui se sont vus refuser à de multiples reprises l’entrée en Pologne ont fini par comprendre qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de traverser de nouveau l’Ukraine pour essayer de sortir du pays via la Hongrie ». Avec quelque 4 000 ressortissants en Ukraine, les Nigérians constituent l’un des plus importants contingents d’étudiants africains dans le pays. Selon les dernières statistiques disponibles de l’Unesco, près de 13 000 étudiants originaires d’Afrique – y compris du Maghreb – étaient recensés en Ukraine en 2019.En Afrique du Sud également, les autorités ont haussé le ton. Le ministère des affaires étrangères affirme avoir reçu des témoignages et des vidéos montrant des Sud-Africains et plus généralement des Africains placés dans des files séparées des Ukrainiens et des Européens aux postes-frontières. « Ils ont été poussés, bousculés et parfois mis en joue pendant que les soldats ukrainiens leur disaient que la priorité était donnée aux femmes et aux enfants ukrainiens et européens », explique le porte-parole du ministère, Clayson Monyela.« Chaos » suscité par l’éclatement de la guerrePrésent sur place, l’ambassadeur sud-africain en Ukraine, Andre Groenewald, a contacté le ministère ukrainien des affaires étrangères pour s’insurger. « Si c’est ainsi que doivent être traités les Africains, nous nous en souviendrons après le conflit », dénonce M. Monyela qui ajoute que « la situation s’est légèrement améliorée »depuis les protestations sud-africaines.

      Ces accusations de racisme ont été rejetées notamment par l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, Joanna Tarnawska. « Tout le monde reçoit un traitement égal », a-t-elle déclaré à des médias locaux, affirmant que les documents d’identité invalides sont acceptés pour franchir la frontière et que les restrictions liées au Covid-19 ont été levées.Des dispositions confirmées par l’ambassadeur du Sénégal pour la Pologne, l’Ukraine et la République tchèque, Papa Diop. Celui-ci rapporte que le ministère polonais des affaires étrangères a convié, le 15 février, un groupe d’ambassadeurs africains, en prévision du déclenchement des hostilités. « Lors de cette réunion de crise, les autorités polonaises nous ont informés qu’en cas de conflit, elles n’exigeraient pas de visa européen et de passe sanitaire aux ressortissants non européens », détaille-t-il.

      A l’en croire, les frictions des derniers jours sont le résultat d’une « mésentente entre les gardes-frontières polonais et ukrainiens » et du « chaos » suscité par l’éclatement de la guerre. « C’est dur pour tout le monde dans ce contexte. Notre groupe d’ambassadeurs africains a d’ailleurs écrit au ministère polonais des affaires étrangères pour demander si des instructions discriminatoires avaient été données. On nous a répondu que non et on nous a confirmé les dispositions prises lors de la réunion du 15 février », insiste-t-il.« Les femmes et les enfants d’abord »Du côté polonais, Le Monde a effectivement pu constater que des dizaines d’étudiants africains avaient réussi à traverser la frontière, malgré des complications pour ceux ne disposant pas d’un permis de résidence en Ukraine. Certains réfugiés ukrainiens se plaignent d’ailleurs que « les hommes étrangers comme les étudiants africains » veuillent à tout prix passer « alors que ce doit être les femmes et les enfants d’abord ».
      Alors que l’Ukraine a sonné la mobilisation générale, réquisitionnant tous les hommes de 18 à 60 ans, les Ukrainiens qui fuient vers les pays limitrophes sont essentiellement des femmes et des mineurs. « Mais les autorités ukrainiennes bloquent aussi les femmes africaines », déplore l’Ivoirien Gildas Bahi, chargé d’organiser le regroupement des étudiants de son pays en vue de leur évacuation.Cependant, tous les témoignages ne racontent pas la même histoire. Merouane, étudiant algérien en ingénierie informatique à Dnipro, s’est engagé avec trois autres Algériens et une Ukrainienne dans un périple de 900 kilomètres dès les premières heures de l’invasion russe. « Je n’ai observé aucune discrimination liée au passeport et c’est rare aux frontières », rapporte-t-il. Après vingt-quatre heures de route et plusieurs heures d’attente à la frontière, le groupe a été accueilli par une structure polonaise qui leur a offert « une chambre, de la nourriture et même un sac de vêtements de rechange pour ceux qui n’avaient rien pris », raconte-t-il, soulagé.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/01/guerre-en-ukraine-le-difficile-exode-des-etudiants-africains_6115635_3212.ht

    • Nigeria condemns treatment of Africans trying to flee Ukraine

      Government says citizens are being denied entry into Poland amid growing reports of discrimination

      The Nigerian government has condemned the treatment of thousands of its students and citizens fleeing the war in Ukraine, amid growing concerns that African students are facing discrimination by security officials and being denied entry into Poland.

      A deluge of reports and footage posted on social media in the past week has shown acts of discrimination and violence against African, Asian and Caribbean citizens – many of them studying in Ukraine – while fleeing Ukrainian cities and at some of the country’s border posts.

      They are among hundreds of thousands of people trying to escape the country as civilian casualties and destruction mount.

      More than half a million people have fled Ukraine since the Russian invasion began last week, according to the UN’s refugee agency, UNHCR.

      The Nigerian president, Muhammadu Buhari, said on Monday: “All who flee a conflict situation have the same right to safe passage under UN convention and the colour of their passport or their skin should make no difference,” citing reports that Ukrainian police had obstructed Nigerians.

      “From video evidence, first-hand reports, and from those in contact with ... Nigerian consular officials, there have been unfortunate reports of Ukrainian police and security personnel refusing to allow Nigerians to board buses and trains heading towards Ukraine-Poland border,” he said.

      “One group of Nigerian students having been repeatedly refused entry into Poland have concluded they have no choice but to travel again across Ukraine and attempt to exit the country via the border with Hungary.”

      Nigeria’s special adviser to the president on diaspora affairs, Abike Dabiri-Erewa, said: “Africans are being denied entry through the Ukrainian borders. The minister of foreign affairs, Geoffrey Onyeama, has taken this up with the Ukrainian ambassador. Our people who want to leave must be allowed to.”

      Amid chaotic and emotional scenes at Ukraine’s borders with Poland, as well as Romania and Belarus, where a number of African governments have advised citizens to head to, the treatment of African and Asian people has caused outrage.

      Many African students have condemned the difficulties they have faced trying to escape the conflict.

      Samuel George, a 22-year-old Nigerian software engineering student, drove from Kyiv, along with four of his friends, fellow students from Nigeria and South Africa, to the Polish border. Queues of cars full of people trying to leave spanned 31 miles (50km) to the border. Yet when some men who were in the queue noticed they were Africans, he said, they stopped their vehicle.

      “They immediately saw that the Ukrainians could pass but when they realised we weren’t Ukrainians they stopped it. They told us we couldn’t move forward and wouldn’t let us join the queue,” George said.

      When they tried to defy them, he said the men attacked and vandalised their windscreen. “They demanded $500 – we begged and negotiated to pay $100. We had to leave the car and trek. We were walking for almost five hours to the border with Poland. One of us was sick. The temperature was freezing, it was so tough.”

      At the border, Ukrainian officials “showed racist acts”, attempting to force them to the back of the queue, George said. “So many of us are still stuck there facing challenges. Some of them went to the borders but they were sent back and are still trying to leave.”

      Emily*, a 24-year-old medical student from Kenya, said she spent hours waiting for Ukrainian border guards to let her enter Poland because they were prioritising Ukrainian nationals.

      “We had to wait five hours but we were lucky: we met some people there who had spent days waiting in the foreign national queue,” she said.

      After eventually entering Poland, she boarded a free bus, organised by an NGO, to a hotel near Warsaw that was offering free board to Ukrainian refugees. However, the hotel refused to take her and her Kenyan friends in after examining their documents.

      “The staff said, ‘Sorry, we can’t admit you because this was meant only for Ukrainians,’” she said. The hotel also refused to give Emily a room after she offered to pay for one.

      Instead, Emily’s family in Kenya got in touch with a Polish acquaintance, who was able to find accommodation for Emily and other students with friends in Warsaw.

      In footage posted on social media, men identified by students as Ukrainians were seen abusing and assaulting them near borders, preventing them from leaving.

      In response to calls for information and advice for students worried about leaving Ukraine, several support groups have been set up on WhatsApp, Telegram and Facebook by people advocating for more assistance and by students who have been trying to leave.

      Government officials from Ukraine and Poland have said all refugees are welcome, adding that border officials were working through hundreds of thousands of cases.

      Yet even after passing into Poland, many have reported continuing challenges. Both George and Emily were given entry into Poland for just 15 days.

      In the weeks leading up to the war it was clear that increased support was needed but the government did not act, George said, condemning what he described as a lack of quick and concise assistance from Nigerian authorities.

      Days after Ukraine closed its airspace to civilian flights, Nigerian lawmakers and ministers attempted to organise evacuation flights before changing plans.

      One student said they tried to contact the consulate but failed to reach an official.

      “I don’t see how in a situation like this, where the citizens are in a country where there is war, that a country won’t do everything to rescue their citizens, but that is where we are,” they said.

      “The whole situation is tragic, the war is so tragic. So many men were staying behind to fight with the army. I was seeing so many greeting their wives and families farewell. It felt like the world was coming to an end.”

      https://www.theguardian.com/world/2022/feb/28/nigeria-condemns-treatment-africans-trying-to-flee-ukraine-government-p

    • La acogida a desplazados ucranios contrasta con denuncias de discriminación a otros migrantes

      Las cifras récord de acogida de desplazados de los países fronterizos con Ucrania coinciden con las denuncias de ciudadanos de África, Medio Oriente y Asia sobre discriminación a la hora de abandonar el país. La Unión Africana lo califica de «racista», mientras que periodistas internacionales han sido señalados en redes por hacer distinciones entre los refugiados de Ucrania y los de otras guerras anteriores.

      Este martes 1 de marzo, el máximo responsable para los refugiados de las Naciones Unidas, Filippo Grandi, reportaba la salida de 677.000 personas desde Ucrania hacia los países vecinos.

      Mientras que Karolina Lindholm Billing, la responsable de Acnur para Ucrania, cifró en un millón el número de desplazados internos. De la frontera del Donbass, epicentro de la guerra, se estiman 116.000 desplazados ucranianos al lado ruso.

      Son cifras récord, producidas en menos de una semana de conflicto. Lo que supone un reto humanitario mayúsculo, tanto para los países fronterizos, como para las potencias europeas a las que muchos ucranianos quieren llegar.

      Los primeros gestos de los países colindantes con Ucrania han respondido a los llamados históricos de las agencias internacionales para refugiados. Además de suspender sus cuarentenas anticovid, los países fronterizos (Polonia, Hungría, Rumanía, Moldavia y Eslovaquia) han abierto sus puertas para todos aquellos que acrediten su procedencia de Ucrania.

      E incluso más: Polonia ha elaborado programas de alojamiento para los recién llegados en viviendas particulares, mientras que Eslovaquia ofrece transporte gratuito y la posibilidad de trabajar en el país. Este martes también se supo que la Unión Europea está debatiendo garantizar a los refugiados ucranianos el estatuto de protección temporal, permitiéndoles vivir y trabajar hasta 3 años en algunos de los 27 Estados miembros.

      Acciones aplaudidas por el propio Filippo Grandi en un comunicado en el portal de ACNUR: «Polacos, húngaros, moldavos, rumanos, eslovacos y ciudadanos comunes de otros países europeos han llevado a cabo actos extraordinarios de humanidad y bondad. Este es el instinto humanitario que tanto se necesita en tiempos de crisis».

      Sin embargo, paralelamente al recibimiento, también crecen las denuncias de que la acogida y el refugio está contando con privilegios. Entre los primeros denunciantes, la investigadora sobre migración y asilo en Grecia, Lena Karamanidou, que había avisado después del inicio del conflicto.

      “No hay forma de evitar las preguntas sobre el racismo profundamente arraigado en las políticas migratorias europeas cuando vemos cuán diferentes son las reacciones de los gobiernos nacionales y las élites de la UE ante las personas que intentan llegar a Europa”.

      But there is no way to avoid questions around the deeply embedded racism of European migration policies, when we see how different the reactions of national governments and EU elites are to the people trying to reach Europe. This can’t just be brushed under the carpet.
      — Lena K. (@lk2015r) February 25, 2022

      La Unión Africana califica de «racista» el trato diferencial a africanos

      En los últimos días, periodistas han estado denunciado las dificultades de escapar de Ucrania para ciudadanos africanos, de Medio Oriente y asiáticos.

      Otros reporteros argumentaron que se tratan de las dos colas habituales administrativas: la de ciudadanos ucranianos y la de extranjeros. Sin embargo, las denuncias hacen énfasis que la de los locales avanza a una mayor velocidad que la de los foráneos.

      Ucrania tiene 470.000 ciudadanos extranjeros, que la Organización Internacional para las Migraciones (OIM) está tratando de atender. A diferencia de los ucranianos, muchos no europeos necesitan visas para ingresar a los países vecinos.

      En Internet, se ha viralizado el hashtag #AfricansinUkraine, donde estudiantes racializados mostraban la imposibilidad de abordar trenes para salir del país. Así lo recogieron los corresponsales de France 24 en la ciudad fronteriza de Leópolis.

      “Nos pararon en la frontera y nos dijeron que los negros no estaban permitidos. Pero pudimos ver gente blanca pasando”, dijo Moustapha Bagui Sylla, un estudiante de Guinea. Añadió que había huido de su residencia universitaria en Járkov, la segunda ciudad más grande de Ucrania, tan pronto como comenzó el bombardeo.

      “No dejan entrar a los africanos. Los negros sin pasaporte europeo no pueden cruzar la frontera (...). ¡Nos están haciendo retroceder solo porque somos negros!”. dijo otro estudiante nigeriano, quien solo dio su primer nombre, Michael. “Todos somos humanos”, agregó. “No deberían discriminarnos por el color de nuestra piel”, afirmó.

      Estas denuncias han provocado el enfado de la Unión Africana. El lunes, en un comunicado, el actual presidente, Macky Sall, y el presidente de la Comisión de la Unión Africana, Moussa Faki Mahamat, se hicieron eco y realizaron un llamado internacional.

      «Los informes de que los africanos reciben un trato diferente inaceptable serían escandalosamente racistas y violarían el derecho internacional. En este sentido, los presidentes instan a todos los países a respetar el derecho internacional y mostrar la misma empatía y apoyo a todas las personas que huyen de la guerra, independientemente de su identidad racial».

      Sobre esta discriminación también habló para la agencia estadounidense Associated Press, Jeff Crisp, exjefe de política, desarrollo y evaluación de ACNUR: “Los países que habían sido realmente negativos en el tema de los refugiados y que han hecho que sea muy difícil para la UE desarrollar una política de refugiados coherente durante la última década, de repente presentan una respuesta mucho más positiva”, cuestión que achaca a las similitudes culturales y raciales: "no es completamente antinatural que las personas se sientan más cómodas con personas que vienen de cerca, que hablan un idioma (similar) o tienen una cultura (similar)”.

      Los Gobiernos «ultra» europeos han cambiado el tono

      Países de Europa del Este y Centroeuropa han sido de los más duros a la hora de hablar y legislar sobre migración en los últimos años. De hecho, el primer ministro búlgaro, Kiril Petkov, hizo referencia al cambio de criterio de los últimos días: «estos no son los refugiados a los que estamos acostumbrados, estas personas son europeas (...) son inteligentes, educadas».

      Associated Press también recogía el cambio de tono del ultraderechista primer ministro húngaro, Viktor Orban, quien pasó en diciembre de decir «no vamos a dejar entrar a nadie», a asegurar esta semana que «dejaremos entrar a todos», en referencia a los ucranianos.

      Otro ejemplo clarificador fue el de 2021, cuando miles de migrantes se acercaron a la frontera entre Belarús y Polonia, con el objetivo de acceder a países de la Unión Europea, y en plena crisis entre el organismo y el Gobierno de Alexander Lukashenko. Polonia cerró completamente sus fronteras y como consecuencia, 15 personas murieron por el frío.

      Sin embargo, el lunes, el embajador de Polonia en la ONU, Krzysztof Szczerski, dijo que no estaban discriminando a nadie en esa crisis y que 125 nacionalidades habían sido admitidas en el país.

      Algunos periodistas distinguen entre refugiados ucranianos y de otras partes

      Pero además de las acciones, también se están señalando como racistas discursos de algunos medios de comunicación internacionales, en los que se han encontrado distinciones entre guerras de primera y de segunda, según el color de piel o la cercanía cultural.

      [Thread] The most racist Ukraine coverage on TV News.

      1. The BBC - “It’s very emotional for me because I see European people with blue eyes and blonde hair being killed” - Ukraine’s Deputy Chief Prosecutor, David Sakvarelidze pic.twitter.com/m0LB0m00Wg
      — Alan MacLeod (@AlanRMacLeod) February 27, 2022

      El corresponsal del medio CBS News, Charlie D’Agata, dijo que «esto no es Irak o Afganistán, esto es en una ciudad relativamente civilizada y europea».

      En el medio catarí Al-Jazeera, otro periodista afirmó que no son refugiados tratando de escapar de Medio Oriente o el Norte de África «son como cualquier familia europea que vive a tu lado».

      También en Francia, en el medio privado BFM TV, un tertuliano dijo que lo que está sucediendo es como si estuviéramos «en Irak o Afganistán», mientras que una reportera de la cadena británica ITV dijo que «esto no es una nación del tercer mundo, esto es Europa».

      https://www.france24.com/es/europa/20220301-refugiados-ucrania-guerra-racismo-europa?ref=wa

    • Ucraina, africani invisibili in tempo guerra

      A Kiev è stato impedito agli studenti africani di prendere i treni diretti alla frontiera con la Polonia. E quelli che vi sono giunti sono stati respinti dalle guardie polacche. L’Unione africana ha protestato contro questo «trattamento differenziato». Ma anche l’Europa, che accoglie gli ucraini, non usa lo stesso criterio con chi fugge dalle guerre africane

      Mentre tutta l’Europa, Italia compresa, si mobilita per soccorrere e accogliere quanti dall’Ucraina fuggono per salvarsi dai bombardamenti russi, nel silenzio quasi generale dell’opinione pubblica e dei governi occidentali, sta consumandosi la tragedia nella tragedia dei respingimenti di migliaia di africani, giovani studenti soprattutto, residenti in Ucraina. Costoro cercano di fuggire di fronte all’assedio russo, ma si ritrovano intrappolati in quanto respinti, in particolare alla frontiera polacca.

      Secondo diverse testimonianze, a Kiev le forze di sicurezza ucraine avrebbero impedito a degli studenti africani di salire sui treni e sui bus diretti alla frontiera polacca: ciò per dare priorità agli ucraini. E altri africani, giunti alla stessa frontiera, sarebbero stati respinti dalle guardie di confine per le stesse ragioni.

      Le immagini, a migliaia, veicolate dai social, di cittadini africani bloccati alla frontiera tra Ucraina e Polonia e che subiscono trattamenti differenziati se non abusi (il personale di frontiera che dice: «Non ci occupiamo degli africani»), non potevano non suscitare l’indignazione e la condanna dell’intero continente africano.

      A gran voce, l’Unione africana (Ua) è scesa in campo per denunciare il razzismo antiafricano, a suo parere evidente nelle operazioni di rimpatrio dei propri concittadini, in maggioranza studenti. Alcuni di loro hanno dichiarato: «Siamo stati cacciati indietro, siamo stati colpiti dai poliziotti armati di bastone quando abbiamo tentato di fare pressione e spingere in avanti».

      L’Ua si è detta «particolarmente preoccupata» da quanto sta accadendo. Il presidente senegalese Macky Sall, presidente in esercizio dell’Ua, e il presidente della Commissione, Moussa Faki Mahamat, ricordano che «ogni persona ha il diritto di attraversare le frontiere internazionali durante un conflitto (…) qualunque sia la sua nazionalità o la sua identità razziale». Applicare un «trattamento differente» per gli africani sarebbe «inaccettabile, scioccante e razzista» e «violerebbe il diritto internazionale».

      Denuncia

      L’evacuazione dei cittadini africani si rivela più complessa di quanto non possa apparire, anche perché soltanto una decina di paesi hanno una rappresentanza diplomatica, ambasciata o consolato, in Ucraina.

      Nel cercare, comunque, di portare soccorso ai propri cittadini, le reazioni dei paesi africani sono state a dir poco “vivaci”. Un solo esempio, la Nigeria. Da subito ha esortato le autorità di frontiera con l’Ucraina e dei paesi vicini a trattare «con dignità» i suoi concittadini.

      «Informazioni spiacevoli» indicano che «la polizia ucraina e il personale di sicurezza rifiutano di permettere ai nigeriani di salire sui bus e i treni verso la Polonia», ha dichiarato il portavoce della presidenza nigeriana, Garba Shehu. «Un video molto diffuso sui social mostra una madre nigeriana con il suo bimbo in treno fisicamente forzata a cedere il proprio posto», ha proseguito, aggiungendo che secondo altre informazioni, funzionari polacchi hanno rifiutato l’entrata in Polonia a dei nigeriani provenienti dall’Ucraina.

      Ha ricordato infine che «tutti coloro che fuggono da un conflitto hanno lo stesso diritto a passare in tutta sicurezza in virtù della Convenzione dell’Onu, e il colore del loro passaporto o della loro pelle non dovrebbe fare alcuna differenza». Una denuncia per maltrattamenti e abusi è venuta anche dall’ambasciatore sudafricano e altri che si sono recati personalmente alla frontiera per aiutare gruppi di propri concittadini a entrare in Polonia o a rimpatriare.

      Queste accuse di “razzismo” sono naturalmente respinte dalle autorità polacche così come dalle guardie di frontiera che assicurano di garantire a tutti il passaggio. Le difficoltà sarebbero legate all’enorme afflusso di profughi che crea lunghe file di attesa il cui controllo, anche sanitario, legato alla pandemia di coronavirus, richiede tempi lunghi, anche giorni.

      L’ambasciatrice polacca ad Abuja (Nigeria) ha dichiarato da parte sua che «tutti ricevono lo stesso trattamento», confermando che dei cittadini nigeriani avevano già raggiunto la Polonia. Che a loro volta però hanno riaffermato che «i funzionari alla frontiera davano la priorità alle donne e ai bambini ucraini».

      Secondo cifre ufficiali ucraine, più di 76mila sarebbero gli studenti stranieri presenti in Ucraina, di cui il 20% africani. Le università ucraine, in particolare le facoltà di medicina e ingegneria, sono particolarmente ricercate dagli studenti originari del mondo arabo. I marocchini con gli egiziani formano il gruppo arabo più numeroso.

      Migliaia sono anche i giovani subsahariani partiti per l’Ucraina, attirati dalla qualità degli studi e dalle tasse scolastiche relativamente basse. Importanti i gruppi di studenti e studentesse di paesi come la Nigeria, il Ghana, il Kenya, il Sudafrica, l’Etiopia o la Somalia.

      Amnesty International, quella belga in particolare, è scesa in campo per richiamare i paesi europei al loro dovere di «accogliere chiunque, indipendentemente da ogni criterio, razziale o altro. Ogni paese deve accogliere tutti i rifugiati e garantire una accoglienza degna».

      Razzismo «endemico» in Europa?

      Anche i militanti antirazzisti in Europa si sono fatti sentire per denunciare che in Europa, in tempo di crisi, il razzismo endemico risolleva la testa. Lo si era già visto con il trattamento riservato ai rifugiati siriani alle porte della Polonia, alcuni anni fa. Non andrebbe mai dimenticato che in Europa ci sono comunque cittadini provenienti dal mondo intero, eredità di un passato coloniale. Non mancano in Europa gli afrodiscendenti che in questi giorni si stanno chiedendo: «Se mai un giorno dovessimo fuggire, i bianchi avrebbero un trattamento speciale?».

      Siamo tutti felici della rapidità con cui i paesi europei si sono impegnati ad accogliere gli ucraini in fuga. I paesi occidentali mostrano solidarietà con i rifugiati ucraini perché la nostra cultura sarebbe tanto simile alla loro. Il che però non toglie lo stupore di quanti, africani in primis, hanno dovuto ricorrere addirittura allo sciopero della fame per ottenere i documenti dopo essere fuggiti da situazioni di guerra.

      Doveroso riconoscere che in parallelo alle testimonianze sulle difficoltà a lasciare l’Ucraina, si sta organizzando sui social una forma di solidarietà con decine di persone che propongono il proprio aiuto concreto per il passaggio della frontiera o per offrire un alloggio.

      https://www.nigrizia.it/notizia/ucraina-africani-invisibili-in-tempo-guerra

    • Les résidents étrangers non européens, grands oubliés de l’exode hors d’Ukraine

      Les 280 000 personnes entrées en Pologne depuis la guerre en Ukraine le 24 février sont majoritairement ukrainiennes. Les autres, qu’elles viennent d’Afrique ou d’Asie, se plaignent de ne pas être logées exactement à la même enseigne.

      Pouja, George, Vikram et six de leurs amis attendent sur le bord de la route à Medyka, en Pologne. Ce groupe de ressortissants indiens dans la vingtaine ont franchi la frontière polonaise depuis l’Ukraine au matin par le passage frontalier le plus emprunté pour quitter l’Ukraine.

      Mais, à la nuit tombante, ces neuf amis n’avaient toujours pas réussi à quitter le rond-point où ils grelottaient à une dizaine de kilomètres de la ville de Przemyśl. « Cela fait plus de six heures qu’on attend ici. Il n’y a jamais de places dans les bus. Ils laissent d’abord passer les femmes et les enfants ukrainiens et les rares bus se remplissent mais sans nous », se lamente Pouja, qui est pourtant une femme mais qui ne veut pas se séparer de ses compagnons d’aventure, tous de jeunes hommes.

      Une couverture sur les épaules, Gurwinder tente de justifier : « C’est un problème de management : les Polonais font ce qu’ils peuvent, mais ils n’ont que deux ou trois bus. Or, il y a vraiment beaucoup de gens qui fuient l’Ukraine : c’est sûr qu’ils devraient augmenter la cadence. »

      Gurwinder a bien vu un bus supplémentaire affrété par l’ambassade d’Inde à Medyka, mais renseignement pris, « il ne concerne que les gens qui utilisent le centre d’accueil réservé aux ressortissants indiens. Tout ça pour remplir les statistiques de l’ambassade… », déplore cet homme de 27 ans.

      Il souhaite se rendre à Varsovie par ses propres moyens, où un temple sikh lui offrira l’hospitalité à lui et ses amis, le temps que la situation se calme en Ukraine, espère-t-il. « D’abord, comme tout le monde, nous avons dû faire 40 kilomètres à pied de l’ouest de Lviv à Medyka. Ensuite, les Ukrainiens nous ont fait patienter des heures dehors avant de passer à l’immigration. À chaque fois, ils disaient : d’abord les femmes et les enfants. Pendant ce temps, il n’y avait ni ambulance, ni nourriture, ni eau… En deux ans et demi en Ukraine, je n’avais jamais été aussi mal traité », témoigne Gurwinder, déçu.

      « J’ai vu des Nigérians se faire battre par les militaires ukrainiens car ils avaient escaladé un mur. Quant à moi, je me suis fait traiter de Poutine. Est-ce parce que je ne suis pas resté défendre l’Ukraine ? », s’interroge Gurwinder, qui était chauffeur pour Bolt – application de taxi – en Ukraine, à Kiev, et qui a dû laisser sa voiture à Lviv (ouest de l’Ukraine) sur le bord de la route alors qu’un embouteillage monstre obstruait celle-ci, qui menait au passage frontalier de Medyka – Shehyni.

      Lundi 28 février, ils étaient des dizaines d’étudiant·es ou de jeunes travailleurs et travailleuses issues de divers pays d’Afrique, du sous-continent indien, du Moyen-Orient ou encore d’Afrique du Nord à attendre désespérément par des températures négatives un bus qui n’était toujours pas venu la nuit tombée.

      À vrai dire, à Medyka, on ne trouvait plus beaucoup d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens, alors encore majoritaires il y a deux jours à franchir la frontière à pied à la même heure. De quoi alimenter des soupçons de discrimination voire de racisme, relayés par les réseaux sociaux.

      « Ce que l’on a entendu de la part de ressortissants palestiniens, c’est que les autorités ukrainiennes ne les ont pas bien traités à la frontière. Alors que côté polonais, les procédures ont lieu rapidement et sans encombre, témoigne un Palestinien venu en voiture chercher plusieurs de ses compatriotes. Il existe une ligne de soutien pour les Palestiniens coincés en Ukraine sur la base de laquelle une liste de personnes s’apprêtant à franchir la frontière a été établie. »

      Toutes les personnes étrangères non européennes fuyant l’Ukraine n’ont pas pu bénéficier de services consulaires de la sorte, ne pouvant pas non plus compter sur l’aide de la famille ou d’ami·es, dont les Ukrainiennes et les Ukrainiens sont nombreux à bénéficier en Pologne ou ailleurs en Europe. C’est le cas de Christabel Elenya, une Nigériane de 19 ans, qui n’avait jamais mis les pieds en Pologne auparavant et ne sait pas s’il y aura une place dans un avion pour la rapatrier, si tel était son choix.

      Arrivée fin janvier à Kiev pour y suivre des cours d’aéronautique en anglais, elle a dû quitter la ville deux mois plus tard, au début de la guerre, pour se réfugier à Lviv. Puis en Pologne. Elle confirme que l’attente était plus longue au passage frontalier côté ukrainien pour les personnes étrangères non européennes. « J’ai fini par me prétendre enceinte car je n’en pouvais plus d’attendre », sourit la jeune fille assise sur son lit de fortune installé dans la salle de sport d’une école de Przemyśl.
      Pas de billets gratuits

      « Ce n’était facile pour personne au poste frontière. Les tensions ont monté, j’ai vu des hommes étrangers qui étaient à deux doigts de se battre. Cela dit, je comprends que les Ukrainiens soient débordés… », avance l’étudiante, qui assure avoir trouvé toute l’aide dont elle pouvait rêver en Pologne, y compris un logement chez un particulier, qu’elle a refusé de peur de déranger. « Je n’aurais jamais cru que des gens pouvaient être aussi gentils », finit-elle par conclure à l’adresse des Polonais.

      De son côté, Ivonna, une Ukrainienne de 42 ans passée par le poste-frontière de Medyka, et elle aussi hébergée sous un panier de basket dans l’école de Przemyśl, s’est dite choquée par le « comportement de certains étrangers, qui étaient agressifs et se comportaient de manière inadéquate ».

      En gare de Przemyśl, un contrôleur polonais interrogé sur la mesure mise en place par les chemins de fer polonais pour garantir des tickets gratuits afin de se déplacer dans le pays précise qu’ils sont réservés aux détenteurs et détentrices de passeports ukrainiens : « La logique est la suivante : la guerre est en Ukraine, pas dans leur pays. Ils doivent donc payer s’ils veulent un ticket », explique-t-il.

      En réalité, il est rare que ces tickets soient vérifiés à bord, et les bénévoles déployé·es en gare annoncent souvent des trains gratuits pour tout le monde. Il n’empêche, personne ne semble encore savoir ce qu’il en sera des ressortissant·es non européen·nes sur le sol polonais, une fois les quinze jours de séjour tolérés expirés. Les Ukrainiennes et les Ukrainiens ont droit pour le moment à 90 jours de séjour, et l’UE réfléchit à leur octroyer un statut de protection spéciale valable jusqu’à trois ans.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/010322/les-residents-etrangers-non-europeens-grands-oublies-de-l-exode-hors-d-ukr

    • « On nous disait “Pas les Noirs” » : le tri racial dans la fuite de l’Ukraine

      Ivoiriens, Indiens, Camerounais, Marocains... De nombreux ressortissants étrangers qui résidaient en Ukraine tentent également de rejoindre la Pologne, loin des combats. Une traversée périlleuse, rythmée par des comportements racistes de certains soldats ukrainiens.

      Lundi 28 février, sous de légers flocons de neige, Stephan cherche un bus pour se rendre dans la ville la plus proche. Il traîne ses valises d’un pas chancelant, suivi de près par ses quatre amis camerounais. Ensemble, ils viennent tout juste de traverser la frontière polonaise depuis l’Ukraine, près de Medyka, après deux jours d’un interminable voyage depuis Kiev. « C’est l’expérience la plus horrible que j’ai vécue dans ma vie », soupire-t-il.

      De ce périple pourtant, Stephan ne retient ni la peur des bombardements, ni la vie qu’il a laissée derrière lui. Il retient uniquement les coups de crosses de Kalachnikov, les insultes et les menaces lancées par les soldats ukrainiens et les garde-frontières tout au long de sa fuite. Des violences racistes que rapportent également de nombreux ressortissants et étudiants africains, pakistanais, indiens ou encore népalais, qui seraient constamment relégués de façon inhumaine derrière les exilés ukrainiens pour quitter le pays au plus vite.

      « Tu es obligé de payer pour que ça s’arrête »

      Depuis le début de l’invasion russe, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux. On y voit des soldats ukrainiens repousser à l’arrière des files les personnes de couleur, pourtant résidentes légales en Ukraine, pour faire passer en priorité les personnes blanches. Les témoignages affluent également : ceux d’Africains débarqués d’un bus en route pour la frontière, d’armes braquées sur un groupe d’Indiens ou encore d’insultes racistes répétées.

      « Ils faisaient passer les femmes et les enfants d’abord, ce qui est normal », raconte Stephan, qui travaillait en tant qu’ingénieur des ponts et chaussées en Ukraine. Parti de Kiev à 6h du matin le samedi, l’homme espérait attraper un premier train avec ses amis, avant de vite déchanter sur les quais de la gare. « Sur le côté, il y avait plein de femmes africaines avec leurs enfants que personne ne faisait passer devant, contrairement aux Ukrainiennes. D’un coup, les policiers nous ont repoussés. Il y en a un qui m’a frappé avec un fusil », ajoute le Camerounais en montrant le bas de son dos. Il ne le savait pas encore, mais ce type de scène ne sera qu’une infime partie du traitement que lui réserveront certains soldats ukrainiens jusqu’à son arrivée en Pologne.

      Bloqués par des kilomètres de bouchons d’exilés fuyant la guerre depuis l’invasion de la Russie le 24 février, le groupe de Camerounais est contraint de marcher sur plus de 12 kilomètres, comme tout le monde. Rapidement, un premier check point. « Là, la situation s’est empirée pour les étrangers. On a dû former un corridor, bloqué par les armes des soldats, comme du bétail. “Je vais tirer”, ils disaient, en mettant des coups de crosses ! », explique Stephan. Juste à côté d’eux, les femmes et les enfants ukrainiens défilaient sans difficulté. « On a passé presque deux jours au premier check point, debout, sans manger, sans eau, sans douche et dans le froid. »

      Poussé à bout, le groupe de Camerounais a finalement compris comment s’en tirer : en payant les soldats les plus agressifs. « Ils ne te demandent pas de l’argent frontalement, mais ils te mettent dans des conditions telles que tu es obligé de payer pour que ça s’arrête. » Le groupe déboursera finalement 1.000 hryvnia (environ 30 euros) une première fois, puis 100 dollars au deuxième check point. « À un moment, je me suis demandé si j’étais un être humain », se questionne d’une voix basse le Camerounais.
      « Ils donnaient de la nourriture aux Ukrainiens, pas à nous »

      Il n’y a pas besoin de chercher bien loin pour trouver des témoignages similaires. À quelques mètres de Stephan, un groupe de cinq Népalais raconte leur voyage en enfer. « C’est simple, il y a d’un côté la file des Ukrainiens, de l’autre celle des étrangers. D’un côté on les laisse tranquilles, de l’autre on les traite comme des animaux », s’exclame Padma, une jeune Népalaise qui étudiait la médecine en Ukraine. Comme elle, des dizaines de milliers d’étudiants étrangers résidaient dans le pays d’Europe de l’Est, venant principalement du Maroc, d’Égypte, d’Inde ou encore de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Beaucoup d’entre eux font désormais partie des 280.000 exilés qui ont déjà rejoint la Pologne depuis le début du conflit.

      La Népalaise n’arrive pas à se calmer. Ses amies ont loupé quatre fois le train, « parce qu’ils ne mettaient que les Ukrainiens dedans », affirme-t-elle, tout en rassemblant ses affaires près de tentes blanches installées à Medyka, l’un des postes de frontière les plus empruntés par les réfugiés. Au total, ils attendront 24 heures pour enfin grimper dans un wagon.

      « On était comme des singes », ajoute la jeune femme, en expliquant s’être retrouvée bloquée à quelques kilomètres de la Pologne, après son voyage en train. « Il donnait de la nourriture aux Ukrainiens, pas à nous. » Un de ses amis l’interrompt en criant : « On leur a même proposé de l’argent ! Mais ils disaient qu’il n’y avait plus rien. » Après 36 heures sans manger, le groupe a finalement été accueilli par la police polonaise, avec de l’eau et à manger. « Eux ils nous ont bien traités », ajoute Padma. « Rien que leur façon de nous parler n’avait rien à voir », renchérit Milan, un autre Népalais. Mais même côté polonais pourtant, certains commencent à dénoncer un accueil bien plus froid à leur égard, comparé à celui réservé à leurs homologues ukrainiens.

      Le tri des réfugiés en fonction de leur origine commence à faire du bruit sur les réseaux sociaux, où les hashtag #AfricansInUkraine ou encore #IndiansInUkraine ont fait leur apparition à côté des vidéos montrant ces discriminations. Une sorte de cri d’alarme en ligne visant à alerter sur le sort des milliers de ressortissants de pays d’Afrique et autres qui sont encore bloqués aux frontières ukrainiennes, empêchés de quitter le pays. Pourtant, filmer ce type de vidéo ne serait pas sans danger.

      « Si tu sors ton téléphone pour filmer, ils [les soldats ukrainiens] deviennent comme des fous, ils te menacent pour que tu ne montres pas ce qui se passe. On voulait filmer, montrer quand on nous disait : “pas les Noirs” », explique Blaise*, un étudiant ivoirien qui a laissé derrière lui six ans de vie en Ukraine. L’homme peine à marcher. « Regardez notre démarche ! On vient de passer des jours debout, en ligne, sans pouvoir s’allonger. Tandis que les Ukrainiens étaient mieux traités », glisse quelques mètres plus loin Rohit, un ressortissant indien qui se réchauffe près d’un feu improvisé.

      Double peine

      Sous une bâche installée par des Polonais venus prêter main-forte à tous les exilés, Yren, une Congolaise, temporise. « Pour les femmes étrangères, c’était déjà un peu mieux que pour les hommes. » De l’autre côté de la frontière, des milliers d’Ukrainiens sont également bloqués dans le froid pendant des heures, et les douaniers veillent toujours à empêcher les hommes de 18 à 60 ans de sortir du pays. Tout le monde ici a vu des familles ukrainiennes obligées de se séparer, ou même rebrousser chemin, avec femmes et enfants, pour ne pas se diviser.

      La jeune femme emmitouflée dans une couverture boit une gorgée de soupe chaude, et ajoute : « On nous laissait un peu plus tranquilles les femmes, et moi on ne m’a pas frappée. Mais il y avait quand même des animaux domestiques qui passaient devant nous. »

      Pour les personnes racisées, fuir l’Ukraine de la sorte est comme une double peine. « À Kiev, j’étais terrifié. La situation était horrible, avec les tirs, les couvre-feux... Tous les comptes des étrangers ont été bloqués, ma carte ne marchait plus. Tout s’est écroulé », explique Joseph* originaire d’Afrique subsaharienne. Un traumatisme qui n’arrivera finalement pas seul. « Sur la route, la police m’a tapé avec une crosse de fusil pour essayer de garder la ligne. Ils ont terrorisé les gens, tout le monde tombe malade de l’autre côté. Honnêtement, j’ai cru que je n’y arriverais jamais. »

      Les discriminations envers ces exilés posent aussi question pour l’avenir. Quel accueil les pays européens réserveront-ils aux réfugiés non ukrainiens –et même ukrainiens– qui ont fui ce conflit meurtrier ? Une question d’autant plus importante au vu du nombre de déplacés potentiels, qui pourrait atteindre les 7 millions, selon l’ONU. Avec cet exode massif et les crises humanitaires qu’elles induisent, il y a un risque que la distinction entre les exilés se poursuive en Europe, prolongeant l’expérience traumatisante des réfugiés.

      De son côté, Stephan et ses amis camerounais ne savent pas encore de quoi seront faits les jours qui se profilent. « Pour l’instant, on doit trouver un bus pour partir loin de la frontière », explique-t-il en regardant devant et derrière lui, en espérant apercevoir l’un des véhicules en partance pour Przemyśl. « Je veux juste m’allonger, et me reposer. Je n’en peux plus. » Se reposer avant de reprendre la route, dans un voyage qui est encore loin d’être terminé.

      *Les prénoms ont été changés.

      http://www.slate.fr/story/224214/reportage-guerre-ukraine-russie-profilage-racial-noirs-frontiere-racisme-solda

    • Guerre en Ukraine : à la frontière polonaise, « les gardes ukrainiens nous ont tapé avec des bâtons », racontent des étudiants étrangers

      De nombreux étudiants africains ou asiatiques qui vivaient en Ukraine tentent de passer en Pologne depuis le début de l’offensive russe. Certains se plaignent d’un traitement raciste de la part des garde-frontières ukrainiens.

      Couverture sur le dos, Gurwinder peine encore à réaliser qu’il est enfin arrivé en Pologne. « J’ai essayé de passer à plusieurs reprises », raconte cet étudiant indien, chauffeur de VTC à Kiev (Ukraine). Il a marché 30 kilomètres pour rejoindre la frontière, où il a dû attendre trois jours au poste-frontière ukrainien pour traverser. « À chaque fois, les gardes ukrainiens m’ont dit : ’Non, ce sont d’abord les femmes et les enfants qui passeront. Vous, les Indiens, vous ne passerez pas’, raconte Gurwinder. Nous avons essayé pendant trois jours, sans dormir, sans manger car si vous dormez, vous perdez votre place. »

      Comme lui, plus de 500 000 personnes ont rejoint la Pologne depuis le lancement de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février. L’exode est notamment très difficile pour les 78 000 étudiants étrangers qui vivaient comme lui en Ukraine, dont beaucoup sont originaires d’Afrique et d’Asie. Plusieurs d’entre eux ont en effet dénoncé des discriminations du côté ukrainien de la frontière.
      Frappés et laissés dans le froid

      Si les étrangers interrogés n’ont pas tous eu de problèmes à traverser la frontière en raison de leur nationalité, plusieurs récits ont émergé de la part d’étudiants bloqués du côté ukrainien de la frontière. L’Union africaine a même dénoncé un traitement « inacceptable » et « raciste » pour les Africains. Certaines ambassades, comme celle de Côte-d’Ivoire, d’Afrique du Sud ou du Nigéria, ont envoyé des représentants sur place.

      « Quand on est arrivés, ils ont fait passer avant nous les Ukrainiens avec des documents de résidence. Quand on a essayé de se plaindre, les gardes ukrainiens nous ont tapé avec des bâtons. J’ai été frappé plusieurs fois », témoigne pour sa part Clinton, un Ougandais de 24 ans. Il est arrivé dès le 24 février au poste frontière mais n’a pu rejoindre la Pologne que le 3 mars. « Ils nous ont laissé dormir dehors. On a dû faire un feu et ils l’ont éteint », raconte-t-il, encore sous le choc, dans la gare de Przemysl. Il estime que ce traitement infligé aux étrangers est raciste.

      « Parce que vous êtes noir, même si vous essayez de communiquer en utilisant un traducteur en ligne, ils vous regardent et s’en vont. Ce sont les dépositaires de l’autorité, est-ce qu’ils ne sont pas supposés nous aider ? C’était très dur. Je suis vraiment très content d’être arrivé en Pologne car, honnêtement, je ne pensais pas y arriver. C’était très inquiétant. »
      Clinton, étudiant Ougandais de 24 ans

      à franceinfo

      De son côté, l’Ukraine a démenti toute différence de traitement, assurant que le premier arrivé était le premier servi. Le service des garde-frontières ukrainiens a nié « toute difficulté », assurant que « personne n’a été empêché de quitter l’Ukraine ». De son côté, Varsovie a rappelé que toute personne fuyant l’Ukraine est accueillie quelle que soit sa nationalité, passeport valide ou non...

      https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-a-la-frontiere-polonaise-les-gardes-ukrainiens-nous-o
      #Pologne

    • People of colour fleeing Ukraine attacked by Polish nationalists

      Non-white refugees face violence and racist abuse in Przemyśl, as police warn of fake reports of ‘migrants committing crimes’

      Police in Poland have warned that fake reports of violent crimes being committed by people fleeing Ukraine are circulating on social media after Polish nationalists attacked and abused groups of African, south Asian and Middle Eastern people who had crossed the border last night.

      Attackers dressed in black sought out groups of non-white refugees, mainly students who had just arrived in Poland at Przemyśl train station from cities in Ukraine after the Russian invasion. According to the police, three Indians were beaten up by a group of five men, leaving one of them hospitalised.

      “Around 7pm, these men started to shout and yell against groups of African and Middle Eastern refugees who were outside the train station,” two Polish journalists from the press agency OKO, who first reported the incident, told the Guardian. “They yelled at them: ‘Go back to the train station! Go back to your country.’”

      Police intervened and riot officers were deployed after groups of men arrived chanting “Przemyśl always Polish”.

      “I was with my friends, buying something to eat outside,” said Sara, 22, from Egypt, a student in Ukraine. “These men came and started to harass a group of men from Nigeria. They wouldn’t let an African boy go inside a place to eat some food. Then they came towards us and yelled: ‘Go back to your country.’”

      Following the incident, police in Poland warned that groups linked to the far right are already spreading false information about alleged crimes committed by people from Africa and the Middle East fleeing war in Ukraine.

      Przemyśl police said on Twitter: “In the media, there is false information that serious crimes have occurred in Przemyśl and the border: burglaries, assaults and rape. It’s not true. The police did not record an increased number of crimes in connection with the situation at the border. #StopFakeNews.”

      According to the news website Notes From Poland, one Facebook group, named Przemyśl Always Polish (Przemyśl Zawsze Polski), has been spreading false claims that “economic migrants from the Middle East” were committing crimes, “including a knife attack on a young woman and numerous thefts from shops”.

      The attacks on people fleeing the war come amid efforts by some African governments to evacuate their citizens who have passed into countries bordering Ukraine after reports of racist abuse and discrimination.

      On Wednesday, Nigeria’s foreign ministry said it planned to start airlifting more than 1,000 Nigerians stranded in countries neighbouring Ukraine.

      Many of the foreign nationals fleeing the Russian attacks are students. About 16,000 African students were studying in the country before the invasion, Ukraine’s ambassador to South Africa said this week.

      Reports and footage on social media in the past week have shown acts of discrimination and violence against African, south Asian and Caribbean citizens while fleeing Ukrainian cities and at some of the country’s border posts.

      In an interview with the Guardian, a 24-year-old medical student from Kenya, who did not want to be named, said she spent hours waiting for Ukrainian border guards to let her enter Poland because they were prioritising Ukrainian nationals.

      After eventually crossing the border, she boarded a free bus, organised by an NGO, to a hotel near Warsaw that was offering free board to Ukrainian refugees. But the hotel refused to take her and her Kenyan friends in, even after she offered to pay for a room.

      However, other foreign nationals interviewed by the Guardian said that they had been treated well by the Polish authorities, with many of the reports of racial abuse occurring on the Ukrainian side of the border.

      The Nigerian president, Muhammadu Buhari, said on Monday: “All who flee a conflict situation have the same right to safe passage under the UN convention and the colour of their passport or their skin should make no difference,” citing reports that Ukrainian police had obstructed Nigerians.

      “From video evidence, first-hand reports, and from those in contact with … Nigerian consular officials, there have been unfortunate reports of Ukrainian police and security personnel refusing to allow Nigerians to board buses and trains heading towards Ukraine-Poland border,” he said.

      On Tuesday, Ukraine’s foreign minister, Dmytro Kuleba, acknowledging the allegations, said: “Ukraine’s government spares no effort to solve the problem.”

      “Africans seeking evacuation are our friends and need to have equal opportunities to return to their home countries safely,” he said in a statement on Twitter.

      Ghana, South Africa and Ivory Coast are also among a growing number of African countries seeking to evacuate their citizens in response to reports of discrimination and violence that have sparked widespread outrage.

      In Nigeria, Gabriel Aduda, permanent secretary for the ministry of foreign affairs, said three jets chartered from local carriers would leave the country on Wednesday, with the capacity to bring back nearly 1,300 people from Poland, Romania and Hungary.

      Rights groups have welcomed the efforts by Poland to help, but some drew comparisons with the treatment of other refugees from Syria, Afghanistan and Kurdish Iraqis in the country, where the populist rightwing government has often played on anti-refugee sentiment.

      Last year, after the Belarusian president, Alexander Lukashenko, organised the movement of refugees with the promise of a safe passage to Europe, thousands of people from the Middle East were caught by Polish border guards in the forests near the border and illegally and violently pushed back to Belarus.

      https://www.theguardian.com/global-development/2022/mar/02/people-of-colour-fleeing-ukraine-attacked-by-polish-nationalists

    • Europe welcomes Ukrainian refugees — others, less so

      They file into neighboring countries by the hundreds of thousands — refugees from Ukraine clutching children in one arm, belongings in the other. And they’re being heartily welcomed, by leaders of countries like Poland, Hungary, Bulgaria, Moldova and Romania.

      But while the hospitality has been applauded, it has also highlighted stark differences in treatment given to migrants and refugees from the Middle East and Africa, particularly Syrians who came in 2015. Some of the language from these leaders has been disturbing to them, and hurtful.

      “These are not the refugees we are used to… these people are Europeans,” Bulgarian Prime Minister Kiril Petkov told journalists earlier this week, of the Ukrainians. “These people are intelligent, they are educated people.... This is not the refugee wave we have been used to, people we were not sure about their identity, people with unclear pasts, who could have been even terrorists…”

      “In other words,” he added, “there is not a single European country now which is afraid of the current wave of refugees.”
      Syrian journalist Okba Mohammad says that statement “mixes racism and Islamophobia.”

      Mohammad fled his hometown of Daraa in 2018. He now lives in Spain, and with other Syrian refugees founded the first bilingual magazine in Arabic and Spanish. He described a sense of déjà vu as he followed events in Ukraine. He also had sheltered underground to protect himself from Russian bombs. He also struggled to board an overcrowded bus to flee his town. He also was separated from his family at the border.

      “A refugee is a refugee, whether European, African or Asian,” Mohammad said.

      The change in tone of some of Europe’s most extreme anti-migration leaders has been striking — from “We aren’t going to let anyone in” to “We’re letting everyone in.”

      Those comments were made only three months apart by Hungarian Prime Minister Viktor Orban. In the first, in December, he was addressing migrants and refugees from the Middle East and Africa. In the second, this week, he was addressing people from Ukraine.

      Some journalists, too, are being criticized for descriptions of Ukrainian refugees. “These are prosperous, middle-class people,” an Al Jazeera English television presenter said. “These are not obviously refugees trying to get away from areas in the Middle East... in North Africa. They look like any European family that you would live next door to.”

      The channel issued an apology saying the comments were insensitive and irresponsible.

      CBS news apologized after one of its correspondents said the conflict in Kyiv wasn’t “like Iraq or Afghanistan that has seen conflict raging for decades. This is a relatively civilized, relatively European” city.

      As more and more people scrambled to flee Ukraine, several reports emerged of non-white residents, including Nigerians, Indians and Lebanese, getting stuck at borders. Unlike Ukrainians, many non-Europeans need visas to get into neighboring countries. Embassies around the world were scrambling to assist their citizens in getting through.

      Videos shared on social media under the hashtag #AfricansinUkraine allegedly showed African students being kept from boarding trains out of Ukraine, to make space for Ukrainians.

      The African Union in Nairobi said Monday that everyone has the right to cross international borders to flee conflict. The continental body said “reports that Africans are singled out for unacceptable dissimilar treatment would be shockingly racist and in breach of international law.”

      It urged all countries to “show the same empathy and support to all people fleeing war notwithstanding their racial identity.”

      Polish U.N. Ambassador Krzysztof Szczerski said at the General Assembly on Monday that assertions of race- or religion-based discrimination at Poland’s border are “a complete lie and a terrible insult to us.”

      “The nationals of all countries who suffered from Russian aggression or whose life is at risk can seek shelter in my country,” he said.

      Szczerski said people of some 125 nationalities had been admitted to Poland on Monday morning from Ukraine, including Ukrainian, Uzbek, Nigerian, Indian, Moroccan, Pakistani, Afghan, Belarussian, Algerian and more. Overall, he said, 300,000 people have arrived during the crisis.

      When over a million people crossed into Europe in 2015, support for refugees fleeing wars in Syria, Iraq and Afghanistan was relatively high at first. There were also moments of hostility — such as when a Hungarian camerawoman was filmed kicking and possibly tripping migrants along the country’s border with Serbia.

      Still, back then, Germany’s chancellor, Angela Merkel, famously said “Wir schaffen das” (“We can do it”), and the Swedish prime minister urged citizens to “open your hearts” to refugees.

      Volunteers gathered on Greek beaches to rescue exhausted families crossing on boats from Turkey. In Germany, they were greeted with applause at train and bus stations.

      But the warm welcome soon ended after EU nations disagreed over how to share responsibility, with the main pushback coming from Central and Eastern European countries like Hungary and Poland. One by one, governments across Europe toughened migration and asylum policies, earning the nickname “Fortress Europe.”

      Just last week, the U.N. High Commissioner for Refugees denounced the increasing “violence and serious human rights violations” across European borders, specifically pointing the finger at Greece.

      Last year hundreds of people, mainly from Iraq and Syria but also from Africa, were left stranded in a no man’s land between Poland and Belarus as the EU accused Belarusian President Alexander Lukashenko of luring thousands of foreigners to its borders in retaliation for sanctions. At the time, Poland blocked access to aid groups and journalists. More than 15 people died in the cold.

      Meanwhile, in the Mediterranean, the European Union has been criticized for paying Libya to intercept migrants trying to reach its shores, helping to return them to abusive and often deadly detention centers.

      “There is no way to avoid questions around the deeply embedded racism of European migration policies when we see how different the reactions of national governments and EU elites are to the people trying to reach Europe,” Lena Karamanidou, an independent migration and asylum researcher in Greece, wrote on Twitter.

      Jeff Crisp, a former head of policy, development and evaluation at UNHCR, agreed that race and religion influenced treatment of refugees.

      “Countries that had been really negative on the refugee issue and have made it very difficult for the EU to develop coherent refugee policy over the last decade, suddenly come forward with a much more positive response,” Crisp noted.

      Much of Orban’s opposition to migration is based on his belief that to “preserve cultural homogeneity and ethnic homogeneity,” Hungary should not accept refugees from different cultures and different religions.

      Members of Poland’s conservative nationalist ruling party have echoed Orban’s thinking, saying they want to protect Poland’s identity as a Christian nation and guarantee its security.

      These arguments have not been applied to their Ukrainian neighbors, with whom they share historical and cultural ties. Parts of Ukraine today were once also parts of Poland and Hungary. Over 1 million Ukrainians live and work in Poland and hundreds of thousands more are scattered across Europe. Some 150,000 ethnic Hungarians also live in Western Ukraine, many of whom have Hungarian passports.

      “It is not completely unnatural for people to feel more comfortable with people who come from nearby, who speak the (similar) language or have a (similar) culture,” Crisp said.

      In Poland, Ruchir Kataria, an Indian volunteer, told The AP on Sunday that his compatriots got stuck on the Ukrainian side of the border crossing into Medyka, Poland. In Ukraine, they were initially told to go to Romania, hundreds of kilometers away, he said, after they had already made long journeys on foot to the border, not eating for three days. Finally, on Monday they got through.

      https://apnews.com/article/russia-ukraine-war-refugees-diversity-230b0cc790820b9bf8883f918fc8e313

    • I’m currently in a train back from Warsaw which is full of refugees heading to Berlin.

      At #Frankfurt-am-Oder, German border police disembarked many BIPOCs.

      I can’t say if all were taken out of the train but only people of colour & their partners & children got off.

      Just talked to 2 Indian students from Punjab fleeing Kyiv, they were still in the train, getting off at Berlin central station. They said they had no issue crossing the Hrebenne-Hava Ruska border checkpoint but that they knew of people for whom it was hell at other checkpoints.

      https://twitter.com/EmmanuelleChaze/status/1499727609432879105
      #Allemagne #profilage #profilage_racial #profilage_ethnique

    • Statement on the war in Ukraine and the treatment of Africans trying to flee the country

      Like countless people all over the world, the members of the Africa Multiple Cluster of Excellence based at the University of Bayreuth (Germany) and African Cluster Centres at the University of Lagos (Nigeria), Joseph Ki-Zerbo University (Ouagadougou, Burkina Faso), Moi University (Eldoret, Kenya) and Rhodes University (Makhanda, South Africa), are greatly shocked about the Russian war on Ukraine and the Russian government’s disregard for the rights of everyone in the Ukraine to live in peace and security. We declare our concern for all those affected by the virulent and reprehensible attacks by Russian forces on Ukrainian territory.

      At the same time, we are deeply troubled by the flagrant racism towards Africans—predominantly students—anxious to flee danger to their lives during this turbulent period, which has been widely observed and reported in the news and social media from train stations in Ukrainian towns as well as from the Ukrainian-Polish border. The blatant racial profiling exercised through officials’ refusals to allow Black people cross the border, forcing them to remain in areas of conflict, is abhorrent and not to be condoned.

      We also note with dismay how several white-positioned government officials and media representatives have expressed their shock at the necessity of Ukrainian citizens to flee as refugees while simultaneously articulating racist comparisons to previous waves of Iraqi, Syrian, Afghani, and African refugees to Europe in the past years. The current display of racism vis-à-vis Africans trying to flee Ukraine sadly reconfirms the pattern of dehumanization of refugees of color that has become all too familiar in many refugee crises in Europe of the recent past.

      Just as we stand in solidarity with all Ukrainians and Russians who never wanted this war, we declare our solidarity and concern for all Black people and people of color who became embroiled in this conflict. We join the African Union in urging “all countries to respect international law and show the same empathy and support to all people fleeing war notwithstanding their racial identity” (official AU statement issued on February 28, 2022). We further demand of the European Union as well of the respective national governments to call out the racist practices and to play their part in putting an end to the suffering caused, through creating the conditions necessary to preserve the dignity of Africans fleeing the country and to protect all human lives during this time of war.

      Eldoret (Kenya), Lagos (Nigeria), Makhanda (South Africa), Ougadougou (Burkina Faso), and Bayreuth (Germany), March 4, 2022

      The Directors of the African Cluster Centres
      The Members of the Management Board, Africa Multiple Cluster of Excellence

      Prof. Dr. Yacouba Banhoro, Joseph Ki-Zerbo University, Ouagadougou

      Prof. Dr. Andrea Behrends, Vice Dean of Early Career & Equal Opportunity, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Olumuyiwa Falaiye, University of Lagos

      Prof. Dr. Ute Fendler, Vice Dean of Internationalisation & Public Engagement, University of Bayreuth

      Dr. Franz Kogelmann, Managing Director, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Enocent Msindo, Rhodes University, Makhanda

      Prof. Dr. Sabelo Ndlovu-Gatsheni, Vice Dean of Research, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Cyrus Samimi, Vice Dean of Digital Solutions, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Rüdiger Seesemann, Dean, University of Bayreuth

      Prof. Dr. Peter Simatei, Moi University, Eldoret

      Dr. Christine Vogt-William, Director of the Gender & Diversity Office

      https://www.africamultiple.uni-bayreuth.de/en/news/2022/2022-03-04_Statement-on-the-war/index.html

    • More African students decry racism at Ukrainian borders

      As at least half a million refugees flee Ukraine, more reports of mistreatment by Ukrainian border guards surface.

      Barlaney Mufaro Gurure, a space engineering student from Zimbabwe, had finally reached the front of a nine-hour queue at Ukraine’s western border crossing of Krakovets after an exhausting four-day trip.

      It was her turn to cross. But the border guard pushed her and four other African students she was travelling with aside, giving priority to Ukrainians. It took hours, and relentless demands, before they were also allowed to go through border control.

      “We felt treated like animals,” the 19-year-old said in a phone interview from a Warsaw hotel. Gurure, a freshman at the National Aviation University, fled Kyiv hours after Russian President Vladimir Putin ordered troops into Ukraine on February 24.

      “When we left [Kyiv] we were just trying to survive,” she said. “We never thought that they would have treated us like that […] I thought we were all equal, that we were trying to stand together,” Gurure added.

      Her story is not isolated as scores of Africans have reported episodes of abuse and discrimination while trying to cross into Ukraine’s neighbours.

      Since the war started, more than 870,000 refugees have fled from Ukraine to neighbouring countries, the United Nations said. Half of those are currently in Poland. Queues along the border are now tens of kilometres long with some African students describing to Al Jazeera how they have been waiting for days to cross amid freezing temperatures and with no food, blankets or shelters.

      For others, issues started before reaching border crossings. Claire Moor, another Black student, was pushed down as she tried to board a train at Lviv’s train station. The guard insisted that only women could take the train. The officer looked away, Moor said, as she pointed out that she was, indeed, a woman. “I was shocked because I did not know the extent of the racism,” she added.

      Jan Moss, a volunteer with the Polish aid organisation, Grupa Zagranica, who has been providing assistance at the Polish-Ukrainian border, said while refugees have been welcomed at many crossings out of Ukraine without any form of discrimination, the reception near Medyka has been more problematic as refugees were being organised based on “racial profiling”.

      Ukrainians and Polish nationals are allowed to pass through the much quicker vehicles’ lane, while foreigners have to go through the pedestrian one, a three-stage process that can last from 14 to 50 hours, Moss said.

      Al Jazeera contacted Ukraine’s Border Guard Service via email over the allegations of segregation at the borders but had not received a response before the publication of this report.

      In the last 20 years, Ukraine has emerged as a choice destination for African students, especially in medicine-related fields as it is cheaper compared with universities in the United States and elsewhere in Europe.

      Videos and tweets under the hashtag #AfricansinUkraine have flooded social media, triggering numerous crowdfunding initiatives on Telegram and Instagram to support students at the borders and put pressure on respective governments.

      The African Union reacted to the outcry on Monday: “Reports that Africans are singled out for unacceptable dissimilar treatment would be shockingly racist and in breach of international law,” it said in a statement. A spokesperson from South Africa’s foreign ministry said on Sunday that a group of its nationals and other Africans were being “treated badly” at the Polish-Ukrainian border.

      The Nigerian government also expressed concerns over reports of discriminatory behaviour, including a video widely shared on social media showing a Nigerian woman with her young baby being forcibly made to give up her seat to another person. It also said that a group of Nigerians had been refused entry into Poland – an allegation dismissed by Poland’s ambassador to Nigeria.

      But some foreigners said they received a warm welcome in neighbouring countries, such as Moldova and Romania, including a relatively smooth transit.

      https://www.aljazeera.com/news/2022/3/2/more-racism-at-ukrainian-borders

    • Guerre en Ukraine : « Il faut transporter tous les réfugiés gratuitement » dans les trains français, réclame la CGT-Cheminots

      Suite à l’annonce du patron de la #SNCF sur le transport gratuit des réfugiés ukrainiens dans les trains français, syndicats et associations demandent, la généralisation de la gratuité pour tous les réfugiés.

      Les réfugiés ukrainiens pourront « circuler gratuitement en TGV et en Intercités » en France. L’annonce du PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, sur Twitter lundi 28 février, a provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Certains internautes dénoncent notamment une hypocrisie et une discrimination à l’égard des autres réfugiés. Mardi 1er mars, la #CGT-Cheminots, premier syndicat de la compagnie ferroviaire, a écrit une lettre ouverte à sa direction pour demander la généralisation de la gratuité à tous les réfugiés en France.

      « Comment des agents de la SNCF pourraient-ils sanctionner certains réfugiés et pas d’autres ? » demande le syndicat. « Comme se développe cette petite ambiance ’il y a des bons et des mauvais réfugiés’, on ne voudrait pas être soumis à ce style de calcul là », martèle Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT-Cheminots. « Il y a des réfugiés et il faut tous les transporter gratuitement. Pas de problème, c’est le rôle d’un service public. »
      Changer l’accueil des réfugiés en France

      Les associations qui s’occupent de réfugiés syriens, irakiens ou encore kurdes depuis des années, dénoncent aussi le traitement qui leur est fait à bord des trains. « Dans une logique d’entrave d’État envers ces personnes, les dispositifs policiers de surveillance ont été augmentés à la fois dans les gares,donc à la gare du Nord, à Grande-Synthe et Calais et aussi dans les trains », affirme Nikolaï Posner, le responsable communication d’Utopia 56. « Et souvent les personnes se font arrêter et sortir à la gare suivante. »

      Avec l’arrivée de réfugiés ukrainiens, l’association espère un réel changement sur l’accueil des réfugiés en France. « Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où ça touche à un pays d’Europe et on approche les questions d’une autre manière. » commente Nicolaï Posner. « On souhaite qu’on le fasse pour tous et arrêter ces politiques de discrimination. » Contactée par franceinfo, la SNCF se refuse à tout commentaire.

      https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-il-faut-transporter-tous-les-refugies-gratuitement-da

    • Ukraine : Trente trois ONG dénoncent le #racisme_anti-noir

      Trente trois ONG ont dénoncé vendredi 4 Mars 2022 le racisme anti noir constaté en Ukraine à l’occasion de la guerre russo -ukrainienne, dans un communiqué collectif parvenu au site madaniya. Exprimant leur “grave préoccupation face aux actes de traitement dégradants et inhumains que les ressortissants africains vivant ou résidant en Ukraine subissent suite à la guerre déclenchée depuis le 24 février 2022”, le collectif invite les autorités ukrainiennes à “mettre un terme au racisme manifesté à l’égard des africains résidant ou séjournant” dans ce pays. Intitulé “Stop au racisme dans la guerre”, le communiqué relève “que plusieurs citoyens d’origine africaine sont confrontés à la persécution, à la xénophobie, au racisme, à la discrimination raciale de la part des autorités ukrainiennes. “Selon les informations parvenues à nos organisations ainsi que des témoignages recueillis auprès de victimes, la police ukrainienne empêcherait l’évacuation des ressortissants d’origine africaine. À cela s’ajoutent les actes xénophobes orchestrés par les autorités polonaises qui procèdent de manière sélective à l’autorisation d’entrée des personnes fuyant la guerre sur des critères liés à leur couleur de peau. C’est ainsi que plusieurs citoyens africains sont retenus à la frontière Ukraine-polonaise, poursuit le communiqué. “À cet effet, nos organisations rappellent l’Article 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Nous tenons également à souligner l’Article 14.1 de la DUDH « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays, ajoute le document. Le collectif lance un appel “au Président en exercice de l’Union Africaine M. Macky Sall (Sénégal) ainsi que le Président de la Commission de l’Union Africaine M. Moussa Mahamat Faki (Tchad) les invitant à veiller au respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. “Devant les risques d’aggravation de cette guerre et ses conséquences dévastatrices pour les populations civiles et plus largement en Afrique”, le collectif dénonce ces pratiques hideuses, xénophobes et discriminatoires relevant d’un autre âge et condamne fermement ces atteintes contraires aux droits humains et aux principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire”. Devant cette montée fulgurante de la haine raciale dans le monde il est urgent que tous les pays respectent et mettent en application la Convention des nations contre le racisme ainsi que le programme et plan d’action de la Conférence Mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie qui y est associée. (Durban en Afrique du Sud, du 31 août au 8 septembre 2001). Le collectif invite en outre impérativement à l’Union Africaine, l’Union Européenne et aux Nations Unies de se saisir immédiatement de cette situation afin de garantir et assurer une protection adéquate à ces personnes en détresse, conclut le document. NDLR La guerre en Ukraine a révélé le tréfonds de la pensée d’une fraction de l’élite occidentale, particulièrement en France, La « Patrie des Droits de l’Homme ». Jean Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale française, a ainsi vanté l’immigration de qualité qui résulterait de l’afflux d’Ukrainiens en France par comparaison avec les Afghans, les Irakiens ou les Syriens. M. Bourlanges, pourtant député Modem, une formation qui se revendique de la « Démocratie Chrétienne » a assuré que les Ukrainiens constitueraient en France une « immigration de grande qualité, dont on pourra tirer profit », faisant valoir qu’elle était composée « d’intellectuels ». Ce qui reviendrait à déduire de ces propos qu’il existe de par le monde des réfugiés moins utiles… Parce que culturellement trop différents ? Pas chrétiens ou pas Européens ? qui conduit les commentateurs à distinguer « accueil de réfugiés » en parlant des Ukrainiens, mais « crise des migrants », quand il s’agit du sort des « basanés » …Irakiens, des Syriens ou des Afghans ! Beaucoup de commentateurs et éditorialistes de renom se sont paresseusement laissés aller à ces raccourcis conscient ou inconscient depuis le déclenchement du conflit le 24 Février 2022

      https://libnanews.com/ukraine-trente-trois-ong-denoncent-le-racisme-anti-noir
      #racisme_anti-Noirs

    • Niet iedere vluchteling uit Oekraïne krijgt dezelfde behandeling

      Oekraïners met de juiste papieren worden snel ingeschreven in het bevolkingsregister en kunnen ook snel aan het werk. Ook vluchtelingen uit Oekraïne die oorspronkelijk uit een ander land komen, maar wel een Oekraïense verblijfsvergunning hebben, kunnen hier bescherming krijgen. Maar niet iedere vluchteling uit Oekraïne krijgt dezelfde behandeling.

      Als de papieren niet kloppen en er vragen zijn over de identiteit en over het verblijfsrecht in Oekraïne, dan moeten ze asiel vragen of het land verlaten.

      De meeste vluchtelingen die uit Oekraïne komen (op dit moment ruim 12.000) zijn vrouwen en kinderen. Oekraïense mannen moeten in het land blijven. Niet-Oekraïense mannen mogen het land wel verlaten, hoewel dat niet eenvoudig is. Bij pogingen om weg te gaan uit Oekraïne krijgen ze te maken met discriminatie. Een onbekend aantal van deze vluchtelingen heeft Nederland weten te bereiken.
      Afrikaanse mannen

      In de gemeentelijke opvanglocaties verblijven dus ook mensen die niet geboren zijn in Oekraïne. Zij woonden daar bijvoorbeeld omdat ze er asiel hadden gekregen of er studeerden. Om hoeveel mensen dat gaat, kunnen de ministeries van binnenlandse zaken en justitie nog niet zeggen. Volgens het COA gaat het in de locaties die zij beheren om kleine aantallen. Ook Vluchtelingenwerk, actief in de gemeentelijke opvanglocaties, ziet dat het om weinig mensen gaat.

      Hun aanwezigheid leidt soms tot verbazing bij de gemeentelijke opvangplekken. Inwoners van Harskamp waren vrijdag verrast toen er tijdens een voetbaltoernooi dat voor de Oekraïense vluchtelingen was georganiseerd Afrikaanse mannen het veld op kwamen lopen. Ook bij het inzamelen van spullen is er niet aan mannen gedacht. Er is voldoende kleding voor vrouwen en kinderen, maar er is ook ondergoed voor mannen nodig.
      Drie groepen

      Het ministerie van justitie heeft Oekraïense vluchtelingen in drie groepen ingedeeld: Oekraïners met alle benodigde documenten, Oekraïners met beperkte of geen documenten en mensen die uit Oekraïne zijn gevlucht omdat ze daar verblijven, maar uit een ander land komen.

      Een vreemdeling uit Oekraïne moet zich melden bij een gemeente om ingeschreven te kunnen worden in de Basis Registratie Personen (BRP). Voor een Oekraïner met alle bewijsdocumenten kan dat in principe snel.

      Oekraïners die niet alle vereiste documenten hebben, moeten meer moeite doen. Voor hen zal er nader onderzoek komen. Pas na de vaststelling van hun identiteit, binnen één dag, worden ook zij ingeschreven in de BRP. Zij mogen van het ministerie van justitie gewoon in de gemeentelijke opvanglocaties blijven als hun identiteit geloofwaardig is.
      Land verlaten

      Als de identiteit en nationaliteit niet kan worden vastgesteld, heeft de vreemdeling de mogelijkheid om een asielaanvraag in te dienen. Hij of zij komt niet in aanmerking voor de richtlijn tijdelijke bescherming voor Oekraïners. De asielprocedure moet dan in een asielzoekerscentrum worden afgewacht. Als de vreemdeling terug wil naar zijn land van herkomst dan kan de Dienst Terugkeer en Vertrek of de Internationale Organisatie voor Migratie (IOM) daarbij helpen, maar daar heeft in dit geval nog niemand zich gemeld.

      https://nos.nl/collectie/13892/artikel/2422218-niet-iedere-vluchteling-uit-oekraine-krijgt-dezelfde-behandeling

    • Accueil sélectif aux frontières européennes : du racisme des politiques migratoires

      Communiqué sur la situation en Ukraine

      « Les ministres (de l’Intérieur) de l’Union européenne (UE) se sont accordés aujourd’hui unanimement sur la mise en place d’un mécanisme de protection temporaire pour répondre à l’afflux de personnes déplacées en provenance d’Ukraine » [1]. C’est dans ces termes que la France, qui préside actuellement le Conseil de l’UE, s’est félicitée par la voix de son ministre de l’Intérieur de l’accord historique de la mise en œuvre, pour la toute première fois, de la directive européenne sur la protection temporaire de 2001, lors de la réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 3 mars. « Cette décision reflète le plein engagement de l’Union européenne à afficher sa solidarité à l’égard de l’Ukraine et à assumer son devoir à l’égard des populations victimes de cette guerre injustifiable », a-t-il ajouté.

      Ce mécanisme de protection, demandé à plusieurs reprises par la société civile pour d’autres groupes de personnes exilées – les Syrien⋅ne⋅s en 2011 ou les Afghan⋅e⋅s à l’été 2021 – n’avait jamais été jusque-là appliqué [2]. Par ailleurs, depuis le début de l’invasion militaire russe de l’Ukraine, les pays limitrophes – tels que la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie – qui ont, au cours des dernières années, pratiqué une politique de rejet et d’hostilité à l’égard des personnes en exil tentant de traverser leurs frontières, se sont rapidement organisés pour accueillir les Ukrainien⋅ne⋅s fuyant la guerre. Ailleurs en Europe, des États qui, il y a peu, criminalisaient la solidarité manifestée par une partie de la population avec les exilé⋅e⋅s l’encouragent au contraire à l’égard des déplacé⋅e⋅s ukrainien⋅ne⋅s.

      L’Europe aurait-elle décidé d’en finir avec la guerre aux migrant⋅e⋅s qu’elle mène depuis plus de 30 ans ? Rien n’est moins sûr. Bien que ces initiatives récentes ne puissent être que saluées – la population ukrainienne en fuite doit absolument être accueillie – elles sont révélatrices de l’hypocrisie de la politique européenne et des politiques nationales qui pratiquent une hospitalité à deux vitesses en continuant à opérer un tri entre les « bons » réfugié⋅e⋅s et les « mauvais » migrant⋅e⋅s afin de tenir à l’écart et nier les droits des populations du Sud global.

      En effet, alors que le gouvernement polonais soutient que « les réfugiés fuyant l’Ukraine en guerre entrent en Pologne quelle que soit leur nationalité » [3], nombreux sont les témoignages des personnes originaires d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient résidant en Ukraine qui font état des pratiques discriminatoires et racistes qu’elles ont eu à subir de la part des garde-frontières ukrainiens et polonais. Des centaines d’entre elles ont été bloquées dans les gares ferroviaires ou aux frontières, y compris des femmes avec leurs bébés, lors du passage à la frontière. Des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des personnes attendant, dans un froid intense, d’être autorisées à quitter le territoire ukrainien, tandis que d’autres ont dû rebrousser chemin ou s’organiser pour franchir collectivement les barrages [4].

      Au mépris de ces témoignages concordants, le porte-parole des garde-frontières ukrainiens a déclaré : « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, ces personnes ont peut-être été refoulées parce qu’elles essayaient de griller la priorité dans la file d’attente » [5]. Le ministre de l’Intérieur français est allé jusqu’à affirmer que « les Polonais eux-mêmes ont dit que tout le monde était accueilli en Pologne et dans le reste de l’Union européenne », rapportant que « l’ambassadeur de la Pologne a[vait] évoqué le fait que c’était notamment une utilisation russe pour déprécier le travail » fait par les autorités de ce pays [6].

      Tant les pratiques de tri aux frontières de l’UE que le mécanisme de protection temporaire mis en place à l’heure de l’exode de la population vivant en Ukraine sont discriminatoires, puisqu’ils engendrent un choix à opérer parmi les personnes à protéger [7]. Ces pratiques visant à limiter l’arrivée des citoyen⋅ne⋅s du Sud global s’inscrivent dans la continuité de la politique raciste de l’UE et de ses États membres au cours des dernières décennies.

      En effet, il y a à peine quelques mois les autorités polonaises érigeaient ainsi des barbelés et des murs à la frontière biélorusse comme seule réponse à l’arrivée des femmes, des hommes et des enfants en provenance des pays tels le Yémen, l’Afghanistan, la Syrie, l’Irak, ou la République démocratique du Congo (RDC) parmi d’autres, au prétexte qu’il s’agissait de « migrant·e·s » instrumentalisé⋅e⋅s par le chef d’État biélorusse.

      Un peu plus tôt, après la prise de pouvoir par les Talibans à Kaboul, les pays européens aujourd’hui « accueillants » s’organisaient pour fermer leurs frontières aux milliers de personnes cherchant à fuir l’Afghanistan, alléguant comme l’a fait la France, que « l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle [et que] « nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants » [8].

      Ce que cachent mal les discours et pratiques à géométrie variable que nous observons aujourd’hui porte un nom : le racisme, c’est-à-dire la croyance en une hiérarchie des êtres humains et la production d’un rapport de domination pour tenter de rendre opérante cette hiérarchisation. L’idéologie raciste se masque le plus souvent derrière des atours présentables, dans des arguties telles que : « La place de ces gens-là est chez eux, à aider leur pays à sortir de la misère », « ils doivent être accueillis dans les pays limitrophes au Sud, dont la culture dominante est proche de la leur… », ou encore « dans la migration, ils se mettent en danger et se font la proie des passeurs ». Mais elle apparaît pour ce qu’elle est en période de crise, quand refont surface les discours alarmistes qui, chez les responsables politiques et dans certains médias, attisent la peur de l’invasion.

      Pour commenter la décision de l’UE de déclencher le mécanisme de protection temporaire, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, parle d’un « changement de paradigme », et on entend volontiers dire dans les médias que les Européens auraient retrouvé « le sens de l’accueil » [9]. C’est oublier que, comme on le voit aujourd’hui, la légitimité des souffrances se mesure à l’aune des origines et de la couleur de la peau.

      Des exilé⋅e⋅s se mobilisent depuis des mois pour défendre leur droit à la protection et à quitter un pays où leur vie est en danger et n’ont toujours pas vu cet accueil se matérialiser. A l’image de celles et ceux sur la route des Balkans [10], ou bloqué⋅e⋅s dans le sud de la Tunisie [11], ou encore en Libye qui ne sont pas dupes : « Ils affirment que les Ukrainiens sont différents, qu’ils sont des programmeurs informatiques et qu’ils ont une histoire bien connue, contrairement aux Africains dont le passé est marqué par la pauvreté. Les Ukrainiens sont désormais accueillis dans des pays qui ont fermé leurs portes aux réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique » [12]. Si nous exprimons toute notre solidarité avec les exilé⋅e⋅s ukrainien⋅e⋅s, nous joignons nos voix à celles de toutes les personnes qui sont bloquées et maintenues sciemment à distance des frontières européennes.

      Aujourd’hui l’UE fait pour les exilé⋅e⋅s Ukrainien⋅ne⋅s ce qu’elle a longtemps prétendu impossible : permettre la mobilité des personnes en quête de refuge et la reconnaissance de leurs droits plutôt que de chercher à les bloquer à tout prix. Cette brèche ouverte avec la mobilisation exceptionnelle dont font preuve aujourd’hui les Etats membres démontre que, contrairement à ce qu’elle a toujours dit, l’UE a la capacité d’accueillir un très grand nombre d’exilé⋅e⋅s. Le réseau Migreurop réclame que cet élan de solidarité et d’accueil soit étendu à toutes les personnes quelles que soient l’origine, la nationalité, la couleur de la peau, la classe, etc.

      Seule la liberté de circuler de toutes et tous pourrait enfin mettre un terme à l’apartheid global imposé à travers les frontières.

      http://migreurop.org/article3095.html?lang_article=fr

    • Témoignage : fuir Kiev sans la #nationalité ukrainienne

      Le politologue palestinien Yousef Munayyer s’étonnait il y a peu, dans les pages de The Nation, des « doubles standards » qui saturent le discours occidental « mainstream » depuis l’invasion de l’Ukraine. Ce qui jusqu’à la veille était impensable — ou, pire, tenu pour condamnable — se voit célébré par l’intégralité du personnel médiatique, politique et culturel. C’est que certains humains sont perçus et pensés « comme moins humains que d’autres ». Les vingt-sept États membres de l’Union européenne ont rapidement activé une procédure de régularisation visant à protéger les personnes fuyant la guerre : créée en 2001, cette protection temporaire n’avait jamais été mise en application. Mais une partie de la population résidant en Ukraine en est actuellement exclue : en clair, ceux et celles qui n’ont pas la nationalité ukrainienne. Rien, pourtant, ne saurait justifier la distinction de civils échappant ensemble au même conflit armé : ni les papiers, ni — lorsque la chose est formulée sans détour — la couleur de peau ou la confession. Nous avons recueilli le témoignage d’Alaya, jeune femme originaire d’Afrique subsaharienne qui vient de fuir Kiev.

      Le jour se lève sur Kiev en ce matin du 28 février 2022, lorsque John1 apprend que sa jeune sœur Alaya et trois de ses amis essaient de fuir la ville. À lui qui vit en France, elle affirmait encore la veille au téléphone que tout allait bien, que les craintes qu’il avait étaient sans doute dues à ce qu’il avait vu à la télévision, qui grossit les choses au point d’effrayer tout le monde.

      24 heures plus tard, il apprend qu’elle a pris la route.

      Douze ans auparavant — c’était en 2010 —, il avait perdu toute trace d’elle, comme du reste de sa famille, lorsque leur village avait été attaqué. Tous deux, alors enfants d’une dizaine d’années, avaient dû se débrouiller pour survivre. Mais voici, en ce mois de février 2022, qu’il retrouve sa trace grâce aux réseaux sociaux. À Kiev. Quelques semaines avant le début de la guerre.

      Sa peur à lui — peut-être à elle aussi : que va-t-il leur arriver sur le chemin ? Parviendra-t-elle à quitter la ville, le pays, saine et sauve ? Mais qui sait ce qui vous traverse l’esprit quand il faut fuir, avec cette montée d’adrénaline qui rend opérationnelle, qui sait quel sac prendre, quoi mettre dedans, comment s’habiller ? Ça fait bientôt dix ans que Alaya vit en Ukraine. Elle attendait le renouvellement de son visa étudiant, qu’elle obtenait sans faute depuis toutes ces années car il lui était impossible de retourner dans son pays d’origine. Elle vit à Kiev, la guerre éclate, elle est sans titre de séjour et elle est noire ; les choses pourraient être plus simples.

      Son frère apprend vite qu’elle n’est pas partie seule — soulagement. Mais les échanges écrits sont très succincts : ils ne communiquent que peu d’éléments. Entre la couverture réseau qu’elle dit aléatoire, la batterie du téléphone qu’il faut préserver le plus longtemps possible, l’état d’esprit dans lequel il imagine qu’elle se trouve, il sait qu’il doit se contenter de quelques mots. Il n’obtient qu’au compte-goutte, comme un puzzle infernal dont les toutes petites pièces filent entre les doigts, quelques informations. Celles qui circulent sur les réseaux sociaux sont pour le moins inquiétantes ; le traitement réservé aux personnes noires qui tentent de fuir l’Ukraine fait le tour de la toile. Presque au même moment, les étudiants marocains présents en Ukraine signalent avoir subi ce type de violence raciste : ils dénoncent un traitement qui les relègue au second plan, loin derrière les ressortissants ukrainiens qui cherchent à fuir la guerre.

      La mise en place d’un énorme réseau solidaire est aussitôt annoncée un peu partout en Europe. En Belgique, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, annonce que les réfugiés ukrainiens bénéficieront automatiquement d’un titre de séjour de six mois, renouvelable une fois et pour une durée allant jusqu’à deux ans, avec autorisation de travailler. Ils ne se verront pas basculés dans le dispositif de gestion de l’asile général, « car trop saturé ». Le chef du gouvernement régional flamand, Jan Jambon, leader du parti d’extrême droite N‑VA (bien connu pour ses positions sur la question migratoire), affirme qu’il faut les accueillir et qu’une aide financière sera versée aux localités pour chaque Ukrainien secouru. Suivant l’exemple de l’entreprise ferroviaire publique allemande Deutsche Bahn, les réseaux de transport européens se mobilisent à leur tour pour faciliter les déplacements des réfugiés ukrainiens — mais seulement « sur présentation d’un passeport ou d’une carte d’identité ukrainienne ». C’est en effet ce qu’affichent sur leur site certaines compagnies2. Secourir les réfugiés d’Ukraine, oui, mais pas n’importe lesquels. L’évidence qu’en Ukraine ne vivent pas seulement des Ukrainiens semble devoir être rappelée aux gouvernements — à moins, plus sûrement, qu’ils feignent de l’ignorer. Pas le temps de se demander ce que ça représente pour toutes les autres personnes contraintes à l’exil, continuellement traquées et rejetées, ni ce que peuvent ressentir toutes les populations aux territoires bombardés, colonisés, à l’instar des Palestiniens. Alaya doit réussir à quitter le pays saine et sauve.

      Le soir du 28 février, il est environ 20 heures lorsqu’ils sont arrêtés à l’un des multiples checkpoints installés dans la capitale et ses alentours. On leur interdit de poursuivre leur chemin, puis on les somme de faire demi-tour. « On ne comprenait pas pourquoi, on ne savait pas où aller. Rentrer à la maison n’était pas envisageable. D’ailleurs, aucun lieu n’était sûr. On a cherché un hôtel, mais tout était plein partout, avec de longues files d’attente. » Ils décident de dormir dans leur voiture, stationnée dans une rue résidentielle. Une Ukrainienne d’un certain âge, habitant la maison devant laquelle ils sont garés, vient toquer à leur fenêtre. Elle les invite chez elle, leur offre à manger, des lits où passer la nuit. Ils lui en sont profondément reconnaissants. Ils reprennent la route le lendemain à l’aube. Peu de temps après, ils ont un accident et la voiture est à l’arrêt. Deux policiers interviennent, leur viennent en aide. « On a eu de la chance, ils nous ont emmenés dans un abri et nous ont aidés à prendre un bus. » Pourtant, rien n’était moins sûr : Alaya est bien placée pour le savoir. Quand son frère les alertait sur les risques d’agressions racistes sur le chemin, aucun d’eux ne se montrait surpris. « C’est tous les jours qu’on vit avec ça. » Les regards insistants sur sa peau dans la rue, les remarques désobligeantes, c’est son lot quotidien. Elle raconte que pendant ses études en pharmacie, les étudiants ukrainiens et étrangers étaient toujours placés dans des salles séparées. « On suivait le même enseignement, dans la même université, mais on nous mettait toujours dans des salles à part, jamais avec les autres étudiants ukrainiens. »

      Les quatre amis montent dans un bus à destination de Lviv pour se rapprocher des frontières polonaises, slovaques et hongroises, à l’ouest du pays. Des queues interminables sont signalées à la frontière de tous les pays limitrophes : impossible alors pour John de savoir quelle route ils vont pouvoir emprunter. Il contacte différentes personnes en lien avec des groupes de citoyens qui s’organisent dans certains de ces pays pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens. Il apprend ainsi que dans une ville frontalière de Pologne, les citoyens se sont mobilisés pour aider les gens à monter dans des bus vers des destinations sûres, qu’il y a beaucoup de monde pour donner un coup de main. Mais ce contact prévient : « Ils disent qu’ils vérifient bien les identités de chacun, parce que, ils ajoutent, "Il ne faudrait pas laisser passer des Russes". » On ne saura pas si cette remarque est représentative de ce qu’il se passe réellement, mais sa simple évocation est glaçante. Passer les garde-frontières, ukrainiens d’abord, puis polonais, espérer ne pas être retenu et être traité dignement, tout ça ne suffira donc pas : il faudra aussi subir les filtrages opérés par les populations. Quel danger représente un ressortissant russe cherchant lui aussi à fuir ?

      De Lviv, ils prennent un train.

      « On était assez choqués car malgré tout ce qui se passait, la guerre, il fallait acheter les billets sinon on ne pouvait pas monter à bord. » Ils parviennent à gagner la frontière avec la Hongrie. « Il y avait une queue interminable. Ça n’avançait pas du tout. Au bout de plusieurs heures on est parvenus à se faufiler vers l’avant, au moins pour comprendre ce qu’il se passait. » Ils voient alors une jeune femme d’origine indienne, en larmes. Elle crie qu’elle attend depuis deux jours, que les garde-frontières ukrainiens ne la laissent pas passer. Elle n’est pas seule : tout un groupe de personnes non-blanches est derrière elle. Alaya raconte : « Ils faisaient passer les personnes blanches et bloquaient toutes les personnes de couleur. Ils ont clairement dit qu’il y avait des gens plus importants que nous. Mais on s’est défendus, on a tous crié. Ils ont fini par nous laisser passer. » Le tampon de sortie d’Ukraine figure dorénavant sur leurs passeports : il date du 2 mars 2022.

      Ayant trouvé refuge dans une petite ville de l’autre côté de la frontière, le groupe d’amis s’accorde un jour entier pour réfléchir. Que faire ? Accroché à son téléphone, plusieurs centaines de kilomètres plus loin, John s’inquiète et trouve qu’ils s’attardent trop. Il comprendra plus tard leur dilemme. Si deux personnes du groupe possédaient encore un titre de séjour en cours de validité en Ukraine, les deux autres n’en avaient pas. C’est ensemble qu’ils se sentent plus forts, et surtout mieux protégés — la situation administrative des uns pouvant aider les autres. Ils ne savent pas où se mettre à l’abri, si ce n’est l’offre que John leur a fait d’aller se réfugier chez lui. Mais le plus jeune de la bande, tout juste âgé de 16 ans, a de la famille en Italie. Il voudrait retrouver ses proches. Impensable pour le groupe de le laisser voyager seul en ces circonstances. Si bien qu’ils en viennent à imaginer l’accompagner tous ensemble, avant de se mettre ensuite à l’abri chez John, en France, le temps de comprendre ce qui leur arrive et de réfléchir aux choix possibles pour chacun d’entre eux. Attendre que le conflit se calme et rentrer en Ukraine ? Cette option ne semble même pas avoir été envisagée. Quant à la protection temporaire activée le 4 mars 2022 par le Conseil de l’Union européenne — qui offre une protection immédiate et collective, avec une série d’avantages dont beaucoup de personnes exilées rêveraient3 — il est fort à parier qu’elle servira essentiellement aux ressortissants ukrainiens4. Demander l’asile dans un pays de l’Union européenne ? Quelles chances réelles d’obtenir le statut de réfugié ? Ça dépendra de l’histoire de chacun, pour qui tentera cette procédure.

      Après des heures qui lui paraissent interminables, John a enfin des nouvelles : ils ont décidé de continuer encore un peu le chemin tous ensemble, au moins jusqu’au pays suivant. Ils décideront à la prochaine étape s’il est nécessaire de se séparer en deux groupes, avec chacun un porteur de titre de séjour valable, pour protéger celui qui n’en a pas. Un groupe vers la France, l’autre vers l’Italie. Ensemble, ils parviennent à traverser la frontière vers l’Autriche sans encombre. Là, comme précédemment, ce sont les mêmes files d’attente interminables, le stress aigu, l’épuisement, l’impossibilité d’obtenir les fameux tickets de train « Helpukraine5 ». Mais il faut bien avancer ; et, tant bien que mal, ils y parviennent. Arrivés à Vienne, une personne leur vient en aide. Ils soufflent quelques heures, mangent, essaient de dormir un peu. La première bonne nouvelle tombe enfin : la tante du plus jeune s’est rendue jusqu’en Autriche pour venir le chercher. Il va pouvoir retrouver sa famille en Italie. Son combat administratif est loin d’être terminé, mais pour l’instant, le voilà à l’abri. Et, pour les autres, c’est une frontière de moins à franchir. Voilà qu’ils obtiennent enfin le fameux ticket de train « Helpukraine », qu’ils imaginent leur permettre de voyager et traverser les frontières plus facilement. Ils espèrent en tous les cas avancer plus sereinement dorénavant.

      Ils embarquent dans un train. Prochaine étape, l’Allemagne. À peine la frontière est-elle passée que la douane monte à bord. Toutes les personnes en possession de ce ticket doivent descendre du train, petit groupe par petit groupe. Vient leur tour. Alaya dit aux policiers qu’ils ne s’arrêtent pas en Allemagne, qu’ils vont rejoindre son frère en France. « Enregistrement obligatoire pour toutes les personnes qui viennent d’Ukraine. Prise d’empreintes aussi », lui rétorque-t-on. Il est minuit passé de quelques minutes. La foule de personnes, incluant des familles avec des enfants en bas âge, est transportée par bus jusqu’à une station de police. « On pensait que ça allait être rapide, ils nous disaient que c’était juste une formalité. Mais on arrive dans cet endroit, il y a plein de policiers, énormément de personnes qui attendent. Les gens semblent épuisés. On ne nous dit rien. On nous fait juste passer des grilles et on nous amène à l’arrière du bâtiment, dans la cour. L’espace est fermé par des barrières, on ne peut pas partir. » Ils attendront des heures que chacun soit entendu par la police, que leurs empreintes soient prises. Fuir une guerre en cours n’y change rien : c’est l’enregistrement bureaucratique qui prime, qui retient au milieu de la nuit des centaines de personnes dans le froid et les empêche de rejoindre les lieux d’abri qu’elles avaient pu choisir, pour certaines chez des proches.

      Il est 7 heures du matin quand Alaya et ses amis signalent à John qu’ils y sont toujours. « On est glacés. Ils s’en fichent, on a beau fuir une guerre, même dans ces circonstances, voilà comment on nous traite. » Une bonne partie des personnes ont déjà été libérées. Elle raconte que parmi celles qui sont encore retenues, un homme entre en crise. Ça fait dix heures qu’il est là. Il hurle qu’il veut être libéré. Le groupe d’amis essaie de garder son sang-froid, de ne pas faire de bruit, patiente et espère. Le risque est pourtant réel d’être embarqué vers un centre de rétention. Sur les photos qu’elle fait parvenir à son frère, il ne peut que remarquer qu’il ne reste que des personnes de couleur. Les familles « blanches » que l’on voyait présentes quelques heures plus tôt n’y sont plus. L’angoisse le gagne. Il retient sa respiration. Alaya lui racontera ensuite qu’ils avaient d’abord fait passer les femmes avec enfants.

      Il est près de 8 heures lorsqu’ils sont relâchés à leur tour, avec en main un papier d’enregistrement et une obligation de se présenter au service d’immigration le plus proche, sous quatre jours. Pour qui demandera l’asile, Dublin a frappé6 : ce n’est pas au pays de destination choisi mais au premier où les empreintes ont été enregistrées qu’incombe le traitement de la demande de protection. Mais, pour l’heure, ça importe peu aux membres du groupe : ils poursuivent leur chemin.

      Alaya et John se sont retrouvés.

      Après douze ans sans aucunes nouvelles l’un de l’autre, ne sachant même pas s’il restait un espoir de retrouver d’autres survivants de l’attaque de leur village, les voilà réunis. L’intensité de l’émotion qu’ils ressentent et qui se dégage d’eux est immense — mais une nouvelle lutte commence. Alaya vient de se présenter à la préfecture pour solliciter la protection temporaire activée pour les personnes fuyant l’Ukraine. Fin de non-recevoir. « Elle n’est pas ukrainienne, qu’elle aille demander l’asile », lui a‑t-on dit.

      https://www.revue-ballast.fr/temoignage-fuir-kiev-sans-la-nationalite-ukrainienne

    • La #solidarité à géométrie variable n’en est pas vraiment une

      Une solidarité réglée sur la ségrégation entre ‘#bons’ et ‘#mauvais’ réfugiés ne se discrédite-t-elle pas par elle-même ? Une scission discriminante de l’humanité en ceux dignes d’être sauvés et accueillis et ceux et celles exclus du domaine de l’hospitalité, ne témoigne-t-elle d’une contamination des sociétés européennes par des motifs racistes ?
      Depuis quelques semaines, nous découvrons que l’accueil tant redouté des réfugiés est bien possible en Europe. Accueillir, accueillir dans de conditions qui respectent la dignité des personnes, accueillir en ouvrant grand les portes à ceux et celles qui viennent serait alors faisable, même si les arrivants dépassent les quatre millions. Jusqu’à il y a un mois, une telle perspective était perçue comme annonciatrice de catastrophe majeure voire comme une menace existentielle pour l’Europe : on nous assenait de tous les côtés qu’un accueil digne de ce nom constituerait un appel d’air exposant nos sociétés européennes à un risque d’implosion. Tout geste d’accueil était suspect et pourrait être puni comme un délit voire un crime. Les solidaires étaient stigmatisés comme les idiots utiles au service de trafiquants, les sauveteurs comme faisant partie de bandes de passeurs, voire comme des espions coupables d’intelligence avec l’ennemi.

      Avec la guerre en Ukraine, changement complet de cap, les réfugiés- à vrai dire certains d’entre eux- sont reconnus comme tels, leurs droits sont respectés, leurs souffrances et leurs traumatismes pris en compte. Même en Grèce, le retournement complet de pratiques et de discours fut impressionnant. En deux semaines, ce pays dont le gouvernement déclarait qu’il ne pouvait plus recevoir un seul réfugié de plus, a su accueillir 15.000 Ukrainiens en leur accordant des documents temporaires, ainsi qu’un numéro de Sécurité Sociale, un numéro fiscal et le droit de travailler.

      Or nous savons que cette réception digne ne concerne point tous les réfugiés, mais quelques-uns, choisis en fonction des affinités ethniques et religieuses, peu importe si celles-ci sont réelles ou imaginaires. Elle ne concerne même pas tous les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine mais uniquement les ressortissants ukrainiens. En fait, non seulement la protection temporaire accordée par les pays européens aux Ukrainiens est refusée à la grande majorité d’étrangers résidant en Ukraine, mais plusieurs d’entre eux sont placés en détention pour entrée irrégulière au territoire polonais. Ce n’est qu’en fonction de leurs nationalités et de leur couleur de peau que les réfugiés d’Ukraine seront accueillis ou rejetés. Quant aux Kurdes, Irakiens, Syriens et Afghans qui se présentent non pas à la frontière polonaise avec l’Ukraine, mais à celle avec la Biélorussie, ils sont traqué et violemment refoulés, après avoir été tabassés et dépouillés de leurs biens ; certains d’entre eux peuvent même être laissés pieds nus par températures négatives à errer sur un sol glacial – au moins 20 personnes sont morts ainsi d’hypothermie à la frontière avec la Biélorussie. Quant à ceux et celles qui oseraient offrir l’hospitalité à ces hommes, femmes et enfants affamés et frigorifiés, ils risquent huit ans d’ans de prison ferme. Les mêmes scènes d’une guerre qui ne dit pas son nom, celle contre les migrants, se passent à la frontière gréco-turque d’Evros où il y a une quinzaine de jours un petit garçon syrien de 4 ans est mort noyé sous les yeux impassibles d’un commando grec, victime d’un refoulement trop violent. L’incident, loin d’être un cas isolé, fait partie d’une nouvelle stratégie adoptée pars les garde-frontières de la région d’Evros qui consiste à refouler ceux qui arrivent en les abandonnant sur des îlots du fleuve Evros sans vivres ni eaux avec l’injonction de retourner en Turquie. En janvier dernier, cette tactique avait déjà coûté la vie à un syrien souffrant d’une grave insuffisance rénale.

      C’est cette face hideuse du visage de l’Europe que celle-ci tourne vers tout un chacun dont l’image s’écarte de la figure-type du ‘bon’ réfugié –chrétien, blanc aux yeux bleus. D’un côté, on accueille à bras ouvert les « nôtres », ceux qui ne menaceraient pas le vénéré mode de vie européen, et de l’autre on violente, on torture, on refoule avec des véritables opérations militaires qui exposent délibérément ceux qui se présentent à nos portes à des risques mortels.

      Cependant il ne suffit pas de dénoncer cette solidarité à géométrie variable, il faudrait essayer d’aller au-delà du registre d’une condamnation morale. En effet, si la solidarité dépend de la tête du client, est-ce vraiment de la solidarité ? Ou bien plutôt une défense atavique de nôtres contre les autres, une réaction identitaire qui présuppose une bipartition de l’humanité entre ceux à notre image, et les autres, ces aliens qui, à nos yeux étriqués, portent les stigmates d’une altérité qui les exclurait du domaine d’exercice de l’hospitalité ? Ainsi, ce qui est présenté comme un retour du sens de l’accueil en Europe, pourrait s’avérer le symptôme d’un racisme meurtrier qui ne dit pas son nom.

      Cette année, nous avons ‘célébré’ les cinq ans d’accords de coopération entre UE et la Libye : selon Amnesty International , plus de 82 000 réfugié·e·s et migrant·e·s ont été renvoyés à l’enfer libyen depuis que les accords ont été conclus. La plupart « se sont retrouvés dans des centres de détention sordides, où sévit la torture, tandis que beaucoup d’autres ont été victimes de disparitions forcées ». Cette politique européenne qui ne se contente pas de refouler en renvoyant aux centres de tortures et aux marchés aux esclaves libyens mais criminalise systématiquement le secours en mer, a bien porté ses fruits : elle a transformé la mer Méditerranée en une fosse commune qui a englouti pas moins de 23.500 personnes morts ou disparus de 2014 jusqu’à aujourd’hui. En Grèce, un écart significatif entre le chiffre officiel des personnes secourues en mer et celui de nouveaux arrivants enregistrés dans les îles révèle au moins 25.000 cas de refoulement en mer Egée pendant la seule année 2021. Ces refoulements sont non seulement systématiques mais de plus en plus violents ; les commandos qui s’en chargent, recourent à des méthodes d’une brutalité paroxystique qui mettent délibérément en danger la vie ceux qui en sont les victimes. Cette escalade des violences contre les arrivants comporte des actes criminels comme ceux des garde-côtes qui en septembre dernier n’ont pas hésité à jeter en pleine mer trois hommes qui ne savaient pas nager et dont deux sont morts noyés, ou ceux de garde-frontières d’Evros qui avaient dépouillés des exilés de leur vêtement en les laissant pieds nus par températures négatives –19 personnes en sont morts ainsi début février. Ces crimes ne constituent point des bavures ou des dérapages isolés, mais font partie intégrante d’une politique concertée de dissuasion réglée sur le principe « rendons les la vie infernale ». En les exposant délibérément à des dangers mortels, les garde-frontières qui assurent la protection de l’Europe, s’attendent à ce que les candidats à l’exil finirons par comprendre non seulement qu’ils sont indésirables sur le sol européen mais que leurs propre vies n’y comptent pour rien.

      La situation dramatique des réfugiés ukrainiens pourrait-elle sensibiliser les sociétés européennes au drame de tous les réfugiés indépendamment de leur origine ? Si nous tenons compte ce qui continue à se passer à nos frontières loin de projecteurs médiatiques, nous aurons du mal à y croire. Force est de constater que l’accueil des Ukrainiens va de pair avec notre indifférence, en tout cas avec notre inaction blasée, face à ces crimes commis contre les ‘mauvais’ réfugiés aux confins de l’Europe et/ ou à ses frontières externalisés.

      La question est ‘sommes-nous disposés de vivre au sein d’une société régie par la croyance « en une hiérarchie des êtres humains et par la production d’un rapport de domination pour tenter de rendre opérante cette hiérarchisation » (communiqué de Migreurop du 22 mars 2022) ? Car, la solidarité à deux vitesses revient à une bipartition de l’humanité entre ceux dont la vie serait digne d’être sauvés, et les autres, ceux dont les vies en seraient indignes. Ce qui fait inévitablement penser à la doctrine abjecte de Lebensunwertes Leben, de vies indignes d’être vécues, notion clé de la politique eugéniste et raciale nazie. Certes nous n’en sommes là, mais en sommes-nous vraiment loin ? D’un côté, vous avez des vies dignes d’être sauvées, secourues, accueillies, et de l’autre, les vies de ceux qui, n’appartenant pas à la ‘grande famille européenne’, seraient non seulement indignes d’être sauvés mais qui pourraient dans l’indifférence générale être conduits à la noyade ou à la mort par hypothermie. La pente est plus que glissante.

      Que cela soit clair : tous ceux et celles qui fuient la guerre en Ukraine doivent être accueillis dans les meilleures conditions possibles non seulement à court mais aussi à moyen voire long terme. Ce qui reste insoutenable, est cette politique de deux poids et deux mesures, qui présuppose une bipartition pernicieuse de l’humanité. Qu’une partie d’êtres humains soit traitée comme si elle n’appartenait plus à l’humanité, comme si elle pourrait en être retranchée et exclue, cela ne saurait ne pas affecter nous autres européens des stigmates d’inhumanité.

      La guerre en Ukraine serait-elle d’autant plus la ‘nôtre’ qu’elle est une guerre européenne ? Tout compréhensible que puisse être ce point de vue, on pourrait y objecter que la guerre en Syrie ne nous concernait pas moins, et que la résistance de Kurdes à l’avancée fulgurante de Daech n’a pas été moins décisive pour l’avenir de l’Europe que l’issue de la guerre actuelle en Ukraine. Si, comme le dit Michel Agier, penser l’Europe devrait être une méthode pour penser notre commune humanité, nous ne saurions nous affirmer en tant qu’européens qu’en pensant et agissant en tant que citoyens du monde. Contre les politiques du tri sélectif, de l’exclusion et de criminalisations des arrivants, il nous faudra construire un monde Un, un monde commun où il y aura une place pour toutes et tous.

      Paris, 31 mars 2022

      https://blogs.mediapart.fr/vicky-skoumbi/blog/010422/la-solidarite-geometrie-variable-n-en-est-pas-vraiment-une

    • Entre les réfugiés d’Ukraine et ceux d’ailleurs : une « #différence_de_traitement insupportable »

      Les annonces gouvernementales se succèdent pour organiser l’arrivée des personnes fuyant l’Ukraine. Après des années de refus politique d’accueillir les exilés d’Afrique ou du Moyen-Orient, les associations dénoncent une discrimination.

      « Elle arrive… » Un chuchotement circule dans l’assistance. Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur, s’avance pour saluer une rangée de responsables d’associations. Nous sommes le 23 mars. Tous s’activent ici, dans ce hall du parc des expositions Porte de Versailles à Paris, pour accueillir les personnes réfugiées d’Ukraine. « Vous avez toujours en majorité des femmes et des enfants ? » s’enquiert la ministre. Depuis l’ouverture du centre, mi-mars, 1900 Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants (les hommes ukrainiens de moins de 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays) ont été hébergés sur place pour une ou deux nuits. Ils y ont trouvé un dispositif inédit, rassemblant en un même lieu préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration, assurance-maladie… Du jamais-vu en France.

      Une dizaine de box ouverts sur une salle bruyante s’alignent. Des familles ukrainiennes y exposent, dans une intimité toute relative, leur situation aux agents de l’État. Première étape à l’entrée : le contrôle des documents d’identité par la préfecture de Paris. Si tout est en règle, c’est-à-dire si les personnes sont en capacité de prouver qu’elles fuient l’Ukraine, elles se voient délivrer dans la foulée une autorisation provisoire de séjour. Celle-ci est d’une durée de six mois, renouvelable trois ans.

      Du jamais-vu en France
      Depuis l’ouverture du centre de Porte de Versailles (Paris), mi-mars, 1900 Ukrainiens, principalement des femmes et des enfants, ont trouvé un dispositif inédit, rassemblant en un même lieu préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration, assurance-maladie… Du jamais-vu en France.

      « Nous délivrons près de 300 autorisations provisoires de séjour par jour », explique un représentant de la préfecture. Ces autorisation sont l’application concrète, en France, de la directive européenne sur la protection temporaire créée en 2001 et activée le 3 mars 2022 pour la première fois. Elles donnent, entre autres, le droit de travailler et d’obtenir une couverture maladie immédiatement, là où les demandeurs d’asile sont depuis 2019 soumis à une attente de trois mois pour bénéficier de la Sécurité sociale.
      « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit »

      « Il y a un deux poids deux mesures. N’ayons pas peur des mots : c’est du racisme. »

      Aucun autre exilé sur le territoire français n’a droit au dispositif de protection temporaire. Pas même les Afghans ayant fui la prise de Kaboul par les talibans, l’été dernier. « L’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants », déclarait en août 2021 à leur propos Emmanuel Macron. Six ans plus tôt, au regard de la crise syrienne, une cinquantaine d’organisations demandaient déjà au président Hollande et à l’Europe d’œuvrer en faveur de la protection temporaire. En vain.

      « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit. Il y a un deux poids deux mesures. N’ayons pas peur des mots : c’est du racisme. La différence de traitement est insupportable », dénonce Yann Manzi, cofondateur de l’association Utopia56. Il y voit une incarnation du double discours « humanité et fermeté », martelé par le gouvernement Macron depuis son arrivée au pouvoir. « Pour toutes les populations maghrébines, ou d’Afrique subsaharienne, on a la fermeté ; tandis que pour les Ukrainiens, on a l’humanité ».

      4 millions de réfugiés
      Les associations craignent de trouver bientôt des familles ukrainiennes sans solution, comme les autres. Actuellement, 26 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France. Une partie est en transit, mais il est difficile de prévoir le nombre d’arrivées futures : plus de 4 millions de personnes ont quitté l’Ukraine, au 30 mars.

      L’exemple des transports est parlant. L’État a noué un partenariat inédit avec la SNCF pour permettre aux familles ukrainiennes de se déplacer gratuitement vers les régions où on leur propose un hébergement, ou vers les pays qu’elles souhaitent rejoindre. Au sein du hall Porte de Versailles, « on travaille sur une solution de guichet SNCF », explique Nordine Djebarat, directeur régional Île-de-France à Coallia, une association spécialisée dans l’hébergement et l’accompagnement social.
      100 000 places d’hébergement… et des gens toujours à la rue

      « Les pouvoirs publics sont capables de se mobiliser pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens. On voit que quand la volonté politique est là, on y arrive »

      Pour les autres nationalités, les gares et les trains restent ce qu’ils ont toujours été. À savoir, des lieux de traque et de contrôle. En plein cœur de la vallée de la Roya, un escadron de gendarmerie mobile contrôle en permanence la zone autour de la commune de Sospel et sa gare TER. « Ici, le train ne s’arrête que quelques minutes, mais cela suffit aux militaires pour contrôler l’ensemble des voitures, où il n’est pas rare de se retrouver en présence d’individus entrés irrégulièrement en France », écrit par exemple le média de la gendarmerie nationale Gend.Info. Dans un communiqué du 14 mars, la CGT Cheminots explique que la direction de la SNCF leur « demande de vérifier la provenance des réfugiés dans le train (...) et “d’agir avec bienveillance” s’ils sont Ukrainiens ». De quoi soulever « un malaise profond chez une partie des cheminots, conscients d’une différence de traitement entre les réfugiés ».

      Depuis 2015, l’accès au logement pour les personnes exilées est l’une des principales batailles que mènent les associations. Il y a eu les occupations place de la République ou devant la mairie de Paris, les réquisitions de bâtiment vacants, les demandes répétées de prise en charge systématique des personnes à la rue après les évacuations de campements... Le numéro d’urgence 115 saturé, les structures d’hébergement pleines : les associations se sont habituées à recevoir ces réponses de la part des services de l’État.

      Des dizaines de réfugiés Afghans dorment dans le campement du Cheval noir, à Pantin (Seine-Saint-Denis). Avec la fin de la trêve hivernale, « il y a plein de territoires où des remises à la rue se préparent », craint Yann Manzi d’Utopia56. Avec la possibilité de la reformation de campements de milliers de personnes en périphérie de Paris.

      Alors, le 23 mars, quand le Premier ministre Jean Castex annonce l’ouverture prochaine de 100 000 places d’hébergement pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine [1], les associations qui viennent en aide aux exilés à la rue ont évidemment salué le geste… tout en soulevant quelques contradictions. « Nous avons distribué plus de 800 repas hier soir dans les rues de Paris, les conditions de vie des personnes exilées sont très dures, témoigne Philippe Caro de l’association Solidarité Migrants Wilson. On s’aperçoit que les pouvoirs publics sont capables de se mobiliser pour accueillir un grand nombre de réfugiés ukrainiens, alors que depuis des années ils nous disent que ce n’est pas possible pour les autres. On voit que quand la volonté politique est là, on y arrive », s’agace-t-il.
      Parfois dès 9 h du matin, ils disent aux familles “revenez demain”

      À Calais, l’auberge de jeunesse, comptant 130 places, a été mobilisée pour héberger des Ukrainiens. Les exilés d’autres nationalités continuent de survivre dans des campements informels ("jungles”), au rythme des expulsions tous les deux jours par les forces de l’ordre. « Ils nous disent : “C’est terrible ce qu’il se passe en Ukraine”. Puis, quand on leur explique cet accueil, ils s’étonnent : “ah oui ? Pourquoi ils ne sont pas dans la jungle comme nous ?” », rapporte Marguerite Combes, coordinatrice d’Utopia56 sur place. « On est contents pour les Ukrainiens, mais si on peut le faire pour eux, pourquoi pas pour tout le monde ? C’est assez rageant, cela fait 30 ans que c’est l’impasse… », soupire Alexandra Limousin, responsable de l’Auberge des migrants, association historique du Calaisis.

      Malgré cette mobilisation inédite de l’État, des défaillances commencent à être mises en lumière. Dans un échange de courriers, des bénévoles traducteurs alertent la Croix rouge sur un manque d’assistance médicale, de nourriture et d’eau lors du premier accueil, gare de l’Est à Paris. La rapidité de l’ouverture des droits est aussi « très variable » en fonction des endroits, explique Gérard Sadik, responsable asile de la Cimade. Même au hub Porte de Versailles, « c’est premier arrivé, premier servi. Parfois dès 9 h du matin, ils disent aux familles “revenez demain” », précise-t-il.

      Enfin, les associations craignent de trouver bientôt des familles ukrainiennes sans solution, comme les autres. Actuellement, 26 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France. Une partie est en transit, mais il est difficile de prévoir le nombre d’arrivées dans les prochaines semaines (plus de 4 millions de personnes ont quitté l’Ukraine, au 30 mars). Dans un gymnase réquisitionné à Rennes, « la semaine dernière, six personnes d’Ukraine sont arrivées, et c’est nous qui leur avons payé l’hôtel, car le gymnase était plein… », raconte Yann Manzi.
      Des hébergement évacués, des gens mis à la rue

      « On insiste beaucoup sur la générosité des gens, mais soyons extrêmement vigilant sur l’hébergement citoyen, qui doit inclure de l’accompagnement social dans la durée »

      Dans la dernière instruction envoyée aux préfets sur le schéma d’hébergement et de logement des réfugiés d’Ukraine, que Basta ! s’est procurée, les ministères insistent sur le fait de ne pas mettre en concurrence les publics. « Il est essentiel de ne pas dégrader ou saturer les dispositifs de droit commun », y écrivent-ils. Mais sur le terrain, des formes de priorisation s’opèrent. À Rennes, 144 personnes, dont une quarantaine d’enfants, occupaient depuis mi-janvier un gymnase réquisitionné par les associations qui les suivent depuis un an. Le 30 mars, les forces de l’ordre ont évacué les lieux. « Il reste une famille de dix personnes sans solution, ainsi qu’une petite vingtaine d’hommes seuls », indique Ludovine Colas, coordinatrice d’Utopia 56 à Rennes.

      Des guichets uniques au centre d’accueil de Porte de Versailles permettent aux familles réfugiées ukrainiennes d’accomplir toutes leurs démarches. « Cette protection, tous les demandeurs d’asile devraient y avoir droit », dénonce Yann Manzi, cofondateur de l’association Utopia56.

      Dans le même temps, « on sait qu’il y a des dispositifs qui ont été ouverts à Rennes pour les Ukrainiens, des places libres », souligne Yann Manzi. Ces derniers peuvent accéder à un hébergement juste après s’être présentés en préfecture. Pour les autres exilés, « il faut passer par le guichet unique de Coallia pour avoir ensuite un rendez-vous en préfecture, puis la préfecture renvoie vers Coallia, qui orientera vers un hébergement », décrit Ludivine Colas. De quoi allonger les délais sur plusieurs mois… « La majorité des occupants du gymnase étaient ainsi des primo-arrivants, pris dans ces fameux délais de rendez-vous », explique-t-elle.

      La clôture de la trêve hivernale, fin mars, risque de multiplier ces situations selon les associations. « Il y a plein de territoires où des remises à la rue se préparent. Là où il y aura des soutiens ou une médiatisation, on peut espérer les faire reculer. Mais dans les territoires moins visibles, tout va se faire dans une grande discrétion » craint Yann Manzi d’Utopia56. Face à la priorisation donnée à l’hébergement de familles ukrainiennes, Agathe Nadimi de l’association les Midis du MIE, qui vient en aide aux mineurs isolés, craint la reformation de campements de milliers de personnes en périphérie de Paris.

      La priorisation se ressent aussi dans la mobilisation citoyenne. Porte de Versailles, l’Armée du Salut coordonne les distributions alimentaires. Le centre peut accueillir jusqu’à 400 personnes par jour. « On a les capacités d’y répondre, grâce à tous les dons reçus, notamment beaucoup d’entreprises. Enfin… à destination des Ukrainiens. Parce que pour les autres publics, les Syriens, les Afghans, on a plus de mal. Des fois, on a envie de dire : il y a tous les autres, aussi », soupire Emmanuel Ollivier, directeur de la fondation de l’Armée du Salut. Marlène Schiappa soulignait lors de sa visite : « Tous les jours, on a des gens qui veulent aider, faire des dons, laisser un appartement à disposition… C’est pour cela qu’on a créé une plateforme de parrainage ».

      Pour l’heure, peu d’informations ont été données sur les 100 000 places d’hébergement annoncées par Jean Castex, si ce n’est qu’une grande partie d’entre elles sont organisées par des entreprises privées ou des citoyens. Cela pose question à de nombreuses associations. « On insiste beaucoup sur la générosité des gens, mais soyons extrêmement vigilant sur l’hébergement citoyen, qui doit inclure de l’accompagnement social dans la durée », soutient Bruno Morel, le directeur général d’Emmaüs Solidarité. Gérard Sadik, de la Cimade, rappelle aussi une évidence : « L’État a un devoir d’hébergement, avec une obligation des moyens renforcés : c’est-à-dire, une obligation d’aller vers le logement de toutes les personnes. Il ne peut pas se reposer sur les initiatives privées… »

      Tous les acteurs associatifs saluent la réaction rapide et massive de l’État pour accueillir les déplacés ukrainiens, ils souhaiteraient désormais que cette crise soit l’électrochoc permettant d’instaurer un accueil digne et durable à tous les exilés. « On a jamais vu des conditions d’accueil aussi favorables. Cela doit être considéré comme une opportunité pour les généraliser à toute personne qui a fui la guerre ou une situation humanitaire insupportable », défend Bruno Morel, d’Emmaüs Solidarité.

      https://basta.media/Refugies-ukrainiens-porte-de-Versailles-difference-de-traitement-Afghans-Sy

    • Ukraine and Double Standards on Refugees

      Critics are right to point out that some Western nations are treating Ukrainian refugees better than those fleeing similar horrific situations elsewhere. But the right way to address the problem is to increase openness to other refugees, not exclude Ukrainians.

      Russia’s brutal invasion of Ukraine has created a massive refugee crisis, with over 5 million Ukrainians fleeing the country. Many Western countries have admirably accepted Ukrainian refugees in response. But critics argue that this relative openness by the US and Europe involves a pernicious double standard under which white European refugees from Ukraine are welcomed, but non-white ones from Syria, Africa and elsewhere, are mostly shut out, even though many are fleeing comparably grave dangers from war and oppression. Pope Francis, among others, has said that the differential treatment of refugees is driven by “racism.”

      The critics have a legitimate point. But the right way to address the problem is not to close our doors to Ukrainians, but to be more open to other migrants and refugees fleeing horrific conditions.

      Non-white refugees from Africa and the Middle East really do often face violence and oppression comparable to that which threatens Ukrainian refugees, and many Western nations have been less willing to let them enter. In the case of the US, the difference is less glaring than in Europe, because the Biden administration has so far taken only modest steps to open US doors to Ukrainians. Some of those steps, such as granting Ukrainians already in the US “Temporary Protected Status” have parallels in similar policies adopted towards some predominantly non-white groups of refugees, such as Venezuelans (regardless of their actual skin color, Venezuelans and other Hispanics are usually not considered “white” in the US). The contrast is greater in Canada and various European nations that have been relatively more open to Ukrainians than the United States has been so far.

      Although racial and ethnic bias surely plays a role, it probably isn’t the only factor at work. It is also significant that the US and its European allies have an important strategic stake in the Russia-Ukraine War that is either smaller or entirely absent in the cases of Syria and various African conflicts. Openness to Ukrainians is not only a moral gesture, but also a way of opposing Vladimir Putin’s brutal war of aggression, which threatens Western security interests.

      It’s also worth noting that the US and its European allies have done little or nothing to open their doors to Russian refugees fleeing Putin’s intensifying repression, despite the strong moral and strategic case for doing so. Most Russian refugees are white, just like most Ukrainian ones. Western nations’ unwillingness (so far, at least) to take them is likely driven by shortsighted unwillingness to distinguish them from the very regime they are fleeing.

      That said, racial and ethnic bias clearly is a factor. Some European officials openly admit it. For example, Bulgarian Prime Minister Kiril Petkov said in February that his country is welcoming Ukrainians in part because “[t]hese are not the refugees we are used to.… These people are Europeans…These people are intelligent.”

      But, as I explained in one of my earliest pieces making the case for admitting Russian and Ukrainian refugees, the right way to combat such disparities is “leveling up” the treatment of non-white refugees, not barring Ukrainians.

      There are some cases where it is perfectly legitimate to end discrimination by “leveling down” the treatment of the previously favored group. For example, if the government gives subsidies to white-owned businesses that aren’t available to others, there is nothing wrong with just abolishing the subsidy program entirely.

      But barring refugees fleeing war or repression is a grave wrong even if it is done in a “race-neutral” manner. It still unjustly consigns people to oppression or even death merely because they happen to be born to the wrong parents or in the wrong place. That itself is an injustice similar to racial discrimination. In the same way, if police brutality is directed against African-Americans more often than whites, the problem could not be justly “solved” by having the police abuse whites more often. Rather, the only defensible approach in that situation is to curb brutality directed at blacks.

      In my view, there should be a strong presumption against barring any peaceful migrants, especially those fleeing war, authoritarian regimes, or other severe oppression. But I recognize this ideal is unlikely to be fully achieved anytime soon, if ever. In the meantime, we should seek whatever incremental improvements are feasible, which may include measures focused on specific refugee crises, even as others remain (relatively) neglected.

      And while I have long argued it is essential to make the general moral case for migration rights, there is nothing wrong with also noting considerations that may only apply to a specific situation. For example, there are specific strategic advantages to opening our doors to Russians fleeing Putin, because doing so strengthens the West’s position against one of the world’s most dangerous illiberal authoritarian regimes.

      In my view, Russians fleeing Putin’s regime (like others fleeing repression) should be accepted even in the absence of those strategic advantages. But these points still add to the case for openness, and they may be more decisive for observers who are less generally pro-migration rights than I am.

      The issue of racial and ethnic double standards on migration rights often comes up when I speak about admitting Ukrainians and Russians during the present war. Reporters and interviewers routinely ask about it. I always emphasize that my support for migration rights is not and never has been bounded by race or ethnicity.

      For members of the media and anyone else who may be interested, here is a convenient, though not exhaustive, list of my writings advocating migration rights for predominantly non-white groups (as “white” is usually defined in US political discourse). Unless otherwise noted, these are all posts at the Volokh Conspiracy blog:

      1. “The Moral and Strategic Case for Admitting Syrian Refugees,” Nov. 23, 2015.

      2. “Obama’s Cruel Policy Reversal on Cuban Refugees,” Jan. 14, 2017. While many Cuban migrants are light-skinned, they are not usually considered white in the US.

      3. “Supreme Court Ruling on Travel Ban Ignores Religious Discrimination,” USA Today, June 26, 2018. This piece and the next one are just a small sampling of my extensive writings opposing Donald Trump’s anti-Muslim travel bans.

      4. “Trump’s Expanded Travel Ban Compounds the Wrongs of Previous Versions,” Feb. 2, 2020.

      5. “Let Hongkongers Immigrate to the West - And other Victims of Chinese Government Oppression, too,” May 29, 2020. This is just one of several pieces I have written on Asian refugees.

      6."Immigration Restrictions and Racial Discrimination Share Similar Roots," The Hill, Nov. 24, 2020.

      7. “The Case for Accepting Afghan Refugees,” Aug. 20, 2021.

      8. Free to Move: Foot Voting, Migration, and Political Freedom, (Oxford University Press, rev. ed. 2021). In Chapters 5 and 6 of this book, I include an extensive critique of justifications for racial, ethnic, and cultural discrimination in migration policy. In the case of the US and many other Western nations, such restrictions most often target non-whites.

      9. “The Case Against Covid-19 Pandemic Migration Restrictions,” Cato Institute, Feb. 1, 2022. In the US, these restrictions have most heavily impacted non-white migrants from Latin America. That’s especially true of the Title 42 “public health” expulsions, against which I also authored an amicus brief when their legality was challenged in court.

      This list could easily be expanded. But it’s enough to give a representative sampling of my work on this issue.

      Committed conspiracy theorists (though not Volokh Conspirators!) might still say I only wrote the above because I anticipated there would someday be a refugee crisis involving whites. My previous writings about non-white refugees would store up credibility that I could then make use of. But that just goes to show there’s no satisfying hard-core conspiracy theorists!

      https://reason.com/volokh/2022/04/24/ukraine-and-double-standards-on-refugees

    • Migranti : verso un contributo per i profughi ospitati dai privati

      Lo ha dichiarato il presidente del Fvg #Massimiliano_Fedriga: «Stiamo lavorando a una misura che sarà valida per tre mesi, per venire incontro alle famiglie che ospitano. Importante distinguere tra rotta balcanica e profughi Ucraini»

      Voici le passage sur la distinction à faire entre les réfugiés « de la route des Balkans » et ceux d’Urkaine :

      «Oggi il numero di profughi dall’Ucraina è gestibile a livello nazionale - ha spiegato Fedriga - ma ci preoccupa la sommatoria con l’immigrazione proveniente dalla rotta balcanica e dal Mediterraneo. Oltretutto bisogna avere consapevolezza che i due percorsi devono essere ben distinti, soprattutto per quanto riguarda i minori stranieri non accompagnati. Dall’Ucraina arrivano minori dai 6 ai 14 anni circa, dalla rotta balcanica e dal Mediterraneo arrivano sedicenti 17enni che in realtà sono maggiorenni. Non possiamo pensare di mischiare i due percorsi, dobbiamo tutelare al massimo le persone che scappano dalla guerra».

      https://www.triesteprima.it/politica/migranti-fedriga-contributo-ospiti.html
      #Italie #Fedriga

      –---

      To a certain degree, double standards are already emerging regarding the treatment of refugees travelling Balkan and Mediterranean routes, and those arriving from Ukraine. While every person crossing the border is mandated to quarantine for 6 days, people fleeing Ukraine can do so in specialized centers (there are 4 of them in #Trieste at the moment). All other nationalities (predominantly people from Pakistan and Afghanistan) are sent to #Campo_Sacro, which presents considerably worse living conditions. Since there are 40 to 50 people present there, it can be concluded that the Italian police still chases and leads them back when they decide to resume their journeys. Of particular concern is the case of two Pakistani people who fled Ukraine, where they had obtained their residency permits, but were conducted to Campo Sacro regardless.

      (p.11)

      source : https://www.borderviolence.eu/balkan-regional-report-march-2022

    • En #Pologne, les exilés non ukrainiens se sentent abandonnés

      Irakiens, Syriens ou Yéménites, ils ont traversé la frontière entre le Bélarus et la Pologne fin 2021, en y frôlant parfois la mort. Placés en rétention, relâchés, certains se retrouvent aujourd’hui livrés à eux-mêmes, à l’heure où des millions de réfugiés ukrainiens sont accueillis en Pologne.

      Kouba a aperçu la veille une silhouette marchant le long de la route, un sac sur le dos, et en a déduit que c’était lui. « Une amie m’a demandé d’aller le récupérer. Comme il ne parle quasiment pas anglais, je lui ai quand même montré son numéro pour vérifier que c’était la bonne personne », chuchote-t-il, l’air amusé, assis sur la pelouse près de la gare de Varsovie vendredi 6 mai. Près de lui, Waleed, cheveux coiffés en arrière et barbe fournie, ne dit pas un mot. Mais il acquiesce lorsqu’il parvient à déchiffrer ce que dit son accompagnateur.

      « Il a été refoulé deux fois à la frontière en octobre dernier, puis il a passé six mois à Stary Raduszec », poursuit Kouba en remuant la tête de gauche à droite pour marquer son agacement. Il fait référence au centre de rétention qui a vu le jour dans la province de Krosno, à l’ouest de la Pologne. « C’est au milieu de nulle part, au milieu des champs. Il n’y a même pas d’adresse. » Waleed ignore pourquoi il a pu en sortir du jour au lendemain. « C’est comme une prison, explique-t-il en arabe, dans le train qui l’emmène droit vers Łódź, à une centaine de kilomètres de la capitale. On n’avait pas le droit d’utiliser nos smartphones, ni d’avoir de la visite. »

      Un ami à lui a tout de même pu prendre une vidéo tournée à l’intérieur du centre fin 2021. « We are not animals ! » (« Nous ne sommes pas des animaux ! »), crie un homme parmi un groupe d’exilés derrière un grillage, en s’adressant aux gardes. Au cours des derniers mois, plusieurs personnes se sont lancées dans une grève de la faim pour protester contre leur rétention, injustifiée – la plupart d’entre elles ont demandé l’asile (ou émis le souhait de le faire) par l’intermédiaire de bénévoles ou d’avocats rencontrés avant qu’ils ne soient interpellés par les gardes-frontières puis enfermés, comme nous le relations ici ou là.

      Originaire du Kurdistan irakien, Waleed confie, dans le train, ses rêves d’Europe : « Mon frère, avec qui j’ai traversé, est aujourd’hui en Allemagne. Et j’ai un autre frère en Belgique. » Il aimerait les rejoindre mais ignore comment faire. Il craint aussi les contrôles de police dans les gares allemandes. Son frère, lui aussi placé en centre de rétention, n’a pu en sortir que parce qu’il souffrait d’une forme grave de diabète. C’est avec lui que Waleed a d’abord tenté de gagner la Bulgarie, depuis la Turquie, à dix reprises. « À chaque fois, on nous a refoulés. La police était très dure avec nous. Une fois, ils nous ont retiré nos téléphones et vêtements, les ont brûlés sous nos yeux et nous ont dit “go” en nous montrant la forêt. »

      En arrivant en gare de Łódź, en début de soirée, le jeune homme retrouve Sebastian, l’un des maillons de cette chaîne de solidarité qui refuse d’abandonner les personnes exilées de toutes nationalités, à l’heure où la Pologne accueille près de trois millions de réfugié·es venant d’Ukraine. Tous deux ne se connaissent pas mais Waleed le suit volontiers lorsqu’il se dirige vers sa voiture puis fait démarrer le moteur. Du heavy metal sort, sans crier gare, de la radio, et plusieurs exemplaires du journal anarchiste traînent sur le siège arrière. La voiture rejoint un petit village, surnommé « Palestine », où Sebastian va héberger, pour la toute première fois, un exilé chez lui.

      « Je vais te montrer ta chambre », lance-t-il à Waleed en grimpant les marches de la maison. Sur le tee-shirt de l’activiste anarchiste, un nounours barre au feutre rouge une croix gammée nazie. Une fois dans le salon, Sebastian tente de mettre la musique sur la télévision pour noyer le silence qui s’installe, faute de langue commune. « Je suis assez nul pour briser la glace », affirme-t-il en enchaînant les cigarettes dans le jardin.

      Magda, la femme de Sebastian, arbore un sourire gêné. « Elle est bien embêtée car elle est très bavarde, d’habitude », plaisante-t-il. Pour lui souhaiter la bienvenue, le couple a organisé une fête, en présence d’Ewa, le premier contact de Waleed, qui est restée en lien avec lui durant son enfermement. C’est aussi elle qui a demandé à Kouba de le récupérer à sa sortie du centre de rétention.

      Installée à table, elle convoque ses souvenirs. « J’ai passé trois ou quatre mois à la frontière bélarusse. Des fois, on restait 46 heures sans dormir, au point d’avoir des hallucinations. On a aidé beaucoup de personnes, bien qu’on ne se souvienne pas de tous les visages et prénoms. » Aujourd’hui, poursuit-elle, les exilé·es continuent de tenter le passage de cette frontière, devenue une nouvelle route migratoire en Europe. « Il y a encore du monde qui traverse, au moins cinquante personnes par semaine. Vendredi dernier, on a trouvé une famille qui avait passé sept jours dans la forêt », rapporte Kouba.

      "Quand je vois les gardes-frontières polonais avec des enfants ukrainiens dans les bras aujourd’hui, ça me rend fou."

      Sebastian, activiste anarchiste

      Et Ewa d’ajouter : « Le centre de Bruzgi, au Bélarus, comptait sept cents personnes. Il a été fermé et les plus vulnérables ont été relâchés pour dire que la Pologne les refoulait. C’est un sale “jeu” entre les deux pays. Certaines personnes sont restées coincées à la frontière durant des mois. » « Quand je vois les gardes-frontières polonais avec des enfants ukrainiens dans les bras aujourd’hui, ça me rend fou », peste Sebastian en se tenant la tête entre les mains. Il a, lui aussi, ratissé la forêt située dans la zone en état d’urgence pour sauver des vies.

      Deux jours plus tard, dans la cour du centre social et culturel ADA à Varsovie, Kouba se souvient de ce qui a marqué un tournant pour lui : au moins trois décès avaient été signalés à la frontière entre la Pologne et le Bélarus en octobre dernier. « La même semaine, les autorités locales ont annoncé lors d’une conférence de presse avoir trouvé des images de zoophilie et de pédophilie sur le téléphone des exilés. Cette propagande a été insupportable pour moi. » Kouba multiplie, durant trois mois, les allers-retours à la frontière et garde contact avec certains exilés placés en centre de rétention, par un réseau d’entraide.

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce professeur d’université a choisi de s’impliquer auprès des exilés non ukrainiens, considérant qu’il y avait « suffisamment d’aide » pour eux à travers le pays. Et parce que, selon plusieurs sources, les ONG autrefois présentes à la frontière bélarusse sont depuis impliquées à la frontière ukrainienne.

      « Ces différences de traitement me dépassent. On s’est aussi organisés, avec des volontaires, pour créer à l’intérieur de la gare de Varsovie un point d’accueil pour les réfugiés non ukrainiens fuyant la guerre. » Un groupe basé à la frontière avec l’Ukraine est chargé de les recenser et de signaler leur départ en train. À leur arrivée dans la capitale, les équipes les orientent pour la suite de leur parcours ou leur cherchent un hébergement.

      Proposer une aide à tous les exilés, sans distinction

      Dimanche 8 mai, Chris retrouve Sulaïman et Mohsen dans un café de la capitale situé près du théâtre. Les deux jeunes hommes, originaires du Yémen, laissent entrevoir deux personnalités radicalement opposées : l’un, coupe afro assumée, est extraverti et enchaîne les blagues avec un serveur peu réceptif ; l’autre est réservé, le regard presque méfiant.

      Ils viennent, eux aussi, d’être relâchés du centre de rétention de Wędrzyn, un village situé près de la frontière allemande. « Le centre a été créé dans une zone militaire, où il y avait des entraînements tous les jours. On entendait les tirs, les explosions, comme si on était au milieu d’une guerre », relate Sulaïman, qui évoque un « camp de concentration »
      On se battait pour du pain. Des gens sont devenus fous et se sont mis à parler tout seuls.
      Mohsen, un exilé yéménite

      Là-bas, Mohsen, à la carrure déjà frêle, perd quatre kilos. « On se battait pour du pain. Des gens sont devenus fous et se sont mis à parler tout seuls. » Durant deux mois, le trentenaire ne peut donner aucune nouvelle à sa famille restée au Yémen. « Quand j’ai enfin récupéré un vieux téléphone, j’ai dit à ma mère que j’étais dans un hôtel 5 étoiles, car je ne voulais pas l’inquiéter. »

      Aujourd’hui, ses proches, qui ont découvert la vérité, ne parviennent toujours pas à y croire. Après avoir travaillé en Arabie saoudite pour fuir la crise que connaît son pays en 2013, Mohsen se confronte à de nouvelles difficultés. Son pays d’accueil restreint le droit au travail pour les étrangers et augmente, chaque année, le tarif des permis de résidence.Il lance une demande de visa étudiant en Espagne à plusieurs reprises, sans succès. « En 2021, j’ai pu obtenir un visa étudiant au Bélarus. Tout à coup, on a entendu dire que la frontière avec la Pologne était ouverte. Pour moi, c’était la seule chance de gagner l’Europe », explique-t-il, faisant référence aux droits humains et à une vie meilleure.

      « Bla bla bla… », lâche aujourd’hui Mohsen d’un ton amer. Il prend contact avec Sulaïman, originaire du même village que lui au Yémen, qui a de son côté tenté de rejoindre l’Europe via la Turquie. « J’ai été refoulé à chaque fois par la Grèce. Quand tu cherches un endroit sûr, tu trouves. On connaît le sens du mot “guerre” et on pensait qu’en passant par le Bélarus, on pourrait demander l’asile en Europe.
      Un soldat a fini par me frapper à la poitrine. Ils ont cassé le port permettant la charge de nos téléphones et nous ont dit de repartir.
      Sulaïman, un exilé yéménite

      Les deux comparses font appel à un passeur bélarusse qui les achemine à la frontière le 16 août, au début de la crise, contre 200 dollars. « C’était le 15 août », rectifie Mohsen, pour qui chaque détail a son importance. Ils n’imaginaient pas combien ce serait « difficile ». Ils sont refoulés une première fois par les gardes-frontières polonais, qui braquent leurs armes sur eux.

      « Ils nous ont demandé ce qu’on voulait et on a répondu “l’asile”. » Côté bélarusse, les soldats leur ordonnent de retourner en Pologne. « Une nuit, ils nous ont laissés plusieurs heures sous la pluie, sous des températures négatives, en nous observant. Un soldat a fini par me frapper à la poitrine. Ils ont cassé le port permettant la charge de nos téléphones et nous ont dit de repartir. »

      Le « ping-pong » dure sept jours. Affamé, déshydraté et souvent malade pour avoir bu l’eau des marécages, le groupe – des Afghans et Kurdes les ont rejoints dans leur mésaventure – désespère et ne pense qu’à survivre. Ils finissent par croiser une ONG dans la forêt, qui promet de les aider. Alexandra, une bénévole, les accompagne au poste des gardes-frontières, pensant bien faire.

      « Ils l’ont virée du poste en la poussant violemment. On s’est dit que s’ils faisaient ça à une ONG, qu’est-ce qu’ils feraient avec nous ? », poursuit Mohsen en jouant nerveusement avec le couteau posé sur la table à manger de la cuisine, dans le petit appartement qu’ils occupent au centre-ville de Varsovie. Leur téléphone confisqué, ils sont de nouveau refoulés, au milieu de la nuit. C’est finalement une équipe de télévision, qui tourne côté Bélarus, qui les sort de cet « enfer ».

      Près de deux mille exilés seraient toujours placés en centre de rétention depuis la crise à la frontière bélarusse. « Quelle différence entre les Ukrainiens et nous ? Est-ce une question de couleur ? », interroge Mohsen, faisant référence à la guerre et à la famine que connaît son pays. « On se sent désolés pour la guerre en Ukraine, mais on trouve dingue que les réfugiés aient juste à se présenter à la frontière polonaise pour être protégés après ce qu’on a vécu. »

      Et Sulaïman d’ajouter : « Il ne devrait pas y avoir de différence entre les gens. Et s’ils ne veulent vraiment pas de nous, pourquoi nous enfermer ? » Près de deux mille personnes seraient toujours placées en centre de rétention depuis la crise à la frontière bélarusse. Mohsen et Sulaïman ont passé huit mois et vingt jours en centre de rétention, sans même en connaître la raison. « Comme si on était des criminels », résument-ils. Ils sont suivis par le collectif d’aide aux migrants Grupa Granica, et un avocat tente aujourd’hui de les aider dans leurs démarches administratives.

      Chris, qui se dit sans « étiquette » et dont les parents sont eux aussi réfugiés, estimait qu’il n’en avait « pas assez fait » durant la crise à la frontière bélarusse. « Les Polonais se sont réveillés avec l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens et font tout pour les soutenir. C’est super. J’ai estimé de mon côté que Mohsen et Sulaïman en avaient plus besoin, puisque personne ne les aide », susurre celui qui leur prête cet appartement, où ils vivent depuis leur sortie du centre de rétention. Mohsen, le regard plongé dans le vide, se dit « brisé ».

      Pensent-ils rester en Pologne ? « Ça fait huit mois qu’on est là et les ONG ont rempli les documents pour la demande d’asile, mais on n’a rien eu, pas même un entretien », rétorque Sulaïman.Recontacté, Moussa*, qui nous racontait en décembre dernier avoir dû enterrer ses frères dans la forêt à la frontière, vit toujours en Podlachie, au nord-est de la Pologne, mais a dû quitter le centre d’accueil où il était hébergé pour faire de la place aux Ukrainien·nes.

      « Des personnes de bonne volonté se sont regroupées pour me trouver un logement en ville car ce n’était plus vivable pour moi là-bas. Mais je n’ai toujours pas de procédure d’asile ici en Pologne », confie-t-il, admettant être « perdu ».

      « Je suis incapable de réfléchir à ce que je veux faire pour le moment », complète Mohsen. Chris assure que si la zone en état d’urgence est toujours interdite d’accès, c’est pour que le monde « ne puisse pas voir ce qui s’y passe ». « Il doit aussi y avoir des corps là-dedans. C’est un crime contre l’État de droit et contre l’humanité, pour lequel les responsables devront payer », dénonce-t-il en avouant avoir « honte » de son pays. En cherchant le regard de ses deux interlocuteurs, il conclut : « Vous devriez essayer d’oublier tout cela. Nous, on se chargera de ne rien oublier. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/160522/en-pologne-les-exiles-non-ukrainiens-se-sentent-abandonnes

    • Réfugiés d’Ukraine : tapis rouge pour les uns, barbelés pour les autres

      Février 2022 : face à l’afflux d’exilé·es en provenance d’Ukraine aux frontières européennes, la présidente de la Commission européenne déclare que l’Union est « pleinement préparée » à accueillir ces réfugiés qui sont « les bienvenus [1] ». En France, la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur précise qu’il n’est prévu ni répartition entre les États membres de l’UE (« ce sont des personnes libres, elles vont là où elles veulent [2] ») ni quotas (« dès lors que des besoins seront exprimés, la France y répondra ») : sera octroyé un statut provisoire de protection immédiate, sans besoin de demander l’asile, avec un accompagnement social pour tout le monde ; les personnes seront logées, pourront travailler et leurs enfants iront à l’école. Et pour « ceux […] partis sans passeport, il y aura évidemment de la souplesse, ce sont après tout des gens qui fuient la guerre, on ne va pas les bloquer avec des formalités administratives. L’humanité c’est de ne pas ajouter des formalités aux formalités ».

      L’incrédulité face à cette inhabituelle hospitalité cède au malaise. Comment en serait-il autrement, quand on apprend, par la voix du directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration que « la France se prépare » et dispose d’un « parc d’hébergement de demandeurs d’asile qui peut être agrandi [3] », tandis que sont laissé·es à la rue, depuis des années, des milliers d’exilé·es que la police pourchasse, rafle et déplace sans cesse ?

      Pour la plupart d’entre eux, il eût suffi, comme on vient de le faire, d’activer la directive UE relative à la « protection temporaire », instituée dès 2001 mais qui n’a jamais, depuis lors, été mise en œuvre. Afghan·es, Érythréen·nes, Irakien·nes, Soudanais·es, Syrien·nes notamment, auraient ainsi pu, au fil du temps et des crises, bénéficier des conditions de protection et d’accueil offertes aujourd’hui aux Ukrainien·nes. Qu’il n’en ait rien été ne peut qu’interroger : la protection temporaire, pourtant de portée universelle dans toutes les situations d’« afflux massif », serait-elle en pratique réservée aux personnes exilées plutôt blanches et de culture chrétienne ?

      Comment expliquer, sinon, qu’au mois d’août 2021, tout en condamnant la prise de pouvoir par les talibans à Kaboul, le président Macron ait pu déclarer : « L’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants [4] » ? Comment comprendre que cette même Europe, soudain prête « à recevoir cinq millions de personnes » selon le chef de la diplomatie de l’UE, ait approuvé l’édification par la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie de murailles à leurs frontières pour parer à une « invasion » d’exilé·es venu·es d’Asie ou d’Afrique, favorisée par la Biélorussie à l’automne 2021 ?

      La discrimination raciale a d’ailleurs contaminé, dès ses premiers jours, l’exode ukrainien lui-même. Un tri des exilé·es s’est opéré à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, sur la base de la nationalité ou de la couleur de peau, au point que la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU s’est dite « alarmée par les informations crédibles et vérifiées faisant état de discrimination, de violence et de xénophobie à l’encontre de ressortissants de pays tiers qui tentent de fuir le conflit en Ukraine [5] ». Ces pratiques ne peuvent être traitées comme de simples bavures ; elles traduisent la conception qu’a l’UE de l’accueil : tapis rouge pour les un·es, barbelés pour les autres.

      Le tri ne s’arrête pas aux frontières : la proposition de la Commission européenne aux États membres d’activer la directive « protection temporaire » prévoyait d’inclure « les personnes qui ont fait de l’Ukraine leur lieu de vie [6] ». Une catégorie que n’a pas retenue le Conseil européen : en plus des Ukrainien·nes, seules seront éligibles les personnes bénéficiant d’une protection en Ukraine. En France, une instruction précise que, pour y prétendre, les autres devront justifier d’une résidence régulière sous couvert d’un titre de séjour permanent en Ukraine (quid des personnes en demande d’asile ?) et de « l’impossibilité de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables ».

      Difficile de ne pas voir, derrière ces pratiques et ces annonces, l’idéologie raciste qui imprègne la politique migratoire menée en Europe et en France, hier portée par l’extrême-droite, aujourd’hui propagée par de nombreux responsables politiques et professionnels des médias. En témoigne, par exemple, les propos d’un sénateur-maire conservateur de la ville de Mikulov en République tchèque, pays qui, soudain, secourt dans l’enthousiasme près de 200 000 Ukrainien·nes alors qu’il avait catégoriquement refusé la prise en charge du moindre réfugié en 2015. C’est qu’alors, explique-t-il, « les gens qui arrivaient en Europe avaient une religion différente et une culture qui n’était pas compatible avec la nôtre [7] ». Une analyse que partagent manifestement les États membres de l’UE sans s’autoriser à le reconnaître…

      Notes

      [1] France Info, « Guerre en Ukraine : comment l’accueil des réfugiés se prépare en Europe », 24 février 2022.

      [2] Marlène Schiappa, interviewée par France Info, 8 mars 2022. Idem pour les citations suivantes.

      [3] France Info, « Réfugiés ukrainiens : “Les capacités d’accueil seront trouvées”, assure le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration », 28 février 2022.

      [4] Emmanuel Macron, au cours d’une allocution télévisée le 16 août 2021.

      [5] ONU info, « Guerre en Ukraine : des dizaines de millions de personnes en “danger de mort”, prévient Michelle Bachelet », 3 mars 2022.

      [6] Commission UE, « Ukraine : la Commission propose une protection temporaire pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine, et des lignes directrices concernant les vérifications aux frontières », 3 mars 2022.

      [7] Le Monde, « Submergée par les réfugiés ukrainiens, la République tchèque ne veut pas entendre parler de “quotas” européens », 21 mars 2022.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6793

    • #Moldavie : racisme à l’accueil pour les #Roms d’Ukraine qui fuient la guerre

      Tous les réfugiés d’Ukraine ne sont pas accueillis de la même façon. En Moldavie, les membres de la communauté rom doivent faire face au racisme et à la ségrégation. Le rapport accablant de Human Rights Watch.

      Les autorités moldaves hébergent les réfugiés roms d’Ukraine séparément des autres personnes fuyant la guerre, ce qui constitue un « traitement inégal et discriminatoire », alerte l’organisation Human Rights Watch (HRW), qui a enquêté sur la situation en Moldavie. Le gouvernement aurait même permis et, dans certains cas, demandé aux équipes de bénévoles de refuser les réfugiés roms dans les centres d’accueil étatiques.

      « Les autorités moldaves offrent un soutien très important aux personnes fuyant l’Ukraine, mais cela n’excuse pas la ségrégation des réfugiés roms », dénonce Anastasija Kruope, chercheuse à l’ONG de défense des droits humains. « Peu importe les problèmes économiques et sociaux auxquels la Moldavie fait face, le gouvernement a la responsabilité d’assurer que les réfugiés ne sont pas discriminés sur des bases ethniques. »

      Depuis l’invasion russe le 24 février, 471 000 personnes ont fui l’Ukraine vers la Moldavie, et 87 000 sont restées dans ce pays de 2,6 millions d’habitants, qui est aussi l’un des plus pauvres d’Europe. Depuis la mi-mars, la quasi-totalité des réfugiés roms pris en charge par les autorités moldaves ont été placés dans un bâtiment jusque-là abandonné de la Faculté des Relations internationales (FRISPA) et dans le Manej Sports Arena. Mais des militants de défense des droits des Roms soulignent que les conditions d’accueil au Manej et au centre de Frispa sont « inadéquates » et « pauvres », en tout cas inférieures à celles des autres centres d’accueil.

      Certains administrateurs de ces centres refuseraient les réfugiés roms. Selon des bénévoles qui ont travaillé dans l’accueil des réfugiés, un fonctionnaire gouvernemental a dit aux bénévoles qu’ils devaient confirmer l’ethnie des réfugiés avant de les placer dans des centres pour éviter les problèmes, tout en admettant qu’il s’agissait d’une forme de profilage racial. De fait, les Roms sont catégorisés avant tout comme Roms et non Ukrainiens, quand bien même ils possèdent le passeport ukrainien.

      Des membres du staff du centre MoldExpo, le plus grand centre d’accueil du pays, à Chișinău, rapportent également que les autorités de la ville auraient une politique « non écrite » de refuser presque tous les Roms dans ce centre. Le 2 avril, l’HWR été témoin d’un tel refus opposé à des réfugiés roms arrivant d’Ukraine sous prétexte qu’il n’y avait plus de place dans le centre d’accueil, alors que ce n’était pas le cas.

      Les Roms font toujours face à un profond racisme et des discriminations constantes à la fois en Ukraine, en Moldavie et en Roumanie. On estime à 400 000 le nombre de Roms qui vivaient en Ukraine avant l’invasion russe, le plus souvent dans des conditions de pauvreté élevée, avec peu ou pas d’accès à l’emploi, à l’éducation et au système de santé. Ils sont également souvent victimes de discours de haine et parfois d’attaques violentes dont la justice locale ne se saisit pas sérieusement.

      Certaines réactions des Moldaves accueillant des réfugiés ukrainiens et d’Ukrainiens fuyant la guerre dans leur pays montrent l’étendu du racisme et des préjugés auxquels les Roms font face. « Pas de Roms », indiquent certaines familles pourtant prêtes à héberger des réfugiés ukrainiens à titre privé. « Quand on appelle des centres d’accueil et qu’on leur demande d’héberger un groupe de réfugiés, on nous dit ’Pas de soucis, amenez-les, mais assurez-vous qu’ils ne sont pas roms’, ou ’assurez-vous qu’ils sont ukrainiens’ ou ’blancs’ », rapporte un bénévole qui aide les réfugiés à trouver des lieux d’hébergement. « Un jour, on nous a demandé s’ils étaient des ’purs ukrainiens’. »

      Selon des activistes de défense des droits des Roms, certains réfugiés roms sont retournés en Ukraine, car ils ne trouvaient pas d’hébergement dans les centres d’accueil ou dans des familles en Moldavie. Ils rapportent aussi que des réfugiés ukrainiens non roms ont refusé de rester dans des centres d’accueil avec des réfugiés roms et que des Ukrainiens non roms ont refusé de monter à bord de bus à destination de villes d’Europe avec des réfugiés roms.

      « Les autorités moldaves doivent mettre fin à cette politique officielle ou non officielle de ségrégation des Roms et prendre toutes les mesures nécessaires pour contrer les attitudes discriminatoires contre eux », appelle HRW.

      https://www.courrierdesbalkans.fr/Moldavie-racisme-a-l-accueil-pour-les-Roms-d-Ukraine-qui-fuient-l

    • « Ce que l’Etat a fait pour les Ukrainiens, il peut le faire pour les autres exilés »

      Une #manifestation est organisée par différentes ONG ce samedi à Paris pour dénoncer les conditions d’accueil différenciées entre les réfugiés ukrainiens et ceux venant d’autres pays.

      Deux poids, deux mesures. D’un côté, il y a les réfugiés ukrainiens, arrivés par dizaines de milliers sur le sol français – 100 000 selon les derniers décomptes – depuis le début de l’invasion russe de leur pays et dignement accueillis dans des centres d’hébergement ouverts spécialement pour eux. De l’autre côté, des exilés venant d’autres pays, qui n’ont guère accès à ces foyers.

      C’est contre cette « #politique_migratoire_différentialiste » que des ONG, comme Utopia 56, Médecins du monde, Pantin Solidaire, Paris d’Exil ou Solidarité migrants Wilson, appellent à manifester, ce samedi, à 14 h 30, depuis le centre d’accueil de la Porte de Versailles, à Paris, jusqu’à la préfecture d’Ile-de-France, chargée d’orchestrer les opérations dites de mises à l’abri. Pour que les centaines de migrants sans-abri en Ile-de-France puissent accéder aux centres d’hébergement dédiés aux Ukrainiens, et qui sont désormais « à moitié vides », selon Pierre Mathurin, coordinateur au sein d’Utopia 56. Il explique à Libération les raisons de la mobilisation.

      Pourquoi avez-vous décidé de descendre dans la rue ce samedi après-midi ?

      Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, on se réjouit toutes et tous de l’accueil des réfugiés ukrainiens en France. Mais on demande que cette organisation soit mise en place pour tous les réfugiés sans-abri, et non pas seulement ceux qui viennent d’Ukraine. C’est le message que nous voulons porter ce samedi dans la rue. On veut que l’accès au logement, à la santé, au travail, aux transports publics, à la demande d’asile immédiat et à l’information, qui ont tous été facilités pour les exilés ukrainiens, soient aussi ouverts aux autres réfugiés, quelle que soit leur nationalité. Et ce, d’autant plus qu’aujourd’hui, de moins en moins d’exilés ukrainiens arrivent en France. Les centres d’accueil exclusivement dédiés aux réfugiés ukrainiens se vident.

      Par exemple, dans le #centre_de_premier_accueil de la #Porte_de_Versailles, entre 300 et 500 places sont laissées vacantes chaque nuit. D’autres foyers ferment même leurs portes. Comme les gymnases de Bercy et de la gare de l’Est. C’est pourquoi il est impératif qu’on parle maintenant du problème. On a vraiment très peur que, dans les prochaines semaines, d’autres centres d’hébergement ferment et que, parallèlement, l’Etat fasse comme si ce #dispositif_exceptionnel d’accueil n’avait jamais existé. Pourtant, si, 100 000 places d’accueil ont été ouvertes en l’espace de quelques jours pour les réfugiés ukrainiens. C’est énorme. Ce que l’Etat a fait pour les Ukrainiens, il peut le faire pour les exilés d’autres nationalités. C’est ce qu’on lui demande depuis des années.

      Qu’est-ce que vous répond le gouvernement ?

      Il refuse catégoriquement d’accueillir des réfugiés d’autres nationalités dans ces centres d’hébergement. Nous, les associations venant en aide aux migrants, faisons des tribunes, des lettres ouvertes… mais nous n’avons aucun retour du gouvernement. Depuis des années, l’Etat nous rétorque qu’il n’a pas suffisamment de moyens pour trouver ne serait-ce que quelques centaines de places d’hébergement, et ce sur une temporalité beaucoup plus large. Mais au vu de la réponse du gouvernement face à l’exil migratoire des Ukrainiens, l’ouverture de 100 000 places en quelques jours donc, cela nous prouve que l’État peut le faire. Tout est question de volonté politique.

      A quoi tient, selon vous, cette différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et ceux d’autres nationalités ?

      On a beaucoup de mal à savoir si c’est une question de racisme culturel, de localisation, de proximité des Ukrainiens du territoire français. Mais on a bien du mal à ne pas poser la question du racisme. Elle est même prédominante. C’est parce que les réfugiés ukrainiens ont la peau blanche qu’ils sont mieux accueillis.

      La comparaison la plus frappante peut être faite avec les réfugiés afghans. Seulement quelques mois avant, en septembre 2021, lors de la prise de Kaboul par les talibans et l’exil des Afghans, le gouvernement français parlait de « gestion des flux migratoires » et de « contrôle des frontières ». Seulement quelques centaines de migrants afghans avaient alors bénéficié d’un corridor humanitaire pour être pris en charge en France. Depuis, ce n’est guère mieux. Les réfugiés afghans arrivant sur le sol français sont dans la rue pendant des mois, attendant d’être pris en charge. La politique différentialiste de l’Etat, son refus d’accueillir des réfugiés d’autres nationalités dans les centres d’hébergement dédiés aux Ukrainiens en disent long…

      Concrètement, en quoi consiste cette #différence_de_traitement entre un réfugié afghan et un exilé ukrainien ?

      Quand un exilé ukrainien débarque en France, il va être « récupéré » à la gare par des associations opératrices de l’Etat, puis emmené en bus vers le centre de premier accueil de la Porte de Versailles, dans le XVe arrondissement de Paris. Sur place, en une heure, il va pouvoir, s’il le souhaite, entamer sa démarche de demande d’asile et obtenir un rendez-vous avec France terre d’asile et la préfecture pour trouver un hébergement adéquat. S’il souhaite rester en France, il va avoir accès directement à Pôle emploi. Au centre de la Porte de Versailles, il aura aussi accès à une crèche à disposition pour les enfants et à des distributions alimentaires en continu. Une prise en charge globale donc. A aucun moment, les réfugiés ukrainiens ne dorment dans la rue ou ne sont pas accompagnés dans leurs démarches. C’est ce dispositif-là qui doit être octroyé à tous les réfugiés.

      Car les exilés d’autres nationalités, quand ils arrivent en France, n’ont aucune structure vers qui se tourner. Ils ne bénéficient pas de la gratuité des transports, dorment souvent dans la rue, n’ont pas accès aux informations, doivent appeler des numéros surchargés pour entamer leur demande d’asile… Au mieux, ils croisent, au petit bonheur la chance, des associations qui peuvent les aider et leur donner un kit de survie ou une soupe. Bref, ils subissent une accumulation d’entraves.

      https://www.liberation.fr/societe/ce-que-letat-a-fait-pour-les-ukrainiens-il-peut-le-faire-pour-les-autres-
      #France #deux_poids_deux_mesures

    • À #Paris, les actions se multiplient pour obtenir un hébergement aux exilés

      Dimanche 17 juillet, des membres de #La_Chapelle_debout et des habitants de l’Ambassade des immigrés ont occupé le centre d’accueil pour les réfugiés ukrainiens, quasi vide, pour dénoncer les inégalités de traitement entre les exilés. Mardi, ils avaient rendez-vous à la préfecture.
      Ils ont déjà occupé les locaux vides d’une société d’assurance situés #rue_Saulnier, dans le IXe arrondissement de Paris, en avril dernier. Cette fois, le collectif La Chapelle debout, qui vient en aide aux exilé·es de la capitale depuis 2015, a choisi d’investir le centre d’accueil dédié aux réfugié·es ukrainien·nes #Porte_de_Versailles, dans le XVe arrondissement, dimanche 17 avril.

      Les bénévoles étaient accompagnés des habitant·es de l’#Ambassade_des_immigrés (du nom de ce nouveau lieu de mobilisation né après l’#occupation du bâtiment de la rue Saulnier) et d’exilés à la rue, lorsqu’ils sont entrés dans le centre d’accueil, où la fréquentation a fortement baissé au cours des dernières semaines selon plusieurs sources.

      « Notre action avait un double objectif, explique Yacine*, membre de La Chapelle debout. D’abord, dénoncer les #différences_de_traitement entre les exilés et le racisme qui en découle, sachant que le centre dédié aux Ukrainiens est presque vide et que pendant ce temps, d’autres exilés vivent dehors depuis des mois, voire des années ; et obtenir d’autre part des solutions d’hébergement pour les personnes confrontées à la rue. »

      La semaine précédente, déjà, plusieurs collectifs et associations d’aide aux migrant·es comme Utopia 56, Solidarité migrants Wilson ou Médecins du monde manifestaient depuis le centre d’accueil des Ukrainien·nes jusqu’à la préfecture de région, avec le même credo : « Hébergement pour tous·tes, quelle que soit leur nationalité ».

      Ce mardi 19 juillet, une délégation composée de deux exilés, un Éthiopien et un Soudanais, ainsi que de trois membres de La Chapelle debout, a été reçue par Cécile Guilhem, sous-préfète et cheffe de cabinet du préfet de la région Île-de-France, ainsi que par deux responsables de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl).

      Dimanche, le directeur adjoint du cabinet du préfet s’était lui-même rendu sur place, au centre pour réfugié·es ukrainien·nes, pour tenter de dénouer la situation. « Des exilés ont pu échanger avec lui et lui signifier qu’ils ne remettaient pas en doute le droit des Ukrainiens à un hébergement, mais qu’ils attendaient simplement d’avoir les mêmes droits, poursuit Yacine. Eux sont accueillis en France par la rue et le harcèlement des policiers, qui donnent des coups de pied dans leurs tentes tôt le matin ou les déchirent. »

      Le sous-préfet dit « avoir bien pris en compte » leur situation

      Les participant·es à l’action – des réfugié·es, des demandeurs et demandeuses d’asile, des dubliné·es (à qui la France demande de retourner dans le premier pays européen par lequel ils et elles sont arrivé·es pour l’examen de leur demande d’asile) ou des sans-papiers – ont accepté de quitter les lieux après discussion avec le directeur adjoint de cabinet du préfet de région, aux alentours de 22 heures dimanche, alors que les forces de l’ordre étaient postées à l’entrée du centre.

      400 personnes étaient présentes, dont des femmes, parfois enceintes, et des enfants, de nationalité soudanaise, somalienne, érythréenne, tchadienne, malienne ou afghane, et une cinquantaine de Français venus en soutien.

      Dans une vidéo, le sous-préfet, Christophe Aumonier, s’adresse à eux et dit « avoir bien pris en compte » leur situation. « Il n’y a pas de solution miracle. Ce sur quoi je peux m’engager, c’est qu’on essaiera de traiter chacun des cas. Mais il faut parfois être patient car nous avons des difficultés pour mettre tout le monde à l’abri. Mais nous nous y sommes engagés », assure-t-il.

      Selon nos informations, la délégation qui s’est présentée au rendez-vous en préfecture ce jour prévoyait d’insister sur un point : obtenir des solutions « durables » pour les personnes ayant participé à l’action, y compris les habitant·es de l’Ambassade des immigrés, qui occupent depuis quatre mois le bâtiment situé rue Saulnier.

      « Le rendez-vous a donné lieu à des échanges tendus mais respectueux, même si deux logiques s’opposent, la démocratie sociale contre une logique gestionnaire, comptable et technocratique, expliquent des membres de La Chapelle debout présents à celui-ci. Ils nous ont proposé de travailler sur une liste qu’on doit leur envoyer et qu’ils se sont engagés à étudier attentivement. On doit se revoir pour en discuter. » La délégation, qui dit ne pas avoir obtenu de garanties, se dit prête à organiser d’autres actions ailleurs si besoin.

      Contactée, la préfecture de la région Île-de-France n’a pas répondu à nos questions à l’heure où nous publions cet article.

      Cela concerne plus de 300 personnes, précise Yacine, pour qui l’action est une « réussite ». « On a occupé la salle de vie et les dortoirs, qui étaient majoritairement inoccupés. Il y avait quelques Ukrainiens, qui ont été évacués par des membres de l’association Coallia, qui gère le centre. »

      À leur arrivée au centre, les exilé·es ont découvert comment tout était mis en œuvre pour permettre aux Ukrainien·nes de faire leurs démarches sur place, dans des délais restreints – comme l’a documenté Mediapart, l’organisation de leur accueil s’est faite au détriment des autres et de manière décousue –, à l’heure où les arrivées de réfugié·es ukrainien·nes se font de moins en moins nombreuses depuis le mois de mars.

      Services de la préfecture, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de l’assurance-maladie et de Pôle emploi… « On a vu qu’il y avait également un service permettant aux Ukrainiens qui ne veulent pas rester en France de remplir une demande pour aller dans un autre pays européen. Pour les autres exilés, c’est incompréhensible, en particulier les dublinés, à qui on ne laisse pas le choix du pays où il peuvent demander l’asile. Les gens sont vraiment affectés par ces différences de traitement. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/190722/paris-les-actions-se-multiplient-pour-obtenir-un-hebergement-aux-exiles

      #résistance #France

    • How the EU Failed Ukraine’s International Students

      Tracing the fate of a cohort of non-white students who fled Russia’s invasion to be confronted with Europe’s hostile environment

      The EU’s decision to offer unprecedented rights and freedoms to refugees fleeing Russia’s invasion of Ukraine less than a month after the war began was widely celebrated. What was not said at the time was that the policy was drawn up to intentionally exclude a considerable number of non-European refugees fleeing the war.

      This double standard was not an accident. The first draft of the legislation implementing the Temporary Protection Directive (TPD), a measure designed to provide protection for at least one year, contained a clause stating that all foreigners residing in Ukraine on a long-term basis – regardless of their country of origin – would be granted the same rights as Ukrainians. When the text came out of the EU council meeting this clause was gone.

      This decision has had very direct consequences on the lives of many of the nearly half a million third-country nationals who were living in Ukraine before the war. The data we collected reveals that only 54,443 of these people were offered temporary protection in the EU. While some 5 million Ukrainians got refuge and rights, many non-Ukrainians were given time limits on how long they could stay, while others were refused any form of protection, rendering them undocumented.

      The tens of thousands of African and South Asian students enrolled in Ukrainian universities on student visas fell outside the scope of the TPD. We spoke to more than 30 students who spent months applying to European universities, only to be told they do not meet visa conditions and language requirements. Some, already traumatised during the invasion, found themselves homeless, while others are facing imminent deportation. While native Ukrainians were met with open arms, many of their non-white classmates met with discrimination and xenophobia.
      METHODS

      In tandem with diaspora groups, activists and lawyers, we spent the past eight months following students who fled Ukraine. Through phone calls, voice-notes and text messages, people shared updates of their attempts to settle in EU countries as they struggled to navigate visa bureaucracies and access accommodation. Students shared email exchanges with European universities and rejection letters from the same institutions that accepted several of their Ukrainian peers.

      We obtained internal documents written by German diplomats on 4 March ahead of the implementation of the TPD revealing that Poland, Austria and Slovakia were among the countries that objected to including third-country nationals in the directive.

      Our partner publications reached out to their individual governments and university authorities to find out what protection measures had been implemented for third-country nationals. This revealed that a myriad of often contradictory rules were being applied. A non-bureaucratic solution was found for Ukrainians, while pragmatic reception and recognition for non-Ukrainians was denied.

      We analysed and collected available data from the European Commission, the International Organisation for Migration (IOM) and national governments, revealing that – despite 325,000 third-country nationals fleeing Ukraine to neighbouring countries since the onset of the war, only 54,443 of them were offered temporary protection in Europe. Of those, we found that nearly a quarter were granted TPD in Portugal, the only country to give the same rights to non-Ukrainians, including international students who were in Ukraine on short-term (one year) visas.
      STORYLINES

      According to NIDO, the Nigerians in diaspora organisation, many international students who fled Ukraine have found themselves homeless, while others are facing imminent removal. Many have been stripped of the rights they previously had in Europe and can no longer access higher education. “We receive dozens of calls from desperate students every day asking for help with accommodation and food, as well as from depressed parents who spent all their money on their children’s tuition in Ukraine. It is so bad that some have told us they were considering suicide”, says Chibuzor Onwugbonu, a volunteer at NIDO.

      In Germany, rights granted to third-country nationals fleeing the conflict vary between federal states. While some cities granted six-month non renewable visas to international students who could prove they were enrolled in Ukrainian universities, others failed to put in place adequate permits. In one instance, a student moved between six different cities and spent months struggling to find accommodation before she ended up sleeping for weeks in Berlin Central train station.

      In the Netherlands, immigration authorities announced that from 19 July onwards they would stop processing applications from non-Ukrainians with safe countries to return to and that those who had obtained the status would not be allowed to apply for renewal. The Dutch government has described the act of these individuals applying to stay in the country after fleeing Ukraine as an “abuse” of the system.

      In France, only 200 international students have been accepted into university. The requirements for entry include demands for a bank account with at least €3,750 and proof that accommodation has been secured (or €7,500 for those who are yet to find housing). These are the regular requirements for international students in France, but they have been waived for Ukrainian students fleeing the war. At least 10 non-Ukrainian students received “obligations to leave the French territory”, a letter threatening them with deportation.

      Dutch MEP Thijs Reuten told us that omitting international students from the protection directive was not an oversight, but a decision aimed at excluding non-Europeans, suggesting an element of racism: “It seems almost certain to me that the countries of origin of the international students played a role”. Cornelia Ernst, German MEP, said the restriction was “solely a political decision”, which was “strongly criticised at the time”, adding: “In practice, this led to first- and second-class protection seekers fleeing Ukraine – an unacceptable discrimination.”

      We also reported on the difficulties facing third-country nationals attempting to join their families in the UK. Deborah, a 19-year old Nigerian medical student who was studying in Kharkiv, has spent months trying to join her parents and siblings in the North of England. Despite fleeing war, and her family being settled in the UK, the British government’s scheme for people fleeing the Russian invasion does not accept applicants who are not Ukrainian or related to a Ukrainian national. UK government data shows that even those who are related to Ukrainians – indicating that they should be eligible – have a far higher refusal rate under the scheme than Ukrainian nationals, at 14 per cent compared with 0.4 per cent.

      https://www.lighthousereports.nl/investigation/how-the-eu-failed-ukraines-international-students

    • Collins, réfugié d’Ukraine en #Allemagne : « Je suis passé d’un étudiant à un gars qui cherche un endroit où dormir »

      Fuyant la guerre en Ukraine, l’étudiant nigérian Collins Okoro a dû faire preuve d’abnégation en arrivant en Allemagne au début du conflit. Entre les méandres administratifs et la recherche désespérée d’un logement, il raconte les hauts et les bas de ses premiers mois dans le pays.

      "C’est remarquable à quel point le vide et le silence peuvent exprimer tant de choses. Après tout ce silence et cette spirale de vide sans fin, je choisis de parler. Car je pense qu’il y a de la lumière au bout du tunnel.

      Avant d’arriver ici, j’aurais prétendu avec assurance que lorsque vous venez d’Ukraine, vous avez le temps de vous installer, de prendre du recul et de trouver votre place. Aujourd’hui, je ne dirais plus la même chose. Je n’avais manifestement pas compris ce que pouvait être la vie en Allemagne.
      Pas d’arrivée triomphale

      Après mon arrivée à Berlin, avec très peu d’argent et juste quelques vêtements, j’ai tenté de vivre au jour le jour, en gardant toute ma tête, sans dépenser d’argent, en essayant de vivre dans le présent. J’avais de l’espoir, ce qui était très important pour moi.

      Lorsque j’ai débarqué à la gare centrale de Berlin, j’ai vu des affiches avec le drapeau ukrainien. Comme je ne savais pas lire l’allemand, je n’ai pas compris qu’il s’agissait d’indications pour pouvoir obtenir de l’aide.

      J’ai suivi un groupe d’Ukrainiens, un peu comme un espion, jusqu’à ce qu’ils me conduisent vers d’autres personnes. C’était le vrai début de mon séjour en Allemagne. J’ai rencontré une femme étonnante, assise devant une bannière représentant des BIPOC (BIPOC est un acronyme anglophone et vient de People of Color, qui fait notamment référence aux noirs). Par rapport aux autres stands, celui-ci n’avait pas été installé par les autorités, mais par des habitants, qui faisaient de leur mieux pour apporter leur aide.

      Je n’ai jamais été du genre à engager la conversation lorsque je rencontre quelqu’un pour la première fois. Mais cette-fois, j’y suis parvenu, et je serai toujours reconnaissant d’avoir eu cette conversation. La dame que j’ai rencontrée, Lily Ackerman, est une Américaine d’une quarantaine d’années. C’est une personne que je n’oublierai jamais. Après notre conversation, j’ai décidé de l’aider au stand. L’aide pour les noirs était plutôt limitée.

      Au cours de mon voyage pour quitter l’Ukraine, j’ai réalisé que nous n’avions jamais fait partie du récit de l’Union européenne. Nous n’étions que des notes de bas de page, que seuls certains lecteurs se souciaient de consulter. Ce constat de la ségrégation m’a motivé à agir.
      Des formations hors de portée

      C’est drôle comme votre statut peut changer en quelques jours. Un peu comme un arbre puissant que l’on transforme en une simple chaise de jardin pour enfants. Je suis passé du statut de mannequin, acteur et étudiant en droit avec des perspectives d’avenir à celui d’un simple gars qui cherche un endroit où pouvoir se reposer. 

      Je n’avais pas de travail, pas d’école, pas de maison, pas d’amis, pas de famille, pas de perspective. On ne peut pas être plus seul que ça.

      Sans logement stable à Berlin, je suis passé d’un hôte bienveillant à un autre, toutes les deux ou trois semaines. J’ai cherché des écoles mais elles exigeaient un compte bloqué de 10 000 euros et un niveau d’allemand B2 pour pouvoir s’inscrire. 

      Il m’était impossible de réunir cette somme. De plus, je n’avais jamais été en Allemagne et n’avais aucune connaissance de la langue allemande. Alors j’ai essayé de trouver une issue en me tournant vers d’autres pays.

      Je me souviens avoir postulé pour une école de théâtre aux États-Unis. J’ai réussi mon entretien, mais les frais de scolarité dépassaient largement mes capacités financières. J’ai tenté en vain de trouver un emploi pour gagner un peu d’argent, de quoi me débrouiller. 

      Finalement, à force de faire des recherches et de glaner des conseils, je suis tombé sur une organisation qui s’est intéressée à mon cas. Il s’agit de BIPOC Ukraine and Friends.

      Lily m’a informée de leur première réunion dans un café. J’ai obtenu plein d’informations sur la façon de naviguer dans le système allemand et de s’en sortir.
      Obstacles bureaucratiques

      Comprendre le fonctionnement d’un gouvernement est une chose. Comprendre comment les fonctionnaires travaillent en est une autre. J’ai appris à mes dépens. Parfois, c’est juste de la bureaucratie. D’autres fois, ce sont des comportements individuels.

      A Berlin, j’ai voulu m’enregistrer dans un centre en tant que réfugié d’Ukraine. 

      À mon arrivée, tout s’est bien passé, jusqu’à ce que j’entre dans le bureau d’une personne qui m’a dit que mes documents étaient soi-disant « incomplets ». Il m’a « conseillé » de demander l’asile ou de retourner en Ukraine, pour obtenir mes documents. Ce n’est que lorsque je suis revenu un autre jour avec des lettres d’un avocat que j’ai été autorisé à m’inscrire.

      J’ai appris que je devais me battre pour passer les étapes. Je me suis engagé en participant à des manifestations et des rassemblements, des lettres ouvertes et des points d’information. J’ai pris la parole lors de réunions, devant des auditoires et j’ai essayé d’éclairer les gens sur la façon dont les minorités ont été traitées.

      Après tout ce temps, ma situation reste floue. Mon deuxième et, je l’espère, dernier rendez-vous avec les services d’immigration approche. J’ai l’impression que nous devons toujours encore faire nos preuves pour obtenir des améliorations dans nos vies. Dans l’ensemble, je considère cependant toute cette phase de ma vie comme une nouvelle expérience. Je ne connais personne qui souhaite s’enfouir vers un endroit inconnu, sans rien emporter, sans rien prévoir. Et c’est ce que j’ai fait.

      J’ai beaucoup appris et j’ai beaucoup gagné. Je me suis fait des amis et j’ai appris ce que sont la joie, l’amour et la paix. J’ai un petit boulot maintenant et un endroit où me poser. J’en suis reconnaissant. Il m’a fallu vivre une guerre pour comprendre et apprécier ce qu’est la paix. Il m’a fallu beaucoup de tristesse et de colère pour comprendre et apprécier ce qu’est la joie. Enfin, il m’a fallu ressentir beaucoup de haine et de peur pour comprendre et apprécier ce qu’est l’amour. Comme je l’ai dit au début, je peux voir la lumière au bout du tunnel".
      https://www.youtube.com/watch?v=DF6dmSgrXyw&embeds_euri=https%3A%2F%2Fwww.infomigrants.net%2F&featu


      J’ai beaucoup appris et j’ai beaucoup gagné. Je me suis fait des amis et j’ai appris ce que sont la joie, l’amour et la paix. J’ai un petit boulot maintenant et un endroit où me poser. J’en suis reconnaissant. Il m’a fallu vivre une guerre pour comprendre et apprécier ce qu’est la paix. Il m’a fallu beaucoup de tristesse et de colère pour comprendre et apprécier ce qu’est la joie. Enfin, il m’a fallu ressentir beaucoup de haine et de peur pour comprendre et apprécier ce qu’est l’amour. Comme je l’ai dit au début, je peux voir la lumière au bout du tunnel".

      https://www.infomigrants.net/fr/post/46084/collins-refugie-dukraine-en-allemagne--je-suis-passe-dun-etudiant-a-un

  • Guerre en #Ukraine : « On aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit »

    Le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, #Jean-Louis_Bourlanges, a évoqué dans « Europe Matin » vendredi la « vague migratoire » qui se prépare en Europe, après l’invasion militaire russe en Ukraine. « Ce sera sans doute une immigration de grande qualité », prévient toutefois le député MoDem.

    C’est l’une des conséquences majeures de l’invasion militaire russe en Ukraine. Des milliers d’Ukrainiens vont fuir leur pays pour échapper aux combats. Jeudi, près de 100.000 d’entre eux avaient déjà quitté leur foyer, selon l’ONU. Invité d’Europe Matin vendredi, le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, a dit s’attendre « à des mouvements » de population, sans en connaître l’ampleur. « Il faut prévoir (le flux migratoire). Ce sera sans doute une immigration de grande qualité », a évoqué le député MoDem au micro de Lionel Gougelot.

    Pourquoi Poutine a intérêt à pousser à l’immigration

    Pour Jean-Louis Bourlanges, les Ukrainiens qui s’apprêtent à quitter leur pays seront « des intellectuels, et pas seulement, mais on aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit », a-t-il ajouté. En revanche, le député a estimé que cela allait dans le sens du président russe. « Pour des raisons politiques très claires, monsieur Poutine aura intérêt à ce qu’il y ait ces mouvements pour deux raisons », a affirmé Jean-Louis Bourlanges.

    D’abord, « pour se débarrasser d’opposants potentiels dans son pays. S’ils sont à l’extérieur, ils ne le gêneront pas », analyse le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. « Et pour nous embarrasser nous-même », a-t-il ajouté, « exactement comme a fait Loukachenko à la frontière de la Biélorussie et de la Pologne. » "Nos amis polonais s’apprêtent à recevoir des flots massifs", a souligné Jean-Louis Bourlanges.

    https://www.europe1.fr/politique/guerre-en-ukraine-on-aura-une-immigration-de-grande-qualite-dont-on-pourra-t

    #classification #tri #réfugiés #asile #migrations #Urkaine #réfugiés_ukrainiens #bon_réfugié #mauvais_réfugié
    #à_vomir #racisme

    –-

    Les formes de #racisme qui montrent leur visage en lien avec la #guerre en #Ukraine... en 2 fils de discussion sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/951232

    ping @isskein @karine4

    • « Il y a un geste humanitaire évident parce que la nature des réfugiés n’est pas contestable, on voit bien ce qu’ils fuient.
      Ensuite parce que ce sont des européens de culture.
      Et puis nous ne sommes pas face à des migrants qui vont passer dans une logique d’immigration »


      https://twitter.com/caissesdegreve/status/1497579243944878082

      Commentaire de Louis Witter sur twitter :

      Ce genre de waf waf de la casse automobile remonteront au créneau quand on verra ces mêmes exilés à Calais.

      https://twitter.com/LouisWitter/status/1497685913429815299

      #réfugiés_européens #européens_de_culture #culture #vrais_réfugiés

    • For Ukraine’s Refugees, Europe Opens Doors That Were Shut to Others

      Thousands of Ukrainians will end up in countries led by nationalist governments that have been reluctant to welcome refugees in the past.

      Russia’s invasion of Ukraine has pushed tens of thousands of people out of their homes and fleeing across borders to escape violence. But unlike the refugees who have flooded Europe in crises over the past decade, they are being welcomed.

      Countries that have for years resisted taking in refugees from wars in Syria, Iraq and Afghanistan are now opening their doors to Ukrainians as Russian forces carry out a nationwide military assault. Perhaps 100,000 Ukrainians already have left their homes, according to United Nations estimates, and at least half of them have crowded onto trains, jammed highways or walked to get across their country’s borders in what officials warn could become the world’s next refugee crisis.

      U.N. and American officials described their concerted diplomatic push for Ukraine’s neighbors and other European nations to respond to the outpouring of need. President Biden “is certainly prepared” to accept refugees from Ukraine, Jen Psaki, the White House press secretary, said on Thursday, but she noted that the majority of them would probably choose to remain in Europe so they could more easily return home once the fighting ended.

      “Heartfelt thanks to the governments and people of countries keeping their borders open and welcoming refugees,” said Filippo Grandi, the head of the U.N. refugee agency. He warned that “many more” Ukrainians were moving toward the borders.

      That means thousands will end up in countries led by nationalist governments that in past crises have been reluctant to welcome refugees or even blocked them.

      In Poland, government officials assisted by American soldiers and diplomats have set up processing centers for Ukrainians. “Anyone fleeing from bombs, from Russian rifles, can count on the support of the Polish state,” the Polish interior minister, Mariusz Kaminski, told reporters on Thursday. His government is spending hundreds of millions of dollars on a border wall, a project it began after refugees and migrants from the Middle East tried to reach the country last year but ended up marooned in neighboring Belarus.

      The military in Hungary is allowing in Ukrainians through sections of the border that had been closed. Hungary’s hard-line prime minister, Viktor Orban, has previously called refugees a threat to his country, and his government has been accused of caging and starving them.

      Farther West, Chancellor Karl Nehammer of Austria said that “of course we will take in refugees if necessary” in light of the crisis in Ukraine. As recently as last fall, when he was serving as interior minister, Mr. Nehammer sought to block some Afghans seeking refuge after the Taliban overthrew the government in Kabul.
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      “It’s different in Ukraine than in countries like Afghanistan,” he was quoted as saying during an interview on a national TV program. “We’re talking about neighborhood help.”

      Mr. Nehammer also said the number of Ukrainians seeking help was expected to be relatively small. At least 1.3 million people — mostly from Syria, Iraq and Afghanistan — applied for asylum in Europe in 2015 during what was widely regarded as the worst refugee crisis since World War II, stretching national budgets and creating a backlash of political nativism in countries across the continent.

      Some estimates project that at least one million refugees will flee Ukraine because of the Russian invasion. Linda Thomas-Greenfield, the U.S. ambassador to the United Nations, said this past week that the fighting could uproot as many as five million people, “putting pressure on Ukraine’s neighbors.”

      Diplomats and experts said European states that are willing to take in Ukrainians might be trying, in part, to highlight Russian aggressions against civilians by offering a humanitarian response. “If you think of causing the refugee crisis as one of Putin’s tools to destabilize the West, then a calm, efficient, orderly response is a really good rebuke to that,” said Serena Parekh, a professor at Northeastern University in Boston and the director of its politics, philosophy and economics program.

      “On the other hand,” said Ms. Parekh, who has written extensively about refugees, “it’s hard not to see that Ukrainians are white, mostly Christian and Europeans. And so in a sense, the xenophobia that’s really arisen in the last 10 years, particularly after 2015, is not at play in this crisis in the way that it has been for refugees coming from the Middle East and from Africa.”

      The Biden administration is also facing calls to take in Ukrainian refugees, much in the way it gave residency or humanitarian parole to more than 75,000 Afghans when the Taliban seized power in August.

      It is unlikely, at the moment at least, that the United States would offer a humanitarian parole program for Ukrainians that goes above what is currently allowed for the total number of refugee admissions for the current fiscal year. That number is capped at 125,000 this year — including 10,000 refugees from Europe and Central Asia. The guidelines set aside another 10,000 slots for refugees from any part of the world, as regional emergencies warrant.

      Ms. Psaki did not comment when asked by a reporter whether the administration would offer temporary residency protections, a program known as T.P.S., to Ukrainian students, workers and others who are in the United States to ensure they are not deported when their legal visas expire.

      “The war in Ukraine is exactly the type of crisis T.P.S. was created for — to allow people to live and work in the United States when they are unable to return home safely,” Senator Bob Menendez, Democrat of New Jersey and the chairman of the Foreign Relations Committee, said on Thursday night.

      Ms. Psaki said the United States had sent an estimated $52 million in humanitarian aid to Ukraine over the last year to help people, mostly in the eastern Donbas region, where the current war began as a slow-burn conflict between Ukraine’s military and Russian-backed separatists in 2014. Nearly 1.5 million people had been forced from their homes by the fighting even before the invasion this past week.

      Additionally, the U.S. Agency for International Development sent a team of disaster experts to Poland in the past week to assess demand for aid to the region — including water, food, shelter, medicine and other supplies — and to coordinate its delivery. Hours after the invasion began, the United Nations announced it would divert $20 million in emergency funds for humanitarian assistance to Ukrainians, mostly to the Donbas region.

      A European diplomat who is closely watching the refugee flow from Ukraine said neighboring nations might also feel the pull of history in welcoming people in danger as a direct result of Russia’s aggressions. A Soviet crackdown on a Hungarian uprising in 1956, for example, resulted in 200,000 refugees, most of whom fled to Austria before they were settled in dozens of countries across Europe. Between 80,000 and 100,000 people — and perhaps even more than that — left what was then Czechoslovakia to escape a Soviet invasion in 1968 that was launched to silence pro-democracy Prague Spring protests.

      In both cases, the United States sent aid to help European countries settle refugees and, in the Hungarian crisis, “in a matter of months, there were no more refugees — they had been found a permanent home,” Ms. Parekh said.

      That was largely the result of the United States working with European states to resettle the Hungarians, she said, calling the effort “an exception, historically.”

      “It was a similar thing — people fleeing our Russian enemy — that motivated us,” she said.

      https://www.nytimes.com/2022/02/26/us/politics/ukraine-europe-refugees.html?smid=tw-share

      #fermeture_des_frontières #ouverture_des_frontières #frontières

    • Deserving and undeserving refugees ...

      On February 24, 2022, Russia invaded Ukraine. Appearing on television from an undisclosed location, Ukraine’s president, Volodymyr Zelenskyy, warned the world that Vladimir Putin was attacking not only his country, but waging “a war against Europe.”

      Following the all-out invasion of Ukraine by land, air and sea, Ukrainians began fleeing their homes in the eastern part of the country. Most were headed to other parts of Ukraine, while others began to trickle across international borders into Poland and other Central European countries. It is hard to predict how many of the 44 million Ukrainians will seek refugee outside the borders of their country.

      When refugees flee, we watch who offers safe haven and assistance.

      Hours after the Russian attack on Ukraine, the Bureau for Foreigners’ Affairs in the Polish Ministry of Interior set up a website, in Polish and in Ukrainian, offering information on available assistance to Ukrainian refugees. The website provides legal information on how to launch an asylum claim and regularize one’s stay in Poland. It also provides scannable QR codes for eight reception centers near crossing points on the 500-kilometer Polish-Ukrainian border. Adam Niedzielski, the Polish Health Minister, said Poland will set up a special medical train to ferry injured people to 120 Polish hospitals. “We think that at this moment it would be possible to accept several thousand patients — wounded in military actions,” he told Politico.

      Poland has even made an exception for Ukrainians evacuating with their pets. The Chief Veterinarian of Poland has eased restrictions on dogs and cats crossing the Polish border.

      Don’t get me wrong, I think Ukrainians (and their pets) should receive as much assistance as they need, but the irony of this immediate offer to help, extended by the Polish government and the rest of the Visegrád 4, is not lost on me.

      The Ukrainian refugees are white, European, and Christian. They are the “deserving refugees.”

      Slovakia’s Prime Minister explicitly stated that everyone fleeing the war deserves help according to international law. The Visegrád group’s position was quite different following the “refugee crisis” of 2015.

      The Polish government led by the nationalist Law and Justice (PiS) party refused to take part in the EU efforts to relocate and resettle asylum seekers arriving in other member countries. Hungary recruited border hunters and erected barbed wire fence along its border with Serbia. On September 16, 2016, the V4 issued a joint statement expressing concern about the decreasing sense of security resulting from the arrival of Muslim refugees from war-torn Syria; vowing to cooperate with third countries to protect borders, and calling for “flexible solidarity.”

      I am glad that Poland, my country of birth, wants to extend a helping hand to Ukrainians fleeing war and accept as many as one million refugees if necessary.

      At the same time, I cannot forget the Afghans and Syrians at the Polish-Belarusian border, dying in the cold winter forest in an attempt to cross into Poland to launch an asylum claim. They are kept at arm’s length. Because they are Muslim, the Polish government sees them as a security threat. Citing danger to Polish citizens living in the borderlands, on September 2, 2021, the President of Poland declared a state of emergency in 15 localities in the Podlasie Province and 68 localities in the Lublin Province.

      These brown and non-Christian asylum seekers are apparently not the deserving ones.

      https://www.elzbietagozdziak.com/post/deserving-and-undeserving-refugees

    • Propositions d’accorder une #protection_temporaire aux réfugiés urkainiens de la part des pays de l’UE :

      While a proposal to activate the 2001 #Temporary_Protection_Directive for Ukrainians fleeing the country was “broadly welcomed” by the ministers during their extraordinary meeting on Sunday (27 February), a formal decision will only be made on Thursday, EU Home Affairs and Migration Commissioner Ylva Johansson said after the talks.
      The exceptional measure, which has never been activated before, is meant to deal with situations where the standard asylum system risks being overburdened due to a mass influx of refugees.

      https://seenthis.net/messages/951046

    • [Thread] Here is a collection of most racist coverage of #Russia's attack on #Ukraine. We are being told who deserves war, missiles, & who looks like a good refugee.
      This only serves to mislead viewers & decontextualise conflicts. Hypocrisy & its randomness..

      https://twitter.com/saracreta/status/1498072483819307011

    • Réfugiés ukrainiens : l’indignité derrière la solidarité

      Pour justifier leur soudain élan d’humanité, certains éditorialistes et responsables politiques n’ont rien trouvé de mieux que de distinguer les bons et les mauvais réfugiés. Ils convoquent leur « ressemblance » avec les Ukrainiens, mais n’expriment rien d’autre que leur racisme.

      Pour justifier leur soudain élan d’humanité, certains éditorialistes et responsables politiques n’ont rien trouvé de mieux que de distinguer les bons et les mauvais réfugiés. Ils convoquent leur « ressemblance » avec les Ukrainiens, mais n’expriment rien d’autre que leur racisme.

      « L’hypocrisie, toujours la même. » Cédric Herrou n’a pas caché son écœurement en découvrant le message posté, samedi dernier, par le maire de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) en solidarité avec la population ukrainienne. « Le même maire qui a fait sa campagne électorale contre l’accueil que nous avions fait pour d’autres populations victimes de guerres. Seule différence, ces populations étaient noires », a réagi l’agriculteur, l’un des symboles de l’aide aux migrants, grâce auquel la valeur constitutionnelle du principe de fraternité a été consacrée en 2018.

      Un principe qui se rappelle depuis quelques jours au souvenir de nombreuses personnes qui semblaient l’avoir oublié, trop occupées qu’elles étaient à se faire une place dans un débat public gangréné par le racisme et la xénophobie. Il y a deux semaines, lorsque la guerre russe était un spectre lointain et que la campagne présidentielle s’accrochait aux seules antiennes d’extrême droite, rares étaient celles à souligner que la solidarité n’est pas une insulte et qu’elle ne constitue aucun danger.

      Les mêmes qui jonglaient avec les fantasmes du « grand remplacement » et agitaient les questions migratoires au rythme des peurs françaises expliquent aujourd’hui que l’accueil des réfugiés ukrainiens en France est un principe qui ne se discute pas. À l’exception d’Éric Zemmour, dont la nature profonde – au sens caverneux du terme – ne fait plus aucun mystère, la plupart des candidat·es à la présidentielle se sont prononcé·es en faveur de cet accueil, à quelques nuances près sur ses conditions.

      Mais parce que le climat politique ne serait pas le même sans ce petit relent nauséabond qui empoisonne toute discussion, des responsables politiques et des éditorialistes se sont fourvoyés dans des explications consternantes, distinguant les réfugiés de l’Est de ceux qui viennent du Sud et du Moyen-Orient. Ceux auxquels ils arrivent à s’identifier et les autres. Ceux qui méritent d’être aidés et les autres. Les bons et les mauvais réfugiés, en somme.

      Ainsi a-t-on entendu un éditorialiste de BFMTV expliquer que cette fois-ci, « il y a un geste humanitaire immédiat, évident [...] parce que ce sont des Européens de culture » et qu’« on est avec une population qui est très proche, très voisine », quand un autre soulignait qu’« on ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime syrien [mais] d’Européens qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route et qui essaient de sauver leur vie, quoi ! »

      Dès le 25 février, sur Europe 1, le député MoDem Jean-Louis Bourlanges, qui n’occupe rien de moins que la présidence de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, avait quant à lui indiqué qu’il fallait « prévoir un flux migratoire ». Mais attention : « ce sera sans doute une immigration de grande qualité », avait-il pris soin de préciser, évoquant « des intellectuels, et pas seulement ». Bref, « une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit ».

      Ces propos ont suscité de vives réactions que l’éditorialiste de BFMTV et l’élu centriste ont balayées avec la mauvaise foi des faux crédules mais vrais politiciens, le premier les renvoyant à « la gauche “wokiste” » – un désormais classique du genre –, le deuxième à « l’extrême gauche » – plus classique encore, éculé même. « Il faut avoir un esprit particulièrement tordu pour y voir une offense à l’égard de quiconque », a ajouté Jean-Louis Bourlanges, aux confins du « on ne peut plus rien dire ».

      C’est vrai enfin, s’indignerait-on aux « Grandes Gueules », « c’est pas du racisme, c’est la loi de la proximité ». D’ailleurs, le même type de commentaire a fleuri dans des médias étrangers, tels CBS News, Al Jazzeera, la BBC ou The Telegraph, comme autant de « sous-entendus orientalistes et racistes » condamnés par l’Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient (Ameja). Preuve, s’il en fallait, que le racisme – pardon, « la loi de proximité » – n’est pas une exception française.

      Suivant la directive d’Emmanuel Macron qui a confirmé que « la France prendra sa part » dans l’accueil des réfugiés ukrainiens, le gouvernement multiplie lui aussi les communications depuis quelques jours, le plus souvent par la voix du ministre de l’intérieur. Ces réfugiés « sont les bienvenus en France » a ainsi déclaré Gérald Darmanin lundi, avant d’appeler « tous les élus […] à mettre en place un dispositif d’accueil » et à « remonter, les associations, les lieux d’hébergement au préfet ».

      Dans le même élan de solidarité, la SNCF a annoncé que les réfugiés ukrainiens pourraient désormais « circuler gratuitement en France à bord des TGV et Intercités ». « Belle initiative de la SNCF mais je rêve d’une solidarité internationale étendue à TOUS les réfugiés, qu’ils fuient la guerre en Ukraine ou des conflits armés en Afrique ou encore au Moyen-Orient. Les réfugiés ont été et sont encore trop souvent refoulés et maltraités », a réagi la présidente d’Amnesty International France, Cécile Coudriou.

      Car au risque de sombrer dans le « wokisme » – ça ne veut rien dire, mais c’est le propre des appellations fourre-tout –, on ne peut s’empêcher de noter que ces initiatives, plus que nécessaires, tranchent singulièrement avec les politiques à l’œuvre depuis des années au détriment des exilé·es : l’absence de dispositif d’accueil digne de ce nom ; le harcèlement quasi quotidien de la part des forces de l’ordre, qui lacèrent des tentes, s’emparent des quelques biens, empêchent les distributions de nourriture ; le renforcement permanent des mesures répressives…

      Or comme l’écrivait récemment la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi, « un accueil digne, une aide sans condition, un accès immédiat à des repas, à des soins, à des logements, un soutien psychologique, devraient être accordés à toute personne qui est en France et qui souffre. Mais c’est sans compter le racisme qui distribue l’humanité et l’inhumanité ». C’est bien lui qui se profile aujourd’hui derrière la solidarité retrouvée de certain·es.

      Le 16 août 2021, alors que les images d’Afghans s’accrochant au fuselage d’avions pour fuir l’avancée des talibans faisaient le tour du monde, Emmanuel Macron déclarait : « L’Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants. » Imagine-t-on cette phrase prononcée dans le contexte actuel ? La réponse est évidemment non. Et son corollaire fait honte.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/010322/refugies-ukrainiens-l-indignite-derriere-la-solidarite

    • They are ‘civilised’ and ‘look like us’: the racist coverage of Ukraine

      Are Ukrainians more deserving of sympathy than Afghans and Iraqis? Many seem to think so

      While on air, CBS News senior foreign correspondent Charlie D’Agata stated last week that Ukraine “isn’t a place, with all due respect, like Iraq or Afghanistan, that has seen conflict raging for decades. This is a relatively civilized, relatively European – I have to choose those words carefully, too – city, one where you wouldn’t expect that, or hope that it’s going to happen”.

      If this is D’Agata choosing his words carefully, I shudder to think about his impromptu utterances. After all, by describing Ukraine as “civilized”, isn’t he really telling us that Ukrainians, unlike Afghans and Iraqis, are more deserving of our sympathy than Iraqis or Afghans?

      Righteous outrage immediately mounted online, as it should have in this case, and the veteran correspondent quickly apologized, but since Russia began its large-scale invasion on 24 February, D’Agata has hardly been the only journalist to see the plight of Ukrainians in decidedly chauvinistic terms.

      The BBC interviewed a former deputy prosecutor general of Ukraine, who told the network: “It’s very emotional for me because I see European people with blue eyes and blond hair … being killed every day.” Rather than question or challenge the comment, the BBC host flatly replied, “I understand and respect the emotion.” On France’s BFM TV, journalist Phillipe Corbé stated this about Ukraine: “We’re not talking here about Syrians fleeing the bombing of the Syrian regime backed by Putin. We’re talking about Europeans leaving in cars that look like ours to save their lives.”

      In other words, not only do Ukrainians look like “us”; even their cars look like “our” cars. And that trite observation is seriously being trotted out as a reason for why we should care about Ukrainians.

      There’s more, unfortunately. An ITV journalist reporting from Poland said: “Now the unthinkable has happened to them. And this is not a developing, third world nation. This is Europe!” As if war is always and forever an ordinary routine limited to developing, third world nations. (By the way, there’s also been a hot war in Ukraine since 2014. Also, the first world war and second world war.) Referring to refugee seekers, an Al Jazeera anchor chimed in with this: “Looking at them, the way they are dressed, these are prosperous … I’m loath to use the expression … middle-class people. These are not obviously refugees looking to get away from areas in the Middle East that are still in a big state of war. These are not people trying to get away from areas in North Africa. They look like any.” Apparently looking “middle class” equals “the European family living next door”.

      And writing in the Telegraph, Daniel Hannan explained: “They seem so like us. That is what makes it so shocking. Ukraine is a European country. Its people watch Netflix and have Instagram accounts, vote in free elections and read uncensored newspapers. War is no longer something visited upon impoverished and remote populations.”

      What all these petty, superficial differences – from owning cars and clothes to having Netflix and Instagram accounts – add up to is not real human solidarity for an oppressed people. In fact, it’s the opposite. It’s tribalism. These comments point to a pernicious racism that permeates today’s war coverage and seeps into its fabric like a stain that won’t go away. The implication is clear: war is a natural state for people of color, while white people naturally gravitate toward peace.

      It’s not just me who found these clips disturbing. The US-based Arab and Middle Eastern Journalists Association was also deeply troubled by the coverage, recently issuing a statement on the matter: “Ameja condemns and categorically rejects orientalist and racist implications that any population or country is ‘uncivilized’ or bears economic factors that make it worthy of conflict,” reads the statement. “This type of commentary reflects the pervasive mentality in western journalism of normalizing tragedy in parts of the world such as the Middle East, Africa, south Asia, and Latin America.” Such coverage, the report correctly noted, “dehumanizes and renders their experience with war as somehow normal and expected”.

      More troubling still is that this kind of slanted and racist media coverage extends beyond our screens and newspapers and easily bleeds and blends into our politics. Consider how Ukraine’s neighbors are now opening their doors to refugee flows, after demonizing and abusing refugees, especially Muslim and African refugees, for years. “Anyone fleeing from bombs, from Russian rifles, can count on the support of the Polish state,” the Polish interior minister, Mariusz Kaminski, recently stated. Meanwhile, however, Nigeria has complained that African students are being obstructed within Ukraine from reaching Polish border crossings; some have also encountered problems on the Polish side of the frontier.

      In Austria, Chancellor Karl Nehammer stated that “of course we will take in refugees, if necessary”. Meanwhile, just last fall and in his then-role as interior minister, Nehammer was known as a hardliner against resettling Afghan refugees in Austria and as a politician who insisted on Austria’s right to forcibly deport rejected Afghan asylum seekers, even if that meant returning them to the Taliban. “It’s different in Ukraine than in countries like Afghanistan,” he told Austrian TV. “We’re talking about neighborhood help.”

      Yes, that makes sense, you might say. Neighbor helping neighbor. But what these journalists and politicians all seem to want to miss is that the very concept of providing refuge is not and should not be based on factors such as physical proximity or skin color, and for a very good reason. If our sympathy is activated only for welcoming people who look like us or pray like us, then we are doomed to replicate the very sort of narrow, ignorant nationalism that war promotes in the first place.

      The idea of granting asylum, of providing someone with a life free from political persecution, must never be founded on anything but helping innocent people who need protection. That’s where the core principle of asylum is located. Today, Ukrainians are living under a credible threat of violence and death coming directly from Russia’s criminal invasion, and we absolutely should be providing Ukrainians with life-saving security wherever and whenever we can. (Though let’s also recognize that it’s always easier to provide asylum to people who are victims of another’s aggression rather than of our own policies.)

      But if we decide to help Ukrainians in their desperate time of need because they happen to look like “us” or dress like “us” or pray like “us,” or if we reserve our help exclusively for them while denying the same help to others, then we have not only chosen the wrong reasons to support another human being. We have also, and I’m choosing these words carefully, shown ourselves as giving up on civilization and opting for barbarism instead.

      https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/mar/02/civilised-european-look-like-us-racist-coverage-ukraine?CMP=Share_iOSAp

    • Guerre en Ukraine : « Nos » réfugiés d’abord ?

      Il est humainement inacceptable que l’Europe et la Belgique fassent une distinction entre des réfugiés qui fuient la guerre depuis un pays du continent européen et les autres.

      Bonne nouvelle : le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Sammy Mahdi met tout en œuvre pour accueillir dans notre pays le plus grand nombre possible de personnes fuyant l’Ukraine. Elles peuvent compter sur une protection automatique d’un an, extensible à trois ans si nécessaire. Cet accord (européen) inconditionnel, sans procédure d’asile, est unique et sans précédent. Mais sur quoi se base-t-il ?

      « Nous avons le devoir moral d’aider et de faire preuve de solidarité », a déclaré le secrétaire d’État dans De Zevende Dag. « Nous ne devons pas tarder à mettre à disposition un refuge sûr. »

      Un demi-million d’Ukrainiens ont déjà fui le pays vers l’Europe, et six à sept millions d’autres pourraient suivre. Une telle réponse humaine et directe aux personnes qui fuient la guerre doit être saluée. Les personnes dont la vie est menacée par la guerre méritent un refuge sûr ailleurs, un statut légal et une aide de base pour survivre. En cela, l’hospitalité de Mahdi suit l’esprit de la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951 et du Protocole de New York de 1967. C’est un geste logique et humain.
      Frontières sacrées

      Toutefois, le contraste est troublant avec la réaction européenne envers tant d’autres personnes démunies qui ont dû quitter des zones de conflit turbulentes et qui sont « accueillies » à nos frontières extérieures par de hauts murs, des barbelés et une surveillance numérique dans laquelle l’UE investit des milliards. Les mêmes ministres européens de la Migration qui accueillent aujourd’hui les Ukrainiens/nes à bras ouverts se tenaient à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie en janvier dernier, en contemplant le nouveau parapet de la forteresse Europe.

      Un mur similaire est actuellement en cours de construction entre la Pologne et la Biélorussie, pour un coût de 350 millions d’euros : 5,5 m de haut, 186 km de long. Sur Facebook, le Premier ministre polonais a posté : « La frontière polonaise n’est pas seulement une ligne sur une carte. La frontière est sainte – le sang polonais a été versé pour elle ! »

      C’est précisément sur cette frontière sacrée qu’au moins 19 personnes ont été retrouvées mortes (gelées) depuis le début des travaux : des personnes originaires du Yémen, d’Irak et du Nigeria.

      Apparemment, la souffrance est mesurable sur une échelle. Apparemment, comme l’écrit la philosophe Judith Butler, certaines vies méritent d’être pleurées tandis que d’autres peuvent être traquées, illégalisées, exploitées sur le marché du travail et laissées à la merci de la politique belge d’asile et de migration. Comme si un habitant de Kaboul avait moins de raisons humaines de fuir qu’un habitant de Kiev ? Comme si notre « devoir moral d’aider » était aussi un interrupteur que l’on peut allumer et éteindre à volonté ? Alors que sous l’ancien secrétaire d’État Theo Francken, un projet de loi autorisait la police à faire une simple descente chez tous ceux qui accueillent des personnes déplacées, le hashtag #PlekVrij (#EspaceLibre) appelle désormais les citoyens/nes à libérer des chambres pour les familles ukrainiennes. Il n’y a pas plus schizophrène que cela dans l’État belge.

      Trouvez les dix différences

      Une mère réfugiée avec son enfant et une mère réfugiée avec son enfant : cherchez les dix différences. La principale différence est claire : si la mère porte un foulard ou si l’enfant est moins blanc, on aurait moins envie de les laisser entrer. Plusieurs Ukrainiens/n.s et résidents/es en Ukraine noirs témoignent aujourd’hui sur les médias sociaux de la façon dont ils ont été arrêtés/es à la frontière polonaise, volés/es et abandonnés/es à leur sort. La conclusion évidente va à l’encontre de toute convention internationale : notre politique d’asile européenne et belge est discriminatoire sur la base de la couleur et de la religion. Nos réfugiés à nous passent avant tout le monde.

      La décision véhémente de Mahdi rappelle presque l’« opération de sauvetage » controversée et très sélective de 1.500 chrétiens syriens menée par Francken en 2015. En même temps, les Afghans/nes n’ont pas pu compter sur la solidarité de Mahdi sur Twitter lors de la prise du pouvoir par les talibans l’année dernière. À l’époque, il avait écrit, avec cinq collègues de l’UE, une autre lettre à la Commission européenne pour demander que les rapatriements forcés vers l’Afghanistan ne cessent pas : « L’arrêt des retours forcés envoie un mauvais signal et incite probablement encore plus de citoyens/nes afghans/nes à quitter leur foyer. »

      Ceux qui insinuent que fuir la guerre en Ukraine est en effet « quelque chose de différent » que de fuir un conflit armé en Afghanistan, doivent enfin invoquer le type de solidarité populaire historique que beaucoup méprisent aujourd’hui chez Poutine. Il s’agit d’une distinction peu différente de l’aryanisme latent dont un procureur ukrainien s’est fait l’écho sur la BBC : « Cette guerre est très émotionnelle pour moi parce que je vois maintenant des Européens aux yeux bleus et aux cheveux blonds se faire tuer. » (1) Dans l’Europe de 2022, même dans la mort, tout le monde n’est pas égal.

      Pensez aux 23.000 personnes qui sont mortes en Méditerranée depuis 2014 à cause du régime frontalier européen. Le nationalisme de la Russie et le continentisme de l’UE ont peut-être des visages différents, mais des conséquences mortelles similaires.
      #InMyName

      Par conséquent, la préoccupation actuelle pour l’Ukraine ne devrait pas être une exception, mais devrait devenir la norme pour tous ceux qui sont contraints de quitter leur patrie. Tant que cette égalité n’est pas atteinte, le régime d’accueil spécial de l’Europe n’indique pas l’hospitalité, mais la suprématie blanche. Une fois de plus, ce statut spécial pour les Ukrainiens/nes confirme ce que 160 avocats/es belges spécialisés/es dans le droit de l’immigration ont dénoncé dans une lettre ouverte parue dans La Libre en décembre : notre politique de régularisation n’est que du vent.

      Devrons-nous donc espérer qu’à chaque crise, le secrétaire d’État se comporte en héros : « tel ou tel groupe a désormais droit à notre accueil temporaire et exceptionnel » ?

      Non, nous avons besoin de cadres juridiques équitables pour le long terme. Ce que l’État belge offre aujourd’hui, à juste titre, aux citoyens/nes ukrainiens/nes devrait s’appliquer à tout le monde : attention, confiance fondamentale, action rapide, absence d’ambiguïté. Si nous pouvons prendre en charge des millions de victimes de Poutine, nous devrions également être en mesure de garantir un avenir à quelques dizaines de milliers de concitoyens/nes sans papiers en Belgique. On dirait qu’il y a un #EspaceLibre.

      https://www.lesoir.be/427956/article/2022-03-04/guerre-en-ukraine-nos-refugies-dabord
      #Belgique

    • Le vrai ou faux : les réfugiés ukrainiens sont-ils mieux accueillis que d’autres ?

      En plus d’une exemption de procédure, les réfugiés venant d’Ukraine bénéficient d’un effort d’accueil en décalage par rapport aux standards européens.
      Depuis des semaines, la Belgique laisse chaque jour une partie des demandeurs d’asile sur le carreau, sans prise en charge, renvoyant les déçus vers les réseaux d’accueil de sans-abrisme, voire les squats et la rue. L’Etat est en faute, il a été condamné pour cela. Mais le secrétaire d’Etat et son administration n’ont cessé d’assurer faire leur possible pour aménager de nouvelles places, ne pouvant cependant couvrir les besoins. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et le mouvement de solidarité face aux déjà deux millions de réfugiés boutés hors du pays, 24.000 places d’accueil ont été mises à disposition en quelques jours par les communes et les particuliers pour accueillir les réfugiés en Belgique. Le système est encore boiteux, mais la mobilisation est là. Les élus tonnent au Parlement et sur les réseaux sociaux : il n’est pas question de laisser un Ukrainien sans toit. Et Theo Francken (N-VA) de surenchérir : un toit ne suffit pas, il faut penser à l’accompagnement psychologique des personnes traumatisées par la guerre. Voilà des années pourtant que les associations alertent sur l’indigence de la prise en charge psychologique des réfugiés, sans trouver d’écho.

      L’Union européenne est-elle en train de formaliser un double standard pour les réfugiés, avec des Ukrainiens bénéficiant d’un statut automatique et des Erythréens, Syriens, Afghans soumis à une procédure d’asile longue et souvent douloureuse ? Oui. Y a-t-il lieu de s’en offusquer ? Tout dépend de ce dont on parle.

      L’activation de la protection temporaire qui octroie automatiquement une série de droits aux ressortissants ukrainiens ayant quitté le pays depuis le début du conflit a été unanimement saluée, tout comme l’élan de solidarité qui l’accompagne dans les pays européens. La question qui se pose depuis est plutôt de savoir pourquoi elle n’avait jamais été appliquée jusqu’à maintenant ? Qu’il s’agisse des déplacements de populations provoqués par les printemps arabes (en Tunisie, en Libye) ou la guerre en Syrie, les occasions n’ont pas manqué depuis sa création en 2001.

      Meltem Ineli Ciger a passé près de sept ans de sa vie à étudier la question. Pour sa thèse, à l’université de Bristol, puis à l’occasion de diverses publications jusqu’en 2018. De quoi construire une solide analyse expliquant pourquoi la directive est de facto inapplicable : maladresse dans la définition des termes et conditions, mécanisme d’activation trop complexe, défaut de solidarité structurel… Il n’aura fallu que quelques jours pour envoyer son travail à la poubelle (ou pas loin). « Comme j’ai pu avoir tort », relève non sans humour et amertume la juriste turque dans une note de blog du réseau Odysseus, spécialisé dans le droit européen de la migration. « Les événements de ces deux dernières semaines montrent une chose : les raisons que j’avais identifiées au fil des ans se réduisent à une réflexion : la directive protection temporaire n’a pas été implémentée avant 2022 parce que la Commission et le Conseil n’avaient simplement pas la volonté politique de le faire. »

      Un flux massif et inédit

      La chercheuse, aujourd’hui professeur assistante à l’université Suleyman Demirel, en Turquie, a donc revu sa copie, dressant des constats que rejoignent les différents experts contactés.

      D’abord, le caractère massif et inédit des flux de réfugiés ukrainiens. Même si les grands mouvements d’asile de 2015-2016 ont amené plus de 2 millions de personnes dans l’Union européenne, les flux se sont répartis sur deux ans. Et les Syriens, qui auraient pu prétendre à une protection automatique, ne représentaient qu’un gros quart des demandeurs. Une pression jugée absorbable par le système classique d’asile. Ici, deux millions de personnes ont traversé les frontières en 12 jours. Impossible de mener des évaluations individuelles détaillées sans provoquer des engorgements dramatiques, que ce soit à la frontière ou dans les pays d’arrivée où le système d’asile est parfois déjà en état de saturation (comme en Belgique). Surtout qu’il n’y a pas de débat quant à savoir les personnes déplacées ont besoin de protection.

      L’autre facteur, c’est la crainte de l’appel d’air, qui a jusque-là systématiquement retenu les Etats membres. « L’enjeu, c’est l’hinterland », souligne Jean-Louis De Brouwer (Institut Egmont), qui a participé à la création de la directive. « Quand il y a la crise en Syrie ou en Afghanistan, les réfugiés vont traverser de vastes territoires qui peuvent être des pays de premier accueil. La réaction systématique et immédiate de l’Union européenne, c’est de dire : on va aider les pays limitrophes. La crainte étant qu’en activant un statut perçu comme potentiellement trop généreux tout le monde veuille venir en Europe. » Une forme de solidarité a minima qui s’accompagne d’un travail de sécurisation de la frontière via des accords avec des pays tiers d’accueil ou de transit (comme la Turquie, le Niger ou la Libye), des entraves (barbelés, murs), voire des opérations de refoulement illégales. « Ici, il n’est pas question d’appel d’air : quand les réfugiés franchissent la frontière, ils sont sur le territoire européen. »
      Une empathie sélective

      Enfin, les Ukrainiens sont européens (eux). Les médias n’ont pas tardé à rapporter les dérapages d’hommes politiques ou journalistes qualifiant cette population réfugiée d’inhabituelle car « éduquée » et issue de régions « civilisées », signes d’une empathie sélective reposant parfois sur des biais douteux. Sans parler des discriminations des étudiants étrangers, notamment nigérians, bloqués à la frontière polonaise.

      Une des rares modifications apportée par les Etats membres à la proposition de la Commission pour activer la directive a été d’exclure du mécanisme les ressortissants de pays tiers sans résidence permanente (les étudiants et les demandeurs d’asile par exemple). Et parce que les Ukrainiens sont européens, les Etats membres ont totalement renversé les paradigmes cadrant normalement les questions d’asile : les réfugiés sont ici invités à s’installer dans le pays de leur choix. La solidarité européenne se construira à partir de cette répartition spontanée et non en vertu de règles définissant des pays (frontaliers) responsables. Si cette approche résulte d’un certain pragmatisme (les Ukrainiens n’ont pas d’obligation de visa et peuvent se déplacer librement pendant 90 jours), elle est encouragée et présentée très positivement par la Commission. A 180 degrés des discours portés ces dernières années concernant les demandeurs d’asile, bloqués par le carcan d’une procédure Dublin (*) que tout le monde reconnaît pourtant comme inefficace et coûteuse.

      A vrai dire, l’enjeu du double standard devrait peser surtout dans les mois qui viennent, à supposer que le conflit en Ukraine se poursuive. La protection temporaire et le statut de réfugié ouvrent des droits assez similaires (séjour, accès au marché du travail, aux droits sociaux…). Il s’agira donc de voir si les dispositifs déployer pour aider et accueillir les Ukrainiens – pour l’accès au logement, au travail, à l’apprentissage de la langue – sans laisser sur la touche les autres réfugiés, voire les populations européennes précarisées

      https://www.lesoir.be/428815/article/2022-03-08/le-vrai-ou-faux-les-refugies-ukrainiens-sont-ils-mieux-accueillis-que-dautres

      #double_standard #empathie_sélective

    • #Grèce : Πραγματική προσφυγική πολιτική μόνο για Ουκρανούς
      –->

      Une véritable politique des réfugiés uniquement pour les Ukrainiens

      Πολλοί από τους χιλιάδες Ουκρανούς πρόσφυγες που έφτασαν στην Ελλάδα δεν έχουν χαρτιά, αλλά κανείς δεν διανοήθηκε να τους πει « παράνομους » ή « λαθραίους », να τους χαρακτηρίσει « υγειονομική απειλή » λόγω της πανδημίας, να μιλήσει για απειλή στην εδαφική ακεραιότητα, να υπαινιχθεί αλλοίωση του εθνικού μας πολιτισμού, να επισημάνει ανυπέρβλητες γλωσσικές και πολιτισμικές διαφορές που εμποδίζουν την ένταξή τους στην ελληνική κοινωνία, να εκφράσει φόβο για αύξηση της εγκληματικότητας ή να υπαινιχθεί ότι θα μας πάρουν τις δουλειές.

      Μέσα σε μια νύχτα τα κλειστά σύνορα άνοιξαν και δημιουργήθηκε ασφαλής και νόμιμη διαδρομή μέσω του Προμαχώνα, όπου οι πρόσφυγες υποβάλλουν αίτημα για ταξιδιωτικά έγγραφα. Το υπουργείο Μετανάστευσης και Ασύλου διαθέτει άμεσα χώρο στέγασης και σίτιση και ο κ. Μηταράκης, που μέχρι πρόσφατα ανακοίνωνε κλείσιμο δομών και εξώσεις, τώρα επιθεωρεί δομές της βόρειας Ελλάδας που ξαναγεμίζουν. Η υπηρεσία Ασύλου, κλειστή από τον Νοέμβριο για χιλιάδες νεοεισερχόμενους πρόσφυγες της ενδοχώρας που δεν μπορούν να ζητήσουν άσυλο, ανοίγει ξαφνικά για να δεχτεί τα αιτήματα των Ουκρανών για προσωρινή προστασία.

      Οι αρχές προαναγγέλλουν άμεση έκδοση ΑΜΚΑ και ΑΦΜ και γρήγορη πρόσβαση στην αγορά εργασίας, ενώ το υπουργείο Παιδείας απλοποιεί την εγγραφή των Ουκρανών προσφυγόπουλων στα σχολεία, που έχει ήδη αρχίσει. Μέσα σε λίγες μέρες το κράτος μοιάζει ξαφνικά με καλολαδωμένη μηχανή που λύνει προβλήματα αντί να βάζει εμπόδια. Η νέα κανονικότητα που δημιουργεί στο προσφυγικό η ρωσική εισβολή στην Ουκρανία είναι επιθυμητή και καλοδεχούμενη. Αναδεικνύει όμως τη βαθιά υποκρισία της ευρωπαϊκής και ελληνικής αντιπροσφυγικής πολιτικής των τελευταίων χρόνων, που εξακολουθεί να θεωρείται κανονικότητα για τους πρόσφυγες της Μέσης Ανατολής, της Ασίας και της Αφρικής, είναι όμως πια απογυμνωμένη από προφάσεις, ψέματα και φαιδρά επιχειρήματα και φαίνεται καθαρά το αποκρουστικό πρόσωπο του ρατσισμού.

      https://www.efsyn.gr/stiles/ano-kato/335992_pragmatiki-prosfygiki-politiki-mono-gia-oykranoys

      commentaire de Vicky Skoumbi via la mailing-list de Migreurop :

      Miracle : L’accueil digne des réfugiés devient possible, même en Grèce, dans un laps de temps record ! Pourvu que ceux-ci sont blonds aux yeux bleus et qu’ils ne menacent pas le « mode de vie européen »...Quant aux autres, qu’ils crèvent frigorifiés sur un îlot d’Evros ou sous les flots

    • #Emmanuel_Macron :

      « Quand on a peur des phénomènes migratoires, je pense qu’il faut là aussi défendre notre ADN, c’est-à-dire notre devoir d’accueillir celles et ceux qui fuient un pays en guerre comme les Ukrainiennes et les Ukrainiens aujourd’hui, mais en même temps de savoir lutter contre l’immigration clandestine [ie non européenne - NdR]. C’est par cette clarté et cette exigence que, je pense, on peut répondre aux peurs et en même temps tenir une réponse républicaine »

      https://seenthis.net/messages/955991

    • Gli studenti ucraini arrivati in Italia dopo l’invasione potranno essere ammessi alle classi successive anche in mancanza dei requisiti necessari ed essere esonerati dagli esami di Stato

      Il ministro dell’Istruzione, Patrizio Bianchi, ha firmato un’ordinanza che prevede che gli studenti ucraini arrivati in Italia a seguito dell’invasione dell’Ucraina potranno essere ammessi alle classi successive anche in mancanza dei requisiti necessari e, se necessario, esonerati dagli esami di Stato. L’ordinanza riguarda i soli studenti ucraini iscritti alle scuole elementari, medie e superiori italiane a partire dallo scorso 24 febbraio, data d’inizio dell’invasione ucraina.

      Per gli studenti iscritti alle scuole superiori l’ordinanza prevede che, in mancanza dei requisiti necessari, si potrà essere ammessi all’anno successivo ma dovrà essere redatto un piano didattico individuale per raggiungere i livelli di apprendimento richiesti. Il piano dovrà essere predisposto tenendo conto dell’impatto psicologico della guerra e delle difficoltà che comporta l’apprendimento in un paese straniero.

      Per quanto riguarda gli esami di Stato, invece, l’ordinanza prevede la possibilità di esonero per gli studenti che si trovino nelle classi «terminali» (cioè terza media e quinta superiore) e non abbiano raggiunto i livelli linguistici e le competenze disciplinari necessarie a sostenerli: in questo caso, il consiglio di classe rilascerà un attestato di credito formativo, che nel caso degli studenti di terza media sarà sufficiente per iscriversi alle superiori, e nel caso degli studenti di quinta superiore per frequentare nuovamente la quinta.

      https://www.ilpost.it/2022/06/07/studenti-ucraini-ordinanza-ministero-istruzione

      #étudiants #étudiants_ukrainiens #Italie

  • #Liberté_académique et #justice_sociale

    On assiste en #Amérique_du_Nord à une recomposition du paysage académique, qui met l’exercice des #libertés_universitaires aux prises avec des questions de justice sociale, liées, mais pas seulement, au militantisme « #woke », souvent mal compris. Publication du premier volet d’un entretien au long cours avec #Isabelle_Arseneau et #Arnaud_Bernadet, professeurs à l’Université McGill de Montréal.

    Alors que se multiplient en France les prises de position sur les #libertés_académiques – voir par exemple cette « défense et illustration » -, un débat à la fois vif et très nourri se développe au #Canada depuis plus d’un an, après que des universitaires ont dû faire face à des plaintes pour #racisme, parfois à des suspensions de leur contrat, en raison de l’utilisation pédagogique qu’ils avaient faite des mots « #nègre » ou « #sauvages ». Significativement, un sondage récent auprès des professeurs d’université du Québec indique qu’une majorité d’entre eux pratiquent diverses formes d’#autocensure. C’est dans ce contexte qu’Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, professeurs au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill de Montréal, ont été conduits à intervenir activement dans le débat, au sein de leur #université, mais aussi par des prises de position publiques dans la presse et surtout par la rédaction d’un mémoire, solidement argumenté et très remarqué, qui a été soumis et présenté devant la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.

    Initiée en février 2021 par le premier ministre du Québec, François Legault, cette commission a auditionné de nombreux acteurs, dont les contributions sont souvent de grande qualité. On peut télécharger ici le mémoire des deux universitaires et suivre leur audition grâce à ce lien (début à 5 :15 :00). La lecture du présent entretien peut éclairer et compléter aussi bien le mémoire que l’audition. En raison de sa longueur, je publie cet entretien en deux parties. La première partie est consacrée aux exemples concrets de remise en cause de la liberté de citer certains mots en contexte universitaire et traite des conséquences de ces pratiques sur les libertés académiques. Cette première partie intègre aussi une analyse critique de la tribune parue ce jour dans Le Devoir, co-signée par Blanquer et le ministre de l’Education du Québec, lesquels s’attaquent ensemble et de front à la cancel culture. La seconde partie, à paraître le vendredi 29 octobre, portera plus précisément sur le mouvement « woke », ses origines et ses implications politiques, mais aussi sur les rapports entre science et société. Je tiens à remercier chaleureusement Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet d’avoir accepté de répondre à mes questions et d’avoir pris le temps de construire des réponses précises et argumentées, dont la valeur tient tout autant à la prise critique de ces deux universitaires qu’aux disciplines qui sont les leurs et qui informent leur réflexion. Ils coordonnent actuellement un volume collectif interdisciplinaire, Libertés universitaires : un an de débat au Québec (2020-2021), à paraître prochainement.

    Entretien, première partie

    1. Pourriez-vous exposer le plus factuellement possible ce qui s’est passé au mois de septembre 2020 à l’université d’Ottawa et à l’université McGill de Montréal ?

    Isabelle Arseneau. À l’automne 2020 éclatait à l’Université d’Ottawa une affaire qui a passionné le Québec et a connu d’importantes suites politiques : à l’occasion d’une séance d’enseignement virtuel sur la représentation des identités en art, une chargée de cours, #Verushka_Lieutenant-Duval, expliquait à ses étudiants comment l’injure « #nigger » a été réutilisée par les communautés afro-américaines comme marqueur subversif dans les années 1960. Parce qu’elle a mentionné le mot lui-même en classe, l’enseignante est devenue aussitôt la cible de #plaintes pour racisme et, au terme d’une cabale dans les #réseaux_sociaux, elle a été suspendue temporairement par son administration. Au même moment, des incidents à peu près analogues se produisaient au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill, où nous sommes tous les deux professeurs. Dans un cours d’introduction à la littérature québécoise, une chargée de cours a mis à l’étude Forestiers et voyageurs de #Joseph-Charles_Taché, un recueil de contes folkloriques paru en 1863 et qui relate les aventures d’un « Père Michel » qui arpente le pays et documente ses « mœurs et légendes ». Des étudiants interrompent la séance d’enseignement virtuel et reprochent à l’enseignante de leur avoir fait lire sans avertissement préalable une œuvre contenant les mots « Nègres » et « Sauvages ». Quelques jours plus tard, des plaintes pour racisme sont déposées contre elle. Le dossier est alors immédiatement pris en charge par la Faculté des Arts, qui lui suggère de s’excuser auprès de sa classe et d’adapter son enseignement aux étudiants que pourrait offenser la lecture des six autres classiques de la littérature québécoise prévus au syllabus (dont L’Hiver de force de Réjean Ducharme et Les Fous de Bassan d’Anne Hébert). Parmi les mesures d’accommodement, on lui conseille de fournir des « avertissements de contenu » (« #trigger_warnings ») pour chacune des œuvres à l’étude ; de se garder de prononcer à voix haute les mots jugés sensibles et de leur préférer des expressions ou des lettres de remplacement (« n », « s », « mot en n » « mot en s »). Trois mois plus tard, nous apprendrons grâce au travail d’enquête de la journaliste Isabelle Hachey (1) que les plaignants ont pu obtenir, après la date limite d’abandon, un remboursement de leurs frais de scolarité et les trois crédits associés à ce cours qu’ils n’ont cependant jamais suivi et pour lequel ils n’ont validé qu’une partie du travail.

    Lorsque j’ai imaginé notre doctorante en train de caviarder ses notes de cours et ses présentations Powerpoint, ça a fait tilt. Un an plus tôt, je travaillais à la Public Library de New York sur un manuscrit du XIIIe siècle dont la première image avait été grattée par un lecteur ou un possesseur offensé par le couple enlacé qu’elle donnait jusque-là à voir. La superposition de ces gestes de censure posés à plusieurs siècles d’intervalle témoignait d’un recul de la liberté universitaire que j’associais alors plus spontanément aux campus américains, sans pour autant nous imaginer à l’abri de cette vague venue du sud (2). Devant de tels dérapages, mon collègue Arnaud Bernadet et moi avons communiqué avec tous les étages de la hiérarchie mcgilloise. Las de nous heurter à des fins de non-recevoir, nous avons cosigné une série de trois lettres dans lesquelles nous avons dénoncé la gestion clientéliste de notre université (3). Malgré nos sorties répétées dans les médias traditionnels, McGill est demeurée silencieuse et elle l’est encore à ce jour.

    2. Pour être concret, qu’est-ce qui fait que l’emploi du mot « nègre » ou « sauvages » dans un cours est légitime ?

    Isabelle Arseneau. Vous évoquez l’emploi d’un mot dans un cadre pédagogique et il me semble que toute la question est là, dans le terme « emploi ». À première vue, le contexte de l’énonciation didactique ne se distingue pas des autres interactions sociales et ne justifie pas qu’on puisse déroger aux tabous linguistiques. Or il se joue dans la salle de classe autre chose que dans la conversation ordinaire : lorsque nous enseignons, nous n’employons pas les mots tabous, nous les citons, un peu comme s’il y avait entre nous et les textes lus ou la matière enseignée des guillemets. C’est de cette distinction capitale qu’ont voulu rendre compte les sciences du langage en opposant le signe en usage et le signe en mention. Citer le titre Nègres blancs d’Amérique ou le terme « Sauvages » dans Forestiers et Voyageurs ne revient pas à utiliser ces mêmes termes. De la même façon, il y a une différence entre traiter quelqu’un de « nègre » dans un bus et relever les occurrences du terme dans une archive, une traite commerciale de l’Ancien Régime ou un texte littéraire, même contemporain. Dans le premier cas, il s’agit d’un mot en usage, qui relève, à n’en pas douter, d’un discours violemment haineux et raciste ; dans l’autre, on n’emploie pas mais on mentionne des emplois, ce qui est différent. Bien plus, le mot indexe ici des représentations socialement et historiquement situées, que le professeur a la tâche de restituer (pour peu qu’on lui fournisse les conditions pour le faire). Si cette distinction entre l’usage et la mention s’applique à n’importe quel contexte d’énonciation, il va de soi qu’elle est très fréquente et pleinement justifiée — « légitime », oui — en contexte pédagogique. Il ne s’agit donc bien évidemment pas de remettre en circulation — en usage — des mots chargés de haine mais de pouvoir continuer à mentionner tous les mots, même les plus délicats, dans le contexte d’un exercice bien balisé, l’enseignement, dont on semble oublier qu’il suppose d’emblée un certain registre de langue.

    3. Ce qui étonne à partir de ces exemples – et il y en a d’autres du même type -, c’est que l’administration et la direction des universités soutiennent les demandes des étudiants, condamnent les enseignants et vont selon vous jusqu’à enfreindre des règles élémentaires de déontologie et d’éthique. Comment l’expliquez-vous ? L’institution universitaire a-t-elle renoncé à défendre ses personnels ?

    Arnaud Bernadet. Il faut naturellement conserver à l’esprit ici ce qui sépare les universités nord-américaines des institutions françaises. On soulignera deux différences majeures. D’une part, elles sont acquises depuis longtemps au principe d’autonomie. Elles se gèrent elles-mêmes, tout en restant imputables devant l’État, notamment au plan financier. Soulignons par ailleurs qu’au Canada les questions éducatives relèvent avant tout des compétences des provinces et non du pouvoir fédéral. D’autre part, ces universités obéissent à un modèle entrepreneurial. Encore convient-il là encore d’introduire des nuances assez fortes, notamment en ce qui concerne le réseau québécois, très hétérogène. Pour simplifier à l’extrême, les universités francophones sont plus proches du modèle européen, tandis que les universités anglophones, répliques immédiates de leurs voisines états-uniennes, semblent davantage inféodées aux pratiques néo-libérales.

    Quoi qu’il en soit, la situation décrite n’a rien d’inédit. Ce qui s’est passé à l’Université d’Ottawa ou à l’Université McGill s’observe depuis une dizaine d’années aux États-Unis. La question a été très bien documentée, au tournant de l’année 2014 sous la forme d’articles puis de livres, par deux sociologues, Bradley Campbell et Jason Manning (The Rise of Victimhood Culture) et deux psychologues, Jonathan Haidt et Greg Lukianoff (The Coddling of the American Mind). Au reste, on ne compte plus sur les campus, et parmi les plus progressistes, ceux de l’Ouest (Oregon, État de Washington, Californie) ou de la Nouvelle-Angleterre en particulier, les demandes de censure, les techniques de deplatforming ou de “désinvitation”, les calomnies sur les médias sociaux, les démissions du personnel - des phénomènes qu’on observe également dans d’autres milieux (culture, médias, politique). En mai dernier, Rima Azar, professeure en psychologie de la santé, a été suspendue par l’Université Mount Allison du Nouveau-Brunswick, pour avoir qualifié sur son blog Black Lives Matter d’organisation radicale…

    Il y a sans doute plusieurs raisons à l’attitude des administrateurs. En tout premier lieu : un modèle néo-libéral très avancé de l’enseignement et de la recherche, et ce qui lui est corrélé, une philosophie managériale orientée vers un consumérisme éducatif. Une autre explication serait la manière dont ces mêmes universités réagissent à la mouvance appelée “woke”. Le terme est sujet à de nombreux malentendus. Il fait désormais partie de l’arsenal polémique au même titre que “réac” ou “facho”. Intégré en 2017 dans l’Oxford English Dictionary, il a été à la même date récupéré et instrumentalisé par les droites conservatrices ou identitaires. Mais pas seulement : il a pu être ciblé par les gauches traditionnelles (marxistes, libertaires, sociales-démocrates) qui perçoivent dans l’émergence de ce nouveau courant un risque de déclassement. Pour ce qui regarde notre propos, l’illusion qu’il importe de dissiper, ce serait de ne le comprendre qu’à l’aune du militantisme et des associations, sur une base strictement horizontale. Ce qui n’enlève rien à la nécessité de leurs combats, et des causes qu’ils embrassent. Loin s’en faut. Mais justement, il s’agit avec le “wokism” et la “wokeness” d’un phénomène nettement plus composite qui, à ce titre, déborde ses origines liées aux luttes des communautés noires contre l’oppression qu’elles subissaient ou subissent encore. Ce phénomène, plus large mais absolument cohérent, n’est pas étranger à la sociologie élitaire des universités nord-américaines, on y reviendra dans la deuxième partie de cet entretien. Car ni l’un ni l’autre ne se sont si simplement inventés dans la rue. Leur univers est aussi la salle de classe.

    4. Au regard des événements dans ces deux universités, quelle analyse faites-vous de l’évolution des libertés académiques au Québec ?

    Arnaud Bernadet. Au moment où éclatait ce qu’il est convenu d’appeler désormais “l’affaire Verushka Lieutenant-Duval”, le Québec cultivait cette douce illusion de se croire à l’abri de ce genre d’événements. Mais les idées et les pratiques ne s’arrêtent pas à la frontière avec le Canada anglais ou avec les États-Unis. Le cas de censure survenu à McGill (et des incidents d’autre nature se sont produits dans cet établissement) a relocalisé la question en plein cœur de Montréal, et a montré combien les cultures et les sociétés sont poreuses les unes vis-à-vis des autres. Comme dans nombre de démocraties, on assiste au Québec à un recul des libertés publiques, la liberté académique étant l’une d’entre elles au même titre que la liberté d’expression. Encore faut-il nuancer, car le ministère de l’enseignement supérieur a su anticiper les problèmes. En septembre 2020, le scientifique en chef Rémi Quirion a remis un rapport qui portait plus largement sur L’université québécoise du futur, son évolution, les défis auxquels elle fait face, etc. Or en plus de formuler des recommandations, il y observe une “précarisation significative” de la liberté académique, un “accroissement de la rectitude politique”, imputée aux attentes ou aux convictions de “groupes particuliers”, agissant au nom de “valeurs extra-universitaires”, et pour finir, l’absence de “protection législative à large portée” entourant la liberté académique au Québec, une carence qui remonte à la Révolution tranquille. En février 2021, le premier ministre François Legault annonçait la création d’une Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Cette commission qui n’a pas fini de siéger a rendu une partie de ses résultats, notamment des sondages effectués auprès du corps professoral (ce qui inclut les chargés de cours) : 60 % d’entre eux affirment avoir évité d’utiliser certains mots, 35 % disent avoir même recouru à l’autocensure en sabrant certains sujets de cours. La recherche est également affectée. Ce tableau n’est guère rassurant, mais il répond à celles et ceux qui, depuis des mois, à commencer dans le milieu enseignant lui-même, doublent la censure par le déni et préfèrent ignorer les faits. À l’évidence, des mesures s’imposent aujourd’hui, proportionnées au diagnostic rendu.

    5. La liberté académique est habituellement conçue comme celle des universitaires, des enseignants-chercheurs, pour reprendre la catégorie administrative en usage en France. Vous l’étendez dans votre mémoire à l’ensemble de la communauté universitaire, en particulier aux jeunes chercheurs, mais aussi aux personnels administratifs et aux étudiants ? Pourriez-vous éclairer ce point ?

    Arnaud Bernadet. Ce qui est en jeu ici n’est autre que l’extension et les applications du concept de liberté académique. Bien sûr, un étudiant ne jouit pas des mêmes dispositions qu’un professeur, par exemple le droit à exercer l’évaluation de ses propres camarades de classe. Mais a priori nous considérons que n’importe quel membre de la communauté universitaire est titulaire de la liberté académique. Celle-ci n’a pas été inventée pour donner aux enseignants et chercheurs quelque “pouvoir” irréaliste et exorbitant, mais pour satisfaire aux deux missions fondamentales que leur a confiées la société : assurer la formation des esprits par l’avancement des connaissances. En ce domaine, l’écart est-il significatif entre le choix d’un thème ou d’un corpus par un professeur, et un exposé oral préparé par un étudiant ? Dans chaque cas, on présumera que l’accès aux sources, la production des connaissances, le recours à l’argumentation y poursuivent les mêmes objectifs de vérité. De même, les administrateurs, et notamment les plus haut placés, doivent pouvoir bénéficier de la liberté académique, dans l’éventualité où elle entrerait en conflit avec des objectifs de gouvernance, qui se révéleraient contraires à ce qu’ils estimeraient être les valeurs universitaires fondamentales.

    6. Entre ce que certains considèrent comme des recherches “militantes” et les orientations néolibérales et managériales du gouvernement des universités, qu’est-ce qui vous semble être le plus grand danger pour les libertés académiques ?

    Arnaud Bernadet. Ce sont des préoccupations d’ordre différent à première vue. Les unes semblent opérer à l’interne, en raison de l’évolution des disciplines. Les autres paraissent être plutôt impulsées à l’externe, en vertu d’une approche productiviste des universités. Toutes montrent que le monde de l’enseignement et de la recherche est soumis à de multiples pressions. Aussi surprenant que cela paraisse, il n’est pas exclu que ces deux aspects se rejoignent et se complètent. Dans un article récent de The Chronicle of Higher Education (03.10.2021), Justin Sider (professeur de littérature anglaise à l’Université d’Oklahoma) a bien montré que les préoccupations en matière de justice sociale sont en train de changer la nature même des enseignements. Loin de la vision désintéressée des savoirs, ceux-ci serviraient dorénavant les étudiants à leur entrée dans la vie active, pour changer l’ordre des choses, combattre les inégalités, etc. C’est une réponse à la conception utilitariste de l’université, imposée depuis plusieurs décennies par le modèle néolibéral. Et c’est ce qu’ont fort bien compris certains administrateurs qui, une main sur le cœur, l’autre près du portefeuille, aimeraient donc vendre désormais à leurs “clients” des programmes ou de nouveaux curricula portant sur la justice sociale.

    7. La défense des libertés académiques, en l’occurrence la liberté pédagogique et la liberté de recherche d’utiliser tous les mots comme objet de savoir, est-elle absolue, inconditionnelle ? Ne risque-t-elle pas de renforcer un effet d’exclusion pour les minorités ?

    Isabelle Arseneau. Elle est plutôt à notre avis non-négociable (aucun principe n’est absolu). Mais pour cela, il est impératif de désamalgamer des dossiers bien distincts : d’une part, le travail de terrain qu’il faut encore mener en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (qu’il est désormais commun de désigner par l’acronyme « ÉDI ») ; d’autre part, les fondements de la mission universitaire, c’est-à-dire créer et transmettre des savoirs. Les faux parallèles que l’on trace entre la liberté académique et les « ÉDI » desservent autant la première que les secondes et on remarque une nette tendance chez certaines universités plus clairement néolibérales à utiliser la liberté académique comme un vulgaire pansement pour régler des dossiers sur lesquels elles accusent parfois de regrettables retards. Bien ironiquement, ce militantisme d’apparat ne fait nullement progresser les différentes causes auxquelles il s’associe et a parfois l’effet inverse. Revenons à l’exemple concret qui s’est produit chez nous : recommander à une enseignante de s’excuser pour avoir prononcé et fait lire un mot jugé sensible et aller jusqu’à rembourser leurs frais de scolarité à des étudiants heurtés, voilà des gestes « spectaculaires » qui fleurent bon le langage de l’inclusion mais qui transpirent le clientélisme (« Satisfaction garantie ou argent remis ! »). Car une fois que l’on a censuré un mot, caviardé un passage, proscrit l’étude d’une œuvre, qu’a-t-on fait, vraiment, pour l’équité salariale hommes-femmes ; pour l’inclusion des minorités toujours aussi invisibles sur notre campus ; pour la diversification (culturelle, certes, mais également économique) des corps enseignant et étudiant, etc. ? Rien. Les accommodements offerts aux plaignants sont d’ailleurs loin d’avoir créé plus d’équité ; ils ont au contraire engendré une série d’inégalités : entre les étudiants d’abord, qui n’ont pas eu droit au même traitement dans le contexte difficile de la pandémie et de l’enseignement à distance ; entre les chargés de cours ensuite, qui n’ont pas eu à faire une même quantité de travail pour un même salaire ; et, enfin, entre les universités, toutes soumises au même système de financement public, dont le calcul repose en bonne partie sur l’unité-crédit. Les salles de classe ont bon dos : elles sont devenues les voies de sortie faciles pour des institutions qui s’achètent grâce à elles un vernis de justice sociale qui tarde à se traduire par des avancées concrètes sur les campus. Confondre les dossiers ne servira personne.

    8. Reste que ce qui est perçu par des acteurs de la défense de droits des minorités comme l’exercice d’une liberté d’expression est vécu et analysé par d’autres acteurs comme une atteinte à la liberté académique, en particulier la liberté pédagogique. La situation n’est-elle pas une impasse propre à aviver les tensions et créer une polémique permanente ? Comment sortir de cette impasse ?

    Isabelle Arseneau. En effet, on peut vite avoir l’impression d’un cul-de-sac ou d’un cercle vicieux difficile à briser, surtout au vu de la polarisation actuelle des discours, qu’aggravent les médias sociaux. Dans ce brouhaha de paroles et de réactions à vif, je ne sais pas si on s’entend et encore moins si on s’écoute. Chose certaine, il faudra dans un premier temps tenter de régler les problèmes qui atteignent aujourd’hui les établissements postsecondaires depuis l’intérieur de leurs murs. En effet, la responsabilité me semble revenir d’abord aux dirigeants de nos institutions, à la condition de réorienter les efforts vers les bonnes cibles et, comme je le disais à l’instant, de distinguer les dossiers. À partir du moment où l’on cessera de confondre les dossiers et où l’on résistera aux raccourcis faciles et tendancieux, des chantiers distincts s’ouvriront naturellement.

    Du côté des dossiers liés à l’équité et à la diversité, il me semble nécessaire de mener de vrais travaux d’enquête et d’analyse de terrain et de formuler des propositions concrètes qui s’appuient sur des données plutôt que des mesures cosmétiques qui suivent l’air du temps (il ne suffit pas, comme on a pu le faire chez nous, de recommander la censure d’un mot, de retirer une statue ou de renommer une équipe de football). Plus on tardera à s’y mettre vraiment et à joindre le geste à la parole, plus longtemps on échouera à réunir les conditions nécessaires au dialogue serein et décomplexé. Il nous reste d’ailleurs à débusquer les taches aveugles, par exemple celles liées à la diversité économique de nos campus (ou son absence), une donnée trop souvent exclue de la réflexion, qui préfère se fixer sur la seule dimension identitaire. Du côté de la liberté universitaire, il est nécessaire de la réaffirmer d’abord et de la protéger ensuite, en reprenant le travail depuis le début s’il le faut. C’est ce qu’a fait à date récente la Mission nommée par le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras. Les travaux de ce comité ont abouti à l’élaboration d’un énoncé de principes fort habile. Ce dernier, qui a été adopté à l’unanimité par l’assemblée universitaire, distingue très nettement les dossiers et les contextes : en même temps qu’il déclare qu’« aucun mot, aucun concept, aucune image, aucune œuvre ne sauraient être exclus a priori du débat et de l’examen critique dans le cadre de l’enseignement et de la recherche universitaires », le libellé rappelle que l’université « condamne les propos haineux et qu’en aucun cas, une personne tenant de tels propos ne peut se retrancher derrière ses libertés universitaires ou, de façon générale, sa liberté d’expression » (4). Il est également urgent de mettre en œuvre une pédagogie ciblant expressément les libertés publiques, la liberté académique et la liberté d’expression. C’est d’ailleurs une carence mise au jour par l’enquête de la Commission, qui révèle que 58% des professeurs interrogés « affirment ne pas savoir si leur établissement possède des documents officiels assurant la protection de la liberté universitaire » et que 85% des répondants étudiants « considèrent que les universités devraient déployer plus d’efforts pour faire connaître les dispositions sur la protection de la liberté universitaire ». Il reste donc beaucoup de travail à faire sur le plan de la diffusion de l’information intra muros. Heureusement, nos établissements ont déjà en leur possession les outils nécessaires à l’implantation de ce type d’apprentissage pratique (au moment de leur admission, nos étudiants doivent déjà compléter des tutoriels de sensibilisation au plagiat et aux violences sexuelles, par exemple).

    Enfin, il revient aux dirigeants de nos universités de s’assurer de mettre en place un climat propice à la réflexion et au dialogue sur des sujets parfois délicats, par exemple en se gardant d’insinuer que ceux qui défendent la liberté universitaire seraient de facto hostiles à la diversité et à l’équité, comme a pu le faire notre vice-recteur dans une lettre publiée dans La Presse en février dernier. Ça, déjà, ce serait un geste à la hauteur de la fonction.

    9. Quelle perception avez-vous de la forme qu’a pris la remise en cause des libertés académiques en France avec la polémique sur l’islamo-gauchisme initiée par deux membres du gouvernement – Blanquer et Vidal – et poursuivi avec le Manifeste des 100 ?

    Arnaud Bernadet. Un sentiment de profonde perplexité. La comparaison entre “l’islamo-gauchisme”, qui nous semble en grande partie un épouvantail agité par le pouvoir macroniste, et le “wokism” états-unien ou canadien - qui est une réalité complexe mais mesurable, dont on précisera les contours la semaine prochaine - se révèle aussi artificielle qu’infondée. Un tel rapprochement est même en soi très dangereux, et peut servir de nouveaux amalgames comme il apparaît nettement dans la lettre publiée hier par Jean-Michel Blanquer et Jean-François Roberge : “L’école pour la liberté, contre l’obscurantisme”. Déplions-la un instant. Les deux ministres de l’Éducation, de France et du Québec, ne sont pas officiellement en charge des dossiers universitaires (assurés par Frédérique Vidal et Danielle McCann). D’une même voix, Blanquer et Roberge condamnent - à juste titre - l’autodafé commis en 2019 dans plusieurs écoles du sud-ouest de l’Ontario sur des encyclopédies, des bandes-dessinées et des ouvrages de jeunesse qui portaient atteinte à l’image des premières nations. Or on a appris par la suite que l’instigatrice de cette purge littéraire, Suzie Kies, œuvrait comme conseillère au sein du Parti Libéral du Canada sur les questions autochtones. Elle révélait ainsi une évidente collusion avec le pouvoir fédéral. Inutile de dire par conséquent que l’intervention de nos deux ministres ressortit à une stratégie d’abord politique. En position fragile face à Ottawa, dont les mesures interventionnistes ne sont pas toujours compatibles avec son esprit d’indépendance, le Québec se cherche des appuis du côté de la France. Au nom de la “liberté d’expression”, la France tacle également Justin Trudeau, dont les positions modérées au moment de l’assassinat de Samuel Paty ont fortement déplu. Ce faisant, le Québec et la France se donnent aussi comme des sociétés alternatives, le Canada étant implicitement associé aux États-Unis dont il ne serait plus que la copie : un lieu où prospéreraient une “idéologie” et des “méthodes” - bannissement, censure, effacement de l’histoire - qui menaceraient le “respect” et l’esprit de “tolérance” auxquels s’adossent “nos démocraties”. Au lieu de quoi, non seulement “l’égalité” mais aussi la “laïcité” seraient garantes au Québec comme en France d’un “pacte” capable d’unir la “communauté” sur la base “de connaissances, de compétences et de principes fondés sur des valeurs universelles”, sans que celles-ci soient d’ailleurs clairement précisées. On ne peut s’empêcher toutefois de penser que les deux auteurs prennent le risque par ce biais de légitimer les guerres culturelles, issues au départ des universités états-uniennes, en les étendant aux rapports entre anglophones et francophones. Au reste, la cible déclarée du texte, qui privilégie plutôt l’allusion et se garde habilement de nommer, reste la “cancel culture” aux mains des “assassins de la mémoire”. On observera qu’il n’est nulle part question de “wokes”, de décolonialisme ou d’antiracisme par exemple. D’un “militantisme délétère” (mais lequel, exactement ?) on passe enfin aux dangers de la “radicalisation”, dans laquelle chacun mettra ce qu’il veut bien y entendre, des extrémismes politiques (national-populisme, alt-right, néo-nazisme, etc.) et des fondamentalismes religieux. Pour finir, la résistance aux formes actuelles de “l’obscurantisme” est l’occasion de revaloriser le rôle de l’éducation au sein des démocraties. Elle est aussi un moyen de renouer avec l’héritage rationaliste des Lumières. Mais les deux ministres retombent dans le piège civilisationniste, qui consiste à arrimer - sans sourciller devant la contradiction - les “valeurs universelles” à “nos sociétés occidentales”. Le marqueur identitaire “nos” est capital dans le texte. Il efface d’un même geste les peuples autochtones qui étaient mentionnés au début de l’article, comme s’ils ne faisaient pas partie, notamment pour le Québec, de cette “mémoire” que les deux auteurs appellent justement à défendre, ou comme s’ils étaient d’emblée assimilés et assimilables à cette vision occidentale ? De lui-même, l’article s’expose ici à la critique décoloniale, particulièrement répandue sur les campus nord-américains, celle-là même qu’il voudrait récuser. Qu’on en accepte ou non les prémisses, cette critique ne peut pas être non plus passée sous silence. Il faut s’y confronter. Car elle a au moins cette vertu de rappeler que l’héritage des Lumières ne va pas sans failles. On a le droit d’en rejeter les diverses formulations, mais il convient dans ce cas de les discuter. Car elles nous obligent à penser ensemble - et autrement - les termes du problème ici posé : universalité, communauté et diversité.

    10. La forme d’un « énoncé » encadrant la liberté académique et adopté par le parlement québécois vous semble-t-elle un bon compromis politique ? Pourquoi le soutenir plutôt qu’une loi ? Un énoncé national de référence, laissant chaque établissement en disposer librement, aura-t-il une véritable efficacité ?

    Isabelle Arseneau. Au moment de la rédaction de notre mémoire, les choses nous semblaient sans doute un peu moins urgentes que depuis la publication des résultats de la collecte d’informations réalisée par la Commission indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Les chiffres publiés en septembre dernier confirment ce que nous avons remarqué sur le terrain et ce que suggéraient déjà les mémoires, les témoignages et les avis d’experts récoltés dans le cadre des travaux des commissaires : nous avons affaire à un problème significatif plutôt qu’à un épiphénomène surmédiatisé (comme on a pu l’entendre dire). Les résultats colligés reflètent cependant un phénomène encore plus généralisé que ce que l’on imaginait et d’une ampleur que, pour ma part, je sous-estimais.

    Dans le contexte d’une situation sérieuse mais non encore critique, l’idée d’un énoncé m’a donc toujours semblé plus séduisante (et modérée !) que celle d’une politique nationale, qui ouvrirait la porte à l’ingérence de l’État dans les affaires universitaires. Or que faire des universités qui ne font plus leurs devoirs ? L’« énoncé sur la liberté universitaire » de l’Université McGill, qui protège les chercheurs des « contraintes de la rectitude politique », ne nous a été d’aucune utilité à l’automne 2020. Comment contraindre notre institution à respecter les règles du jeu dont elle s’est elle-même dotée ? Nous osons croire qu’un énoncé national, le plus ouvert et le plus généreux possible, pourrait aider les établissements comme le nôtre à surmonter certaines difficultés internes. Mais nous sommes de plus en plus conscients qu’il faudra sans doute se doter un jour de mécanismes plus concrets qu’un énoncé non contraignant.

    Arnaud Bernadet. Nous avons eu de longues discussions à ce sujet, et elles ne sont probablement pas terminées. C’est un point de divergence entre nous. Bien entendu, on peut se ranger derrière la solution modérée comme on l’a d’abord fait. Malgré tout, je persiste à croire qu’une loi aurait plus de poids et d’efficience qu’un énoncé. L’intervention de l’État est nécessaire dans le cas présent, et me semble ici le contraire même de l’ingérence. Une démocratie digne de ce nom doit veiller à garantir les libertés publiques qui en sont au fondement. Or, en ce domaine, la liberté académique est précieuse. Ce qui a lieu sur les campus est exceptionnel, cela ne se passe nulle part ailleurs dans la société : la quête de la vérité, la dynamique contradictoire des points de vue, l’expression critique et l’émancipation des esprits. Je rappellerai qu’inscrire le principe de la liberté académique dans la loi est aussi le vœu exprimé par la Fédération Québécoise des Professeures et Professeurs d’Université. Actuellement, un tel principe figure plutôt au titre du droit contractuel, c’est-à-dire dans les conventions collectives des établissements québécois (quand celles-ci existent !) Une loi remettrait donc à niveau les universités de la province, elle préviendrait toute espèce d’inégalité de traitement d’une institution à l’autre. Elle comblerait la carence dont on parlait tout à l’heure, qui remonte à la Révolution tranquille. Elle renforcerait finalement l’autonomie des universités au lieu de la fragiliser. Ce serait aussi l’occasion pour le Québec de réaffirmer clairement ses prérogatives en matière éducative contre les ingérences - bien réelles celles-là - du pouvoir fédéral qui tend de plus en plus à imposer sa vision pancanadienne au mépris des particularités francophones. Enfin, ne nous leurrons pas : il n’y a aucune raison objective pour que les incidents qui se sont multipliés en Amérique du Nord depuis une dizaine d’années, et qui nourrissent de tous bords - on vient de le voir - de nombreux combats voire dérives idéologiques, cessent tout à coup. La loi doit pouvoir protéger les fonctions et les missions des universités québécoises, à ce jour de plus en plus perturbées.

    Entretien réalisé par écrit au mois d’octobre 2021

    Notes :

    1. Isabelle Hachey, « Le clientélisme, c’est ça » (La Presse, 22.02.2021)

    2. Jean-François Nadeau, « La censure contamine les milieux universitaires » (Le Devoir, 01.04.2017)

    3. Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, « Universités : censure et liberté » (La Presse, 15.12.2020) ; « Les dérives éthiques de l’esprit gestionnaire » (La Presse, 29.02.2021) ; « Université McGill : une politique du déni » (La Presse, 26.02.2021).

    4. « Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire », juin 2021 : https://www.umontreal.ca/public/www/images/missiondurecteur/Rapport-Mission-juin2021.pdf

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/211021/liberte-academique-et-justice-sociale

    #ESR

    ping @karine4 @_kg_ @isskein

    –-

    ajouté à la métaliste autour du terme l’#islamo-gauchisme... mais aussi du #woke et du #wokisme, #cancel_culture, etc.
    https://seenthis.net/messages/943271

    • La liberté académique aux prises avec de nouvelles #menaces

      Colloques, séminaires, publications (Duclos et Fjeld, Frangville et alii) : depuis quelques années, et avec une accélération notoire ces derniers mois, le thème de la liberté académique est de plus en plus exploré comme objet scientifique. La liberté académique suscite d’autant plus l’intérêt des chercheurs qu’elle est aujourd’hui, en de nombreux endroits du monde, fragilisée.

      La création en 2021 par l’#Open_Society_University_Network (un partenariat entre la Central European University et le Bard College à New York) d’un #Observatoire_mondial_des_libertés_académiques atteste d’une inquiétante réalité. C’est en effet au moment où des libertés sont fragilisées qu’advient le besoin d’en analyser les fondements, d’en explorer les définitions, de les ériger en objets de recherche, mais aussi de mettre en œuvre un système de veille pour les protéger.

      S’il est évident que les #régimes_autoritaires sont par définition des ennemis des libertés académiques, ce qui arrive aujourd’hui dans des #pays_démocratiques témoigne de pratiques qui transcendent les frontières entre #régime_autoritaire et #régime_démocratique, frontières qui elles-mêmes tendent à se brouiller.

      La liberté académique menacée dans les pays autoritaires…

      S’appuyant sur une régulation par les pairs (la « communauté des compétents ») et une indépendance structurelle par rapport aux pouvoirs, la liberté de recherche, d’enseignement et d’opinion favorise la critique autant qu’elle en est l’expression et l’émanation. Elle est la condition d’une pensée féconde qui progresse par le débat, la confrontation d’idées, de paradigmes, d’axiomes, d’expériences.

      Cette liberté dérange en contextes autoritaires, où tout un répertoire d’actions s’offre aux gouvernements pour museler les académiques : outre l’emprisonnement pur et simple, dont sont victimes des collègues – on pense notamment à #Fariba_Adelkhah, prisonnière scientifique en #Iran ; à #Ahmadreza_Djalali, condamné à mort en Iran ; à #Ilham_Tohti, dont on est sans nouvelles depuis sa condamnation à perpétuité en# Chine, et à des dizaines d’autres académiques ouïghours disparus ou emprisonnés sans procès ; à #Iouri_Dmitriev, condamné à treize ans de détention en #Russie –, les régimes autoritaires mettent en œuvre #poursuites_judiciaires et #criminalisation, #licenciements_abusifs, #harcèlement, #surveillance et #intimidation.


      https://twitter.com/AnkyraWitch/status/1359630006993977348

      L’historien turc Candan Badem parlait en 2017 d’#académicide pour qualifier la vague de #répression qui s’abattait dans son pays sur les « universitaires pour la paix », criminalisés pour avoir signé une pétition pour la paix dans les régions kurdes. La notion de « #crime_contre_l’histoire », forgée par l’historien Antoon de Baets, a été reprise en 2021 par la FIDH et l’historien Grigori Vaïpan) pour qualifier les atteintes portées à l’histoire et aux historiens en Russie. Ce crime contre l’histoire en Russie s’amplifie avec les attaques récentes contre l’ONG #Memorial menacée de dissolution.

      En effet, loin d’être l’apanage des institutions académiques officielles, la liberté académique et de recherche, d’une grande rigueur, se déploie parfois de façon plus inventive et courageuse dans des structures de la #société_civile. En #Biélorussie, le sort de #Tatiana_Kuzina, comme celui d’#Artiom_Boyarski, jeune chimiste talentueux emprisonné pour avoir refusé publiquement une bourse du nom du président Loukachenko, ne sont que deux exemples parmi des dizaines et des dizaines de chercheurs menacés, dont une grande partie a déjà pris le chemin de l’exil depuis l’intensification des répressions après les élections d’août 2020 et la mobilisation qui s’en est suivie.

      La liste ci-dessus n’est bien sûr pas exhaustive, les cas étant nombreux dans bien des pays – on pense, par exemple, à celui de #Saïd_Djabelkhir en #Algérie.

      … mais aussi dans les #démocraties

      Les #régressions que l’on observe au sein même de l’Union européenne – le cas du déménagement forcé de la #Central_European_University de Budapest vers Vienne, sous la pression du gouvernement de Viktor Orban, en est un exemple criant – montrent que les dérives anti-démocratiques se déclinent dans le champ académique, après que d’autres libertés – liberté de la presse, autonomie de la société civile – ont été atteintes.

      Les pays considérés comme démocratiques ne sont pas épargnés non plus par les tentatives des autorités politiques de peser sur les recherches académiques. Récemment, en #France, les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont affirmé que le monde académique serait « ravagé par l’#islamo-gauchisme » et irrespectueux des « #valeurs_de_la_République » – des attaques qui ont provoqué un concert de protestations au sein de la communauté des chercheurs. En France toujours, de nombreux historiens se sont mobilisés en 2020 contre les modalités d’application d’une instruction interministérielle restreignant l’accès à des fonds d’#archives sur l’#histoire_coloniale, en contradiction avec une loi de 2008.


      https://twitter.com/VivementLundi/status/1355564397314387972

      Au #Danemark, en juin 2021, plus de 260 universitaires spécialistes des questions migratoires et de genre rapportaient quant à eux dans un communiqué public les intimidations croissantes subies pour leurs recherches qualifiées de « #gauchisme_identitaire » et de « #pseudo-science » par des députés les accusant de « déguiser la politique en science ».

      D’autres offensives peuvent être menées de façon plus sournoise, à la faveur de #politiques_néolibérales assumées et de mise en #concurrence des universités et donc du champ du savoir et de la pensée. La conjonction de #logiques_libérales sur le plan économique et autoritaires sur le plan politique conduit à la multiplication de politiques souvent largement assumées par les États eux-mêmes : accréditations sélectives, retrait de #financements à des universités ou à certains programmes – les objets plus récents et fragiles comme les #études_de_genre ou études sur les #migrations se trouvant souvent en première ligne.

      Ce brouillage entre régimes politiques, conjugué à la #marchandisation_du_savoir, trouve également à s’incarner dans la façon dont des acteurs issus de régimes autoritaires viennent s’installer au sein du monde démocratique : c’est le cas notamment de la Chine avec l’implantation d’#Instituts_Confucius au cœur même des universités, qui conduisent, dans certains cas, à des logiques d’#autocensure ; ou de l’afflux d’étudiants fortunés en provenance de pays autoritaires, qui par leurs frais d’inscriptions très élevés renflouent les caisses d’universités désargentées, comme en Australie.

      Ces logiques de #dépendance_financière obèrent l’essence et la condition même de la #recherche_académique : son #indépendance. Plus généralement, la #marchandisation de l’#enseignement_supérieur, conséquence de son #sous-financement public, menace l’#intégrité_scientifique de chercheurs et d’universités de plus en plus poussées à se tourner vers des fonds privés.

      La mobilisation de la communauté universitaire

      Il y a donc là une combinaison d’attaques protéiformes, à l’aune des changements politiques, technologiques, économiques et financiers qui modifient en profondeur les modalités du travail. La mise en place de programmes de solidarité à destination de chercheurs en danger (#PAUSE, #bourses_Philipp_Schwartz en Allemagne, #bourses de solidarité à l’Université libre de Bruxelles), l’existence d’organisations visant à documenter les attaques exercées sur des chercheurs #Scholars_at_Risk, #International_Rescue_Fund, #CARA et la création de ce tout nouvel observatoire mondial des libertés académiques évoqué plus haut montrent que la communauté académique a pris conscience du danger. Puissent du fond de sa prison résonner les mots de l’historien Iouri Dmitriev : « Les libertés académiques, jamais, ne deviendront une notion abstraite. »

      https://theconversation.com/la-liberte-academique-aux-prises-avec-de-nouvelles-menaces-171682

    • « #Wokisme » : un « #front_républicain » contre l’éveil aux #injustices

      CHRONIQUE DE LA #BATAILLE_CULTURELLE. L’usage du mot « wokisme » vise à disqualifier son adversaire, mais aussi à entretenir un #déni : l’absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’#égalité, de #justice, de respect des #droits_humains.

      Invoqué ad nauseam, le « wokisme » a fait irruption dans un débat public déjà singulièrement dégradé. Il a fait florès à l’ère du buzz et des clashs, rejoignant l’« #islamogauchisme » au registre de ces fameux mots fourre-tout dont la principale fonction est de dénigrer et disqualifier son adversaire, tout en réduisant les maux de la société à quelques syllabes magiques. Sur la scène politique et intellectuelle, le « wokisme » a même réussi là où la menace de l’#extrême_droite a échoué : la formation d’un « front républicain ». Mais pas n’importe quel front républicain…

      Formellement, les racines du « wokisme » renvoient à l’idée d’« #éveil » aux #injustices, aux #inégalités et autres #discriminations subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. Comment cet « éveil » a-t-il mué en une sorte d’#injure_publique constitutive d’une #menace existentielle pour la République ?

      Si le terme « woke » est historiquement lié à la lutte des #Afro-Américains pour les #droits_civiques, il se trouve désormais au cœur de mobilisations d’une jeunesse militante animée par les causes féministes et antiracistes. Ces mobilisations traduisent en acte l’#intersectionnalité théorisée par #Kimberlé_Williams_Crenshaw*, mais le recours à certains procédés ou techniques est perçu comme une atteinte à la #liberté_d’expression (avec les appels à la #censure d’une œuvre, à l’annulation d’une exposition ou d’une représentation, au déboulonnage d’une statue, etc.) ou à l’égalité (avec les « réunions non mixtes choisies et temporaires » restreignant l’accès à celles-ci à certaines catégories de personnes partageant un même problème, une même discrimination). Le débat autour de ces pratiques est complexe et légitime. Mais parler en France du développement d’une « cancel culture » qu’elles sont censées symboliser est abusif, tant elles demeurent extrêmement marginales dans les sphères universitaires et artistiques. Leur nombre comme leur diffusion sont inversement proportionnels à leur écho politico-médiatique. D’où provient ce contraste ou décalage ?

      Une rupture du contrat social

      En réalité, au-delà de la critique/condamnation du phénomène « woke », la crispation radicale qu’il suscite dans l’hexagone puise ses racines dans une absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’égalité, de justice, de respect des droits humains. Un défaut d’écoute et de volonté qui se nourrit lui-même d’un mécanisme de déni, à savoir un mécanisme de défense face à une réalité insupportable, difficile à assumer intellectuellement et politiquement.

      D’un côté, une série de rapports publics et d’études universitaires** pointent la prégnance des inégalités et des discriminations à l’embauche, au logement, au contrôle policier ou même à l’école. Non seulement les discriminations sapent le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, mais la reproduction des inégalités est en partie liée à la reproduction des discriminations.

      De l’autre, le déni et l’#inaction perdurent face à ces problèmes systémiques. Il n’existe pas de véritable politique publique de lutte contre les discriminations à l’échelle nationale. L’État n’a pas engagé de programme spécifique qui ciblerait des axes prioritaires et se déclinerait aux différents niveaux de l’action publique.

      L’appel à l’« éveil » est un appel à la prise de conscience d’une rupture consommée de notre contrat social. La réalité implacable d’inégalités et de discriminations criantes nourrit en effet une #citoyenneté à plusieurs vitesses qui contredit les termes du récit/#pacte_républicain, celui d’une promesse d’égalité et d’#émancipation.

      Que l’objet si mal identifié que représente le « wokisme » soit fustigé par la droite et l’extrême-droite n’a rien de surprenant : la lutte contre les #logiques_de_domination ne fait partie ni de leur corpus idéologique ni de leur agenda programmatique. En revanche, il est plus significatif qu’une large partie de la gauche se détourne des questions de l’égalité et de la #lutte_contre_les_discriminations, pour mieux se mobiliser contre tout ce qui peut apparaître comme une menace contre un « #universalisme_républicain » aussi abstrait que déconnecté des réalités vécues par cette jeunesse française engagée en faveur de ces causes.

      Les polémiques autour du « wokisme » contribuent ainsi à forger cet arc politique et intellectuel qui atteste la convergence, voire la jonction de deux blocs conservateurs, « de droite » et « de gauche », unis dans un même « front républicain », dans un même déni des maux d’une société d’inégaux.

      https://www.nouvelobs.com/idees/20210928.OBS49202/wokisme-un-front-republicain-contre-l-eveil-aux-injustices.html

      #récit_républicain

    • « Le mot “#woke” a été transformé en instrument d’occultation des discriminations raciales »

      Pour le sociologue #Alain_Policar, le « wokisme » désigne désormais péjorativement ceux qui sont engagés dans des courants politiques qui se réclament pourtant de l’approfondissement des principes démocratiques.

      Faut-il rompre avec le principe de « #color_blindness » (« indifférence à la couleur ») au fondement de l’#égalitarisme_libéral ? Ce principe, rappelons-le, accompagne la philosophie individualiste et contractualiste à laquelle adhèrent les #démocraties. Or, en prenant en considération des pratiques par lesquelles des catégories fondées sur des étiquettes « raciales » subsistent dans les sociétés postcolonialistes, on affirme l’existence d’un ordre politico-juridique au sein duquel la « #race » reste un principe de vision et de division du monde social.

      Comme l’écrit #Stéphane_Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, « la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces couleurs multiples, de ces #orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également elle devait être #aveugle » ( Le Monde du 7 avril).

      Dès lors, ignorer cette #réalité, rester indifférent à la #couleur, n’est-ce pas consentir à la perpétuation des injustices ? C’est ce consentement qui s’exprime dans l’opération idéologique d’appropriation d’un mot, « woke », pour le transformer en instrument d’occultation de la réalité des discriminations fondées sur la couleur de peau. Désormais le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT ou même écologistes. Il ne se caractérise pas par son contenu, mais par sa fonction, à savoir, selon un article récent de l’agrégé de philosophie Valentin Denis sur le site AOC , « stigmatiser des courants politiques souvent incommensurables tout en évitant de se demander ce qu’ils ont à dire . Ces courants politiques, pourtant, ne réclament-ils pas en définitive l’approfondissement des #principes_démocratiques ?

      Une #justice_corrective

      Parmi les moyens de cet approfondissement, l’ affirmative action (« #action_compensatoire »), en tant qu’expression d’une justice corrective fondée sur la #reconnaissance des #torts subis par le passé et, bien souvent, qui restent encore vifs dans le présent, est suspectée de substituer le #multiculturalisme_normatif au #modèle_républicain d’#intégration. Ces mesures correctives seraient, lit-on souvent, une remise en cause radicale du #mérite_individuel. Mais cet argument est extrêmement faible : est-il cohérent d’invoquer la #justice_sociale (dont les antiwokedisent se préoccuper) et, en même temps, de valoriser le #mérite ? L’appréciation de celui-ci n’est-elle pas liée à l’#utilité_sociale accordée à un ensemble de #performances dont la réalisation dépend d’#atouts (en particulier, un milieu familial favorable) distribués de façon moralement arbitraire ? La justice sociale exige, en réalité, que ce qui dépend des circonstances, et non des choix, soit compensé.

      Percevoir et dénoncer les mécanismes qui maintiennent les hiérarchies héritées de l’#ordre_colonial constitue l’étape nécessaire à la reconnaissance du lien entre cet ordre et la persistance d’un #racisme_quotidien. Il est important (même si le concept de « #racisme_systémique », appliqué à nos sociétés contemporaines, est décrit comme une « fable » par certains auteurs, égarés par les passions idéologiques qu’ils dénoncent chez leurs adversaires) d’admettre l’idée que, même si les agents sont dépourvus de #préjugés_racistes, la discrimination fonctionne. En quelque sorte, on peut avoir du #racisme_sans_racistes, comme l’a montré Eduardo Bonilla-Silva dans son livre de 2003, Racism without Racists [Rowman & Littlefield Publishers, non traduit] . Cet auteur avait, en 1997, publié un article canonique sur le #racisme_institutionnel dans lequel il rejetait, en se réclamant du psychiatre et essayiste Frantz Fanon [1925-1961], les approches du racisme « comme une #bizarrerie_mentale, comme une #faille_psychologique » .

      Le reflet de pratiques structurelles

      En fait, les institutions peuvent être racialement oppressives, même sans qu’aucun individu ou aucun groupe ne puisse être tenu pour responsable du tort subi. Cette importante idée avait déjà été exprimée par William E. B. Du Bois dans Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race (1940, traduit chez Vendémiaire, 2020), ouvrage dans lequel il décrivait le racisme comme un #ordre_structurel, intériorisé par les individus et ne dépendant pas seulement de la mauvaise volonté de quelques-uns. On a pu reprocher à ces analyses d’essentialiser les Blancs, de leur attribuer une sorte de #racisme_ontologique, alors qu’elles mettent au jour les #préjugés produits par l’ignorance ou le déni historique.

      On comprend, par conséquent, qu’il est essentiel de ne pas confondre, d’une part, l’expression des #émotions, de la #colère, du #ressentiment, et, d’autre part, les discriminations, par exemple à l’embauche ou au logement, lesquelles sont le reflet de #pratiques_structurelles concrètes. Le racisme est avant tout un rapport social, un #système_de_domination qui s’exerce sur des groupes racisés par le groupe racisant. Il doit être appréhendé du point de vue de ses effets sur l’ensemble de la société, et non seulement à travers ses expressions les plus violentes.

      #Alexis_de_Tocqueville avait parfaitement décrit cette réalité [dans De la démocratie en Amérique, 1835 et 1840] en évoquant la nécessaire destruction, une fois l’esclavage aboli, de trois préjugés, qu’il disait être « bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de race, et enfin le préjugé du Blanc . Et il ajoutait : « J’aperçois l’#esclavage qui recule ; le préjugé qu’il a fait naître est immobile. » Ce #préjugé_de_race était, écrivait-il encore, « plus fort dans les Etats qui ont aboli l’esclavage que dans ceux où il existe encore, et nulle part il ne se montre aussi intolérant que dans les Etats où la servitude a toujours été inconnue . Tocqueville serait-il un militant woke ?

      Note(s) :

      Alain Policar est sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dernier livre paru : « L’Universalisme en procès » (Le Bord de l’eau, 160p., 16 euros)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/28/alain-policar-le-mot-woke-a-ete-transforme-en-instrument-d-occultation-des-d

      #WEB_Du_Bois

      signalé par @colporteur ici :
      https://seenthis.net/messages/941602

    • L’agitation de la chimère « wokisme » ou l’empêchement du débat

      Wokisme est un néologisme malin : employé comme nom, il suggère l’existence d’un mouvement homogène et cohérent, constitué autour d’une prétendue « idéologie woke ». Ou comment stigmatiser des courants politiques progressistes pour mieux détourner le regard des discriminations que ceux-ci dénoncent. D’un point de vue rhétorique, le terme produit une version totalement caricaturée d’un adversaire fantasmé.

      (#paywall)
      https://aoc.media/opinion/2021/11/25/lagitation-de-la-chimere-wokisme-ou-lempechement-du-debat

    • Europe’s War on Woke

      Why elites across the Atlantic are freaking out about the concept of structural racism.

      On my 32nd birthday, I agreed to appear on Répliques, a popular show on the France Culture radio channel hosted by the illustrious Alain Finkielkraut. Now 72 and a household name in France, Finkielkraut is a public intellectual of the variety that exists only on the Left Bank: a child of 1968 who now wears Loro Piana blazers and rails against “la cancel culture.” The other guest that day—January 9, less than 72 hours after the US Capitol insurrection—was Pascal Bruckner, 72, another well-known French writer who’d just published “The Almost Perfect Culprit: The Construction of the White Scapegoat,” his latest of many essays on this theme. Happy birthday to me.

      The topic of our discussion was the only one that interested the French elite in January 2021: not the raging pandemic but “the Franco-American divide,” the Huntington-esque clash of two apparently great civilizations and their respective social models—one “universalist,” one “communitarian”—on the question of race and identity politics. To Finkielkraut, Bruckner, and the establishment they still represent, American writers like me seek to impose a “woke” agenda on an otherwise harmonious, egalitarian society. Americans who argue for social justice are guilty of “cultural imperialism,” of ideological projection—even of bad faith.

      This has become a refrain not merely in France but across Europe. To be sure, the terms of this social-media-fueled debate are unmistakably American; “woke” and “cancel culture” could emerge from no other context. But in the United States, these terms have a particular valence that mostly has to do with the push for racial equality and against systemic racism. In Europe, what is labeled “woke” is often whatever social movement a particular country’s establishment fears the most. This turns out to be an ideal way of discrediting those movements: To call them “woke” is to call them American, and to call them American is to say they don’t apply to Europe.

      In France, “wokeism” came to the fore in response to a recent slew of terror attacks, most notably the gruesome beheading in October 2020 of the schoolteacher Samuel Paty. After years of similar Islamist attacks—notably the massacre at the offices of the newspaper Charlie Hebdo in January 2015 and the ISIS-inspired assaults on the Hypercacher kosher supermarket and the Bataclan concert hall in November 2015—the reaction in France reached a tipping point. Emmanuel Macron’s government had already launched a campaign against what it calls “Islamist separatism,” but Paty’s killing saw a conversation about understandable trauma degenerate into public hysteria. The government launched a full-scale culture war, fomenting its own American-style psychodrama while purporting to do the opposite. Soon its ministers began railing against “islamo-gauchisme” (Islamo-leftism) in universities, Muslim mothers in hijabs chaperoning school field trips, and halal meats in supermarkets.

      But most of all, they began railing against the ideas that, in their view, somehow augmented and abetted these divisions: American-inspired anti-racism and “wokeness.” Macron said it himself in a speech that was widely praised by the French establishment for its alleged nuance: “We have left the intellectual debate to others, to those outside of the Republic, by ideologizing it, sometimes yielding to other academic traditions…. I see certain social science theories entirely imported from the United States.” In October, the French government inaugurated a think tank, the Laboratoire de la République, designed to combat these “woke” theories, which, according to the think tank’s founder, Jean-Michel Blanquer, Macron’s education minister, “led to the rise of Donald Trump.”

      As the apparent emissaries of this pernicious “Anglo-Saxon” identitarian agenda, US journalists covering this moment in France have come under the spotlight, especially when we ask, for instance, what islamo-gauchisme actually means—if indeed it means anything at all. Macron himself has lashed out at foreign journalists, even sending a letter to the editor of the Financial Times rebutting what he saw as an error-ridden op-ed that took a stance he could not bear. “I will not allow anybody to claim that France, or its government, is fostering racism against Muslims,” he wrote. Hence my own invitation to appear on France Culture, a kind of voir dire before the entire nation.

      Finkielkraut began the segment with a tirade against The New York Times and then began discussing US “campus culture,” mentioning Yale’s Tim Barringer and an art history syllabus that no longer includes as many “dead white males.” Eventually I asked how, three days after January 6, we could discuss the United States without mentioning the violent insurrection that had just taken place at the seat of American democracy. Finkielkraut became agitated. “And for you also, [what about] the fact that in the American Congress, Emanuel Cleaver, representative of Missouri, presiding over a new inauguration ceremony, finished by saying the words ‘amen and a-women’?” he asked. “Ça vous dérangez pas?” I said it didn’t bother me in the least, and he got even more agitated. “I don’t understand what you say, James McAuley, because cancel culture exists! It exists!”

      The man knew what he was talking about: Three days after our conversation, Finkielkraut was dropped from a regular gig at France’s LCI television for defending his old pal Olivier Duhamel of Sciences Po, who was embroiled in a pedophilia scandal that had taken France by storm. Duhamel was accused by his stepdaughter, Camille Kouchener, of raping her twin brother when the two were in their early teens. Finkielkraut speculated that there may have been consent between the two parties, and, in any case, a 14-year-old was “not the same thing” as a child.

      I tell this story because it is a useful encapsulation of France’s—and Europe’s—war on woke, a conflict that has assumed various forms in different national contexts but that still grips the continent. On one level, there is a certain comedy to it: The self-professed classical liberal turns out to be an apologist for child molestation. In fact, the anti-woke comedy is now quite literally being written and directed by actual comedians who, on this one issue, seem incapable of anything but earnestness. John Cleese, 81, the face of Monty Python and a public supporter of Brexit, has announced that he will be directing a forthcoming documentary series on Britain’s Channel 4 titled Cancel Me, which will feature extensive interviews with people who have been “canceled”—although no one connected with the show has specified what exactly the word means.

      Indeed, the terms of this debate are an insult to collective intelligence. But if we must use them, we need to understand an important distinction between what is called “cancel culture” and what is called “woke.” The former has been around much longer and refers to tactics that are used across the political spectrum, but historically by those on the right. “Cancel culture” is not the result of an increased awareness of racial disparities or a greater commitment to social justice broadly conceived—both of which are more urgent than ever—but rather a terrible and inevitable consequence of life with the Internet. Hardly anyone can support “cancel culture” in good faith, and yet it is never sufficiently condemned, because people call out such tactics only when their political opponents use them, never when their allies do. “Woke,” on the other hand, does not necessarily imply public shaming; it merely signifies a shift in perspective and perhaps a change in behavior. Carelessly equating the two is a convenient way to brand social justice activism as inherently illiberal—and to silence long-overdue conversations about race and inequality that far too many otherwise reasonable people find personally threatening.

      But Europe is not America, and in Europe there have been far fewer incidents that could be construed as “cancellations”—again, I feel stupid even using the word—than in the United States. “Wokeism” is really a phenomenon of the Anglosphere, and with the exception of the United Kingdom, the social justice movement has gained far less traction in Europe than it has in US cultural institutions—newspapers, universities, museums, and foundations. In terms of race and identity, many European cultural institutions would have been seen as woefully behind the times by their US counterparts even before the so-called “great awokening.” Yet Europe has gone fully anti-woke, even without much wokeness to fight.

      So much of Europe’s anti-woke movement has focused on opposing and attempting to refute allegations of “institutional” or “structural” racism. Yet despite the 20th-century continental origins of structuralism (especially in France) as a mode of social analysis—not to mention the Francophone writers who have shaped the way American thinkers conceive of race—many European elites dismiss these critiques as unwelcome intrusions into the public discourse that project the preoccupations of a nation built on slavery (and thus understandably obsessed with race) onto societies that are vastly different. Europe, they insist, has a different history, one in which race—especially in the form of the simple binary opposition of Black and white—plays a less central role. There is, of course, some truth to this rejoinder: Different countries do indeed have different histories and different debates. But when Europeans accuse their American critics of projection, they do so not to point out the very real divergences in the US and European discussions and even conceptions of race and racism. Rather, the charge is typically meant to stifle the discussion altogether—even when that discussion is being led by European citizens describing their own lived experiences.

      France, where I reside, proudly sees itself as a “universalist” republic of equal citizens that officially recognizes no differences among them. Indeed, since 1978, it has been illegal to collect statistics on race, ethnicity, or religion—a policy that is largely a response to what happened during the Second World War, when authorities singled out Jewish citizens to be deported to Nazi concentration camps. The French view is that such categories should play no role in public life, that the only community that counts is the national community. To be anti-woke, then, is to be seen as a discerning thinker, one who can rise above crude, reductive identity categories.

      The reality of daily life in France is anything but universalist. The French state does indeed make racial distinctions among citizens, particularly in the realm of policing. The prevalence of police identity checks in France, which stem from a 1993 law intended to curb illegal immigration, is a perennial source of controversy. They disproportionately target Black and Arab men, which is one reason the killing of George Floyd resonated so strongly here. Last summer I spoke to Jacques Toubon, a former conservative politician who was then serving as the French government’s civil liberties ombudsman (he is now retired). Toubon was honest in his assessment: “Our thesis, our values, our rules—constitutional, etc.—they are universalist,” he said. “They do not recognize difference. But there is a tension between this and the reality.”

      One of the most jarring examples of this tension came in November 2020, when Sarah El Haïry, Macron’s youth minister, traveled to Poitiers to discuss the question of religion in society at a local high school. By and large, the students—many of whom were people of color—asked very thoughtful questions. One of them, Emilie, 16, said that she didn’t see the recognition of religious or ethnic differences as divisive. “Just because you are a Christian or a Muslim does not represent a threat to society,” she said. “For me, diversity is an opportunity.” These and similar remarks did not sit well with El Haïry, who nonetheless kept her cool until another student asked about police brutality. At that point, El Haïry got up from her chair and interrupted the student. “You have to love the police, because they are there to protect us on a daily basis,” she said. “They cannot be racist because they are republican!”

      For El Haïry, to question such assumptions would be to question something foundational and profound about the way France understands itself. The problem is that more and more French citizens are doing just that, especially young people like the students in Poitiers, and the government seems utterly incapable of responding.

      Although there is no official data to this effect—again, because of universalist ideology—France is estimated to be the most ethnically diverse society in Western Europe. It is home to large North African, West African, Southeast Asian, and Caribbean populations, and it has the largest Muslim and Jewish communities on the continent. By any objective measure, that makes France a multicultural society—but this reality apparently cannot be admitted or understood.

      Macron, who has done far more than any previous French president to recognize the lived experiences and historical traumas of various minority groups, seems to be aware of this blind spot, but he stops short of acknowledging it. Earlier this year, I attended a roundtable discussion with Macron and a small group of other Anglophone correspondents. One thing he said during that interview has stuck with me: “Universalism is not, in my eyes, a doctrine of assimilation—not at all. It is not the negation of differences…. I believe in plurality in universalism, but that is to say, whatever our differences, our citizenship makes us build a universal together.” This is simply the definition of a multicultural society, an outline of the Anglo-Saxon social model otherwise so despised in France.

      Europe’s reaction to the brutal killing of George Floyd in may 2020 was fascinating to observe. The initial shock at the terrifyingly mundane horrors of US life quickly gave way to protest movements that decried police brutality and the unaddressed legacy of Europe’s colonial past. This was when the question of structural racism entered the conversation. In Britain, Prime Minister Boris Johnson responded to the massive protests throughout the country by establishing the Commission on Race and Ethnic Disparities, an independent group charged with investigating the reality of discrimination and coming up with proposals for rectifying racial disparities in public institutions. The commission’s report, published in April 2021, heralded Britain as “a model for other White-majority countries” on racial issues and devoted three pages to the problems with the language of “structural racism.”

      One big problem with this language, the report implied, is that “structural racism” is a feeling, and feelings are not facts. “References to ‘systemic’, ‘institutional’ or ‘structural racism’ may relate to specific processes which can be identified, but they can also relate to the feeling described by many ethnic minorities of ‘not belonging,’” the report said. “There is certainly a class of actions, behaviours and incidents at the organisational level which cause ethnic minorities to lack a sense of belonging. This is often informally expressed as feeling ‘othered.’” But even that modest concession was immediately qualified. “However, as with hate incidents, this can have a highly subjective dimension for those tasked with investigating the claim.” Finally, the report concluded, the terms in question were inherently extreme. “Terms like ‘structural racism’ have roots in a critique of capitalism, which states that racism is inextricably linked to capitalism. So by that definition, until that system is abolished racism will flourish.”

      The effect of these language games is simply to limit the terms available to describe a phenomenon that indeed exists. Because structural racism is not some progressive shibboleth: It kills people, which need not be controversial or even political to admit. For one recent example in the UK, look no further than Covid-19 deaths. The nation’s Office for National Statistics concluded that Black citizens were more than four times as likely to die of Covid as white citizens, while British citizens of Bangladeshi and Pakistani heritage were more than three times as likely to die. These disparities were present even among health workers directly employed by the state: Of the National Health Service clinical staff who succumbed to the virus, a staggering 60 percent were “BAME”—Black, Asian, or minority ethnic, a term that the government’s report deemed “no longer helpful” and “demeaning.” Beyond Covid-19, reports show that Black British women are more than four times as likely to die in pregnancy or childbirth as their white counterparts; British women of an Asian ethnic background die at twice the rate of white women.

      In the countries of Europe as in the United States, the battle over “woke” ideas is also a battle over each nation’s history—how it is written, how it is taught, how it is understood.

      Perhaps nowhere is this more acutely felt than in Britain, where the inescapable legacy of empire has become the center of an increasingly acrimonious public debate. Of particular note has been the furor over how to think about Winston Churchill, who remains something of a national avatar. In September, the Winston Churchill Memorial Trust renamed itself the Churchill Fellowship, removed certain pictures of the former prime minister from its website, and seemed to distance itself from its namesake. “Many of his views on race are widely seen as unacceptable today, a view that we share,” the Churchill Fellowship declared. This followed the November 2020 decision by Britain’s beloved National Trust, which operates an extensive network of stately homes throughout the country, to demarcate about 100 properties with explicit ties to slavery and colonialism.

      These moves elicited the ire of many conservatives, including the prime minister. “We need to focus on addressing the present and not attempt to rewrite the past and get sucked into the never-ending debate about which well-known historical figures are sufficiently pure or politically correct to remain in public view,” Johnson’s spokesman said in response to the Churchill brouhaha. But for Hilary McGrady, the head of the National Trust, “the genie is out of the bottle in terms of people wanting to understand where wealth came from,” she told London’s Evening Standard. McGrady justified the trust’s decision by saying that as public sensibilities change, so too must institutions. “One thing that possibly has changed is there may be things people find offensive, and we have to be sensitive about that.”

      A fierce countermovement to these institutional changes has already emerged. In the words of David Abulafia, 71, an acclaimed historian of the Mediterranean at Cambridge University and one of the principal architects of this countermovement, “We can never surrender to the woke witch hunt against our island story.”

      This was the actual title of an op-ed by Abulafia that the Daily Mail published in early September, which attacked “today’s woke zealots” who “exploit history as an instrument of propaganda—and as a means of bullying the rest of us.” The piece also announced the History Reclaimed initiative, of which Abulafia is a cofounder: a new online platform run by a board of frustrated British historians who seek to “provide context, explanation and balance in a debate in which condemnation is too often preferred to understanding.” As a historian myself, I should say that I greatly admire Abulafia’s work, particularly its wide-ranging synthesis and its literary quality, neither of which is easy to achieve and both of which have been models for me in my own work. Which is why I was surprised to find a piece by him in the Daily Mail, a right-wing tabloid not exactly known for academic rigor. When I spoke with Abulafia about it, he seemed a little embarrassed. “It’s basically an interview that they turn into text and then send back to you,” he told me. “Some of the sentences have been generated by the Daily Mail.”

      As in the United States, the UK’s Black Lives Matter protests led to the toppling of statues, including the one in downtown Bristol of Edward Colston, a 17th-century merchant whose wealth derived in part from his active involvement in the slave trade. Abulafia told me he prefers a “retain and explain” approach, which means keeping such statues in place but adding context to them when necessary. I asked him about the public presentation of statues and whether by their very prominence they command an implicit honor and respect. He seemed unconvinced. “You look at statues and you’re not particularly aware of what they show,” he said.

      “What do you do about Simon de Montfort?” Abulafia continued. “He is commemorated at Parliament, and he did manage to rein in the power of monarchy. But he was also responsible for some horrific pogroms against the Jews. Everyone has a different perspective on these people. It seems to me that what we have to say is that human beings are complex; we often have contradictory ideas, mishmash that goes in any number of different directions. Churchill defeated the Nazis, but lower down the page one might mention that he held views on race that are not our own. Maintaining that sense of proportion is important.”

      All of these are reasonable points, but what I still don’t understand is why history as it was understood by a previous generation must be the history understood by future generations. Statues are not history; they are interpretations of history created at a certain moment in time. Historians rebuke previous interpretations of the past on the page all the time; we rewrite accounts of well-known events according to our own contemporary perspectives and biases. What is so sacred about a statue?

      I asked Abulafia why all of this felt so personal to him, because it doesn’t feel that way to me. He replied, “I think there’s an element of this: There is a feeling that younger scholars might be disadvantaged if they don’t support particular views of the past. I can think of examples of younger scholars who’ve been very careful on this issue, who are not really taking sides on that issue.” But I am exactly such a younger scholar, and no one has ever forced me to uphold a certain opinion, either at Harvard or at Oxford. For Abulafia, however, this is a terrifying moment. “One of the things that really worries me about this whole business is the lack of opportunities for debate.”

      Whatever one thinks of “woke” purity tests, it cannot be argued in good faith that the loudest European voices on the anti-woke side of the argument are really interested in “debate.” In France especially, the anti-woke moment has become particularly toxic because its culture warriors—on both the right and the left—have succeeded in associating “le wokeisme” with defenses of Islamist terrorism. Without question, France has faced the brunt of terrorist violence in Europe in recent years: Since 2015, more than 260 people have been killed in a series of attacks, shaking the confidence of all of us who live here. The worst year was 2015, flanked as it was by the Charlie Hebdo and Bataclan concert hall attacks. But something changed after Paty’s brutal murder in 2020. After a long, miserable year of Covid lockdowns, the French elite—politicians and press alike—began looking for something to blame. And so “wokeness” was denounced as an apology for terrorist violence; in the view of the French establishment, to emphasize identity politics was to sow the social fractures that led to Paty’s beheading. “Wokeness” became complicit in the crime, while freedom of expression was reserved for supporters of the French establishment.

      The irony is fairly clear: Those who purported to detest American psychodramas about race and social justice had to rely on—and, in fact, to import—the tools of an American culture war to battle what they felt threatened by in their own country. In the case of Paty’s murder and its aftermath, there was another glaring irony, this time about the values so allegedly dear to the anti-woke contingent. The middle school teacher, who was targeted by a Chechen asylum seeker because he had shown cartoons of the prophet Muhammad as part of a civics lesson about free speech, was immediately lionized as an avatar for the freedom of expression, which the French government quite rightly championed as a value it would always protect. “I will always defend in my country the freedom to speak, to write, to think, to draw,” Macron told Al Jazeera shortly after Paty’s killing. This would have been reassuring had it not been completely disingenuous: Shortly thereafter, Macron presided over a crackdown on “islamo-gauchisme” in French universities, a term his ministers used with an entirely straight face. If there is a single paradox that describes French cultural life in 2021, it is this: “Islamophobia” is a word one is supposed to avoid, but “Islamo-leftism” is a phenomenon one is expected to condemn.

      Hundreds of academics—including at the Centre National de la Recherche Scientifique, France’s most prestigious research body—attacked the government’s crusade against an undefined set of ideas that were somehow complicit in the Islamist terror attacks that had rocked the country. Newspapers like Le Monde came out against the targeting of “islamo-gauchisme,” and there were weeks of tedious newspaper polemics about whether the term harks back to the “Judeo-Bolshevism” of the 1930s (of course it does) or whether it describes a real phenomenon. In any case, the Macron government backtracked in the face of prolonged ridicule. But the trauma of the terror attacks and the emotional hysteria they unleashed will linger: France has also reconfigured its commitment to laïcité, the secularism that the French treat as an unknowable philosophical ideal but that is actually just the freedom to believe or not to believe as each citizen sees fit. Laïcité has become a weapon in the culture war, instrumentalized in the fight against an enemy that the French government assures its critics is radical Islamism but increasingly looks like ordinary Islam.

      The issue of the veil is infamously one of the most polarizing and violent in French public debate. The dominant French view is a function of universalist ideology, which holds that the veil is a symbol of religious oppression; it cannot be worn by choice. A law passed in 2004 prohibits the veil from being worn in high schools, and a separate 2010 law bans the face-covering niqab from being worn anywhere in public, on the grounds that “in free and democratic societies…o exchange between people, no social life is possible, in public space, without reciprocity of look and visibility: people meet and establish relationships with their faces uncovered.” (Needless to say, this republican value was more than slightly complicated by the imposition of a mask mandate during the 2020 pandemic.)

      In any case, when Muslim women wear the veil in public, which is their legal right and in no way a violation of laïcité, they come under attack. In 2019, for instance, then–Health Minister Agnès Buzyn—who is now being investigated for mismanaging the early days of the pandemic—decried the marketing of a runner’s hijab by the French sportswear brand Decathlon, because of the “communitarian” threat it apparently posed to universalism. “I would have preferred a French brand not to promote the veil,” Buzyn said. Likewise, Jean-Michel Blanquer, France’s education minister, conceded that although it was technically legal for mothers to wear head scarves, he wanted to avoid allowing them to chaperone school trips “as much as possible.”

      Nicolas Cadène, the former head of France’s national Observatory of Secularism—a laïcité watchdog, in other words—was constantly criticized by members of the French government for being too “soft” on Muslim communal organizations, with whose leaders he regularly met. Earlier this year, the observatory that Cadène ran was overhauled and replaced with a new commission that took a harder line. He remarked to me, “You have political elites and intellectuals who belong to a closed society—it’s very homogeneous—and who are not well-informed about the reality of society. These are people who in their daily lives are not in contact with those who come from diverse backgrounds. There is a lack of diversity in that elite. France is not the white man—there is a false vision [among] our elites about what France is—but they are afraid of this diversity. They see it as a threat to their reality.”

      As in the United States, there is a certain pathos in the European war on woke, especially in the battalion of crusaders who belong to Cleese and Finkielkraut’s generation. For them, “wokeism” —a term that has no clear meaning and that each would probably define differently—is a personal affront. They see the debate as being somehow about them. The British politician Enoch Powell famously said that all political lives end in failure. A corollary might be that all cultural careers end in irrelevance, a reality that so many of these characters refuse to accept, but that eventually comes for us all—if we are lucky. For many on both sides of the Atlantic, being aggressively anti-woke is a last-ditch attempt at mattering, which is the genuinely pathetic part. But it is difficult to feel pity for those in that camp, because their reflex is, inescapably, an outgrowth of entitlement: To resent new voices taking over is to believe that you always deserve a microphone. The truth is that no one does.

      https://www.thenation.com/article/world/woke-europe-structural-racism

  • Pourquoi le nombre de malades entre les données de Santé Publique France et celles des hôpitaux est si différent. Notre décryptage - Nice-Matin
    https://www.nicematin.com/sante/pourquoi-le-nombre-de-malades-entre-les-donnees-de-sante-publique-france-

    Mic mac autour des chiffres de la Covid-19 dans les Alpes-Maritimes... Alors que tous les regards sont braqués sur le nombre de lits disponibles pour accueillir des malades souffrant de formes graves de Covid, on découvre d’importantes divergences dans les chiffres.

    Il ne s’agit pas de minimiser l’ampleur de l’épidémie ni sa gravité, alors que le virus continue de circuler activement sur le territoire. Mais de faire état de la réalité de la situation, aussi objectivement possible. Or la situation dans les Alpes-Maritimes, selon qu’elle s’appuie sur les données de Santé publique France, ou sur celles fournies au quotidien par les acteurs de terrain, prend des visages différents.

    Nous avons fait cette découverte après avoir reçu des courriers de médecins hospitaliers s’étonnant des discordances entre les informations diffusées par Nice-Matin au sujet des hospitalisations pour Covid (issues de Santé publique France) et les observations de terrain.

    Or, le nombre d’hospitalisations pour Covid-19 fait partie des indicateurs suivis avec la plus grande attention. Il rend compte du niveau d’occupation des lits dédiés à l’accueil des malades souffrant de formes graves de la Covid-19.

    Chaque jour, des personnels du CHU de Nice, établissement support des Alpes-Maritimes, interrogent ainsi tous les établissements accueillant des malades de la Covid-19, et recensent le nombre de lits occupés pour ce motif.

    Des informations précieuses, relayées à tous les professionnels hospitaliers ainsi qu’à l’ARS, et qui participent en premier lieu aux choix politiques : couvre-feu, confinement…

    Rappelons en effet que toutes les mesures prises ont pour objectif d’éviter une saturation des lits d’hôpitaux.

    De grosses différences pendant des semaines cruciales
    Nous avons pu nous procurer ces tableaux et les courbes d’évolution depuis début octobre, lorsque l’épidémie est repartie à la hausse après la trêve estivale. Et nous avons comparé les données y figurant à celles publiées par Santé publique France, établissement sous la tutelle du ministère de la santé. Données relayées par Nice-Matin, et l’ensemble des médias.

    Et là, nous avons constaté des différences majeures concernant les lits occupés mais aussi l’évolution de la courbe des hospitalisations pendant plusieurs semaines cruciales.

    À titre d’exemple, le 3 janvier dernier, Santé publique France comptabilisait 564 personnes hospitalisées avec un diagnostic Covid-19 dans le département des Alpes-Maritimes (dont 69 en réanimation), quand dans la réalité « seulement » 233 patients au total (dont 55 en service de réanimation) étaient ce jour-là hospitalisés dans l’un ou l’autre des établissements (privés ou publics). Comment comprendre cette différence d’un facteur 2.5 entre ces deux sources ?

    Phénomène plus préoccupant, on observe de vraies divergences dans l’évolution des courbes, pendant des périodes déterminantes. Ainsi, alors que celles traduisant la progression des hospitalisations pour formes graves dans les Alpes-Maritimes, produites par les acteurs de terrain, font état d’une relative stabilité, voire d’une décroissance, à compter du 10 novembre et pendant plusieurs semaines, la courbe publiée par Santé publique France décrit une croissance constante de ces hospitalisations.

    Depuis la levée du confinement, et les instaurations successives du couvre-feu à 20 h puis 18 h, les deux courbes sont quasi parallèles, en progression.

    Des patients en soins de suite qui continuent d’être comptabilisés
    Répondre à ces questions posées par ces données nous a valu une plongée dans un univers totalement kafkaïen, à l’issue duquel nous ne pouvons émettre que des hypothèses, chaque acteur n’ayant pu nous fournir d’explications exhaustives.

    Le chiffre des hospitalisations provenant des hôpitaux eux-mêmes inclut les patients en soins critiques, en lits de médecine mais ne tient pas compte à juste titre de ceux qui ont eu le Covid par le passé, et qui sont toujours hospitalisés en soins de suite et réadaptation (SSR), pour une prise en charge des séquelles de leur maladie.

    Des patients qui ne sont plus contagieux pour la grande majorité d’entre eux.

    « Au bout de 14 jours, ces patients devraient être sortis des bases, nous indique un spécialiste en santé publique. Dans la réalité, il est fréquent qu’ils ne le soient pas tant qu’ils restent présents dans les unités de SSR. De façon plus générale, les malades de la Covid-19 qui quittent l’hôpital après un séjour en réanimation ou dans un autre service ne sont pas toujours sortis des bases. Comme Santé publique France fait des extractions de ces données, elles sont mathématiquement supérieures à la réalité. »

    Difference Covid
    Pas de distinguo avec les patients PCR+ hospitalisés pour d’autres motifs

    Lorsqu’un patient est hospitalisé pour un motif quelconque (insuffisance cardiaque, décompensation diabétique…), dans l’un ou l’autre des services des hôpitaux ou cliniques, et qu’il est testé positif pendant son séjour, il rejoint le « pool des personnes hospitalisées pour Covid » dans la base de données, même s’il ne présente aucun symptôme.

    Lorsque des patients arrivent dans les services d’urgences avec une suspicion de Covid, ils sont aussitôt rentrés dans la base SI-VIC. Si le diagnostic n’est pas confirmé, ils doivent ensuite être retirés de la base, ce qui n’est là encore pas systématiquement fait.

    Le système de recueil de données inclut les patients positifs résidents en EHPAD, dans des maisons d’accueil spécialisé (MAS) et foyers d’accueil médicalisé (FAM), même si leur état n’a pas justifié une hospitalisation dans l’un ou l’autre des secteurs dédiés.

    Plus on teste, plus on trouve de positifs
    Au-delà des différences dans le nombre total de patients hospitalisés pour Covid, comment expliquer les divergences dans les trajectoires des courbes entre le 10 novembre et le 15 décembre ? Intrigués, aucun des spécialistes contactés n’a su pour autant nous répondre.

    La réponse s’explique peut-être en partie par le nombre de tests réalisés. Les Alpes-Maritimes figurent parmi les départements qui testent le plus en France. Or, plus on teste, plus on trouve de positifs. Des personnes testées positives alors qu’elles sont hospitalisées ou qu’elles résident dans des établissements sanitaires et sociaux, Ehpad en priorité (qui ont fait face pendant cette période à de nombreux clusters), rejoignent la case des personnes « hospitalisées avec diagnostic Covid-19 » sur le site de Santé publique France.

    On s’aperçoit, en suivant la courbe issue des données des hôpitaux, que l’accroissement du nombre de positifs ne s’est pas traduit par une augmentation des hospitalisations dans des structures de soins, et n’a donc pas constitué une menace pour le système de santé.

    La problématique est certainement nationale
    Si à l’issue de cette enquête de nombreuses questions restent posées, il reste que cette bataille des chiffres a matière à inquiéter de l’avis même des acteurs en première ligne dans cette crise : « C’est un biais terrible, alors que toute la communication est en effet basée sur les chiffres de Santé Publique France. Et la problématique est certainement nationale, nous confie l’un d’entre eux sous couvert d’anonymat (chacun partage la même crainte d’être accusé de nourrir la théorie du complot).

    En pleine décroissance des hospitalisations, les journaux titraient : l’épidémie repart ! Et lorsque le couvre-feu à 18 heures a été instauré, on a aussi dit : ça explose à Nice ! La réalité, c’est que ça n’évoluait pas plus qu’ailleurs. »

    Développée dans des conditions d’urgence suite aux attentats de novembre 2015, la plateforme web SI-VIC (SI VICtimes) a permis aux agences sanitaires de disposer rapidement d’une base de données partagée et sécurisée adaptée aux événements générant de nombreux blessés (attentat, prise d’otage, accident sur la voie publique, etc.). Cette plateforme proposait ainsi un système de recensement des admissions aux urgences avec recherche de doublons et possibilités de transferts d’un service à un autre.

    Aujourd’hui, elle est utilisée par les établissements de santé dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 pour permettre le dénombrement des patients COVID-19 hospitalisés.

    • Quel est le nombre d’hospitalisations pour Covid-19 dans la région PACA ? - Nice-Matin
      https://www.nicematin.com/faits-de-societe/quel-est-le-nombre-dhospitalisations-pour-covid-19-dans-la-region-paca-63

      LA QUESTION DE CELIA Quel est le nombre d’hospitalisations pour Covid dans la région PACA ?

      Bonjour Célia,

      On navigue parfois dans la quatrième dimension lorsqu’il s’agit d’obtenir le nombre exact de personnes hospitalisées en région PACA. Preuve en est le mic mac que nous avons souligné ce vendredi dans les colonnes de Nice-matin à propos de discordances entre les informations diffusées par Nice-Matin au sujet des hospitalisations pour Covid (issues de Santé publique France) et les observations de terrain.

      En novembre, les courbes de Santé Publique France indiquaient une croissance constance des hospitalisations pour formes graves, toujours dans les Alpes-Maritimes, alors que les médecins sur le terrain relevaient des courbes stables, voire décroissantes.

      La révélation de ces importantes divergences a fait réagir, dans la foulée, le directeur général de la Santé. Une note interne signée par Jérôme Salomon exhorte les « établissements de santé d’effectuer la vérification et la mise à jour de l’ensemble des fiches des patients » Covid-19 afin de les mettre à jour avant le jeudi 21 janvier.

      Dans ce contexte, selon le dernier point de situation régional en Provence-Alpes-Côte d’Azur, publié le 15 janvier par l’Agence régionale de Santé, le nombre de personnes hospitalisées dans la région PACA est de 1 181 personnes (soit -5 par rapport au 14 janvier) ; 334 personnes étant en réanimation (soit +13 personnes) à cette date.

      "UN NIVEAU ÉLEVÉ" SELON L’ARS
      En terme d’occupation des lits, le Vaucluse est engorgé avec 100% pour le taux d’occupation des lits en réanimation, suivi du Var (91,6%), des Bouches-du-Rhône (90,2%), des Alpes-Maritimes (87,8%), des Alpes-de-Haute-Provence (75%) et Haute-Alpes (62,5%). 

      Dans les Bouches-du-Rhône, le nombre de patients en réanimation est de l’ordre de 192 (soit +12 patients). Les autres départements n’enregistrent pas de hausse sensible (+1) et les Alpes-Maritimes recensent même deux personnes en moins. 

      L’ARS note que « le nombre de cas hospitalisés et décédés a légèrement augmenté et reste à un niveau élevé ».

    • Ca donne du grain à moudre aux tennant·es des théories conspirationnistes. Un ami conspi m’expliquait il y a 2-3 jours que les chiffres étaient gonflés artificiellements. Et ca résonne étrangement avec la nouvelle cause anti-conspi de Jupiter. Est-ce que ces medecins de la région Paca vont se trouvé sous le viseur de la macronie pour conspirationnisme ? Vu la manière dont ce gouvernement utilise systhématiquement ses « grandes causes » (violences contre les femmes pour coupé les fonds des assos et ouvrir un marché sur les violences faites aux femmes, harcelement de rue pour ciblé les SDF et Migrants, violences policières pour aboutir à la loi securité global, loi séparatiste qui vérouille la liberté d’expression et crée de nouvelles discriminations islamophobes...) pour dégommer l’opposition et couvrir son incompétence volontaire ou pas en censurant la presse.

    • oui, c’est par un auteur ici présent, on va dire, sensible à ces thèses que je vois passer l’info que je reprends ici.

      La production de (données) statistiques demande de préciser les concepts, lesquels face à la réalité de la pratique ne fournissent pas toujours des réponses claires (quelle case dois-je cocher ?) Cela suppose donc des règles et des conventions et qu’on les applique de façon homogène entre chaque opérateur et avec constance pour un même opérateur. Autant dire que ça n’est jamais gagné et nécessite une lutte de tous les instants.

      Exemple, mentionné dans l’article, mettre à jour une information ou radier un élément sont des actions qui sont moins « gratifiantes » qu’ajouter un nouvel élément et donc une partie d’entre elles ne sont pas faites (cf. l’absence quasi totale de mise à jour ou de radiation des différents fichiers policiers qui entraine leur inflation perpétuelle).

      On peut trouver ça kafkaïen, mais c’est le prix à payer pour avoir des stats exploitable ; si on n’y attache pas d’importance, c’est l’exploitation des données qui devient kafkaïenne et, en vérité, impossible. Quand on travaille avec des données, on fait, plus ou moins implicitement, les hypothèses de cohérence des traitements, homogénéité entre agents et zones géographiques et stabilité dans le temps sont (à peu près) vérifiées.

      C’est embêtant quand l’ampleur des variations est telle que ça commence à se voir, comme ici. Mais quand on commence à chercher - et qu’on y passe le temps qu’il faut - on finit toujours par trouver des trucs …

      Dans un fichier, il n’y a plus de «  loups  » quand on ne les voit pas trop (ou qu’on ne les entend pas trop) et qu’en conséquence, on arrête de les chercher …

      À partir de quand s’arrêter de chercher, à partir de quand se mettre à douter de la fiabilité des chiffres ? #Bonne_question_Elkabbach

      Ceux qui ont un peu mis leur nez dans la production de données rigolent (jaune !) quand on leur sort des trucs du genre ; vous les statisticiens vous ne croyez qu’en vos chiffres.

      Ce qui nous amène à la phrase attribuée à Churchill : I only believe in statistics that I doctored myself soit je n’ai confiance que dans les chiffres que j’ai moi-même bidouillés.

      sur l’attribution de la citation, cf. https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-40610.php

    • Attention quand même  : si un gus rentre à l’hosto pour covid, au bout de 14 jours, il est toujours à l’hosto pour covid et il est important de pouvoir le tracer comme tel s’il y reste 2 mois.
      Radier les covidés au bout de 15 jours est juste un non-sens. Et une sale négation des covid longs.

      Quant aux PCR+++ qui rentrent à l’hosto pour « autre chose » que le covid… va falloir bien s’entendre sur le « autre chose », vu que cette merde est capable d’attaquer tous les morceaux  : tu peux très bien te taper un AVC ou un infarct provoqué par le covid  : la détresse respiratoire est très loin d’être le seul symptôme. C’est d’ailleurs la diversité des symptomes et le manque d’info à ce sujet qui font que nombre de covidés ignorent leur état et pensent avoir autre chose, ce qui n’aide vraiment.
      La vraie question, c’est comment on traite statistiquement le gus qui rentre pour un accident de la route ou un suivi de cancer et qui s’avère un PCR+++ qui s’ignorait ou les covid nosocomiaux que certains pays estiment à environ 10% des hospitalisés  ?

      Donc, prudence aussi avec cet article qui me semble tirer un peu fort vers une sorte de tradition locale de minoration du problème.

    • Il y a déjà eu une polémique assez similaire en octobre dernier :
      https://www.liberation.fr/checknews/2020/10/30/l-indicateur-du-taux-d-occupation-des-lits-de-reanimation-est-il-gonfle_1

      TLDR :

      Au final, les spécialistes interrogés s’accordent tous à dire que la tension des services de réanimation est une réalité incontestable. Même si l’indicateur officiel, donc, en est une transcription imparfaite, traduisant bien la pression de l’épidémie sur la structure hospitalière, mais ne renseignant guère, en réalité, sur le taux d’occupation en réanimation. Sa pertinence demeure toutefois défendue par la DGOS, qui estime qu’il reflète bien « le niveau de sollicitation, de mobilisation, de tension des services, région par région, en lien avec le coronavirus ».

    • Tout à fait d’accord avec @monolecte, l’article est bien tendancieux et vise à minimiser (c’est pour ça qu’il a plu et été pointé ici).

      Comme souvent, la question cruciale est qu’est-ce qu’on compte ? Il me semble, en tous cas c’est comme ça que je le comprends, qu’il s’agit des hospitalisations en raison du covid (mais je n’ai pas regardé la définition qu’en donne SPF). Dans l’article, on voit des constats, présentés comme des anomalies, qui s’ils étaient pris en compte modifieraient sensiblement cette définition (et feraient baisser les stats) :
      • ne compter que les contagieux ou les PCR+
      • ne pas compter les «  covidés  » en soins de suite

      Dans l’autre sens, il faudrait s’intéresser à la façon dont sont comptabilisés les contaminés à l’hôpital … Soit un sur sept d’après https://seenthis.net/messages/897181 . En effet, ils n’ont pas été comptés positifs au coronavirus à leur admission ; qu’enregistre-t-on dans les stats quand ils le deviennent ? Il faudrait prévoir un nouveau décompte : devenus positifs à l’hôpital. Ça compliquerait encore le suivi du stock, … :
      ∆ stock d’hospitalisations covid = admissions covid + contaminés à l’hôpital - radiations covidés (à l’admission ou en cours d’hospit)

    • Un autre aspect peu honnête est que l’article est très flou sur un point précis : est-ce que ça dénonce le fait qu’on compterait trop d’hospitalisations, ou juste trop de cas de Covid hospitalisés ?

      Le paragraphe qui expose le « problème » dit assez clairement que dans tous les cas, on compte bien des gens hospitalisés :

      Lorsqu’un patient est hospitalisé pour un motif quelconque (insuffisance cardiaque, décompensation diabétique…), dans l’un ou l’autre des services des hôpitaux ou cliniques, et qu’il est testé positif pendant son séjour, il rejoint le « pool des personnes hospitalisées pour Covid » dans la base de données, même s’il ne présente aucun symptôme.

      et que le souci est que parmi ces cas hospitalisés, on dit que certains sont Covid alors que non. Mais on parlerait aurait bien des gens réellement hospitalisés au final.

      Mais juste ensuite, on a une indignation anonyme qui dit explicitement :

      En pleine décroissance des hospitalisations, les journaux titraient : l’épidémie repart !

      Ah, donc il y aurait une baisse des hospitalisations. Ou bien, faudrait-il comprendre comme dans le premier paragraphe, qu’il y a une baisse des hospitalisations pour Covid, mais pas une baisse des hospitalisations tout court.

      Parce qu’au final, ce qui compte et qui détermine toutes les décisions, c’est la saturation des hôpitaux toutes causes confondues. Toute en sachant que le seul élément qui risque d’aggraver la saturation, de toute façon, c’est l’épidémie (ce n’est pas, cet hiver, la grippe saisonnière qui va réellement jouer, ni une épidémie d’accidents de voiture, ni la canicule…).

      Et la question de mesurer le taux d’occupation des réas, c’est déjà la pseudo-polémique d’octobre dernier.

      Parce qu’une fois que c’est saturé, c’est saturé, et les jeunes gens de 65 ans qui ont autre chose qu’un Covid ne seront pas sauvés parce qu’on est obligé de trier les patients, parce qu’il y a trop de gens de 55 ans avec le Covid qui occupent les lits de réanimation.

    • Juste pour le rappeler, si les stations de ski n’ont pas l’autorisation d’ouvrir les remontées mécaniques, c’est en particulier du fait du flux d’hospitalisations conséquents que ce sport génère. Je n’ai plus les chiffres en tête, mais ils étaient significatifs.

      Ergoter sans fin sur la définition d’un nombre n’a que peu d’intérêt à mon sens (et cet article n’a de ce point de vue qu’un intérêt documentaire, faute d’avoir le moindre intérêt pratique).
      L’important, à mon sens, quand on s’est mis d’accord à un instant T sur une mesure, c’est de tâcher de s’y tenir, et de respecter la décision, afin de pouvoir suivre la dynamique. La valeur absolue est sans doute perfectible, mais sa dynamique, la façon dont elle évolue, est plus opérationnelle à mon sens.

      Par exemple, pour les chiffres du chômage, ils auront beau changer les définitions de ce que c’est qu’être au chômage... la dynamique restera, et ils n’y pourront rien, politiquement... quand le chômage augmente... il augmente même quand on rend plus dur la définition du chômeur.

    • Il est clair que le but de l’article est de détruire la crédibilité des chiffres de SPF et d’ancrer dans les têtes qu’ils sont gonflés artificiellement. De ce point de vue, le graphique utilisé fait remarquablement ce (sale) boulot.

      Passons sur le fait que la mention des chiffres issus des données hospitalières ne décrit pas vraiment ni la source effective, ni la méthodologie, devant le constat de la divergence flagrante entre les deux séries à partir de début novembre, la première chose à faire (et impérativement avant toute publication) est d’analyser les écarts et de pointer les raisons de cette divergence. Pas justifier à l’unité près, mais pointer les flux entrants ou sortants qui échappent à l’une ou à l’autre.

    • De l’ordre de 5000 hospitalisations liées à une pratique en montagne pour la saison 2019-20 tronquée par le premier confinement. 6300 en 2010-11.

      avec un flux > 1000 hospi covid par jour depuis octobre, c’est clairement un argument majeur pour interdire le ski :-)

  • Qui est complice de qui ? Les #libertés_académiques en péril

    Professeur, me voici aujourd’hui menacé de décapitation. L’offensive contre les musulmans se prolonge par des attaques contre la #pensée_critique, taxée d’islamo-gauchisme. Celles-ci se répandent, des réseaux sociaux au ministre de l’Éducation, des magazines au Président de la République, pour déboucher aujourd’hui sur une remise en cause des libertés académiques… au nom de la #liberté_d’expression !

    Je suis professeur. Le 16 octobre, un professeur est décapité. Le lendemain, je reçois cette menace sur Twitter : « Je vous ai mis sur ma liste des connards à décapiter pour le jour où ça pétera. Cette liste est longue mais patience : vous y passerez. »

    C’est en réponse à mon tweet (https://twitter.com/EricFassin/status/1317246862093680640) reprenant un billet de blog publié après les attentats de novembre 2015 (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/161115/nous-ne-saurions-vouloir-ce-que-veulent-nos-ennemis) : « Pour combattre le #terrorisme, il ne suffit pas (même s’il est nécessaire) de lutter contre les terroristes. Il faut surtout démontrer que leurs actes sont inefficaces, et donc qu’ils ne parviennent pas à nous imposer une politique en réaction. » Bref, « nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis » : si les terroristes cherchent à provoquer un « conflit des civilisations », nous devons à tout prix éviter de tomber dans leur piège.

    Ce n’est pas la première fois que je reçois des #menaces_de_mort. Sur les réseaux sociaux, depuis des années, des trolls me harcèlent : les #insultes sont quotidiennes ; les menaces, occasionnelles. En 2013, pour Noël, j’ai reçu chez moi une #lettre_anonyme. Elle recopiait des articles islamophobes accusant la gauche de « trahison » et reproduisaient un tract de la Résistance ; sous une potence, ces mots : « où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent, les traîtres seront châtiés. » Je l’analysais dans Libération (https://www.liberation.fr/societe/2014/01/17/le-nom-et-l-adresse_973667) : « Voilà ce que me signifie le courrier reçu à la maison : on sait où tu habites et, le moment venu, on saura te trouver. » J’ajoutais toutefois : « l’#extrême_droite continue d’avancer masquée, elle n’ose pas encore dire son nom. » Or ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les menaces sont signées d’une figure connue de la mouvance néonazie. J’ai donc porté #plainte. C’est en tant qu’#universitaire que je suis visé ; mon #université m’accorde d’ailleurs la #protection_fonctionnelle.

    Ainsi, les extrêmes droites s’enhardissent. Le 29 octobre, l’#Action_française déploie impunément une banderole place de la Concorde : « Décapitons la République ! »

    C’est quelques heures après un nouvel attentat islamiste à Nice, mais aussi après une tentative néofasciste avortée en Avignon. Avant d’être abattu, l’homme a menacé d’une arme de poing un commerçant maghrébin. Il se réclamait de #Génération_identitaire, dont il portait la veste avec le logo « #Defend_Europe », justifiant les actions du groupe en Méditerranée ou à la frontière franco-italienne ; un témoin a même parlé de #salut_nazi (https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/vaucluse/avignon/avignon-homme-arme-couteau-abattu-policiers-1889172.htm). Le procureur de la République se veut pourtant rassurant : « c’est un Français, né en France, qui n’a rien à voir avec la religion musulmane ». Et de conclure : « nous avons plus affaire à un #déséquilibré, qui semble proche de l’extrême droite et a fait des séjours en psychiatrie. Il n’y a pas de revendication ». « Comme dans le cas de l’attentat de la mosquée de Bayonne perpétré par un ancien candidat FN en octobre 2019 » (https://www.mediapart.fr/journal/france/281019/attentat-bayonne-l-ex-candidat-fn-en-garde-vue?onglet=full), note Mediapart, « le parquet national antiterroriste n’a pas voulu se saisir de l’affaire ». Ce fasciste était un fou, nous dit-on, pas un terroriste islamiste : l’attaque d’Avignon est donc passée presque inaperçue.

    Si les #Identitaires se pensent aux portes du pouvoir, c’est aussi que certains médias ont préparé le terrain. En une, l’#islamophobie y alterne avec la dénonciation des universitaires antiracistes (j’y suis régulièrement pointé du doigt) (https://www.lepoint.fr/politique/ces-ideologues-qui-poussent-a-la-guerre-civile-29-11-2018-2275275_20.php). Plus grave encore, l’extrême droite se sent encouragée par nos gouvernants. Le président de la République lui-même, qui a choisi il y a un an de parler #communautarisme, #islam et #immigration dans #Valeurs_actuelles, s’inspire des réseaux sociaux et des magazines. « Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’#ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. » Selon Le Monde du 10 juin 2020, Emmanuel Macron vise ici les « discours racisés (sic) ou sur l’intersectionnalité. » Dans Les Inrocks (https://www.lesinrocks.com/2020/06/12/idees/idees/eric-fassin-le-president-de-la-republique-attise-lanti-intellectualisme), je m’inquiétais alors de cet #anti-intellectualisme : « Des sophistes qui corrompent la jeunesse : à quand la ciguë ? » Nous y sommes peut-être.

    Car du #séparatisme, on passe aujourd’hui au #terrorisme. En effet, c’est au tour du ministre de l’Éducation nationale de s’attaquer le 22 octobre, sur Europe 1, à « l’islamo-gauchisme » qui « fait des ravages à l’Université » : il dénonce « les #complices_intellectuels du terrorisme. » « Qui visez-vous ? », l’interroge Le JDD (https://www.lejdd.fr/Politique/hommage-a-samuel-paty-lutte-contre-lislamisme-blanquer-precise-au-jdd-ses-mesu). Pour le ministre, « il y a un combat à mener contre une matrice intellectuelle venue des universités américaines et des #thèses_intersectionnelles, qui veulent essentialiser les communautés et les identités, aux antipodes de notre #modèle_républicain ». Cette idéologie aurait « gangrené une partie non négligeable des #sciences_sociales françaises » : « certains font ça consciemment, d’autres sont les idiots utiles de cette cause. » En réalité, l’intersectionnalité permet d’analyser, dans leur pluralité, des logiques discriminatoires qui contredisent la rhétorique universaliste. La critique de cette assignation à des places racialisées est donc fondée sur un principe d’#égalité. Or, à en croire le ministre, il s’agirait « d’une vision du monde qui converge avec les intérêts des islamistes. » Ce qui produit le séparatisme, ce serait donc, non la #ségrégation, mais sa dénonciation…

    Si #Jean-Michel_Blanquer juge « complices » celles et ceux qui, avec le concept d’intersectionnalité, analysent la #racialisation de notre société pour mieux la combattre, les néofascistes parlent plutôt de « #collabos » ; mais les trolls qui me harcèlent commencent à emprunter son mot. En France, si le ministre de l’Intérieur prend systématiquement le parti des policiers, celui de l’Éducation nationale fait de la politique aux dépens des universitaires. #Marion_Maréchal peut s’en féliciter : ce dernier « reprend notre analyse sur le danger des idéologies “intersectionnelles” de gauche à l’Université. »


    https://twitter.com/MarionMarechal/status/1321008502291255300
    D’ailleurs, « l’islamo-gauchisme » n’est autre que la version actuelle du « #judéo-bolchévisme » agité par l’extrême droite entre les deux guerres. On ne connaît pourtant aucun lien entre #Abdelhakim_Sefrioui, mis en examen pour « complicité d’assassinat » dans l’enquête sur l’attentat de #Conflans, et la gauche. En revanche, le ministre ne dit pas un mot sur l’extrême droite, malgré les révélations de La Horde (https://lahorde.samizdat.net/2020/10/20/a-propos-dabdelhakim-sefrioui-et-du-collectif-cheikh-yassine) et de Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/221020/attentat-de-conflans-revelations-sur-l-imam-sefrioui?onglet=full) sur les liens de l’imam avec des proches de #Marine_Le_Pen. Dans le débat public, jamais il n’est question d’#islamo-lepénisme, alors même que l’extrême droite et les islamistes ont en commun une politique du « #conflit_des_civilisations ».

    Sans doute, pour nos gouvernants, attaquer des universitaires est-il le moyen de détourner l’attention de leurs propres manquements : un professeur est mort, et on en fait porter la #responsabilité à d’autres professeurs… De plus, c’est l’occasion d’affaiblir les résistances contre une Loi de programmation de la recherche qui précarise davantage l’Université. D’ailleurs, le 28 octobre, le Sénat vient d’adopter un amendement à son article premier (https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/52/Amdt_234.html) : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des #valeurs_de_la_République », « au premier rang desquelles la #laïcité ». Autrement dit, ce n’est plus seulement le code pénal qui définirait les limites de la liberté d’expression des universitaires. Des collègues, désireux de régler ainsi des différends scientifiques et politiques, appuient cette offensive en réclamant dans Le Monde la création d’une « instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux #principes _épublicains et à la liberté académique »… et c’est au nom de « la #liberté_de_parole » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-) ! Bref, comme l’annonce sombrement le blog Academia (https://academia.hypotheses.org/27401), c’est « le début de la fin. » #Frédérique_Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le confirme sans ambages : « Les #valeurs de la laïcité, de la République, ça ne se discute pas. »


    https://twitter.com/publicsenat/status/1322076232918487040
    Pourtant, en démocratie, débattre du sens qu’on veut donner à ces mots, n’est-ce pas l’enjeu politique par excellence ? Qui en imposera la définition ? Aura-t-on encore le droit de critiquer « les faux dévots de la laïcité » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/101217/les-faux-devots-de-la-laicite-islamophobie-et-racisme-anti-musulmans) ?

    Mais ce n’est pas tout. Pourquoi s’en prendre aux alliés blancs des minorités discriminées, sinon pour empêcher une solidarité qui dément les accusations de séparatisme ? C’est exactement ce que les terroristes recherchent : un monde binaire, en noir et blanc, sans « zone grise » (https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/260716/terrorisme-la-zone-grise-de-la-sexualite), où les musulmans feraient front avec les islamistes contre un bloc majoritaire islamophobe. Je l’écrivais dans ce texte qui m’a valu des menaces de décapitation : nos dirigeants « s’emploient à donner aux terroristes toutes les raisons de recommencer. » Le but de ces derniers, c’est en effet la #guerre_civile. Qui sont donc les « #complices_intellectuels » du terrorisme islamiste ? Et qui sont les « idiots utiles » du #néofascisme ?

    En France, aujourd’hui, les #droits_des_minorités, religieuses ou pas, des réfugiés et des manifestants sont régulièrement bafoués ; et quand des ministres s’attaquent, en même temps qu’à une association de lutte contre l’islamophobie, à des universitaires, mais aussi à l’Unef (après SUD Éducation), à La France Insoumise et à son leader, ou bien à Mediapart et à son directeur, tous coupables de s’engager « pour les musulmans », il faut bien se rendre à l’évidence : la #démocratie est amputée de ses #libertés_fondamentales. Paradoxalement, la France républicaine d’Emmanuel #Macron ressemble de plus en plus, en dépit des gesticulations, à la Turquie islamiste de Recep Tayyip Erdogan, qui persécute, en même temps que la minorité kurde, des universitaires, des syndicalistes, des médias libres et des partis d’opposition.

    Pour revendiquer la liberté d’expression, il ne suffit pas d’afficher des caricatures ; l’esprit critique doit pouvoir se faire entendre dans les médias et dans la rue, et partout dans la société. Sinon, l’hommage à #Samuel_Paty serait pure #hypocrisie. Il faut se battre pour la #liberté_de_la_pensée, de l’engagement et de la recherche. Il importe donc de défendre les libertés académiques, à la fois contre les menaces des réseaux sociaux et contre l’#intimidation_gouvernementale. À l’heure où nos dirigeants répondent à la terreur par une #politique_de_la_peur, il y a de quoi trembler pour la démocratie.

    https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
    #Eric_Fassin #intersectionnalité #SHS #universalisme #Blanquer #complicité

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    Pour compléter le fil de discussion commencé par @gonzo autour de :
    Jean-François Bayart : « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’Etat en France »
    https://seenthis.net/messages/883974

    ping @isskein @karine4 @cede

    • Une centaine d’universitaires alertent : « Sur l’islamisme, ce qui nous menace, c’est la persistance du déni »

      Dans une tribune au « Monde », des professeurs et des chercheurs de diverses sensibilités dénoncent les frilosités de nombre de leurs pairs sur l’islamisme et les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales », soutenant les propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      Tribune. Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, la principale réaction de l’institution qui est censée représenter les universités françaises, la Conférence des présidents d’université (CPU), est de « faire part de l’émotion suscitée » par des propos de Jean-Michel Blanquer sur Europe 1 et au Sénat le 22 octobre. Le ministre de l’éducation nationale avait constaté sur Europe 1 que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université », notamment « quand une organisation comme l’UNEF cède à ce type de choses ». Il dénonçait une « idéologie qui mène au pire », notant que l’assassin a été « conditionné par des gens qui encouragent cette #radicalité_intellectuelle ». Ce sont des « idées qui souvent viennent d’ailleurs », le #communautarisme, qui sont responsables : « Le poisson pourrit par la tête. » Et au Sénat, le même jour, Jean-Michel Blanquer confirmait qu’il y a « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’#enseignement_supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits. Et cela conduit à certains problèmes, que vous êtes en train de constater ».

      Nous, universitaires et chercheurs, ne pouvons que nous accorder avec ce constat de Jean-Michel Blanquer. Qui pourrait nier la gravité de la situation aujourd’hui en France, surtout après le récent attentat de Nice – une situation qui, quoi que prétendent certains, n’épargne pas nos universités ? Les idéologies indigéniste, racialiste et « décoloniale » (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des « Blancs » et de la France ; et un #militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la #doxa_antioccidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste. #Houria_Bouteldja a ainsi pu se féliciter début octobre que son parti décolonial, le #Parti_des_indigènes_de_la_République [dont elle est la porte-parole], « rayonne dans toutes les universités ».

      La réticence de la plupart des universités et des associations de spécialistes universitaires à désigner l’islamisme comme responsable de l’assassinat de Samuel Paty en est une illustration : il n’est question dans leurs communiqués que d’« #obscurantisme » ou de « #fanatisme ». Alors que le port du #voile – parmi d’autres symptômes – se multiplie ces dernières années, il serait temps de nommer les choses et aussi de prendre conscience de la responsabilité, dans la situation actuelle, d’idéologies qui ont pris naissance et se diffusent dans l’université et au-delà. L’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le #conformisme_intellectuel, la #peur et le #politiquement_correct sont une véritable menace pour nos universités. La liberté de parole tend à s’y restreindre de manière drastique, comme en ont témoigné récemment nombre d’affaires de #censure exercée par des groupes de pression.

      « Nous demandons à la ministre de prendre clairement position contre les idéologies qui sous-tendent les #dérives_islamistes »

      Ce qui nous menace, ce ne sont pas les propos de Jean-Michel Blanquer, qu’il faut au contraire féliciter d’avoir pris conscience de la gravité de la situation : c’est la persistance du #déni. La CPU affirme dans son communiqué que « la recherche n’est pas responsable des maux de la société, elle les analyse ». Nous n’en sommes pas d’accord : les idées ont des conséquences et les universités ont aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte pour la défense de la laïcité et de la liberté d’expression. Aussi nous étonnons-nous du long silence de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui n’est intervenue le 26 octobre que pour nous assurer que tout allait bien dans les universités. Mais nous ne sommes pas pour autant rassurés.

      Nous demandons donc à la ministre de mettre en place des mesures de #détection des #dérives_islamistes, de prendre clairement position contre les idéologies qui les sous-tendent, et d’engager nos universités dans ce combat pour la laïcité et la République en créant une instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux principes républicains et à la liberté académique. Et d’élaborer un guide de réponses adaptées, comme cela a été fait pour l’éducation nationale.

      Premiers signataires : Laurent Bouvet, politiste, professeur des universités ; Jean-François Braunstein, philosophe, professeur des universités ; Jeanne Favret-Saada, anthropologue, directrice d’études honoraire à l’Ecole pratique des hautes études ; Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale (2002-2004) ; Renée Fregosi, politiste, maîtresse de conférences HDR en science politique ; Marcel Gauchet, philosophe, directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS ; Gilles Kepel, politiste, professeur des universités ; Catherine Kintzler, philosophe, professeure honoraire des universités ; Pierre Nora, historien, membre de l’Académie française ; Pascal Perrineau, politiste professeur des universités ; Pierre-André Taguieff, historien des idées, directeur de recherche au CNRS ; Pierre Vermeren, historien, professeur des universités

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      Liste complète des signataires :

      Signataires

      Daniel Aberdam, directeur de recherches à l’INSERM – Francis Affergan, professeur émérite des Universités – Alya Aglan, professeur des Universités – Jean-François Agnèse, directeur de recherches IRD – Joëlle Allouche-Benayoun, chargée de recherche au CNRS – Éric Anceau, maître de conférences HDR – Julie d’Andurain, professeur des Universités – Sophie Archambault de Beaune, professeur des Universités – Mathieu Arnold, professeur des Universités – Roland Assaraf, chargé de recherche au CNRS – Philippe Avril, professeur émérite des Universités – Isabelle Barbéris, maître de conférences HDR – Clarisse Bardiot, maître de conférences HDR – Patrick Barrau, maître de conférences honoraire – Christian Bassac, professeur honoraire des Universités – Myriam Benarroch, maître de conférences – Martine Benoit, professeur des Universités – Wladimir Berelowitsch, directeur d’études à l’EHESS – Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS – Maurice Berger, ancien professeur associé des Universités – Marc Bied-Charrenton, professeur émérite des Universités – Andreas Bikfalvi, professeur des Universités – Jacques Billard, maître de conférences honoraire – Jean-Cassien Billier, maître de conférences – Alain Blanchet, professeur émérite des Universités – Guillaume Bonnet, professeur des Universités – ​Laurent Bouvet, professeur des Universités – Rémi Brague, professeur des Universités – Joaquim Brandão de Carvalho, professeur des Universités – Jean-François Braunstein, professeur des Universités – Christian Brechot, professeur émérite des Universités – Stéphane Breton, directeur d’études à l’EHESS – Jean-Marie Brohm, professeur émérite des Universités – Michelle-Irène Brudny, professeur honoraire des Universités – Patrick Cabanel, directeur d’études, École pratique des hautes études – Christian Cambillau, directeur de recherches émérite au CNRS – Belinda Cannone, maître de conférences – Dominique Casajus, directeur de recherches émérite au CNRS – Sylvie Catellin, maître de conférences – Brigitte Chapelain, maître de conférences – Jean-François Chappuit, maître de conférences – Patrick Charaudeau, professeur émérite des Universités – Blandine Chelini-Pon, professeur des Universités – François Cochet, professeur émérite des Universités – Geneviève Cohen-Cheminet, professeur des Universités – Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS – Cécile Cottenceau, PRAG Université – Philippe Crignon, maître de conférences – David Cumin, maître de conférences HDR – Jean-Claude Daumas, professeur émérite des Universités – Daniel Dayan, directeur de recherches au CNRS – Chantal Delsol, membre de l’Académie des sciences morales et politiques – Gilles Denis, maître de conférences HDR – Geneviève Dermenjian, maître de conférences HDR – Albert Doja, professeur des Universités – Michel Dreyfus, directeur de recherche au CNRS – Philippe Dupichot, professeur des Universités – Alain Ehrenberg, directeur émérite de recherche au CNRS – Marie-Claude Esposito, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHES – Jeanne Favret-Saada, directrice d’études honoraire à l’EPHE – Laurent Fedi, maître de conférences – Rémi Ferrand, maître de conférences – Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale – Michel Fichant, professeur émérite des Universités – Dominique Folscheid, professeur émérite des Universités – Nicole Fouché, chercheuse CNRS-EHESS - Annie Fourcaut, professeur des Universités – Renée Fregosi, maître de conférences HDR retraitée – Pierre Fresnault-Deruelle, professeur émérite des Universités – Marc Fryd, maître de conférences HDR – Alexandre Gady, professeur des Universités – Jean-Claude Galey, directeur d’études à l’EHESS – Marcel Gauchet, directeur d’études à l’EHESS – Christian Gilain, professeur émérite des Universités – Jacques-Alain Gilbert, professeur des Universités – Gabriel Gras, chargé de recherche au CEA – Yana Grinshpun, maître de conférences – Patrice Gueniffey, directeur d’études à l’EHESS – Éric Guichard, maître de conférences HDR – Jean-Marc Guislin, professeur émérite des Universités – Charles Guittard, professeur des Universités – Philippe Gumplowicz, professeur des Universités – Claude Habib, professeur émérite des Universités – François Heilbronn, professeur des Universités associé à Sciences-Po – Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS – Marc Hersant, professeur des Universités – Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS – François Jost, professeur émérite des Universités – Olivier Jouanjan, professeur des Universités – Pierre Jourde, professeur émérite des Universités – Gilles Kepel, professeur des Universités – Catherine Kintzler, professeur honoraire des Universités – Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS – Bernard Labatut, maître de conférence HDR – Monique Lambert, professeur des Universités – Frédérique de La Morena, maître de conférences – Philippe de Lara, maître de conférences HDR – Philippe Larralde, PRAG Université – Dominique Legallois, professeur des Universités – Anne Lemonde, maître de conférences – Anne-Marie Le Pourhiet, professeur des Universités – Andrée Lerousseau, maître de conférences – Franck Lessay, professeur émérite des Universités – Marc Levilly, maître de conférences associé – Carlos Levy, professeur émérite des Universités – Roger Lewandowski, professeur des Universités – Philippe Liger-Belair, maître de conférences – Laurent Loty, chargé de recherche au CNRS – Catherine Louveau, professeur émérite des Universités – Danièle Manesse, professeur émérite des Universités – Jean-Louis Margolin, maître de conférences – Joseph Martinetti, maître de conférences – Céline Masson, professeur des Universités – Jean-Yves Masson, professeur des Universités – Eric Maulin, professeur des Universités – Samuel Mayol, maître de conférences – Isabelle de Mecquenem, PRAG Université – Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur des Universités – Marc Michel, professeur émérite des Universités –​ Jean-Baptiste Minnaert, professeur des Universités – Nathalie Mourgues, professeur émérite des Universités – Lion Murard, chercheur associé au CERMES – Franck Neveu, professeur des Universités – Jean-Pierre Nioche, professeur émérite à HEC – Pierre Nora, membre de l’Académie française – Jean-Max Noyer, professeur émérite des Universités – Dominique Ottavi, professeur émérite des Universités – Bruno Ollivier, professeur des Universités, chercheur associé au CNRS – Gilles Pages, directeur de recherche à l’INSERM – Marc Perelman, professeur des Universités – Pascal Perrineau, professeur des Universités – Laetitia Petit, maître de conférences des Universités – Jean Petitot, directeur d’études à l’EHESS – Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au CNRS – René Pommier, maître de conférences – Dominique Pradelle, professeur des Universités – André Quaderi, professeur des Universités – Gérard Rabinovitch, chercheur associé au CNRS-CRPMS – Charles Ramond, professeur des Universités – Jean-Jacques Rassial, professeur émérite des Universités – François Rastier, directeur de recherche au CNRS – Philippe Raynaud, professeur émérite des Universités – Dominique Reynié, professeur des Universités – Isabelle Rivoal, directrice de recherches au CNRS – Jean-Jacques Roche, professeur des Universités – Pierre Rochette, professeur des Universités – Marc Rolland, professeur des Universités – Danièle Rosenfeld-Katz, maître de conférences – Bernard Rougier, professeur des Universités – Andrée Rousseau, maîtresse de conférences – Jean-Michel Roy, professeur des Universités – François de Saint-Chéron, maître de conférences HDR – Jacques de Saint-Victor, professeur des Universités – Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences HDR – Jean-Baptiste Santamaria, maître de conférences – Yves Santamaria, maître de conférences – Georges-Elia Sarfati, professeur des Universités – Jean-Pierre Schandeler, chargé de recherche au CNRS – Pierre Schapira, professeur émérite des Universités – Martine Segalen, professeur émérite des Universités – Perrine Simon-Nahum, directrice de recherche au CNRS – Antoine Spire, professeur associé à l’Université – Claire Squires, maître de conférences – Marcel Staroswiecki, professeur honoraire des Universités – Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’EHESS – Jean Szlamowicz, professeur des Universités – Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS – Jean-Christophe Tainturier, PRAG Université – Jacques Tarnero, chercheur à la Cité des sciences et de l’industrie – Michèle Tauber, maître de conférences HDR – Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences HDR – Alain Tedgui, directeur de recherches émérite à l’INSERM – ​Thibault Tellier, professeur des Universités – Françoise Thom, maître de conférences HDR – André Tiran, professeur émérite des Universités – Antoine Triller, directeur de recherches émérite à l’INSERM – Frédéric Tristram, maître de conférences HDR – Sylvie Toscer-Angot, maître de conférences – Vincent Tournier, maître de conférences – Christophe Tournu, professeur des Universités – Serge Valdinoci, maître de conférences – Raymonde Vatinet, professeur des Universités – Gisèle Venet, professeur émérite des Universités – François Vergne, maître de conférences – Gilles Vergnon, maître de conférences HDR – Pierre Vermeren, professeur des Universités – Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE – Yves Charles Zarka, professeur émérite des Universités – Paul Zawadzki, maître de conférences HDR – Françoise Zonabend, directrice d’études à l’EHESS

      https://manifestedes90.wixsite.com/monsite

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-
      #manifeste_des_cents #manifeste_des_100 #décolonial #ESR #enseignement_supérieur

    • De la liberté d’expression des « voix musulmanes » en France

      Le traumatisme né de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 impose une réflexion collective profonde, aussi sereine que possible. L’enjeu est fondamental pour la société française qui, d’attentat revendiqué par une organisation constituée en attentat mené par un « loup solitaire », de débat sur le voile en débat sur Charlie, et de loi antiterroriste en loi contre le « séparatisme » s’enferre depuis plusieurs décennies dans une polarisation extrêmement inquiétante autour des questions liées à l’islam.

      Le constat de la diffusion, au sein des composantes se déclarant musulmanes en France, de lectures « radicales » et qui survalorisent la violence est incontestable. L’idéologie dite « djihadiste » demeure certes marginale, mais possède une capacité d’adaptation manifeste, liant les enjeux propres au monde musulman avec des problématiques françaises. Internet lui offre une caisse de résonance particulière auprès des plus jeunes, générant du ressentiment, mais aussi des frustrations. La #prison et la #délinquance, sans doute autant que certaines mosquées et associations cultuelles, constituent d’autres espaces de #socialisation à cette vision mortifère du monde.

      En revanche, les interprétations des racines de cette diffusion divergent, donnant lieu à des #controverses_scientifiques et médiatiques qui n’honorent pas toujours les personnes concernées. Il est manifeste que face à un problème complexe, l’analyse ne saurait être monocausale et ne se pencher que sur une seule variable. L’obsession pour la part purement religieuse du phénomène que légitiment certains chercheurs et qui est au cœur des récentes politiques du gouvernement français fonctionne comme un #écran_de_fumée.

      S’attaquer par des politiques publiques aux « #prêcheurs_de_haine » ou exiger la réforme d’un Islam « malade » sans autre forme de réflexion ou d’action ignore la dimension relationnelle de la #violence et des tensions qui déchirent la France.

      Quand les « islamo-gauchistes » doivent rendre des comptes

      Cette perspective revient à négliger l’importance de la #contextualisation, oubliant d’expliquer pourquoi une interprétation particulière de l’islam a pu acquérir, via sa déclinaison politique la plus fermée, une capacité à incarner un rejet de la société dominante. En somme cette lecture méconnaît comment et pourquoi une interprétation radicale du #référent_islamique trouve depuis quelques années une pertinence particulière aux yeux de certains, et pourquoi ce serait davantage le cas en #France qu’ailleurs en Europe. Elle revient surtout à oublier la nature circulaire des dynamiques qui permet à un contexte et à une idéologie de s’alimenter mutuellement, désignant alors de façon simpliste celui qui « aurait commencé » ainsi que — et c’est là une funeste nouveauté des derniers mois — ses « collabos » affublés du label « islamo-gauchiste » et qui devraient rendre des comptes.

      Beaucoup a ainsi été écrit et dit, parfois trop rapidement. En tant que chercheur et citoyen, je ressens autant de la lassitude que de la tristesse, mesurant combien mon champ professionnel développe de façon croissante une sorte d’incommunicabilité, entrainant des haines tenaces et donnant de plus en plus souvent lieu à de la diffamation entre ses membres. Il m’apparait que la perspective faisant toute sa place à la #complexité des phénomènes politiques et sociaux a, d’une certaine manière, perdu la partie. Marginalisée dans les médias, elle devient manifestement de plus en plus inaudible auprès d’institutions publiques en quête de solutions rapides et brutales, faisant souvent fi du droit. L’approche nuancée des sciences sociales se trouve reléguée dans des espaces d’expression caractérisés par l’entre-soi politique, scientifique ou, il faut le reconnaitre, communautaire (ce dernier parfois prompt à tordre le discours et à le simplifier pour se rassurer).

      « Liberté d’expression », mais pas pour tout le monde

      Cette mécanique de parole complexe reléguée ne concerne pas uniquement les chercheurs. Ma frustration de « perdant » n’a au fond que peu d’importance. Elle renvoie toutefois à un enjeu beaucoup plus fondamental qui concerne l’espace de représentation et d’expression des musulmans français. Dans un contexte de fortes tensions autour de la question musulmane, il s’agit là d’un blocage récurrent dont les pouvoirs publics et une grande partie des médias se refusent à percevoir la centralité. La faiblesse des espaces offerts aux voix qui se revendiquent musulmanes et sont reconnues comme légitimes par leurs coreligionnaires constitue un angle mort que les tenants de la « liberté d’expression » auraient tout intérêt à aborder. Autant que le contrôle policier et la surveillance des appels à la haine sur Internet et dans les mosquées, c’est là un levier nécessaire pour contenir la violence et lutter contre elle.

      La liberté d’expression n’a jamais été totale, et certains tabous légitimes demeurent ou évoluent avec le temps. Pensons à la pédocriminalité dans les années 1970, ou aux caricatures sur les juifs et l’argent dans les années 1930. Parmi les tenants d’une laïcité intégrale, qui a déjà discuté avec une femme voilée ? Partons tout d’abord du principe que l’ignorance de l’Autre et de sa propre histoire constitue une racine de la #polarisation grave de la société française. Admettons ensuite qu’il est important pour chacun d’avoir une perception juste de ses concitoyens et aussi, en démocratie, de se sentir correctement et dignement représenté à une variété d’échelons.

      La figure de #Hassen_Chalghoumi, imam d’origine tunisienne d’une mosquée en Seine–Saint-Denis très fréquemment mobilisé dans les grands médias, symbolise un dysfonctionnement patent de ce mécanisme de #représentation. Sa propension à soutenir des positions politiques à rebours de ses « ouailles » supposées, en particulier sur la Palestine, mais surtout son incapacité à s’exprimer correctement en français ou même à avoir un fond de culture générale partagée ne constitue aucunement des caractéristiques rédhibitoires pour faire appel à lui quand un sujet en lien avec l’islam émerge. Pire, il semblerait même parfois que ce soit exactement le contraire comme quand Valeurs actuelles, alors accusé d’avoir caricaturé la députée Danièle Obono en esclave, a fait appel à lui pour défendre la liberté d’expression et l’a placé, détail sans doute potache, mais tellement symptomatique de mépris affiché, devant une plaque émaillée « Licence IV » (autrefois utilisée pour désigner les débits de boissons alcoolisées).

      Pour les millions de Français d’origine musulmane dont l’élocution française est parfaite et qui partagent les mêmes références culturelles populaires que la majorité des Français, reconnaissons qu’il est parfaitement humiliant d’avoir l’impression que les médias n’ont pas d’autre « modèle » à mobiliser ou à valoriser pour entendre une voix décrite comme musulmane. Comment dès lors ne pas comprendre la défiance envers les médias ou la société dans son ensemble ?

      L’ère du #soupçon

      Certes, il revient aux musulmans au premier chef de s’organiser et de faire émerger des figures représentatives, dépassant ainsi la fragmentation qui est celle de leur culte, ainsi que la mainmise exercée par les États d’origine, Maroc, Algérie et Turquie en tête. Les luttes internes sont elles-mêmes d’une grande violence, souvent fondées sur le « narcissisme des petites différences » de Sigmund Freud. Toutefois, reconnaissons que l’expérience démontre que les restrictions ne sont pas seulement internes à la « communauté ». Il y a plus de vingt ans déjà, le sociologue #Michel_Wieviorka avait pointé du doigt l’incapacité de la société française à accueillir les voix se revendiquant comme musulmanes :

      "Plutôt que d’être perçus comme des acteurs qui inventent et renouvellent la #vie_collective — avec ses tensions, ses conflits, ses négociations —, les associations susceptibles de passer pour « ethniques » ou religieuses […] sont couramment ignorées, soupçonnées de couvrir les pires horreurs ou traitées avec hostilité par les pouvoirs publics. […] À force de rejeter une association sous prétexte qu’elle serait intégriste et fermée sur elle-même, à force de lui refuser toute écoute et tout soutien, on finit par la constituer comme telle."

      De la chanteuse #Mennel (candidate d’origine syrienne à une émission sur TF1 et qui alors portait le foulard) à #Tariq_Ramadan (certes de nationalité suisse) en passant par l’humoriste #Yassine_Belattar et le #Comité_contre_l’islamophobie_en_France (CCIF), les occasions d’exclure les voix endogènes qui revendiquent une part d’#islamité dans leur discours et sont à même de servir de référence tant cultuelle que politique et culturelle ont été nombreuses. Parfois pleinement légitimes lorsque des accusations de viols ont été proférées, des dispositifs de contrôle imposent de « montrer patte blanche » au-delà de ce qui devrait légitimement être attendu. Non limités à l’évaluation de la probité, ils rendent en plus toute critique adressée à la société française et ses failles (en politique étrangère par exemple) extrêmement périlleuses, donnant le sentiment d’un traitement différencié pour les voix dites musulmanes, promptes à se voir si facilement criminalisées. Dès lors, certaines positions, pourtant parfaitement raisonnables, deviennent indicibles.

      Revendiquer la nécessité de la #lutte_contre_l’islamophobie, dont l’existence ne devrait pas faire débat par exemple quand une femme portant le foulard se fait cracher dessus par des passants fait ainsi de manière totalement absurde partie de cette liste de tabous, établie sans doute de manière inconsciente par des années d’#injonctions et de #stigmatisations, héritées de la période coloniale.

      Une telle mécanique vient enfin légitimer les logiques d’#exclusion propres au processus de #radicalisation. Elle s’avère dès lors contreproductive et donc dangereuse. Par exemple, dissoudre le CCIF dont l’action principale est d’engager des médiations et de se tourner vers les institutions publiques est à même de constituer, en acte aux yeux de certains, la démonstration de l’inutilité des #associations et donc l’impossibilité de s’appuyer sur les institutions légales. C’est une fois encore renvoyer vers les fonds invisibles de l’Internet les #espaces_d’expression et de représentation, c’est ainsi creuser des fossés qui génèrent l’#incompréhension et la violence.

      Il devient impérieux d’apprendre à s’écouter les uns les autres. Il demeure aussi nécessaire de reconnaitre que, comme l’entreprise a besoin de syndicats attentifs et représentatifs, la société dans son ensemble, diverse comme elle est, a tout à gagner à offrir des cadres d’expression sereins et ouverts à ses minorités, permettant aussi à celles-ci de revendiquer, quitte à ne pas faire plaisir à moi-même, à la majorité, ou au patron.

      https://orientxxi.info/magazine/de-la-liberte-d-expression-des-voix-musulmanes-en-france,4227
      #religion

    • « La pensée “décoloniale” renforce le narcissisme des #petites_différences »

      80 psychanalystes s’insurgent contre l’assaut des « #identitaristes » dans le champ du savoir et du social

      « Les intellectuels ont une mentalité plus totalitaire que les gens du commun » écrivait Georges Orwell (1903-1950), dans Essais, Articles et Lettres.

      Des militants, obsédés par l’#identité, réduite à l’#identitarisme, et sous couvert d’antiracisme et de défense du bien, imposent des #idéologies_racistes par des #procédés_rhétoriques qui consistent à pervertir l’usage de la langue et le sens des mots, en détournant la pensée de certains auteurs engagés dans la lutte contre le racisme qu’ils citent abondamment comme #Fanon ou #Glissant qui, au contraire, reconnaissent l’#altérité et prônent un nouvel #universalisme.

      Parmi ces militants, le Parti des indigènes de la République -dit le #PIR- qui s’inscrit dans la mouvance « décoloniale ».

      La pensée dite « décoloniale » s’insinue à l’Université et menace les sciences humaines et sociales sans épargner la psychanalyse. Ce phénomène se répand de manière inquiétante et nous n’hésitons pas à parler d’un #phénomène_d’emprise qui distille subrepticement des idées propagandistes. Ils véhiculent une idéologie aux relents totalitaires.

      Réintroduire la « #race » et stigmatiser des populations dites « blanches » ou de couleur comme coupables ou victimes, c’est dénier la #complexité_psychique, ce n’est pas reconnaître l’histoire trop souvent méconnue des peuples colonisés et les traumatismes qui empêchent la transmission.

      Une idéologie qui nie ce qui fait la singularité de l’individu, nie les processus toujours singuliers de #subjectivation pour rabattre la question de l’identité sur une affaire de #déterminisme culturel et social.

      Une idéologie qui secondarise, voire ignore la primauté du vécu personnel, qui sacrifie les logiques de l’#identification à celle de l’identité unique ou radicalisée, dénie ce qui fait la spécificité de l’humain.

      Le livre de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire (La Fabrique, 2016), soutenu par des universitaires et des chercheurs du CNRS, prétend défendre les #victimes - les « indigènes » - alors qu’il nous paraît en réalité raciste, antisémite, sexiste et homophobe et soutient un islamisme politique. L’ensemble du livre tourne autour de l’idée que les descendants d’immigrés maghrébins en France, du fait de leurs origines, seraient victimes d’un “#racisme_institutionnel” - voire un #racisme_d’Etat-, lequel aboutirait à véritablement constituer des “#rapports_sociaux_racistes”.

      L’auteure s’adresse aux « Juifs » : « Vous, les Juifs » : des gens qui pour une part seraient étrangers à la « blanchité », étrangers à la « race » qui, depuis 1492, dominerait le monde (raison pour laquelle elle distingue les « Juifs » des « Blancs »), mais qui pour une autre part sont pires que les « Blancs », parce qu’ils en seraient les valets criminels.

      Fanon, auquel les décoloniaux se réfèrent, ne disait-il pas : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».

      Le #racialisme pousse à la #position_victimaire, au #sectarisme, à l’#exclusion, et finalement au #mépris ou à la #détestation du différent, et à son exclusion de fait. Il s’appuie sur une réécriture fallacieuse de l’histoire qui nie les notions de #progrès de #civilisation mais aussi des racismes et des rivalités tout aussi ancrés que le #racisme_colonialiste.

      C’est par le « #retournement_du_stigmate » que s’opère la transformation d’une #identité_subie en une #identité_revendiquée et valorisée qui ne permet pas de dépasser la « race.

      Il s’agit là, « d’#identités_meurtrières » (#Amin_Maalouf) qui prétendent se bâtir sur le meurtre de l’autre.

      Ne nous leurrons pas, ces revendications identitaires sont des revendications totalitaires, et ces #dérives_sectaires, communautaristes menacent nos #valeurs_démocratiques et républicaines en essentialisant les individus, en valorisant de manière obsessionnelle les #particularités_culturelles et en remettant à l’affiche une imagerie exotique méprisante que les puissances coloniales se sont évertuées à célébrer.

      Cette idéologie s’appuie sur ce courant multiculturaliste états-unien qu’est l’#intersectionnalité en vogue actuellement dans les départements des sciences humaines et sociales. Ce terme a été proposé par l’universitaire féministe américaine #Kimberlé_Crenshaw en 1989 afin de spécifier l’intersection entre le #sexisme et le #racisme subi par les femmes afro-américaines. La mouvance décoloniale peut s’associer aux « #postcolonial_studies » afin d’obtenir une légitimité académique et propager leur idéologie. Là où l’on croit lutter contre le racisme et l’oppression socio-économique, on favorise le #populisme et les #haines_identitaires. Ainsi, la #lutte_des_classes est devenue une #lutte_des_races.

      Des universitaires, des chercheurs, des intellectuels, des psychanalystes s’y sont ralliés en pensant ainsi lutter contre les #discriminations. C’est au contraire les exacerber.

      #Isabelle_de_Mecquenem, professeure agrégée de philosophie, a raison de rappeler que « emprise » a l’avantage de faire écho à l’article L. 141-6 du #code_de_l'éducation. Cet article dispose que « le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (…) ». Rappelons que l’affaire Dorin à l’Université de Limoges relève d’une action sectaire (propagande envers les étudiants avec exclusion de toute critique).

      Il est impérieux que tout citoyen démocrate soit informé de la dangerosité de telles thèses afin de ne pas perdre de vue la tension irréductible entre le singulier et l’universel pour le sujet parlant. La #constitution_psychique pour Freud n’est en aucun cas un particularisme ou un communautarisme.

      Nous appelons à un effort de mémoire et de pensée critique tous ceux qui ne supportent plus ces logiques communautaristes et discriminatoires, ces processus d’#assignation_identitaire qui rattachent des individus à des catégories ethno-raciales ou de religion.

      La psychanalyse s’oppose aux idéologies qui homogénéisent et massifient.

      La psychanalyse est un universalisme, un humanisme. Elle ne saurait supporter d’enrichir tout « narcissisme des petites différences ». Au contraire, elle vise une parole vraie au profit de la singularité du sujet et de son émancipation.
      Signataires
      Céline Masson, Patrick Chemla, Rhadija Lamrani Tissot, Laurence Croix, Patricia Cotti, Laurent Le Vaguerèse, Claude Maillard, Alain Vanier, Judith Cohen-Solal, Régine Waintrater, Jean-Jacques Moscovitz, Patrick Landman, Jean-Jacques Rassial, Anne Brun, Fabienne Ankaoua, Olivier Douville, Thierry Delcourt, Patrick Belamich, Pascale Hassoun , Frédéric Rousseau, Eric Ghozlan, Danièle Rosenfeld-Katz, Catherine Saladin, Alain Abelhauser, Guy Sapriel, Silke Schauder, Kathy Saada, Marie-José Del Volgo, Angélique Gozlan, Patrick Martin-Mattera, Suzanne Ferrières-Pestureau, Patricia Attigui, Paolo Lollo, Robert Lévy, Benjamin Lévy, Houria Abdelouahed, Mohammed Ham, Patrick Guyomard, Monique Zerbib, Françoise Nielsen, Claude Guy, Simone Molina, Rachel Frouard-Guy, Françoise Neau, Yacine Amhis, Délia Kohen, Jean-Pierre Winter, Liliane Irzenski, Jean Michel Delaroche , Sarah Colin, Béatrice Chemama-Steiner, Francis Drossart, Cristina Lindenmeyer, Eric Bidaud, Eric Drouet, Marie-Frédérique Bacqué, Roland Gori, Bernard Ferry, Marie-Christine Pheulpin, Jacques Barbier, Robert Samacher, Faika Medjahed, Pierre Daviot, Laetitia Petit, David Frank Allen, Daniel Oppenheim, Marie-Claude Fourment-Aptekman, Michel Hessel, Marthe Moudiki Dubreuil, Isabelle Floch, Pierre Marie, Okba Natahi, Hélène Oppenheim-Gluckman, Daniel Sibony, Jean-Luc Gaspard, Eva Talineau, Paul Alerini, Eliane Baumfelder-Bloch, Jean-Luc Houbron, Emile Rafowicz, Louis Sciara , Fethi Benslama, Marielle David, Michelle Moreau Ricaud, Jean Baptiste Legouis, Anna Angelopoulos, Jean-François Chiantaretto , Françoise Hermon, Thierry Lamote, Sylvette Gendre-Dusuzeau, Xavier Gassmann, Guy Dana, Wladi Mamane, Graciela Prieto, Olivier Goujat, Jacques JEDWAB, Brigitte FROSIO-SIMON , Catherine Guillaume, Esther Joly , Jeanne Claire ADIDA , Christian Pierre, Jean Mirguet, Jean-Baptiste BEAUFILS, Stéphanie Gagné, Manuel Perianez, Alain Amar, Olivier Querouil, Jennifer Biget, Emmanuelle Boetsch, Michèle Péchabrier, Isabel Szpacenkopf, Madeleine Lewensztain Gagna, Michèle Péchabrier, Maria Landau, Dominique Méloni, Sylvie Quesemand Zucca

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/25/la-pensee-decoloniale-renforce-le-narcissisme-des-petites-differences_601292

      #pensée_décoloniale #psychanalyse #totalitarisme

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « #gangrène », il faut cesser la « #lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’#éducation_nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.

      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la #désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les #identités_sociales se chevauchent et que les logiques de #domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.

      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et le démographe François Héran, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les #discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le #terrorisme_islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      Le collectif des revues en lutte, constitué en janvier 2020 autour de l’opposition aux projets de LPPR et de réforme des retraites, rassemble aujourd’hui 157 revues francophones, pour l’essentiel issues des sciences humaines et sociales.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/11/02/les-sciences-sociales-contre-la-republique_6058195_1650684.html

    • Academic freedom in the context of France’s new approach to ’separatism’

      From now on, academic freedom will be exercised within the limits of the values ​​of the Republic. Or not.

      For months, France has been severely weakened by a deepening economic crisis, violent social tensions, and a health crisis out of control. The barbaric assassination of history professor Samuel Paty on October 16 in a Paris suburb and the murder of Vincent Loquès, Simone Barreto Silva, Nadine Devillers in the Notre-Dame basilica in Nice on October 29 have now plunged the country into terror.

      Anger, bewilderment, fear and a need for protection took over French society. French people should have the right to remain united, to understand, to stay sharp, do everything possible not to fall into the trap set by terrorists who have only one objective: to divide them. It is up to politics to lead the effort of collective elaboration of the mourning, to ensure the unity of the country. But that’s not what is happening. Politics instead tries to silence any attempt at reflection tying itself in knots to point the finger at the culprit, or, better yet, the culprits.

      In the narrative of the French government, there are two direct or indirect sources responsible for the resurgence of terrorism: abroad, the foreign powers which finance mosques and organizations promoting the separatism of Islamic communities, and consequently - as is only logical on the perpetually slippery slope of Macronist propaganda - terrorism; at home, it is the academics.

      It is true that the October attacks coincided with tensions which have been increasing for months between France and Turkey on different fronts: Syria, Libya, Nagorno-Karabakh, and above all the Eastern Mediterranean. And it is also true that the relationship between international tensions and the resurgence of terrorism needs to be explored. However, the allusion to the relationship between the role of academics and these attacks is simply outrageous and instrumental, aimed only at discrediting the category of academics engaged in recent weeks in a desperate struggle to prevent the passing of a Research programming law, which violently redefines the methods of funding and management of research projects, the status, the prerogatives as well as the academic freedom of university professors.
      Regaining control?

      “A teacher died and other teachers are being blamed for it" wrote the sociologist Eric Fassin, alluding to a long series of attacks that have been reiterated in recent months on the French university community – a community guilty, according to Macron and his collaborators, of excessive indulgence in the face of “immigration, Islam and integration”.

      “I must regain control of these subjects”, said Emmanuel Macron a year ago to the extreme right-wing magazine Valeurs Actuelles. A few months later, in the midst of a worldwide struggle against racism and police violence, Macron, scandalized by the winds of revolt – rather than by racism and police violence in themselves – explained to Le Monde that "The academic world has been guilty. It has encouraged the ethnicization of social issues, thinking that this was a good path to go down. But the outcome can only be secessionist.” The Minister of National Education Jean-Michel Blanquer, presenting in June 2020 to the Senate’s commission of inquiry on Islamist radicalization, had evoked for his part, “the permeability of the academic world with theories that are at the antipodes of the values of the Republic and secularism”, citing specifically “the indigenist theories”.

      A few days after the homicide of Samuel Paty, in an interview with Europe 1, the minister accused academics of “intellectual complicity with terrorism”, adding that “Islamo-leftism wreaks havoc in the University”… “favoring an ideology that only spells trouble”. Explaining himself further in Le Journal Du Dimanche, on October 24, Blanquer reiterated these accusations, specifying: "There is a fight to be waged against an intellectual matrix coming from American universities and intersectional theses that want to essentialize communities and identities, at the antipodes of the Republican model, which postulates the equality between human beings, independently of their characteristics of origin, sex, religion. It is the breeding ground for a fragmentation of societies that converges with the Islamic model”.
      A Darwinian law

      Such accusations and interferences have provoked many reactions of indignation, including that of the Conférence of University Presidents. However, nothing was sufficient to see the attack off. On Friday evening, after the launch of a fast-track procedure that effectively muzzled the debate, the Senate approved the research programming law. In many respects, this is the umpteenth banal neo-liberal, or, more exactly, admittedly Darwinian, reform of the French university: precarisation of the work of teachers, concentration of the funds on a limited number of “excellent” poles and individuals, promotion of competition between individuals, institutions and countries, strengthening of the managerial management of research, weakening of national guarantee structures and, more generally, weakening of self-governance bodies.

      But this law also contains a clear and astounding plan to redefine the respective roles of science and politics. The article of the law currently in force, which very effectively and elegantly defined the meaning of academic freedom:

      “Teacher and researchers enjoy full independence and complete freedom of expression in the exercise of their teaching functions and their research activities, subject to the reservations imposed on them, in accordance with university traditions and the provisions of this code, the principles of tolerance and objectivity”, has been amended by the addition of this sentence:

      “Academic freedoms are exercised with respect for the values ​​of the Republic”

      This addition which is in itself an outrage against the principles of the separation of powers and academic freedom has been joined by an explicit reference to the events of these days:

      “The terrible tragedy in Conflans-Sainte-Honorine shows more than ever the need to preserve, within the Republic, the freedom to teach freely and to educate the citizens of tomorrow”, states the explanatory memorandum. "The purpose of this provision is to enshrine this in law so that these values, foremost among which is secularism, constitute the foundation on which academic freedoms are based and the framework in which they are expressed.”

      The emotion engendered by the murder of innocent people was therefore well and truly exploited in an ignoble manner to serve the anti-democratic objective of limiting academic freedoms and setting the choices of the subjects to be studied, as well as the “intellettual matrix” to be adopted under the surveillance today of the presidential majority and tomorrow, who knows?

      To confirm this reading of the priorities of the majority and the fears it arouses, on Sunday November 1, Thierry Coulhon, adviser to the President of the Republic was appointed, through a “Blitzkrieg”, head of the Haut Council for the Evaluation of Research and Higher Education (Hceres), the national body responsible for the evaluation of research.

      A few details of this law, including the amendment on the limits of research freedom, may still change in the joint committee to be held on November 9. But the support of academics, individuals, organizations, scholarly journals, for the Solemn appeal for the protection of academic freedom and the right to study is now more urgent and necessary than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/academic-freedom-in-the-context-of-frances-new-approach-to-separatism

    • Les sciences sociales contre la République ?

      Le 2 novembre 2020, l’AG des Revues en Lutte a répondu dans Le Monde au ministre J.-M. Blanquer qui entend combattre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises », au prétexte de la lutte anti-terroriste.

      Cette tribune, que nous reproduisons ci-dessous, rejoint de très nombreuses prises de position récentes, contre l’intervention de J.-M. Blanquer, mais aussi contre E. Macron qui accuse les universitaires de « casser la République en deux » et contre deux amendements ajoutés à la LPPR (déjà parfaitement délétère) au Sénat : « les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République » et « les trouble-fête iront en prison ».

      Voici quelques-unes de ces prises de position :

      - Appel solennel pour la protection des libertés académiques et du droit d’étudier, sur Academia : https://academia.hypotheses.org/27287
      - Libertés académiques : des amendements à la loi sur la recherche rejetés par des sociétés savantes, dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/02/libertes-academiques-des-amendements-a-la-loi-sur-la-recherche-rejetes-par-d
      – Lettre ouverte aux Parlementaires, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/lettre-ouverte-lpr/
      - Communiqué de presse : retrait de 3 amendements sénatoriaux à la LPR, par le collectif des sociétés savantes académiques : https://societes-savantes.fr/communique-de-presse-retrait-de-3-amendements-senatoriaux-a-la-lpr
      – « Cette attaque contre la liberté académique est une attaque contre l’État de droit démocratique », dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/02/cette-attaque-contre-la-liberte-academique-est-une-attaque-contre-l-etat-de-
      - Communique de presse national, par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte : rogueesr.fr/communique_suspendre_lpr/
      - Intersectionnalité : Blanquer joue avec le feu, par Rose-Marie Lagrave : https://www.liberation.fr/debats/2020/11/03/intersectionnalite-blanquer-joue-avec-le-feu_1804309
      - Qui est complice de qui ? Les libertés académiques en péril, par Eric Fassin : https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/011120/qui-est-complice-de-qui-les-libertes-academiques-en-peril
      - Les miliciens de la pensée et la causalité diabolique, par Seloua Luste Boulbina : https://blogs.mediapart.fr/seloua-luste-boulbina/blog/021120/les-miliciens-de-la-pensee-et-la-causalite-diabolique
      - L’islamo-gauchisme : comment (ne) naît (pas) une idéologie, par Samuel Hayat : https://www.nouvelobs.com/idees/20201027.OBS35262/l-islamo-gauchisme-comment-ne-nait-pas-une-ideologie.html
      – Après Conflans : gare aux mots de la démocratie, par Olivier Compagnon : https://universiteouverte.org/2020/10/27/apres-conflans-gare-aux-mots-de-la-democratie
      – Toi qui m’appelles islamo-gauchiste, laisse-moi te dire pourquoi le lâche, c’est toi, par Alexis Dayon : https://blogs.mediapart.fr/alexis-dayon/blog/221020/toi-qui-mappelles-islamo-gauchiste-laisse-moi-te-dire-pourquoi-le-la
      - « Que le terme plaise ou non, il y a bien une islamophobie d’État en France », par Jean-François Bayart : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/jean-francois-bayart-que-le-terme-plaise-ou-non-il-y-a-bien-une-islamophobie

      On peut également mentionner les nombreux numéros de revues académiques, récents ou à venir, portant sur l’intersectionnalité, cœur de l’attaque du gouvernement. Les Revues en Lutte en citent plusieurs dans un superbe fil Twitter (https://twitter.com/RevuesEnLutte/status/1321861736165711874?s=20).

      Un collectif de revues de sciences humaines et sociales (SHS) met au défi le ministre de l’éducation nationale de trouver dans ses publications des textes permettant de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste.

      Tribune

      Dans le JDD du 25 octobre, le ministre de l’éducation nationale déclarait qu’il y avait, dans les universités, un combat à mener. Contre l’appauvrissement de l’enseignement supérieur ? Contre la précarité étudiante ? Contre les difficultés croissantes que rencontrent tous les personnels, précaires et titulaires, enseignants et administratifs, à remplir leurs missions ? Contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), qui va amplifier ces difficultés ? Non : contre « une partie non négligeable des sciences sociales françaises ». Et le ministre, téméraire : face à cette « gangrène », il faut cesser la « lâcheté ».

      On reste abasourdi qu’un ministre de l’éducation nationale s’en prenne ainsi à celles et ceux qui font fonctionner les universités. Mais pour aberrants qu’ils soient, ces propos n’étonnent pas tout à fait : déjà tenus, sur Europe 1 et au Sénat, ils prolongent ceux d’Emmanuel Macron, en juin 2020, dans Le Monde, qui accusait les universitaires d’ethniciser la question sociale et de « casser la République en deux ». Plutôt que de se porter garant des libertés académiques, attaquées de toutes parts, notamment dans le cadre du débat parlementaire actuel, Jean-Michel Blanquer se saisit de l’assassinat d’un professeur d’histoire et géographie pour déclarer la guerre aux sciences sociales, qui défendraient des thèses autorisant les violences islamistes ! Sa conviction est faite : ce qui pourrit les universités françaises, ce sont les « thèses intersectionnelles », venues des « universités américaines » et qui « veulent essentialiser » les communautés.
      Ignorance ministérielle

      Le ministre « défie quiconque » de le contredire. Puisque les revues scientifiques sont, avec les laboratoires et les universités, les lieux d’élaboration des sciences sociales, de leurs controverses, de la diffusion de leurs résultats, c’est à ce titre que nous souhaitons mener cette contradiction, ses propos révélant son ignorance de nos disciplines, de leurs débats et de leurs méthodes.

      La démarche scientifique vise à décrire, analyser, comprendre la société et non à décréter ce qu’elle doit être. Les méthodes des sciences sociales, depuis leur émergence avec Emile Durkheim dans le contexte républicain français, s’accordent à expliquer les faits sociaux par le social, précisément contre les explications par la nature ou l’essence des choses. A ce titre, elles amènent aussi à rendre visibles des divisions, des discriminations, des inégalités, même si elles contrarient. Les approches intersectionnelles ne sont pas hégémoniques dans les sciences sociales : avec d’autres approches, que, dans leur précieuse liberté, les revues font dialoguer, elles sont précisément l’un des outils critiques de la désessentialisation du monde social. Néologisme proposé par la juriste états-unienne Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980, le terme « intersectionnalité » désigne en outre, dans le langage actuel des sciences sociales, un ensemble de démarches qui en réalité remontent au XIXe siècle : il s’agit d’analyser la réalité sociale en observant que les identités sociales se chevauchent et que les logiques de domination sont plurielles.

      Dès 1866, Julie-Victoire Daubié, dans La Femme pauvre au XIXe siècle, montre la particularité de la situation des ouvrières, domestiques et prostituées obligées de travailler pour survivre, faisant des femmes pauvres une catégorie d’analyse pour le champ de la connaissance et de la politique, alors que lorsqu’on parlait des pauvres, on pensait surtout aux hommes ; et que lorsqu’on parlait des femmes, on pensait avant tout aux bourgeoises.
      Une politique répressive de la pensée

      Plus près de nous, l’équipe EpiCov (pour « Epidémiologie et conditions de vie »), coordonnée par la sociologue Nathalie Bajos et l’épidémiologiste Josiane Warszawski, vient de publier des données concernant l’exposition au Covid-19 à partir de critères multiples parmi lesquels la classe sociale, le sexe, le lieu de naissance. Une première lecture de ces données indique que les classes populaires travaillant dans la maintenance (plutôt des hommes) et dans le soin (plutôt des femmes) ont été surexposées, et que, parmi elles, on compte une surreprésentation de personnes nées hors d’Europe. Une analyse intersectionnelle cherchera à corréler ces données, entre elles et avec d’autres disponibles, pour mieux comprendre comment les discriminations s’entrelacent dans la vie des personnes. Où sont l’essentialisation, l’encouragement au communautarisme ? Pour les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, il s’agit simplement, à partir de données vérifiées par des méthodes scientifiques, validées entre pairs et ouvertes à la discussion, de faire leur travail.

      L’anathème que le ministre lance traduit une politique répressive de la pensée. Nous mettons M. Blanquer au défi de trouver un seul texte publié dans la bibliothèque ouverte et vivante de nos revues qui permette de dire que l’intersectionnalité inspire le terrorisme islamiste. Se saisir d’un mot, « intersectionnalité », pour partir en guerre contre les sciences sociales et, plus généralement, contre la liberté de penser et de comprendre la société, est une manœuvre grossière. Si elle prend, nos universités devront troquer la liberté de chercher (qui est aussi la liberté de se tromper) pour rien moins qu’une science aux ordres, un obscurantisme ministériel. On voit mal comment la République pourrait en sortir grandie.

      https://universiteouverte.org/2020/11/03/les-sciences-sociales-contre-la-republique

    • Islamisme : où est le déni des universitaires   ?

      Dans une tribune publiée par « le Monde », une centaine de professeurs et de chercheurs dénoncent les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » de leurs pairs, lesquelles mèneraient au terrorisme. Les auteurs rejouent ainsi la rengaine du choc des cultures qui ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Comment peut-on prétendre alerter sur les dangers, réels, cela va sans dire, de l’islamisme en se référant aux propos confus et injurieux de Jean-Michel Blanquer ? Or, une récente tribune du Monde (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-), au lieu de contribuer à une nécessaire clarification, n’a pas d’autre fonction que de soutenir un ministre qui, loin de pouvoir se prévaloir d’une quelconque expertise sur les radicalités contemporaines, mène en outre une politique régressive pour l’école, c’est-à-dire indifférente à la reproduction des inégalités socio-culturelles dont s’accommode l’idéologie méritocratique. Faire oublier cette politique en détournant l’attention, d’autres que lui l’ont fait. Il convient seulement de ne pas être dupe.

      Car que disent les auteurs (certains d’entre eux, fort estimables, ont probablement oublié de relire) ? Que « l’islamo-gauchisme », ni défini ni corrélé au moindre auteur, est l’idéologie « qui mène au pire », soit au terrorisme. Ceux qui la propagent dans nos universités, « très puissants dans l’enseignement supérieur », commettraient d’irréparables dégâts. Et l’on invoque pêle-mêle l’indigénisme, le racialisme et le décolonialisme, sans le moindre souci de complexification, ni même de définition, souci non utile tant le symptôme de la supposée gangrène serait aisément repérable : le port du voile.

      Plus de trente ans après l’affaire de Creil, et quantité de travaux sociologiques, on n’hésite donc toujours pas à nier l’équivocité de ce signe d’appartenance pour le réduire à un outil de propagande. Chercher à comprendre, au lieu de condamner, serait une manifestation de l’esprit munichois. Que la Conférence des présidents d’université (CPU) proteste contre les déclarations du ministre, en rappelant utilement la fonction des chercheurs, passe par pertes et profits, l’instance que l’on ne peut soupçonner d’un quelconque gauchisme étant probablement noyautée par des islamistes dissimulés !

      Cette tribune rejoue, une fois encore, une vieille rengaine, celle du #choc_des_civilisations : « haine des Blancs », « doxa antioccidentale », « #multiculturalisme » (!), voilà les ennemis dont les universitaires se réclameraient, ou qu’ils laisseraient prospérer, jusqu’à saper ce qui fait le prix de notre mode de vie. Au demeurant, les signataires de la présente tribune sont profondément attachés aux principes de la République et, en l’espèce, à la liberté de conscience et d’expression. C’est au nom de celle-ci qu’ils se proposent de dénoncer les approximations de leurs collègues.

      Choisir le #débat plutôt que l’#invective

      Concernant l’#indigénisme, sa principale incarnation, le Parti des indigènes de la République (PIR) a totalement échoué dans sa volonté d’être audible dans nos enceintes universitaires. Chacun sait bien que l’écho des thèses racistes, antisémites et homophobes d’#Houria_Bouteldja est voisin de zéro. Quant au #décolonialisme, auquel l’indigénisme se rattache mais qui recouvre quantités d’autres thématiques, il représente bien un corpus structuré. Néanmoins, les études sur son influence dans nos campus concluent le plus souvent à un rôle marginal. Et, quoi qu’il en soit, ses propositions méritent débat parce qu’elles se fondent sur une réalité indiscutable : celle de l’existence d’injustices « épistémiques », c’est-à-dire d’#injustices qui se caractérisent par les #inégalités d’accès, selon l’appartenance raciale ou de genre, aux positions académiques d’autorité.

      D’une façon générale, il ne fait aucun doute que la communauté scientifique a, dans le passé, largement légitimé l’idée de la supériorité des hommes sur les femmes, des Blancs sur les Noirs, des « Occidentaux » sur les autochtones, etc. Mais, à partir de ce constat, les décoloniaux refusent la possibilité d’un point de vue universaliste et objectif au profit d’une épistémologie qui aurait « une couleur et une sexualité ». Ce faisant, ils oublient #Fanon dont pourtant ils revendiquent l’héritage : « Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. […] Ce n’est pas le monde noir qui me dicte ma conduite. Ma peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques. » Nous devons choisir le débat plutôt que l’invective.

      L’obsession antimulticulturaliste

      Quant à l’obsession antimulticulturaliste (« #prêchi-prêcha », écrivent-ils), elle est ignorante de ce qu’est vraiment ce courant intellectuel. A de nombreux égards, ce dernier propose une conception de l’#intégration différente de celle cherchant à assimiler pour égaliser. Il est donc infondé de le confondre avec une vision ethno-culturelle du lien politique. Restituer à l’égal sa différence, tel est le projet du multiculturalisme, destiné en définitive à aller plus loin dans l’instauration de l’#égalité que n’était parvenue à le faire la solution républicaine classique. Le meilleur de ce projet, mais non nécessairement sa pente naturelle, est sa contribution à ce que l’un de nous nomme la « #décolonisation_des_identités » (Alain Renaut), conciliation que les crimes de la #colonisation avaient rendue extrêmement difficile. Bref, nous sommes très éloignés du « prêchi-prêcha ».

      Enfin, un mot sur la « #haine_des_Blancs ». Cette accusation est non seulement stupéfiante si elle veut rendre compte des travaux universitaires, mais elle contribue à l’#essentialisation « racialiste » qu’elle dénonce. En effet, elle donne une consistance théorique à l’apparition d’un nouveau groupe, les Blancs, qui auparavant n’était pas reconnu, et ne se reconnaissait pas, comme tel. Dès lors, en présupposant l’existence d’une idéologie racialiste anti-française, anti-blanche, on inverse les termes victimaires en faisant de la culture dominante une culture assiégée. Ce tour de passe-passe idéologique ne peut servir que l’extrême droite identitaire.

      Toutes nos remarques critiques montrent qu’au lieu d’amorcer un nécessaire débat, la tribune ici analysée témoigne du déni dont pourtant des intellectuels non clairement identifiés sont accusés. Comment interpréter ce « manifeste » autrement que comme un appel à censurer ?

      https://www.liberation.fr/debats/2020/11/04/islamisme-ou-est-le-deni-des-universitaires_1804439

    • « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée »

      Environ deux mille chercheurs et chercheuses dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’appel à la police de la pensée dans les universités signé par une centaine d’universitaires en soutien aux propos de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/04/les-libertes-sont-precisement-foulees-aux-pieds-lorsqu-on-en-appelle-a-la-de

    • Open Letter: the threat of academic authoritarianism – international solidarity with antiracist academics in France

      A critical response to the Manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020, after the assassination of the school teacher, Samuel Paty.

      At a time of mounting racism, white supremacism, antisemitism and violent far-right extremism, academic freedom has come under attack. The freedom to teach and research the roots and trajectories of race and racism are being perversely blamed for the very phenomena they seek to better understand. Such is the contention of a manifesto signed by over 100 French academics and published in the newspaper Le Monde on 2 November 2020. Its signatories state their agreement with French Minister of Education, Jean-Michel Blanquer, that ‘indigenist, racialist, and “decolonial” ideologies,’ imported from North America, were responsible for ‘conditioning’ the violent extremist who assassinated school teacher, Samuel Paty, on 16 October 2020.

      This claim is deeply disingenuous, and in a context where academics associated with critical race and decolonial research have recently received death threats, it is also profoundly dangerous. The scholars involved in this manifesto have readily sacrificed their credibility in order to further a manifestly false conflation between the study of racism in France and a politics of ‘Islamism’ and ‘anti-white hate’. They have launched it in a context where academic freedom in France is subject to open political interference, following a Senate amendment that redefines and limits it to being ‘exercised with respect for the values of the Republic’.

      The manifesto proposes nothing short of a McCarthyist process to be led by the French Ministry for Higher Education, Research and Innovation to weed out ‘Islamist currents’ within universities, to take a clear position on the ‘ideologies that underpin them’, and to ‘engage universities in a struggle for secularism and the Republic’ by establishing a body responsible for dealing with cases that oppose ‘Republican principles and academic freedom’. The ‘Islamogauchiste’ tag (which conflates the words ‘Islam’ and ‘leftists’) is now widely used by members of the government, large sections of the media and hostile academics. It is reminiscent of the antisemitic ‘Judeo-Bolshevism’ accusation in the 1930s which blamed the spread of communism on Jews. The ‘Islamogauchiste’ notion is particularly pernicious as it voluntarily confuses Islam (and Muslims) with Jihadist Islamists. In other words, academics who point out racism against the Muslim minority in France are branded allies of Islamist terrorists and enemies of the nation.

      This is not the only contradiction that shapes this manifesto. Its signatories appear oblivious to how its feverish tone is redolent of the antisemitic witch-hunts against so-called ‘Cultural Marxists’ that portrayed Jewish intellectuals as enemies of the state. Today’s enemies are Muslims, political antiracists, and decolonial thinkers, as well as anyone who stands with them against rampant state racism and Islamophobia.

      Further, when seen in a global context, the question of who is in fact ‘importing’ ideas from North America is worth considering. The manifesto comes on the back of the Trump administration’s executive order ‘on Combating Race and Sex Stereotyping’ which effectively bans federal government contractors or subcontractors from engaging what are characterised as ideologies that portray the United States as ‘fundamentally racist or sexist’. Quick on Trump’s heels, the British Conservative Party moved to malign Critical Race Theory as a separatist ideology that, if taught in schools, would be ‘breaking the law’.

      We are concerned about the clear double standards regarding academic freedom in the attack on critical race and decolonial scholarship mounted by the manifesto. In opposition to the actual tenets of academic freedom, the demands it makes portray any teaching and research into the history or sociology of French colonialism and institutionalised racism as an attack on academic freedom. In contrast, falsely and dangerously linking these scholarly endeavours to Islamic extremism and holding scholars responsible for brutal acts of murder, as do the signatories of the Manifesto, is presented as consistent with academic freedom.

      This is part of a global trend in which racism is protected as freedom of speech, while to express antiracist views is regarded as a violation of it. For the signatories of the manifesto – as for Donald Trump – only sanitised accounts of national histories that omit the truth about colonialism, slavery, and genocide can be antiracist. In this perverse and ahistorical vision, to engage in critical research and teaching in the interests of learning from past injustices is to engage in ‘anti-white racism’, a view that reduces racism to the thoughts of individuals, disconnecting it from the actions, laws and policies of states and institutions in societies in which racial socioeconomic inequality remains rife.

      In such an atmosphere, intellectual debate is made impossible, as any critical questioning of the role played by France in colonialism or in the current geopolitics of the Middle East or Africa, not to mention domestic state racism, is dismissed as a legitimation of Islamist violence and ‘separatism’. Under these terms, the role of political and economic elites in perpetuating racism both locally and on a global scale remains unquestioned, while those who suffer are teachers and activists attempting to improve conditions for ordinary people on the ground.

      In the interests of a real freedom, of speech and of conscience, we stand with French educators under threat from this ideologically-driven attack by politicians, commentators and select academics. It is grounded in the whitewashing of the history of race and colonialism and an Islamophobic worldview that conflates all Muslims with violence and all their defenders with so-called ‘leftist Islamism’. True academic freedom must include the right to critique the national past in the interests of securing a common future. At a time of deep polarization, spurred by elites in thrall to white supremacism, defending this freedom is more vital than ever.

      https://www.opendemocracy.net/en/can-europe-make-it/open-letter-the-threat-of-academic-authoritarianism-international-sol

    • Qui pour soutenir les « coupables de dérives intellectuelles idéologiques dans les universités » ?

      Mercredi 25 novembre 2020 : deux députés demandent la « création d’une mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », et le font publiquement savoir par un communiqué de presse.

      Ni la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ni la Conférence des présidents d’université, ni l’Udice, l’association autoproclamée des dix plus grandes « universités de recherche » françaises, ne bougent le petit doigt.

      Jeudi 26 novembre 2020 : l’un des deux députés précédents, un certain Julien Aubert, se sentant pousser des ailes, décide d’aller plus loin, et dresse une liste de sept universitaires, dont un président d’université, qui ont en commun d’avoir dit sur les réseaux sociaux le dégoût que leur inspire l’idée même de « dérives intellectuelles idéologiques ». Publiant leurs photos de profils et leurs comptes Twitter personnels, le député jubile, avec le message suivant :

      « Les coupables s’autodésignent. Alors que la privation du débat, l’ostracisation et la censure est constatée par nombre de professeurs, étudiants ou intellectuels, certains se drapent dans des accusations de fascisme et de maccarthysme. »

      La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, la Conférence des présidents d’université et l’Udice ne bougent pas davantage le petit doigt.

      Vendredi 27 novembre 2020 : L’Auref, l’Alliance des universités de recherche et de formation, qui regroupe rien de moins que 35 universités, décide de sortir du bois, et il faut la saluer. Il faut dire, aussi, que l’un de ses membres, le président de l’université de Bordeaux Montaigne, figure par les « coupables » désigné par le député Aubert. Le communiqué choisit de rester tout en rondeur : il « appelle à plus de calme et de retenue dans les propos, de dignité et de respect de l’autre dans le légitime débat public, de mobilisation sur les vrais enjeux de la France et de son université ». Mais il a le mérite, lui, d’exister.

      L’université de Rennes 2, de son côté, annonce se réserver « le droit de donner une suite juridique à cette dérive grave ». C’est en effet une vraie question, à tout le moins sur le terrain de la diffamation.

      Du côté de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de la Conférence des présidents d’université et de l’Udice, en revanche, rien. Toujours rien. Désespérément rien.

      Ils bougeront un jour, c’est sûr, il le faudra bien, comme ils avaient bougé après les propos de Jean-Michel Blanquer sur l’islamo-gauchisme. Mais bouger comme ils le font, à la vitesse d’escargots réticents, ce n’est pas un soutien résolu et indéfectible dans la défense des libertés académiques. Ces gens ne sont tout simplement pas à la hauteur de l’Université.

      https://academia.hypotheses.org/29081

    • Chasse aux sorcières. Un député contre-attaque

      Loi recherche, libertés académiques et furie parlementaire..
      Comme elles venaient cette fois de députés, j’ai demandé au Président de l’@AssembleeNat de se saisir des attaques personnelles contre des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.
      Rien ne va plus.

      https://twitter.com/Sebastien_Nadot/status/1332350483437150209


      https://academia.hypotheses.org/29133

      #Sébastien_Nadot

    • La liste des coupables s’allonge. Au tour des universités ?

      Au Journal officiel de ce 3 décembre 2020, on trouve le décret portant dissolution d’un « #groupement_de_fait », l’« Association de défense des droits de l’homme – #Collectif_contre_l’islamophobie_en_France » (https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=-nWvo0jS6QqmBjWn9EPe_u_AvWkqbw3aGTWSBldcbDg=). Cette association était plus connue sous le nom de « #CCIF ».

      Ce décret de #dissolution inhabituellement long – trois pages – a déjà largement été commenté et dénoncé1. Academia se permet néanmoins d’insister sur un point : il est important de lire avec attention l’argumentation de ce décret — ce qu’en droit, on nomme les motifs — et d’observer par quels sautillements logiques le gouvernement en arrive aux pires conclusions. C’est même crucial pour la communauté de l’ESR, dans un contexte bien particulier d’attaques contre les libertés académiques. Certes, ce n’est pas la même artillerie qui est déployée contre le CCIF, d’un côté, et contre les universités et les scientifiques, de l’autre ; mais les petits bonds logiques qui y conduisent présentent de très fortes ressemblances.

      Prenons le premier des motifs du décret :

      « En qualifiant d’islamophobes des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou combattre des actes punis par la loi, [le CCIF] doit être regardé comme partageant, cautionnant et contribuant à propager de telles idées, au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ou de créer le terrain d’actions violentes chez certains de ses sympathisants ».

      Et voyons à quelle conclusion ce motif conduit :

      « Considérant que par suite, [le CCIF] doit être regardé comme provoquant à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

      Voilà donc un raisonnement qui se déploie de manière très décomplexée. Voir de l’islamophobie dans certaines évolutions arbitraires et discriminatoires de l’action anti-terroriste, c’est, première conséquence, prendre le « risque » de susciter du terrorisme ; et dans tous les cas, cela doit, seconde conséquence, être regardé comme une provocation à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de l’origine, de l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée et comme une propagation des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.

      Ce mode bien particulier de raisonnement appelle deux remarques.

      La première remarque a trait au choix bien précis des mots qui sont employés dans le décret de dissolution du 2 décembre 2020. Ce décret fait référence, en réalité, à deux infractions pénales :

      - Il suggère d’abord l’infraction de provocation directe à des actes de terrorisme. Au terme de l’article 421-2-5 du code pénal, en effet, « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende ».
      - Il suggère ensuite l’infraction d’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale. Au terme de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en effet, « ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».

      Mais le décret ne fait que suggérer ces infractions : il en reprend des formules, mais il ne dit pas qu’elles ont été commises par le CCIF. Il ne le dit pas parce que ces infractions n’ont pas été commises. Si elles l’avaient été, des poursuites pénales auraient immédiatement été engagées. Les outils de la police administrative — ici la dissolution d’une association — viennent donc suppléer les outils de la répression pénale, en singeant ces derniers : puisque le CCIF n’était pas sérieusement attaquable devant le juge pénal, le pouvoir exécutif choisit de l’attaquer par la voie administrative, et pour cela, il mime le vocabulaire pénal, tout en s’affranchissant, évidemment, de toutes les garanties qui caractérisent le procès pénal.

      La seconde remarque est, pour les universités, la plus importante. La dissolution du CCIF est largement justifiée par des propos tenus par l’association et ses dirigeants, au titre de leur liberté d’expression et sans qu’aucune infraction pénale n’ait été commise. La Ligue des droits de l’homme l’a bien identifié dans son communiqué : avec ce décret « le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion », un délit qui, précisément, n’existe pas. Un des motifs retenus dans le décret est, de ce point de vue, significatif :

      « sous couvert de dénoncer les actes de discriminations commis contre les musulmans, [le CCIF] défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large, n’hésitant pas à comptabiliser au titre des ‘actes islamophobes‘ des mesures de police administrative, voire des décisions judiciaires, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».

      Ainsi donc, qualifier des pans de la lutte contre le terrorisme d’actes « islamophobes » est désormais interdit. Ce n’est pas interdit sur le plan pénal ; mais c’est sanctionné par le pouvoir exécutif, qui use pour cela de ses outils de police administrative.
      Quels enseignements pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Ces petits bonds logiques grâce auxquels Emmanuel Macron, Jean Castex et Gérald Darmanin, les trois signataires du décret, justifient des atteintes à la libre expression sont évidemment inquiétants quant à l’état général des droits et libertés en France. Or, on observe quelques tressaillements du même ordre du côté de l’enseignement supérieur et de la recherche, et c’est sur ce point que nous aimerions insister à présent. Bien sûr, la situation du CCIF et celle de l’ESR restent incomparables, dans la mesure où, du côté de l’ESR, la grande machinerie de la police administrative n’a pas été mise en branle comme elle l’a été pour le CCIF. En revanche, des petits bonds logiques du même ordre que ceux dont le CCIF a été victime se multiplient jusqu’au sein des plus prestigieux établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Plus inquiétant encore, ils se diffusent dans des cercles de plus en plus officiels au parlement et au gouvernement.

      L’établissement de relations entre des recherches scientifiques, d’un côté, et des qualifications pénales, de l’autre, sans pour autant que le moindre début de délit ne puisse être établi, se retrouve désormais couramment sous la plume de certain·es universitaires. Nathalie Heinich, directrice de recherche CNRS (classe exceptionnelle), membre du Centre de recherches sur les arts et le langage (CNRS/ EHESS), s’y prête allègrement par exemple : comme elle l’a récemment déclaré au Times Higher Education2, « les affirmations des universitaires sur le ‘racisme systématique’ et le ‘racisme d’État’ sont un encouragement direct au terrorisme ». Un encouragement direct au terrorisme, dit-elle : la référence à l’article 421-2-5 du code pénal, évoqué plus haut, est à nouveau explicite. À l’instar de ce que fait le pouvoir exécutif dans le décret de dissolution du CCIF, le vocabulaire du droit pénal est appelé à la rescousse pour attaquer certaines formes d’expression, sans, pour autant, qu’aucun début d’infraction pénale ne puisse être mobilisé.

      Ces références mal contrôlées au droit pénal auxquelles se livrent certain·es universitaires ne sont pas sans effets. Elles sont désormais reprises non sans opportunisme par certaines des plus hautes autorités de l’État. C’est le cas du député Julien Aubert qui, après avoir appelé avec le président du groupe des Républicains de l’Assemblée nationale à la mise en place d’une « mission d’information sur les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires », dresse des listes d’universitaires qu’il désigne comme « coupables ». C’est le cas, aussi, du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer lorsqu’il parle, à propos des universités, de « complicité intellectuelle du terrrorisme ».

      Quand un parlementaire et un ministre, l’un et l’autre de premier plan, décident de mobiliser du vocabulaire pénal et de parler de « culpabilité » et de « complicité » à propos d’universitaires, il y a lieu d’être inquiet·es. Pour Jean-Michel Blanquer, agrégé de droit public, ces références pénales se font en toute connaissance de cause, d’ailleurs, si l’on veut bien se souvenir que, dans son autre vie, il a publié des travaux très sérieux au sujet des relations entre responsabilité pénale et responsabilité politique. Notons que l’un de ses ouvrages s’appelait La responsabilité des gouvernants, ce qui, c’est le moins qu’on puisse dire, est un titre qui résonne aujourd’hui étrangement concernant le ministre Blanquer.

      Dans un tel contexte, le décret de dissolution du CCIF est riche d’enseignements et justifie ce long billet d’Academia. Résumons les choses : si le CCIF a été dissout, ce n’est pas sur la base d’infractions pénales, puisqu’il n’était pas sérieusement possible d’actionner ces infractions, alors même qu’on n’a cessé d’en étendre le champ depuis vingt ans. Si le CCIF a été dissout, c’est par des références abusives à des infractions pénales, sur la base de quoi des mesures de police administrative ont été actionnées par le pouvoir exécutif, dont les motifs, nous l’avons vu, se situent d’abord et avant tout sur le terrain de la liberté d’expression.

      Que peut-on dans ces conditions craindre pour l’enseignement supérieur et la recherche ? Dès lors que l’on observe, aujourd’hui, que des collègues et du personnel politique de premier plan singent eux aussi des infractions pénales pour critiquer des recherches scientifiques, on peut légitimement craindre qu’un mouvement de terrain du même ordre que celui dont le CCIF a été la victime se réalise s’agissant des universités. Tout y mène.

      L’exclusion du champ académique

      Ce risque ne viendra sans doute pas du droit pénal lui-même, en tout cas pas dans un premier temps. Certes, on se souvient que la loi de programmation de la recherche a déjà étendu brusquement le champ du droit pénal universitaire, avec le nouveau délit d’atteinte au bon ordre et à la tranquillité des établissements. Mais on peut espérer que ce délit ne sorte pas sans dommage du contrôle du Conseil constitutionnel ; surtout, il ne suffira pas pour attaquer les recherches qui représentent « un encouragement direct au terrorisme », pas plus que la législation pénale anti-terroriste n’a suffi pour s’attaquer aux propos du CCIF. C’est donc vers de nouvelles formes juridiques de contraintes, autres que celles que propose le droit pénal, que le débat est en train de se déplacer plus ou moins consciemment, comme il s’est déplacé pour le CCIF. La voie la plus simple, pour cela, consiste à inventer de nouvelles limites à la libre expression des enseignant·es et des chercheur·ses, afin d’exclure du champ académique, et donc du champ des libertés académiques, certains propos et certain·es collègues.

      Cette démarche d’exclusion hors du champ des libertés académiques, dont les fondements épistémologiques ne sont pas neufs3, a pris une dimension professionnelle particulière depuis quelques années. Épistémologiquement, il s’agit de « faire coupure » entre ce qui est bonne science et mauvaise science, selon un principe médical de l’amputation pour éviter la propagation de la gangrène au corps entier : certain·es rappellent ainsi régulièrement que les sciences sociales critiques ne sont pas des sciences militantes, l’invocation du « militantisme » disqualifiant la légitimité épistémologique des travaux menés par des hommes et des femmes engagé∙es. Olivier Beaud, voix écoutée et reconnue de l’association Qualité de la science française, s’exprimait ainsi dans Le Monde du 2 décembre :

      « Je refuse l’inquisition politique mais je refuse aussi le silence qui serait de la lâcheté intellectuelle et reviendrait à cautionner des universitaires dont la pratique serait de surdéterminer leurs recherches censément scientifiques (donc objectives) par des considérations lourdement idéologiques, fût-ce au motif de défendre telle ou telle minorité ».

      L’article du Monde précise ensuite les propos d’Olivier Beaud : selon lui, des universitaires « radicaux » auraient délaissé la distinction opérée par Max Weber entre le « jugement de fait », qui fonde leurs recherches, et le « jugement de valeur », qui fonde leurs opinions.

      En se référant ainsi à la « neutralité axiologique » de Max Weber, Olivier Beaud tord la pensée d’un homme profondément engagé dans la construction de l’État prussien par les sciences économiques et sociales. Par chance pour notre démonstration, la traduction commandée à Julien Freund par Raymond Aron et parue en 1963 dans un contexte de guerre froide, a fait récemment l’objet de plusieurs éditions critiques qui retraduisent en français le texte original Du métier de savant (Wissenschaft als Beruf, 1917)4. Pour celles et ceux qui ont eu accès au texte de Weber par la seule traduction française, la lecture de cette traduction révisée est très éclairante : l’universitaire, pour faire science, a besoin d’une « inspiration », qui donne un sens à son travail, notamment ses tâches calculatoires ; cette inspiration a partie liée avec une question éthique, intime et indispensable : « quelle est la vocation de la science pour l’ensemble de la vie de l’humanité ? Quelle en est la valeur ? ».

      De nos jours, il est fréquent que l’on parle d’une « sciences sans présupposés, écrit Max Weber. Une telle science existe-t-elle ? Tout dépend ce que l’on entend par là. Tout travail scientifique présuppose la validité des règles de la logique et de la méthode, ces fondements universels de notre orientation dans le monde. Ces présupposés-là sont les moins problématiques du moins pour la question particulière qui nous occupe. Mais on présuppose aussi que le résultat du travail scientifique est important au sens où il mérite d’être connu. Et c’est de là que découlent, à l’évidence, tous nos problèmes. Car ce présupposé, à son tour, ne peut être démontré par les moyens de la science. On ne peut qu’en interpréter le sens ultime, et il faut le refuser ou l’accepter selon les positions ultimes que l’on adopte à l’égard de la vie
      — Weber, 1917 [2005], p. 36

      Les problèmes que Max Weber5 repérait hier sont les nôtres aujourd’hui : certains ou certaines disqualifient le travail scientifique de leurs collègues, non à l’aune de leur qualité scientifique intrinsèque, reposant sur la qualité de la réflexion, de la documentation, de l’analyse, mais par les présupposés qui ont initié la recherche.

      Ces derniers mois, les choses sont devenues très claires de ce point de vue : il y a des recherches dont certain·es ne veulent plus.

      C’est leur scientificité même qui est déniée : ces recherches sont renvoyées à de la pure « idéologie », sans qu’aucune explication précise ne soit jamais donnée, si ce n’est la référence à une autre idéologie, qu’il s’agisse des « valeurs de la République » ou de « l’unité de la nation ». « L’unité de la nation », c’est ce à quoi renvoyait l’association Qualité de la science française dans un récent communiqué : « il fait peu de doute que se développent dans certains secteurs de l’université des mouvances différentialistes plus ou moins agressives, qui mettent en cause l’unité de la nation, et dont l’attitude envers les fondamentalismes est ambiguë ». La comparaison sémantique avec les textes académiques prônant le maccarthysme est à ce titre très éclairante, même si leur rédaction doit être replacée dans le contexte de la guerre froide6 : le caractère scandaleux de toute opération de « chasse aux sorcières » se mesure, considère-t-on alors, à l’aune des risques encourus par la nation.

      Quelle va être la suite ? Va-t-on exclure ces savant∙es contemporain∙es de l’université, qui repose pourtant sur le principe de la pluralité et du dissensus ? Va-t-on les exclure en leur déniant tout travail de production et de transmission des connaissances scientifiques, pour les rejeter du côté de la simple expression des opinions ? Le risque, derrière ce feu qu’allument certain∙es universitaires, est connu : c’est évidemment que le pouvoir politique s’en saisisse, pour en tirer des conséquences juridiques.

      Nous nous trouvons très précisément au seuil d’un mouvement de ce type aujourd’hui en France. On y a échappé de peu lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, avec l’amendement subordonnant les libertés académiques au respect des valeurs de la République auquel la ministre Vidal avait donné, on ne le rappellera jamais assez, un « avis extrêmement favorable ».

      Dans un contexte aussi pesant, c’est avec beaucoup d’appréhension, désormais, que l’on attend, du côté de la rédaction d’Academia, l’examen du « projet de loi renforçant les principes républicains » (plus connu sous le nom de « projet de loi Séparatismes »). Plusieurs collègues ont en particulier alerté Academia sur le fait qu’un collectif dénommé Vigilance Universités échange à propos de ce projet de loi avec la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, pour introduire les universités dans le champ de celui-ci. Nous craignons le pire. Cela fait plusieurs années maintenant que ces mêmes collègues propagent le sentiment d’une immense insécurité physique et de grands dangers intellectuels dans les universités, sans vouloir reconnaître qu’en conséquence de leurs propos, des personnalités politiques de premier rang, à droite et à l’extrême droite, appellent désormais à combattre les « dérives intellectuelles idéologiques » et dresse des listes de « coupables ».

      Peut-être est-il temps maintenant, pour elles et eux, de prendre conscience de leur responsabilité historique dans le mouvement de rétraction des libertés académiques en cours, à défaut d’avoir accepté de prendre la moindre position critique, lors des débats sur la loi de programmation de la recherche, sur la pénalisation des universités à laquelle ils et elles ont directement contribué par leurs propos et leurs actions.

      Il est surtout temps que l’ensemble des collègues prennent la juste mesure du danger. Il est temps que nous prenions, collectivement et clairement, position sur ce que défendre l’université veut dire.

      https://academia.hypotheses.org/29291

    • Antiracisme : la guerre des facs n’aura pas lieu

      Depuis la fin de l’automne 2018, par poussées de fièvre belliqueuse, surgissent périodiquement les tribunes, appels, articles qui mettent en garde contre un nouvel ennemi de la République : les « décoloniaux », qui « mènent la guerre des facs », écrit par exemple Étienne Girard dans Marianne, le 12 avril 2019. Des dizaines d’autres intellectuels, journalistes, personnalités publiques, ont pris la plume pour dénoncer « les obsédés de la race à la Sorbonne » (Charlie Hebdo 23 janvier 2019), les « énervés de la race » qui « martèlent leurs fameuses théories sur la race » (Le Canard Enchaîné, 24 juin 2020). Ils mettent en accusation la « stratégie hégémonique » du « décolonialisme » (Le Point, 28 novembre 2018) qui se lance « à l’assaut de l’université » (Le Nouvel Obs, 30 novembre 2018), qui « menace la liberté académique » (Le Monde, 12 avril 2019) et qui, « nouveau terrorisme intellectuel », « infiltre les universités » (La Revue des deux Mondes, 18 avril 2019) par une « grande offensive médiatique et institutionnelle » (L’Express, 26 décembre 2019), traduisant « une stratégie décoloniale de radicalité » (Le Monde, blog, 06 juillet 2020) en même temps qu’une « quête de respectabilité académique » (L’Express, 26 décembre 2019).

      La rhétorique est guerrière – et l’ennemi, puissant, organisé, déterminé, mobilisant des méthodes de guérilla, voire de « terrorisme », est déjà en passe de l’emporter, au point qu’il faut « appeler les autorités publiques, les responsables d’institutions culturelles, universitaires, scientifiques et de recherche, mais aussi la magistrature, au ressaisissement » (Le Point, 28 novembre 2018) et « sanctionner la promotion de l’idéologie coloniale » (Marianne, 26 juin 2020).

      Mais de quoi parle-t-on exactement ? Comme cela a déjà été souligné, si stratégie hégémonique il y a, elle est remarquablement peu efficace : aucun poste ni aucune chaire, dans aucun domaine de sciences humaines et sociales, n’a jamais été profilé « études postcoloniales ou décoloniales » à l’université ; pas de revue spécialisée, pas de maison d’édition ni même de collection de presses universitaires dans le domaine. Une analyse sociologique fine menée en termes de « correspondances multiples » sur plusieurs années et croisant plusieurs variables (publications, visibilité, lieux institutionnels, etc.) démontre que

      « les travaux sur la question minoritaire, la racialisation ou le postcolonial demeurent des domaines de niche […] bénéficiant d’une faible audience dans le champ académique comme dans l’espace public »
      — Inès Bouzelmat, « Le sous-champ de la question raciale dans les sciences sociales », Mouvements, 12 février 2019.

      Si guerre il y a, les deux camps en présence témoignent d’un « rapport de forces inégal » où la puissance, sinon l’hégémonie, est bien du côté du savoir contesté par « la mouvance post ou décoloniale » (L’Obs, 11 janvier 2020), qui fait figure de David contre le Goliath de l’universalisme républicain.

      De plus, il est remarquable que les combats de l’université, comme récemment contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, dont le projet a été rendu public le 7 juin et qui est sur le point d’être adoptée en dépit de l’opposition explicite, massive et continue de la communauté universitaire, troublent généralement bien peu les penseurs institutionnels et les personnalités publiques. On compte sur les doigts d’une main les journalistes qui ont relayé les inquiétudes des universitaires : la vraie guerre est ailleurs. Pour les gardiens du temple, les « décoloniaux » menacent bien davantage l’université que la remise en cause des statuts des enseignants-chercheurs, la précarisation des personnels, la diminution accrue de financement récurrent et la mise en concurrence généralisée des institutions, des laboratoires et des individus. Ce n’est pas la disparition programmée du service public qui doit appeler « à la plus grande mobilisation » de la communauté universitaire (Marianne, 26 juin 2020), c’est la diffusion de « l’idéologie décoloniale ».

      C’est que cette guerre-là ne touche pas seulement l’université – sinon, qui s’en soucierait ? Comme l’a affirmé Emmanuel Macron dans des propos rapportés le 10 juin 2020 dans Le Monde, « le monde universitaire a été coupable », « il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon » et une telle stratégie « revient à casser la République en deux ». Voilà le véritable enjeu : les décoloniaux, par opportunisme et sens du « postcolonial business » (L’Express, 26 dec. 2019) ou par désir de promouvoir la haine et la division de la communauté politique, ou peut-être enfin par incompréhension et ignorance des vraies fractures sociales – par cynisme, par gauchisme ou par bêtise -, sont accusés de chercher à provoquer une « guerre des races » qui brisera la République. Ils sont ceux qui guident « les jeunes » dans les manifestations contre le racisme et les violences policières, ceux qui suscitent le déboulonnage des statues et les changements de noms des rues et places qui rendent hommage aux héros du colonialisme, ceux qui plaident pour l’introduction de statistiques ethniques afin de visibiliser les phénomènes de discrimination… C’est pourquoi, dans ces lignes de front qui se tracent, c’est bien eux qu’on prend à partie via ce « vous » populaire qu’ils incarnent comme une avant-garde : « J’exige de vous le respect. Sinon ce sera la guerre » (Marianne, 9 juillet 2020).
      Cette déclaration de guerre repose sur une confusion, un renversement et un double mensonge.

      La confusion est évidente : sont rassemblés sous une étiquette mal taillée des chercheurs et chercheuses aux positions épistémologiques précises et parfois en désaccord, qui travaillent depuis des années sur des objets dont l’importance n’est pas encore vraiment reconnue. Leur recherche, selon les règles d’usage de la discussion académique, exige de se confronter lors de séminaires, colloques et conférences où entrent en conversation les tenants de positions différentes avec les outils académiques de l’argumentation logique, de la distinction conceptuelle et de l’érudition textuelle. La « mouvance post ou décoloniale » n’existe pas. Et pour cause : les études décoloniales sont d’abord menées par des chercheuses et chercheurs latino-américains, parfois caribéens, qui diffèrent des courants postcoloniaux indiens ou, surtout, étasuniens, selon trois critères désormais bien établis : géopolitique, disciplinaire et généalogique1. Décoloniaux et postcoloniaux ne partagent ni les mêmes influences intellectuelles ni les mêmes contextes socio-économiques et culturels ; ils et elles mobilisent des outils méthodologiques différents pour poser des problèmes théoriques ou normatifs différents. Les désaccords scientifiques traversent aussi les disciplines, y compris entre celles et ceux qui sont persuadés de l’importance de s’intéresser au passé colonial pour comprendre le présent : historiens de l’esclavage et de la colonisation s’affrontent sur les aires géographiques pertinentes, sur les méthodologies de l’histoire globale ou locale, sur les sources archivistiques ou leur absence, etc. Bien loin de mettre en place des stratégies hégémoniques de domination académique, les universitaires échangent du savoir, de la connaissance, du raisonnement, avec humilité, rigueur et ténacité. Ils et elles travaillent et soumettent leurs hypothèses au test de l’évaluation par les pairs : ils font leur métier.

      Le renversement de perspective est tout aussi massif. Tout se passe comme si s’efforcer de mettre au jour les effets de domination historiquement fondés sur des rapports de race traduits dans l’organisation coloniale du monde, puis hérités de cet ordre sans être réellement déconstruits, revenait à créer ces effets de domination. Lorsque les chercheuses et chercheurs parlent de racialisation ou racisation, on leur oppose que le mot est « épouvantable » (Jean-Michel Blanquer, dans Libération, 21 novembre 2017). C’est un néologisme qui, selon la critique, ne permet pas de révéler une réalité sociale, mais qui produit, dans un geste performatif, la réalité qu’il prétend désigner.

      Or parler de groupe racisé consiste bien à nommer une réalité sociale : la catégorisation et la hiérarchisation de groupes sociaux, dans des contextes précis, en raison de facteurs visuels ou généalogiques réels ou fantasmés2. Il s’agit de chercher à expliquer, et non pas excuser, la construction, les mécanismes, les processus de reproduction de cette réalité. Parler de racialisation permet précisément de souligner que la race n’existe pas en tant que réalité biologique, de l’historiciser, la désessentialiser et la dénaturaliser. Il s’agit de produire de nouvelles ressources épistémiques pour dénoncer la hiérarchisation et l’inégalité raciales tout en évitant de reproduire les interprétations obsolètes et racistes du monde social.

      Sous la plume de ceux qui veulent « sanctionner » « l’idéologie coloniale », « supprimer les références racialistes », effacer la « nuée de concepts » qui traitent de la question raciale — non seulement dans la législation et la Constitution, mais aussi à l’université — une telle mise sous silence permettrait de supprimer le mal. Ces mots « réactivent l’idée de race » et « détournent des valeurs de liberté, égalité, fraternité qui fondent notre démocratie », affirment-ils (Le Point, 28 novembre 2018) : cessons d’utiliser ces mots abominables, et la « question sociale » sera enfin désethnicisée, la République réparée. Ils estiment sans doute qu’en France régnait l’égalité réelle jusqu’à ce que certains se mettent à dénoncer la domination raciale dont ils font l’expérience, et d’autres parviennent à admettre le privilège racial dont ils bénéficient.

      C’est là nier le travail des chercheuses et chercheurs qui, décrivant et évaluant les dominations raciales, s’efforçant de poser un diagnostic clair sur la nature et l’ampleur des inégalités qui traversent notre société, non seulement ne les créent pas, mais espèrent même contribuer à les faire disparaître. Vouloir les faire taire, c’est contribuer au racisme ordinaire en lui permettant d’avancer sous la « cape d’invisibilité » que procure l’étendard du républicanisme bafoué.

      Enfin le mensonge est double : d’une part, il consiste à faire semblant de croire qu’une poignée d’universitaires peut entraîner à elle seule les mouvements sociaux d’ampleur inédite qui ont vu le jour après le confinement pour dénoncer le racisme institutionnel et réclamer justice. C’est trop d’honneur. Trop de mépris, aussi, pour le travail de terrain des mouvements antiracistes et les associations de défense des droits qui mènent la lutte au quotidien auprès des victimes de stigmatisation et discrimination raciales. C’est enfin, surtout, être aveugle à la lame de fond qui nous emporte, à la transformation sociale massive que vit notre vieux modèle. Car d’autre part, le mensonge réside dans l’accusation selon laquelle les manifestant·es qui protestent contre le racisme et les discriminations, et réclament une participation égale et un statut paritaire dans le récit national, veulent « casse[r] la République en deux ». Or cela a été amplement souligné : les hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, racisé·es ou non, qui défilaient pour condamner les violences policières racistes en juin dernier3 chantaient ensemble La Marseillaise ; celles et ceux qui proposent de déplacer les statues des héros de la colonisation pour les muséifier le font au nom d’un hommage que la république pourrait rendre, sur ses places publiques, à d’autres héroïnes et d’autres héros français oubliés ou trop longtemps traités en objets et non en sujets politiques. La république peut être inclusive et réparée ; l’universel peut être visé — un universel concret, construit à partir des particularités et non pas en négation de celles-ci. Ce sont les fondations d’un nouvel universalisme possible qui sont en train d’être posées. Le mensonge consiste à prétendre que Cassandre veut la guerre.
      Et si ce n’était pas une guerre, mais une révolution ?

      Ce à quoi on assiste, et qui provoque la panique morale des puissants, peut se comprendre, c’est l’hypothèse faite ici, à la fois comme une révolution scientifique et comme une révolution politique, parce que les deux sont indissociables dans les sciences humaines et sociales. C’est à la fois un tournant copernicien ou changement de paradigme4, une nouvelle manière de façonner les problèmes et les solutions dans un processus discontinu de production du savoir, et le mouvement du « passage de l’idée dans l’expérience historique », la « tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique »5.

      L’ancien modèle théorique s’essouffle : les énigmes se multiplient, les exceptions ou anomalies ne confirment plus la règle mais s’accumulent pour miner l’autorité du vieux cadre interprétatif colorblind de notre monde social. Trop d’injustices sociales débordent le modèle de la lutte des classes, les inégalités socio-économiques à elles seules n’expliquent pas toutes les différences de trajectoire collective ou individuelle, les différences culturelles se naturalisent, l’écart se creuse et se visibilise entre les idéaux de la république et la réalité sociologique de leur mise en œuvre – y compris institutionnelle. L’épaisseur de l’histoire esclavagiste et coloniale pèse sur le mythe du contrat social républicain établi entre des partenaires égaux consentant librement à « faire peuple », ensemble. Ce qui est requis, ce n’est donc pas simplement une nouvelle grille de lecture à appliquer sur des données par ailleurs bien connues : c’est la manière même de voir le monde qui change, ce sont de nouveaux positionnements, de nouvelles perspectives, de nouvelles perceptions, la mise au jour de nouvelles archives, les témoignages de nouvelles voix, qui produisent des données jusque là méconnues ou ignorées, et qui entraînent l’exigence de renouveler le paradigme.

      La résistance de la vieille garde est d’autant plus désespérée que les sujets producteurs de ces nouvelles connaissances sont aussi des agents usuellement dominés et discrédités dans les circonstances « normales » du discours public. Ce sont des agents dont les idées, les ressources théoriques, les productions cognitives, souffrent d’un déficit de crédibilité dû soit à des biais ou stéréotypes négatifs qui conduisent à mettre en doute leur capacité à produire un discours valide, rationnel et raisonnable, sur leurs expériences singulières, soit à un excès de crédibilité accordé à d’autres agents dissonants, au témoignage ou à l’analyse desquels on a tendance à accorder une confiance supérieure. Racialisation, discrimination systémique, privilège blanc, stigmatisation raciale, parmi d’autres, sont des concepts et des ressources épistémiques précieuses pour décrire des expériences sociales, les partager, les interpréter, les évaluer, et peut-être transformer le monde où elles ont cours. Le monde universitaire n’est pas une armée de terroristes qui infiltre les lieux de savoir et casse la République en deux : le monde universitaire est l’espace institutionnel inclusif où ces agents producteurs de connaissance inédits et inaudibles peuvent participer à la production de savoirs qui nous concernent tous parce que tous, nous sommes la république. La guerre des facs n’aura pas lieu, parce que le monde d’après est déjà là : les monstres, et leurs derniers gémissements, disparaissent avec le clair-obscur.

      https://academia.hypotheses.org/29341

    • Academic Freedom Under Attack in France

      For many years, in what now seems the distant past, France was known as the nation that welcomed refugees from authoritarian countries; revolutionary activists, artists, exiled politicians, dissident students, could find sustenance and support in the land of liberty, equality, and fraternity. It is also the country whose philosophers gave us many of the tools of critical thinking, including perhaps the very word critique. In recent years—at least since the bicentennial of the French Revolution in 1989—that image has been replaced by a more disturbing one: a nation unable to decently cope (and increasingly at war) with people of color from its former colonies (black, Arab, Muslim) as well as Roma; a nation whose leaders are condemning critical studies of racial discrimination and charges of “Islamophobia” in the name of “the values of the Republic.”

      The years since the bicentennial have seen a dramatic increase in discrimination against a number of groups, but Arab/Muslims, many of them citizens (according to the settlement that ended the Algerian War) have been singled out. The charge against them has been that they practice their religion publicly, in violation of laïcité, the French version of secularism, the separation of church and state. Enshrined in a 1905 law, laïcité calls for state neutrality in matters of religion and protects individual rights of private religious conscience. Although the state is extremely supportive of Catholic religious practices (state funds support churches as a matter of preserving the national heritage, and religious schools, the majority of them Catholic, in the name of freedom of educational choice; the former president, Nicolas Sarkozy has insisted that Catholicism is an integral aspect of laïcité), Islam has been deemed a threat to the “values” upon which national unity is based.

      National unity is a peculiar concept in France, at least from an American perspective. The nation “one and indivisible” is imagined as culturally homogeneous. Anything that suggests division is scrupulously avoided. Thus there is no exact calculation of the numbers of Muslims in the French population because no official statistics are kept on racial, ethnic, or religious difference. To make those very real differences visible is thought to introduce unacceptable divisions in the representation of the unity of the national body.

      The presence of an estimated 6 to 10 million Muslims (in a country of some 67 million) has become a potent political weapon. Initially claimed by the far Right National Front party (now renamed the Rally for the Republic), the “Muslim problem” has become a concern of parties across the spectrum (in differing degrees from Right to Left). In 2003, in the face of increasing electoral success on the far Right, the conservative government of Jacques Chirac commissioned a report that redefined laïcité for the twenty-first century’s “clash of civilizations.” Titled “The New Laïcité, “ it extended the demand for neutrality from the state to its individual citizens, forbidding any display of religious affiliation in public space. Although said to be universally applicable, everyone understood this to be a policy aimed at Muslims. Thus the hijab (the Islamic headscarf) is prohibited in public schools; women are fined for wearing the niqab (the full face covering) on the streets of their towns; veiled women are prevented from serving as witnesses at weddings conducted in city halls; burkini clad women were forced to undress on some beaches in the summer of 2016….the list goes on. Women were the target of these rules and regulations (for reasons I have analyzed in my The Politics of the Veil (2007), but men, too, experience economic and social discrimination, as well as violent police surveillance in their homes and on the streets.

      In the wake of a number of horrific terrorist attacks in the name of Islam in French cities—the assassinations of the Charlie Hebdo journalists and the murders at the Bataclan theater in 2015, and most recently, in 2020, the beheading of a school teacher, Samuel Paty—all Muslims are increasingly defined as a threat to the security of the nation. The Interior Minister, Gérald Darmanin, has effectively declared war, defining not religion but Islamist ideology as “an enemy within.” Despite this careful distinction, a wartime, ethno-nationalist mentality has identified Muslims as a dangerous class. Antipathy to Muslims has become evidence of patriotism; those who argue that not all Muslims are terrorists and that discrimination against them might contribute to their radicalization, have been met with denunciations and vehement attacks. University professors are among these groups, and they have faced particularly nasty accusations of treason. The campaigns being mounted against them don’t just target individuals; in their insistence that teaching cannot deviate from “the values of the Republic,” the charges amount to a sustained attack on academic freedom.

      The call to rally around the Republic has come not only from the expected quarters—politicians and publicists on the Right—but also from the current (neo-) liberal administration and from within the academy itself. Historians, sociologists, and anthropologists who work on the history of colonialism, on issues of ethnic and racial discrimination, and who seek to account, within the problematics of their disciplines, for the inequalities evident in French society, have been labelled “islamo-gauchistes” for their presumed support for or identification with Muslims. The term is used as an insult, and it is employed regularly by intellectuals such as the philosopher Elisabeth Badinter and the feminist writer Caroline Fourest, neither of whom are considered to be on the Right. In 2018, following a conference at the University of Paris, 7, on “Racism and racial discrimination in the university,” some 80 intellectuals signed a letter condemning as “ideological” the increasing number of “racialist” university events and they called upon “the authorities” to put an end to their “use against the Republic.”

      The “authorities” have responded. In 2020, the Minister of Education, Jean-Michel Blanquer declared that anti-racist intellectuals were “complicit” in Samuel Paty’s murder. He accused “islamo-gauchistes” of “wreaking havoc” in the university. Those employing ideas of “intersectionality,” he denounced as “intellectual accomplices of terrorism.” He deemed intersectionality a pernicious import from multicultural America that “essentializes communities and identities, the antithesis of our model of the Republic.” If Muslims were “separatists,” these intellectuals were too. President Emmanuel Macron charged that “The academy is guilty. It has encouraged the ethnicization of the social question, thinking it’s a good subject to study. But, the outcome can only be secessionist. It will rebound to split the Republic in two.” In October, a bill was proposed in the Senate stating that “academic freedom must respect the values of the Republic.” And Frédérique Vidal, the Minister of Higher Education and Research, whose portfolio most directly pertains to the academy, asserted that “the values of laïcité, of the Republic, are not open for debate.”

      Although no one has yet been fired from a university position, the warning signs are clear. If the nation is at war with Islam, those who struggle to find alternatives to this divisiveness are, ironically, accused of dividing the nation. When professor of sociology (University of Paris 8) Eric Fassin was threatened on Twitter with decapitation for his “islamo-gauchiste views” by a right-wing extremist, his university president offered support (as did academic collectives from Turkey to Brazil), but there was no comment from those higher up in the education ministries. [Fassin sued and won a ruling against the man, but the court treated him not as member of a domestic, neo-Nazi, terrorist network (which he is), but as a lone aberrant individual.] Calls to rein in teachers who address racism and discrimination are widespread, and the threats of disciplinary action are particularly severe against the still relatively rare academics of color, many of whom hold junior, therefore vulnerable positions. State surveillance of research can make it difficult for those studying discrimination, as well as aspects of Islamic culture, to get access to the archives and repositories of data that they need. And then there is the self-policing that inevitably accompanies state surveillance and disapproval.

      But the resistance is impressive. There is no national organization equivalent to the AAUP in France, yet faculty have nonetheless mobilized. Courses continue to be taught, books and articles published, and conferences held on race and discrimination, and these are rightly justified as realizing the values of the Republic—those that stand for liberty and equality above all. There is a site, Université Ouverte where information on protests and other activities can be found, as well as the blog Academia with in-depth critical analyses. In response to a denunciation of their work by 100 intellectuals as “racializing” (racialiste) because it allegedly taught students to “hate whites and France,” more than 2000 academics replied this way in Le Monde: “To call the approach that examines, among other things, the impact of social, sexist, and racist oppression, ‘racialist,’ is despicable. [Racialist] signifies racist thought and regimes based on a supposed hierarchy of race….[But our] sociological and critical approach to racial questions, as the intersectional approaches so often attacked, do the opposite by exposing oppression in order to combat it.” An international letter of support for these efforts was circulated in November, 2020. It makes the case very clear: an increasingly ethno-nationalist politics is posing a dire threat to French academic freedom.

      As I write this in early 2021, the old slogan from May ’68 in France sums up the state of things: La lutte continue (the struggle goes on).

      https://academeblog.org/2021/01/05/academic-freedom-under-attack-in-france
      #Joan_Scott

    • Comment les militants décoloniaux prennent le pouvoir dans les universités
      https://seenthis.net/messages/900839

      ... où on parle notamment de ce nouveau site web :
      L’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires :

      Ce site propose un regard critique, tantôt profond et parfois humoristique, sur l’émergence d’une nouvelle tendance de l’Université et de la Recherche visant à « décoloniser » les sciences qui s’enseignent. Il dénonce la déconstruction revendiquée visant à présenter des Institutions (la langue, l’école, la République, la laïcité) comme les entraves des individus. Le lecteur trouvera outre une série d’analyses et de critiques, une base de données de textes décoloniaux interrogeable en ligne, un générateur de titre de thèses automatique à partir de formes de titres, des liens d’actualités et des données sur la question et un lexique humoristique des notions-clés.

      Cet observatoire n’a pas pour but de militer, ni de prendre des positions politiques. Il a pour but d’observer et d’aider à comprendre, à lire la production littéraire, scientifique et éditoriale des études en sciences humaines ou prétendument scientifiques orientées vers le décolonialisme. Il veut surtout aider à comprendre la limite entre science et propagande.

      L’équipe :


      http://decolonialisme.fr

    • La France contaminée par les idées venues des campus américains

      Entre l’Élysée et la presse outre-Atlantique, la controverse ne s’arrête plus : « Les idées américaines menacent-elles la cohésion française ?? » s’interroge le New York Times. Le prestigieux quotidien américain revient sur une série d’observations et de déclarations entendues en France à la suite du discours d’Emmanuel Macron contre les séparatismes le 2 octobre.

      Ce jour-là, le président français avait mis en garde les universités contre « certaines théories en sciences sociales totalement importées des États-Unis d’Amérique ». L’Hexagone, affirme le New York Times, se sentirait menacé par « les idées progressistes américaines - notamment sur la race, le genre, le post-colonialisme ». Certains « politiciens, d’éminents intellectuels et nombre de journalistes français » craignent qu’elles soient « en train de saper leur société ».

      Il y a eu les déclarations de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui avait parlé d’un « combat à mener contre une #matrice_intellectuelle venue des universités américaines », et aussi le livre de deux éminents spécialistes des sciences sociales françaises, #Stéphane_Beaud et #Gérard_Noiriel, critiquant le principe d’#études_raciales. La virulence des réactions antiaméricaines étonne le NYT. Il note cependant :

      D’une certaine manière, c’est un combat par procuration autour de questions qui sont parmi les plus brûlantes au sein de la société française, celles notamment de l’#identité_nationale et du #partage_du_pouvoir."

      Car si, dans les universités françaises, la jeune génération de chercheurs n’est plus sur la même ligne que la précédente, la contestation de certains volets du #modèle_français est arrivée dans la société. Le journaliste américain cite plusieurs exemples, à commencer par les manifestations contre les violences policières suscitées par l’assassinat de George Floyd de juin 2020.

      [Celles-ci] remettaient en cause la non-reconnaissance institutionnelle de la race et le racisme systémique. Une génération #MeToo de féministes s’est dressée à la fois contre le pouvoir masculin et contre les féministes plus âgées. La répression qui a suivi une série d’attaques islamistes a soulevé des interrogations sur le modèle français de laïcité et l’intégration des immigrés des anciennes colonies de la France."

      Il se peut bien, estime le NYT en citant le chercheur français Éric Fassin, que derrière les attaques du gouvernement contre les universités américaines « se cachent les tensions d’une société où le pouvoir établi est bousculé ».

      https://www.courrierinternational.com/article/vu-des-etats-unis-la-france-contaminee-par-les-idees-venues-d

    • Will American Ideas Tear France Apart? Some of Its Leaders Think So

      Politicians and prominent intellectuals say social theories from the United States on race, gender and post-colonialism are a threat to French identity and the French republic.

      The threat is said to be existential. It fuels secessionism. Gnaws at national unity. Abets Islamism. Attacks France’s intellectual and cultural heritage.

      The threat? “Certain social science theories entirely imported from the United States,’’ said President Emmanuel Macron.

      French politicians, high-profile intellectuals and journalists are warning that progressive American ideas — specifically on race, gender, post-colonialism — are undermining their society. “There’s a battle to wage against an intellectual matrix from American universities,’’ warned Mr. Macron’s education minister.

      Emboldened by these comments, prominent intellectuals have banded together against what they regard as contamination by the out-of-control woke leftism of American campuses and its attendant cancel culture.

      Pitted against them is a younger, more diverse guard that considers these theories as tools to understanding the willful blind spots of an increasingly diverse nation that still recoils at the mention of race, has yet to come to terms with its colonial past and often waves away the concerns of minorities as identity politics.

      Disputes that would have otherwise attracted little attention are now blown up in the news and social media. The new director of the Paris Opera, who said on Monday he wants to diversify its staff and ban blackface, has been attacked by the far-right leader, Marine Le Pen, but also in Le Monde because, though German, he had worked in Toronto and had “soaked up American culture for 10 years.”

      The publication this month of a book critical of racial studies by two veteran social scientists, Stéphane Beaud and Gérard Noiriel, fueled criticism from younger scholars — and has received extensive news coverage. Mr. Noiriel has said that race had become a “bulldozer’’ crushing other subjects, adding, in an email, that its academic research in France was questionable because race is not recognized by the government and merely “subjective data.’’

      The fierce French debate over a handful of academic disciplines on U.S. campuses may surprise those who have witnessed the gradual decline of American influence in many corners of the world. In some ways, it is a proxy fight over some of the most combustible issues in French society, including national identity and the sharing of power. In a nation where intellectuals still hold sway, the stakes are high.

      With its echoes of the American culture wars, the battle began inside French universities but is being played out increasingly in the media. Politicians have been weighing in more and more, especially following a turbulent year during which a series of events called into question tenets of French society.

      Mass protests in France against police violence, inspired by the killing of George Floyd, challenged the official dismissal of race and systemic racism. A #MeToo generation of feminists confronted both male power and older feminists. A widespread crackdown following a series of Islamist attacks raised questions about France’s model of secularism and the integration of immigrants from its former colonies.

      Some saw the reach of American identity politics and social science theories. Some center-right lawmakers pressed for a parliamentary investigation into “ideological excesses’’ at universities and singled out “guilty’’ scholars on Twitter.

      Mr. Macron — who had shown little interest in these matters in the past but has been courting the right ahead of elections next year — jumped in last June, when he blamed universities for encouraging the “ethnicization of the social question’’ — amounting to “breaking the republic in two.’’

      “I was pleasantly astonished,’’ said Nathalie Heinich, a sociologist who last month helped create an organization against “decolonialism and identity politics.’’ Made up of established figures, many retired, the group has issued warnings about American-inspired social theories in major publications like Le Point and Le Figaro.

      For Ms. Heinich, last year’s developments came on top of activism that brought foreign disputes over cultural appropriation and blackface to French universities. At the Sorbonne, activists prevented the staging of a play by Aeschylus to protest the wearing of masks and dark makeup by white actors; elsewhere, some well-known speakers were disinvited following student pressure.

      “It was a series of incidents that was extremely traumatic to our community and that all fell under what is called cancel culture,’’ Ms. Heinich said.

      To others, the lashing out at perceived American influence revealed something else: a French establishment incapable of confronting a world in flux, especially at a time when the government’s mishandling of the coronavirus pandemic has deepened the sense of ineluctable decline of a once-great power.

      “It’s the sign of a small, frightened republic, declining, provincializing, but which in the past and to this day believes in its universal mission and which thus seeks those responsible for its decline,’’ said François Cusset, an expert on American civilization at Paris Nanterre University.

      France has long laid claim to a national identity, based on a common culture, fundamental rights and core values like equality and liberty, rejecting diversity and multiculturalism. The French often see the United States as a fractious society at war with itself.

      But far from being American, many of the leading thinkers behind theories on gender, race, post-colonialism and queer theory came from France — as well as the rest of Europe, South America, Africa and India, said Anne Garréta, a French writer who teaches literature at universities in France and at Duke.

      “It’s an entire global world of ideas that circulates,’’ she said. “It just happens that campuses that are the most cosmopolitan and most globalized at this point in history are the American ones.’’

      The French state does not compile racial statistics, which is illegal, describing it as part of its commitment to universalism and treating all citizens equally under the law. To many scholars on race, however, the reluctance is part of a long history of denying racism in France and the country’s slave-trading and colonial past.

      “What’s more French than the racial question in a country that was built around those questions?’’ said Mame-Fatou Niang, who divides her time between France and the United States, where she teaches French studies at Carnegie Mellon University.

      Ms. Niang has led a campaign to remove a fresco at France’s National Assembly, which shows two Black figures with fat red lips and bulging eyes. Her public views on race have made her a frequent target on social media, including of one of the lawmakers who pressed for an investigation into “ideological excesses’’ at universities.

      Pap Ndiaye, a historian who led efforts to establish Black studies in France, said it was no coincidence that the current wave of anti-American rhetoric began growing just as the first protests against racism and police violence took place last June.

      “There was the idea that we’re talking too much about racial questions in France,’’ he said. “That’s enough.’’

      Three Islamist attacks last fall served as a reminder that terrorism remains a threat in France. They also focused attention on another hot-button field of research: Islamophobia, which examines how hostility toward Islam in France, rooted in its colonial experience in the Muslim world, continues to shape the lives of French Muslims.

      Abdellali Hajjat, an expert on Islamophobia, said that it became increasingly difficult to focus on his subject after 2015, when devastating terror attacks hit Paris. Government funding for research dried up. Researchers on the subject were accused of being apologists for Islamists and even terrorists.

      Finding the atmosphere oppressive, Mr. Hajjat left two years ago to teach at the Free University of Brussels, in Belgium, where he said he found greater academic freedom.

      “On the question of Islamophobia, it’s only in France where there is such violent talk in rejecting the term,’’ he said.

      Mr. Macron’s education minister, Jean-Michel Blanquer, accused universities, under American influence, of being complicit with terrorists by providing the intellectual justification behind their acts.

      A group of 100 prominent scholars wrote an open letter supporting the minister and decrying theories “transferred from North American campuses” in Le Monde.

      A signatory, Gilles Kepel, an expert on Islam, said that American influence had led to “a sort of prohibition in universities to think about the phenomenon of political Islam in the name of a leftist ideology that considers it the religion of the underprivileged.’’

      Along with Islamophobia, it was through the “totally artificial importation’’ in France of the “American-style Black question” that some were trying to draw a false picture of a France guilty of “systemic racism’’ and “white privilege,’’ said Pierre-André Taguieff, a historian and a leading critic of the American influence.

      Mr. Taguieff said in an email that researchers of race, Islamophobia and post-colonialism were motivated by a “hatred of the West, as a white civilization.’’

      “The common agenda of these enemies of European civilization can be summed up in three words: decolonize, demasculate, de-Europeanize,’’ Mr. Taguieff said. “Straight white male — that’s the culprit to condemn and the enemy to eliminate.”

      Behind the attacks on American universities — led by aging white male intellectuals — lie the tensions in a society where power appears to be up for grabs, said Éric Fassin, a sociologist who was one of the first scholars to focus on race and racism in France, about 15 years ago.

      Back then, scholars on race tended to be white men like himself, he said. He said he has often been called a traitor and faced threats, most recently from a right-wing extremist who was given a four-month suspended prison sentence for threatening to decapitate him.

      But the emergence of young intellectuals — some Black or Muslim — has fueled the assault on what Mr. Fassin calls the “American boogeyman.’’

      “That’s what has turned things upside down,’’ he said. “They’re not just the objects we speak of, but they’re also the subjects who are talking.’’

      https://www.nytimes.com/2021/02/09/world/europe/france-threat-american-universities.html?searchResultPosition=5

    • Le manifeste des 100 repris par la tribune des généraux qui appellent Macron à défendre le #patriotisme...

      Qui sont donc les ennemis que ces militaires appellent à combattre pour sauver « la Patrie » ? Qui sont les agents du « délitement de la France » ? Le premier ennemi désigné reprend mot pour mot les termes de l’appel des universitaires publié le 1 novembre 2020 sous le titre de « Manifeste des 100 » : « un certain antiracisme » qui veut « la guerre raciale » au travers du « racialisme », « l’indigénisme » et les « théories décoloniales ». Le second ennemi est « l’islamisme et les hordes de banlieue » qui veulent soumettre des territoires « à des dogmes contraires à notre constitution ». Le troisième ennemi est constitué par « ces individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre » dont ils veulent faire des « boucs émissaires ».

      https://seenthis.net/messages/912643
      Et plus précisément : https://seenthis.net/messages/912643#message913950

    • « Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Frédérique Vidal accusée d’abus de pouvoir devant le Conseil d’Etat

      Six enseignants-chercheurs ont déposé en avril un #recours devant le #Conseil_d’Etat. La ministre de l’enseignement supérieur va devoir justifier sa décision d’ouvrir une enquête sur l’« islamo-gauchisme à l’université ».

      Qu’est devenue l’enquête sur l’ « islamo-gauchisme à l’université » voulue par la ministre de l’enseignement supérieur ? Le 14 février, Frédérique Vidal annonçait sur CNews qu’elle allait demander, « notamment au CNRS », de mener une enquête portant sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo-gauchisme » à l’université. Deux jours plus tard, à l’Assemblée nationale, elle confirmait la mise en place d’ « un bilande l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion .

      Quatre mois ont passé et c’est le silence complet. Sollicité par Le Monde à de multiples reprises, l’entourage de la ministre refuse d’indiquer si une enquête a été lancée et, le cas échéant, à qui a été confié le soin de la mener, le CNRS ayant décliné la demande.

      C’est désormais sur le terrain juridique que se joue l’affaire, six enseignants-chercheurs attaquant la ministre pour #abus_de_pouvoir. Une procédure de référé et un recours en annulation ont été introduits le 13 avril devant le Conseil d’Etat par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. Les requérants demandent à Frédérique Vidal de renoncer officiellement et définitivement à cette enquête « qui bafoue les libertés académiques et menace de soumettre à un contrôle politique, au-delà des seules sciences sociales, la recherche dans son ensemble .

      Le 7 mai, le Conseil d’Etat qui a rejeté le référé a transmis la requête en annulation au ministère pour l’interroger sur sa position. « La ministre de l’enseignement supérieur dispose désormais de deux mois pour démontrer que sa décision ne constitue pas un détournement des pouvoirs et des attributions qui lui sont confiés », indiquent MM. Bourdon et Brengarth. « Info ou intox ? Les masques vont tomber. Quand on a suscité un tel émoi, il est essentiel que la ministre assume soit la décision, soit le rétropédalage », ajoute William Bourdon.

      « Police de la pensée »

      Si le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent, il demande au ministère des explications, souligne Fabien Jobard, l’un des requérants, chercheur au CNRS, spécialiste des questions pénales. « Il agit comme une commission d’accès aux documents administratifs en demandant à Mme Vidal de nous dire ce qu’il en est. Soit oui, une commission existe avec tel et tel membre, soit non c’est le plus probable , il n’y a pas de commission d’enquête », projette-t-il.

      Pour la requérante Fanny Gallot, maîtresse de conférences en histoire à l’université Paris-Est-Créteil, « ce recours marque le fait que les bornes ont été largement dépassées. Aujourd’hui, l’offensive est très forte et elle est autorisée par Frédérique Vidal . Ainsi, « mener des recherches sur les discriminations ethnoraciales quand on est soi-même racisé est d’emblée considéré comme se faire le porte-parole des minorités. Mener des recherches quand on est féministe, comme moi, peut être utilisé par certains pour remettre en question la scientificité de mes recherches », illustre-t-elle.

      Des étudiants de deuxième année de master qui voulaient s’inscrire en thèse hésitent à travailler sur certains sujets, notamment liés à l’intersectionnalité (qui consiste à croiser divers mécanismes de domination, liés au genre, à l’âge ou encore à la couleur de peau). « C’est une #intimidation, même s’il n’y a pas eu véritablement de commission d’enquête. Pour pouvoir assumer de parler de certains sujets, il faut être un enseignant en poste, sinon c’est trop risqué », confirme Caroline Ibos, maîtresse de conférences en science politique à l’université Rennes-II.

      Les effets sont donc « très concrets » et vont « dans le sens d’une #police_de_la_pensée », alors que sont en question des savoirs déjà marginalisés en France. « Il y a peu d’endroits où l’on peut se former en études de genre et un seul Paris-VIII qui décerne des doctorats en études de genre en France, décrit la chercheuse. Il n’y a pas de section au CNRS, ni au CNU [Conseil national des universités], c’est un champ particulièrement sous-financé et aujourd’hui le gouvernement décide de le livrer à la vindicte populaire ? »

      Fanny Gallot décrit « un climat d’angoisse » depuis les déclarations de la ministre. « Il y a des moments d’échanges académiques qui sont empêchés », comme lors d’une table ronde au mois de mars consacrée à l’intersectionnalité qui s’est déroulée dans une ambiance « électrique », rapporte-t-elle. « Je pense que je n’ai pas dit exactement ce que j’aurais dit si nous n’avions pas été trois semaines après les propos de Frédérique Vidal. Nous nous autocensurons dans une certaine mesure parce que nous avons #peur. Dans des conférences Zoom où on ne sait pas toujours qui est présent, on redoute des trolls. On ne sait plus ce que l’on peut dire en classe ou dans les séminaires », confie Fanny Gallot.

      Une #suspicion constante

      « Nous souhaitions mettre la ministre face à ses responsabilités, explique Nacira Guénif, professeure de sociologie à Paris-VIII, également requérante. On ne peut pas faire n’importe quelle déclaration sans que cela ait des implications. » Née en France de parents algériens, Nacira Guénif « travaille depuis longtemps dans ces conditions de suspicion.

      « J’ai eu un procès en imposture avant même d’avoir mon poste à l’université », narre-t-elle. Dans les années 1990, auprès de la direction des populations et des migrations, qui finançait une recherche obtenue par la jeune chercheuse après un appel d’offres, elle fait face à une « curée générale . « Je ne collais pas aux stéréotypes de la beurette, qui était précisément le sujet de ma thèse. On me reprochait de ne pas dire ce qu’on attendait de moi et cela s’est transformé en déloyauté de ma part », poursuit Nacira Guénif.

      Depuis, la suspicion de militance est constante, les promesses non tenues d’invitations dans des colloques se poursuivent et les prises à partie également. Dans la volonté de la ministre, Fabien Jobard voit « au mieux un doublon inutile et au pire, une volonté du gouvernement de substituer ou d’ajouter aux procédures scientifiques habituelles une procédure dérogatoire .

      Car, pour faire des enquêtes, il existe des commissions dans chacun des établissements, tel le comité national au CNRS, chargé d’évaluer les collègues et de recruter les nouveaux chercheurs. « C’est le principe de l’évaluation de l’action scientifique par les pairs, rappelle-t-il. Si un collègue au CNRS présente un projet visant à nous dire que le prolétariat nouveau est constitué d’islamistes et exige que le politique mette genou à terre devant lui, alors je suis suffisamment grand pour émettre un avis d’alerte sur ce collègue », illustre celui qui a siégé au comité national dans la section science politique entre 2004 et 2008.

      Lui aussi témoin d’effets concrets après l’annonce de Mme Vidal, Fabien Jobard cite le cas d’une collègue chargée de suivre plusieurs sujets pour le compte du gouvernement. « Dans le cadre de ses missions, elle travaille avec des militaires et, alors qu’elle voulait organiser un colloque, l’un d’eux s’est opposé à ce qu’il se tienne à La Sorbonne, "à cause des problèmes d’islamo-gauchisme" », relate Fabien Jobard, qui s’inquiète du discrédit jeté sur les travaux de recherche. « J’essaye de maintenir une crédibilité, mais si mes interlocuteurs habituels que sont les procureurs, les policiers et les gendarmes s’effraient de mon travail, ma relation en sera-t-elle grillée ? Vont-ils travailler uniquement avec des universités et organismes qui feront le voeu de ne pas être islamo-gauchistes ? »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/10/islamo-gauchisme-a-l-universite-la-ministre-frederique-vidal-accusee-d-abus-

    • Ces attaques répétées contre le monde universitaire sont un chiffon rouge agité devant une opinion surchauffée par le #confusionnisme d’extrême droite qui se nourrit des frustrations sociales en les exacerbant « en même temps » avec des fantasmes identitaires et une volonté de renouer avec une certaine « grandeur » tout aussi fantasmée, lesquels fantasmes ont malheureusement contaminé une partie de la gauche nostalgique de « l’esprit des lumières » et d’une vision biaisée de la #laïcité. C’est une logique hégémonique de #reconquista pour conforter les « valeurs » mortifères héritées de l’occident gréco-romain puis chrétien. Cette logique hégémonique procède des mêmes intentions que le nazisme avec l’antisémitisme et le fantasme « judéo-bolchevique ». Quelques années après le deuxième conflit mondial, on a pu voir outre-atlantique se développer un anti-communisme propulsé par le sénateur Joseph McCarthy et plus récemment, cette logique était également à la manœuvre pendant le mandat de Trump avec pour conséquence la résurgence des mouvances issues du #suprémacisme_blanc.

      Make the Christian Occident great again ! ...

      #propagande_d'état

      (Mon propos est certainement synthétique mais c’est pourtant cela qu’évoquent les analyses d’ #Éric_Fassin)

    • #Caroline_Fourest sur LCP, 02.07.2021 :

      Journaliste : La société se racialise. A ce point-là ?
      Caroline Fourest : « En France, je peux vous dire, dans nos universités, à commencer par nos universités... regardez la façon dont les chercheurs ont réagi à une interpellation, certes peut-être trop directe et pas tout à fait bien choisie de la ministre de l’enseignement supérieur, mais il y a un corporatisme violent qui est en train de protéger le déni. D’abord, aujourd’hui quand on parle de questions qui fâchent ceux qui vous attaquent le plus violemment ce sont des chercheurs du CNRS. C’est un problème que l’alerte soit interdite. Que le fait de penser soit interdit de la part de gens qui sont des chercheurs du CNRS. Et puis il y a une très forte attraction du modèle américain qui passe évidemment par toutes les plateformes culturelles de ce modèle-là et aussi qui attire à l’université qui manque de moyen. »
      Journaliste : « Donc il y a vraiment une perméabilité »
      Caroline Fourest : « Tout le monde s’identitarise. »
      Journaliste : « Les combats idéologiques sont toujours menés par des minorités, mais est-ce que c’est toute la société ? »
      Caroline Fourest : « Toute la société s’identitarise. Version d’extrême droite évidemment ça peut donner des jeunes blancs déclassés qui vont désormais dire blancs au lieu de se dire pauvres et de se mettre ne mouvement pour essayer de lutter contre les inégalités. ça va donner des jeunes qu’au lieu de se dire ’On va lutter contre les inégalités’ se mettent à lutter par identité à l’extrême gauche »

      https://twitter.com/LCP/status/1411024030296064004

    • Un article d’avril 2021 :

      #Stéphane_Troussel : ’La République ne sait que faire des différences physiques ou des couleurs de peau multiples’

      Refusant l’affrontement qu’imposent la droite et l’extrême droite sur les réunions non mixtes, le président (PS) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis appelle, dans une tribune au « Monde », la gauche à s’extraire d’une polémique stérile et dangereuse pour lutter véritablement contre les discriminations qui fracturent la société.

      La polémique est repartie, le brouhaha médiatique ne retombe pas. Après les outrances et les manipulations de la droite et de l’extrême droite, c’est maintenant au Sénat de surenchérir en adoptant un amendement à l’exposé des motifs caricatural au projet de loi dit « contre les #séparatismes » [celui-ci permettrait de dissoudre les associations qui organisent des réunions non mixtes racisées]. A en croire certains, sommant tous les autres de choisir leur camp, la République pourrait bien vaciller.

      Au fond, de quoi s’agit-il ? Des personnes se rassemblent pour échanger sur leurs expériences sociales douloureuses, les #discriminations vécues à partir d’un critère physique, d’une #orientation personnelle... Caractéristiques qui leur sont régulièrement renvoyées en pleine face comme une insulte : #sexisme, #racisme, #homophobie, etc. Il s’agit de paroles de victimes de racisme, de discrimination, d’inégalités. Il faut les prendre comme telles et, bien évidemment, je refuse que cela enferme les personnes concernées dans une « #victimisation » et que cela devienne une #parole_politique autrement que par son intégration unifiée contre toutes les formes de discrimination.

      Mais peu importe pour celles et ceux (Jean-Michel Blanquer, des députés et sénateurs LR, l’extrême droite...) qui ont lancé, puis alimenté la polémique. Toutes celles et tous ceux qui expriment, même avec nuance ou avec des réserves, une quelconque approbation de ces démarches, de ces expérimentations militantes, souvent transitoires, consistant à permettre de libérer la parole, sont accusés de « #dérive_séparatiste », « racialisante ».

      Artifices antiracistes

      Les gros mots sont de sortie. Les voilà lancés, jetés à une foule de commentateurs qui les voient comme un affront fait à une République censée être aveugle à la #couleur_de_peau, à la religion réelle ou supposée, au sexe... L’affrontement est en place, les camps bien délimités, chacun est sommé de choisir le sien et de laisser les nuances au vestiaire : les #racialistes d’une part, les #universalistes de l’autre. « Il faut choisir son camp, crient les repus de la haine », écrivait Albert Camus, dans son Pour une trêve civile, en 1956, en pleine guerre d’Algérie, condamnant à égalité les massacres de civils du FLN et les massacres répressifs de l’armée française.

      Cela semble ne poser de problème à personne que cette #polémique permette, à un an de la présidentielle, à la chef de l’extrême droite de se parer d’artifices antiracistes et de tenter de cohabiter, avec d’autres, dans le camp universaliste. Ici se situerait donc le débat politique de notre temps, la nouvelle #fracture : je m’y refuse. Je m’y refuse, parce que, si nous en sommes là, c’est que la gauche est tombée dans le piège tendu par la droite la plus réactionnaire et l’extrême droite qui, désormais, fixent les termes du débat et l’agenda politiques de notre pays.

      Je m’y refuse parce que, justement, la bonne question, celle qui devrait animer unanimement une gauche solidaire, droite dans ses bottes, fière de ses valeurs, cette question-là, la gauche française n’a pas su, ou pas suffisamment su, quelle réponse y apporter. Pourquoi, en France, les dispositifs républicains de lutte concrète contre les discriminations et les inégalités qui fracturent notre société piétinent ou ne s’imposent qu’au forceps (#loi_SRU [Solidarité et renouvellement urbain], #testing, #CV_anonyme, récépissé de contrôle d’identité, #droit_de_vote des étrangers aux élections locales, conventions ZEP-Sciences Po, mariage pour tous, droits des femmes...) ? Celles et ceux qui, à droite et à l’extrême droite, hurlent avec les loups ont combattu chacune de ces avancées.

      Pourtant, il n’y a qu’à se baisser pour constater le chemin qu’il reste à parcourir dans la lutte contre les #inégalités_femmes-hommes, le racisme, l’homophobie ou le #passé_colonial et ses conséquences pour les descendants des ex-pays colonisés.

      Il faudrait interdire les organisations qui reprendraient à leur compte des solutions avancées par la gauche libérale américaine, fondée sur le multiculturalisme et la valorisation des identités plurielles ? Ou bien faut-il se demander pourquoi n’opposer qu’un discours « il faut réduisons les inégalités socio-économiques pour que tout le monde ait sa chance » - ou qu’un slogan « la République, rien que la République » ? qui sonne de plus en plus creux aux oreilles de celles et ceux qui restent au bord du chemin, alors que les inégalités sociales et territoriales explosent dans notre société.

      L’#égalité_réelle

      Voilà mon explication. Oui, sans aucun doute, la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces #couleurs multiples, de ces orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également, elle devait être #aveugle.

      Mais, sans aucun doute également, d’autres dans la République ont détourné cette promesse d’une #égalité_républicaine, politique et donc sociale, pour exclure. Exclure les #femmes d’abord, les #pauvres ensuite, les #ouvriers, ces « classes laborieuses donc classes dangereuses », puis les #étrangers, la « #racaille » et ses « #sauvageons », venus d’ailleurs, emmenant leurs religions, leurs mémoires et leurs histoires. Et la gauche ne verrait pas cela. Elle passerait à côté de ce détournement, voire y inscrirait ses pas, au lieu de saisir le problème à bras-le-corps.

      Au lieu d’affirmer que dans ce pays, où a été défendue la République, puis la République sociale, il faut maintenant défendre la #République_citoyenne_et_universelle, la #République_métissée, la #République_de_l'égalité_réelle, en tentant de comprendre son passé, ses erreurs et ses oublis, pour regarder ensemble, tous et toutes ensemble, plus sereinement son avenir.

      Note(s) :

      Stéphane Troussel est président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/07/stephane-troussel-la-republique-a-un-probleme-avec-le-corps-des-individus-el

      #non-mixité

  • Entretien avec Françoise Vergès | Radio Informal
    http://www.rybn.org/radioinformal/antivirus

    À propos d’inégalités invisibilisées, de normalité du confinement, de vulnérabilités et de racisme, de solidarité et d’auto-organisation comme contre-pouvoir, d’intersectionalité des luttes, de la métaphore du bateau négrier. Durée : 57 min. Source : Pi-node

    www.rybn.org/radioinformal/antivirus/audio/ANTIVIRUS18-FrancoiseVerges.mp3

  • 2e Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)

    Suite du 1e fil sur le même sujet : https://seenthis.net/messages/820393

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    –------
    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • #Sciences-Po, modèle illusoire de l’Université de demain

      Un collectif de cet établissement s’inquiète du démantèlement de l’Etat social. Souvent cité en exemple pour défendre la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sciences-Po Paris bénéficie de financements qui n’empêchent pas la précarité de certains étudiants ou de jeunes chercheurs.

      Nous sommes, chercheu·rs·ses, personnels administratifs, technicien·ne·s, enseignant·e·s, doctorant·e·s, étudiant·e·s de Sciences-Po Paris, et nous nous opposons aux réformes de l’assurance chômage, des retraites et de la recherche portées par le gouvernement. Celles-ci accentuent la polarisation d’une société à deux vitesses et renforcent les incertitudes quant au futur de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Travailleu·rs·ses privilégié·e·s de ce secteur, nous partageons l’angoisse et la colère de nos collègues, desquel·le·s nous sommes solidaires.

      Le démantèlement de l’Etat social en cours depuis des années s’est accéléré avec la réforme de l’assurance chômage mise en œuvre le 1er novembre 2019. Celle-ci durcit les conditions d’accès au chômage en allongeant le temps travaillé requis pour l’ouverture de droits.

      Encore en débat, la réforme des retraites dessine quant à elle un horizon inquiétant tant par son contenu que par les incertitudes qu’elle soulève - calcul de la valeur du point, introduction ou non d’un âge pivot, évolution de l’âge d’équilibre. Elle augure une baisse généralisée des pensions, un allongement du temps de travail pour les personnes aux plus bas revenus, et un renforcement des inégalités existantes avant et après le départ à la retraite. Les enseignant·e·s de la maternelle à l’université, dont nous faisons partie, risquent notamment d’importantes baisses de leur pension (plus d’un tiers pour un·e professeur·e certifié·e).

      Au-delà de la destruction des mécanismes de solidarité et de la protection sociale, c’est également l’ambition de notre société à se penser et à former les générations futures qui est remise en cause. Nous partageons, avec les membres de l’ESR, le constat d’une université dégradée et d’un potentiel décrochage de la recherche française, mise à mal par plusieurs années de sous-financement et de réformes néolibérales au nom de l’internationalisation et de l’excellence. Au lieu de créations massives de postes de titulaires, les rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) prévoient la généralisation de contrats non statutaires qui retarderont inévitablement l’accès à un emploi stable pour les jeunes chercheu·rs·ses. Comment garantir la qualité de la recherche lorsque l’on dégrade les conditions de travail de celles et ceux qui la portent ?

      En outre, les rapports prévoient d’accentuer la place de l’évaluation dans le financement des institutions de recherche et l’évolution des carrières en faisant fi du jugement scientifique porté par les pairs. Ces évaluations bureaucratisées interfèrent avec le temps long nécessaire à la recherche et avec les impératifs de qualité et de probité de nos professions, en réduisant la recherche à une « performance » quantifiée à court terme. De telles mesures vont accentuer les logiques de compétition entre universités, laboratoires et travailleu·rs·ses de l’ESR, ainsi que la concentration des moyens dans quelques établissements privilégiés. Les orientations de la LPPR ne sont donc pas seulement inquiétantes pour les conditions de travail dans l’enseignement supérieur, mais pour l’existence même d’une recherche libre et critique. Celle-ci dépend de la coopération et de l’échange, de financements stables et pérennes, et d’une véritable indépendance scientifique. Les étudiant·s·es en seront parmi les premières victimes, en raison de la dévalorisation des tâches d’enseignement et de la faiblesse persistante des moyens qui leur sont consacrés.

      Aujourd’hui, notre établissement est cité en exemple par les chantres de la performance, de l’excellence et de la compétitivité. Vanter ce modèle, c’est oublier que l’« excellence » de Sciences-Po repose sur une concentration exceptionnelle de moyens, privés comme publics. Or, ces largesses de financement ne sont en aucun cas promises à l’ensemble de l’ESR dans les projets de réforme actuels. Du reste, en dépit d’un environnement privilégié, tou·s·tes les membres de notre institution ne bénéficient pas de conditions de travail pérennes et sereines. Certain·e·s étudiant·e·s et doctorant·e·s affrontent une grande précarité au quotidien, tandis que nos jeunes chercheu·rs·ses font l’expérience du parcours sinueux de la fin et de l’après-thèse - longues périodes de chômage, enchaînement de post-doc, vacations rémunérées en différé… Parmi nos enseignant·e·s, les professeur·e·s de langues vivantes et les jeunes docteur·e·s sans postes, vacataires en contrats courts, sont à la merci du non-renouvellement de leur engagement et connaissent une grande incertitude professionnelle. C’est également par solidarité avec ces membres de notre communauté académique que nous dénonçons les projets de réforme en cours, qui les affectent durement.

      Nous appelons donc à un retrait des réformes de l’assurance chômage et des retraites. Nous demandons un plan de création massif de postes permanents dans l’ESR, une revalorisation des salaires et des carrières, une amélioration des contrats doctoraux, et un investissement à la hauteur des engagements de la France en matière de recherche (3 % du PIB). Nous exigeons à ce titre la réorientation des sommes affectées au crédit d’impôt recherche (CIR), dispositif non évalué à l’efficacité plus que douteuse, vers la recherche scientifique. Des conditions de travail dignes dans l’ESR sont indispensables à l’existence d’une université accessible à tou·s·tes. La recherche fondamentale doit être libre et indépendante pour servir une société plus juste et capable de faire face aux enjeux contemporains.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/02/24/sciences-po-modele-illusoire-de-l-universite-de-demain_1779461
      #sciences_po

    • Lettre des doctorant•e•s et jeunes docteur•e•s des #ENSA

      Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture

      Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation

      Monsieur Philippe Barbat, Directeur Général du Patrimoine

      Madame Aurélie Cousi, la Directrice de l’Architecture

      La communauté des doctorant·e·s et docteur•e•s des Écoles Nationales Supérieures d’#Architecture et de Paysage (ENSA) souhaite exprimer ses inquiétudes à propos d’un ensemble d’évolutions majeures que subissent nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche depuis près de deux ans, et qui affecte fortement le parcours doctoral dispensé dans l’ensemble des ENSA de France.

      Depuis 2018, l’application du décret relatif aux ENSA1 a eu pour conséquence une augmentation de la #charge_de_travail des équipes (enseignant·e·s, chercheur·e·s, administratif·s) alors même qu’elles ont subi une baisse de #moyens significative. Ces changements se traduisent par de trop faibles efforts en termes de déprécarisation / conservation / création de postes et par une baisse des capacités d’encadrement dénoncées par les enseignant·e·s chercheur·e·s et les étudiant·e·s. Plus globalement, nous pointons avec l’ensemble des acteurs des ENSA une faiblesse structurelle historique de nos établissements d’enseignement supérieur ainsi, qu’un épuisement extrêmement problématique des équipes, comme l’a signalé dernièrement le collège des président·e·s des Conseils d’Administration des ENSA2. Cela menace également la communauté des doctorant·e·s actuelle et future des ENSA, ainsi que le parcours des docteur·e·s formé·e·s dans ces établissements. Sans exhaustivité, nous observons déjà les premières conséquences :

      Manque cruel de moyens au regard du fonctionnement des ENSA3 ;
      Dégradation et #précarisation des conditions de recherche et d’enseignement4 ;
      Nouvelles procédures de recrutement aux conditions floues, inégales et tardives5.

      Par ailleurs, une crainte grandissante existe quant aux perspectives dessinées dans les rapports préparatoires de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), dont l’impact sur les ENSA a été confirmé au cours de la réunion du 4 février avec les présidents des instances des ENSA au Ministère de la Culture. Si nous partageons les nombreux constats évoqués sur le cycle doctorat dans ces rapports6, nous restons vigilants sur les solutions qui seront apportées au doctorat au sein des ENSA. Nous tenons à rappeler la nécessité :

      D’#investissements humains, matériels et financiers nécessaires à un enseignement et une recherche de qualité ;
      De respecter et soutenir l’#indépendance et les spécificités des productions scientifiques et pédagogiques ;
      De permettre un #service_public équitable, transparent et inventif pour l’ensemble de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

      Pour aller plus loin, nous constatons que les différences de considérations des #statuts, notamment pour ceux les plus précaires, entraînent une #compétition inégalitaire et délétère, alors même que le monde de l’Enseignement Supérieure et la Recherche (#ESR) réclame toujours plus de #transdisciplinarité et devrait pour cela favoriser l’#échange et la #coopération 7. Cette #précarité, qui découle directement des #différences_de_traitement entre les acteurs de l’ESR, a des conséquences dramatiques et insidieuses pour les équipes des ENSA : elle ruine la confiance de ceux qui sont les plus dépendants (finances, évolution de carrière, etc.). À plus long terme, elle provoque une #crise_des_vocations qui est en complète contradiction avec les ambitions de la dernière réforme des ENSA en termes de #recrutement et de #recherche.

      Le cycle doctorat dans les ENSA, et plus particulièrement le doctorat en Architecture depuis sa création en 2005, n’a jamais réuni les conditions pour se dérouler dans de bonnes conditions. L’approche néolibérale et technocratique des politiques actuelles menées par notre double tutelle du Ministère de la Culture (MC) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), notamment au travers des textes sus-cités, n’a de cesse de dessiner un avenir déplorable pour la bonne formation “à et par la recherche”8. Dans l’absence d’une vision prospective pour notre communauté, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA se joignent aux demandes portées collectivement par les étudiant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, administratifs et professionnel·le·s des métiers de l’architecture9, de l’urbain et du paysage, mais aussi plus largement de l’enseignement et de la recherche10, et tiennent à ce que les revendications suivantes soient également entendues par nos ministères de tutelle :

      Sur la reconnaissance du #doctorat

      Reconnaître la #thèse comme une expérience professionnelle à part entière, et traiter les doctorants en conséquence malgré un statut administratif d’étudiant en 3e cycle11 (particulièrement lors du processus de qualification aux fonctions de maître·sse de conférences ou de professeur·e du CNECEA) ;
      Ne pas tolérer que les doctorant·e·s tout comme l’ensemble des enseignant·e·s contractuel·le·s des ENSA n’effectuent des heures d’enseignement ou de recherche sans contrat dûment signé et sans une officialisation administrative via le portail Taïga des heures valant expérience professionnelle auprès du ministère. Le travail réalisé en parallèle de la thèse doit correspondre à un contrat signé et à un salaire perçu, et la promesse d’expérience peu reconnue n’est pas une gratification suffisante pour se mettre en difficulté sur sa thèse.

      Sur l’accès au 3ème cycle

      Développer la formation à et par la recherche en amont du doctorat12 dans les ENSA, en accordant les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (niveau Master et/ou expérience professionnelle) ;
      Résorber radicalement les situations de #thèses_non_financées. Une recherche de qualité en architecture ne peut en aucun cas émerger de situations de précarité de ses jeunes chercheur·e·s. Très communes dans certaines ENSA, elles génèrent inévitablement une grande #instabilité_financière pendant la thèse, des #parcours_morcelés, non reconnus par le Ministère de la Culture, et des #discriminations d’accès à l’emploi après la thèse13 ;
      Augmenter le nombre de contrats doctoraux du Ministère de la Culture qui à l’heure actuelle ne permet ni d’atteindre les objectifs de recrutement de maître·sse·s de conférences des ENSA14, ni de valoriser la recherche en architecture, urbanisme et paysage au sein de nos établissements et ainsi permettre l’émergence d’une recherche académique de qualité qui soit au niveau des autres disciplines universitaires.
      Expliciter le processus et les critères de sélection des contrats doctoraux du Ministère de la Culture, qui sont aujourd’hui opaques, et dont les comités de sélection ne comprennent aucun chercheur capable d’évaluer la qualité scientifique des dossiers ;
      Officialiser les résultats des contrats doctoraux avant la rentrée universitaire pour respecter le calendrier d’inscription, le rythme universitaire et ne pas générer de situations de doctorant·e·s inscrit·e·s mais non financé·e·s.

      Sur le déroulement du parcours doctoral

      Exonérer tout·e·s les doctorant·e·s des frais d’inscription universitaires qui leur sont demandés alors qu’ils sont travailleur·e·s des établissements d’enseignement et de recherche, particulièrement précarisant au-delà de la période de financement15 ;
      Reconnaître l’ensemble des engagements assumé au cours de la période de doctorat : représentation dans les instances, enseignement, participation à des recherches, publications, etc. ;
      Prévenir les dérives du contrat #CIFRE pour les doctorant·e·s (et du #Crédit_Impôt_Recherche (#CIR) pour les docteur·e·s) : plébiscités par le ministère de la culture pour “développer les relations de recherche entre écoles, universités et agences d’architecture”16, les qualités du doctorat doivent être reconnues pour la recherche, le développement et l’innovation des entreprises tout en garantissant les conditions d’une thèse et d’une expérience professionnelle de recherche de qualité.
      Donner les moyens aux ENSA de proposer des #formations_doctorales notamment au sein des Écoles Doctorales17 afin de favoriser le rayonnement de leurs recherches et pédagogies ;

      Sur les conditions d’#employabilité doctorale et post-doctorale

      Respecter les engagements de création et de déprécarisation associés à la réforme des ENSA afin de garantir la réussite de sa mise en oeuvre ;
      Reconnaître toute heure travaillée en recherche comme en enseignement, et dans tout établissement d’enseignement supérieur pour les campagnes nationales de qualification ;
      Mise en place de contrats d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (#ATER) à mi-temps afin d’accompagner si nécessaire les doctorant·e·s avec un salaire suffisant et une expérience significative au-delà des financements de 3 ans ;
      Développer les contrats post-doctoraux dans et/ou en collaboration avec les différents laboratoires des ENSA ;
      Prioriser des postes de maître de conférences associé·e à temps plein pour les profils académiques afin de leur donner la possibilité d’un début de carrière dans des conditions décentes après l’obtention du doctorat.
      Valoriser les postes de maître de conférences associé·e à mi-temps afin de reconnaître les profils hybrides indispensables aux ENSA mêlant enseignement, recherche et/ou pratique. Nous remettons en cause sur ce point la nécessité d’une activité principale pour accéder à ces contrats, quasi inatteignable pour les jeunes docteur·e·s et praticien·ne·s, d’autant que ce critère administratif est obsolète et déconnecté des compétences pédagogiques et scientifique ;
      Mettre en oeuvre une politique d’#insertion_professionnelle suivie et ambitieuse pour accompagner les jeunes docteur·e·s vers la diversité d’emplois capables d’opérer à une diffusion de la recherche des ENSA vers la société (exercice de la maîtrise d’oeuvre, enseignement et recherche en ENSA et en université, chargé de recherche CNRS, politiques publiques, organisations territoriales, etc.) ;

      La communauté des doctorant•e•s et docteur·e·s des ENSA restera évidemment attentive quant à l’issue que vous donnerez à ces revendications. Par ailleurs nous resterons mobilisés avec l’ensemble des acteurs des ENSA tant que des solutions acceptables et pérennes ne seront pas apportées à la précarisation de nos établissements.

      Monsieur le Ministre de la Culture, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur le Directeur Général du Patrimoine, Madame la Directrice de l’Architecture, veuillez croire à notre engagement pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche ouverts, créatif et respectueux de l’avenir de l’architecture, de l’urbain et du paysage.

      Les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA

      https://framaforms.org/lettre-des-doctorantes-et-jeunes-docteures-des-ensa-1581606512

    • #Jean-Marc_Jancovici... Si vous étiez le ministre de la recherche... quels seraient les meilleurs investissements pour sortir de cette galère ?"

      « Je pense que quand vous êtes en économie de guerre ou en logique trash-programme, vous supprimez toutes les forces de frottement qui font que les gens passent leur temps à faire de la paperasse plutôt qu’à utiliser leur cervelle. Dans le domaine de la recherche je supprime l’ANR, je supprime les appels à projets... Je prends des gens intelligents, motivés, je leur fait un chèque en blanc et je les laisse chercher avec des éléments de cadrage en nombre limité. Quand vous regardez la recherche qui a eu lieu pendant la dernière guerre mondiale, il y avait un cahier des charges très simple : trouvez-moi tout ce qui permet à notre armée d’être supérieure à celle d’en face. Vous emmerdez pas les gens à leur demander de remplir des dossiers en 45 exemplaires et à justifier à l’avance ce qu’ils vont trouver et vous leur bottez le cul pour qu’ils aillent le plus vite possible. C’est cela qu’il faut faire »

      https://www.youtube.com/watch?v=8uRuO_91fYA&feature=youtu.be&t=10250

    • Strasbourg : “nous sommes l’université et pas une entreprise”, une tribune interpelle #Michel_Deneken

      Une tribune de 100 universitaires publiée le 21 février chez Médiapart interpelle Michel #Deneken, le président de l’université de #Strasbourg (Bas-Rhin). Ces universitaires dénoncent « la destruction méthodiques de leur service public ».

      L’#Unistra, l’université de Strasbourg, est-elle une entreprise ? Les 100 universitaires à l’origine d’une pétition publiée chez Médiapart le vendredi 21 février 2020 ont leur avis sur la question. Et il est tranché : "Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal..."

      La centaine de signataires rappelle certaines valeurs qui fondent leur mission : « égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique ». Et dénonce « l’entravement de leur activité, la réduction du nombre de personnels permanents, et les financements aléatoires ».

      Une « #métaphore »

      Ce cri du coeur fait suite à une interview de Michel Deneken, le président de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA, accès soumis à abonnement) le jeudi 13 février 2020. Il y déclarait : « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » C’est cette phrase qui a suscité la polémique. In extenso, Michel Deneken ajoutait : « Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m², pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. ». Il concluait : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      Interrogé par France 3 Alsace (voir l’interview intégrale dans la vidéo ci-dessous), Michel Deneken se dit « pris à parti » et explique notamment : « On m’a demandé comment nous gérions le fait que nous soyions passés de 43.000 à 55.000 étudiants en 10 ans, sans moyens supplémentaires. Et j’ai dit, c’est une métaphore, que nous sommes comme une entreprise qui ne se réjouit pas d’avoir plus de clients. Évidemment, si on sort une métaphore de son contexte, on peut en faire dire ce qu’on veut... »

      « Je ne suis pas dupe : il y a derrière cette tribune des attaques très lourdes. Ce qui est admis dans la lutte politique ne l’est pas humainement. Ce texte prétend que je trahis et que je déshonore l’université et ses valeurs. Ce qui est une calomnie. »

      La réponse des signataires

      L’initiateur de la tribune, Jean-Philippe Heurtin, est enseignant à l’institut d’études politiques de Strasbourg. Il a commenté la réponse du président de l’université le mardi 25 février : « Nous maintenons la réponse qui lui a été adressée en tant que président de l’université, et pas en tant qu’individu. Nous réfutons cette métaphore, cette analogie avec l’entreprise. Le financement de l’université est actuellement dramatique, la loi programmatique va dans le mauvais sens. »

      « Le fait que le président n’a pas cité une seule fois la notion de service public dans sa réponse est révélateur. Évidemment, poursuit-il, l’économie peut bénéficier de l’université, mais à long terme. L’université enseigne à tous : elle est au service direct de la société, et non de l’économie. » Un discours que l’on retrouve dans une réponse collective des signataires à Michel Deneken (voir document ci-dessous). Elle dénonce des courriers individuels de menaces que ce dernier aurait envoyé à plusieurs des personnels signataires de la tribune.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-strasbourg-nous-sommes-universite-pas-entreprise-

      –-> article qui fait suite à cela :
      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de #laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s
      #laboratoires_de_recherche

      Le texte complet :
      https://academia.hypotheses.org/15250#more-15250

    • Une loi ne fait pas loi

      Le 18 février, une lettre ouverte (https://www.change.org/p/emmanuel-macron-les-scientifiques-r%C3%A9affirment-l-absolue-n%C3%A9cessit%C disant notamment que « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) a été adressée à E. Macron par un panel de scientifiques. Et quel panel ! De très grand.e.s chercheur.se.s reconnu.e.s par leur pairs, médaillé.e.s Nobel et d’or du CNRS, membres de l’académie des sciences, ou des président.e.s actuel.le.s ou passé.e.s du CNRS et de nombreuses universités, c’est semble-t-il, l’élite de la recherche française qui signe cette tribune sous le terme de « la communauté scientifique ».

      Alors vous ne comprenez plus, que vous soyez personnel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (#ESR), étudiant, ou citoyen intéressé par ces questions et qui suivez ce feuilleton LPPR. Voilà des semaines que s’enchainent tribunes, pétitions et autres textes protestant contre cette loi, que les actions se multiplient et s’intensifient partout dans le pays et vous découvrez que la « communauté scientifique », par la voix de ses plus illustres représentants, semble réclamer cette fameuse loi tant décriée. Quelle contradiction, qui semble faire des opposants à cette loi des Cassandres minoritaires porteurs de procès d’intention infondés et refusant de voir un avenir qui ne pourra qu’être radieux grâce à cette loi.

      Il n’y a, bien sûr, aucune contradiction si l’on prend le temps de bien lire cette lettre (et aussi de bien savoir qui la signe) et de bien comprendre les arguments de la protestation. La lettre ouverte ne comporte en fait qu’un seul point : « une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins », avec en clair sous-entendu, la question centrale des #moyens, clairement exposée dans le premier paragraphe : « Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros », en référence à l’intention déclarée par E. Macron, le 26 novembre dernier, de porter la dépense intérieure de recherche et développement à 3% de notre PIB. Nous reviendrons plus loin sur ce point essentiel des moyens. Pour le reste, qui pourrait ne pas vouloir d’une loi correspondant à nos attentes et nos besoins ? Certainement pas les personnels actuellement engagés dans les mouvements de contestation qui, justement, craignent que ce ne soit pas le cas, et pour partie, ont déjà des arguments pour le savoir. Ces éléments, déjà évoqués, sont de trois types :

      – Des déclarations officielles de Mme Vidal sur les CDI ou les chaires de professeur junior qui dessinent clairement la trajectoire d’une accentuation de la remise en cause du statut de fonctionnaire des personnels de l’ESR et de l’accroissement de la précarisation et des inégalités
      - Des propos d’E. Macron ou A. Petit, qui ne sont certes pas des extraits de la LPPR mais légitiment a minima une inquiétude considérable
      – La politique générale de ce gouvernement vis-à-vis des services publics et qui, sans qu’il s’agisse d’un procès d’intention, permet d’avoir les plus grands doutes sur l’hypothèse que dans le champ de la recherche, il pratiquerait une politique aux antipodes de celle qu’il mène par ailleurs, ou même, de celle qu’il a menée pour la recherche depuis une trentaine de mois.

      Il y a donc de fort bonnes raisons pour envisager qu’une partie au moins de la loi ne correspondra pas aux attentes et aux besoins de tout un pan des personnels de l’ESR.

      Mais est-ce si grave puisque cette loi va permettre, enfin !, d’accorder à l’ESR les moyens qu’elle attend en vain ? Or il n’en est rien. #Henri_Sterdyniak, économiste à l’observatoire français des conjonctures économiques et membre des économistes atterrés, a eu la gentillesse de m’éclairer à ce sujet et je l’en remercie vivement. Comme je ne saurais faire mieux que ses propos limpides, je me permets, avec son accord, de présenter sa réponse :

      "Le principe de l’#annualité_budgétaire implique que le Parlement vote chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses. Le Parlement ne peut donc voter de dispositif qui obligerait le gouvernement à respecter telle ou telle norme de dépenses ou de recettes. Et le Conseil d’Etat comme le Conseil Constitutionnel y veillent. Ainsi, le Conseil d’Etat refuse la disposition de la loi de réforme des retraites qui obligerait l’Etat à augmenter les salaires des enseignants. Ainsi le Conseil Constitutionnel a censuré un dispositif voté en Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2018 qui désindexait les retraites pour 2020.

      Le gouvernement peut faire voter des lois de programmation, qui selon l’article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ». Celles-ci marquent un #engagement_politique, mais n’ont aucune valeur juridique."

      Donc, en résumé, en matière de #budget, une loi ne fait pas loi. Quand Mme Vidal dit au séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de #programmation_budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche », elle omet de préciser que pour autant cette loi ne peut en rien contraindre les prochains budgets que l’Etat consacrera à l’ESR. Pour les mêmes raisons, elle ne peut malheureusement donner aucune garantie à ses engagements de dédier 26 et 92 millions d’euros pour respectivement les revalorisations des chercheurs recrutés en 2021 et celles de l’ensemble des personnels de l’ESR (voir aussi ici à ce sujet). Ceux qui attendent toujours de voir arriver dans les caisses de leur université les engagements financiers qui étaient contenus dans la LRU comprennent sans doute pourquoi ils ne les ont jamais vu arriver. Et tous ceux qui espèrent en la LPPR en croyant qu’elle va permettre d’accroitre le budget de l’ESR se trompent gravement. Il risque de se passer avec la LPPR ce qui s’est passé avec la LRU. Tous les points négatifs pointés par une large communauté de l’ESR seront menés à bien d’une façon ou d’une autre alors que l’augmentation significative du budget alloué à la #recherche_publique, sera quant à elle soumise chaque année au vote du budget, comme il est normal, constitutionnel, de le faire. Et le budget alloué à la recherche, nous savons ce qu’il a été depuis que ce gouvernement est au pouvoir.

      Alors oui, comme le disent les auteurs auto-qualifiés de « communauté scientifique », « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins ». Or, les attentes et les besoins de la communauté scientifique sont connus. Comme le rappelle O. Coutard, le président de la CPCN (Conférence des Présidents du Comité National), ils correspondent aux recommandations approuvées lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet 2019, et rappelées par une tribune publiée dans le Monde demandant la mise en œuvre de ces propositions. Le #CoNRS, c’est environ 1100 personnels de l’ESR représentant toutes les disciplines scientifiques, tous les établissements de recherche et universités, toutes les opinions politiques ou syndicales. Il est parfois appelé le « parlement de la recherche ». Les propositions qu’il a faites correspondent donc véritablement aux attentes et aux besoins de la #communauté_scientifique, comme en atteste leur très forte cohérence avec les propositions faites par les sociétés savantes, elles-aussi très représentatives de l’immense variété de la communauté scientifique . La pétition de soutien à la LPPR lancée le 18 février n’a rassemblé que 200 signatures en quatre jours. Celle qui s’était insurgée contre les propos d’A. Petit sur une loi « inégalitaire et darwinienne » en avait recueilli 8000 en deux jours, pour finir à environ 15000 signatures. La tribune rappelant les recommandations du CoNRS a été soutenue par plus de 700 directrices et directeurs d’unités. Elle est véritablement là, la communauté scientifique, et ses attentes ont été clairement exprimées par le CoNRS. C’est donc sur cette base que la LPPR doit être construite. Plus elle sera éloignée de ces recommandations, plus la contestation sera forte, sans commune mesure avec ce qu’elle est déjà aujourd’hui.

      https://blogs.mediapart.fr/marchalfrancois/blog/250220/une-loi-ne-fait-pas-loi

    • « Lettre ouverte à mes enseignant.e.s de l’Université Rennes 2 »

      Mona, étudiante à Rennes 2, appelle dans cette lettre ses enseignant.e.s à se mobiliser en vue de la grève reconductible du 5 mars : "parce que vous m’avez tant apporté et que nous nous sommes tant aimés, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces comportements crépusculaires à défendre une identité et des préséances professionnelles qui ne correspondent à aucune des nécessités portées par les luttes actuelles."

      Mon nom est Mona. J’ai 22 ans. Je suis étudiante. Avant de venir faire mes études à Rennes, j’étais scolarisée en Centre-Bretagne, en milieu rural, War Ar Maez. Mon père est ouvrier. Il travaille comme cariste dans l’industrie agroalimentaire. Après plus de vingt ans dans le même groupe, il gagne, à quelques euros près, 1700 euros brut par mois, auxquels s’ajoute une prime de Noël. La « prime des dindes » comme il dit. Une farce. Quelques centaines d’euros dont ma mère se sert pour acheter nos cadeaux et nous organiser un repas de fête qu’elle tient chaque année à arroser de mauvais champagne : « Nous aussi on y a droit ! ». Ma mère, elle, est employée. Employée de maison pour être précise. Une manière bien aimable pour dire qu’elle fait partie de ce salariat subalternisé, essentiellement féminin, qui travaille à temps partiel au service de personnes âgées ou de riches familles, pour pas grand-chose. Une grande partie de son salaire passe d’ailleurs dans les frais d’essence de ses trajets professionnels. Chez nous, les fins de mois sont difficiles, cela va de soi. D’autant que mes deux frères aînés sont au chômage et restent à la charge de mes parents. Maël sort d’un BTS et n’a le droit à aucune indemnité. Gurvan, un CAP de boulanger en poche, ne travaille qu’en intérim... quand il travaille. Il a vu ses allocations chômage fondrent comme neige au soleil ces derniers temps. Moi, je suis boursière, je vis en cité U à Villejean. Mais j’ai aussi des petits boulots à côté : du baby sitting, des inventaires ; caissière ou vendeuse, c’est selon. Nous sommes une famille de #Gilets_jaunes. Mes frères ont longtemps squatté les ronds-points avant de se faire déloger et sont de toutes les manifs. Ce week-end, c’était l’acte 66. Ils sont montés à Rennes pour dire qu’« ils étaient là », pour gueuler leur colère de n’être rien et se prendre au passage quelques mauvais coups de matraque. Forcément, se faire taper dessus, ça agace et ils ne se sont pas laissés faire. Je suis fière d’eux, de leur détermination à rester debout et à se battre. Ne pas se laisser faire, ne pas se laisser aller à la résignation, ne pas se laisser détruire, reprendre ne serait-ce qu’un peu la main sur son existence. Comme de plus en plus d’individus, mes frères sont déterminés à ne plus se laisser prendre au jeu de la cadence et de l’ordre. C’était chouette cette manif. Des femmes et des hommes qui se battent pour leur #dignité, pour ne pas s’abîmer davantage, pour ne pas crever.
      En fin de manifestation, avant de repartir, ils m’ont payé une bière en terrasse. Il faisait froid, mais nous étions bien. Je les trouvais beaux tous les deux. Beaux comme la lutte. J’aurais aimé vous les présenter mais vous n’étiez pas là. Quelques heures avant, quand nous avons réussi à « prendre le centre ville », je vous ai pourtant aperçu. Vous flâniez après un retour du marché des Lices, vous vous baladiez en famille, à vélo, vous sortiez d’une librairie avec quelques bouquins en poche, vous rentriez dans un cinéma. La vie peut être douce. J’ai envie d’y croire. Cette #douceur est néanmoins réservée à quelques-un.e.s. Ni mes parents, ni mes frères, ni moi n’y avons franchement droit. Dans quelques mois, je décrocherai un bac+5. Ma mère ouvrira une de ces mauvaises bouteilles de champagne. Pourtant, j’irai certainement grossir les rangs des dominé.e.s aux études longues (j’ai lu ça dans un livre passionnant d’Olivier Schwartz). L’inflation-dévaluation des #titres_scolaires me fera rejoindre #Pôle_emploi, ou bien je trouverai un #job_sous-payé pour sur-qualifié.e, à moins que ça ne soit juste un énième #stage croupion. Alors peut-être devrais-je plutôt continuer à étudier ; faire une thèse. Ma directrice de mémoire me l’a proposé à demi-mots, mais seulement si j’ai un financement. On ne prête qu’aux riches répète souvent mon père.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) contre laquelle vous devriez être logiquement tou.te.s vent debout ne m’y invite pas. Pourquoi me lancer dans un doctorat ? Pour gonfler les rangs du précariat de l’ESR ? Pour assurer vos TD, corriger des tombereaux de copies et faire la petite main sur vos projets de recherche, sous pression – surtout ne pas décevoir –, en étant payée moins que le SMIC horaire, plusieurs mois après avoir effectué avec zèle ces missions ? Et puis ça ne sera évidemment pas suffisant pour assurer ma survie matérielle. Alors il faudra que je continue un « #travail_à_côté ». Condamnée à prendre le premier #bullshit_job ? Surveillante de musée me permettrait de pouvoir lire pendant le temps de travail, ou bien me lancer dans le #travail_du_sexe, nettement plus rémunérateur. Mais quel temps me resterait-il pour mes propres recherches ? À la #précarité s’ajouterait sans doute le #surmenage, voire le #mépris_de_soi. On y passe tou.te.s paraît-il. Et en admettant que je m’en sorte, ce serait quoi la suite ? L’Université à la sauce LPPR ne donne pas très envie : précarisation accrue, mise en #concurrence généralisée, course à l’#excellence, #marchandisation_des_savoirs, recul des solidarités, #bureaucratisation mortifère. Devenir une sorte d’intello camériste allant de #tenure_tracks en CDI-chantiers pour espérer peut-être, à près de 40 ans et après avoir porté nombre de vos valises, devenir #titulaire d’une institution à la main du #néolibéralisme ? C’est ça la promesse ? Et puis c’est sans compter la réforme des retraites : bouffer de l’amphi jusqu’à 67, 68, 69 ans... pour finir épuisée et être finalement pensionnée au lance-pierre ? Ça existe la #pénibilité pour #port_de_charge_cognitive_lourde ?

      Si parmi les 37 % d’enseignant.e.s-chercheur.e.s qui ont voté Macron dès le premier tour, il en est sans aucun doute qui se repaissent de la sélection, de l’augmentation des #frais_d’inscription et de ce que cela permettra de politiques discrétionnaires dont ils.elles s’imaginent tirer idiotement quelque bénéfice, je sais aussi, pour vous avoir fréquentés, que la plupart d’entre vous voyez dans le #macronisme pas autre chose que ce qu’il est : une #saloperie qui signe la fin de la #citoyenneté_sociale, de l’#État_redistributeur et de tous les #services_publics (ESR, santé, justice, énergie, etc.). Je me doute que vous n’êtes pas d’accord pour que la pension des femmes soit inférieure à celles des hommes, que vous êtes contre la prolifération des #emplois_précaires, contre la #compétition_généralisée, les logiques d’#exclusion et les #discriminations. Vous pensez que l’Université doit être ouverte à tou.te.s, fondée sur la #coopération, qu’elle doit produire des #connaissances_critiques et transmettre des #savoirs_émancipateurs. Alors pourquoi êtes-vous si peu solidaires du #mouvement_social ? Pourquoi restez-vous si timoré.e.s à vous engager pleinement dans cette #grève dont nous avons tant besoin ? Ma colère est grande de vous voir englué.e.s dans des #réflexes_corporatistes, dans le #narcissisme de vos petites différences, dans vos postures d’intellos embourgeoisé.e.s défendant votre tout petit #pouvoir_symbolique (faire cours, nous dispenser vos lumières, nous évaluer). Comment pouvez-vous imaginer qu’un engagement de gréviste puisse ne pas être au moins aussi formateur que vos enseignements ? Dans la grève, on apprend à travailler collectivement, à #argumenter, #débattre, à élaborer du #commun_politique. Autant de choses auxquelles vous avez, en temps normal – reconnaissez-le –, bien du mal à nous éduquer. J’en rage de vous voir accroché.e.s à vos si insignifiantes prérogatives, alors que nous nous trouvons à un #tournant_historique. Notre #avenir, celui de vos enfants et petits-enfants, mais aussi le vôtre, celui de mes parents et de mes frères se joue maintenant. Il nous faut mener la #lutte aux côtés des autres secteurs mobilisés pour qu’ensemble nous obligions le gouvernement à retirer l’ensemble de ses #contre-réformes. Nous n’avons pas le #choix. Contre la #marchandisation de nos existences, contre les #violences_policières et la fascisation rampante de la société, contre les #inégalités et les #injustices_sociales, contre une université à la main du néolibéralisme nous avons le devoir de faire gronder encore plus fort notre colère. Vous avez le devoir d’y prendre votre part. Le #5_mars prochain débutera une autre phase du mouvement universitaire, à l’appel de la Coordination des facs et des labos en lutte : une #grève_sectorielle_illimitée qui pourrait bien prendre des allures de grève majoritaire et générale. Parce que vous m’avez tant apportée et que nous nous sommes tant aimés – comme titre le film –, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces #comportements_crépusculaires à défendre une identité et des #préséances_professionnelles qui ne correspondent à aucune des #nécessités portées par les luttes actuelles. Le monde universitaire est en #crise. Non parce qu’il va mal (bien que ce soit le cas), mais parce qu’il bouge, que ses structures sont fragilisées par les coups de boutoir d’un macronisme pour qui le travail n’est devenu qu’une variable d’ajustement. Nous n’avons d’autres choix que de faire le pari que nous pourrons profiter de cette crise pour imposer pratiquement une autre vision de l’avenir. Si nous devions en rester là et donner, par inertie, avantage au probable sur le possible, nous le payerions au prix fort. Je sais que vous savez. Et si je vous écris cette lettre, c’est que je nourris l’espoir de vous voir pleinement engagé.e.s à nos côtés et, ensemble, de participer à ce mouvement général de construction d’un #monde_meilleur. J’aimerais, enfin, donner une bonne raison à ma mère d’ouvrir une bouteille de champagne digne de ce nom.

      Rennes, le 17 février 2020.
      Mona R.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Lettre-ouverte-a-mes-enseignant-e-s-de-l-Universite-Rennes-2

    • « Les universités n’utilisent pas encore assez de contractuels » : une lecture du dernier rapport des inspections générales sur l’emploi universitaire

      Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) (https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf), rendu en avril, 2019, vient enfin d’être publié. Academia, en espérant pouvoir en faire rapidement sa propre lecture, propose celle que vient de lui faire parvenir Pierre Ouzoulias, archéologue et sénateur communiste des Hauts-de-Seine, en vous invitant à prendre connaissance du rapport lui-même, mis en ligne à une date inconnue, postérieure au 14 février 2020.

      Le plan de « modernisation » de l’université est déjà en place !

      Voici, ci-dessous, quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. J’ai ajouté des rapides commentaires en italique.

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « universités entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT.

      Pierre Ouzoulias
      24 février 2020
      Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités

      sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels. [p. 3]

      La solution : les ressources propres ; les mauvais élèves : les SHS

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20%, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16%, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13% depuis 2011. [p. 16]

      Un constat partagé : la masse salariale augmente grâce à la précarisation

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6% de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22% ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71% de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78% de ce qu’ils étaient en 2010. [p. 18]

      Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des ressources humaines

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.

      Les unités de formation et de recherche (UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important. [p. 6]

      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable. [p. 20]

      Le modèle : les « universités entrepreneuriales »

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :

      Une partie des universités a recours à une régulation, plus qu’à une optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs ressources propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’efficience.
      Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques. [p. 21]

      Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement. [p. 10]

      Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les prévisions de départs en retraite des titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de gel, d’annulation ou/et de redéploiements d’emplois par statut et catégorie. [3.1, p. 11]

      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76M€ et 41M€.

      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.[p. 11]

      Éviter la titularisation des contractuels financés par les Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université. [p. 26]

      Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Par ailleurs, le recours aux contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du code de l’éducation qui offre des possibilités plus souples de recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.

      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants-chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.

      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT.

      Ensuite, la transformation des CDD en CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de consolidation des contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels. [p. 27]

      Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de charge d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2. [p. 19]

      Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la trajectoire LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs. [p. 37]

      Où l’on retrouve l’évaluation !

      Proposition n° 9 : connecter la modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la performance universitaires ; [p. 42]

      Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.

      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de pilotage à moyen et long terme compte tenu de la faible plasticité naturelle des effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’effectifs cibles à trois ou quatre ans.

      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une refonte du système actuel de répartition des crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une contractualisation État/université dans le cadre de contrats de performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein. [p. 45]

      https://academia.hypotheses.org/17154

    • Docteur·e·s sans poste : de la vocation à la vacation

      Le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche organise la « précarisation galopante » des universitaires et « menace la qualité de nos recherches » fustigent des collectifs de docteur·e·s sans poste mobilisés contre la loi. « Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement, de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ? »

      Depuis décembre 2019, les personnels de l’Université se mobilisent contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, mais aussi contre le projet de loi réformant nos universités publiques (Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche– LPPR). Si nous – docteur·e·s sans poste –, nous nous engageons dans la grève et multiplions les actions symboliques, c’est aussi pour dénoncer la précarisation galopante de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), qui menace la qualité de nos recherches ainsi que la transmission des savoirs aux étudiant·e·s, toujours plus nombreux·ses à l’Université.

      De nos jours, le plus haut des diplômes universitaires ne protège ni du mal-emploi, ni du chômage, bien au contraire. Cinq ans après leur doctorat, 14 % des docteur·e·s sont au chômage, contre 13 % pour les titulaires d’un master, et moins de 10 % pour les diplômé·e·s des écoles d’ingénieurs et de commerce. Pour celles et ceux qui ont trouvé un emploi, il s’agit d’un contrat à durée déterminée dans 45 % des cas, et même dans 55 % des cas pour les docteur·e·s travaillant au sein de l’ESR.

      Une mise en concurrence permanente

      Une fois docteur·e·s, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, jalonné de multiples procédures de sélection encore trop souvent opaques, et parfois discriminatoires !

      Depuis la fin des années 1990, le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) publiés chaque année par les universités a chuté de manière drastique (- 65%) alors que le nombre d’étudiant·e·s a augmenté de 15 %. Les perspectives dans les organismes publics de recherche ne sont guère plus réjouissantes. Ainsi, le CNRS, qui proposait plus de 550 postes de chargé·e·s de recherche au concours en 2000, n’en publiait plus que 240 en 2020, soit une diminution de 56 % en 20 ans !

      La réduction des postes renforce mécaniquement une mise en concurrence exacerbée. Pour étoffer notre dossier, nous devons multiplier les tâches à l’infini : communiquer dans des colloques et journées d’études ; s’intégrer à des réseaux de recherche ; organiser des événements académiques ; publier nos recherches ; et enseigner. En décembre dernier, le PDG du CNRS, Antoine Petit, se félicitait du caractère « darwinien » de la future LPPR, mais pour nous, docteur·e·s sans poste et enseignant·e·s-chercheur·e·s précaires, ce darwinisme scientifique est déjà à l’œuvre dans notre quotidien.

      Une précarité qui s’immisce dans nos vies

      À défaut de postes pérennes, nos possibilités d’obtenir des contrats à durée déterminée sont rares. Quand nous ne l’avons pas déjà été pendant nos thèses, nous pouvons candidater à des postes d’Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche(ATER), mais ces CDD d’un an ne sont renouvelables qu’entre une et trois fois selon nos statuts et tendent eux aussi à diminuer (-27 % entre 2005 et 2013). Nous candidatons également à des post-doctorats, c’est-à-dire des contrats de recherche qui durent généralement de six mois à un an et demi. Mais ces derniers sont rares, et très inégalement distribués, souvent au gré de procédures opaques. Faute de mieux, beaucoup continuent donc à faire de la recherche dans des conditions indignes (travail bénévole, missions courtes, parfois sans contrat, rémunération en nature ou en maigres indemnités journalières…).

      Pour continuer à enseigner, la difficulté est tout aussi grande. Le ministère estime que l’Université emploie plus de 20 000 enseignant·e·s non-permanent·e·s, auxquels il faut ajouter plus de 130 000 chargés d’enseignement vacataires. Ces vacataires sont des enseignant·e·s qui travaillent dans des conditions révoltantes : non accès aux congés payés, aux allocations chômage et à l’assurance maladie ; « contrats » - qui s’avèrent être de simples fiches de renseignements - souvent signés après les heures de cours effectuées ; absence de mensualisation des paiements ; non-prise en charge des frais de transports, etc. Payé·e·s 41,41 euros bruts de l’heure de cours, ces vacations sont en réalité rémunéré·e·s... 26 centimes en dessous du SMIC horaire, si l’on considère le temps de travail réel (réunions pédagogiques, préparation des cours, correction des copies, etc.). Si ces situations indignent, elles deviennent pourtant la norme : les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent aujourd’hui en moyenne plus du quart des personnels enseignants.

      Dans ces conditions, il nous faut parfois recourir à des emplois alimentaires, transformer nos allocations chômage en mode de financement routinier de nos recherches et, pour ne pas prendre de retard dans cette compétition constante, travailler sans arrêt. Ce sur-travail, généralement invisible, souvent gratuit ou mal rémunéré, entraîne des maux physiques et mentaux importants - trop souvent occultés - et impacte directement nos vies. Selon les disciplines, l’âge moyen d’obtention du doctorat varie entre 30 et 34 ans, et le temps écoulé entre la soutenance et le recrutement (quand il a lieu !) s’accroît inexorablement, à des âges de la vie supposés être ceux de la stabilisation professionnelle, résidentielle et familiale.

      Dans cet océan de précarité, certain·e·s sont en première ligne. Face à un système universitaire qui ne prête qu’aux riches, les femmes, les étranger·e·s, les diplomé·e·s issu·e·s des classes populaires et les docteur·e·s des universités non-franciliennes sont déjà les grand·e·s perdant·e·s de cette précarisation croissante.

      La précarité pour seul horizon ?

      Ainsi, pour les docteur·e·s sans poste, les réformes actuelles ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique. La réforme de l’assurance-chômage réduit nos droits aux allocations alors que Pôle Emploi est souvent notre principale ressource. Ensuite, nos cotisations en pointillés induites par l’enchaînement des contrats précaires ne nous donneront droit qu’à une retraite dérisoire avec la mise en œuvre de cette retraite par points. Enfin, la casse de l’Université publique de qualité se fait toujours plus impitoyable avec le projet de la LPPR qui institutionnalise la précarité. En créant des « contrats de projet », calqués sur les « CDI de mission » du secteur du BTP, la LPPR proposera des contrats de 5 à 6 ans, le temps d’une recherche, sans certitude sur leur prolongation. La construction d’une Université privatisée, qui ne finance que « l’excellence » - non plus définie par la communauté scientifique mais par les décideurs politiques et les financeurs privés - et qui délaisse les savoirs jugés improductifs, va de fait précariser ses personnels, et fragiliser toutes et tous les étudiant·e·s !

      Nous, docteur·e·s sans poste, nous demandons au Gouvernement, au-delà du retrait et de l’abandon de ces réformes en cours :

      la titularisation de celles et ceux qui font fonction d’enseignant·e·s-chercheur·e·s au quotidien, mais sans jouir de conditions de travail décentes, et qui travaillent même souvent dans une illégalité entretenue par l’institution universitaire.
      la création massive de postes d’enseignant·e·s-chercheur·e·s pour pouvoir proposer une formation de qualité et encadrer décemment les étudiant·e·s toujours plus nombreux·ses à s’inscrire à l’Université.

      Les racines de cette précarité sont structurelles ; elles dépendent de choix politiques, et non de notre hypothétique illégitimité ! L’excellence que les ministres successifs appellent de leurs vœux, nous la mettons en œuvre à chaque instant. Et pourtant, ils nous privent des moyens d’une excellence pérenne et sereine ! Certes, les connaissances sont produites, les savoirs sont transmis, les diplômes sont obtenus. Mais au prix de quels sacrifices ? Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il aujourd’hui, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement et de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ?

      Une version longue de la tribune est accessible ici.

      Signataires :

      Tribune des docteur·e·s sans poste, membres des collectifs universitaires suivants :

      Précaires de l’ESR de Rouen ;
      Collectif Marcel Mauss – Association des doctorant.e.s en sciences sociales de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université de Caen Normandie ;
      Doctorant-es et non titulaires de Lyon 2 ;
      Précaires de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens ;
      Précaires de l’ESR de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université Paris 13 (Seine Saint Denis) ;
      Précaires de l’enseignement de la recherche Ile-de-France ;
      Mobdoc/Les Doctorant.e.s Mobilisé.e.s pour l’Université Paris 1 ;
      Groupe de Défense et d’Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg (Dicensus) ;
      Non-Titulaires de Paris 3 en lutte ;
      Précaires du Mirail-Université Toulouse Jean Jaurès ;
      Précaires mobilisé-e-s de Paris 8 ;
      Précaires de l’Université de Poitiers ;
      Collectif Docteur.e.s sans poste ;
      A’Doc - Association des Jeunes Chercheur·es de Franche Comté ;
      Travailleur·e·s précaires de l’ESR d’Aix-Marseille ;
      Précaires de l’ESR d’Évry.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020320/docteur-e-s-sans-poste-de-la-vocation-la-vacation

    • Strasbourg : pour “gagner 13 millions d’euros” et financer la recherche, des universitaires jouent au #loto

      Ce vendredi 6 mars, des universitaires de Strasbourg vont acheter collectivement des tickets de loto. Pour, éventuellement, gagner de quoi payer leurs travaux de recherches. Et surtout, dénoncer de manière symbolique le nouveau modèle du financement de la recherche par appel à projets.

      « Contre l’autonomie des universités, vive la ’lotonomie’ de la recherche ! » "Au tant vanté autofinancement des universités, nous répondons par le ’lotofinancement’." Les jeux de mots sont peut-être faciles, mais explicites. Et dans le communiqué publié ce mercredi 4 mars, les membres du collectif d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) à l’origine de cette initiative ’lotofinancement’ s’en donnent à cœur joie. Car quoi de mieux que l’humour pour dénoncer ce qui fâche ?

      Au cœur des griefs, le projet au nom barbare de LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), qui vise « à développer et renforcer le financement de la recherche par appels à projet. »

      Ces appels à projet sont très chronophages, et avec beaucoup de perdants. Le loto, c’est pareil, mais il est beaucoup moins chronophage."
      - Arthur, l’un des instigateurs de l’initiative Lotofinancement

      Selon Arthur (nom d’emprunt), l’un des universitaires à l’origine de l’initiative, monter des dossiers en vue d’obtenir d’hypothétiques financements « est une double perte de temps : pour ceux qui les montent et ceux qui les évaluent. » Et au final, il y a peu de gagnants. Alors, en tant qu’universitaires, « on préfère prendre ce temps pour faire notre métier, c’est-à-dire de l’enseignement et de la recherche », explique-t-il.

      Dans son communiqué, le collectif d’universitaires détaille ses craintes quant à ce type de financement par projet, qui risque de concentrer « les moyens sur quelques équipes au détriment de la diversité des travaux » et détourner « les scientifiques de leur cœur de métier – l’enseignement et la recherche. »

      Nous nous en remettons à la loi d’une véritable loterie, plus égalitaire et finalement bien plus efficace que ce que l’on nous propose.
      - communiqué du collectif Lotofinancement

      Le collectif revendique « une vraie politique de financement pérenne », seule garante selon lui d’une « recherche de qualité et indépendante », et dénonce ce qu’il appelle un risque de « marchandisation de l’université ». Pour bien se faire entendre, il a donc décidé de prendre le taureau par les cornes : « s’en remettre aux jeux de hasard pour financer (ses) travaux ». Une décision annoncée pompeusement comme une grande première « de l’histoire de l’Université française ».

      L’action, symbolique, « satirique », et bien sûr ouverte au grand public, aura lieu ce vendredi 6 mars à 14h30, au tabac de la Musau, 1 rue de Rathsamhausen à Strasbourg. Le collectif s’y rendra pour convertir 1000 euros en tickets de loto. Cette somme a été récoltée depuis quatre semaines auprès de 200 donateurs, collègues, étudiants et autres, dont… un ancien président d’université.

      « On espère fortement gagner 13 millions d’euros, afin de pouvoir créer une grande fondation qui permettra de financer la recherche », sourit Arthur. En cas de gain plus modeste – hypothèse peut-être plus réaliste, mais qui sait ? - le collectif a très sérieusement réfléchi à la manière de se partager le gâteau : 49% seront attribués aux missions d’enseignement et de recherche. 49% serviront à renflouer des caisses de la grève des universités (une grève reconductible, débutée à l’Unistra ce jeudi 5 mars pour demander, entre autres, le retrait de la fameuse LPPR et dénoncer la précarisation des étudiants).

      Et les 2% restants ? Ils serviront à mener quelques « actions de convivialité, car la mobilisation doit être festive » précise Arthur.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/insolite-strasbourg-gagner-13-millions-euros-financer-r
      #lotofinancement #lotonomie

    • Je copie-colle ici un commentaire que j’ai fait à ce message :
      https://seenthis.net/messages/829489

      –----

      Voir aussi ces autres #témoignages très parlant, plutôt en lien avec l’enseignement et moins avec la recherche, mais vu qu’il y a grand nombre de fonctionnaires de l’#ESR qui sont à la fois chercheur·es et enseignant·es... ça touche souvent les mêmes personnes et des questions proches.
      Cela explique très bien la situation dans laquelle se trouve les facs françaises en ce moment (avec ou sans LPPR (https://seenthis.net/messages/820330#message820388) :

      Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à #Nantes
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-ertzscheid/blog/150220/pourquoi-je-demissionne-de-toutes-mes-fonctions-administratives-nant
      #démissions

      La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain
      https://seenthis.net/messages/820393#message827354
      –-> Et une interview de #Pablo_Rauzy qui enseigne en #informatique à #Paris-8 :
      https://podtail.com/podcast/podcast-libre-a-vous/interview-de-pablo-rauzy-maitre-de-conferences-a-l
      #Paris_8

    • La LPPR s’invite aux 10 ans de l’ICM !

      Le 10 mars 2020, La Part Précaire de la Recherche (LPPR) s’est invitée à inauguration de l’exposition des 10 ans de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière).
      Nous reproduisons ici le texte qui a été lu à cette occasion et mettons à disposition une vidéo et des photos.

      https://www.youtube.com/watch?v=xvjhFvIYQ-Q&feature=emb_logo

      Mesdames, Messieurs, et les autres, bonjour !

      C’est la LPPR qui vient ici vous saluer !
      Oui nous sommes la LPPR ! Pas celle chère à Chimérique Vidal et Antoine Le Tout Petit, non.
      Nous sommes La Part Précaire de la Recherche, les petites mains et les cerveaux qui font tourner la boutique, et que les médiocres manageur·ses du public et du privé voudraient voire corvéables et exploitables à merci.

      Vous vous demandez pourquoi nous nous invitons à cette petite sauterie faite de discours pompeux et creux, de petits fours et de bulles.
      C’est un peu le fruit du hasard : nous voulions d’abord apporter notre soutien aux membres du personnel hospitalier de la Pitié Salpêtrière : ces femmes et ces hommes qui, malgré un sous-financement chronique de l’hôpital public, accomplissent leur métier avec professionnalisme et épuisement.

      Mais ielles nous ont dit que malheureusement ce n’était pas le bon moment, au seuil d’une épidémie virale. Ielles nous ont suggéré d’aller jeter un coup d’œil sur ce beau et jeune bâtiment.

      En bons chercheurs et chercheuses précaires, c’est ce que nous avons fait. Et ce n’est pas l’espoir que nous avons découvert, comme nous le faisait miroiter votre récente campagne de pub, mais un mélange d’effroi, de sidération – mais aussi beaucoup de ridicule.
      L’ICM, l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, pardon “sans moelle à partir d’aujourd’hui” est une idée magnifique, créée par des Hommes Magnifiques, oui des Hommes, seulement des Hommes !

      Comme :
      – Jean Todt : Président de la Fédération Internationale de l’Automobile, ami intime de l’Industrie du Tabac
      – Maurice Lévy : Ancien PDG de Publicis, que nous remercions pour la beauté et la pertinence de publicités en oubliant sa fortune et la manière dont l’entreprise traite ses salarié·es.
      – Jean Glavany : politicien de renom, ami intime de Mitterrand et du déchu Cahuzac.
      – Luc Besson : grand cinéaste français, avec quelques casseroles au cul pour accusation de viol et harcèlement sexuel.

      J’en passe et des meilleurs !

      Nous n’allons pas jouer les coupeur·ses de cheveux en quatre et analyser les intérêts financiers d’une telle initiative, nous sourions de l’intérêt de ces Messieurs pour la recherche de remèdes aux maladies neurodégénératives qui pourraient les affecter et les empêcher d’exercer leur nuisance de manière lucide.

      Ce que nous dirons c’est que le modèle de partenariat public/privé de l’ICM est à nos yeux un cauchemar :

      Que vienne l’argent des riches pour la recherche publique, mais sous forme de l’impôt, pas de donations et legs auxquels il faudrait même dire “merci”. Nous ne voulons pas de votre philanthropie, car nous ne voulons pas que les domaines de recherche soient orientés en fonction du bon vouloir des plus fortuné·es. Si vous êtes soucieux d’aider la recherche fondamentale : payez vos impôts, exigez que vos ami·es payent leurs impôts, exigez la fin du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui coûtent à la recherche publique 6 milliards d’euros par an !
      6 milliards soit 2 fois le budget du CNRS !

      Qu’on arrête de tout mélanger sous couvert d’efficacité et de cohérence pour se retrouver avec les mêmes dirigeant·es à la tête de la Fondation privée ICM et de L’Unité de Recherche Publique.

      Qu’on arrête de nous faire miroiter les bienfaits de la Start-Up Nation, et des incubateurs où la recherche publique se met au service de la rentabilité et du “faire du fric” avec des conflits d’intérêt qui n’offusquent plus personne.

      Qu’on arrête de nous parler d’excellence et de flexibilité, qui sont souvent des cache-sexes de Lobbying Éditorial et Souffrance au Travail.

      Au ruissellement on y croit pas, aux premiers de cordée non plus :

      Nous sommes convaincu·es que, parmi vous, travailleuses et travailleurs de ce beau Monolithe “Bling Bling”, il y en a qui ne se retrouvent pas dans ce que les dirigeant·es veulent faire de la recherche publique. Leur modèle est perdant tant pour les conditions de travail imposées, mais aussi pour la qualité de la recherche. Le sous-financement de la recherche publique, le pilotage par appels d’offre, les ANRs, les ERCs, vous pourrissent la vie et vous empêchent d’exercer votre métier.

      Ce modèle c’est celui qui a fait que les collègues travaillant sur les coronavirus, parce que cela n’était plus jugé assez sexy et tendance, se sont vu sucrer leurs financements. La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Elle ne doit pas marcher non plus selon le flair des investisseurs privés.

      Nous vous invitons à lever les yeux de vos expériences,
      à vous organiser,
      à débattre,
      à lutter !

      Après le succès de la manifestation du 5 mars, où l’université et la recherche se sont arrêtées, nous réitérons nos revendications :

      Nous exigeons que soit mis en œuvre dès 2020 un plan d’urgence pour l’université et la recherche.

      Nous exigeons des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ; des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ; des garanties sur la sécurité juridique des étrangèr·es.

      Ainsi seulement nous pourrons créer une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
      L’université doit être un service public, qui ne doit ni sélectionner, ni accroître ou légitimer les inégalités.
      La recherche doit être un service public, en capacité de produire des savoirs d’intérêt général.
      Nous allons les refonder, avec vous !

      Après cette dernière envolée, je vous souhaite, au noms de La Part Précaire de la Recherche un bon cocktail !

      Nous : on se lève et on se casse !

      A bientôt dans la lutte.


      https://universiteouverte.org/2020/03/10/la-lppr-sinvite-aux-10-ans-de-licm

    • Pourquoi l’université s’arrête ? Billet participatif

      En ce 5 mars 2020 les facs et labos en lutte contre la Loi de précarisation et de privatisation de la recherche (LPPR) ont décidé de s’arrêter. Proposition d’un billet participatif pour en expliquer les raisons.

      Le présent billet formule une série de 10 premières propositions sur le modèle syntaxique de l’opposition entre un « Ils » et un « Nous » :

      L’Université s’arrête parce qu’ils…… . Nous

      J’invite chaque membre de la communauté d’enseignement et de recherche qui se sentirait impliqué dans ce « Nous » à formuler dans les commentaires de nouvelles propositions. Je les remonterai progressivement dans le billet. Je rappelle sous l’affiche d’Olivier Long deux extraits du discours de Simon Leys.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fermé les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des classes sociales les plus pauvres. Nous sommes l’Université Ouverte et nous demandons la suppression du dispositif Parcoursup.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont créé 30% d’emplois précaires dans le supérieur et que la LPPR va encore les multiplier. Nous exigeons des postes de fonctionnaires titulaires et un plan de titularisation de tous les précaires.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fait de l’excellence un concept vide. Nous travaillons à inventer et définir les concepts.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont tué la démocratie universitaire. Nous demandons l’abrogation de la loi LRU de 2007 et de la loi Fioraso de 2013 et une nouvelle loi électorale qui assure une représentation effective des personnels et des étudiants, sans membres extérieurs à la botte des présidents.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent financer les laboratoires uniquement sur appels à projets alors que 85% de nos dossiers sont refusés. Nous exigeons des crédits récurrents pour les laboratoires et nous refusons de passer plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la recherche.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ne cessent de nous mettre en concurrence et de nous évaluer. Nous refusons la compétition permanente dont toutes les études démontrent qu’elle ne favorise pas la recherche et qu’elle brise les équipes et la collégialité.

      – L’Université s’arrête parce le management autoritaire dans tous les établissements a provoqué burn-out, harcèlements et suicides. Nous ne sommes pas des robots, ni des « ressources humaines », nous sommes des individus et exigeons le respect et les conditions de travail décentes qui sont dus à tous les salariés.

      – L’Université s’arrête parce que la planète brûle. Nous demandons une liberté totale de recherche et tous les moyens nécessaires pour inventer les solutions scientifiques et techniques afin de lutter contre la crise écologique et le réchauffement climatique.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent faire de l’université une entreprise comme les autres. Nous sommes un Service public qui œuvre pour le bien commun.

      - L’université s’arrête parce qu’ils ne sont pas l’université. Nous sommes l’université.

      –------

      Contributions formulées dans les commentaires (sans sélection aucune). Elles n’engagent pas le blogueur. Elles peuvent être débattues dans le fil des commentaires.

      De Blaz :

      L’université s’arrête puisque les facultés de sciences sociales entassent les publics populaires qui récolteront - s’ils vont jusqu’au bout du cursus- des diplômes dévalorisés. Nous voulons que les facultés dites à "pouvoir" (y compris les grandes écoles) soient plus représentatives de la diversité, quitte à passer par des politiques de "discrimination positive".

      L’université s’arrête lorsque des séminaires doctoraux regroupent des chercheurs calculateurs, parcimonieux, disposés à entendre les idées des autres mais jamais à partager leur réflexion. Nous voulons des chercheurs universitaires qui nous grandissent, qui grandissent avec nous lors d’’échanges réflexifs

      L’université s’arrête parce qu’une horde d’étudiants étrangers s’inscrivent en troisième cycle, contribuent par leurs efforts à développer des savoirs (dont certains seront commercialisés) avant de se retrouver sur le tarmac. Nous voulons des universités qui ne profitent pas de la misère du monde (prolongation du titre de séjour) pour exploiter la matière grise des pays dits "sous-développés"

      L’université s’arrête puisque la réflexion intellectuelle a été substituée par "une économie du savoir" contraignant le chercheur à multiplier des publications pour exister. Résultat des courses : y’a rien à lire ! Nous voulons des chercheurs au service de la « clarté ».

      L’université s’arrête dès lors qu’elle exerce volontiers la censure à l’endroit de savoirs non consacrés. Nous voulons une université moins conformiste, ouverte aux études postcoloniales.

      De NOID :

      L’université s’arrête parce qu’ils croient que nous n’avons pas le temps pour l’éthique, que l’art ne se vit pas mais se consomme, que le temps de la philosophie est perdu. Nous savons qu’il est dangereux d’enrichir "ils" par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs qui renforceraient encore leurs pouvoirs.

      L’université s’arrête parce qu’ils croient qu’on peut amender les lois de la physique. Nous ne voulons plus donner de confiture aux cochons.

      De LAURENTGOLON :

      L’Université s’arrête parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Nous savons qu’elle donne à penser et nous exigeons du temps pour le faire.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent la piloter et la museler par la multiplication des appels à projet. Nous sommes l’université libre qui cherche là où elle pressent qu’une question se pose et nous exigeons les moyens et le temps de mettre en œuvre notre liberté académique.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent orienter nos projets vers la rentabilité. Nous sommes la recherche pour et avec tou·te·s et nous exigeons que le statut d’auditeur libre ne fasse plus l’objet d’aucune restriction.

      De Bertrand Rouziès :

      L’université s’arrête aussi parce que de nouveaux mandarins, cumulards de hautes responsabilités administratives, en doctes excroissances de la servilité politique, du trafic d’influence et de la police de la pensée, profitent de la paupérisation croissante des chercheurs pour en vampiriser les travaux et les vassaliser.

      Quand l’université ne s’arrête pas d’elle-même pour reprendre ses esprits, se redonner du souffle et du coffre, elle offre le spectacle, dans son (dys)fonctionnement ordinaire, d’un idéal à l’arrêt.

      L’université s’arrête quand la cooptation et les clauses tacites biaisent le recrutement et fabriquent un « nous » de corps de garde ou de corps de ferme.

      L’université s’arrête quand les maîtres n’apprennent plus à leurs disciples à se passer d’un maître.

      L’université s’arrête où l’universalité se contraint.

      L’université s’arrête où l’entreprise commence.

      Deux extraits du discours prononcé par Simon Leys le 18 novembre 2005 à l’Université catholique de Louvain lors de la remise du doctorat honoris causa

      UNE IDÉE DE L’UNIVERSITÉ

      « Il y a quelques années, en Angleterre, un brillant et fringant jeune ministre de l’Éducation était venu visiter une grande et ancienne université ; il prononça un discours adressé à l’ensemble du corps professoral, pour leur exposer de nouvelles mesures gouvernementales en matière d’éducation, et commença par ces mots : « Messieurs, comme vous êtes tous ici des employés de l’université… », mais un universitaire l’interrompit aussitôt : « Excusez-moi, Monsieur le Ministre, nous ne sommes pas les employés de l’université, nous sommes l’université. » On ne saurait mieux dire. Les seuls employés de l’université sont les administrateurs professionnels, et ceux-ci ne « dirigent » pas les universitaires – ils sont à leur service. »

      « Un recteur d’université nous a engagés un jour à considérer nos étudiants non comme des étudiants, mais bien comme des clients. J’ai compris ce jour-là qu’il était temps de s’en aller. »

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/050320/pourquoi-l-universite-s-arrete-billet-participatif

    • Avis du COMETS : « Contribution du Comité d’Ethique du CNRS (COMETS) aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche »

      Séance plénière du COMETS du 24/02/2020.

      Le gouvernement promet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait s’accompagner d’un accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacrée à la recherche. Le COMETS considère cette annonce comme très encourageante. Toutefois, au vu des rapports de préfiguration à la loi et des premières déclarations de décideurs ou responsables, le COMETS tient à les examiner à la lumière de l’intégrité et de l’éthique. Ces dimensions lui paraissent essentielles à la fois pour conduire la science et pour assurer la confiance que les citoyens accordent aux chercheurs. Dans la perspective de la rédaction finale du projet de loi, le COMETS exprime ici ses inquiétudes et formule quelques recommandations qui découlent de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre ressources récurrentes et contractuelles est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de méconduites et fraudes telles que le plagiat et la falsification des résultats. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement.

      De tels manquements à l’intégrité et à la déontologie risquent d’être favorisés par la précarité programmée des personnels de la recherche touchant notamment les femmes. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères.

      L’extension annoncée des effectifs de professeurs associés et la création de directeurs de recherche associés exerçant une activité en dehors de l’organisme peut être source de conflits d’intérêts. Des procédures claires de déclaration de liens d’intérêts devront donc être mises en place.

      La réduction des postes de fonctionnaires ne peut qu’amplifier le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier au manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-comets-lppr

    • Contre la pandémie : des moyens durables pour nos services publics !

      Communiqué du 14 mars 2020 du comité de mobilisation des facs et labos en lutte.

      Depuis le 5 décembre, travailleur·ses et étudiant·es de tous statuts luttent dans les facs et les labos – et auprès des travailleur·ses de tous les secteurs – contre la destruction du système de retraite par répartition. Depuis le 5 mars, nous avons appelé à la mise à l’arrêt des universités et de la recherche pour protester contre les conditions de travail et d’étude désastreuses, et la pénurie de postes statutaires et de moyens pérennes, que viendrait aggraver la future Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) : système universitaire à deux vitesses, compétition accrue pour les crédits de recherche, précarité de l’emploi intensifiée, conditions d’étude détériorées. Depuis des années, nous sommes nombreux·ses à alerter sur les conséquences dramatiques de la destruction des services publics et des politiques d’austérité.

      Jeudi 12 mars, dans une allocution présidentielle suscitée par la crise sanitaire majeure à laquelle est confronté le pays, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture aux usagèr·es, jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des écoles, des collèges, des lycées et des universités. Cette décision est nécessaire mais tardive, car des cas étaient déjà comptabilisés notamment dans les universités et que la fermeture proactive des écoles dès l’arrivée des premiers cas sauve des vies en cas de pandémie. Et bien d’autres lieux de travail ne devraient-ils pas être fermés, si nos vies comptaient plus que le CAC 40 ?
      Santé et recherche publiques au rabais

      Macron a prétendu porter « la reconnaissance de la nation » aux « héros en blouse blanche ». Pour mieux ignorer ces mêmes héros, lorsqu’ils sonnent l’alerte sur les effets catastrophiques des années de politiques d’austérité dans la santé et la recherche publiques ? Face à la crise hospitalière, le gouvernement ne propose que des heures supplémentaires et une inquiétante réforme de la formation des internes. Comme le rappellent les soignant·es en lutte, les hôpitaux ne disposent pas aujourd’hui des moyens humains et matériels suffisants pour faire face à une crise sanitaire majeure. Protéger la santé de tou·tes autrement que dans l’urgence implique un vrai plan de financement public et de recrutement de fonctionnaires à l’hôpital, la suppression du jour de carence et de tout frein à l’accès aux soins, y compris pour tou·tes les étrangèr·es, ou encore l’attribution de postes pérennes et de moyens suffisants pour la propreté, l’hygiène et la sécurité de tous les lieux de travail.

      De la même façon, Macron affirme sa confiance dans la recherche française pour trouver en urgence des issues à la crise sanitaire, quand notre recherche publique a pris du retard du fait d’un manque structurel de crédits à long terme pour les laboratoires, soumis à l’idéologie de la compétition sur projets : plus de dix années perdues pour la recherche fondamentale sur le coronavirus ! Des mesures immédiates doivent être prises pour inverser cette tendance. L’État doit par exemple cesser d’offrir aux grandes entreprises l’équivalent de deux fois le budget du CNRS (sous la forme du « Crédit Impôt Recherche »), et redistribuer cet argent aux laboratoires de recherche publics. Notre pays a plus que jamais besoin de rétablir une recherche diversifiée et fondamentale, une université et des services publics dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des défis écologiques, sanitaires et sociaux que nous devons relever, à l’opposé de politiques « d’innovation » de court-terme, partielles et marchandes.
      Qui paiera la crise sanitaire et sociale ?

      Des « plans de continuité de l’activité » sont en cours d’élaboration précipitée dans les universités. Comme à l’hôpital, les circonstances exceptionnelles exacerbent les tensions dans des universités déjà au bord du burn-out collectif. Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : la fermeture des facs aux étudiant·es et à une large part des travailleur·ses est incompatible avec la poursuite des cours et des évaluations. Prétendre le contraire est un nouveau signe de mépris des bonnes conditions de travail, d’études et de vie. Le service public de l’enseignement nécessite l’accès à de vrais cours, mais aussi à des bibliothèques et autres lieux et outils de travail, actuellement impossible. Les BIAT·O·SS ne sont pas des variables d’ajustement ni des pions à déplacer de force : face au risque sanitaire, il ne saurait être question de les obliger à être présent·es sur leur lieu de travail, ni à travailler à distance. Les enseignant·es doivent garder le contrôle de leur travail et de ses fruits, y compris sur le plan de la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles doit être préservée. Quant aux considérables obstacles techniques à l’enseignement à distance, ils sont autant d’obstacles sociaux, qui aggraveraient les inégalités déjà en forte augmentation avec les politiques universitaires actuelles. Et quid des étudiant·es et membres du personnel qui devront s’occuper toute la journée de leurs enfants scolarisés en temps normal ? La généralisation des cours en ligne n’est une solution ni pour les enseignant·es, ni pour le personnel BIAT·O·SS, ni pour les étudiant·es.

      Nous refusons de payer le prix des fermetures. Toutes les heures de travail prévues doivent être payées normalement, y compris les vacations empêchées par les fermetures, quels que soient les statuts et les situations sanitaires ou familiales des travailleur·ses. La poursuite des études doit être envisagée en assumant qu’il y a rupture avec les conditions normales et que ni les membres du personnel ni les étudiant·es ne doivent en faire les frais. Nous demandons à notre ministre d’accéder enfin à nos revendications, et de titulariser les vacataires auxquel·les l’université a massivement recours et qui assurent des fonctions pérennes, pour une rémunération différée et très souvent en-dessous du SMIC horaire. Nous demandons pour la rentrée 2020 et les suivantes, les milliers de postes statutaires qui manquent et le dégel total des postes existants. Nous demandons une université gratuite, non sélective et dotée de moyens financiers, humains et techniques à la hauteur des besoins de formation, et des revenus étudiants sans lesquels il n’y a pas d’égalité d’accès aux études.

      Macron prétend vouloir « protéger » les salarié·es et la population d’une crise sanitaire, économique et sociale. Chômage technique partiel indemnisé par l’État ? Rien de rassurant pour grand nombre de précaires parmi nos collègues et étudiant·es, et dans l’ensemble de la société, qui risquent tout simplement de perdre emplois et revenus. La réforme de l’indemnité chômage censée s’appliquer aux personnes ouvrant des droits à partir du mois prochain ne doit pas être aménagée, mais annulée. Et comment les vagues mesures « protectrices » seraient-elles financées ? Les seules mesures concrètes annoncées sur le plan économique et social concernent les cotisations patronales reportées, et la préparation d’un « plan de relance ». Pour les grandes entreprises privées, Macron redécouvre que « l’argent magique » existe, ce même argent qu’il refuse aux services publics et au financement de nos solidarités.
      Pour la solidarité, nous restons mobilisé·es !

      Enfin, combien de postes… de télévision ont manqué d’être fracassés lorsque Macron a prononcé les mots de « solidarité entre générations » ? Comme la majorité de la population, nous savons ce que vaut sa novlangue. C’est le même Macron qui tente depuis des mois de détruire un système de retraites qui est le meilleur exemple de cette solidarité, fondé sur la cotisation des actif·ves reversée aux retraité·es. Le retrait de la contre-réforme « par points » demeure une nécessité absolue.

      Depuis des décennies, c’est l’ensemble des dispositifs de solidarité sociale qui sont fragilisés par des mesures gouvernementales. Dans le domaine universitaire, le projet de LPPR prolonge les lois LRU, ORE (« ParcourSup ») et de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »), menaçant de briser toute solidarité dans les facs et labos.

      Nous ne nous laisserons pas abuser par un discours qui glorifie en façade la « mobilisation générale de la recherche » et la « solidarité », mais ne débloque de l’argent public que pour rassurer les grandes entreprises. Notre défiance reste entière envers un gouvernement qui s’est mis à dos la majorité de la population par la violence de ses politiques inégalitaires. Nous appelons à l’amplification des mesures exceptionnelles de santé publique tant qu’il le faudra, mais aussi au rétablissement durable du système public de santé et de recherche. Travailleur·ses et étudiant·es refusent de payer la crise sanitaire, économique, sociale.

      Et nous ne laisserons pas le gouvernement en profiter pour accélérer ses réformes impopulaires. La crise sanitaire révèle les conséquences dramatiques de ces réformes, autant que l’absolue nécessité de se battre pour nos services publics et nos solidarités.
      Les universités ferment, nos luttes continuent !

      https://universiteouverte.org/2020/03/14/contre-la-pandemie-des-moyens-durables-pour-nos-services-publics

    • 5 mars : des salarié·e·s de #Mediapart soutiennent enseignant·e·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s

      Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.

      Ce 5 mars, « l’Université et la recherche s’arrêtent ». De nombreux personnels, laboratoires, unités et revues cessent le travail, en réaction au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et contre la réforme des retraites qui les concerne au même titre que les autres actifs.

      La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.

      Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.

      Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.

      À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.

      Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. Celui-ci exige du temps et de la méthode pour collecter des données, les interpréter, les mettre en perspective avec les connaissances déjà accumulées, et enfin les discuter avec des pairs. Si l’université continue à se paupériser et à violenter ses personnels, ceux-ci risquent d’être à la fois moins nombreux et moins disposés à remplir cette fonction d’« #intellectuel_public » qui est pourtant l’une des dimensions possibles, et nécessaires, de leur métier.

      Cela ne veut pas dire que ce travail ne peut se faire et ne se fera pas ailleurs — mais à court et moyen terme, aucune autre institution que celles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut s’y substituer. Au-delà de l’enjeu social, il y a donc un enjeu démocratique à empêcher la casse de l’université.

      Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.

      Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. Parmi ces actions, les salariés de OpenEditions ont joué un rôle pionnier de la lutte en bloquant de façon inédite l’accès à leur plateforme de publications scientifiques (qui compte 6 millions de visiteurs uniques mensuels) ; les community managers de Mediapart ont à plusieurs reprises occupé leurs réseaux sociaux, une grande partie des salariés s’est mise en grève le 24 janvier et a décidé d’occuper la Une du journal. L’ensemble de ces acteurs a rejoint de nombreux travailleurs du numérique ainsi que le collectif des « revues en luttes » pour réaliser une opération coordonnée de blocage ce même jour (24 janvier).

      Cette grève n’aurait pas eu le même poids sans cette convergence et coordination des acteurs du numérique. Aujourd’hui, dans la continuité de la mobilisation contre la loi LPPR, cette journée du 5 mars s’inscrit comme une étape supérieure de la lutte.

      Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur.

      Un collectif de salarié·e·s de Mediapart

      Guillaume Chaudet-Foglia
      Joseph Confavreux
      Chrystelle Coupat
      Renaud Creus
      Géraldine Delacroix
      Lucie Delaporte
      Claire Denis
      Cécile Dony
      Fabien Escalona
      Ana Ferrer
      Maria Frih
      Livia Garrigue
      Mathilde Goanec
      Romaric Godin
      Dan Israel
      Manuel Jardinaud
      Sabrina Kassa
      Karl Laske
      Jade Lindgaard
      Maxime Lefébure
      Gaëtan Le Feuvre
      Mathieu Magnaudeix
      Laurent Mauduit
      Lorraine Melin
      Edwy Plenel
      Alexandre Raguet
      Ellen Salvi
      Laura Seigneur

      https://blogs.mediapart.fr/en-soutien-aux-chercheurs-en-lutte/blog/050320/5-mars-des-salarie-e-s-de-mediapart-soutiennent-enseignants-chercheu

    • "Allô Précaires ?" Écoutez le premier #podcast

      ALLO PRECAIRES ? Ecoutez le premier recueil de témoignages de #précaires de l’ESR ! On est encore tout.e.s ému.e.s…

      Ces témoignages racontent les conditions concrètes de travail à l’Université, mais aussi et surtout leurs répercussions sur le quotidien et la vie familiale et affective. Le #répondeur permet visiblement l’expression des #émotions : parole libre et anonyme, absence de regard extérieur direct.

      En raison du nombre important de demandes de relectures, nous avons choisi de modifier les voix pour garantir l’anonymat (la relecture aurait demandé un lourd travail de retranscription). De plus, il nous a semblé important de conserver l’émotion qui se dégage des différents témoignages.

      Merci d’avoir partagé votre expérience. Tenez bon, le panda reste à votre écoute !
      >> 07.49.07.15.34 << NB : Toutes les voix ont été modifiées pour garantir l’anonymat des témoignages

      https://precairesesrrouen.wordpress.com/2020/03/10/allo-precaires-ecoutez-le-premier-podcast

      Et sur soundcloud :
      https://soundcloud.com/user-10605953-422618281/allo-precaires-podcast1

      #témoignage #témoignages #audio #précarité

    • University community in France mobilizes against proposed research law

      The new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government calls for converting permanent researcher posts to contract vacancies based on the tenure of research projects.

      Researchers in France have initiated a massive protest against the new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government. The national coordination of “faculties and labs in struggle” started a research strike from March 9, Monday. More than 100 universities and schools, nearly 300 laboratories and 145 scientific journals in the humanities and social sciences have expressed support for the protests called by the national coordination committee of researchers.

      LPPR calls for the conversion of research vacancies in the country into limited period posts based on the tenure of projects carried out by research institutions. Such a move is likely to affect those who work in regular posts and has also created widespread discontent among tens of thousands of researchers and students who currently work in contract/ temporary vacancies, for whom there will be no possibility of regular/permanent jobs in the future.

      On March 5, tens of thousands of researchers had joined the mobilization against the LPPR across the country, with over 20,000 people participating in the protest in Paris alone.

      The ministerial consultations for the new law, announced by French prime minister Édouard Philippe last year, have reportedly concluded and the draft is expected to be introduced by government soon.

      Secretary of the Union of the Communist Students (UEC) Anais Fley told Peoples Dispatch, “The LPPR (Multi-annual research programming law) is a bill that aims to reform the university in the same neoliberal approach. If this bill is adopted, it will deepen inequalities at university, increase competition between researchers and degrade the working conditions of the teacher-researchers as well as the students.”

      “One of the main pivots of this law is to transform research contracts on the basis of projects, without further funding public research, or allowing these projects to be structured over the long term. The consequence of this bill is to make public research even more precarious,” she added.

      Fley also said that faced with this social and scientific regression, the French university community is mobilizing, with university staff, doctoral students and professors on the front line. “Of course, this mobilization resonates with the strikes against the pension reform,” she further stated.

      https://peoplesdispatch.org/2020/03/09/university-community-in-france-mobilizes-against-proposed-research-

    • Le 5 mars l’Université et la recherche s’arrêtent. #10_chiffres pour comprendre

      Grâce au mouvement contre la réforme des retraites, initié par les travailleurs·ses de la RATP et de la SNCF, les facs et les labos sont entrés en lutte dès le mois de décembre 2019, sur cette bataille interprofessionnelle mais aussi sur deux sujets propres au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nouvelle attaque néolibérale (https://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations), et la précarité massive qui touche d’ores et déjà les universités et la recherche, étudiant·e·s et personnels.

      L’économiste #Hugo_Harari-Kermadec, spécialiste de l’enseignement supérieur (https://www.contretemps.eu/universite-marchandisee-entretien-harari-kermadec), rappelle en dix chiffres – et quelques autres – pourquoi l’Université et la recherche s’arrêteront le 5 mars, et pourquoi la lutte va continuer ensuite. Cette liste a été constituée à partir de l’intervention de Marie Sonnette sur France Culture, que l’on pourra (ré)écouter ici (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

      ).

      On pourra également consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

      *

      108 facs et 268 labos en lutte (https://universiteouverte.org/2020/01/14/liste-des-facs-et-labos-en-lutte).

      130 000 vacataires (https://ancmsp.com/lppr-2-smic-pour-les-titulaires-des-cacahuetes-pour) assurent ensemble plus du tiers des cours à l’université, payé·e·s 26 centimes d’euro sous le SMIC.

      300 000 étudiant·e·s supplémentaires en dix ans mais 0€ en plus pour les accueillir. Plus de 40% travaillent en parallèle de leurs études.

      Parcoursup a introduit la sélection en L1 pour au moins 30% des étudiant·e·s (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes), et 99% de l’algorithme est opaque selon la cour des comptes.

      1 600% d’augmentation des frais d’inscription (https://universiteouverte.org/2019/04/28/officialisation-de-la-hausse-des-frais-que-retenir-des-decrets) pour les étudiant·es non européen·ne·s en Licence (à 2 770 € /an) et Master (à 3 770 € /an) depuis le décret « Bienvenue en France » (sic) en 2019.

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·es-chercheu·ses.

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnel·les BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes et que promet le gouvernement dans la LPPR.

      57 milliards versés à 10 facs d’élite (#Programme_Investissement_d’Avenir) (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), c’est la politique « d’excellence » qui produit une université à deux vitesses.

      5 milliards (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) de moins en cotisations retraites de l’État pour les personnel·les de l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce que la réforme des retraites nous prend sur notre salaire socialisé.

      60 000 postes de titulaires (https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf) et 18 milliards d’euros manquants pour l’université et la recherche.

      *
      Lutte généralisée

      108 facs et 268 labos, 30 collectifs de précaires, 134 revues, 16 sociétés savantes, 46 séminaires, 35 sections CNU, 54 évaluateur·trices de l’HCERES, etc., mobilisé·es (décompte du 1er mars) contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites au 22 février. Une lettre contre la LPPR a été signée par plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont signé une lettre commune.

      Cet argent qui manque

      70 milliards d’euros, c’est-à-dire 3% du PIB, c’est l’engagement des gouvernements successifs pour l’enseignement supérieur et la recherche (2/3 pour l’enseignement supérieur, 1/3 pour la recherche). Mais la dépense publique réelle est loin de cette annonce : au compte au mieux 32 milliards pour l’enseignement supérieur et 20 milliards pour la recherche publique. Il manque donc au moins 18 milliards d’euros par an pour les facs et les labos. Les syndicats demandent une hausse cumulative de 3 milliards par an pendant 10 ans.

      Des moyens concentrés pour les facs d’élite

      Et encore, en 2019, un milliard d’euros de l’ESR relève du Programme Investissements d’Avenir (PIA) qui a attribué en tout 57 milliards d’euros depuis son lancement par Sarkozy en 2010, c’est-à-dire certaines années presque autant que tout le budget de l’ESR, de façon extrêmement inégalitaire en concentrant les moyens dans les établissements déjà les mieux dotés financièrement, les plus réputés et avec la population étudiante la plus favorisée socialement, souvent passée par les classes préparatoires.

      Moins d’une dizaine de regroupements (rassemblant une ou deux universités et des très grandes écoles) ont remporté un Idex dans le cadre de ces investissements d’avenir, soit 800 millions d’euros pour chacun de ces regroupements.

      Une dégradation des conditions d’étude

      A l’autre bout de la hiérarchie universitaire, la majorité des universités, situées en banlieue ou dans des villes moyennes, ont vu leur moyen au mieux stagner depuis une dizaine d’années, alors qu’elles ont pris en charge l’essentiel de la massification du supérieur, le nombre d’étudiant·es augmentant de 300 000, dont 220 000 dans les universités.

      On a donc une baisse du budget par étudiant·e d’au moins 10% dans ces universités[1], alors qu’avec les Sections de techniciens supérieurs (STS) elles prennent en charge l’essentiel de l’accès des classes populaires au supérieur : bacheliers professionnels et surtout technologiques, enfants d’ouvriers ou d’immigrés accèdent plus nombreux au supérieur depuis les années 2000, mais pour une bonne partie d’entre eux·elles dans ces universités qui ne bénéficient pas des politiques d’excellence, et presqu’exclusivement en cycle licence.

      Pour financer une allocation d’autonomie ou un salaire étudiant pour toutes et tous, à 1 000 € par mois et 12 mois par an, 21 milliards d’euros seraient nécessaires. Cela pourrait se traduire par la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale ou par l’intégration de son financement à l’une des branches actuelles. Par exemple, au sein de la branche famille, le financement des 21 milliards d’euros représenterait une hausse d’un peu plus de 3 points des cotisations patronales (voir le dernier chapitre du livre Arrêtons les frais).

      Précarité

      Les facs d’élite comme celles de la massification font face à leur nouvelle mission avec la même stratégie, à savoir la précarisation des personnels : dans les facs d’élite, parce que les financements d’excellence sont des financements à court ou moyens termes, qui ne permettent de recruter qu’en CDD ; dans les autres facs, pour faire face à la hausse du nombre d’étudiant·e·s, donc des besoins d’enseignement, et au manque de moyens, les présidences remplacent les postes de titulaires par des contractuels et surtout des vacataires, payés à l’heure, pour qui reviennent

      130 000 vacataires assurent ainsi ensemble plus du tiers des cours à l’université. Au moins 17 000 d’entre elles et eux font plus de 96 heures équivalent TD, c’est-à-dire un mi-temps d’enseignant·e-chercheu·se, et c’est donc sans doute leur emploi principal. 26 centimes d’euro sous le SMIC, c’est le salaire horaire des vacataires : 9,89 euros brut l’heure de travail effectif.

      Un assèchement de l’emploi public

      4 millions d’heures complémentaires sont assurées par les enseignant·e·s et/ou chercheurs·ses titulaires, soit l’équivalent de 20 000 postes.

      Au CNRS, par exemple, les effectifs de personnels permanents ont diminué de 1 350 en 10 ans, entre 2007 et 2016 ! Dont une majorité de perte d’ingénieur·es et technicien·nes (-900), les emplois de chercheurs·ses reculant de 450 environ. 20% des personnels de la recherche sont précaires (un peu plus chez les IT que chez les chercheu·ses), en particulier employé·e·s sur des CDD liés à des contrats ANR.

      Les effectifs d’enseignant·e·s-chercheurs·ses sont identiques en 2017 (56 700 PR et MCF titulaires) à ce qu’ils étaient en 2012 (56 500), en dépit des 5000 « emplois Fioraso » (Source : MESRI-DGRH, 2018). Sur la même période, les effectifs étudiants dans les universités publiques ont augmenté de 16 %, passant de 1, 41 à 1,64 millions (source : MESRI-SIES, 2018).

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·e·s-chercheurs·ses. Davantage de précaires, moins de postes de titulaires (alors qu’il y avait 2 600 MCF et CR recruté·e·s en 2009, il n’y en avait plus que 1 700 en 2016, et les choses ont empiré depuis), il y a embouteillage dans les concours de maître·sse·s de conférences et de chargé·e·s de recherche et l’âge de recrutement sur un poste permanent ne fait que reculer.

      60 000 postes de titulaires, c’est donc ce qui permettrait de résorber la précarité et de rétablir des conditions de travail et d’étude de qualité pour toutes et tous à l’université.

      730 millions d’euros, c’est ce qui manque pour financer les thèses de doctorant·e·s en LSHS (estimation de la CJC). En effet, dans ces disciplines, c’est 60% de thèses qui débutent sans financement. Elles terminent également très souvent grâce aux allocations chômage. Avec 730 millions, on pourrait financer les 3875 contrats manquants en LSHS. Il en manque sans doute aussi un peu en sciences fondamentales et expérimentales.

      Genre

      Seulement 5% des présidents de regroupement d’établissements, 17% des présidents d’université, 25% des professeurs, 34% des chercheurs sont des femmes. Tous les mécanismes concurrentiels, type appels à projets ou prime, de même que la précarité, renforcent les inégalités de genre.

      LPPR

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnels BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes. Elle regrette d’ailleurs qu’à l’occasion de fusion entre établissements, ce soit parfois le meilleur accord sur le temps de travail qui se généralise ! Le gouvernement a promis de profiter de la LPPR pour réaligner tout le monde vers plus de temps de travail (mais pas vers plus de salaire).

      6 milliards, c’est le coût de préparation et de rédaction des 130 000 projets soumis en pure perte à la Commission européenne dans l’espoir, déçu, d’obtenir un financement européen de la recherche (ERC). Il faudrait ajouter le coût des projets rejetés au niveau national, comme l’ANR français mais aussi les appels à projets d’excellence (IDEX, Equipex, LABEX, etc), et au niveau local avec tous les appels internes aux nombreuses structures universitaires et scientifiques.

      6 milliards c’est aussi le coût du Crédit Impôt Recherche que le gouvernement offre chaque année aux entreprises sans presque aucun contrôle et sans effet notable sur l’emploi scientifique ou l’effort de recherche des entreprises privées).

      Retraites

      42 milliards, c’est ce que l’Etat compte économiser à terme sur le salaire socialisé des fonctionnaires en passant le niveau de cotisation retraite, actuellement à 74,3% dans la fonction publique, à 16,9% dans le futur système « universel » de Macron. Rien que dans l’enseignement supérieur et la recherche, cela représente à terme 5 milliards d’euros de cotisation retraite en moins à verser pour l’Etat, une économie évidement sans commune mesure avec les faibles hausses de revenus promises (essentiellement sous forme de prime, donc inégalitaires).

      Notes

      [1] En euros constant, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est passé de 12,4 milliards en 2008 à 13,4 milliards en 2018, alors que les effectifs étudiants passaient de 2,2 millions à près de 2,7 millions sur la même période. On obtient donc une chute du financement par étudiant·e de pratiquement 10%. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee

      https://www.contretemps.eu/10-chiffres-lutte-universite-recherche

    • La Galère de l’ESR - Numéro 2

      Ce journal est écrit par un collectif de précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il vise à informer nos collègues titulaires et à fournir à tous des éléments factuels pour débattre sereinement des conditions de travail et de l’évolution de la recherche publique française. Ces dix dernières années, d’excellentes initiatives comme Science en Marche ont permis d’établir un diagnostique très complet. C’est à partir de celui-ci, et à l’aide des nombreux rapports gouvernementaux et d’articles de presse, que nous tentons ici, de dresser un constat honnête de nos laboratoires. Cet exposé factuel ne saurait être isolé d’une critique incarnée, tant le rapport au travail pour nos collègues jeunes chercheur(ses) est viscéralement lié à leur vie extra-profesionnelle. Combien aussi le fossé est immense avec certains de nos anciens, qui connurent la titularisation avant même la fin de leur thèse de doctorat. Ceux-là doivent nous entendre, car dans nos murs tout a changé. Cette forme de gazette vise à être facilement diffusée de boîte mail en boîte mail. Mieux, elle se mariera parfaitement aux tâches de cafés de la table de votre salle commune.


      https://seenthis.net/messages/834159

    • Le 8 juillet, tandis que le projet de la LPPR était censé passer devant le conseil des ministres, nous étions à nouveau dans la rue, aux côtés de représentant·es d’autres secteurs en lutte, pour dénoncer une fois de plus la précarisation et la privatisation de l’université et de la recherche publiques.
      Des rassemblements ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes en France, notamment à Lyon, à Nice, à Montpellier, à Angers ou à Nantes. A Paris, nous étions plus de 300 à nous retrouver à l’esplanade Pierre Vidal-Naquet.

      Toutes les vidéos des interventions de cette journée festive et revendicative sont à retrouver ici : https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte

      En voici quelques extraits :

      « On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » - Sophie, Solidaires Étudiant·es : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=X0AKNOETmhU&feature=emb_logo



      « Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation » - Cendrine Berger, CGT FERC Sup : https://www.youtube.com/watch?v=cGpwIn4OfL4&feature=emb_logo


      « Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. » - Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France : https://www.youtube.com/watch?v=2xlWAZ-tz28&feature=emb_logo


      « On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation » - Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux : https://www.youtube.com/watch?v=EZT_U51rCgc&feature=emb_logo


      « Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. » - Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS : https://www.youtube.com/watch?v=iiZ--aR3IiY&feature=emb_logo

      Reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.07.2020

  • Les #E3C de monsieur #Blanquer : #Confusion, #Chaos, #Colère, ou l’école de la #défiance

    En #solidarité avec les lycéennes, les lycéens et tous les collègues du secondaire qui se mobilisent contre les #réformes_Blanquer.

    Douze cars de CRS tous gyrophares allumés à l’aube devant le lycée Basch de Rennes, contrôle des lycéens à l’entrée dans le lycée, intervention policière « musclée » (comme on dit pudiquement) à Rennes, à Nantes, à Libourne, à Paris… Est-ce un nouveau mai 68 ? Non, ce sont les « #Épreuves_communes_de contrôle_continu », dites E3C de Jean-Michel Blanquer.

    La présentation il y a plus d’un an des réformes voulues par le Ministre de l’Education Nationale a soulevé d’emblée bien des #inquiétudes : #différences_de_traitement des lycéens et lycéennes face à l’examen, #inégalités entre les territoires, installation d’une sorte de #bachotage permanent pendant dix-huit mois, lié aux modalités mal pensées d’un faux #contrôle_continu envahissant. C’est peu de dire que ces problèmes et ces risques maintes fois exposés n’ont trouvé ni écoute ni embryon de réponse au ministère de l’Education Nationale.

    Tout se passe comme on pouvait le craindre : les programmes de 1ère qui ne suivent plus ceux de seconde conduisent à une sorte de course infinie pour « rattraper » ce qui n’a pas été fait parce que non prévu, les conseils de classe ne réunissent plus tous les enseignants et toutes les enseignantes d’une classe puisque l’éclatement des spécialités et des options conduit les enseignants à accueillir le plus souvent des élèves de classes différentes (d’où par exemple la distribution des élèves d’une classe entre 4 ou 5 professeurs de la même matière selon les particularités de leur parcours). Surtout, l’#évaluation_permanente est désormais le principe organisateur de ces années de lycée pourtant si cruciales pour la formation des jeunes gens : en lieu et place de la réflexion critique fondé sur l’échange entre l’enseignant et ses élèves, l’enchainement infernal des #épreuves conduit les enseignants à faire le programme au pas de charge et les adolescents sont forcés à un #apprentissage_mécanique. Ils sont nombreux à raconter la situation d’#anxiété perpétuelle dans laquelle ils sont plongés.

    Tout cela a été annoncé et dénoncé. Tout cela est arrivé.

    Mais le pire était encore à venir.

    En effet, l’administration de l’Éducation Nationale de haut en bas - de son ministre, aux recteurs, aux inspecteurs et jusqu’aux proviseurs - s’est lancée dans une défense et illustration du bien-fondé de la réforme en cours au mépris de la réalité de ce qui se passe dans les établissements. Confusion, #précipitation et #opacité règnent en maîtresses dans l’organisation des premières épreuves de la réforme du Bac, les fameux E3C. Rien n’est respecté : ni le cadre chronologique des épreuves qui devrait être commun alors qu’elles sont étalées sur trois semaines —voire plus désormais puisque de nombreuses épreuves ont été reportées sine die, ni la gestion rationnelle des banques de sujet (certains sujets n’ont pas été retirés desdites banques et ont donc été redonnés quelques jours plus tard ailleurs, après avoir circulé sur internet !), ni l’identification d’un protocole commun pour le choix des sujets ou les corrections des épreuves, ni la logistique de ce qui est censé être une épreuve d’examen national : horaires fantasques, espaces impropres à un examen, absence de banalisation de la semaine concernée sont courants, à quoi s’ajoute le scannage extrêmement chronophage de copies en partie inutilisables.

    Face aux réactions de défiance ou de refus devant les E3C, réactions prévisibles et légitimes, chez de nombreux lycéens et lycéennes comme chez un grand nombre d’enseignant.e.s, la réponse apportée s’avère d’une dureté et parfois d’une #violence inouïes, au sens strict du terme, parfaitement étrangères aux coutumes de #gestion_des_conflits dans le second degré. Certains chefs d’établissement, après avoir interdit l’expression libre des lycéens et lycéennes au sein des établissements, ont appelé la #police pour rompre des blocus conduits par des adolescents ; des lycéens mineurs ont été placés en #garde_à_vue jusqu’à 35 heures sans justification, sans que leurs parents en soient prévenus ; certains ont été malmenés ; d’autres, après avoir été identifiés comme des « meneurs », ont été emmenés en minibus pour #comparution_au_rectorat sans être accompagnés par des professeurs ou des parents d’élèves ; à l’occasion, ceux qu’on accuse du #blocus n’ont pas le droit de repasser les épreuves et se retrouvent avec une note de 0/20 illégale (que les universitaires devront « oublier » au moment des évaluations sur ParcourSup) ; d’autres encore sont cadenassés dans leurs salles pour composer, alarme incendie désactivée, ou filtrés par les CRS à Rennes (les informations qui remontent des réseaux sociaux sont à cet égard concordantes et très alarmantes) ; des enseignant.e.s sont menacé.e.s de #rétorsions ; d’absurdes rappels à un devoir de #neutralité ou de « réserve » ont été adressés à des collègues du secondaire.

    Quel autre mot que « #répression », que beaucoup d’entre nous auraient trouvé naguère excessif, pour nommer ce qui se passe autour de la mise en place des réformes de M. Blanquer ?

    Dans ces circonstances, la tribune des « 50 chefs d’établissement parisiens » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/27/plus-de-cinquante-chefs-d-etablissements-scolaires-parisiens-demandent-que-c), publiée récemment dans un grand quotidien du soir, est une véritable provocation : rassemblés pour se plaindre des blocus de lycées et en appeler à des interventions plus fréquentes des forces de l’ordre en feignant de se soucier de la « fragilité » de certains de leurs élèves, et sans faire la moindre allusion aux raisons de la protestation ni même à ce que les réformes en cours font et feront subir justement aux plus fragiles, ces irresponsables, confits dans l’obéissance à leurs « supérieurs », manifestent la même propension à la surdité, à la morgue et à l’aveuglement qui règne actuellement au sommet de l’État.

    Cette situation nous concerne tous, de la maternelle à l’Université : ce qui est mis en jeu dans cette répression, ce sont les libertés propres à l’exercice de nos métiers, quel que soit l’âge de ceux et celles à qui nous transmettons des connaissances et des savoirs, c’est la nature même d’un service public de l’enseignement (et de la recherche) qui suppose à la fois d’articuler des droits et des devoirs, de réaffirmer constamment le rôle social de notre travail et de nourrir la tension éthique qui l’anime et le justifie. La solidarité avec nos collègues du secondaire relève de la défense partagée de ce qui nous est commun.

    Sauvons l’université !
    7 février 2020

    http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8640
    #lycée #lycées #France #bac_Blanquer

  • Unité et différences dans les insurrections de France et du Chili

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Unite-et-differences-dans-les-insurrections-de-France-et-du-Chili

    Lettre de Raoul Vaneigem aux insurgées et aux insurgés du Chili, pour faire suite à une demande de précision sur la notion de « bien public » (31 janvier 2020), suivie de « Réponse et nouvelles du Chili ».

    La France a occupé et continue d’occuper dans l’imaginaire des révolutions une place particulière. Elle est le pays où pour la première fois dans l’histoire une révolution a brisé l’immobilisme et l’obscurantisme qu’imposait la prépondérance d’une économie essentiellement fondée sur l’agriculture. Sa victoire n’a pas signifié le triomphe de la liberté, elle a seulement marqué la victoire d’une économie de libre-échange qui, très vite, a étouffé les aspirations à une vraie liberté.

    La vraie liberté, c’est la liberté vécue. Les philosophes des Lumières en avaient pris conscience. Les Diderot, d’Holbach, Rousseau, Voltaire en avaient gravé l’évidence dans la mémoire universelle, et avant eux les principaux penseurs de la Renaissance, Montaigne, La Boétie, Rabelais, Castellion (à qui l’on doit le propos « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme »).

    Bien que présente dans nombre de pays d’Europe, la lutte pour la liberté revêt en France une singulière acuité. Dès les XIe et XIIe siècles les insurrections communalistes se multiplient et s’intensifient. Elles ont pour but de libérer les villes de l’autorité tyrannique de la classe aristocratique, dont les revenus viennent principalement des paysans, des serfs qui travaillent leurs terres. (...)

    #Vaneigem #insurrections #unité #différences #bien_public #France #Chili #Gilets_jaunes #communalisme #révolution #Mai68 #émancipation #totalitarisme #Résistance #acquis #autogestion #radicalité #liberté

  • Paroles des femmes zapatistes lors de l’inauguration
    de la Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent

    EZLN

    https://lavoiedujaguar.net/Paroles-des-femmes-zapatistes-lors-de-l-inauguration-de-la-Deuxieme-

    Compañera et sœur,

    Nous sommes très contentes que tu aies pu arriver jusqu’à nos montagnes et, si tu n’as pas pu venir, nous te saluons aussi parce que tu es attentive à ce qui se passera ici lors de cette Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent.

    Nous savons bien que tu as souffert pour arriver jusqu’ici. Nous savons que tu as dû laisser ta famille et tes amis. Nous savons bien quel effort et quel travail tu as dû faire pour pouvoir te payer le voyage et venir de ta géographie jusqu’à la nôtre.

    Mais nous savons bien aussi que ton cœur est content car ici tu vas rencontrer d’autres femmes qui luttent.
    Peut-être que soudain cela t’aidera dans ta lutte d’écouter et de connaître d’autres luttes menées en tant que femmes que nous sommes.
    Que nous soyons en accord ou pas avec d’autres luttes et leurs manières et leurs géographies, à toutes, cela nous sert d’écouter et d’apprendre.
    C’est pour cela qu’il ne s’agit pas d’entrer en compétition pour voir quelle est la meilleure lutte ; l’idée, c’est de partager et de partager avec nous.
    C’est pour cette raison que nous te demandons de toujours respecter les différentes pensées et les différentes manières. (...)

    #zapatistes #femmes #lutte #EZLN #rencontre_internationale #bienvenue #différences #assassinats #patriarcat #capitalisme #guerre #autodéfense #solidarité #colère

  • #Retraites : le #Conseil_d'Etat étrille le #gouvernement

    Manque de « précision », projections économiques « lacunaires »... Dans son #avis rendu public ce vendredi, la plus haute juridiction administrative estime en outre ne pas avoir eu « les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la #sécurité_juridique ».

    Voilà qui ne va pas arranger les affaires du gouvernement. A peine a-t-il fait adopter ce vendredi en Conseil des ministres ses deux projets de loi destinés à créer un régime universel de retraite par points que le Conseil d’Etat, dans son avis (https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-un-projet-de-loi-organique-et-un-projet-de-loi-instituant-un-s) publié ce même jour dézingue la manière dont l’exécutif a bouclé ces deux textes qui doivent être examinés à partir du 3 février à l’Assemblée nationale. La majorité comptait dans les prochains jours s’appuyer sur l’imposante étude d’impact (plus de 1000 pages : https://www.liberation.fr/france/2020/01/24/travailler-plus-le-credo-social-douteux-du-gouvernement_1775134) pour enfin apporter des chiffres et convaincre du caractère « massivement redistributif » de cette réforme, elle va devoir, ces prochains jours, répondre aux mises en garde de la plus haute instance administrative française, pourtant peu connue pour sa rébellion…

    Cette fameuse « #étude_d’impact » ? Elle est jugée « insuffisante » pour « certaines dispositions », ne répondant pas « aux exigences générales d’#objectivité et de #sincérité » et manquant de « précision », pour notamment – et ce n’est pas rien – « vérifier que cette réforme est financièrement soutenable ». « Le Conseil d’Etat constate que les #projections_financières ainsi transmises restent lacunaires et que, dans certains cas, cette étude reste en deçà de ce qu’elle devrait être », peut-on lire dès les premières pages de l’avis. Et les conseillers de poursuivre : « Il incombe au gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du #projet_de_loi au Parlement, poursuivent les magistrats, en particulier sur les différences qu’entraînent les changements législatifs sur la situation individuelle des assurés et des employeurs, l’impact de l’âge moyen plus avancé de départ à la retraite […] sur le taux d’emploi des seniors, les dépenses d’assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux ». Rien que ça.

    Soufflante

    Par ailleurs, si les juristes se félicitent des longues « concertations » menées depuis le printemps 2018, ils regrettent l’« #urgence » des avis demandés aux différents organismes compétents en la matière et se couvrent en cas d’#inconstitutionnalité du texte. Selon eux, l’empressement du gouvernement à vouloir leur avis en trois semaines pour présenter ces projets de loi en Conseil des ministres cette semaine, ainsi que les nombreux ajouts en cours de route n’ont « pas mis à même (le Conseil d’Etat) de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l’examen auquel il a procédé ». « Cette situation est d’autant plus regrettable, poursuivent-ils, que les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du #contrat_social ». En langage juridique, c’est bel et bien une soufflante.

    Le Conseil d’Etat torpille au passage le #slogan_présidentiel (« chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous ») : cet « objectif […] reflète imparfaitement la complexité et la diversité des #règles_de_cotisation ou d’ouverture de #droits définies par le projet de loi ». Il doute également de la « #lisibilité » revendiquée par le gouvernement puisque « le choix d’une détermination annuelle de chacun des paramètres du système […] aura pour conséquence de limiter la #visibilité des assurés proches de la retraite sur les règles qui leur seront applicables ». Enfin, il raye carrément l’engagement que comptait prendre le gouvernement dans ce texte d’une promesse de #revalorisations des #enseignants et des #chercheurs pour qu’ils ne figurent pas dans le camp des perdants de cette réforme. « Sauf à être regardées, par leur imprécision, comme dépourvues de toute valeur normative, ces dispositions (sont) contraires à la #Constitution ». Au revoir…

    « Le projet de loi ne crée pas un régime universel »

    Autre risque constitutionnel : le trop-plein d’#ordonnances (29 en tout). « S’en remettre » à un tel instrument pour définir des « éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme », disent les juges. Plus embêtant encore pour le gouvernement, l’institution bat en brèche l’idée d’un grand soir de l’#universalité : « Le projet de loi ne crée pas un "#régime_universel de retraite" qui serait caractérisé, comme tout régime de #sécurité_sociale, par un ensemble constitué d’une population éligible unique, de règles uniformes et d’une caisse unique ». Aïe… Si le gouvernement crée bien le même système pour les salariés du public et du privé, il maintient à l’intérieur « cinq #régimes » (salariés ; fonctionnaires, magistrats et militaires ; salariés agricoles ; non-salariés agricoles ; marins) et « à l’intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus », il met en place des « #règles_dérogatoires à celles du système universel ».

    L’exécutif va donc devoir bien mieux « justifier » pourquoi il garde ces « #différences_de_traitement […] entre assurés relevant du système universel de retraite et rattachés, le cas échéant, à des régimes distincts ». En tout cas, les navigants aériens qui pensaient avoir sauvé leur caisse complémentaire pour financer des départs anticipés sont rattrapés par le #principe_d’égalité : elle « serait ainsi la seule à bénéficier d’une compensation apportée par les ressources du système universel afin de financer à l’avenir des avantages de retraites propres », fait remarquer le Conseil pour qui « aucune différence de situation ni aucun motif d’#intérêt_général ne justifi(e) une telle #différence_de_traitement ». Conclusion : « Elle ne peut être maintenue dans le projet de loi. »

    Le gouvernement pourra néanmoins se rassurer en se disant que le nouvel « #âge_d’équilibre » qu’il compte instituer, le fonctionnement « en #points » proposé, les durées de transitions définies, la fin des régimes spéciaux, les droits familiaux, les mécanismes de réversion ou encore les compétences offertes à la future « gouvernance » dirigée par les partenaires sociaux devraient – sauf surprises – passer sans problème le cut du #Conseil_constitutionnel. A condition de résister aux oppositions parlementaires qui, elles, vont se nourrir des arguments du Conseil d’Etat pour réclamer un report ou l’abandon de cette réforme.

    https://www.liberation.fr/france/2020/01/25/retraites-le-conseil-d-etat-etrille-le-gouvernement_1775182
    #retraite #constitutionnalité #justice

  • Éloge de la grève perpétuelle

    Louis

    https://lavoiedujaguar.net/Eloge-de-la-greve-perpetuelle

    Comment un mouvement social serait-il possible sans un élargissement sauvage du sens des choses et de l’existence, sans une rupture, un décloisonnement polysémique du sens courant ?

    Le temps est fini où le monde pouvait se lire sur une échelle binaire (gauche/droite, progrès/réaction, parlementarisme/autoritarisme, prolétariat/bourgeoisie, travail/capital, local/global, etc.) : la crise présente de la civilisation peut aussi se lire aujourd’hui transversalement dans toutes les strates de la société, même si leurs intérêts ne se confondent évidemment pas nécessairement. Bien mieux, cette crise de civilisation est précisément marquée, caractérisée, par l’incapacité désormais acquise de ces (anciennes) oppositions à rendre compte du réel actuel, mais d’un réel qui a également été effectivement construit sur ces oppositions, sur leurs développements pratiques et conceptuels dans le temps.

    Au lieu de chercher à classer les gens en amis et ennemis clairement identifiables en fonction de leur seule place dans la structure hiérarchique (même si celle-ci a aussi une incidence), il me semble plus sage et surtout plus efficace de chercher à voir en quoi chacun est (éventuellement) déchiré par ce conflit de civilisation, comment chacun vit dans le temps ces contradictions ressenties comme insolubles à des degrés divers, à quasiment tous les étages de la pyramide. (...)

    #civilisation #mouvement_social #conflit #enjeux #État #économie #marché #crise #monde #intelligence #politique #contradictions #égalité #différences #dépassement #maladie #capitalisme

  • Déclaration de la deuxième assemblée nationale
    du Congrès national indigène ★ Conseil indigène de gouvernement

    https://lavoiedujaguar.net/Declaration-de-la-deuxieme-assemblee-nationale-du-Congres-national-i

    Depuis la deuxième assemblée plénière du Congrès national indigène et du Conseil indigène de gouvernement [CIG], qui s’est déroulée du 11 au 14 octobre au Cideci-UniTierra à San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, nous nous adressons avec respect aux compañeras et compañeros qui font partie des réseaux de soutien au CIG, ainsi qu’aux peuples de ce pays et du monde afin de nous voir, de nous consulter et ainsi franchir de nouvelles étapes dans la construction de ce nouveau monde dont nous avons besoin.

    Nous le disons avec urgence, parce que nous qui sommes peuples originaires, au travers de notre lutte contre la grave maladie causée par le capitalisme, nous tissons la vie, car c’est le devoir que nous avons reçu de nos ancêtres. Celui-ci consiste, pour nous, à construire la vie et la faire croître dans chaque recoin avec espoir, un espoir qui parie sur la mémoire et sur les temps à venir. Nous tissons en collectif en tant que peuples, et au fil de ce travail, nous nous tissons aussi en tant que personnes.

    Nous sommes des réseaux au sein de nos localités, où nous cherchons en collectif à n’avoir qu’une seule parole qui soit le reflet de notre terre-mère, de sa vie et du battement de son cœur. (...)

    #Mexique #peuples_originaires #CNI #EZLN #gouvernement #autonomie #résistance #organisation #territoires #langues #différences

  • Le racisme anti-Blancs n’existe pas (Alain Policar, Libération)
    https://www.liberation.fr/debats/2018/10/22/le-racisme-anti-blancs-n-existe-pas_1687081

    Il va, certes, de soi que n’importe quel groupe humain est susceptible d’être #racialisé (perçu comme une race) et #racisé (soumis à des stigmatisations). Et il est indéniable que des insultes à caractère #raciste (parfois d’une insupportable violence) sont proférées à l’égard d’individus identifiés comme #Blancs. Ces événements sont pour l’essentiel limités à l’espace public. […] Une étude de l’Ined de janvier 2016 confirme que la population majoritaire ne déclare pas de #discriminations associées aux expériences de #racisme, que les réactions racistes sont peu nombreuses et ne se traduisent pas par des #préjudices matériels. Ainsi, le racisme explicite, qui vise les enfants d’#immigrés, est un racisme qui les discrimine en réduisant leur #accès_à_l’emploi et en dégradant leurs #conditions_de_travail, alors que le racisme visant la population majoritaire prend essentiellement (pas exclusivement) la forme d’insultes dans la rue ou les cours d’école.
    […]
    Bien qu’il existe des raisons pouvant conduire à nuancer la célèbre définition d’Albert Memmi, telle qu’elle est proposée dans la Nef en 1964, je pense souhaitable de partir de celle-ci : « Le racisme est la #valorisation, généralisée et définitive, de #différences réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses #privilèges ou son #agression. » Nous avons là une remarquable synthèse des éléments constitutifs du racisme : l’insistance sur des différences, réelles ou imaginaires, leur valorisation au profit du raciste, leur #absolutisation par la #généralisation et leur caractère définitif et, enfin, leur utilisation contre autrui en vue d’en tirer profit. #Catégorisation, #hiérarchisation et #discrimination.
    […]
    Le #rejet et l’#exclusion que peuvent subir les Blancs relèvent, pour l’essentiel, des #émotions, de la #colère, du #ressentiment. Les insultes, voire les violences, dont ils peuvent être #victimes sont-elles équivalentes aux discriminations à l’embauche ou au logement, lesquelles sont le reflet de pratiques structurelles concrètes ? Les insultes et les préjugés que des non-Blancs peuvent avoir envers des Blancs sont, certes, dommageables et peuvent considérablement blesser, mais ils ne sont pas #historiquement chargés et, surtout, ne viennent pas en complément d’un #traitement_social défavorable envers les Blancs parce qu’ils sont blancs. Les actes « anti-Blancs » ne correspondent pas à une #idéologie essentialisante qui pourrait la relier à un véritable racisme. Reni Eddo-Lodge a donc parfaitement raison d’insister sur la notion de racisme structurel, racisme dont la population majoritaire ne peut être victime. Le concept de racisme anti-Blancs n’a donc guère de sens dans une société où les Blancs ne subissent pas un racisme institutionnalisé et une discrimination sociale à dimension historique.

  • « Je ne suis pas féministe, mais... »

    Cet abécédaire, long entretien filmé de #Christine_Delphy avec Sylvie Tissot, explore en 26 lettres les concepts clefs de la théorie féministe (Genre, Travail domestique…) tout en revenant sur les épisodes de la vie de Delphy, ses rencontres et les événements historiques auxquels elle a participé. Il figure, avec le film Je ne suis pas féministe mais…, dans un coffret DVD. Nous souhaitons aujourd’hui le rendre accessible en intégralité au plus grand nombre. Le voici, de A comme Amitié à Z comme Zizi, qui rythmera, en feuilleton, le cours de votre été.

    http://lmsi.net/-Je-ne-suis-pas-feministe-mais,201-

    #féminisme #vocabulaire #mots #terminologie #film #dictionnaire

    • Bon, c’est plus pratique, alors je fais le taf de tout compiler.

      A comme Amitié
      Qu’est-ce que le féminisme a à voir avec l’amitié, et même avec l’amour ? Si le féminisme désenchante certaines relations, notamment les relations hétérosexuelles, il naît à la faveur de rencontres, joyeuses, intenses et créatrices. C’est ce dont témoigne Christine Delphy dans la première lettre, qui fait écho aux liens (entre sœurs, entre féministes, entre générations, souvent d’accord mais pas toujours) à l’origine de ce projet.
      https://vimeo.com/190077328

      B comme Beauvoir
      Dans une émission enregistrée en 1985, Christine Delphy, née pendant la seconde guerre mondiale, est invitée avec Simone de Beauvoir, auteure du Deuxième sexe publié en 1949, pour discuter de leur engagement féministe. Simone de Beauvoir fait partie des rencontres qui ont compté dans la trajectoire de Delphy et son soutien a été crucial pour les militantes du MLF. Comment s’est fait ce croisement de générations, ce passage de relais, et quelle forme exactement a pris ce soutien ?
      https://vimeo.com/191829142

      C comme Communautarisme
      Qu’est-ce que le communautarisme ? Ou plutôt de quoi parle-t-on quand on brandit le spectre du « communautarisme » ? Analyse d’un mot piège qui, comme l’« intégration », permet tout simplement de ne pas parler de racisme et d’incriminer ses victimes.
      https://vimeo.com/192669431

      D comme Désengagement
      Les contradictions font partie de l’expérience de toutes les féministes : être en couple et subir l’inégalité dans la répartition des tâches domestiques, avoir des enfants et s’éloigner des modes de vie alternatifs, etc. Que faire de ces contradictions et nous rendent-elles moins féministes ?
      https://vimeo.com/197268717

      E comme Enfant
      Le désir d’enfant n’a rien de naturel, mais l’obligation d’en avoir, pour une femme tout particulièrement, est très sociale.
      https://vimeo.com/198319954

      F comme Famille
      La famille, en distribuant des rôles à chacun et chacune de ses membres, crée des hiérarchies. Christine Delphy raconte comment elle a pris conscience dès l’enfance des inégalités entre les hommes et les femmes.
      https://vimeo.com/199863783

      G comme Genre
      Il est souvent reproché aux mouvements féministes et homosexuels d’abolir la différence des sexes, voire le sexe tout court. Les femmes et les hommes sont-ils si différents, et le cas échéant est-ce la nature ou le conditionnement social qui explique ladite différence ? C’est pour poser ces questions, et y répondre, que les féministes se sont emparées des concepts de sexe biologique, de sexe social, et de genre.
      https://vimeo.com/200877823

      H comme Harcèlement
      Christine Delphy revient ici sur l’affaire Anita Hill / Clarence Thomas, et plus largement sur les affaires de harcèlement sexuel et leur traitement, aux Etats-Unis et en France. L’occasion de déboulonner quelques clichés sur « le puritanisme américain » et la « culture française de la séduction »… et de souligner le déni français en la matière, et l’indigence des politiques publiques.
      https://vimeo.com/202398537

      I comme IVG
      Christine Delphy revient ici sur la rédaction, la publication et l’impact du « Manifeste des 343 » pour le droit à disposer de son corps, dont elle fut l’une des principales initiatrices.
      https://vimeo.com/205679327

      J comme Joie et Rabat-Joie
      Manque d’humour, autoritarisme, mocheté... Les féministes font face à de constantes stigmatisations, dont elles doivent toujours se défendre. Et avant tout, « elles n’aiment pas les hommes ». Comment comprendre ce lieu commun ?
      https://vimeo.com/207696763

      K comme Kilo
      Derrière les injonctions pesant sur les femmes (être mince sans l’être trop, sexy mais sans "faire pute"), se cache l’idée que leur corps doit toujours rester désirable et accessible aux hommes.
      https://vimeo.com/207696890

      L comme Libéralisme
      « Comment articulez-vous la lutte féministe à la lutte des classes ? Et d’ailleurs êtes-vous vraiment anti-capitalistes ? » : telles sont les questions auxquelles les féministes sont souvent sommées de répondre. Christine Delphy revient sur sa trajectoire politique et les relations conflictuelles qu’elles a entretenues avec les représentants auto-proclamés de la classe ouvrière.
      https://vimeo.com/208708456

      M comme Militant
      Christine Delphy revient sur l’amitié singulière que certains hommes militants portent aux féministes : soutien à la cause mais efforts soutenus pour la cadrer, et rappeler inlassablement aux femmes qu’elles ne sauraient, sans eux, s’émanciper correctement.
      https://vimeo.com/208709972

      N comme Non Mixité
      Le fait de se réunir entre elles, sans hommes, a permis aux militantes du MLF de respirer, de libérer leur parole, de mieux se comprendre, de réaliser leur commune condition et de réfléchir aux moyens de lutter. Delphy analyse ici comment la remise en question de la non mixité, parfois par les femmes elles-mêmes, peut relever d’un sentiment d’infériorité intériorisé.
      https://vimeo.com/212714658

      O comme Outre-Atlantique
      Dans ses analyses critiques des discours en France, Delphy montre que les États-Unis apparaissent souvent comme le grand repoussoir, notamment quand il s’agit de leurs luttes progressistes contre les discriminations.
      https://vimeo.com/215490856

      P comme Parité
      « J’étais bien pour les résultats de la parité, mais pas avec les argumentaires essentialistes ». Christine Delphy défend ici les politiques de parité homme femme au nom du principe simple de « l’action positive », affirmative action, connue – et décriée – en France sous le nom de « discrimination positive ».
      https://vimeo.com/215490901

      Q comme Questions féministes
      Fondatrice avec Simone de Beauvoir de la revue Questions féministes, parue entre 1977 et 1980, puis de Nouvelles questions féministes, qui parait depuis 1981, Christine Delphy a consacré de nombreuses années à l’animation et à l’organisation de ce travail collectif, à la fois scientifique et militant. Une double identité souvent mal acceptée...
      https://vimeo.com/217254245

      R comme Religion et engagement féministe
      Christine Delphy revient ici sur la loi de 2004 interdisant le voile dans les écoles publiques, une loi qu’elle qualifie de « loi d’exclusion », d’inspiration « néo-colonialiste ». L’occasion d’interroger aussi une « laïcité » trafiquée, et la singulière injonction à « s’habiller comme tout le monde ».
      https://vimeo.com/218672199

      R comme Religion et oppression des femmes
      Christine Delphy critique ici les tendances anti-religieuses qui se sont manifestées dans les campagnes « anti-voile », et plus largement l’idéalisme qui consiste à se focaliser sur des « idéologies » plutôt contre des « structures sociales ».
      https://vimeo.com/217909564

      S comme Sexe
      Le féminisme matérialiste et son indispensable analyse des mécanismes de domination sont-ils incompatibles avec les approches queer et l’attention qu’elles accordent aux formes individuelles de subversion ? Celles-ci nous font-elles forcément oublier les mécanismes structurels d’oppression ? Comment tenir compte, alors, des subjectivités, des désirs, des pratiques sexuelles ou des parcours identitaires qui – du changement de sexe pour les personnes trans au sexe tarifé par les travailleuses du sexe, en passant par le SM – suscitent de vifs débats chez les féministes ? Faut-il simplement les défendre comme des droits humains fondamentaux, faut-il les investir d’une signification politique ? Déclinée en 4 moments, la lettre S apporte une contribution à ces débats qui ne peuvent progresser qu’à condition d’affirmer un soutien résolu aux personnes discriminées et stigmatisées, et de donner la priorité aux alliances et aux espaces de rencontre plutôt qu’à l’exclusion.

      S comme Sexe et pouvoir
      Abolir le genre est l’horizon d’émancipation du féminisme matérialiste. Christine Delphy reproche à la théorie queer de l’abandonner, mais aussi d’occulter la dimension de pouvoir, tout particulièrement dans le domaine de la sexualité, où se déploie aussi la domination masculine.
      https://vimeo.com/228474271

      S comme Sexe tarifé
      Y a-t-il quelque chose de spécifique dans les relations de pouvoir qui se déploient dans la prostitution ? Christine Delphy revient sur un des ressorts de sa position abolitionniste : la volonté de soustraire la vie sexuelle et amoureuse des femmes aux relations de dépendance. Mais quelles sont les solutions concrètes ? Et si l’on veut « punir », comment le faire sans pénaliser les prostituées ?
      https://vimeo.com/226949098

      S comme Changement de sexe
      Moins travaillé par Christine Delphy que la question de la prostitution, le débat sur la question trans est abordé ici à travers l’articulation avec la question du genre et de son abolition. Les obstacles que rencontrent les transexuel-le-s pour changer de sexe, l’opprobre qu’ils et elles encourent pour questionner le caractère « naturel » des catégories « homme » ou « femme », n’ont-ils rien à voir avec ce que combat le féminisme ?
      https://vimeo.com/223011288

      S comme Hétéro-sexualité
      Christine Delphy revient sur l’évolution de sa position sur l’institution de l’hétérosexualité. Elle évoque le rôle des hétérosexuelles dans le mouvement féministe, regrettant qu’elles n’aient pas davantage compris que la répression de l’homosexualité était partie prenante de l’oppression des femmes, hétéros aussi.
      https://vimeo.com/219745359

      T comme Travail domestique - Mode de production domestique
      Le féminisme matérialiste qu’ont développé Christine Delphy, Colette Guillaumin et d’autres, met au coeur de l’analyse l’exploitation spécifique des femmes : pas seulement sur le marché du travail, mais aussi dans la sphère domestique. Christine Dephy explique ici la révolution théorique consistant, en dépit des résistances des marxistes mais avec certains outils du marxisme, à penser les femmes comme une classe.
      https://vimeo.com/225763092

      T comme Travail domestique et Famille
      Qu’est-ce qu’est exactement le travail domestique ? Pas seulement une liste de tâches – ce qu’on associe communément au travail ménager. C’est un travail effectué pour autrui, les hommes, et de façon non rémunérée, gratuite. Le féminisme matérialiste développe une nouvelle vision de la famille hétérosexuelle, où s’instituent des rapports de pouvoir. Cette analyse reste d’une grande pertinence aujourd’hui : même actives professionnellement, les femmes sont toujours tenues d’effectuer ce travail d’entretien du foyer.
      https://vimeo.com/223763647

      U comme Universalisme
      Dans son livre Un universalisme si particulier. Féminisme et exception française, Christine Delphy évoque la prétention très singulière des élites françaises à faire de leur pays une incarnation de l’universel et de l’universalisme, et souligne ce que cette prétention comporte d’arrogance – et souvent de racisme et de sexisme.

      V comme Viol
      Reprenant l’expression du journaliste Jean-François Kahn déclarant que l’« affaire DSK » était tout au plus « un troussage de domestique », Christine Dephy coordonne en 2011 un recueil de textes qui analysent le traitement médiatique de cette affaire en France. Elle revient ici sur le classisme, le racisme et le sexisme qui se sont exprimés à cette occasion, assimilant notamment le viol au libertinage. Elle explique aussi que l’accord entre Nafissatou Diallo et Dominique Strauss-Kahn suite au procès civil est, contrairement à ce qu’on affirmé les élites françaises, un aveu de culpabilité de ce dernier.
      https://vimeo.com/229813360

      W comme Wittig
      Christine Delphy revient ici sur la difficile acceptation de son homosexualité à la fin des années 50 et dans les années 60, notamment au sein de sa famille, puis sur les réactions suscitées, au sein du MLF, par la fondation du premier groupe non mixte de lesbiennes. Elle raconte enfin les formes de discriminations qu’elle a subies tout au long de sa carrière au CNRS.
      https://vimeo.com/236219888

      XY comme Différence des sexes
      L’idée d’une différence irréductible est l’argument ultime pour contrer ou relativiser les demandes d’égalité : les hommes et les femmes seraient par nature différents, et donc nécessairement conduits à occuper des rôles différents dans la société. Christine Delphy réfute ici ce faux argument.
      https://vimeo.com/237636887

  • Votez bien !
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2017/04/22/Votez-bien

    Pour moi, c’est déjà fait, puisque j’ai voté ce matin (eh oui, on votait samedi ici aux USA), et que ça m’a hachement fait plaisir de remplir mon devoir civique et de voir foule : il y a cinq ans, à peu près à la même heure, ça ne s’était pas bousculé au portillon du lycée où je votais.

    Dans quinze jours, je prévois même d’y aller plus tôt, si possible. J’ai un bon bout de route à faire, puisque mon village est au milieu de nulle part, et certainement pas à proximité d’une vaste communauté française.

    C’est toujours un peu surréaliste de se retrouver en terrain « connu » culturellement, avec des codes inconnus des américains, dès que je me retrouve au milieu de français uniquement. Rien que de me faire appeler « madame » me ferait presque oublier de sourire comme on le fait ici quand on est en public. Il y a un (...)

    #Tronches_de_vie #différences_culturelles #droits_civiques #elections #presidentielles

  • Le déjeuner loupé
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2016/12/11/Le-dejeuner-loupe

     

    Non, je ne parle pas du repas qui se sera tenu quelque part ailleurs réunissant autour d’un couscous ma famille à laquelle je n’aurai pas manqué de penser tendrement.

    Ce que vous diront tous les expatriés aux USA à propos de la camaraderie américaine, c’est qu’il y a plus qu’un océan qui nous sépare quand il s’agit de forger des relations amicales qui comptent dans une vie. Cela peut être attribué, bien sûr, aux #amitiés tardives, toujours plus difficiles à établir quand les rencontres se font plus autour des activités et par conséquent sont marquées du sceau d’un certain cloisonnement (club sportif, communauté religieuse, enfants scolarisés, accidents de la vie, maladies, engagement politique, collègues professionnels, partenaires), mais pas seulement.

    Il y a aussi la très grande mobilité américaine (...)

    #West_Side_Stories #différences_culturelles #petits_bonheurs

  • Mon action de grâce
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2016/11/24/Mon-action-de-grace

     

    Aujourd’hui, jeudi 24 novembre 2016, ce quatrième jeudi du mois de novembre est le jour de l’Action de Grâces aux Etats-Unis, le pays où je réside depuis plus de dix-huit ans, presque plus longtemps que la vie de certains de mes lecteurs.

    Ce qui fait de moi, pour la plupart, une américaine, certes, une franco-américaine, même si je n’ai pour l’instant qu’un seul passeport.

    Parce que j’ai élevé mes deux enfants ici, j’ai adopté une culture qui n’était pas la mienne, et cela fait de moi cet être étrange et hybride, à cheval entre deux mondes, l’ancien et le nouveau, tous deux faits de points communs bien sûr, mais surtout de dissimilitudes qui si elles ne frappent pas à première vue sont souvent irréconciliables comme deux lignes qui ne peuvent se rencontrer que si on leur donne une autre (...)

    #Divers #bloguer #différences_culturelles #gratitude #petits_bonheurs #Thanksgiving

  • Sit-in pour un vote
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2016/06/22/Sit-in-pour-un-vote

    photo : twitter @RepEsty

     

    Les représentants à la chambre US sont en sit-in à l’heure à laquelle j’écris, pour exiger que des actions concrètes soient votées pour limiter l’accès aux armes aux personnes qui font partie de la liste d’interdits de vol (sur les avions, pas de cambriolage). Depuis le début de la semaine, les obstructions aux votes sur les amendements proposés pour permettre de combler des trous légaux qui rendent l’accès aux armes bien trop facile pour des personnes déjà identifiées comme suspectes, notamment par le FBI, se sont multipliées (quatre amendements divers et variés ont été repoussés).

    Il faut comprendre que la majorité parlementaire est aux Républicains, mais certains sont prêts à soutenir des restrictions proposées, notamment parce que la majorité de leurs électeurs les souhaitent (...)

    #West_Side_Stories #différences_culturelles #législation_sur_les_armes #politique

  • Les expats
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2016/05/20/Les-expats

    photo du domaine public trouvée sur Pixabay

    Une journée au temps de saison, magnifique, il y avait longtemps qu’elles n’étaient pas là, ces belles journées à la température idéale.

    Et pourtant. Pour moi, elle aura été marquée sur le plan professionnel par une avalanche de ces demandes auxquelles je ne peux que répondre en faisant de mon mieux pour rester gracieuse (eh ! ce sont des clients, ils sont les rois ! les rois des emmerdeurs, mais les rois quand même !) et sur le plan personnel par un nouvel enterrement, celui de la mère de l’une des premières amies que je me suis faite ici en arrivant aux USA.

    Alors, comme vraiment, ce ne sont pas deux sujets à #petits_bonheurs, je les mets en retrait pour ne mettre en avant que ces deux choses à partager avec vous, qui proviennent toutes les deux de mon (...)

    #West_Side_Stories #différences_culturelles