• A Ankara, Ursula von der Leyen fait les frais d’une faute sexiste de protocole
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/07/a-ankara-ursula-von-der-leyen-fait-les-frais-d-une-tres-sexiste-faute-de-pro

    Le boys club en action.

    La scène, filmée à l’occasion de la visite à Ankara, mardi 6 avril, d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et de Charles Michel, son homologue au Conseil européen, largement diffusée sur les réseaux sociaux, laisse songeur.

    On y voit le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et l’ancien premier ministre belge s’installer, tout sourire, sur deux fauteuils préparés pour la réunion, flanqués des drapeaux européen et turc. Au même moment, l’ex-ministre allemande de la défense est toujours debout, manifestement interloquée, en découvrant que les deux hommes n’ont pas prévu qu’elle rejoigne leur cercle.

    On l’entend dire « hum », sans que cela suscite la moindre réaction de ses interlocuteurs masculins. Finalement, Ursula von der Leyen s’est assise sur un canapé beige, en retrait des deux hommes et en face du ministre turc des affaires étrangères.

    « La présidente von der Leyen a été surprise. Elle a décidé de passer outre et de donner la priorité à la substance sur le protocole. Mais cela n’implique pas qu’elle n’accorde pas d’importance à l’incident », a commenté, mercredi, son porte-parole, Eric Mamer.

    #Féminisme #Machisme #Diplomatie #Bande_de_tarés

  • En Corée du Nord, le Covid-19 pousse les diplomates étrangers à l’exode
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/06/en-coree-du-nord-le-covid-19-pousse-les-diplomates-etrangers-a-l-exode_60757

    Si la raison de l’annulation par la Corée du Nord de sa participation aux Jeux olympiques de Tokyo, annoncée mardi 6 avril, est bien le risque de contagion par le Covid-19, cette décision témoigne de la hantise du régime de voir se propager la pandémie sur son sol. Une hantise qui se traduit par des mesures draconiennes, conduisant les diplomates étrangers et les représentants des organisations humanitaires à déserter Pyongyang.
    Dans un message sur sa page Facebook, publié jeudi 1er avril, l’ambassade de Russie en République populaire démocratique de Corée (RPDC) révèle que la grande majorité des représentations diplomatiques dans la capitale nord-coréenne ont temporairement fermé.Seulement neuf ambassadeurs et quatre chargés d’affaires restent en poste. Les deux ambassades de Chine et de Russie, de loin les plus importantes en RPDC, ne sont pas exemptes du départ de leur personnel en raison des « restrictions sans précédent frappant la vie quotidienne ». « Un exode collectif qui risque de se poursuivre », ajoute l’auteur du message, qui illustre ses propos de photographies d’une douzaine d’ambassades fermées. Une rare critique directe de la RPDC par l’ambassade russe – dont il est difficile de penser qu’elle n’a pas l’aval de Moscou – et qui témoigne de la détérioration de la situation interne en RPDC.
    Contrôle accru sur la population

    Les ambassades d’Allemagne et du Royaume-Uni ainsi que le bureau de représentation français à Pyongyang avaient fermé temporairement dès mars 2020, peu après que la RPDC se soit claquemurée. Les gardes-frontières auraient reçu l’ordre de tirer à vue sur toute personne essayant d’entrer clandestinement en RPDC. Air Koryo, la compagnie aérienne nord-coréenne, qui a suspendu ses vols pour la Chine et pour Vladivostok (Russie), ne les a jamais repris.Le régime est hanté par le risque d’une contagion par le Covid-19 qui, en raison du délabrement du système sanitaire, décimerait la population. Pyongyang proclame n’avoir aucun cas de contamination, non sans susciter le scepticisme des experts. Du moins, s’il y a eu des cas, en particulier dans la région frontalière avec la Chine, la contagion semble contenue. Mais au prix d’un contrôle accru sur la population qui n’est pas sans rappeler la situation lors de la famine de la seconde partie des années 1990, estime Lina Yoon, chercheuse pour l’ONG Human Rights Watch.Selon le message de l’ambassade de Russie sur sa page Facebook, il ne reste que 290 étrangers à Pyongyang qui bravent la « détention corona ». Déjà compliquées en temps normal du fait de la restriction de mouvement en dehors d’un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de Pyongyang, les activités des ressortissants étrangers dans la capitale ont été encore réduites par les contrôles de sécurité sanitaire. Selon le message de l’ambassade de Russie sur Facebook, ils sont en outre confrontés à une « pénurie aiguë de denrées de première nécessité et des médicaments » en raison du quasi-arrêt des importations.
    En février, n’y tenant plus, des diplomates russes et leur famille ont effectué un périple de trente-deux heures en train pour rejoindre le port de Chongjin, dans le nord-est du pays, où se trouve un consulat russe, puis gagner l’étroite frontière avec leur pays, qu’ils ont franchie en poussant un chariot utilisé pour la réparation des rails, sur lequel avaient pris place épouses et enfants avec les bagages. Un trajet d’un kilomètre sur la voie ferrée traversant le fleuve Tumen qui sépare les deux pays.Les diplomates ne sont pas les seuls à avoir quitté la RPDC : c’est également le cas du personnel des missions onusiennes et des représentants des organisations humanitaires présentes à Pyongyang en raison, d’une part, des restrictions à leurs activités, qui affectent leurs capacités opérationnelles et, d’autre part, la crainte d’être bloqués en RPDC en cas de renforcement des mesures de fermeture du pays. Depuis mars, les organismes des Nations unies n’ont plus aucune équipe étrangère en RPDC.

    #Covid-19#migrant#migration#coredunord#sante#exil#diplomate#humanitaire#frontiere

  • Covid-19 : Israël « achète la bonne volonté » de pays alliés avec ses surplus de vaccins
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/25/israel-achete-la-bonne-volonte-de-pays-allies-avec-ses-surplus-de-vaccins-an

    Mercredi, M. Nétanyahou a rappelé que plus de 5 millions d’Israéliens ont déjà été vaccinés et que l’ensemble de sa population adulte (6,2 millions) pourrait l’être d’ici quelques semaines. Le premier ministre estimait que son pays disposait de stocks « plus que suffisants » et pouvait se permettre de réduire ceux constitués auprès du laboratoire Moderna.Le ministre de la défense, Benny Gantz, a réagi en déplorant que M. Nétanyahou ne l’ait pas consulté au préalable et n’ait pas réuni le cabinet de sécurité. « Le fait que Nétanyahou vende, sans en répondre, les vaccins qui appartiennent aux citoyens d’Israël, lesquels les ont payés avec leurs impôts, montre qu’il pense diriger un royaume plutôt qu’un Etat », dénonçait-il. On ignore si le laboratoire Moderna a été consulté.
    L’Autorité palestinienne (AP) s’est, quant à elle, vu promettre 5 000 doses par Israël, qui en a déjà livré un ou deux milliers. Elle a également reçu de Moscou 10 000 doses du vaccin Spoutnik V et compte sur le système Covax de l’Organisation mondiale de la santé. Un rival du président Mahmoud Abbas, Mohammed Dahlan, a par ailleurs fait livrer cette semaine 20 000 doses des Emirats arabes unis, où il vit en exil, dans la bande de Gaza, par le biais de l’Egypte. Mais ces arrivages ne peuvent assurer l’injection des deux doses aux quelque 25 000 travailleurs de santé en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Israël estime que rien ne l’oblige légalement à combler cet écart, renvoyant l’AP à sa responsabilité en matière de santé, selon les accords d’Oslo. Mais cette situation pose un problème moral autant que d’image. A tout le moins, elle inquiète les autorités sanitaires israéliennes, nombre d’experts faisant valoir que le pays et les territoires occupés forment un écosystème sanitaire uni. Une immunité de masse pourrait ne pas être obtenue en Israël si la Cisjordanie demeure exclue – à l’exception notable des colonies.
    Israël prend la mesure de cette situation en prévoyant, selon la presse, de vacciner une partie des 120 000 travailleurs palestiniens qui franchissent le mur de séparation quotidiennement. Pendant la première vague de contaminations, en mars 2020, leur circulation avait été bloquée. Mais, durant la deuxième vague, à l’été, nombre d’Arabes israéliens avaient contourné le confinement en se rendant dans des centres commerciaux et des restaurants ouverts dans les territoires. Depuis un an, les allers-retours sont demeurés constants entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie.

    #COvid-19#migrant#migration#israel#gaza#cisjordanie#sante#vaccination#ecosystemesanitaire#politique#frontiere#circulation#diplomatiesanitaire

  • La #convention de #mécénat de la licence #BNP de #PSL enfin dévoilée

    Le collectif PSL contre-attaque, formé à l’origine en opposition à l’ouverture du #diplôme « #Sciences_pour_un_monde_durable » en 20191, a obtenu la convention de mécénat liant l’université PSL (#Paris_Sciences_et_Lettres) et la banque #BNP_Paribas, dans le cadre du financement de cette formation niveau #licence.

    Depuis les débuts de cette formation sur le développement durable financée par la BNP Paribas, pollueur de renom, PSL clamait que la convention qui la liait à la BNP était un document confidentiel. La direction de PSL en avait même refusé l’accès aux élu·es du Conseil d’administration ! Après plusieurs demandes restées sans réponse, PSL contre-attaque a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui nous a donné raison. PSL n’avait alors toujours pas communiqué la convention, et le collectif avait donc commencé un recours au tribunal administratif. Finalement, PSL nous a enfin envoyé la convention avec la BNP !

    Voici les éléments saillants de la convention ainsi que les doutes qui subsistent encore.

    • Le mépris du droit. PSL s’engage à être libre de « tout engagement qui l’empêcherait de signer le présent accord », au mépris de la loi qui prévoit que ce genre de document est public.

    • L’obsession de la #confidentialité. Sur les sept pages de la convention, une page complète est dédiée à la confidentialité. On comprend d’ailleurs mieux que PSL rechigne à fournir la convention quand on voit que la BNP se réserve le droit de résilier la convention, et de cesser le paiement en cas de divulgation de la convention !

    • La BNP Paribas ne s’engage à payer que de 2019 à 2024. Que deviendra la licence quand la source de financement s’arrêtera ? De plus, la convention est très peu contraignante pour la BNP, qui peut également rompre ses engagements sans gros dommages.

    • La clause de #protection_de_l’image de la BNP (article 7.3) : PSL s’engage à « ne faire aucune déclaration ni commentaire public susceptible de porter atteinte à l’image ou à la réputation du mécène ». Ce paragraphe très critiqué lors de la première version de la convention est assorti d’une mention qui protège la #liberté_pédagogique. Nous voilà rassuré·es. Néanmoins, prenons le problème autrement : pourquoi PSL accepte-t-elle de se bâillonner ? Comment former correctement au changement climatique sans parler des responsables, qui financent les énergies fossiles depuis des décennies et refusent d’en sortir malgré la catastrophe climatique à venir ?

    • Le « comité de suivi et d’information », comportant des membres de la BNP à 50 %, et dont le rôle est de « garantir les orientations stratégiques du projet ». Face au tollé suscité par l’ingérence de la BNP dans le contenu de la formation, PSL et la BNP se sont payées de mots en assurant que le comité ne jouera pas de rôle pédagogique et académique. Décider des orientations stratégiques d’une licence, sans jouer de rôle académique ou pédagogique, cela ne va pas de soi !

    • Le montant apporté par la BNP n’a pas été communiqué ; cependant, on peut l’estimer à environ 8 millions d’euros sur 5 ans.

    • La présence d’autres mécènes : les informations à disposition sont contradictoires. Dans une interview récente au Monde4, Alain Fuchs, le président de PSL qui a chapeauté la création de cette formation, prétend que d’autres mécènes sont présents (#Foncia et #Engie). Il l’a aussi affirmé en Conseil d’administration de PSL. Cependant, dans un courrier relatif à nos démarches pour accéder aux conventions, #Alain_Fuchs indiquait à propos des #conventions_de_mécénat : « Il n’en existe qu’une à ce jour ». Ces conventions ne nous ont pas été communiquées, alors que la CADA nous a donné raison pour obtenir ces documents s’ils existent.

    Pour la présence d’autres mécènes, comme pour les autres points cités, la direction de PSL donne des informations obscures, tient un double discours et se tient parfois à la limite de la légalité.

    La convention de mécénat peut être consultée dans son intégralité sur ce fil Twitter ou ci-dessous.

    https://academia.hypotheses.org/31013
    #green-washing #BNPSL #privatisation #financement #université #France #facs

  • En Ethiopie, la France partagée entre business et défense des droits humains

    Pillages, possibles crimes de #guerre, destructions de sites historiques : les témoignages en provenance du #Tigré, province en guerre depuis le 4 novembre, sont très inquiétants. La France reste pourtant discrète, et espère préserver ses chances sur un marché prometteur.

    L’ambassadeur a un échange « constructif » avec le ministre de l’éducation, l’ambassadeur a un échange « productif » avec le conseiller spécial du premier ministre sur les questions économiques, l’ambassadeur est « très honoré » de recevoir le ministre de l’énergie pour évoquer la participation française à plusieurs grands projets… Sur les réseaux sociaux de l’ambassade de France à Addis-Abeba, c’est #business_as_usual.

    Pour qui suit au quotidien le calvaire des habitants du Tigré – région où l’armée éthiopienne et ses alliés sont en guerre depuis le 4 novembre –, les photos de ces rencontres policées dans la capitale, où l’on discute #qaffaires, lovés dans de confortables canapés, semblent prises dans un monde parallèle.

    Loin, très loin, d’un Tigré littéralement à feu et à sang, où plus de deux millions de personnes ont dû fuir leur habitation, où l’on manque d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments, où il est probable que la famine soit utilisée comme arme de guerre par les belligérants et où les humanitaires peinent toujours à accéder alors que 2,3 millions de personnes auraient besoin d’aide, selon les évaluations des ONG.

    Les affrontements y opposent le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à l’armée fédérale éthiopienne, soutenue par des milices nationalistes amhara et des troupes érythréennes.

    « Nous recevons des rapports concordants à propos de violences ciblant certains groupes ethniques, d’assassinats, de pillages massifs, de viols, de retours forcés de réfugiés et de possibles crimes de guerre », a indiqué le 15 janvier le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell, qui a annoncé par la même occasion la suspension de 88 millions d’euros d’aide destinée au gouvernement éthiopien.

    Dès le 13 novembre, la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet évoquait elle aussi de possibles crimes de guerre et appelait à la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour le vérifier. À la veille de sa prise de fonction, le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est lui aussi inquiété publiquement de la situation.

    Une voix manque cependant à ce concert d’alertes : celle de la France. Le Quai d’Orsay n’a produit qu’un seul communiqué concernant le Tigré, le 23 novembre 2020. Il tient en quatre phrases convenues sur la dégradation de la situation humanitaire et la condamnation des « violences à caractère ethnique ». Exploit diplomatique, le mot « guerre » n’y apparaît pas ; celui de « crimes de guerre » encore moins. Il ne comporte ni interpellation des belligérants – qui ne sont d’ailleurs même pas cités –, ni appel à une enquête indépendante sur d’éventuelles violations des droits humains. Les mêmes éléments de langage étaient repris trois jours plus tard à l’occasion de la visite en France du ministre des affaires étrangères éthiopien Demeke Mekonnen.

    « Gênant, au minimum »

    Cette étrange pudeur française commence à interroger, voire à agacer certains alliés européens ainsi que nombre de chercheurs spécialisés sur l’Éthiopie – qui s’emploient, depuis deux mois et demi, à récolter les bribes d’informations qui parviennent du Tigré malgré la coupure des communications par les autorités.

    « J’ai des échanges réguliers avec l’#ambassade_de_France à Addis-Abeba depuis novembre. Je les ai questionnés sur leur position vis-à-vis du gouvernement éthiopien, et je les ai sentis très embarrassés », raconte le chercheur indépendant René Lefort, pour qui la #complaisance française vis-à-vis du gouvernement d’Abiy Ahmed Ali est incompréhensible : « Je crois qu’ils ne comprennent pas ce qu’est ce pays et ce qui s’y passe. »

    Au-delà des questions morales posées par le fait d’apporter un soutien tacite à un gouvernement qui a couvert ou laissé faire des violations des droits humains au Tigré, le soutien à #Abiy_Ahmed est une erreur d’analyse politique selon René Lefort : « Les Français parient tout sur lui, alors que son autorité personnelle est faible et que sa ligne politique n’est soutenue que par une minorité d’Éthiopiens. »

    La réserve française est en tout cas interprétée par l’armée fédérale éthiopienne et ses alliés comme un soutien de Paris. Le sociologue Mehdi Labzae était au Tigré, dans la région d’Humera, jusqu’à la mi-décembre : « Dans les zones conquises par les nationalistes amhara, se présenter comme Français facilite les relations avec les combattants, qui considèrent le gouvernement français comme un allié. Les déclarations françaises, ou leur absence, laissent penser que la réciproque est vraie », relève le chercheur, post-doctorant à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH). « Avec un ambassadeur à Addis qui fait comme si de rien n’était… Je trouve cela gênant, au minimum. »

    Selon une source diplomatique étrangère, la France ne se contente pas de rester discrète sur la situation au Tigré ; elle freine également les velléités des membres de l’Union européenne qui voudraient dénoncer plus ouvertement l’attitude des autorités éthiopiennes et de leurs alliés érythréens. Une attitude « parfois frustrante », déplore cette source.

    Interrogée par Mediapart sur cette « frustration » de certains alliés européens, l’ambassade de France à Addis-Abeba nous a renvoyé vers le Quai d’Orsay, qui n’a pas répondu sur ce point (voir boîte noire).

    Refus de répondre sur la création d’une commission d’enquête

    À ses partenaires européens, mais aussi aux chercheurs et humanitaires avec qui ils échangent, les services diplomatiques français expliquent que les accusations d’exactions visant l’armée éthiopienne et ses alliés ne « sont pas confirmées ». Il en va de même concernant la présence de troupes érythréennes sur place – cette présence a pourtant été confirmée à la fois par les autorités de transition du Tigré et par un général de l’armée éthiopienne.

    Une position difficilement tenable. D’abord parce que le gouvernement éthiopien empêche, en bloquant les communications avec le Tigré et en limitant l’accès des humanitaires, la récolte de telles preuves. Ensuite parce que, malgré ce blocus, les faisceaux d’indices s’accumulent : « Nous avons des informations qui nous viennent des ONG, d’équipes des Nations unies qui parlent off the record, de citoyens européens qui se trouvent toujours au Tigré ; nous avons aussi des listes de victimes, et de plus en plus de photos et vidéos », autant d’informations auxquelles l’ambassade de France a eu accès, explique un diplomate en poste à Addis-Abeba.

    La position française est difficilement tenable, enfin, parce que si elle tenait tant aux faits, la France ne se contenterait pas de refuser de condamner les crimes tant qu’ils ne sont pas « confirmés » : elle plaiderait pour la création d’une commission d’enquête indépendante qui permettrait, enfin, de les établir et de pointer les responsabilités respectives du TPLF, de l’armée éthiopienne et de ses alliés.

    Paris est dans une position idéale pour le faire, puisque la France vient d’être élue pour siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies durant trois ans. Elle pourrait donc, aux côtés d’autres États membres, demander une session extraordinaire du Conseil sur l’Éthiopie (l’accord d’un tiers des 47 États qui composent le Conseil est nécessaire) qui déciderait de la création d’une commission d’enquête sur le Tigré.

    Or, interrogé par Mediapart sur son soutien à la création d’une telle commission, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité répondre (voir boîte noire). Il assure avoir « appelé à plusieurs reprises les autorités éthiopiennes à faire la lumière sur les allégations de crimes et autres violations des droits de l’homme », sans toutefois préciser par quel canal.

    Hypothétique médiation

    Lors d’entrevues en privé, des diplomates de l’ambassade et du Quai d’Orsay assurent que cette absence de #dénonciation publique est volontaire et stratégique. Elle viserait à ne pas froisser le gouvernement éthiopien publiquement afin de « maintenir un canal de communication » pour mieux le convaincre en privé et, éventuellement, jouer un rôle de médiateur pour trouver une issue au conflit.

    « Des diplomates français m’ont dit, en résumé : “On reste discrets parce que si un jour il y a une #médiation à faire, le gouvernement pourrait se tourner vers nous” », indique René Lefort. Une analyse « totalement erronée », selon le chercheur : « Non seulement [le premier ministre] Abiy Ahmed Ali ne veut absolument pas d’une médiation, mais surtout, même s’il en acceptait le principe, je ne vois pas pourquoi il irait chercher la France plutôt que les États-Unis, l’Union européenne ou encore l’ONU. » Accessoirement, même si le gouvernement éthiopien souhaitait que la France soit médiatrice, il n’est pas dit que son principal adversaire, le TPLF, accepte le principe d’une médiation par un État qui a passé les derniers mois à multiplier les signes d’amitié envers Addis-Abeba et pourrait donc difficilement prétendre à la neutralité.

    Un (quasi-) #silence public pour mieux faire avancer les dossiers en privé : l’hypothèse est également avancée par l’ancien ambassadeur français en Éthiopie Stéphane Gompertz. « Il est possible que nous privilégions l’action en coulisses, qui peut être parfois plus efficace que de grandes déclarations. C’est d’ailleurs généralement l’option privilégiée par la #diplomatie française. » À l’appui de cette idée, l’ancien ambassadeur – qui fut aussi directeur Afrique au Quai d’Orsay – évoque des tractations discrètes mais couronnées de succès menées en 2005 afin de faire libérer des figures d’opposition.

    Si telle est la stratégie française actuellement, ses résultats sont pour l’instant peu concrets. Le quasi-silence français semble en réalité avoir d’autres explications : ne pas gâcher l’#amitié entre Emmanuel Macron et le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali et, surtout, ne pas compromettre les #intérêts_commerciaux français dans un pays vu comme économiquement prometteur et politiquement stratégique.

    Lune de miel

    Lors de sa nomination en 2018, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali fait figure d’homme de paix et de chantre de la démocratie. Ses efforts de réconciliation avec l’Érythrée voisine lui valent le prix Nobel de la paix ; ses réformes sur la liberté de la presse ou la libération de prisonniers politiques lui attirent l’estime de nombreux chefs d’État étrangers.

    Est-ce une affaire de style ? Le fait qu’ils soient tous les deux jeunes, étiquetés comme libéraux, revendiquant une certaine manière de casser les codes ? Emmanuel Macron et Abiy Ahmed semblent en tout cas particulièrement s’apprécier. L’anecdote veut que lors d’une visite de #Macron à Addis-Abeba en 2019, Abiy Ahmed ait tenu à conduire lui-même la voiture amenant le président français à un dîner officiel.

    Lorsque le premier ministre éthiopien a pris ses fonctions, « les Allemands, les Français, l’UE, tout le monde a mis le paquet sur les aides, tout le monde s’est aligné sur lui. Sauf que, le temps passant, le malaise a grandi et la lune de miel a tourné au vinaigre, analyse une source dans les milieux économiques à Addis-Abeba. Les autres États ont rapidement déchanté. Pas les Français, pour qui la lune de miel a continué. »

    De fait, la transformation du Prix Nobel en chef de guerre ne semble pas avoir altéré sa belle entente avec le président français. Deux semaines après le début des hostilités au Tigré, et alors qu’Abiy Ahmed s’apprêtait à lancer un assaut « sans pitié » sur la ville de Mekele et ses 400 000 habitants, #Emmanuel_Macron qualifiait le premier ministre éthiopien de « role model ». Quelques semaines plus tard, toujours engagé dans ce conflit, Abiy Ahmed Ali trouvait le temps de souhaiter un prompt rétablissement à son « bon ami » Macron, atteint du Covid.

    Pour cette source, le facteur économique et commercial est essentiel : « Les Français sont restés très positifs parce qu’ils se positionnent clairement sur le secteur économique en Éthiopie : ils n’ont pas d’intérêt politique fort, ça n’est pas leur zone d’influence. Mais les #intérêts_économiques, eux, sont importants et sont grandissants. C’est potentiellement un #marché énorme. »

    Marché jugé prometteur

    Pour le conquérir, Paris a employé les grands moyens. En mars 2019, Emmanuel Macron s’est rendu en Éthiopie avec le ministère des affaires étrangères #Jean-Yves_le_Drian et sept patrons français pour y signer une flopée d’#accords visant à « promouvoir l’#attractivité de l’Éthiopie auprès des #investisseurs_français ».

    Les entreprises françaises intéressées par ce marché en voie de #libéralisation ne sont pas des moindres : #Orange (qui compte bien profiter de la privatisation de la compagnie nationale #Ethio_Telecom), le groupe #Castel (qui à travers sa filiale #BGI détient déjà 55 % des parts du marché de la #bière), #Bollore_Logistics ou encore #Canal+, qui compte développer une offre de #télévision locale.

    Les #intérêts_commerciaux français sont nombreux et variés. La #modernisation du #réseau_électrique éthiopien ? #Alstom (36 millions d’euros en 2011). La fabrication des #turbines de l’immense #barrage_hydroélectrique de la Renaissance ? Alstom encore (250 millions d’euros en 2013), qui désormais lorgne sur des projets ferroviaires. Le #bus « à haut niveau de service » qui desservira la capitale éthiopienne ? Les Français de #Razel-Bec (la filiale travaux publics du groupe #Fayat), qui ont remporté le marché en 2020.

    Peu après sa prise de poste, en octobre, l’ambassadeur français #Rémi_Maréchaux se félicitait : « Le nombre d’#entreprises_françaises en Éthiopie a doublé en cinq ans. Nous sommes prêts à travailler ensemble pour davantage d’investissements français. »

    #Contrats_militaires

    Dernier domaine stratégique pour les Français : la #coopération_militaire et les ventes d’#armes. Le dossier était en haut de la pile lors de la visite d’Emmanuel Macron en 2019. La ministre #Florence_Parly, qui était également du voyage, a signé un #accord_de_défense avec son homologue éthiopienne ainsi qu’une lettre d’intention « pour la mise en place d’une composante navale éthiopienne avec l’accompagnement de la France ».

    Une aubaine pour les fabricants d’armes et d’#équipements_militaires français, qui n’ont pas tardé, selon la presse spécialisée, à se manifester pour décrocher des contrats. Parmi eux, #Airbus, qui aimerait vendre des #hélicoptères de combat à l’Éthiopie. Le groupe a pu compter pour défendre ses intérêts sur l’attaché de défense de l’ambassade française à Addis-Abeba (jusque septembre 2020) #Stéphane_Richou, lui-même ancien commandant d’un régiment d’hélicoptères de combat.

    L’#armée de l’air éthiopienne a validé l’offre d’Airbus pour l’acquisition de 18 #hélicoptères_militaires et deux avions-cargos en octobre 2020, mais cherchait toujours des financements. Le déclenchement de la guerre au Tigré – où ces hélicoptères pourraient être utilisés – a-t-il conduit Airbus ainsi que le ministère des armées à reporter, voire annuler cette vente ?

    Ni Airbus ni le ministère n’ont souhaité nous répondre à ce sujet.

    Les affaires se poursuivent en tout cas entre la filiale civile d’Airbus et le gouvernement éthiopien : le 9 novembre, #Ethiopian_Airlines réceptionnait deux Airbus A350-900 pour sa flotte. Le 20 novembre encore, l’ambassadeur français à Addis-Abeba se félicitait d’une rencontre avec le PDG de la compagnie aérienne éthiopienne et ajoutait « Airbus » en hashtag.

    https://twitter.com/RemiMarechaux/status/1329829800031252481

    Quant à la coopération militaire France-Éthiopie, elle semble se poursuivre normalement si l’on en juge cette offre d’emploi de professeur de français à destination de militaires et policiers éthiopiens émise en décembre par la Direction de la coopération de sécurité et de défense du Quai d’Orsay (un contrat d’un an à pourvoir au 1er octobre 2021).

    Interrogé le 19 janvier sur le projet de création d’une #marine_éthiopienne, sur d’éventuelles livraisons d’armes récentes à l’Éthiopie et, plus généralement, sur la coopération militaire avec l’Éthiopie et le fait de savoir si l’évolution de la situation au Tigré était susceptible de la remettre en question, le ministère des armées a fait savoir 48 heures plus tard qu’il ne pourrait pas répondre « étant donné [les] délais ». Mediapart a proposé au ministère de lui accorder un délai supplémentaire pour fournir ses réponses. Le ministère n’a plus donné suite.

    Trop tard ?

    Le ministère des affaires étrangères, lui, n’a répondu à aucune des cinq questions précises que lui avait soumises Mediapart sur la présence de troupes érythréennes, les possibles crimes de guerres commis au Tigré et la coopération militaire avec l’Éthiopie notamment (voir boîte noire).

    Sa réponse condamne toutefois en des termes plus précis que par le passé les exactions commises au Tigré. La France est « profondément préoccupée » par la situation humanitaire sur place, « ainsi que par les allégations de violations des droits de l’homme », indique le Quai d’Orsay, avant d’appeler à la cessation des hostilités et au respect du droit international humanitaire par « toutes les parties au conflit ». Mais est-ce suffisant, et surtout n’est-ce pas trop tard ?

    Les dernières informations en provenance du Tigré évoquent des massacres qui auraient fait plusieurs centaines de morts. Plusieurs vidéos portent sur de possibles tueries dans la ville et l’église d’Aksoum, de la fin novembre à début décembre. Selon l’organisation belge Europe External Programme with Africa (EEPA) ainsi qu’un témoin interrogé par Le Monde, les troupes érythréennes y auraient tué plus de 750 personnes. Dans une interview mise en ligne le 17 janvier, une femme qui se dit témoin direct de ces tueries explique en amharique que « la ville entière, du dépôt de bus au parc, était recouverte de corps ».

    Les attaques et destructions concernent également des sites historiques inestimables ou jugés sacrés. La mosquée de Negash (site d’établissement des premiers musulmans éthiopiens, du temps du prophète Mahomet), datant du VIIe siècle, a été partiellement détruite et pillée. Le plus vieux monastère d’Éthiopie, le monastère orthodoxe de Debre Damo (VIe siècle), a également été attaqué.

    Enfin, Mediapart a pu consulter un témoignage de première main concernant un massacre commis dans l’église Maryam Dengelat – creusée dans la roche entre le VIe et le XIVe siècle par les premiers chrétiens d’Éthiopie –, qui estime que 80 personnes ont été tuées par l’armée érythréenne, parmi lesquelles des prêtres, des personnes âgées et des enfants. Ce témoignage fournit une liste comportant les noms de 35 victimes.

    « Si ces informations étaient confirmées, cela commencerait à ressembler à une stratégie d’anéantissement, non seulement du TPLF, mais du Tigré en tant qu’identité historique et territoriale », commente le chercheur Éloi Ficquet, de l’EHESS.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210121/en-ethiopie-la-france-partagee-entre-business-et-defense-des-droits-humain
    #Ethiopie #France #armement #commerce_d'armes #vente_d'armes

  • "Réfugiés", « migrants », « exilés » ou « demandeur d’asile » : à chaque mot sa fiction, et son ombre portée

    Alors que les violences policières contre un campement éphémère de personnes exilées font scandale, comment faut-il nommer ceux dont les tentes ont été déchiquetées ?

    Nombreuses et largement unanimes, les réactions qui ont suivi l’intervention de la police, lundi 23 novembre au soir, place de la République à Paris, condamnent la violence des forces de l’ordre. De fait, après cette intervention pour déloger le campement éphémère installé en plein Paris dans le but de donner de l’écho à l’évacuation récente d’un vaste camp de réfugiés sur les contreforts du périphérique, les images montrent les tentes qui valsent, les coups qui pleuvent, des matraques qui cognent en cadence, et de nombreux soutiens nassés en pleine nuit ainsi que la presse. Survenu en plein débat sur la loi de sécurité globale, et après de longs mois d’un travail tous azimuts pour poser la question des violences policières, l’épisode a quelque chose d’emblématique, qui remet au passage l’enjeu de l’accueil migratoire à la Une des médias.

    Une occasion utile pour regarder et penser la façon dont on nomme ceux qui, notamment, vivent ici dans ces tentes-là. Durant toute la soirée de lundi, la réponse policière à leur présence sur la place de la République a été amplement commentée, en direct sur les réseaux sociaux d’abord, puis sur les sites de nombreux médias. Si certains utilisaient le mot “migrants” désormais ordinaire chez les journalistes, il était frappant de voir que d’autres termes prenaient une place rare à la faveur de l’événement à chaud. Et en particulier, les mots “réfugiés” et “exilés”.

    En ligne, Utopia56, le collectif à l’origine de l’opération, parle de “personnes exilées”. Chez Caritas France (ex-Secours catholique), c’est aussi l’expression qu’utilise par exemple, sur la brève bio de son compte twitter, la salariée de l’humanitaire en charge des projets “solidarité et défense des droits des personnes exilées”. Ce lexique n’a rien de rare dans le monde associatif : la Cimade parle aussi de longue date de “personnes exilées”, la Fédération des acteurs de solidarités qui chapeaute 870 associations de même, et chez chez Act up par exemple, on ne dit pas non plus “migrants” mais “exilés”. Dans la classe politique, la nuit de violences policières a donné lieu à des déclarations de protestation où il n’était pas inintéressant d’observer l’usage des mots choisis dans le feu de l’action, et sous le projecteur des médias : plutôt “exilés” chez les écologistes, via le compte twitter “groupeecoloParis”, tandis qu’Anne Hidalgo, la maire de Paris, parlait quant à elle de “réfugiés”.

    Du côté des médias, le terme poussé par le monde associatif n’a sans doute jamais aussi bien pris qu’à chaud, dans l’épisode de lundi soir : sur son compte Twitter, CNews oscillait par exemple entre “migrants” et “personnes exilées”... au point de se faire tacler par ses abonnés - il faudrait plutôt dire “clandestins”. Edwy Plenel panachait pour sa part le lexique, le co-fondateur de Médiapart dénonçant au petit matin la violence dont avaient fait l’objet les “migrants exilés”.

    Peu suspect de gauchisme lexical, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, affirmait de son côté saisir l’IGPN pour une enquête sur cette évacuation d’un “campement de migrants”, tandis que le mot s’affichait aussi sur la plupart des pages d’accueil des sites de médias. Comme si le terme “migrants” était devenu un terme générique pour dire cette foule anonyme de l’immigration - sans que, le plus souvent, on interroge en vertu de quels critères ? Cet épisode de l’évacuation violente de la place de la République est en fait l’occasion idéale pour regarder la façon dont le mot “migrants” s’est disséminé, et remonter le film pour comprendre comment il a été forgé. Car ce que montre la sociologue Karen Akoka dans un livre qui vient justement de paraître mi-novembre (à La Découverte) c’est que cette catégorie est avant tout une construction dont la sociogenèse éclaire non seulement notre façon de dire et de penser, mais surtout des politiques publiques largement restées dans l’ombre.
    Les mots de l’asile, ces constructions politiques

    L’Asile et l’exil, ce livre formidable tiré de sa thèse, est à mettre entre toutes les mains car précisément il décortique en quoi ces mots de l’immigration sont d’abord le fruit d’un travail politique et d’une construction historique (tout aussi politique). Les acteurs de cette histoire appartiennent non seulement à la classe politique, mais aussi aux effectifs des officiers qui sont recrutés pour instruire les demandes. En centrant son travail de doctorat sur une sociohistoire de l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, créé en 1952, la chercheuse rappelle qu’il n’est pas équivalent de parler d’exil et d’asile, d’exilés, de demandeurs d’asile, de migrants ou de réfugiés. Mais l’ensemble de sa démonstration éclaire en outre toute la part d’artifice que peut receler ce raffinage lexical qui a permis à l’Etat de construire des catégories d’aspirants à l’exil comme on labelliserait des candidats plus ou moins désirables. Face aux "réfugiés", légitimes et acceptables depuis ce qu’on a construit comme une forme de consensus humaniste, les "migrants" seraient d’abord là par émigration économique - et moins éligibles. Tout son livre consiste au fond en une déconstruction méthodique de la figure du réfugié désirable.

    Les tout premiers mots de l’introduction de ce livre (qu’il faut lire en entier) remontent à 2015 : cette année-là, Al-Jazeera annonçait que désormais, celles et ceux qui traversent la Méditerranée seront pour de bon des “réfugiés”. Et pas des “migrants”, contrairement à l’usage qui était alors en train de s’installer dans le lexique journalistique à ce moment d’explosion des tentatives migratoires par la mer. Le média qatari précisait que “migrants” s’apparentait à ses yeux à un “outil de deshumanisation”. On comprenait en fait que “réfugié” était non seulement plus positif, mais aussi plus légitime que “migrant”.

    En droit, c’est la Convention de Genève qui fait les “réfugiés” selon une définition que vous pouvez consulter ici. Avant ce texte qui remonte à 1951, on accueillait aussi des réfugiés, quand se négociait, au cas par cas et sous les auspices de la Société des nations, la reconnaissance de groupes éligibles. Mais le flou demeure largement, notamment sur ce qui, en pratique, départirait le “réfugié” de “l’étranger”. A partir de 1952, ces réfugiés répondent à une définition, mais surtout à des procédures, qui sont principalement confiées à l’Ofpra, créé dans l’année qui suit la Convention de Genève. L’autrice rappelle qu’à cette époque où l’Ofpra passe d’abord pour une sorte de “consulat des régimes disparus”, il y a consensus pour considérer que l’institution doit elle-même employer des réfugiés chargés de décider du sort de nouveaux candidats à l’asile. A l’époque, ces procédures et ces arbitrages n’intéressent que très peu de hauts fonctionnaires. Ca change progressivement à mesure que l’asile se politise, et la décennie 1980 est une bonne période pour observer l’asile en train de se faire. C’est-à-dire, en train de se fabriquer.

    La construction du "réfugié militant"

    Sur fond d’anticommunisme et d’intérêt à relever la tête après la guerre coloniale perdue, la France décidait ainsi au début des années 80 d’accueillir 130 000 personnes parmi celles qui avaient fui l’un des trois pays de l’ex-Indochine (et en particulier, le Vietnam). On s’en souvient encore comme des “boat people”. Ils deviendront massivement des “réfugiés”, alors que le mot, du point de vue juridique, renvoie aux critères de la Convention de Genève, et à l’idée de persécutions avérées. Or Karen Akoka rappelle que, bien souvent, ces procédures ont en réalité fait l’objet d’un traitement de gros. C’est-à-dire, qu’on n’a pas toujours documenté, dans le détail, et à l’échelle individuelle, les expériences vécues et la position des uns et des autres. Au point de ne pas trop chercher à savoir par exemple si l’on avait plutôt affaire à des victimes ou à des bourreaux ? Alors que le génocide khmer rouge commençait à être largement connu, l’idée que ces boat people massivement arrivés par avion camperaient pour de bon la figure du “bon réfugié” avait cristallisé. La chercheuse montre aussi que ceux qui sont par exemple arrivés du Vietnam avaient fait l’objet d’un double tri : par les autorités françaises d’une part, mais par le régime vietnamien d’autre part… et qu’il avait été explicitement convenu qu’on exclurait les militants politiques.

    Or dans l’imaginaire collectif comme dans le discours politique, cette représentation du réfugié persécuté politiquement est toujours très active. Elle continue souvent de faire écran à une lecture plus attentive aux tris opérés sur le terrain. Et empêche par exemple de voir en quoi on a fini par se représenter certaines origines comme plus désirables, par exemple parce qu’il s’agirait d’une main-d’œuvre réputée plus docile. Aujourd’hui, cette image très puissante du "réfugié militant" reste arrimée à l’idée d’une histoire personnelle légitime, qui justifierait l’étiquetage de certains “réfugiés” plutôt que d’autres. C’est pour cela qu’on continue aujourd’hui de réclamer aux demandeurs d’asile de faire la preuve des persécutions dont ils auraient fait l’objet.

    Cette enquête approfondie s’attèle à détricoter ce mirage du "bon réfugié" en montrant par exemple que, loin de répondre à des critères objectifs, cette catégorie est éminemment ancrée dans la Guerre froide et dans le contexte post-colonial. Et qu’elle échappe largement à une approche empirique rigoureuse, et critique. Karen Akoka nous dépeint la Convention de Genève comme un cadre qui se révèle finalement assez flou, ou lâche, pour avoir permis des lectures et des usages oscillatoires au gré de l’agenda diplomatique ou politique. On le comprend par exemple en regardant le sort de dossiers qu’on peut apparenter à une migration économique. Sur le papier, c’est incompatible avec le label de “réfugié”. Or dans la pratique, la ligne de partage entre asile d’un côté, et immigration de l’autre, ne semble plus si étanche lorsqu’on regarde de près qui a pu obtenir le statut dans les années 1970. On le comprend mieux lorsqu’on accède aux logiques de traitement dans les années 70 et 80 : elles n’ont pas toujours été les mêmes, ni été armées du même zèle, selon l’origine géographique des candidats. Edifiant et très pédagogique, le sixième chapitre du livre d’Akoka s’intitule d’ailleurs “L’Asile à deux vitesses”.

    L’autrice accorde par exemple une attention particulière à la question des fraudes. Pas seulement à leur nombre, ou à leur nature, mais aussi au statut que les institutions ont pu donner à ces fraudes. Ainsi, Karen Akoka montre l’intérêt qu’a pu avoir l’Etat français, à révéler à grand bruit l’existence de “filières zaïroises” à une époque où la France cherchait à endiguer l’immigration d’origine africaine autant qu’à sceller une alliance avec le Zaïre de Mobutu. En miroir, les entretiens qu’elle a menés avec d’anciens fonctionnaires de l’Ofpra dévoilent qu’on a, au contraire, cherché à dissimuler des montages frauduleux impliquant d’ex-Indochinois.

    Les "vrais réfugiés"... et les faux

    Entre 1970 et 1990, les chances de se voir reconnaître “réfugié” par l’Ofpra ont fondu plus vite que la banquise : on est passé de 90% à la fin des années 70 à 15% en 1990. Aujourd’hui, ce taux est remonté (de l’ordre de 30% en 2018), mais on continue de lire que c’est le profil des demandeurs d’asile qui aurait muté au point d’expliquer que le taux d’échec explose. Ou que la démarche serait en quelque sorte détournée par de “faux demandeurs d’asile”, assez habiles pour instrumentaliser les rouages de l’Ofpra en espérant passer entre les gouttes… au détriment de “vrais réfugiés” qu’on continue de penser comme tels. Karen Akoka montre qu’en réalité, c’est plutôt la manière dont on instruit ces demandes en les plaçant sous l’égide de politiques migratoires plus restrictives, mais aussi l’histoire propre de ceux qui les instruisent, qui expliquent bien plus efficacement cette chute. Entre 1950 et 1980 par exemple, nombre d’officiers instructeurs étaient issus des mêmes pays que les requérants. C’était l’époque où l’Ofpra faisait davantage figure de “consulat des pays disparus”, et où, par leur trajectoire personnelle, les instructeurs se trouvaient être eux-mêmes des réfugiés, ou les enfants de réfugiés. Aujourd’hui ce sont massivement des agents français, fonctionnaires, qui traitent les dossiers à une époque où l’on ne subordonne plus les choix au Rideau de fer, mais plutôt sous la houlette d’une politique migratoire et de ce qui a sédimenté dans les politiques publiques comme “le problème islamiste”.

    Rassemblé ici au pas de course mais très dense, le travail de Karen Akoka est un exemple vibrant de la façon dont l’histoire, et donc une approche pluridisciplinaire qui fait la part belle aux archives et à une enquête d’histoire orale, enrichit dans toute son épaisseur un travail entamé comme sociologue. Du fait de la trajectoire de l’autrice, il est aussi un exemple lumineux de tout ce que peut apporter une démarche réflexive. Ca vaut pour la façon dont on choisit un mot plutôt qu’un autre. Mais ça vaut aussi pour la manière dont on peut déconstruire des façons de penser, ou des habitudes sur son lieu de travail, par exemple. En effet, avant de soutenir sa thèse en 2012, Karen Akoka a travaillé durant cinq ans pour le HCR, le Haut commissariat aux réfugiés des Nations-Unies. On comprend très bien, à la lire, combien elle a pu d’abord croire, et même nourrir, certaines fausses évidences. Jusqu’à être “mal à l’aise” avec ces images et ces chimères qu’elle entretenait, depuis son travail - qui, en fait, consistait à “fabriquer des réfugiés”. Pour en éliminer d’autres.

    https://www.franceculture.fr/societe/refugies-migrants-exiles-ou-demandeur-dasile-a-chaque-mot-sa-fiction-e

    #asile #migrations #réfugiés #catégorisation #catégories #mots #terminologie #vocabulaire #Ofpra #France #histoire #légitimité #migrants_économiques #réfugié_désirable #déshumanisation #Convention_de_Genève #politisation #réfugié_militant #Indochine #boat_people #bon_réfugié #Vietnam #militants #imaginaire #discours #persécution #persécution_politique #preuves #guerre_froide #immigration #fraudes #abus #Zaïre #filières_zaïroises #Mobutu #vrais_réfugiés #faux_réfugiés #procédure_d'asile #consulat_des_pays_disparus #politique_migratoire
    #Karen_Akoka
    ping @isskein @karine4 @sinehebdo @_kg_

    • ...même jour que l’envoi de ce post on a discuté en cours Licence Géo le séjour d’Ahmed publié en forme de carte par Karen Akoka dans l’atlas migreurop - hasard ! Et à la fin de son exposé un étudiant proposait par rapport aux catégories : Wie wäre es mit « Mensch » ? L’exemple du campement à Paris - des pistes ici pour approfondir !

    • Ce qui fait un réfugié

      Il y aurait d’un côté des réfugiés et de l’autre des migrants économiques. La réalité des migrations s’avère autrement complexe souligne la politiste #Karen_Akoka qui examine en détail comment ces catégories sont historiquement, socialement et politiquement construites.

      L’asile est une notion juridique précieuse. Depuis le milieu du XXe siècle, elle permet, à certaines conditions, de protéger des individus qui fuient leur pays d’origine en les qualifiant de réfugiés. Mais l’asile est aussi, à certains égards, une notion dangereuse, qui permet paradoxalement de justifier le fait de ne pas accueillir d’autres individus, les rejetant vers un autre statut, celui de migrant économique. L’asile devenant alors ce qui permet la mise en œuvre d’une politique migratoire de fermeture. Mais comment faire la différence entre un réfugié et un migrant économique ? La seule manière d’y prétendre consiste à s’intéresser non pas aux caractéristiques des personnes, qu’elles soient rangées dans la catégorie de réfugié ou de migrant, mais bien plutôt au travail qui consiste à les ranger dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. C’est le grand mérite de « #L’Asile_et_l’exil », le livre important de Karen Akoka que de proposer ce renversement de perspective. Elle est cette semaine l’invitée de La Suite dans Les Idées.

      Et c’est la metteuse en scène Judith Depaule qui nous rejoint en seconde partie, pour évoquer « Je passe » un spectacle qui aborde le sujet des migrations mais aussi pour présenter l’Atelier des artistes en exil, qu’elle dirige.

      https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/ce-qui-fait-un-refugie

      #livre #catégorisation #catégories #distinction #hiérarchisation #histoire #ofpra #tri #subordination_politique #politique_étrangère #guerre_froide #politique_migratoire #diplomatie

    • La fabrique du demandeur d’asile

      « Il y a les réfugiés politiques, et c’est l’honneur de la France que de respecter le droit d’asile : toutes les communes de France en prennent leur part. Il y a enfin ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire : ceux-là ne sont pas des réfugiés, mais des clandestins qui doivent retourner dans leur pays », disait déjà Gerald Darmanin en 2015. Mais pourquoi risquer de mourir de faim serait-il moins grave que risquer de mourir en prison ? Pourquoi serait-il moins « politique » d’être victime de programmes d’ajustement structurels que d’être victime de censure ?

      Dans son livre L’asile et l’exil, une histoire de la distinction réfugiés migrants (La découverte, 2020), Karen Akoka revient sur la construction très idéologique de cette hiérarchisation, qui est liée à la définition du réfugié telle qu’elle a été décidée lors de la Convention de Genève de 1951, à l’issue d’âpres négociations.

      Cette dichotomie réfugié politique/migrant économique paraît d’autant plus artificielle que, jusqu’aux années 1970, il suffisait d’être russe, hongrois, tchécoslovaque – et un peu plus tard de venir d’Asie du Sud-Est, du Cambodge, du Laos ou du Vietnam – pour décrocher le statut de réfugié, l’objectif premier de la France étant de discréditer les régimes communistes. Nul besoin, à l’époque, de montrer qu’on avait été individuellement persécuté ni de nier la dimension économique de l’exil.

      Aujourd’hui, la vaste majorité des demandes d’asile sont rejetées. Qu’est ce qui a changé dans les années 1980 ? D’où sort l’obsession actuelle des agents de l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) pour la fraude et les « faux » demandeurs d’asile ?

      Plutôt que de sonder en vain les identités et les trajectoires des « demandeurs d’asile » à la recherche d’une introuvable essence de migrant ou de réfugié, Karen Akoka déplace le regard vers « l’offre » d’asile. Avec la conviction que les étiquettes en disent moins sur les exilés que sur ceux qui les décernent.

      https://www.youtube.com/watch?v=bvcc0v7h2_w&feature=emb_logo

      https://www.hors-serie.net/Aux-Ressources/2020-12-19/La-fabrique-du-demandeur-d-asile-id426

    • « Il n’est pas possible d’avoir un système d’asile juste sans politique d’immigration ouverte »

      La chercheuse Karen Akoka a retracé l’histoire du droit d’asile en France. Elle montre que l’attribution de ce statut a toujours reposé sur des intérêts politiques et diplomatiques. Et que la distinction entre les « vrais » et les « faux » réfugiés est donc discutable.

      Qui étaient les personnes qui ont été violemment évacuées du camp de la place de la République, il y a quatre semaines ? Ceux qui les aident et les défendent utilisent le mot « exilés », pour décrire une condition qui transcende les statuts administratifs : que l’on soit demandeur d’asile, sans-papiers, ou sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, les difficultés restent sensiblement les mêmes. D’autres préfèrent le mot « illégaux », utilisé pour distinguer ces étrangers venus pour des raisons économiques du seul groupe que la France aurait la volonté et les moyens d’accueillir : les réfugiés protégés par le droit d’asile. Accordé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) depuis 1952, ce statut permet aujourd’hui de travailler et de vivre en France à celles et ceux qui peuvent prouver une persécution ou une menace dans leur pays d’origine. Pour les autres, le retour s’impose. Mais qui décide de l’attribution du statut, et selon quels critères ?

      Pour le savoir, Karen Akoka a retracé l’histoire de l’Ofpra. Dressant une galerie de portraits des membres de l’institution, retraçant le regard porté sur les Espagnols, les Yougoslaves, les boat-people ou encore les Zaïrois, elle montre dans l’Asile et l’Exil (La Découverte) que l’asile a toujours été accordé en fonction de considérations politiques et diplomatiques. Elle remet ainsi en cause l’idée que les réfugiés seraient « objectivement » différents des autres exilés, et seuls légitimes à être dignement accueillis. De quoi prendre conscience (s’il en était encore besoin) qu’une autre politique d’accueil est possible.
      Comment interprétez-vous les images de l’évacuation du camp de la place de la République ?

      Quand on ne connaît pas la situation des personnes exilées en France, cela peut confirmer l’idée que nous serions en situation de saturation. Il y aurait trop de migrants, la preuve, ils sont dans la rue. Ce n’est pas vrai : si ces personnes sont dans cette situation, c’est à cause de choix politiques qui empêchent toute forme d’intégration au tissu social. Depuis les années 90, on ne peut plus légalement travailler quand on est demandeur d’asile. On est donc dépendant de l’aide publique. Avec le règlement européen de Dublin, on ne peut demander l’asile que dans le premier pays de l’Union européenne dans lequel on s’enregistre. Tout cela produit des illégaux, qui se trouvent par ailleurs enfermés dans des statuts divers et complexes. Place de la République, il y avait à la fois des demandeurs d’asile, des déboutés du droit d’asile, des « dublinés », etc.
      Y a-t-il encore des groupes ou des nationalités qui incarnent la figure du « bon réfugié » ?

      Aujourd’hui, il n’y a pas de figure archétypale du bon réfugié au même titre que le dissident soviétique des années 50-60 ou le boat-people des années 80. Il y a tout de même une hiérarchie des nationalités qui fait que les Syriens sont perçus le plus positivement. Mais avec une différence majeure : alors qu’on acheminait en France les boat-people, les Syriens (comme beaucoup d’autres) doivent traverser des mers, franchir des murs… On fait tout pour les empêcher d’arriver, et une fois qu’ils sont sur place, on les reconnaît à 90 %. Il y a là quelque chose de particulièrement cynique.
      Vos travaux reviennent à la création de l’Ofpra en 1952. Pourquoi avoir repris cette histoire déjà lointaine ?

      Jusqu’aux années 80, l’Ofpra accordait le statut de réfugié à 80 % des demandeurs. Depuis les années 90, environ 20 % l’obtiennent. Cette inversion du pourcentage peut amener à la conclusion qu’entre les années 50 et 80, les demandeurs d’asile étaient tous de « vrais » réfugiés, et que depuis, ce sont majoritairement des « faux ». Il était donc important d’étudier cette période, parce qu’elle détermine notre perception actuelle selon laquelle l’asile aurait été dénaturé. Or il apparaît que cette catégorie de réfugié a sans cesse été mobilisée en fonction de considérations diplomatiques et politiques.

      La question de l’asile n’a jamais été neutre. En contexte de guerre froide, le statut de réfugié est attribué presque automatiquement aux personnes fuyant des régimes communistes que l’on cherche à décrédibiliser. Lorsqu’on est russe, hongrois ou roumain, ou plus tard vietnamien, cambodgien ou laotien, on est automatiquement reconnu réfugié sans qu’il soit nécessaire de prouver que l’on risque d’être persécuté ou de cacher ses motivations économiques. Ce qui apparaît comme de la générosité est un calcul politique et diplomatique. Les 80 % d’accords de l’époque sont autant pétris de considérations politiques que les 80 % de rejets aujourd’hui.
      Ces considérations conduisent alors à rejeter les demandes émanant de certaines nationalités, même dans le cas de régimes communistes et/ou autoritaires.

      Il y a en effet d’importantes différences de traitement, qui s’expliquent principalement par l’état des relations diplomatiques. La France est réticente à accorder l’asile aux Yougoslaves ou aux Portugais, car les relations avec Tito ou Salazar sont bonnes. Il n’y a d’ailleurs même pas de section portugaise à l’Ofpra ! Mais au lieu de les rejeter massivement, on les dirige vers les procédures d’immigration. La France passe des accords de main- d’œuvre avec Belgrade, qui permettent d’orienter les Yougoslaves vers la régularisation par le travail et de faire baisser le nombre de demandeurs d’asile.

      Grâce aux politiques d’immigration ouvertes on pouvait donc diriger vers la régularisation par le travail les nationalités rendues « indésirables » en tant que réfugiés en raison des relations diplomatiques. On pouvait prendre en compte les questions de politique étrangère, sans que cela ne nuise aux exilés. Aujourd’hui, on ne peut plus procéder comme cela, puisque la régularisation par le travail a été bloquée. Les rejets ont donc augmenté et la question du « vrai-faux » est devenu le paradigme dominant. Comme il faut bien justifier les rejets, on déplace la cause des refus sur les demandeurs en disséquant de plus en plus les biographies pour scruter si elles correspondent ou non à la fiction d’une identité de réfugié supposée neutre et objective.

      Cela montre qu’il n’est pas possible d’avoir un système d’asile juste sans politique d’immigration ouverte, d’abord parce que les catégories de réfugiés et de migrants sont poreuses et ne reflètent qu’imparfaitement la complexité des parcours migratoires, ensuite parce qu’elles sont largement façonnées par des considérations politiques.
      Vous identifiez les années 80 comme le moment où change la politique d’asile. Comment se déroule cette évolution ?

      Les changements de cette période sont liés à trois grands facteurs : la construction de l’immigration comme un problème qui arrime la politique d’asile à l’impératif de réduction des flux migratoires ; la fin de la guerre froide qui diminue l’intérêt politique à l’attribution du statut ; et la construction d’une crise de l’Etat social, dépeint comme trop dépensier et inefficace, ce qui justifie l’austérité budgétaire et la rigueur juridique dans les institutions en charge des étrangers (et plus généralement des pauvres). L’Ofpra va alors passer d’un régime des réfugiés, marqué par un fort taux d’attribution du statut, des critères souples, une activité tournée vers l’accompagnement des réfugiés en vue de leur intégration, à un régime des demandeurs d’asile orienté vers une sélection stricte et la production de rejets qui s’appuient sur des exigences nouvelles. Désormais, les demandeurs doivent montrer qu’ils risquent d’être individuellement persécutés, que leurs motivations sont purement politiques et sans aucune considération économique. Ils doivent aussi fournir toujours plus de preuves.
      Dans les années 80, ce n’était pas le cas ?

      La particularité de la décennie 80 est qu’elle voit coexister ces deux régimes, en fonction des nationalités. Les boat-people du Laos, du Cambodge et du Vietnam reçoivent automatiquement le statut de réfugié sur la seule base de leur nationalité. Et pour cause, non seulement on retrouve les questions de guerre froide, mais s’ajoutent des enjeux postcoloniaux : il faut que la figure de l’oppresseur soit incarnée par les anciens colonisés et non plus par la France. Et n’oublions pas les besoins de main- d’œuvre, toujours forts malgré les restrictions de l’immigration de travail mises en place dès les années 70. L’arrivée de ces travailleurs potentiels apparaît comme une opportunité, d’autant qu’on les présume dociles par stéréotype. Au même moment, les Zaïrois, qui fuient le régime du général Mobutu, sont massivement rejetés.
      Pourquoi ?

      Après les indépendances, la France s’efforce de maintenir une influence forte en Afrique, notamment au Zaïre car c’est un pays francophone où la France ne porte pas la responsabilité de la colonisation. C’est également un pays riche en matières premières, qui fait figure de rempart face aux Etats communistes qui l’entourent. Les Zaïrois qui demandent l’asile doivent donc montrer qu’ils sont individuellement recherchés, là où prévalait auparavant une gestion par nationalité. L’Ofpra surmédiatise les fraudes des Zaïrois, alors qu’il étouffe celles des boat-people. On a donc au même moment deux figures absolument inversées. Dans les années 90, la gestion de l’asile bascule pour tous dans le système appliqué aux Zaïrois. Cette rigidification entraîne une augmentation des fraudes, qui justifie une nouvelle surenchère d’exigences et de contrôles dans un cercle vicieux qui perdure jusqu’aujourd’hui.
      Il faut ajouter le fait que l’Ofpra devient un laboratoire des logiques de management.

      L’Ofpra est longtemps resté une institution faible. Il était peu considéré par les pouvoirs publics, en particulier par sa tutelle, les Affaires étrangères, et dirigé par les diplomates les plus relégués de ce ministère. Au début des années 90, avec la construction de l’asile comme « problème », des sommes importantes sont injectées dans l’Ofpra qui s’ennoblit mais sert en retour de lieu d’expérimentation des stratégies de management issues du secteur privé. Les agents sont soumis à des exigences de productivité, de standardisation, et à la segmentation de leur travail. On leur demande notamment de prendre un certain nombre de décisions par jour (deux à trois aujourd’hui), faute de quoi ils sont sanctionnés.

      Cette exigence de rapidité s’accompagne de l’injonction à justifier longuement les décisions positives, tandis qu’auparavant c’était davantage les rejets qui devaient être motivés. Cette organisation productiviste est un facteur d’explication du nombre grandissant de rejets. La division du travail produit une dilution du sentiment de responsabilité qui facilite cette production des rejets. Ce n’est pas que les agents de l’Ofpra fassent mal leur travail. Mais les techniques managériales influent sur leurs pratiques et elles contribuent aux 80 % de refus actuels.
      Quelle est l’influence de la question religieuse sur l’asile ?

      Pour aborder cette question, je suis partie d’un constat : depuis la fin des années 90, un nouveau groupe, composé de femmes potentiellement victimes d’excision ou de mariage forcé et de personnes homosexuelles, a accès au statut de réfugié. Comment expliquer cette ouverture à un moment où la politique menée est de plus en plus restrictive ? On pense bien sûr au changement des « mentalités », mais cette idée, si elle est vraie, me semble insuffisante. Mon hypothèse est que c’est aussi parce que nous sommes passés du problème communiste au problème islamiste comme soubassement idéologique de l’attribution du statut. Par ces nouvelles modalités d’inclusion se rejoue la dichotomie entre un Occident tolérant, ouvert, et un Sud global homophobe, masculiniste, sexiste.

      Cette dichotomie a été réactualisée avec le 11 septembre 2001, qui a donné un succès aux thèses sur le choc des civilisations. On retrouve cette vision binaire dans la façon dont on se représente les guerres en Afrique. Ce seraient des conflits ethniques, flous, irrationnels, où tout le monde tire sur tout le monde, par opposition aux conflits politiques de la guerre froide. Cette mise en opposition permet de sous-tendre l’idée selon laquelle il y avait bien par le passé de vrais réfugiés qui arrivaient de pays avec des problèmes clairs, ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui. Cette vision culturaliste des conflits africains permet également de dépolitiser les mouvements migratoires auxquels ils donnent lieu, et donc de délégitimer les demandes d’asile.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/12/20/il-n-est-pas-possible-d-avoir-un-systeme-d-asile-juste-sans-politique-d-i

    • Le tri aux frontières

      En retraçant l’histoire de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, Karen Akoka montre que l’accueil des migrants en France relève d’une distinction non assumée entre « bons » réfugiés politiques et « mauvais » migrants économiques.
      « Pourquoi serait-il plus légitime de fuir des persécutions individuelles que des violences collectives ? Pourquoi serait-il plus grave de mourir en prison que de mourir de faim ? Pourquoi l’absence de perspectives socio-économiques serait-elle moins problématique que l’absence de liberté politique ? »

      (p. 324)

      Karen Akoka, maîtresse de conférences en sciences politique à l’Université Paris Nanterre et associée à l’Institut des sciences sociales du politique, pose dans cet ouvrage des questions essentielles sur les fondements moraux de notre société, à la lumière du traitement réservé aux étrangers demandant une forme de protection sur le territoire français. Les institutions publiques concernées – principalement le ministère des Affaires Étrangères, l’ Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le ministère de l’Intérieur – attribuent depuis toujours aux requérants un degré variable de légitimité : ce dernier, longtemps lié à la nationalité d’origine, s’incarne en des catégories (réfugié, boat people, demandeur d’asile, migrant…) qui sont censées les distinguer et les classer, et dont le sens, les usages, et les effets en termes d’accès aux droits évoluent dans le temps. Cet ouvrage a le grand mérite de dévoiler les processus organisationnels, les rapports de force, les intérêts politiques, et les principes moraux qui sous-tendent ces évolutions de sens et d’usage des catégories de l’asile.

      Ce dévoilement procède d’une entreprise socio-historique autour de la naissance et du fonctionnement de l’Ofpra, entre les années 1950 et les années 2010, et notamment des pratiques de ses agents. Dans une approche résolument constructiviste, la figure du « réfugié » (et en creux de celui qui n’est pas considéré « réfugié ») émerge comme étant le produit d’un étiquetage dont sont responsables, certes, les institutions, mais qui est finalement délégué aux agents chargés de la mise en œuvre des règles et orientations politiques.

      Comment est-on passé d’une reconnaissance presque automatique du statut de réfugié pour des communautés entières de Russes, Géorgiens, Hongrois dans les années 1960 et 1970, à des taux de rejets très élevés à partir des années 1990 ? À quel moment et pourquoi la preuve d’un risque individuel (et non plus d’une persécution collective) est devenue un requis ? À rebours d’une explication qui suggérerait un changement de profil des requérants, l’auteure nous invite à rentrer dans les rouages de la fabrique du « réfugié » et de ses alter ego : le « demandeur d’asile » et le « migrant économique ». Pour comprendre à quoi cela tient, elle se penche sur le travail des agents qui sont appelés à les ranger dans une de ces multiples catégories, et sur les éléments (moraux, organisationnels, économiques, et politiques) qui influencent leurs arbitrages.
      Un voyage dans le temps au sein de l’OFPRA

      En s’appuyant à la fois sur les archives ouvertes et sur de nombreux entretiens, son livre propose un éclairage sur l’évolution des décisions prises au sein de l’Ofpra, au plus près des profils et des expériences des hommes et femmes à qui cette responsabilité a été déléguée : les agents.

      Karen Akoka propose une reconstruction chronologique des événements et des logiques qui ont régi l’octroi de l’asile en France à partir de l’entre-deux-guerres (chapitre 1), en s’attardant sur la « fausse rupture » que représente la création de l’Ofpra en 1952, à la suite de la ratification de la Convention de Genève (chapitre 2). Elle montre en effet que, loin de représenter un réel changement avec le passé, la protection des réfugiés après la naissance de cette institution continue d’être un enjeu diplomatique et de politique étrangère pendant plusieurs décennies.

      Les chapitres suivants s’attachent à montrer, de façon documentée et parfois à rebours d’une littérature scientifique jusque-là peu discutée (voir Gérard Noiriel, Réfugiés et sans-papiers, Paris, Hachette, 1998), que la création de l’Ofpra n’est pas exemplaire d’un contrôle « purement français » de l’asile : le profil des agents de l’Ofpra compte, et se révèle déterminant pour la compréhension de l’évolution des pourcentages de refus et d’acceptation des demandes. En effet, entre 1952 et la fin des années 1970, des réfugiés et des enfants de réfugiés occupent largement la place d’instructeurs de demandes de leurs compatriotes, dans une période de guerre froide où les ressortissants russes, géorgiens, hongrois sont reconnus comme réfugiés sur la simple base de leur nationalité. Les contre-exemples sont heuristiques et ils montrent les intérêts français en politique étrangère : les Yougoslaves, considérés comme étant des ressortissants d’un régime qui s’était désolidarisé de l’URSS, et les Portugais, dont le président Salazar entretenait d’excellents rapports diplomatiques avec la France, étaient pour la plupart déboutés de leur demande ; y répondre positivement aurait été considéré comme un « acte inamical » vis-à-vis de leurs dirigeants.

      Les années 1980 sont une décennie de transition, pendant laquelle on passe d’un « régime des réfugiés » à un « régime des demandeurs d’asile », où la recherche d’une crainte individuelle de persécution émerge dans les pratiques des agents. Mais toujours pas vis-à-vis de l’ensemble des requérants : des traitements différenciés continuent d’exister, avec d’évidentes préférences nationales, comme pour les Indochinois ou boat people, et des postures de méfiance pour d’autres ressortissants, tels les Zaïrois. Ce traitement discriminatoire découle encore des profils des agents chargés d’instruire les demandes : ils sont indochinois pour les Indochinois, et français pour les Zaïrois. La rhétorique de la fraude, pourtant bien documentée pour les ressortissants indochinois aussi, est largement mobilisée à charge des requérants africains. Elle occupe une place centrale dans le registre gouvernemental dans les années 1990, afin de légitimer des politiques migratoires visant à réduire les flux.

      L’entrée par le profil sociologique des agents de l’Ofpra et par les changements organisationnels internes à cet organisme est éclairante : la proximité culturelle et linguistique avec les publics n’est plus valorisée ; on recherche des agents neutres, distanciés. À partir des années 1990, l’institution fait évoluer les procédures d’instruction des demandes de façon à segmenter les compétences des agents, à déléguer aux experts (juristes et documentaristes), à réduire le contact avec les requérants ; l’organisation introduit progressivement des primes au rendement selon le nombre de dossiers traités, et des sanctions en cas de non remplissage des objectifs ; des modalités informelles de stigmatisation touchent les agents qui accordent trop de statuts de réfugié ; le recrutement d’agents contractuels permet aux cadres de l’Ofpra d’orienter davantage leur façon de travailler. Il apparaît alors qu’agir sur le profil des recrutés et sur leurs conditions de travail est une manière de les « contrôler sans contrôle officiel ».

      L’approche socio-historique, faisant place à différents types de données tels les mémoires, le dépouillement d’archives, et les entretiens, a l’avantage de décrire finement les continuités et les ruptures macro, et de les faire résonner avec les expériences plus micro des agents dans un temps long. Aussi, l’auteure montre que leurs marges de manœuvre sont largement influencées par, d’un côté, les équilibres politiques internationaux, et de l’autre, par l’impact du new public management sur cette organisation.

      Le retour réflexif de l’auteure sur sa propre expérience au sein du HCR, où elle a travaillé entre 1999 et 2004, est aussi le gage d’une enquête où le sens accordé par les interlocuteurs à leurs pratiques est pris au sérieux, sans pour autant qu’elles fassent l’objet d’un jugement moral. Les dilemmes moraux qui parfois traversent les choix et les hésitations des enquêté.e.s éclairent le continuum qui existe entre l’adhésion et la résistance à l’institution. Mobiliser à la fois des extraits d’entretiens de « résistants » et d’« adhérents », restituer la puissance des coûts de la dissidence en termes de réputation auprès des collègues, faire de la place aux bruits de couloirs : voilà les ingrédients d’une enquête socio-historique se rapprochant de la démarche ethnographique.
      Pour en finir avec la dichotomie réfugié/migrant et la morale du vrai/faux

      Une des contributions essentielles de l’ouvrage consiste à déconstruire l’édifice moral de l’asile, jusqu’à faire émerger les paradoxes de l’argument qui consisterait à dire que protéger l’asile aujourd’hui implique de lutter contre les fraudeurs et de limiter l’attribution du statut aux plus méritants. Karen Akoka aborde au fond des enjeux politiques cruciaux pour notre société, en nous obligeant, si encore il en était besoin, à questionner la légitimité de distinctions (entre réfugié et migrant) qui ne sont pas sociologiquement fondées, mais qui servent en revanche des intérêts et des logiques politiques des plus dangereuses, que ce soit pour maquiller d’humanitarisme la volonté cynique de davantage sélectionner les candidats à l’immigration, ou pour affirmer des objectifs populistes et/ou xénophobes de réduction des entrées d’étrangers sur le territoire sous prétexte d’une prétendue trop grande diversité culturelle ou encore d’une faible rentabilité économique.

      Ce livre est une prise de position salutaire contre la rhétorique des « vrais et faux réfugiés », contre la posture de « autrefois c’était différent » (p. 27), et invite à arrêter de porter un regard moralisateur sur les mensonges éventuels des demandeurs : ces mensonges sont la conséquence du rétrécissement des cases de la protection, de la surenchère des horreurs exigées pour avoir une chance de l’obtenir, de la réduction des recours suspensifs à l’éloignement du territoire en cas de refus de l’Ofpra… La portée politique d’une sociohistoire critique des étiquetages est en ce sens évidente, et l’épilogue de Karen Akoka monte en généralité en mettant en perspective la dichotomie réfugié/migrant avec d’autres populations faisant l’objet de tri : le parallèle avec les pauvres et les guichetiers étudiés par Vincent Dubois (La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 2003) permet de décloisonner le cas des étrangers pour montrer comment le système justifie la (non)protection des (in)désirables en la présentant comme nécessaire ou inévitable.

      https://www.icmigrations.cnrs.fr/2021/05/25/defacto-026-08

    • Karen Akoka : « Le statut de réfugié en dit plus sur ceux qui l’attribuent que sur ceux qu’il désigne »

      Alors que l’accueil d’exilés afghans divise les pays de l’Union européenne, l’interprétation par la France du droit d’asile n’a pas toujours été aussi restrictive qu’aujourd’hui, explique, dans un entretien au « Monde », la sociologue spécialiste des questions migratoires.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/30/karen-akoka-le-statut-de-refugie-en-dit-plus-sur-ceux-qui-l-attribuent-que-s

  • Diplomates et républicains ?
    https://laviedesidees.fr/Isabelle-Dasque-Les-diplomates-de-la-Republique.html

    À propos de : Isabelle Dasque, Les diplomates de la République (1871-1914), Sorbonne Université Presses. Les diplomates incarneraient un monde révolu. L’idée n’est pas neuve et les débuts de la #Troisième_République furent déjà le théâtre d’une mutation majeure de l’univers diplomatique : la rencontre entre anciennes et nouvelles élites y a produit un esprit de corps renforcé.

    #Histoire #diplomatie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20201119_diplomates.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20201119_diplomates.docx

  • #Privatisation de l’#enseignement_supérieur : un cheval de Troie léglislatif ?

    La question de la délivrance des #diplômes et de la collation des #grades est une question à très fort enjeu pour l’enseignement supérieur public, mais dans laquelle il est devenu difficile de se retrouver. À l’évidence, le « projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur » joue de cette complexité. La tentative — heureusement déjouée au cours des débats — de délivrer le grade de docteur à des individus n’ayant pas obtenu le diplôme de doctorat le prouve : les #titres_universitaires suscitent des convoitises.

    Dans ce grand mouvement de #dérégulation qui vient de loin, l’article 22, II, 2° du projet de loi a sans doute été sous-estimé. Il faut dire, aussi, que tout semble avoir été fait pour qu’il reste sous les radars. Usant de l’habituelle manœuvre consistant à donner pouvoir au gouvernement de légiférer à la place du Parlement par la voie d’ordonnances, cet article pourrait représenter un cheval de Troie de la privatisation de l’ESR, comme l’explique dans les lignes qui suivent le juriste Julien Icard.

    Établissements privés et délivrance des diplômes

    Quoique très complexe1, le régime applicable aux établissements privés d’enseignement supérieur peut être résumé en deux points.

    Si la liberté de l’enseignement supérieur, issue de la loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l’enseignement supérieur, dite loi Laboulaye, est consacrée à l’article L. 731-1 du code de l’éducation et a d’ailleurs acquis valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977), sa portée est assez limitée dans la mesure où l’État bénéficie du monopole dit de collation des grades (article L. 613-1 du code de l’éducation), ce qui conduit en principe à interdire aux établissements privés de délivrer les diplômes universitaires (article L. 731-14).
    Pour autant, plusieurs mécanismes ont contribué à « briser le monopole étatique de collation des grades »2, permettant directement ou non aux établissements privés de délivrer des diplômes universitaires.

    D’abord, depuis le décret n°99-747 du 30 août 1999 relatif à la création du grade de master, les établissements privés techniques, reconnus par l’État, peuvent dispenser des diplômes — ingénieurs ou autres — valant grade de master (article D. 612-33). Ils ne pouvaient en revanche dispenser eux-mêmes des diplômes, valant grade de licence ou de doctorat. En réalité, le diplôme et le grade sont de plus en plus déconnectés : un arrêté du 27 février 2020 dispose que

    « les grades universitaires peuvent également être accordés à d’autres diplômes délivrés au nom de l’État ou à des diplômes d’établissements publics ou privés, dès lors qu’ils contribuent aux objectifs du service public de l’enseignement supérieur ».

    Or, comme l’a rappellé Vidal Schwarz récemment, l’arrêté

    « confie le soin de cette labellisation non seulement au ministère mais aussi à la Commission des Titres d’Ingénieurs et à la Commission d’Évaluation des Formations et Diplômes de Gestion alors qu’elles sont proches des Grandes Écoles ».

    En d’autres termes, il n’est pas impensable que des diplômes internes d’établissements privés puissent par ce biais valoir grade de licence ou de master.

    En outre, les autres établissements privés, non techniques, peuvent, mais uniquement par le biais d’un conventionnement auprès d’un établissement public, dispenser des diplômes de licence ou master mais non pas de doctorat. Ici, le diplôme dispensé est un diplôme de licence ou master puisqu’il est en réalité attribué par un établissement public, censé contrôler l’ensemble du processus.

    Texte de la LPPR et finalités

    C’est dans ce contexte que vient d’être voté en première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 22, II, 2° de la loi de programmation de la recherche selon lequel :

    II. – Dans les conditions définies à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier le code de l’éducation afin de : […]
    2° Supprimer le régime de reconnaissance par l’État des établissements d’enseignement supérieur technique privés et prévoir les conditions dans lesquelles l’État peut apporter sa garantie à un diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur privé ou par un organisme d’enseignement à distance dispensant des formations relevant de l’enseignement supérieur, notamment par la délivrance d’un grade universitaire ;

    Il est évidemment difficile de prédire avec certitude la teneur de la future ordonnance. Toutefois, selon l’étude d’impact (p. 169),

    « la procédure de reconnaissance par l’État des établissements d’enseignement supérieur technique privés, attribuée sans limitation de durée et qui ne peut être retirée que dans des conditions difficiles à réunir, se révèle aussi parfois trompeuse pour le public. Compte tenu de sa complexité et de son peu de lisibilité, il est donc proposé sa suppression au 2° de l’habilitation ».

    En d’autres termes, l’État entend se désengager du contrôle de la création des établissements d’enseignement supérieur technique privés qui pourtant peuvent délivrer des diplômes valant grade de master.

    Par ailleurs, selon la même étude d’impact (p. 169),

    « s’agissant de la diplomation, dans le respect du monopole de la collation des grades par l’État, l’ordonnance a également pour objet d’offrir la possibilité à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur privés de délivrer des diplômes visés par l’État ou conférant grade universitaire, après une évaluation par une instance nationale, le cas échéant spécialisée »,

    ce qui

    « permettra d’étendre aux établissements d’enseignement supérieur privés ‘libres’ ainsi qu’aux organismes d’enseignement à distance dispensant des formations relevant de l’enseignement supérieur les dispositifs du diplôme visé et du diplôme conférant grade actuellement mis en œuvre au seul bénéfice des établissements d’enseignement supérieur technique ».

    Si les choses n’étaient pas assez claires, l’étude d’impact précise

    « l’ordonnance vise à privilégier d’abord la qualité de la formation académique par cette évaluation, plutôt que de ne tenir compte que du type d’établissement, qu’il soit public ou privé, ‘libre’ ou technique ».

    Privatisation à venir ?

    Comment analyser une telle remise en cause généralisée du monopole de la collation des grades par l’État ? Lorsqu’un monopole est démantelé, il est loisible de qualifier le phénomène de privatisation ou d’ouverture à la concurrence. Sans rentrer dans le débat sémantique, il est assez évident que le coup sera rude pour les établissements publics. Lors de la séance du 23 septembre dernier à l’Assemblée nationale, certains députés – Cédric Villani et Michelle Ménard – ont protesté face à la méthode des ordonnances. D’autres – Michèle Victory, Cédric Villani, Muriel Ressiguier, Valérie Rabault – ont attaqué le fond, en évoquant à ce titre un risque de privatisation de l’enseignement supérieur.

    Les réponses formulées sont pour le moins étonnantes. D’un côté, le rapporteur du texte, Philippe Berta, a défendu un « renforcement [par l’ordonnance] du contrôle des conditions exigées des personnels de direction et d’enseignement, et de la lutte contre les fraudes et les atteintes à l’ordre public » notamment en raison d’une dérive « communautariste ou sectaire« . Loin de faciliter la création d’établissements privés, l’ordonnance aura pour effet d’en conforter le contrôle. De l’autre, la députée de la majorité, Cécile Rilhac, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a estimé quant à elle qu’

    « il ne s’agit pas d’une privatisation de l’enseignement supérieur, mais d’une protection pour la jeunesse, qui se perd dans les offres de formations de l’enseignement supérieur privé : malgré des appellations telles que ‘bachelor’ ou ‘mastère’ – et non pas master –, elles ne sont pas validées par le ministère ».

    Ainsi, alors que « les offres [de l’enseignement privé] ne présentent aucune garantie réelle de la qualité de la formation » et que ces établissements « font payer à prix d’or des diplômes qui n’ont aucune validité sur le marché, qui ne sont pas reconnus« , il conviendrait fort logiquement de… faciliter par ces derniers la délivrance de diplômes universitaires.

    Il est certain que, dans les conditions actuelles, les établissements publics ne seront pas en mesure de résister à une forte vague de privatisation. Comme pour toute privatisation/ouverture à la concurrence d’un service public, plusieurs effets collatéraux sont prévisibles : accentuation des difficultés financières des universités en raison de la fin programmée de la péréquation opérée entre formations rentables et non rentables – les établissements privés se concentrant sur les premières, laissant les secondes aux établissements publics –, départ des enseignants-chercheurs publics vers les établissements privés leur assurant de meilleures rémunérations, détérioration de la qualité des formations publiques et, à terme, perte du sens même de service public de l’enseignement supérieur.

    Contre-propositions ?

    Ces risques étant avérés, l’opposition à cet article paraît logique et salutaire. Toutefois, une telle posture doit nécessairement s’accompagner de contre-propositions réalistes au regard de la situation de l’ESR.

    Ainsi pourrait-il en être de la création d’un statut unique d’établissement privé, ce qui mettrait fin à la complexité liée à la multiplicité des régimes. Ce statut ouvrirait droit d’ouvrir des formations universitaires. Toutefois, la délivrance des grades universitaires nationaux serait quant à elle subordonnée à des conditions spécifiques plus strictes, proches de celles associées au label « établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général » issu de la loi Fioraso (articles L. 732-1 et suivants du code de l’éducation) : la forme non lucrative de l’établissement, un corps enseignant titulaire composé majoritairement d’enseignants-chercheurs ou encore des frais de scolarité identiques à ceux imposés aux établissements publics.

    https://academia.hypotheses.org/26218

    #ESR #université #facs #France #LPPR #LPR

  • En Espagne, le manque de médecins complique la lutte contre le Covid-19
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/28/en-espagne-le-manque-de-medecins-complique-la-lutte-contre-le-covid-19_60539

    Alors que Madrid est redevenu l’épicentre de la pandémie de Covid-19 en Europe − avec 25 % des capacités hospitalières de la capitale occupées par des malades et 40 % des soins intensifs de la région −, les soignants font tragiquement défaut en Espagne. Partout devant les portes des centres de santé, là où les médecins de famille et infirmiers reçoivent leurs patients, de longues files d’attente débordent sur les trottoirs. A l’intérieur, où, pour respecter le protocole, l’accès aux salles d’attente est limité à deux ou trois patients à la fois, le téléphone ne cesse de sonner. Pour obtenir un rendez-vous, il faut parfois insister pendant trois jours. Les malades non atteints par le Covid-19, dont le cas n’est pas considéré comme urgent, sont priés d’attendre des jours voire des semaines avant d’être pris en charge. Ils le sont la plupart du temps par téléphone, tout comme les patients atteints par le Covid-19, qui sont testés ici et suivis ensuite à distance. Epuisés et démoralisés, en sous-effectif et en colère, les médecins de famille de la région de Madrid ont finalement obtenu, dimanche 27 septembre, d’être déchargés des « activités non cliniques en lien avec le Covid-19 », telles que la communication des résultats des tests et le traçage des malades et de leur famille. Ils avaient menacé d’entamer une grève indéfinie lundi… En revanche, ils réclament toujours 750 nouveaux médecins de famille et 250 pédiatres de manière urgente dans la capitale, de façon à renforcer les effectifs, minés par des années de coupes budgétaires durant la dernière crise, et à remplacer tous ceux qui se trouvent en arrêt maladie de longue durée. Ils sont environ 350, selon les syndicats, les uns convalescents du Covid-19 − qui a frappé plus de 20 % de la profession −, les autres effondrés psychologiquement. Depuis des jours, cependant, la réponse de la présidente de la région, Isabel Diaz Ayuso (Parti populaire, droite), sonne comme un aveu d’impuissance : « L’Espagne manque de médecins et d’infirmiers, nous ne pouvons pas le nier », a-t-elle encore déclaré lundi 21 septembre. Pour faire face à cette pénurie, la région a demandé au ministère de la santé, jeudi 24 septembre, l’autorisation d’embaucher exceptionnellement trois cents médecins non européens bien que leur diplôme n’ait pas encore été homologué. L’Andalousie a fait de même le lendemain.
    Mais, pour les professionnels, une telle réponse ne fait qu’entériner un système défaillant qui écarte tous les ans des milliers de professionnels précarisés vers le chômage, vers d’autres régions d’Espagne ou d’autres pays d’Europe, qui offrent de meilleures conditions de travail et souvent des salaires plus élevés. Sur Twitter, les témoignages de soignants se sont multipliés sous le hashtag #porquénohaysanitarios (« pourquoi il n’y a pas de soignants ») : les contrats de vingt-quatre heures enchaînés pendant trois ans, les internes payés 700 euros par mois, les intérims qui durent quinze ans, avec licenciement avant chaque période de vacances…

    #Covid-19#migrant#migration#espagne#sante#personnelmedical#medecin#immigration#émigration#migrationqualifiée#diplome

  • Ceci devrait faire la Une des journaux (mais j’en doute) : International Criminal Court officials sanctioned by US
    https://www.bbc.com/news/world-us-canada-54003527

    The Hague-based ICC is currently investigating whether US forces committed war crimes in Afghanistan.

    The US has criticised the court since its foundation and is one of a dozen states which have not signed up.

    […]

    President Donald Trump issued an executive order in June, which allows the US to block the assets of ICC employees and stop them entering the country.

    Addressing reporters on Wednesday, Mr Pompeo said Ms Bensouda and Phakiso Mochochoko, the head of the Jurisdiction, Complementarity and Cooperation Division, were to be sanctioned under this order.

    Dismissing the ICC as a “thoroughly broken and corrupted institution”, he said those who continued to “materially support those individuals risk exposure to sanctions as well”.

    Le plus grand shithole country du monde ne déçoit jamais.

  • La France salue l’annonce d’une normalisation des relations entre les Emirats (...) - France ONU
    Proche-Orient - Intervention de Mme Anne Gueguen- Représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies
    au Conseil de sécurité
    https://onu.delegfrance.org/La-France-salue-l-annonce-d-une-normalisation-des-relations-entre-l

    (...) Tout d’abord, la France a salué l’annonce d’une normalisation des relations entre les Emirats arabes unis et Israël, qui sont deux partenaires stratégiques pour nous. Dans un contexte régional dégradé, cette annonce montre que des dynamiques positives peuvent s’enclencher.
    (...)
    Troisièmement, je veux exprimer la préoccupation de la France face au regain de tensions entre Gaza et Israël au cours des dernières semaines. Ces violences doivent cesser, avant que ne s’enclenche un nouveau cycle de violences meurtrières. La France appelle à la poursuite des efforts visant à éviter toute escalade dont les premières victimes seraient les populations civiles israélienne et palestinienne. Au-delà de cette situation sécuritaire critique, il est absolument crucial de répondre à la crise humanitaire qui ne peut passer qu’à travers la levée du blocus sur Gaza, assortie de garanties de sécurité crédibles pour Israël. Des progrès sont, parallèlement, indispensables dans la réconciliation inter-palestinienne. Ce processus passe par la tenue des élections nationales.

    #FranceDiplo

  • Thailand’s Covid success turns economic failure - Asia Times
    https://asiatimes.com/2020/08/thailands-covid-success-turns-economic-failure

    Authorities have indicated that Thailand could remain closed to international tourism until next year, with earlier plans to create “tourism bubbles” with countries that have likewise successfully controlled the virus.
    That means hotels, travel agencies and related tour services will miss out on the country’s traditional revenue-generating November-January peak season. The government’s guarded approach is raising grumbles among tourism operators. “Thailand is now being run by doctors who are overly cautious,” said Luzi Matzig, chairman of Asian Trails Group and five-decade veteran in Thailand’s tourism business. “It’s as if the Ministry of Transport were to say now we have to lower the speed on highways to zero so we can have zero accidents.” Currently, all foreign arrivals in Thailand, including diplomats and businessmen keen to invest in the country, must endure 14 days of state-run quarantine in selected Thai hotels. Thai health authorities have been spooked by Vietnam, a country that had contained the virus in early 2020 but then suffered a resurgence in cases after it opened up domestic travel through an outbreak erupting in the seaside town of Danang that quickly spread nationwide. Since July 1, Thailand has subsidized domestic tourism spending – which accounts for 6% out of the 18% tourism contributes to GDP – without suffering a Covid resurgence.
    But Thais are still on edge. The last reported foreign Covid case was an Egyptian VIP military officer who traveled on a diplomatic visa and disobeyed a government order to stay in his hotel by sneaking out to visit a shopping mall. There were no local infections in Rayong province where the quarantine violation occurred reported but the solitary case of an infected foreigner irked many Thais and sparked an avalanche of criticism on social media

    #Covid-19#migrant#migration#thailande#sante#touriste#businessman#diplomate#quarantaine

  • Le #Conseil_d’État rejette les #recours contre l’arrêté fixant les #frais_d’inscription dans l’enseignement supérieur

    Saisi pour se prononcer sur les frais d’inscription dans l’#enseignement_supérieur public, le Conseil d’État juge qu’ils ne s’opposent pas à « l’#exigence_constitutionnelle de #gratuité » qui vise à assurer l’égal accès à l’instruction. Il précise en outre que cette exigence ne s’applique que pour les formations préparant à des #diplômes_nationaux.

    Plusieurs associations, syndicats étudiants et requérants individuels ont demandé au Conseil d’État d’annuler l’arrêté interministériel du 19 avril 2019 qui fixe les droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur et prévoit pour les étudiants étrangers « en mobilité internationale » un montant différent de celui payé par les étudiants français, européens ou déjà résidents en France.

    Avant de se prononcer sur ce recours, le Conseil d’État a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au #Conseil_constitutionnel.

    La Constitution exige la gratuité de l’#enseignement_supérieur_public, mais des #droits_d’inscription modiques peuvent être demandés

    Le 11 octobre 2019 , le Conseil constitutionnel a déduit une exigence constitutionnelle de gratuité de l’enseignement supérieur public du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit l’égal accès à l’instruction et l’organisation par l’État de l’enseignement public gratuit. Il a toutefois précisé que des droits d’inscription modiques pouvaient être perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. Enfin, le Conseil constitutionnel a laissé au Conseil d’État le soin de contrôler le #montant des frais d’inscription fixés par les ministres au regard de ces exigences.

    Le Conseil constitutionnel n’ayant, en revanche, pas précisé si cette exigence de gratuité pouvait bénéficier à tout étudiant étranger, y compris à ceux venus en France dans le seul but d’y faire leurs études, le Conseil d’État ne se prononce pas sur ce point dans sa décision de ce jour.

    Les frais d’inscription contestés ne font pas obstacle à l’#égal_accès_à_l’instruction, compte tenu notamment des aides et exonérations destinées aux étudiants

    Le Conseil d’État précise que l’exigence de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public pour les formations préparant aux diplômes nationaux (licence, master, doctorat…) mais pas aux diplômes propres délivrés par les établissements de façon autonome ni aux titres d’ingénieur diplômé délivrés par les écoles d’ingénieurs.

    Par ailleurs, il juge que le caractère #modique des droits d’inscription s’apprécie en tenant compte du coût des formations et de l’ensemble des dispositifs d’exonération et d’aides destinés aux étudiants, afin de garantir l’égal accès à l’instruction.

    S’agissant des étudiants « en mobilité internationale », le Conseil d’État estime que les droits d’inscription fixés par l’arrêté attaqué, qui peuvent représenter 30 % voire 40 % du coût de la formation, ne font pas obstacle à l’égal accès à l’instruction, compte tenu des exonérations et aides susceptibles de bénéficier à ces étudiants. Ces droits d’inscription respectent donc l’exigence rappelée par le Conseil constitutionnel, à supposer que ces étudiants puissent s’en prévaloir.

    Les #étudiants_étrangers « en #mobilité_internationale » ne sont pas dans la même situation que ceux destinés à s’établir en France

    Enfin, le Conseil d’État juge que des étudiants « en mobilité internationale », venus en France spécialement pour s’y former, ne sont pas dans la même situation que des étudiants ayant, quelle que soit leur origine géographique, vocation à être durablement établis sur le territoire national. Il valide donc la possibilité de prévoir pour ceux-ci des frais d’inscription différents.

    https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-conseil-d-etat-rejette-les-recours-contre-l-arrete-fixant-les-frais-
    #taxes_universitaires #France #ESR #Bienvenue_en_France

    La décision :
    https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-1er-juillet-2020-arrete-fixant-les-frais-d-inscription-d

    Métaliste sur la question de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers :
    https://seenthis.net/messages/739889

    • L’Université à bout de souffle

      Après la loi ORE en 2018, le décret « Bienvenue en France » et l’augmentation des frais d’inscription pour une partie des étudiants étrangers hors-UE en 2019, l’année universitaire qui vient de s’achever a vu une nouvelle réforme menacer les principes fondateurs de l’Université française. Le projet de loi LPPR, ou Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, est un texte qui propose, en principe, une évolution du budget de la recherche jusqu’en 2030. Dans les faits, la LPPR s’accompagne également de plusieurs mesures vivement contestées par la communauté scientifique : des « CDI de mission » (contrats appelés à se terminer à la fin d’un projet de recherche), des tenures tracks (recrutement accru de professeurs assistants temporaires), ou encore le renforcement d’un système de financement de la recherche basé sur des appels à projets et des évaluations prospectives.

      Maître de conférence, chercheur en Études cinématographiques à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et codirecteur du Master Cinéma et Audiovisuel depuis 2019, Antoine Gaudin est en première ligne face à cette nouvelle mesure qui menace le monde, déjà fragile, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons voulu nous entretenir longuement avec lui pour faire le point sur les conséquences de la LPPR sur son travail, sur les dernières réformes du quinquennat Macron à l’encontre de l’Université, mais aussi sur les formes possibles de contestation.

      (...)

      À partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui nomment « Bienvenue en France » une mesure ouvertement xénophobe, une mesure qui multiplie par quinze (!) les frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union Européenne, sans que cette hausse, délirante, ne soit assortie d’aucun avantage par rapport à leurs camarades étudiants français ou européens (ce qui constitue d’ailleurs un cas de discrimination de l’accès à un service public basée sur l’origine géographique), à partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui tordent le langage pour lui faire signifier tout simplement l’inverse ce qui est, vous n’êtes pas simplement face à la pratique de l’enrobage flatteur constituant le support traditionnel de la communication politique. À ce niveau-là, vous avez basculé dans un au-delà de la raison, que l’on appelle parfois post-vérité, que des responsables politiques de haut rang devraient s’interdire d’utiliser, et que des médias critiques et indépendants devraient dénoncer, étant donné le danger qu’il représente pour la démocratie.

      (...)

      Faisons ici un peu d’anticipation. La première évolution possible serait la diminution des effectifs étudiants, qui permettrait aux universités de fonctionner malgré la pénurie de personnels. On en a déjà un peu pris le chemin avec la loi ORE de 2018, aussi nommée Parcoursup, qui a instauré le principe de la sélection à l’entrée de l’Université. Avec la fin d’un accès de droit à l’Université pour tous les bacheliers, on laisse un certain nombre de jeunes gens sur le carreau, en les empêchant d’accéder à un niveau d’études dans lequel ils auraient pu éventuellement se révéler. L’autre solution, pour pouvoir continuer à accueillir l’essentiel d’une classe d’âge chaque année, ce serait l’augmentation du coût des études, c’est-à-dire des frais d’inscription, afin de permettre aux universités devenues « autonomes » d’opérer les recrutements indispensables à un fonctionnement à peu près normal. On sait d’ailleurs, grâce aux MacronLeaks, que c’est globalement cela, le projet à terme, et que la multiplication par quinze des frais d’inscription des étudiants étrangers n’est qu’une façon d’amener ce qui sera sans doute la prochaine grande réforme de l’Université, si jamais la LPPR passe, c’est-à-dire la même hausse des frais d’inscription pour l’ensemble des étudiants. La plupart devront donc souscrire des emprunts bancaires pour faire face au coût de leurs études, ce qui signifie qu’ils passeront plusieurs années, au début de leur vie professionnelle, à rembourser un crédit.

      Bref, l’enseignement supérieur va sans doute à terme se transformer complètement en marché, et les étudiants en entrepreneurs d’eux-mêmes, dans un univers concurrentiel qui les forcera à rationaliser leurs parcours (adieu l’idée de se réorienter, de chercher sa voie, de se cultiver avant tout), afin d’être immédiatement « employables » dans la grande machine économique, et donc de ne pas trop pâtir de leur dette à rembourser. L’idée de l’Université, non seulement comme espace d’apprentissage et d’insertion professionnelle, mais surtout comme espace pour former des citoyens conscients, critiques et émancipés, prendrait alors un nouveau plomb dans l’aile. Quand bien même ce très probable scénario-catastrophe serait finalement abandonné au profit d’une plus grande sélection à l’entrée des facs, ou bien au profit d’une dégradation continue des conditions d’accueil et d’accompagnement, la LPPR nous fait foncer tête baissée vers une nouvelle remise en cause de l’accès à tous à des études gratuites de qualité. Si j’étais étudiant, je m’en inquiéterais et je refuserais cette perspective qui, associée aux réformes des retraites et de l’assurance-chômage, notamment, prépare un avenir bien sombre, où l’autonomie vis-à-vis des mécanismes tout-puissants du marché sera fortement réduite. Ce monde que nos dirigeants politiques sont en train de mettre en place pour eux, il faut que les étudiants disent maintenant, nettement et massivement, s’ils l’acceptent ou le refusent. Après, ce sera trop tard, car hélas on ne revient quasiment jamais sur des réformes de régression sociale une fois qu’elles ont été adoptées.

      https://www.critikat.com/panorama/entretien/luniversite-a-bout-de-souffle

    • Le Conseil d’État permet au gouvernement de fermer l’université

      Ce mercredi 1er juillet, le Conseil d’État a rendu sa décision concernant les contestations portées contre l’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur.

      Cette décision procède d’une véritable réécriture de la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 2019 qui était venu consacrer, sur le fondement du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’exigence constitutionnelle de gratuité de l’accès à l’enseignement supérieur public, avec la perception de droits d’inscription modiques en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiant·es.

      S’affranchissant des garde-fous érigés par les juges constitutionnel·les, le Conseil d’État a écarté toute possibilité de prise en compte de la capacité financière des étudiant·es, en estimant que le caractère modique des frais d’inscription exigés des usagèr·es suivant des formations dans l’enseignement supérieur public en vue de l’obtention de diplômes nationaux doit être apprécié au regard du coût de ces formations.

      Constatant que le « coût annuel moyen » de la formation suivie par un·e étudiant·e en vue de l’obtention d’un diplôme de licence, de master, de doctorat ou d’un titre d’ingénieur·e diplômé·e est évalué à la somme de 10 210 euros par la Cour des comptes, dans son rapport sur les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public de novembre 2018, et à la somme de 9 660 euros par le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’accueil des étudiant·es extra-européen·nes en France du 13 mars 2019, le Conseil d’État va ainsi s’employer à vider entièrement de sa substance le principe de gratuité dégagé par le Conseil constitutionnel.

      Or, ce montant ne reflète pas la réalité des coûts de formations des différentes filières à l’université. Puisque que la Cour des comptes retient que le coût global d’une formation en santé (médecine, pharmacie, PACES) est de 3 307 euros et représente, en science humaines et sociales, 2 736 euros en licence et 3 882 en masters, les frais appliqués par Bienvenue en France (2 770 euros en Licence, 3 770 euros en Master) conduisent de facto à faire supporter aux étudiant·es étrangèr·es l’intégralité du coût global de leurs formations.

      Eu égard à la fois à la part du coût des formations susceptible d’être mise à la charge des étudiant·es étrangèr·es et aux dispositifs d’aides et d’exonération de ces frais dont peuvent bénéficier ces étudiant·es, le Conseil d’État, sans rechercher si les exigences de gratuité peuvent être utilement invoquées par les étudiant·es étrangèr·es, considère que les montants des droits d’inscription susceptibles d’être effectivement à leur charge ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à un égal accès à l’instruction et ne contreviennent pas aux exigences découlant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

      Cette approche scandaleuse du Conseil d’État revient donc à soutenir que 2 770 en licence et que 3 770 euros de frais d’inscription est une somme « modique » dès lors que les montants des frais d’inscription à la charge des étudiant·es extra-européen·nes représenteraient près de 30% du coût de la formation dispensée en ce qui concerne le diplôme national de la licence, près de 40% s’agissant du master seraient donc modiques.

      Pour justifier sa décision, le Conseil d’État retient également des dispositifs d’aides et d’exonération des frais d’inscription qui sont accessibles aux étudiant·es étrangèr·es. Or, le mécanisme d’exonération des frais d’inscription ne concerne que 10% des étudiant·es non-boursièr·es (étrangèr·es et français·es) de chaque établissement et, en l’absence de compensation par le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche, les établissements vont progressivement restreindre, voire supprimer, l’accès à ce dispositif.

      Concernant les dispositifs d’aides, l’argument est d’autant plus pernicieux que le nombre de bourses du gouvernement français attribué aux étudiant·es étrangèr·es est extrêmement faible, rapporté au nombre d’étudiant·es concerné·es. De même, les bourses nationales des pays d’origine n’existent pas toujours, et lorsqu’elles existent les montants et les critères d’attribution sont très divers à tel point qu’il est presque impossible de calculer une moyenne réaliste des revenus des bourses et aides nationales que peuvent toucher ces étudiant·es extra-européen·nes.

      Le Conseil d’État feint d’ignorer que nonobstant ces dispositifs d’aides, les étudiant·es étrangèr·es doivent également s’acquitter de frais supplémentaires en lien avec leur inscription (frais de visas, frais de transport pour venir en France) mais surtout sont tenus de justifier des ressources mensuelles d’un montant de 615€ par mois pour l’obtention et le renouvellement des visas.

      Enfin, reprenant sa jurisprudence classique, le Conseil d’État a ainsi écarté les argumentaires relatifs au principe d’égalité entre les usagèr·es du service public.

      Ainsi, le Conseil d’État a également considéré qu’il était loisible aux ministres de fixer les montants des frais d’inscription applicables aux étudiant·es inscrit·es dans les établissements publics d’enseignement supérieur en vue de la préparation d’un diplôme national ou d’un titre d’ingénieur·e diplômé·e en distinguant la situation, d’une part, des étudiant·es ayant, quelle que soit leur origine géographique, vocation à être durablement établi·es sur le territoire national, et d’autre part, des étudiant·es venu·es en France spécialement pour s’y former.

      Selon le Conseil d’État, la différence de traitement qui en résulte concernant les montants de frais d’inscription est en rapport avec cette différence de situation et n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de formation de la population appelée à contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement.

      La démarche du Conseil d’État permet ainsi de valider la position du gouvernement subordonnant le paiement de ces frais différenciés aux seuls étudiant·es étrangèr·es disposant d’une résidence fiscale inférieure à deux ans en France.

      Or, on peut difficilement soutenir par exemple qu’un·e étudiant·e étrangèr·e, qui après avoir obtenu son diplôme de master, entreprend sous couvert d’une autorisation provisoire de séjour d’un an de s’insérer professionnellement en France, n’a pas vocation à être durablement établi·e sur le territoire national ou soit considéré comme n’apportant aucune contribution à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement.

      Le Conseil d’État laisse apparaître une pointe de nationalisme primaire dans cette décision et démontre une parfaite méconnaissance de l’apport des étudiant·es étrangèr·es pour l’économie française. Pour rappel, selon étude menée par l’institut BVA pour Campus France, publiée le mercredi 26 novembre 2014, les étudiant·es étrangèr·es coûtent 3 milliards d’euros et en rapportent 4,65 milliard d’euros à l’État français chaque année soit un bénéfice net de 1,6 milliard d’euros pour l’État français.

      Au-delà des seul·es étudiant·es extra-européen·nes, cette décision du Conseil d’État vient également s’attaquer aux principes fondateurs de l’enseignement supérieur public.

      Ainsi, il est surprenant de constater que le Conseil d’État a jugé utile d’exclure d’office les diplômes d’établissement délivrés en application de l’article L. 613-2 du code de l’éducation ou les titres d’ingénieur diplômé du bénéficie principe d’égal accès à l’instruction et l’exigence constitutionnelle de gratuité alors que le Conseil constitutionnel dans sa décision 11 octobre 2019 avait considéré l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public sans aucune exclusion.

      Le Conseil d’État épouse ici sans aucune justification juridique, la thèse soutenue par la Conférence des présidents d’université (CPU) qui encourage cette pratique tendant à favoriser la multiplication de ces diplômes d’établissement, dont les frais d’inscription échappent à tout contrôle législatif, réglementaire et désormais constitutionnel.

      Le point le plus contestable et dangereux de cette décision résulte de la volonté du Conseil d’État d’apprécier le caractère modique des frais d’inscription exigés des usagèr·es suivant des formations dans l’enseignement supérieur public en vue de l’obtention de diplômes nationaux au regard du coût de ces formations alors que le Conseil constitutionnel avait considéré que cette appréciation devait se faire le cas échéant sur les capacités financières des étudiant·es.

      Cette approche du Conseil d’État représente une grave entaille dans le principe de gratuité dégagé par le Conseil constitutionnel.

      Ainsi, si des frais d’inscription à la charge des étudiant·es étrangèr·es représentant près de 30% du coût de la formation dispensée en ce qui concerne le diplôme national de la licence, près de 40% s’agissant du master, alors qu’il s’agit d’un montant 2770€ et 3770€ respectivement, doivent être considéré comme modiques, les juges du Palais Royal ouvre ainsi la voie à une augmentation drastique et généralisée des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur pour l’ensemble des étudiant·es.

      Dans la mesure où cette hausse est jugée conforme à l’exigence constitutionnelle de gratuité, rien n’empêchera les prochains gouvernements d’envisager une telle hausse sans avoir à craindre une censure des juges, visiblement enfermé·es dans leur Palais Royal.

      Alors que le mécanisme d’exonération des frais d’inscription par les établissements ne concerne 10% des étudiant·es non-boursièr·es et que les bourses sur critères sociaux ne concerne que 24 à 27% des étudiant·es, ce choix de Conseil d’État accentuera à l’avenir une polarisation du public pouvant accéder à l’enseignement supérieur, entre d’un côté les boursièr·es bénéficiant des aides de l’État et de l’autre les étudiant·es issu·es de familles aisés. Entre les deux, les étudiant·es provenant de foyer appartenant à la classe dite moyenne devront s’acquitter de ces frais, le cas échéant par l’endettement, ce qui aggravera encore la précarité étudiante.

      Cet échec juridique ne doit toutefois pas signifier la fin du combat. L’inutilité et les méfaits de cette réforme inégalitaire et xénophobe ne sont plus à démontrer. Elle n’est hélas pas isolée. Elle s’insère dans une série de politiques iniques, qui s’attaquent au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis des années, et dont le projet de LPPR est un prolongement morbide.

      Ensemble, continuons notre lutte pour une université publique, gratuite, émancipatrice et ouverte pour tou·tes !

      Illustration en une : photographie prise lors de la manifestation du 1er décembre 2018 contre « Bienvenue en France ».

      https://universiteouverte.org/2020/07/03/le-conseil-detat-permet-au-gouvernement-de-fermer-luniversite

    • Validation du plan “Bienvenue en France” : le Conseil d’Etat enterre l’#égalité entre étudiant·es

      Ce mercredi 1er juillet, le Conseil d’Etat a rendu sa décision en réécrivant totalement la décision du Conseil constitutionnel concernant le recours intenté par : UNEF, ASEPEF (Association des Étudiants Péruviens en France), FESSEF (Fédération des Étudiants Stagiaires et Sénégalais de France), AJGF (Association des Jeunes Guinéens de France), ADEEF (Association Des Etudiants Egyptiens en France), SNESUP-FSU, FERC CGT, FERC Sup, Solidaires Étudiant•e•s et FO ESR contre le plan “Bienvenue en France” et la multiplication par 15 des frais d’inscription pour les étudiant•e•s non-européen-ne-s.
      De 30% à 40% des coûts globaux de formations soit 4000 euros : une somme modique selon le Conseil d’Etat…

      Le Conseil d’Etat décide de considérer que 3 770 euros de frais d’inscription est une somme “modique” puisque cela ne concernerait qu’un tiers du coût de la formation par étudiant-e et par an. Pour estimer ce coût, il est établi un calcul généraliste visant à diviser le budget total de la formation (10 210 euros selon la cours des comptes, 9 660 euros selon un rapport de l’assemblée nationale) par le nombre d’étudiant•e•s, hors les formations ont des coûts très différents entre elles.Cette évaluation des coûts de formations n’est ni fine, ni précise puisqu’elle ne va pas dans le détail des formations et dans ce qui constitue ces coûts. De plus, par ce choix, le Conseil d’Etat réécrit le principe établit par le Conseil Constitutionnel qui préconis e de se baser sur l’étudiant•e et non pas sur le coût de la formation : le cout doit rester modique pour l’étuidant.es et non ramené au coût global de la formation.
      Des frais d’inscription qui peuvent être différenciés entre étranger•e•s et français•e•s …

      Le Conseil d’Etat entérine également dans sa décision le fait de pouvoir appliquer des frais différenciés entre étranger•e•s et français•e•s. Il met en avant que le système des bourses accordées par le pays d’origine et la possibilité d’exonération de 10% des étudiant•e•s non-boursier•ère•s par les établissements laisse la possibilité de prendre en considération la situation financière personnelle des étudiant•e•s. Cependant, cet argument est pernicieux. Les bourses nationales des pays d’origine n’existent pas toujours, et lorsqu’elles existent les montants et les critères d’attribution sont très divers à tel point qu’il est presque impossible de calculer une moyenne réaliste des revenus des bourses et aides nationales que peuvent toucher les étudiant•e•s étranger•ère•s.
      A l’absence d’aides s’ajoute aussi des frais supplémentaires, qui, s’ils ne concernent pas directement l’ESR, sont des frais connexes dont on ne peut se passer pour être étudiant•e : frais de visas, frais de transport pour venir en France, obligation de justifier de 615 euros de ressources mensuelles pour l’obtention et le renouvellement des visas ou encore restriction du travail salarié entre 50% et 60% du temps plein.
      … mais surtout une possibilité de sélection par l’argent pour tou•te•s entérinée !

      Enfin, cette décision participe à la dislocation de nos acquis sociaux que le Conseil d’Etat acte aujourd’hui . En effet, le recours ne concerne pas seulement les étudiant•e•s étranger•ère•s, mais tous les étudiant.es en la question du conditionnantement de l’accès à l’enseignement supérieur au paiement d’une somme d’argent importante.
      Ce sont tous les frais exorbitants mis en place dans certaines écoles, qui sont ainsi considérés comme ne faisant pas obstacle à l’accès à l’enseignement supérieur : à terme, tous tout le monde les étudiant.es peut pourrait avoir à payer environ 4000 euros car c’est modique !
      Enfin, de par sa décision, le Conseil d’Etat accepte de reconnaître que le service public et l’accès àl’enseignement supérieur national n’est plus ouvert à toutes et tous peut être conditionné au paiement de frais d’inscription élevés. A travers cette décision, c’est notre modèle social qui est remis en cause puisque le Conseil d’Etat prend acte du fait que l’accès à un service public aussi indispensable à l’individu qu’à la collectivité qu’est l’enseignement supérieur peut être conditionné au paiement de sommes d’argent importante ; il entérine ainsi la possibilité de sélection par l’argent dans l’accès à l’enseignement supérieur.

      https://academia.hypotheses.org/25156

      Lien vers la motion intersyndicale :
      https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/07/FI-EE-CP-D%C3%A9faite-CE-vf.pdf

    • Bienvenue en France pour qui ? Le Conseil d’État, les #droits_constitutionnels et les #droits_étudiants

      La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public
      gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.
      Préambule de la #Constitution de 1946,
      intégré au préambule de la Constitution de 1958.

      Hier a été rendue une décision très attendue du Conseil d’État qui statuait sur les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur public, tels que fixés par l’arrêté du 19 avril 2019 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038396885&categorieLien=id). Cet arrêt suscite une immense indignation, et elle est justifiée.

      Cet arrêt est le fruit d’une multitude de recours individuels et associatifs (Ligue des droits de l’homme, Unef, CGT FERC Sup, SNESUP, FO ESR, …), rappelée par l’avocat Juan Prosper.

      https://www.youtube.com/watch?v=lsfdzYkSgkc&feature=emb_logo

      Reprenons les choses dans l’ordre : il était très tentant, le 11 octobre 2019, de se réjouir de la décision du Conseil constitutionnel qui, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, rappelait que le 13e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – selon lequel « La Nation garantit l’égal accès […] de l’adulte à l’instruction [et] L’organisation de l’enseignement public gratuit […] à tous les degrés est un devoir de l’État » — s’appliquait aussi à l’enseignement supérieur public.

      "Dans sa décision de ce vendredi 11 octobre 2019 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019809QPC.htm), le Conseil constitutionnel confirme que la gratuité de l’enseignement supérieur est un principe constitutionnel, distinct du principe de l’égal accès, et qu’il implique que les droits d’inscription demeurent « modiques ». Dans son considérant n°6, le Conseil constitutionnel rappelle qu’« il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public. Cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. »" (Communiqué du collectif défendant la QPC, 11 octobre 2019 ((publié sur Université ouverte, 11 octobre 2019)) : https://universiteouverte.org/2019/10/11/le-conseil-constitutionnel-consacre-le-principe-de-gratuite-de-le)

      En réalité, il est vite apparu que cette décision n’est en rien une courageuse défense du principe de gratuité de l’enseignement supérieur public, mais une véritable démission (https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/131019/frais-d-inscription-des-etudiants-une-gratuite-couteuse) : sous l’apparence du respect du préambule de 1946, le Conseil constitutionnel remet tout simplement au pouvoir réglementaire et à son juge attitré, le Conseil d’État, les clés de l’obligation constitutionnelle de gratuité de l’accès à l’enseignement supérieur public. Le Conseil constitutionnel évince, au passage, le Parlement d’un débat pourtant central, puisqu’il s’agit rien moins que du débat sur l’ouverture et la fermeture de l’accès à l’enseignement supérieur. Toute la discussion s’en trouve déplacée : on passe d’une gratuité solennellement proclamée par le Préambule constitutionnel, sans aucune ambiguïté, à un jeu ouvert d’interprétations, celui consistant à savoir ce qu’il faut entendre, exactement, par caractère « modique » des droits d’inscription.

      Dans sa décision rendue hier, le Conseil d’État a choisi de profiter pleinement de ce pouvoir d’interprétation complaisamment reconnu. Pourtant, le ministère ne lui avait pas facilité la tâche, poussant très loin le bouchon : avec l’arrêté du 19 avril 2019, Frédérique Vidal a non seulement décuplé une part des frais d’inscriptions, n’hésitant pas à les faire monter jusqu’à 2770 euros pour le diplôme national de la licence et 3770 euros pour le diplôme national de master ; mais elle a en outre choisi d’appuyer cette explosion des frais sur une discrimination, entre une catégorie d’étudiant.es désigné.es comme « en mobilité internationale », d’une part, et le reste des étudiant.es, d’autre part.

      Alors le Conseil d’Etat a fait ce qui, depuis son origine, justifie son existence : il a produit un discours juridique un tant soit peu cohérent afin de faire passer un monstre réglementaire pour une bête mesure d’application des textes auxquels le gouvernement est soumis. Cela supposait tout de même du Conseil d’État un vrai tour de force : il a d’abord fallu oser soutenir que des frais d’inscription de plusieurs milliers d’euros ne méconnaissent en rien le « devoir de l’État » de proposer un « enseignement public gratuit » ; il a ensuite fallu oser expliquer en quoi l’application de ces frais aux seul.es étudiant.es dit.es en « mobilité internationale » ne représente pas une atteinte au principe d’égalité entre les usager·es du service public.

      La magie du droit est, précisément, de rendre possible un tel tour de force, pourtant parfaitement contre-intuitif. Ce sont les deux temps de la démonstration du Conseil d’État : dans les paragraphes 13 à 19 pour ce qui concerne l’atteinte au principe de gratuité, et dans les paragraphes 20 à 25 pour ce qui concerne la méconnaissance du principe d’égalité.

      La #gratuité_payante

      C’est sur le premier de ces deux temps que le Conseil d’État était le plus attendu. Dans le monde parallèle du droit, le Conseil constitutionnel avait exécuté le premier pas : ce qui est d’un coût modique est « gratuit »1. Restait au Conseil d’État à faire le second : trois mois de SMIC pour douze mois d’étude en M1, c’est « modique » ; 16 000 euros pour cinq ans d’études, c’est « modique » . Ou, plus précisément, c’est « modique » , et donc c’est « gratuit » .

      Pour en arriver à ce qui n’est rien d’autre qu’un retournement des mots, le Conseil d’État n’a pas exactement fait dans la subtilité : la modicité, explique-t-il, doit s’apprécier de manière relative, à la fois au regard du « coût des formations » et « compte tenu de l’ensemble des dispositions en vertus desquelles les usagers peuvent être exonérés du paiement de ces droits et percevoir des aides ». Reste alors simplement à tricher sur cette double mise en relation, et le tour est joué :

      – s’agissant du coût des formations, le Conseil d’État fait une moyenne générale du coût des formations dans toutes les disciplines, ce qui lui permet de soutenir que les nouveaux frais d’inscription ne correspondent qu’à 30 % du « coût annuel moyen » d’une formation de Licence et à 40 % du « coût annuel moyen » d’une formation de Master. Évidemment, cela n’a aucun sens si l’on veut bien se souvenir des fortes disparités de coût entre les disciplines : un étudiant extra-européen s’inscrivant en licence en SHS s’acquitte désormais de droits d’inscription qui sont supérieurs au coût moyen de sa formation.
      – s’agissant des aides et exonérations, le Conseil d’État fait plus simple encore : il rappelle que ces aides et exonérations sont possibles. Qu’elles soient distribuées ou non, qu’importe : dans les nuages de l’argumentation juridique, le réel n’a aucun intérêt.

      Il est un point, cependant, qui a moins été remarqué, et qui nous semble très important. Au détour d’une phrase de l’arrêt (§19) ainsi que dans le communiqué de presse, le Conseil d’État fait quelque chose de tout à fait inhabituel : un appel du pied au ministère, pour l’avenir. Pour le Conseil d’État, en effet, rien ne permet de dire que l’exigence constitutionnelle de « gratuité » doive bénéficier aux étudiant.es « mobilité internationale » : il n’est pas sûr, explique-t-il, que

      « les exigences découlant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 [puissent] être utilement invoquées au bénéfice de ces étudiants ».

      Ou comment dire au ministère qu’augmenter encore bien davantage les frais d’inscriptions de ces étudiant·es, ça se tente.

      L’#égalité_discriminatoire

      S’agissant de la seconde question juridique à trancher – l’atteinte au prinicpe d’égalité du fait de la discrimination entre une catégorie d’étudiant·es désigné.es comme « en mobilité internationale », d’une part, et le reste des étudiant·es, d’autre part –, le Conseil d’État ne s’embarrasse pas de nuances : seuls les seconds ont « vocation à être durablement établis sur le territoire national », car les premiers sont seulement « venus en France pour s’y former », sans être « appelés à contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la Nation et à son développement ». Voici donc que chaque individu se voit attribuer par l’État une « vocation », à laquelle il se trouve « appelé » : ce déterminisme d’État, fondé sur l’incorporation d’individus dans telle ou telle catégorie juridique, est proprement effrayant. N’y a-t-il donc plus personne au Conseil d’État pour sonner l’alerte quant à la charge de certains mots et de certaines argumentations ? Ironie de l’histoire, la Constitution de 1946 visait justement à combattre un certain régime honni : elle semble définitivement enterrée sous les immondices qu’elle visait à déjouer.

      *

      Une chose est sûre, pour finir : avec cette décision, la boîte de Pandore est désormais ouverte, et presque tous les garde-fous sont tombés. Demain, il suffira donc d’un simple arrêté pour que les frais que l’on impose aujourd’hui aux étudiants « en mobilité internationale » soient étendus à tou.tes. Et il suffira d’une simple loi – une loi modifiant les articles L. 132-1 et L. 132-2 du code de l’éducation – pour que l’on institue des frais du même ordre aux élèves de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire.

      Bref, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, dans un impressionnant pas de deux, ont tué l’alinéa 13 du préambule de 1946. Et ils l’ont tué par un simple jeu d’interprétations.

      https://academia.hypotheses.org/25122

  • Le traitement de faveur des « amis français de la Chine » face au Covid-19
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/06/le-traitement-de-faveur-des-amis-francais-de-la-chine-face-au-covid-19_60452

    Dijon figure parmi les villes citées comme bénéficiaires de ces cadeaux intéressés. Mi-avril, alors que la cité, dirigée par l’ex-ministre (PS) François Rebsamen, attend encore sa part du million de masques commandés par la région Bourgogne-Franche-Comté, l’association des Chinois de Dijon lui en offre 20 000. Interrogé par Le Monde, son président, Hu Zhong Sheng, relate la genèse du don : « J’ai eu une collaboratrice de l’ambassadeur de Chine, à Paris, au téléphone. Elle nous a d’abord fait parvenir des masques pour notre communauté, puis elle nous a encouragés à aider la mairie en lui offrant des masques. Mais là, c’est nous qui avons réuni les fonds, nous connaissions les fournisseurs en Chine et le transport nous est revenu peu cher. » Joint, M. Rebsamen a fait répondre son directeur de la communication : « L’association des Chinois de Dijon nous a contactés, et il n’y a eu aucune conditionnalité à ces dons, pas une seule communication sur la Chine. » Le même ne cache pas que Dijon est engagée dans une stratégie touristique très chinoise, dont l’ambition est de faire de la ville « la deuxième destination française des Chinois après l’Ile-de-France ». Depuis 2018 et le lancement du programme « Dijon China Desk », M. Rebsamen multiplie les contacts avec la Chine pour attirer une clientèle haut de gamme. « Nous avons beaucoup d’atouts, le vin, la gastronomie et le patrimoine », explique son directeur de la communication. Selon le renseignement français, d’autres villes, comme Nancy, Strasbourg ou Besançon, ont également reçu des dizaines de milliers de masques grâce à la mobilisation des associations chinoises encouragées par les services de l’ambassade. En récoltant 8 500 euros, l’association des Chinois de Lorraine a fait venir 31 200 masques et trois respirateurs, le 27 mars, au CHU de Nancy. « On n’a presque rien payé pour le transport », témoigne un membre de l’association qui requiert l’anonymat. Commentaire de la télévision publique régionale : « La générosité chinoise réussit là où les voies administratives françaises ont le plus grand mal. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#chine#diplomatie#communauté#etudiant#sante#materielmedical#aideinternationale#economie

  • Biogeopolitics of COVID‐19: Asylum‐Related Migrants at the European Union Borderlands - Wiley Online Library

    These sovereign geopolitical territorial units were not able to prevent the arrival of the virus (with the propagandistic exceptions of North Korea and Turkmenistan) due to border‐crossings. Therefore, among the first actions taken by the governments were ‘lockdowns’. Most countries prevented people from moving and migrating across its borders and imposed strong regulations concerning how people can get together in the public space of that country. Particularly strong concerns were expressed over the pandemic’s deathly impact on individual countries’ demography (i.e. mortality rates and numbers among citizens), as well as its devastating impact on the economy of individual countries (i.e. unemployment, bankruptcies and rising public social welfare burden), resulting from the rapid downturn in the global economy. Much of the observations were thus about each state, as well as its sovereignty and measures to protect citizens.

    In such a state‐centric discussion about COVID‐19, much less attention has been paid to displaced people. Displaced people, in this context, are tens of millions of people who had to leave their homes to seek economic, social and political security and/or asylum in another country. To ask for asylum, one must leave one’s country of origin, cross the border to another country and request asylum there or travel further to do it in another country. These displaced people flee one state and expect protection from another state (United Nations 1951). However, they are in between two countries, still on the move or in the asylum process, having limited and only temporary formal protection by any state.

    #Covid19#MoyenOrient#Monde#Diplomatie#Internationale#Réfugies#Migrant#Migration

    https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tesg.12448

  • La fin du 19e siècle voit se constituer une revendication collective, organisée et inédite en faveur de l’accès des femmes aux titres universitaires et à des professions « réservées » aux hommes…
    #femmes #histoire #diplômes

    https://sms.hypotheses.org/20567

    Dans l’histoire européenne de l’accès des femmes aux professions, le passage du 19e au 20e siècle occupe une place particulière. Certes, il y a eu, à toutes les époques, quelques femmes exerçant des activités traditionnellement réservées aux élites masculines. De même, les femmes des classes populaires ont toujours travaillé en ville comme à la campagne.

    Mais la fin du 19e siècle voit se constituer une revendication collective, organisée et inédite en faveur de l’accès des filles aux titres universitaires ainsi qu’aux professions traditionnellement exercées par les hommes de la bourgeoisie. Dans les débats politiques et la production culturelle de l’époque, un nouveau personnage apparaît : la « diplômée ». Elle se confond alors avec la figure, redoutée par les uns, espérée par les autres, de « l’Ève future », de la « femme nouvelle », de la « féministe » ou de « l’émancipée », qui bouleverse la division ordinaire des rôles de genre dans la famille bourgeoise (...)

  • Russian, Syrian Military Say Rukban Refugee Camp May Experience Dramatic COVID-19 Outbreak - Urdupoint

    The coronavirus pandemic has resulted in a deterioration of the situation in Syria’s Rukban refugee camp, occupied by the United States and its allies, and a dramatic outbreak of COVID-19 may hit it, the heads of the joint Russia-Syria coordination center on refugee repatriation said in a joint statement on Tuesday

    #Covid-19#Syrie#camp#Santé#Diplomatie#Russie#Santé#réfugiés#déplacés#migration#quarantaine

    https://www.urdupoint.com/en/world/russian-syrian-military-say-rukban-refugee-c-941784.html

  • Le chef de l’opposition vénézuélienne, Juan Guaido, se trouve dans l’ambassade de France à Caracas
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/05/venezuela-guaido-dans-l-ambassade-de-france-a-caracas_6041820_3210.html

    Le chef de l’opposition vénézuélienne, Juan Guaido, se trouve dans l’ambassade de France à Caracas

    Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, avait laissé entendre que son rival s’était « caché » dans une représentation diplomatique.

    #diplomatie française, toujours plus fort !

  • Le coronavirus et l’avènement de la diplomatie carnivore - Le Monde

    La Chine, la Russie ou la Turquie partagent les mêmes méthodes agressives dans leurs relations extérieures, basées notamment sur la désinformation.

    Le 21 avril, le ministère des affaires étrangères, à Ankara, a publié un communiqué violent après l’entretien accordé au Monde par Jean-Yves Le Drian. Le chef de la diplomatie français y rappelait les engagements militaires turcs, contradictoires avec son statut de membre de l’OTAN. En retour, Ankara l’a accusé de tenter de « dissimuler la situation désespérée dans laquelle se trouve la France ». Les médias proturcs, eux, ont relayé des articles apocalyptiques sur les banlieues françaises, qui brûleraient tels des fétus de paille. Le même jour, Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan s’entretenaient, dans un esprit plus apaisé. Dans ce monde où l’on ne peut plus entièrement compter sur personne, il ne faut rompre avec aucune puissance. Les provocations et les tensions deviennent ainsi une pollution avec laquelle il convient d’apprendre à vivre, en restant digne si possible.

    #Covid-19#Turquie#Politique#Democratie#Diplomatie_internationale#Pandémie#migrant#migration

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/12/le-coronavirus-et-l-avenement-de-la-diplomatie-carnivore_6039376_3232.html

  • Pompeo, Cavusoglu discuss US-Turkey coronavirus cooperation - Al Monitor
    State Department spokesperson Morgan Ortagus said that the Pompeo and Cavusolgu “discussed cooperation to address the COVID-19 pandemic, including the repatriation of both Turkish and US citizens to their home countries, supply chain cooperation and the NATO alliance efforts to respond to the pandemic.”

    With Turkey mired in its own coronavirus fight, President Recep Tayyip Erdogan nonetheless sent a shipment of personal protective equipment to the United States last month — complete with a letter to President Donald Trump bemoaning Ankara’s plummeting reputation on Capitol Hill. The United States has recorded some 1.5 million COVID-19 infections, including nearly 100,000 deaths. Turkey has recorded some 150,000 coronavirus cases and roughly 4,000 deaths.

    #Covid-19#Turquie#Economie#Commerce_international#Diplomatie_internationale#Pandémie#migrant#migration

    https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2020/05/pompeo-cavusoglu-turkey-covid19-coronavirus-s400-ppe.html

  • Turkey is Determined to Reach Full Membership to the EU, Says President Erdoğan - Bianet english

    President and ruling AKP Chair Erdoğan shared a message on May 9 Europe Day. “We should seize the opportunity these difficult days offer us in a good way, in order to revitalize the relations between Turkey and the EU,” said Erdoğan.

    #Covid-19#Turquie#U.E.#Négociations#Diplomatie#Pandémie#migrant#migration

    http://www.bianet.org/english/politics/224084-turkey-is-determined-to-reach-full-membership-to-the-eu-says-presiden

  • Turkey turns to medical diplomacy to heal damaged relations - Reuters

    Emblazoned with Turkish flags and presidential seals, crates packed with medical equipment are loaded onto planes, part of a major aid campaign by Ankara which has dispatched supplies to dozens of countries since the new coronavirus pandemic erupted.

    #Covid-19#Turquie#Politique_internationale#Crise#Diplomatie#Gouvernement#Erdogan#migrant#migration

    https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-turkey-diplomacy-idUSKBN22N1JD

  • Turkey’s Looming Gordian Knot - Carnegie report
    Turkey is fighting the Covid-19 pandemic and is helping other countries do the same. However, the health crisis has exposed the country’s vulnerabilities because of its political, economic, and foreign policy choices. Maintaining these choices in the midst of a global recession will be a tall order.

    #Covid-19#Turquie#Santé#Economie#Crise#Politique#Democratie#Diplomatie#migrant#migration

    https://carnegie-mec.org/diwan/81717