Combinaziones (12)
Un naufrage démocratique
Bourrage des urnes.
Deux députées LFI élues vice-présidentes de l’Assemblée nationale avec les voix du RN.
Ils ont l’air malins les héraults du « barrage » et du désistement…
Source AFP et Le Parisien, samedi 20 juillet 2024.
« Bourrage d’urnes, « scandale démocratique », magouilles politiciennes… L’élection du bureau de l’Assemblée nationale a donné lieu aux premières passes d’armes de la XVIIe législature, ce vendredi, après l’annulation d’un vote, en raison d’un trop grand nombre de bulletins par rapport aux votants. Mais à l’issue des deux tours, ce sont finalement six vice-présidents qui ont été élus, dont deux de la France insoumise, mais aucun du Rassemblement national.
Dans l’ordre d’élection, voici donc les six vice-présidents de l’Assemblée nationale, qui seront chargés de suppléer Yaël Braun-Pivet en cas d’indisponibilité : Naïma Moutchou (Horizons), Clémence Guetté (LFI), Xavier Breton (LR), Nadège Abomangoli (LFI), élus au premier tour. Puis Annie Genevard (LR) et Roland Lescure (EPR), élus au second. Le premier vice-président étant traditionnellement un membre de l’opposition, c’est à l’Insoumise Clémence Guetté, et non Naïma Moutchou, qu’incombera ce rôle.
Les deux anciens vice-présidents du RN, Hélène Laporte et Sébastien Chenu, candidats à leur succession, sont donc restés sur le carreau, au grand dam du parti à la flamme. Dans un communiqué publié sur X, la troisième force politique du pays a dénoncé « un scandale démocratique fruit d’accords passés entre la Macronie et Les Républicains et la volonté de l’extrême gauche d’empêcher une juste représentation de 11 millions de Français ».
Coup de théâtre dans l’hémicycle
Deux heures et demie après le lancement des opérations de vote, un autre coup de théâtre a mis le feu à l’hémicycle. « À l’issue du dépouillement, il est apparu que dix enveloppes en trop avaient été déposées dans les urnes (…) Nous allons devoir refaire le scrutin dans la mesure où les résultats aboutissaient à de trop faibles écarts », a déclaré la présidente Yaël Braun-Pivet (Renaissance), réélue la veille au perchoir.
Une source parlementaire a confié à l’AFP n’avoir « aucun précédent en tête » d’une telle situation. « Honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude », a tonné dans l’hémicycle le député PS Jérôme Guedj (PS), demandant une enquête et la révision des modalités de vote.
Salle des Quatre Colonnes, où les députés rencontrent la presse, les élus se montraient désabusés. « Je suis un peu triste du spectacle qu’on donne », a réagi Jean-René Cazeneuve (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) au micro de LCP. « Le soupçon par rapport au bourrage d’urnes existe », a relevé le porte-parole de la Droite républicaine, Vincent Jeanbrun.
Chantre d’une représentation équilibrée de chaque force politique dans les instances de l’Assemblée, le groupe de Marine Le Pen avait annoncé qu’il voterait pour Nadège Abomangoli, Clémence Guetté, Naïma Moutchou, Hélène Laporte, Xavier Breton et Sébastien Chenu.
Auprès de la presse, les députés de gauche se sont efforcés de décrypter « le coup tactique » du RN, selon les termes de Benjamin Lucas (groupe Écologiste et Social). « Le RN avait perdu. Ce qu’il a cherché à faire là avec son pseudo-coup d’éclat », c’est « masquer le fait qu’ils sont perdants d’office, laisser entendre qu’il pourrait y avoir des retours d’ascenseur etc. », a commenté la députée LFI Sarah Legrain.
La Macronie fait le choix de s’entendre avec LR
Dans l’hémicycle, la macronie n’a pas manqué de relever ce soutien inattendu du RN à La France insoumise. « LFI étant élue avec les voix du Rassemblement national, ils pourraient au moins leur serrer la main », a lancé le ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin.
« Vous n’avez, vous les macronistes, aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau Front Populaire. C’est vous qui aviez voté en 2022 pour élire des vice-présidents de l’Assemblée nationale » RN, a répliqué la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, dans une ambiance tendue, des députés s’échangeant des invectives dans l’hémicycle.
La macronie, qui avait en 2022 concédé deux vice-présidences au RN, dans le souci d’une représentation équitable des groupes, a cette fois-ci fait le choix de s’entendre avec la droite pour permettre l’élection de Yaël Braun-Pivet.
Les deux camps briguant au passage un nombre de postes disproportionnés par rapport à leurs poids à l’Assemblée. Le risque pour le camp présidentiel est de se mettre à dos l’ensemble des oppositions, en échange d’une alliance avec LR loin de lui assurer une majorité absolue, l’ensemble pesant 213 députés (contre 289 nécessaires).
Samedi, ce sont les membres des commissions permanentes qui seront désignés. Ces dernières, séparées par thématiques (lois, finances, éducation…) ont un rôle essentiel dans le travail législatif et le contrôle de l’exécutif. Ses membres sont désignés par les groupes politiques, qui ont droit à un nombre de sièges proportionnel à leur importance numérique dans l’hémicycle. Les présidents des commissions sont élus lors de leur première réunion par leurs membres.
Selon des sources concordantes, la droite demande la commission des Finances. Mais pour que ce poste lui revienne, il faudra une nouvelle fois que la majorité sortante prenne part au vote, ce qui est contraire aux usages. « Une honte », a dénoncé Manuel Bompard (LFI). »