Barbara Stiegler et François Alla surenchérissent avec un nouveau livre où illes racontent toujours plus de merde sur la pandémie : rassurisme, stigmatisation, contre-vérités flagrantes par rapport à l’état des connaissances sur le virus et le vaccin, etc.
Alexander Samuel sur Twitter : "Elle pourrait faire bondir au plafond LehmannDrC avec ce qu’elle raconte sur le sida. Sa vision est à l’opposé même de ce qui s’est passé. De cette lutte CONTRE la stigmatisation de certaines communautés.
►https://twitter.com/AlexSamTG/status/1507821480503123968
▻https://threadreaderapp.com/thread/1507821480503123968.html
#Barbara_Stiegler #François_Alla #covid #santé #rassurisme #vaccin #antivax
]]>Mai 2018 Hautes-Alpes : un corps qui pourrait être celui d’une migrante découvert dans la #Durance
–-> je refais ici un fil de discussion (pour archivage) autour de la mort de #Blessing_Matthew (son identité à été dévoilée quelques jours après la découverte du cadavre)
Le parquet n’exclut pas qu’il s’agisse d’une migrante. La victime ne correspond à aucune disparition inquiétante.
Macabre découverte dans la Durance (Hautes-Alpes). Le corps d’une jeune femme noire a été découvert, mercredi 9 mai, dans la rivière, annonce le parquet de Gap. « Cette découverte ne correspond pas à une disparition inquiétante. Pour le moment, nous n’avons aucun élément qui permette d’identifier la personne et donc de dire s’il s’agit d’une personne migrante », a précisé le procureur de la République de Gap, Raphaël Balland.
Une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet et confiée à la gendarmerie afin de déterminer les circonstances du décès. « N’ayant pas en l’état d’éléments susceptibles d’être de nature criminelle, l’enquête a été ouverte du chef de ’recherche des causes de la mort’ », a indiqué le magistrat. Une autopsie sera réalisée lundi matin à l’institut médico-légal de Grenoble. « Les empreintes digitales seront exploitées afin de tenter de déterminer l’identité de la personne », a ajouté le procureur, invitant toute personne ayant des informations pouvant permettre de l’identifier à se manifester auprès de la gendarmerie.
▻https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/hautes-alpes-le-corps-d-une-jeune-femme-noire-decouvert-dans-la-durance
Ce que craignait les professionnels de la montagne est en train de se réaliser ? Des cadavres qui font surface à la fonte des neiges ?
▻https://seenthis.net/messages/688734#message693469
#frontières #mourir_aux_frontières_alpines #morts #décès #migrations #asile #réfugiés #Alpes #montagne #mourir_aux_frontières #violent_borders #frontière_sud-alpine #Saint-Martin-de-Queyrières
–—
ajouté à la liste des personnes en situation migratoire mortes dans les #Hautes-Alpes :
►https://seenthis.net/messages/800822
elle-même ajoutée à la métaliste sur les mort·es aux frontières alpines :
►https://seenthis.net/messages/758646
« La pandémie pose la question fondamentale de la place du doute en science »
La complexité des phénomènes sur lesquels les experts ont à se prononcer est telle qu’il n’est souvent pas possible de produire des faits indiscutables, expliquent les philosophes Bernadette Bensaude-Vincent et Gabriel Dorthe dans une tribune au « Monde ».
▻https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/12/18/la-pandemie-pose-la-question-fondamentale-de-la-place-du-doute-en-science_61
Tribune . Alerte générale dans les milieux académiques, éducatifs et politiques qui en appellent à un contrôle de l’information afin d’éclairer le public, victime de la #désinformation, manipulé par les algorithmes des réseaux sociaux et prisonnier de ses biais cognitifs. En septembre, Emmanuel Macron confie au sociologue des croyances #Gérald_Bronner la présidence d’une commission « Les Lumières à l’ère du numérique », chargée d’enquêter sur les « #fake_news », et dont le rapport est attendu ces jours-ci.
Il s’agit de sauver la science et la rationalité, fondements de la démocratie contemporaine, que les algorithmes des réseaux sociaux mettraient en péril. D’où la mobilisation contre le « populisme scientifique » ou l’« infodémie », à grand renfort de sondages alarmistes.
Hésitation vaccinale, refus de la 5G ou déferlante de #complotisme, on ne compte plus les lamentations face à la montée de l’irrationalité dans le public, et la perte de confiance d’un nombre croissant de citoyens dans les experts légitimes. Nous serions entrés dans une époque qui se moque du vrai et du faux, qui confond faits et valeurs, et s’égare dans la « post-vérité ». Un monde fracturé qui ne se retrouve plus sur une perception commune de la réalité, où l’espace public se fragmente en silos partisans sur les réseaux sociaux.
Sans prendre parti pour les uns ou les autres, nous tentons, dans nos recherches en cours, de construire une position difficile mais ferme qui échappe à cette prise en tenaille. Elle passe par une enquête sur le statut des énoncés scientifiques dans les technosciences actuelles et par une écoute attentive de la manière dont lesdits « complotistes » construisent leurs discours et leurs revendications.
Une vision simpliste
La division du monde en deux camps bien tranchés, arbitrés par un rapport à la vérité univoque, est problématique à plusieurs égards. D’abord, elle ne résiste pas à un examen rigoureux. Si elle séduit par son simplisme en partageant la société contemporaine entre les crédules et les sages, les fous et les détenteurs de la raison, cette vision est régulièrement démentie par les sondages d’opinion qui laissent voir des positions plus nuancées du public, en particulier durant la pandémie (voir la 8e enquête « Les Français et la science », dirigée par le sociologue Michel Dubois). Toutes les institutions ne bénéficient pas du même degré de confiance.
En rapportant la défiance du public à l’égard des sciences et des vaccins à un problème de communication ou d’éducation, on considère implicitement qu’il existe une vérité unique, certaine et immuable, qui fonde le monde commun où nous vivons, et que toute contestation est une contre-vérité. Cette épistémologie de tribunal se retrouve de part et d’autre du champ de bataille, puisque les opposants aux mesures sanitaires ou au vaccin se revendiquent autant de courbes, de chiffres et d’une vérité que seule l’idiotie ou la malveillance empêcheraient de voir.
Il est peut-être temps de s’interroger sur la composition d’un mode commun à l’heure où l’expertise scientifique joue un rôle de plus en plus prépondérant dans la vie sociale et politique. Et de regarder la science telle qu’elle se fait plutôt que telle qu’on la rêve ou qu’on l’apprend dans les manuels scolaires. Cette vision dichotomique qui empoisonne les débats publics assèche les nombreuses zones grises dans lesquelles se négocient en réalité la confiance et la constitution de collectifs. Et elle occulte les problèmes actuels que pose l’organisation de la recherche technoscientifique en aveuglant sur les difficultés bien réelles qu’affrontent les experts à qui est confiée la mission de « dire le vrai » pour conseiller le pouvoir.
Sciences en question
La confiance dans les experts comme porte-parole de vérités honnêtes (parfois inconfortables) auprès du pouvoir repose sur l’idée que la science est indépendante à l’égard des intérêts partisans ou économiques, qu’elle est autonome, autorégulée selon les quatre principes de l’ethos formulés par le sociologue Robert King Merton : universalisme, communalisme, désintéressement et scepticisme organisé. Mais l’organisation de la recherche met en danger cet idéal.
Depuis l’agenda de Lisbonne en 2000, la recherche est officiellement pilotée par des politiques scientifiques, et au service de la compétitivité économique. Elle est financée sur programmes publics ou privés ; elle noue des liens avec les industriels, alimentant parfois le doute sur les résultats scientifiques, comme on l’a vu à propos des effets du tabac et des pesticides sur la santé. De plus, le culte de l’innovation encourage les chercheurs à faire des promesses mirobolantes pour financer leurs projets. Et la pression de compétition peut conduire à des fraudes.
Lesdits complotistes n’ont donc pas tort de s’inquiéter des conflits d’intérêts, insuffisamment encadrés, qui empoisonnent la recherche scientifique. Ils rêvent d’une science pure et désintéressée, capable de dire le vrai et de débarrasser le monde de ses ambiguïtés. Bien qu’elle puisse parvenir, au prix d’efforts considérables, à l’objectivité et à l’impartialité, la science n’est pas neutre. Les faits sont lourds de valeurs.
Non seulement des valeurs militaires, économiques, sociales ou environnementales orientent les programmes de recherche scientifique, mais les méthodes de validation scientifique ou technique sont elles-mêmes pénétrées de valeurs implicites et de normes partagées par les scientifiques. Or ces normes et valeurs, qui permettent l’exercice de l’esprit critique dans les communautés scientifiques, et garantissent la fiabilité des résultats, ne sont pas nécessairement prioritaires dans l’ensemble de la société, ou même connues du public.
Les conditions de pilotage de la recherche ne sont pas seules en cause ici. La complexité des phénomènes sur lesquels les experts ont à se prononcer est telle qu’il n’est souvent pas possible de produire des faits indiscutables. Peut-on encore prôner une politique fondée sur les évidences scientifiques dans un monde où les scientifiques affrontent chaque jour l’incertitude ? Les climatologues, épidémiologistes et toxicologues, ayant appris à progressivement réduire les incertitudes et stabiliser des évidences, sont certes en mesure de lancer des alertes.
Mais leurs arguments manquent de pouvoir contraignant sur les débats politiques, et se retrouvent pris en étau entre des pouvoirs publics en général peu enclins à approfondir les risques et des médias qui alimentent les controverses. De son côté, le public est confronté, depuis la pandémie, à un nuage d’incertitudes qui fait hésiter les experts et parfois les divise. Il peut suivre en temps réel les efforts pour réduire cette incertitude.
Aux sources de la défiance
Les réticences et la méfiance du public ne sont pas un simple problème de communication ou d’éducation. Elles peuvent exprimer des désaccords éthiques et politiques, qu’il semble imprudent de renvoyer à l’état de l’art. Les personnes réfractaires à la vaccination justifient leur refus en invoquant leur crainte d’effets secondaires plus ou moins avérés ; mais aussi en soupçonnant que les pouvoirs publics et les compagnies industrielles continuent de prôner la vaccination pour défendre leurs propres intérêts. Cette méfiance peut se fonder sur les scandales récents dus aux lobbies industriels du tabac, de la chimie ou de la pharmacie.
Ces résistances expriment bien plus qu’une ignorance ou méconnaissance de la science. Elles traduisent aussi une vision différente des rapports entre médecins et patients, de la solidarité, de la liberté et des rapports de pouvoir. Dans le débat sur la 5G, les opposants, souvent renvoyés à l’irrationnel et à l’archaïque, ont une vision différente des liens entre connectivité, énergie, sécurité et développement économique. Ils expriment un désaccord profond avec le système de valeurs qui sous-tend les sciences, et avec la manière dont certaines d’entre elles sont mobilisées dans la fabrique du pouvoir.
Renvoyer la défiance vis-à-vis des experts à des problèmes de réseaux sociaux ou l’opposition aux mesures de santé publique à des biais cognitifs est bien commode : cela permet d’éviter consciencieusement de poser les questions qui dérangent dans la situation actuelle, où sciences et expertise n’ont jamais été aussi centrales pour la vie en commun. En cherchant à imposer leur autorité, en levant une croisade de la raison contre les « fake news », on se dispense de soumettre leur robustesse à un débat politique ouvert.
La diffusion du virus, ses mutations et ses traitements posent des questions fondamentales sur l’évidence factuelle, sur la place du doute en science, comme sur la gestion des incertitudes. Profitons de cette configuration historique inédite pour entreprendre une refonte en profondeur de l’expertise dans un monde incertain et pour apprendre à composer un monde commun dans lequel l’incertitude, plutôt qu’ennemie de la cohésion, nourrit sa créativité.
#Bernadette_Bensaude-Vincent, historienne des sciences et philosophe, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; #Gabriel_Dorthe, philosophe et anthropologue, Harvard Kennedy School, STS Program & IASS Potsdam.
#pandémie #Covid-19 #hésitation_vaccinale #technocritique #science_et_société #expertise #débat_public #discernement
]]>Quand la réponse mondiale à la pandémie de COVID-19 se fait sans la promotion de la santé
▻https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/17579759211015131
Plus d’un an après les premiers cas déclarés de COVID-19, le monde est toujours plongé dans le marasme de la #pandémie. De vagues en vagues, les mesures prises pour enrayer l’épidémie se répètent, incapables d’endiguer le phénomène dans la plupart des pays. Le monde peine contre le SARS-CoV-2, son pouls battant au rythme du nombre de cas, d’hospitalisations et de décès médiatisés. Cette publicisation continue et massive des chiffres de la COVID-19 ne constitue-t-elle pas un des problèmes clefs de la politique de crise ? À rendre sans relâche saillantes et visibles ces données épidémiologiques spécifiques, le risque est pris de rendre invisibles d’autres problèmes, troubles et maladies, au moins aussi graves ; un risque d’autant plus inquiétant que la crise se chronicise.
Les politiques publiques ont mobilisé, sans toujours efficacité, les outils classiques de la réponse aux phénomènes épidémiques aigus : dépister, isoler et, désormais, vacciner. Mais la COVID-19 n’est pas qu’une épidémie, c’est une #syndémie (1). Elle est asymptomatique ou peu grave pour une très large majorité de la population et ne s’aggrave qu’à la rencontre d’autres facteurs de vulnérabilité, notamment la combinaison de l’âge, de la morbidité et des conditions sociales. Elle a des effets socialement stratifiés et certaines populations, du fait de leurs conditions de vie, d’emploi et de logement, sont particulièrement vulnérables (2). En cela, les mesures universelles n’ont quasiment jamais été adaptées aux singularités des différents contextes, qu’elles soient géographiques, culturelles, politiques, etc. (3). Dans la panique, une approche totale, universelle et centralisée a été choisie presque partout dans le monde. Fermeture des lieux de vie et d’enseignement, distanciation physique, confinement généralisé. Les déterminants du vivre ensemble ont été gelés sur une très longue période pour tenter de limiter la propagation du virus et éviter la saturation hospitalière en soins intensifs.
Pour quels résultats ? La COVID-19 a fait près de 3,2 millions de morts, quasi-exclusivement âgés de plus de 65 ans et/ou déjà malades (4). Il est à ce jour difficile de savoir dans quelle mesure ce taux a pu être infléchi par les mesures décidées. Des études soulignent l’efficacité sous conditions de certaines mesures sur la propagation du virus (5), quand d’autres pointent qu’elles n’influent pas ou négativement sur le taux de mortalité en population (6). En revanche, des données sont aujourd’hui disponibles sur les conséquences de ces mesures sur la santé de la population : 100 millions de nouvelles personnes dans l’extrême pauvreté (7), doublement du taux de chômage dans les pays de l’OCDE (8), accroissement des troubles mentaux et de l’anxiété (9–12), défaut de soins pour les patients atteints de maladies chroniques et ralentissement des activités de prévention (vaccination, dépistage) (13). Pire encore est le bilan concernant les enfants : 142 millions sont plongés dans la pauvreté (14), 463 millions n’ayant pu accéder à l’enseignement à distance subiront des retards d’apprentissage (15) et des problèmes de santé subséquents (16), une aggravation des problèmes de santé mentale (17,18) avec probablement des conséquences sur la croissance et le développement des plus jeunes (19). On craint un effondrement de décennies de progrès en santé infantile, conséquence de politiques de vaccination et d’administration des soins prénataux considérablement perturbées (20, 21) et d’une malnutrition induite par les mesures (22). Enfin, les mesures de confinement ont surexposé les enfants à la violence intrafamiliale dans un contexte d’affaiblissement des services de protection de l’enfance (23,24). Ce constat saisissant par son ampleur, sa gravité et ses victimes, les plus jeunes et les plus vulnérables, interpelle au regard des principes de bienfaisance auxquels les interventions de santé publique devraient se référer (25). Comment a-t-on pu oublier que les déterminants sociaux de la santé sont dépendants les uns des autres, que la santé s’enracine dans le fait social et que par conséquent, sur le long terme, de telles mesures ne peuvent qu’être destructrices (26) ?
La réponse pourrait être assez simple : la méthode utilisée. Rappelons un fait que les acteurs de la promotion de la santé connaissent parfaitement. La #santé procède d’un processus d’empowerment, c’est-à-dire de capacitation des individus et des groupes à agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés. Dans le contexte de la COVID-19 (7), pour être en mesure d’agir, les personnes concernées doivent avoir la possibilité de participer, de s’approprier et d’ajuster la réponse. Or, dans de très nombreux pays, l’ensemble de la communication publique sur l’épidémie s’est déployé avec intensité sans engager de dialogue avec la société civile ou les professionnels en promotion de la santé. L’objectif principal a paru être celui de susciter l’adhésion aux mesures gouvernementales en centrant la communication sur la responsabilité individuelle des personnes, et en mobilisant les registres éculés de la peur et de la culpabilisation (27). Or, les sciences politiques l’ont montré depuis longtemps : ce que le gouvernant croit gagner en capacité de décision autonome par la centralisation et la monopolisation de la décision, il le perd en capacité de mise en œuvre (28). De surcroît, les limites de cette stratégie anxiogène sont connues depuis longtemps, notamment lorsqu’elle n’est pas partagée et que, par conséquent, les communautés ne peuvent jouer le rôle de modérateur, de ressource ou de soutien (29–32) : stratégies d’évitement ou de repli sur soi, anxiété et comportements défensifs, voire pathologiques liés au stress chronique induit. C’est au niveau mondial que s’observe cette combinaison délétère de « fatigue pandémique » (33), affaiblissant la population et par conséquent la lutte contre la COVID-19. Pour lutter contre ce phénomène, l’Organisation mondiale de la Santé (7) appelle pourtant à modifier la méthode autour de quatre principes :
i) faciliter les réponses communautaires par l’amélioration de la qualité et de la cohérence des approches,
ii) baser les actions sur la mobilisation des preuves, mais aussi sur les spécificités des contextes, les capacités, perceptions et comportements de la communauté ;
iii) renforcer les capacités et les solutions locales en facilitant les aptitudes et compétences des collectifs, et l’évaluation participative des mesures,
iv) privilégier la collaboration et la mobilisation des intérêts communs entre groupes, structures et territoires dans l’effort de réponse à la COVID-19.
Ces quatre principes, bonnes pratiques de la promotion de la santé identifiées de longue date, renvoient directement à la nécessité de croiser les expertises, les disciplines et les secteurs. Et c’est la deuxième faiblesse de la méthode utilisée jusqu’ici.
En privilégiant une approche biomédicale où il s’agit de supprimer ou contenir un virus plutôt que d’étudier sa rencontre avec une population faisant système (34), les professionnels de la prévention et promotion de la santé, les chercheurs en sciences humaines et sociales ainsi que les citoyens ont été exclus. Or, comment embarquer des centaines de millions d’individus dans une dynamique collective qui n’en concerne directement qu’une fraction, choisir la bonne communication sur le long terme, ajuster des mesures aux territoires, aux vulnérabilités, sans les acquis de ces spécialités. Voilà 50 ans que les guides en la matière s’égrènent de chartes en chartes, de conférences de consensus en conférences de consensus, pour rappeler que « l’action coordonnée de tous les intéressés » est nécessaire car « les programmes et les stratégies de promotion de la santé doivent être adaptés aux possibilités et aux besoins locaux des pays et des régions et prendre en compte les divers systèmes sociaux, culturels et économiques » (35). Des principes endossés par la plupart des nations aujourd’hui concernées ; des principes qui n’ont pas été appliqués, sans doute inconnus des gouvernants et experts mobilisés dans la gestion de cette crise.
Dans l’approche comme dans la méthode, dans ses résultats comme dans ses impacts, la gestion de la pandémie de COVID-19 ne peut qu’interpeller les professionnels de la promotion de la santé. Pourquoi ne sont-ils pas entendus ? Certes, nous nous étions préparés pour un sprint et c’est un marathon que nous vivons. Certes, le virus est agile, sournois car silencieux et opportuniste, comme toujours. Certes, les hôpitaux sont essorés par des années de réformes néolibérales. Mais si la surprise, voire la sidération, pourraient excuser les choix initiaux des personnes au pouvoir, l’entêtement et/ou l’aveuglement quant à leurs conséquences ne sont pas permis. Continuer de sacrifier, au nom de l’universalité des mesures, de nombreux segments de la population alors que des mesures proportionnées à la vulnérabilité des territoires et des personnes pourraient être mises en place n’est pas et plus permis. Si la mission de plaidoyer est centrale à la promotion de la santé, elle n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui où le monde trébuche sur le SARS-CoV-2, générant de multiples fractures sociales, territoriales, générationnelles et communautaires, et où l’expertise jusqu’ici mobilisée prend conscience de ses limites (36).
#covid, #autonomie, #discernement
Cité en note 1 de ▻https://seenthis.net/messages/938248
]]>Covid-19 : la santé publique comme laboratoire du contrôle social
▻https://aoc.media/analyse/2021/11/23/covid-19-la-sante-publique-comme-laboratoire-du-controle-social
La gestion de la #pandémie est largement passée par le recours à des dispositifs techniques de modélisation #statistique des comportements. En mettant à l’écart les #sciences_humaines et sociales, cette gestion techniciste aboutit à des politiques de santé publique qui visent le #contrôle plutôt que l’autonomie des acteurs.
En participant au dispositif du contrôle social, la santé publique a délaissé sa prétention à la promotion de la #santé [1] visant l’autonomie des acteurs, pour mieux maîtriser les conduites. L’octroi de capabilités a fait place à une instrumentalisation du choix social qui, en se normalisant au gré des décisions publiques, guide l’agent de manière diffuse, insidieuse et sans contradiction. Ce tournant laisse penser que l’autonomisation des acteurs de la santé et la défense des droits n’ont plus leur place dans l’application des normes sanitaires. Il faut au contraire réguler, inhiber et désinhiber les comportements en appareillant les individus de laissez-passer.
Qu’elle est la raison de ce changement de perspective ? Est-ce véritablement la population qui s’est écartée de la raison, en perdant confiance dans la science et les institutions ? Ou bien serait-ce plutôt les institutions qui ont perdu confiance dans l’autonomie de leurs administrés ? Alors que la complainte de la défiance s’amenuise et que plus de 50 millions de français sont vaccinés, le gouvernement réaffirme encore une fois sa visée comportementale aspirant à l’adaptation toujours plus astreinte des individus au milieu sociotechnique.
Cette conscience dirigiste de l’État est sans doute le signe d’une inquiétude concernant la population, ou pour le moins, celui d’une conviction dans le bien-fondé de sa mise sous tutelle. La défiance, quasi-continue depuis les gilets jaunes jusqu’aux anti-vaccins, aura sans doute conduit le gouvernement à la certitude que les politiques publiques doivent parvenir à maîtriser la conduite en instrumentalisant la raison et la science. À tel point qu’embarquées dans ce dispositif, les valeurs de la santé publique se sont vidées de leur sens.
Sommes-nous encore capables de trouver un équilibre entre le respect des droits de la personne et la protection de la santé collective ? Dans le contexte actuel, cela semble difficile à concevoir. En réduisant « l’acteur de la santé » à un « agent rationnel », le gouvernement oriente la décision et l’action individuelle par une géométrisation variable des droits de la personne. Abstrait de toute complexité, l’agent devient l’instrument d’un contrôle social qui pèse sur lui sans contrainte manifeste, dans la déréliction d’une psychologie sans sujet et d’une sociologie sans socius.
Implémenter la conduite
L’implémentation du #passe_sanitaire aura permis d’éluder les doutes sur les effets médicalement indésirables de la vaccination, par la promotion d’effets socialement désirables. Retrouver la vie civile suppose de consentir « librement » à la circonscription technologique de nos activités. Rien d’intrusif en apparence, si ce n’est une contrainte affranchie du statut d’obligation. L’incitation à la prophylaxie vaccinale masque ainsi de vertu un appareil de capture. La volonté d’accéder aux spectacles, aux lieux de sociabilité et aux évènements collectifs conduit nécessairement l’agent à accepter sans la moindre hésitation la vaccination, de même que l’utilisation indéfinie de ses données de santé.
L’accoutumance à la surveillance confère un certain confort, pour lequel on concède sans regret une part de notre vie privée au contrôle. On estime ainsi éviter l’enfermement, tout en s’offrant la possibilité de prendre part à nouveau à la société. Ce new deal semble propice à la pérennisation d’un équilibre. Le suivi de nos activités, même s’il ne permet pas une sortie définitive de la crise sanitaire, apporte une certaine stabilité sociale bénéfique à la croissance économique. Aussi, les retours d’expérience des phases de confinement, de couvre-feu et de déconfinement auront finalement permis aux autorités publiques de trouver un moyen de maîtriser en douceur la crise sanitaire par un subtil jeu d’inhibition et de désinhibition.
Le gouvernement s’en félicite. Ce dispositif technologique, que le monde entier nous envie, apporte des résultats inespérés. Il nous rappelle d’ailleurs qu’on peut débattre de tout sauf des chiffres. En valorisant ainsi un système devenu autoréférentiel, les pouvoirs publics ont évincé toute aspiration à un horizon démocratique du soin à la faveur d’un équilibre pour le moins fragile. Car, dans l’ombre de cette situation en apparence paisible, cet ingénieux dispositif pourrait finir par compromettre la santé de la population par une dégradation continue de l’accès aux soins, et par malmener les dimensions psychologique et sociale par une pratique répandue de l’aliénation.
Le testeur testé
Derrière le voile de la réussite autoproclamée de ce dispositif technologique, le laboratoire civil réserve des surprises. Le testeur finit lui-même par devenir le testé. À quelques mois de l’élection présidentielle, la ruse du dispositif technologique guette dans l’ombre de revirements potentiels. Alors que le contrôle des populations s’insinue en apparence sans responsabilité directe pour le décideur, le risque de l’échec plane. Le pass sanitaire, rendu nécessaire, pourrait conduire le gouvernement à être victime de ce qu’il dénonce : l’irresponsabilité.
L’incitation, parée du masque de la vertu vaccinale, a semblé un temps à même d’éluder la responsabilité du décideur, sous les traits d’une instrumentalisation vertueuse favorisant la stabilisation de l’épidémie. Seulement, alors même que la vaccination devait nous conduire à une sortie de crise pérenne, sa mise en œuvre a exclu des soignants de la pratique clinique. Malmenés durant les vagues précédentes, voire opposés au pass sanitaire, ces derniers ont déserté les services de soin. Les lits se ferment, alors que les cas augmentent à nouveau et que le virus continue à muter.
Comme le mentionnent les rapports du conseil scientifique en date du 5 et du 6 octobre 2021, la fragilité sociale du système de soins, avec la fermeture de 20 % de lits[2] (chiffre contesté par Olivier Véran et réduit à 5 %), la survenue cet automne/hiver d’infections respiratoires notamment chez les plus jeunes (non-vaccinés) et l’impact des retards dans la prise en charges de patients non-covid[3] laissent présager une situation critique dans les mois à venir. Comment donc faire pour ne pas subir une nouvelle vague révélant encore davantage la fragilité de notre système de santé, à la veille d’une élection présidentielle ?
Compartimenter les suspects
La solution gouvernementale tient au compartimentage accentué de la population, alors même que la fin de la gratuité systématique des tests fait baisser le nombre de dépistages[4]. La baisse des données issues du dépistage ne semble toutefois pas perturber les pouvoirs publics. En suivant la logique des compartiments épidémiologiques, ces derniers continuent de circonscrire la population dans des catégories abstraites de suspects, d’infectés et de retirés pour pallier le manque d’informations. En reconfigurant ainsi la distribution, on instrumentalise les non-vaccinés devenus les seuls suspects à haut risque.
Toute cette architecture qui, dérive et/ou contribue directement à préciser la forme à compartiments SIR[5], n’est peut-être plus aussi scientifiquement valide qu’elle le prétend. Mais elle reste hautement utile d’un point de vue politique. Dans un tel modèle, les relations entre les compartiments d’individus S (suspectés), I (infectés) et R (retirés) sont définies par un taux d’infection et un taux de rémission, décrivant l’évolution de l’épidémie dans le temps au sein d’une population passant d’un état de crise à un état stable.
Si on s’en tient à la forme simple, au début d’une épidémie (abstraite de dynamique démographique), on a dans la population complète N = S + I + R, l’approximation S(0) ≈ N ; tous les individus ou presque sont suspects. Pour atteindre la stabilité, le nombre de suspects doit donc décroître et le nombre de retirés croître de manière à infléchir le compartiment des infectés. Cette modélisation classique de l’épidémiologie est basée sur l’hypothèse que l’épidémie se terminera par l’équilibration du compartiment des retirés et le tarissement du compartiment des suspects et des infectés.
En circonscrivant donc le compartiment des suspects aux non-vaccinés, en retirant d’office les vaccinés et en sous-évaluant les infectés par un manque de dépistage, il est probable qu’on se laisse surprendre par une vague devenue imprévisible. Si bien que pour désamorcer toute critique, le pouvoir politique change de discours. On parle déjà en Allemagne d’une « pandémie des non-vaccinés[6] » ; en Autriche, on ordonne de confiner les non-vaccinés[7]. À la première réduction de la pandémie à un phénomène épidémique nationale s’ajoute une seconde réduction du compartiment des suspects aux seuls non-vaccinés.
Ainsi, alors même que les modèles épidémiologiques sont de moins en moins accrédités[8], il semble que leur structure fasse la part belle à une gestion politique des compartiments. Et si la vaccination permet en principe d’obvier la catégorie « infecté », la tant espérée immunité collective semble s’éloigner en raison de la baisse progressive de l’efficacité vaccinale[9]. La piqûre de rappel permettra-t-elle d’éviter une nouvelle fois la crise des hôpitaux ? Doit-on s’attendre au retour périodique de la crise ? Quoi qu’il en soit, le report de la date d’application du pass sanitaire à l’été 2022 s’annonce d’ores et déjà comme le prélude d’une géométrisation indéfinie des compartiments et de nos droits.
La réduction des comportements
Cette nouvelle forme de gouvernance, qui s’adjoint à l’usage du nudge, des influenceurs, des messages publicitaires, à la distanciation et à l’aménagement de l’espace-temps physique de nos activités engendre un réductionnisme physicaliste et probabilitaire des mécanismes comportementaux. L’autonomie du sujet semble irrémédiablement compromise. Au croisement des sciences cognitives et de l’épidémiologie, on évalue la probabilité d’apparition des bonnes conduites. La politique sanitaire devient alors le corrélat d’un conditionnement opérant par lequel s’efface la part raisonnable du jugement. De toute évidence, la rationalité se doit d’être instrumentalisée dans l’intérêt général. Et pour cela, il faut anticiper les conduites.
Si on se réfère, pour illustrer cette nouvelle conception de l’agent, au modèle CovidSim de Ferguson et son équipe[10] (qui a guidé les gouvernements européens vers la mise en place du confinement général), on voit que la stabilisation de l’épidémie tient à l’évaluation et au contrôle stochastique de deux forces physiques[11]. Le comportement collectif varie ainsi selon la densité de population sous la forme d’une force communautaire (community force), propageant le virus par l’effet d’une action de masse, alors que le comportement individuel suit une force d’infection (infectivity force) variable selon l’âge des individus. Cette dernière permet d’évaluer le hasard de l’infection par le calibrage de la fréquence des rencontres des agents au domicile, à l’école, au travail et dans la société en général.
Cette modélisation individu-centrée suppose la poursuite d’un équilibre stable entre des agents rationnels au moyen d’une physique des rapports sociaux allié à un calibrage stochastique des déplacements. Aussi spectaculaire que cela puisse paraître, l’échec de ce modèle met en exergue une erreur manifeste concernant la pensée humaine qui relève du réductionnisme. Toute considération pour l’altérité et la singularité des individus a disparu. Il s’agit bien d’une psychologie sans sujet et d’une sociologie sans socius. En effaçant le vécu des agents, pour ne s’intéresser qu’aux forces physiques qui conditionnent leurs activités et à la probabilité de leurs mouvements, la modélisation engendre un réductionnisme qui rend paradoxalement l’épidémie imprévisible.
L’altérité au principe de la différence entre les décisions et les actions des individus n’est dès lors plus compréhensible. Comme l’indique à ce propos Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, « le problème est moins le virus lui-même que la prise en compte des comportements dans nos modèles[12] ». Il est évident que la complexité de l’individuation psychologique et sociale ne peut pas être comprise dans une telle modélisation. Aussi, la mise à l’écart, quasi-systématique, des sciences humaines et sociales dans la prise de décision sanitaire aura conduit au réductionnisme le plus creux : l’agent est réduit à un corps brut qui laisse prise à une brutalisation de ses facultés mentales.
Transformer le laboratoire comportemental en laboratoire éthique
Notre société ressemble de plus en plus à un laboratoire comportemental où s’inventent de nouvelles méthodes de contrôle social. Couplé à nos activités quotidiennes les plus banales, le contrôle opère ainsi selon une suite d’états discrets dans les bars, les restaurants, les salles de concert, les bureaux, les gares, les aéroports comme les hôpitaux, pour mieux nous orienter l’air de rien. En couplant nos appareils connectés à la synergie de nos vies, l’outil numérique s’élude et avec lui notre autonomie s’efface. En se confondant avec le choix social, le pass sanitaire est devenu peu à peu imperceptible, abstrait de toute contrainte.
L’acceptation des normes par l’oubli relatif de l’outil confère à la conscience de l’utilisateur la satisfaction du choix social consenti. Lorsque le fonctionnement s’efface et qu’il se connecte parfaitement à l’agencement du monde, il se naturalise, comme si tout allait de soi. La synergie s’établit ainsi dans l’occultation des fonctions techniques du contrôle. En paramétrant les comportements, ces outils ouvrent une nouvelle voie pour l’application des politiques publiques. Le gouvernement pense alors parvenir à tout normaliser par un devenir imperceptible du contrôle, instrumentalisant le choix social du vivre-ensemble.
Alors que la crise sanitaire aurait pu changer la société en laboratoire éthique, où la réflexion collective inventerait de nouvelles manières de considérer l’action juste, elle l’a réduit à un dispositif technologique aliénant. Et bien que la gestion de crise d’une pandémie engage une gestion statistique, administrative et sécuritaire, force est de constater que le comportement individuel et la coopération sociale échappent à cette circonscription des pouvoirs publics. L’ethos manque à toute modélisation comme, à toutes les mesures engagées par la santé publique. De sorte que c’est dans la part d’inconnu propre à l’autonomie et l’altérité que se joue la concrétisation de notre vivre-ensemble. La santé publique, si elle veut de nouveau tendre à une pérennisation de bonnes pratiques, doit reprendre contact avec sa perspective émancipatrice et sortir de l’illusion techniciste du contrôle.
L’éthique doit, en ce sens, à nouveau tenir une place déterminante dans l’efficacité et la bonne application des normes. En les adaptant avec la réalité du terrain et au vécu des individus, la santé publique peut encore offrir à la société une perspective respectueuse de la personne et de ses droits. En favorisant les capabilités au principe de l’autonomisation individuelle et collective, il s’agit de valoriser la part de raison humaine qui échappe à tout modèle prédictif. Aussi un certain écart, voire un conflit, prend forme en silence au sein de la société civile entre la politique sanitaire fixe et impérative, et l’éthique sociale en adaptation permanente et libre.
C’est, me semble-t-il, dans cet écart, qui entraîne nécessairement des conflits de valeurs, que naissent de nouveaux enjeux de société sur la manière la plus juste d’agir dans un monde en proie au risque indéfini de la ruine collective. La visée éthique de la santé publique doit participer à nouveau au renversement des valeurs qui se joue actuellement face à l’axiologie surannée d’une société réfractaire au progrès de la raison. C’est dans les lignes de fuite de ce système que se construit la part de raison qui échappe à la raison d’État.
Mathieu Corteel
Philosophe et historien des sciences, Chercheur associé à Sciences Po et à Harvard
#Multitudes, #autonomie, #discernement, #covid
]]>David Cayley, De la vie, 2021 – Et vous n’avez encore rien vu…
►https://sniadecki.wordpress.com/2021/11/22/cayley-vie
Ou comment légitimer de rien faire ou presque avec érudition, mais érudition philo-littéraire, avec en fait aucune connaissance de comment fonctionne le consensus scientifique (c’est fou tous les philos qui critiquent « La Science » en disant très justement qu’il n’y a pas Une Science… tout en le prétendant en fait eux-mêmes dans le même mouvement ! alors que dans la réalité de tous les jours, c’est beaucoup de débats, de relectures, de tests pour reproduire ou pas les observations des collègues, etc).
Cela a engendré une censure efficace, d’abord pour ne pas ébruiter des désaccords scientifiques et ensuite pour conférer une apparence d’évidences irréfutables à ce qui n’est en réalité que précaution douteuse sur le plan scientifique. (On peut penser d’une part à la marginalisation d’experts en santé publique tel le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, Richard Schabas et de l’ancien directeur du centre international pour les maladies infectieuses du Manitoba, JoelKettner, en raison de leur désaccord. Et d’autre part, à l’utilisation des masques, déclarés inutiles au début de la pandémie, puis rendus obligatoires et indiscutables sans apporter davantage de preuves de leur utilité.)
Un grand classique : on critique La Science MAIS attention, si ya UNE OU DEUX brebis galeuses bardées de diplômes « Science » qui elles vont dans mon sens, alors là je n’hésite pas à les citer !
Sauf qu’il vaut mieux le dire et redire mille fois : le consensus scientifique ça marche pas comme ça : dans l’histoire de la recherche, presque à aucun moment une brebis galeuse n’a eu raison contre l’ensemble de toutes les personnes en capacité de la relire, de la comprendre, et de reproduire ce qu’elle avance. Ce pourquoi dans l’immense majorité des cas, ce qui est prouvé comme fonctionnant sur un problème ("le paracétamol diminue la douleur" … « le masque bien porté fait baisser drastiquement la propagation des virus en aérosol » …) c’est toujours des milliers de cherchereuses qui ont réussi à reproduire le même constat à travers le monde entier, dans plein de situations différentes, ce qui a permis de confirmer une hypothèse de départ.
Les gens qui mettent en avant les quelques voix dissonantes sont en gros toujours des gens qui 1) n’ont aucune compétence dans le sujet en question et 2) qui ont magiquement déjà une réponse en tête (moi je CROIS que l’hydroxychloroquine ça marche) et qui vont ensuite chercher les quelques personnes et rares articles qui vont aller dans leur sens.
À en croire Illich, les surprises faisaient le sel de sa vie.
Surpriiiise tu viens de choper le covid et tu vas avoir des séquelles physiques et neurologiques pendant des mois et peut-être des années…
Surpriiiise tu viens de refiler le covid à ton père et il est entre la vie et la mort avec des tubes partout…
J’ai hâte !
Un risque est une probabilité répartie dans une population, ce n’est pas une personne. Une personne invite au discernement, c’est-à-dire qu’elle nous invite à nous concentrer attentivement sur une histoire unique.
Et un beau jour on découvrit l’épidémiologie, dont la discipline entière est d’étudier et se demander quoi faire lorsqu’une maladie se propage dans une population entière (et pire encore quand c’est la planète entière), et non pas comment soigner telle personne précise…
Une personne qui s’est cassée la jambe, avec son histoire personnelle, ça n’a rien à avoir avec gérer la peste bubonique (par exemple). « Oh tiens votre peau devient toute noire et je vais vous soigner vous en particulier avec votre histoire particulière » … => ridicule.
Cela ne signifie pas que le risque n’a pas de place légitime dans le monde. Un actuaire a besoin de connaître précisément la fréquence de certains évènements contraires ; un chirurgien négligerait son devoir s’il ne pesait pas le pour et le contre d’une intervention. Il s’agit ici, comme dans la pensée d’Illich en général, d’une question de degré ou d’équilibre.
Comment se contredire deux phrases plus loin. Bah oui, c’est justement le principe de l’épidémiologie gros bêtassou illettré.
Lorsque trois éminents épidémiologistes, Sunetra Gupta, Jayanta Bhattacharya et Martin Kulldorf publièrent la Déclaration de Great Barrington
On parle de la déclaration organisée par un énorme think tank libertarien, qui nie le réchauffement climatique et investie des millions dans l’industrie fossile ? Mais ça c’est des supers alliés ! Illich serait ravi !
(Je ne voudrais pas insister sur ce qui devrait être évident, mais une société donnée ne peut pas être, au même moment, confinée et non confinée, ce qui serait le seul moyen de comparer les deux situations de manière sûre et « scientifique ».)
T’es au courant que la pandémie a touché la Terre entière ? Et que donc c’est une maladie qui touche de manière relativement similaire tous les êtres humains de toutes les sociétés ? Et que donc il est parfaitement possible de voir les différences entre les pays/régions qui ont confiné, et les autres pas ? Il est aussi possible de voir les différences dans un même pays entre des mois sans confiner puis tout d’un coup ce que ça a fait une fois confiné (genre en Angleterre).
Ce qui m’inquiète le plus dans tout cela est le renforcement de ce que j’ai appelé ailleurs le « mythe de la science », ce qui signifie essentiellement qu’il existe une institution appelée science, s’exprimant d’une seule voix et de manière indiscutable. Chaque fois que quelqu’un parle de « la science », il convoque le mythe. En raison de leur nature, les sciences sont plurielles, contestables et sujettes à d’interminables révisions compliquées. En parler au singulier et faire de cet amalgame un oracle a deux conséquences profondément pernicieuses.
…
La seconde conséquence pernicieuse de ce mythe est de nuire aux sciences elles-mêmes. En dépit de la censure qui s’est exercée pendant la pandémie, les désaccords fondamentaux qui ont, dès le début, divisé les épidémiologistes, les virologues, les spécialistes des maladies infectieuses et les experts en santé publique n’ont pu échapper à ceux qui ont l’esprit un tant soit peu ouvert et disposent de sources variées. Ces désaccords sont normaux, prévisibles et sains. C’est la fiction d’unanimité soutenue par ceux qui prétendent savoir et obéir à la science qui est malsaine. À mon avis, cette fiction perpétue une fausse représentation des sciences, dont sont exclus toute variabilité, toute contingence, et tout préjugé. Pire encore, son fondamentalisme engendre cette antiscience à laquelle elle tente de s’opposer. Les sciences s’épanouiront et rempliront leur rôle lorsqu’on cessera de les confondre avec la voix de la nature ou avec la voix de Dieu.
Cf l’intro du début : « La Science » en tant que grand tout est essentiellement mis en avance par : 1) les politiques et technocrates, qui veulent faire accepter des choses, et 2) les critiques dans son genre. Là pour le covid, ya quand même des milliers de milliers de pages de preuves (mais faut pas être paresseux et les chercher plutôt que de parler en abstraction) qui montrent parfaitement qu’il y a eu plein de débats, plein de tests, plein d’hypothèses, dans la communauté scientifique. Et qu’après des mois de débats, d’expériences, de reproduction des expériences des autres, etc, il c’est DÉGAGÉ un consensus : le virus se propage essentiellement par aérosol, et du coup mettre des masques sérieusement c’est cool pour tout le monde, aérer sérieusement c’est cool, et ne PAS mettre de masque dans un lieu fermé c’est augmenter immensément les risques de propagation (et donc de morts dans le territoire en question), etc, etc.
Le contraste a été brutal dans le cas de la pratique religieuse. On a approuvé et encouragé les rituels de santé et de sécurité et interdit les rituels religieux.
Trop dur !
#David_Cayley #Ivan_Illich #Illich #Jean-Pierre_Dupuy #débat #philosophie #antiscience #consensus_scientifique #méthode_scientifique #vie #Jésus (il parait que c’est important de savoir ce que faisait Jésus dans ce débat)
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