• Aides sociales : « Ne luttons pas davantage contre les pauvres que contre la pauvreté », Axelle Brodiez-Dolino, chercheuse au Centre Norbert-Elias (EHESS, universités d’Avignon et d’Aix-Marseille)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/19/aides-sociales-ne-luttons-pas-davantage-contre-les-pauvres-que-contre-la-pau

    L’historienne Axelle Brodiez-Dolino revient aux racines du discours, récemment remis en avant par Edouard Philippe, sur la « contrepartie » aux aides sociales.

    Tribune. Alors que les « gilets jaunes » focalisent l’attention sur les couches populaires laborieuses, le premier ministre vient de faire diversion, dans le cadre du grand débat national, le vendredi 15 février, en exhumant l’idée de contreparties aux aides sociales. Flattant implicitement ceux qui n’y recourent pas, tout en répondant à son électorat. S’il reconnaît le sujet comme « explosif », c’est qu’il fait référence au concept du #workfare anglo-américain, rarement loué comme un modèle enviable ; et que, (re)lancé en 2011 par Laurent Wauquiez puis Nicolas Sarkozy, puis adopté dans le Haut-Rhin, il a suscité des levées de boucliers.

    Car il englobe deux préoccupations. L’une, économique : faire que chacun, surtout s’il reçoit de la collectivité plus qu’il ne semble apporter, contribue ostensiblement. L’autre, morale : imposer le maintien d’une saine occupation, contre l’oisiveté et les activités illicites suspectées chez les #allocataires.

    Loin d’être nouvelle, l’idée était déjà soulevée par le Comité de mendicité en 1790 : « Si celui qui existe a le droit de dire à la société “Faites-moi vivre”, la société a également le droit de lui répondre “Donne-moi ton travail”. » Elle était au cœur du « grand renfermement », dans les « hôpitaux généraux » (XVIIe-XVIIIe siècles) puis les « dépôts de mendicité » (XVIIIe-XIXe siècles), ainsi qu’en Angleterre et aux Etats-Unis dans les workhouses. Le pauvre « valide », en âge et en état de travailler, bénéficiait, si l’on ose dire, du gîte et du couvert au sein d’un système #disciplinaire carcéral fondé sur la #mise_au_travail. Ce système, que les pouvoirs publics se sont maintes fois évertués à réactiver, a de l’avis général (contemporains de l’époque comme historiens d’aujourd’hui), fait la preuve de sa totale inefficacité. Au point qu’il a fini par être, au début du XXe siècle, discrètement abandonné.

    Un principe récusé par les lois sociales

    Hors son échec historique, ce principe est discutable. Il ne relève pas du hasard que sa disparition coïncide avec l’apparition des lois sociales : en forgeant des #droits, la IIIe République a récusé la #contrepartie. Elle a, avec le solidarisme, renversé l’idée de dette, qui n’était plus celle de l’individu envers la société, mais de la société envers l’individu pour lui assurer sa subsistance.

    « Le “devoir de travailler” n’a de sens qu’avec son corolaire, le “droit d’obtenir un emploi” »

    Du début du XXe siècle à 1988, un droit a donc été un pur droit. Les préambules des Constitutions des IVe et Ve Républiques ont toutefois été prudents : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi (…). Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

    C’est ce qui a légitimé, dans la loi de 1988 sur le #RMI, l’imposition d’une contrepartie : le contrat d’insertion. Lequel puisait à la pratique alors novatrice d’ATD Quart monde de rééquilibrer le rapport d’assistance en mettant sur un pied d’égalité les contractants. Le « contrat-projet » du rapport Wresinski s’est mué en contrat d’insertion du RMI.

    Mais c’est aussi là qu’il a été dévoyé, vidé des deux grandes caractéristiques du contrat : librement consenti, et équilibré entre les deux parties. On ajoutera que le « devoir de travailler » n’a de sens qu’avec son corolaire, le « droit d’obtenir un emploi » – qui n’existe toujours pas aujourd’hui.

    Déséquilibre entre offre et demande d’emploi

    Car le problème français n’est pas d’occuper les #chômeurs. Il est celui d’un déséquilibre abyssal entre offre et demande d’#emploi : au minimum, un ratio de 1 à 10 ; et qui serait plutôt situé entre 1 à 17 et 1 à 42 (selon le rapport 2017 du Secours catholique). On peut toujours « traverser la rue », selon la formule d’Emmanuel Macron, mais la demande reste très supérieure à l’offre. La France recourt en outre largement à l’emploi précaire et aux contrats très courts, paupérisants, désincitatifs et coûteux (transports, gardes d’enfants, etc.). S’y ajoutent la désadéquation entre formations et emplois disponibles, ainsi qu’entre lieux d’emplois et lieux de vie. Si, comme le dit le premier ministre, « on veut qu’il y ait un avantage objectif à retourner à l’activité », mieux vaudrait aborder le problème sous ces angles-là.
    Mettre en regard, de façon simpliste, chômage et emplois non pourvus, c’est faire fi de ces chantiers politiques et imputer le paradoxe à des chômeurs qui feraient la fine bouche devant les emplois proposés ; donc rendre les plus démunis responsables. Car fondamentalement, le recours aux aides sociales découle du découragement face aux échecs répétés à s’insérer de façon durable et décente sur le marché du travail.

    La ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn veut inscrire la « stratégie pauvreté » annoncée en septembre 2018 « dans la fidélité aux valeurs profondes qui ont construit notre république sociale ». Mais ne choisissons pas la filiation de la Ire République, qui luttait davantage contre les pauvres que contre la pauvreté, mais celle des républiques suivantes. Le slogan de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron est beau : « Faire plus pour ceux qui ont moins. » Ne le dévoyons pas, à peine engendré, en « demandant plus à ceux qui ont moins ».

    #guerre_aux_pauvres

  • #Manuel_Valls et #Jean-Jacques_Urvoas se déplacent aujourd’hui à la #maison_d'arrêt de #Nîmes, l’une des plus surpeuplées de France avec un taux d’occupation de 207% soit 395 #détenus pour seulement 192 places. Au premier juillet dernier, jamais les #prisons_françaises n’avaient été aussi peuplées. Et le gouvernement n’a toujours pas trouver les moyens d’y remédier.

    68.859 personnes incarcérées, c’est un record absolu qui a des conséquences concrètes : plus de 15.000 détenus hébergés dans des #cellules trop petites, 1648 d’entre eux dorment sur un matelas à même le sol soit 68% de plus que l’an dernier. Principales causes de cette hausse historique : les #magistrats placent plus souvent les suspects en #détention_provisoire et ils hésitent davantage à effectuer des remises en #liberté ou des aménagements de peine pour les personnes condamnées.
    Construire de nouvelles prisons ?

    Le gouvernement souhaite la construction de #nouvelles_prisons ; mais la solution est coûteuse et entraîne des délais. En attendant, le #garde_des_Sceaux veut convaincre les magistrats d’utiliser les alternatives à l’incarcération, mais le #climat_sécuritaire du moment n’y contribue guère. Il y a d’autres leviers sur lesquels agir comme une meilleure répartition des détenus. Le démographe #pénitentiaire Pierre-Victor Tournier relève par exemple que sur la région de Toulouse dont dépend la maison d’arrêt de Nîmes, il y a deux cents places inoccupées dans les #centres_de_détention qui hébergent uniquement des personnes condamnées. La contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, préconise pour sa part d’établir un numerus clausus pour chaque établissement.

    http://www.franceinfo.fr/actu/justice/article/surpopulation-carcerale-valls-et-urvoas-la-maison-d-arret-de-nimes-810647
    blob:https%3A//www.dailymotion.com/28dec8bb-ab33-4d54-8533-b30697a87fdc
    http://www.franceinter.fr/societe/manuel-valls-et-jean-jacques-urvoas-a-la-maison-d-arret-de-nimes
    La maison d’arrêt de Nîmes a été mise en service en novembre 1974 à la périphérie sud-est de la ville de Nîmes (préfecture du Gard), au lieu-dit \"Le Mas de Possac\". Cette construction a remplacé la vieille maison d’arrêt installée depuis 1785 dans un couvent de religieuses, au coeur de la ville, face aux arènes romaines. La maison d’arrêt de Nîmes est le seul établissement pénitentiaire du Gard. Elle reçoit les prévenus et les condamnés des tribunaux de Nîmes et d’Alès. Environ 380 détenus y sont écroués, femmes et hommes.
    http://prison.eu.org

    • 80 000 DÉTENUS EN 2017 ?
      Réforme et dérive de l’administration pénitentiaire.

      En juillet 2004, le nombre de personnes incarcérées en France a dépassé 64 000, un chiffre inconnu depuis la Libération. Il s’est depuis stabilisé au-dessus de 60 000 détenus, alors qu’il était de 48 216 en 2001, et de 38 639 en 1980. Ce record a été l’apogée (provisoire ?) d’un mouvement d’inflation carcérale qui, à quelques exceptions près, a marqué avec constance les trois dernières décennies. Il s’agirait alors de montrer à la fois la fonction de #parcage de la prison pour des franges croissantes de population durablement écartées du #marché_du_travail, et, plus largement, son rôle #disciplinaire vis-à-vis de populations précarisées contraintes sous la #menace_pénale d’accepter la nouvelle donne sociale. Les États-Unis, avec une « #industrie_carcérale » florissante et plus de 2 000 000 de détenus, figureraient le sombre avenir de notre système carcéral.
      Pourtant, en France, si la population détenue demeure dans son écrasante majorité constituée d’hommes jeunes en situation de #grande_précarité_sociale, les motifs et les durées d’incarcération ont connu de profondes transformations qui mettent à l’épreuve l’univocité des interprétations : stabilisation et fluctuations significatives du nombre d’entrées (à la baisse en 1980 et 2002), augmentation du nombre de personnes suivies en « milieu ouvert » (plus de 120 000 aujourd’hui), allongement de la durée moyenne d’incarcération (de 4 à 8 mois), pourcentage croissant des personnes condamnées pour des atteintes aux personnes (notamment pour des #infractions_sexuelles), vieillissement de la population carcérale, etc.
      Qui va en prison et pour combien de temps ? Qui n’y va plus ou moins et quelles réponses pénales sont apportées à leurs actes ou pas ?

      http://www.editionsamsterdam.fr/80-000-detenus-en-2017
      Le Parti Zozialiste est en passe de pulvériser cette sombre prédiction !

    • Vous avez dit « #réforme_pénale » ?

      Le désormais traditionnel mouvement de printemps des matons lancé par l’UFAP-UNSA ne vous aura pas échappé : sur fond de « réforme pénale » les pisse-copie de la presse régionale et nationale ressortent leurs titres éculés sur la «  grogne » et les « surveillants qui tirent la sonnette d’alarme  »  ; photos de palettes en feu de Villefrance-sur-Saône à Fleury en passant par Arras ou #Nîmes ; de CRS qui les gazent au-dessus de la tête et finissent par les prendre dans leurs bras, les collègues… Rien de neuf, com’ toujours ; ils demandent « la restauration de l’autorité de l’Etat  » : « On perd de l’autorité. Les #surveillants sont les oubliés des réformes successives », et dénoncent pêle-mêle, «  agressions, prise d’otages et trafics de matériel interdit ». Ils auraient tort de pas continuer puisque ça marche. Il y a un an, ils obtenaient des portiques high-tech et autres gadgets sécuritaires (33 millions d’euros) ainsi que des soussous dans la popoche (cf. l’Envolée N 36).

      http://lenvolee.net/editorial-de-lenvolee-n-39-qui-vient-de-sortir/#more-1377

  • Le livret citoyen, un dispositif de contrôle.

    Le travail et l’emploi sont des moyens de contrôle partiels et insuffisants. Comme l’a montré la création des « fichiers base élèves », il faut trouver d’autres prises sur l’expérience vécue, tout au long de la vie .

    Dans un modèle préexistant à la récente annonce de Hollande, le livret du #citoyen, il s’agit d’inculquer au #jeune de 18 ans des devoirs présentés comme conditionnant le droit aux droits (nulle mention parmi les divers textes constitutionnels cités du "droit à des moyens convenables d’existence ", par exemple.)
    http://www.jeunes.gouv.fr/IMG/UserFiles/Files/Livret_du_citoyen-2-2.pdf

    Un autre s’adresse à l’#étranger, candidat à la naturalisation
    http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Accueil-et-accompagnement/Le-livret-du-citoyen

    Livret citoyen et service civique : De la mobilisation de l’Ecole à celle des jeunes
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/01/12012016Article635881777208869019.aspx

    Le président de la République a demandé l’extension de la Journée de la défense à une semaine entière. Il a annoncé la création d’un livret citoyen. Il a aussi promis de généraliser le #service_civique en commençant déjà par le tripler d’ici 2018. Pour les jeunes français [...] voici venu le moment de la mobilisation, des #devoirs et non plus des droits. Quatre ans après 2013, une nouvelle façon de dire que la #jeunesse est une priorité..

    Sur l’instauration d’un #livret_citoyen pour les 16/25 ans (soit précisément ces précaires interdits d’accès au RSA), Vincent Ollivier, avocat
    https://blogs.mediapart.fr/vincent-ollivier/blog/120116/sur-l-instauration-d-un-livret-citoyen-pour-le-jeune

    Ce faisant, il traduit d’ailleurs le souci qu’il a d’inscrire la France dans son histoire et de remettre au goût du jour une tradition injustement tombée dans l’oubli : celle du #livret_ouvrier. Apparu pour la première fois le 17 août 1781, sous la juste pression des ancêtres du MEDEF et d’ALLIANCE, il prenait la forme d’un petit cahier identifiant l’ouvrier, enregistrant ses sorties et ses entrées chez ses maîtres successifs lors de son tour de France.
    L’ouvrier était tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il proposait de se rendre. Tout ouvrier voyageant sans être muni de ce viatique régulièrement tenu était réputé #vagabond, et pouvait être arrêté et puni comme tel.
    Ce petit opuscule a permis, n’en doutons pas, de mater, en ces temps troublés où les prolétaires s’imaginaient des droits, la revendication ouvrière et d’inculquer aux sans-dents le nécessaire respect dû au capital et à ceux qui le protègent.

    On ne peut donc que se féliciter de voir une si bonne idée remise au goût du jour.
    Certes, ce n’est pour l’heure que sous une forme édulcorée, puisqu’il faut malgré tout compter avec la résistance stérile de ceux qui ne manqueront pas de crier au scandale et de soutenir que les enfants n’ont pas être scrutés comme du bétail par l’Etat. Cependant, nul doute que le bon sens triomphera et que cette timide avancée vers un contrôle plus efficace de la graine de djihadiste qui encombre nos écoles prendra prochainement une ampleur de bon aloi.
    Dans cette perspective, je me permets de suggérer quelques améliorations au dispositif. Tout d’abord, il paraît insuffisant de n’inscrire sur ce carnet d’engagement que les actions positives accomplies par le jeune. Il faudra également y porter l’absence d’actions, laquelle témoigne à l’évidence d’une personnalité asociale, rétive au vivre ensemble, donc dangereuse par nature.

    Dans le même ordre d’idées, il serait stupide ne pas mentionner sur ce petit livret les mauvaises actions, les mauvaises paroles, voire les mauvaises pensées, dont le jeune se serait rendu coupable. Cela constituerait un outil si pratique de recensement des mauvais #citoyens que cela serait dommage de s’en priver.

    Dans le remarquable Le marxisme oublié de Foucault , Stéphane Legrand s’appuie sur La société punitive pour critiquer Surveiller et punir et diverses lectures patronales et/ou dépolitisantes de Foucault ; un extrait sur le contrôle souple permis par le livret ouvrier
    http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2004-2-page-27.htm

    La « société punitive », #coercitive et #disciplinaire, est celle qui cherche à atteindre la conduite et le corps en tant que supports de la #force_de_travail, sous prétexte de les viser comme source première des #illégalités punissables par la loi. Les mêmes tendances doivent être inhibées, qui conduisent à l’échafaud en passant par la #paresse ou l’errance°.

    Les principales procédures disciplinaires, à l’échelle sociale ou institutionnelle, s’ordonnent en effet à cet objectif. Qu’il s’agisse des livrets ouvriers°°, qui permettent à la fois d’inhiber la mobilité des travailleurs dépendants, d’en effectuer une surveillance constante et d’en opérer un « fichage » par le jeu des appréciations positives ou négatives ; des mesures contre l’ivresse ; du contrôle des finances ouvrières par l’#épargne ; des #visites_domiciliaires effectuées à la demande des conseils de Prud’hommes – tout un système se met en place qui cherche à organiser la surveillance la plus complète possible, une notation permanente et cumulative des irrégularités de conduite, un #contrôle souple°°°, un jeu de sanctions et de récompenses, une pression permanente faite de promesses et de menaces, c’est-à-dire un éventail large de protocoles disciplinaires ordonnés de manière prévalente au maintien et à la constitution des #rapports_de_production_capitalistes.

    ° On observe là la constitution d’un continuum moral entre les irrégularités de #comportements non punissables mais nuisibles et la criminalité punie par la loi, continuum que, tout au long du XIXe siècle, les discours psychiatrique et criminologique contribueront à renforcer. On en trouve encore la trace, à la fin du XIXe, dans cette formule idéaltypique du psychiatre Charles Féré : « L’oisiveté n’est pas plus légitime que l’incendie ; ne rien faire ou brûler ou consommer en superfluité amène nécessairement un retard dans l’accumulation des choses utiles, et par suite dans l’adaptation évolutive » (Charles Féré, Dégénérescence et criminalité, Félix Alcan, Paris, 1888, p. 102).

    °° Les livrets furent rétablis par la loi du 12 avril 1803 : l’ouvrier était tenu de le remettre à son employeur lors de l’embauche, et ce dernier y stipulait les dates d’embauche et de départ, l’emploi occupé, les avances faites sur salaires, etc. Regnault de Saint-Jean d’Angely, rapporteur de cette loi, y voyait un moyen de « garantir les ateliers de la désertion et les contrats de la violation » (cité par Yann Moulier-Boutang, in De l’esclavage au salariat. Economie historique du salariat bridé, PUF, coll. « Actuel Marx Confrontation », Paris, 1998, p. 344, note 30). Jusqu’en 1832, la circulation de l’ouvrier sans son livret de travail est assimilée au vagabondage et punie comme telle, même si, par un accord de fait avec la police de la capitale, les ouvriers trouvés dans la rue sans livret de travail échapperont à l’arrestation s’ils peuvent exciper d’un livret d’épargne.

    °°°Un employeur pourra éviter le départ de ses ouvriers dans une période de pression à la hausse sur les salaires par le jeu des appréciations sur les livrets, aussi bien qu’en cas d’excès de main-d’œuvre en licencier pour ivrognerie ou vagabondage sans livret.

    #société_punitive #précaires #trajectoires_de_vie #population #biographie

  • Discipline / Lutte collective : Des migrants en grève de la faim dans un centre d’hébergement parisien - Libération
    http://www.liberation.fr/politiques/2015/09/29/des-migrants-en-greve-de-la-faim-dans-un-centre-d-hebergement-parisien_13

    Ils appellent à un rassemblement de solidarité jeudi à 18h au 26bis rue St Petersbourg, Paris 8e, Métro Place deClichy

    Une trentaine de personnes relogées après les évacuations des campements du nord parisien protestent contre leurs conditions de vie.

    Certains sont arrivés début juillet, après les évacuations des campements de #migrants du nord de Paris. Cela fait trois mois qu’ils vivent dans ce #centre_d’hébergement_d’urgence situé à deux pas de la place de Clichy, dans le XVIIIe arrondissement. Adam, un Soudanais de 20 ans, en a assez. Comme une trentaine de ses camarades, demandeurs d’asile pour la majorité, il a cessé de boire et de s’alimenter depuis dimanche. « Nos démarches pour avoir le statut de réfugié n’avancent pas, on n’a pas de tickets pour prendre le métro et personne ne nous a donné de cours de français », résume-t-il.

    La grève s’est déclenchée après un incident survenu au cours du week-end dans ce centre géré par l’association Aurore. Selon un occupant, un des employés travaillant à la cafétéria « a eu des mots très durs » samedi soir envers l’un des migrants. « Vous êtes des réfugiés, vous venez de la rue, vous n’avez pas à vous plaindre. Moi, j’ai un travail, des papiers et je suis meilleur que vous », leur aurait-il lancé. L’homme poursuit : « Il a insulté et tenté d’agresser un de nos camarades. »
    (...)
    Parallèlement, l’association #Aurore se fait l’écho des occupants et relaie auprès des pouvoirs publics leur demande d’obtenir des titres de transport et de voir les procédures d’asile s’accélérer. Car c’est bien là le cœur du problème. Après plusieurs semaines d’attente, les migrants se demandent si cet #hébergement, qui devait être temporaire, n’a pas déjà duré trop longtemps.

    « Certains d’entre nous n’ont toujours pas eu leur rendez-vous à la préfecture, explique un Soudanais. Pendant la journée, on n’a rien à faire. Du coup, on va jusqu’au lycée Jean-Quarré (un établissement inoccupé transformé en « #maison_des_réfugiés » autogérée) pour suivre des cours de français. » Un autre s’emporte : « Je ne peux pas #circuler librement. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai cumulé plus de 15 amendes dans les transports, car je n’ai pas de quoi me payer un ticket de métro. »

    Face à ces revendications, le responsable d’Aurore, François Morillon, s’avoue désemparé : « Je n’ai pas l’argent pour acheter des titres de transport », a-t-il par exemple lâché lundi soir, lors d’un échange improvisé sur le trottoir avec les grévistes de la faim et leurs soutiens. Une impuissance qui irrite les militants venus en #solidarité avec les migrants : « Vous recevez 40 euros par jour pour chaque personne hébergée, et celles-ci disent qu’elles n’ont pas de quoi se déplacer et qu’elles n’ont pas d’accompagnement administratif. A quoi servez-vous ? »

    Lors du rassemblement qui a eu lieu mardi, la direction d’Aurore était sur place (avec une représentante de la #FNARS) répétant sans cesse être d’accord avec les grévistes et les militants solidaires, disant avoir interpellé la #Ville_de_Paris et la Préfecture quant aux difficultés matérielles (transports, hygiène, vêtements), aux conditions d’accueil (pas de cours de français) et aux procédures légales, sans avoir obtenu de réponse. Mais François Morillon (resp Aurore) se refuse à donner copie des courriers qui auraient été envoyés aux institutions...
    Aurore prétend que le #droit_de_visite existe alors que, comme dans de nombreux centres d’hébergement d’urgence, il n’en est rien.

    À noter un changement de tactique. Alors que les interventions policières contre les migrants à Paris ont été innombrables, il n’y a eu que deux cas où ces interventions ont visées les migrants pendant leur « prise en charge » (après que les flics les aient délogé, "évacués).

    Ce fut le cas à Nanterre, le 17 septembre dernier quand des réfugiés ont refus de quitter les bus depuis lesquels on voulait les installer au CHU (trois migrants en garde à vue, accusés d’être des « passeurs » après avoir été porte parlote de l’action collective...), voir
    Nanterre, CASH et garde à vue : l’histoire vue par les réfugiés
    http://refugiesenlutte.wix.com/newsblog#!Nanterre-H%F4pital-psychiatrique-et-garde-%E0-vue-lhistoire-vue-par-les-r%E9fugi%E9s/cjds/55fd62dd0cf2a7bb74b106f7

    Ce fut également le cas au foyer Emmaüs Losserand, le 12 août dernier, lors d’une autre grève de la faim, avec une accusation de « séquestration » portée contre personnes présentées comme « manipulant les migrants »... alors même que l’une de ces personnes est elle même demandeuse d’asile.
    Migrants, réfugiés, précaires, la solidarité n’est pas un crime
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7797
    Après 48h de G-à-V et un passage au dépôt, ces 4 personnes passent en procès le 9 octobre. Une soirée de soutien a lieu dimanche, après la #manifestation à 15h place de la Bastille.

    Les revendications des migrants du foyer Losserand en grève de la faim, qui ont prolongé leur action après ces #arrestations jusqu’à ce qu’ils soient menacés de reconduite à la frontière par la police, ont rapidement été satisfaites pour l’essentiel (à l’exception du droit de visite).

    Mais, alors que dans ces deux cas, l’intervention policière fut rapide et massive (avec la disqualification/criminalisation des mis en cause, « passeurs » ou « autonomes »), au foyer Aurore ce mardi, pas de présence policière ostentatoire. C’est plutôt la carte du dialogue qui a été jouée, avec moultes « engagements » et « garanties » évoquées de façon exclusivement verbales par la direction du foyer (qui a refusé de rédiger un écrit résumant ses dires).

    Alors que la com’ de la Ville de Paris et du gouvernement se fait insistante ("l’accueil, c’est oui"), tout en préparant le tri entre asilables et régularisables et migrants à expulser au plus vite, les tensions autour des conditions de l’hébergement d’urgence sont appelées à se multiplier.

    Est également en jeu dans ces affaires, la politique de #sous-traitance du social (qui concerne par ailleurs tout le champ social, du RSA aux sortants de prison, de Pôle emploi à la fourniture de nourriture aux pauvres), avec la mise en #concurrence des #associations. Ainsi, la Ville de Paris compte expulser sous peu les migrants du Lycée Jean Quarré pour transformer ce dernier en centre d’hébergement d’urgence, des associations ont déjà en lice pour gérer les #budgets de ces lieux #disciplinaires.

    À suivre donc...

    • Après 5 jours de grève de la faim, les migrants du centre Aurore de la Place de Clichy l’ont interrompue jeudi 1 octobre suite à l’obtention d’une amélioration de leurs conditions d’hébergement : des tickets de transport (pour l’instant uniquement pour les RDV administratifs et médicaux...), des distributeurs d’eau à tous les étages, des produits d’hygiène, des couvertures, des cours de Français (par des bénévoles)

      Les problèmes rencontrés avec certains travailleurs ont été discutés. La personne ayant déclenchée le conflit est actuellement suspendue, les migrants attendent toujours des excuses de sa part, cependant ils réaffirment ne pas souhaiter son renvoi.

      Lundi est prévue une réunion dans le centre pour faire le point sur les délais des RDV en préfecture.

      Par ailleurs Aurore indique avoir demandé à la préfecture de faire raccourcir les délais des démarches administratives et de généraliser l’accès au titre de transport et s’engage à mettre en place la possibilité de visite dans les espaces collectifs.

      Les migrants et les personnes solidaires veilleront à ce qu’Aurore tienne ses engagements.

      Mel reçu

  • Tentative d’immolation par le feu d’un RSAste

    #Charleville-Mézières : un homme tente de s’immoler avenue Forest - France 3 Champagne-Ardenne
    http://france3-regions.francetvinfo.fr/champagne-ardenne/2015/02/18/charleville-mezieres-un-homme-tente-de-s-immoler-avenue

    Le drame s’est joué ce mercredi en fin de matinée, au centre d’affaire de l’avenue Forest.

    La victime, âgée de 30 ans, était venu faire examiner son dossier de #RSA selon les premières informations en notre possession. Grièvement blessé suite à son geste, la victime est âgée de 30 ans.  

    Un autre homme a été brûlé aux pieds en tentant de porter secours à la victime. Une employée du centre est également choquée.

    Rectificatif de 15h40

    La victime, âgée de 47 ans, sortait d’un rendez-vous avec la structure carolo du CREF, une association spécialisée dans la réinsertion. Il s’est immolé vers 11h45, il est grièvement brûlé.

    19h51

    Mercredi soir, vu la gravité des blessures de la victime, un transfert était envisagé vers une unité spécialisée dans le traitement des grands brûlés. Les autorités (Préfecture, parquet, police) n’ont pas donné de précisions sur les motivations de ce geste désespéré. Elles ont décliné toutes les demandes d’interviews formalisées par la rédaction de France 3 Champagne-Ardenne dans l’après-midi du drame.

    #insertion #immolation_par_le_feu #conseil_général #Ardennes

    • Pour mémoire :

      L’homme qui s’est immolé à la #CAF de Mantes-la-Jolie le 8 août 2012 est mort (avec du #Marisol_Touraine dedans...)
      http://forum.anarchiste-revolutionnaire.org/viewtopic.php?f=65&t=6275

      13 février 2013, Djamal Chaar s’immole par le feu devant #Pôle_emploi. Pour M. #Sapin, futur ministre des finances, « les règles ont été appliquées avec l’humanité qui convient ».

      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6559

    • Nulle nouvelle de cet allocataire aujourd’hui. Les officiels, mairie, conseil général, préfecture, police, hôpital, ministre(s) se taisent. Et, sauf erreur de ma part, la presse en fait autant. A-t-on affaire à un célibataire isolé ? pas d’écho public d’un éventuel entourage.
      On l’avait vu (marginalement...) pour les propos de Sapin sur la mort de Djamal Chaar, et on l’a constaté plus nettement encore avec les déclarations de Macron hier, ce que disent les « responsables » peut donner matière à #scandalisation. Dans ce cas, on ne nous offre pas une vacuole de silence, on ne nous inflige pas non plus (pas encore ?) une com’ autosatisfaite ; #omerta.

    • La recherche d’emploi désespère, dixit le maire UMP de Charleville_Mézières, Boris Ravignon, Vice-Président du Conseil Général, Inspecteur des Finances (hier au #JT local)
      http://france3-regions.francetvinfo.fr/champagne-ardenne/2015/02/18/charleville-mezieres-un-homme-tente-de-s-immoler-avenue

      « ... le cheminement ... qui a pu l’amener à cet acte tragique, on a aujourd’hui peu de choses encore, bien sûr, on est en droit de supposer que ce qui s’est passé avait un lien avec la galère, la galère qui peut être la sienne dans une #recherche_d'emploi, (...) ici dans les Ardennes particulièrement, nous sommes touchés par le chômage, beaucoup de gens que je côtois régulièrement cherchent et parfois se désespèrent... »

      Titraille de L’Union (...) État stationnaire pour le grand brûlé de Charleville-Mézières
      http://www.lunion.com/399671/article/2015-02-19/etat-stationnaire-pour-le-grand-brule-de-charleville-mezieres

      ...transféré vers un centre hospitalier de l’Est de la France qui traite les grands brûlés. L’enquête de #police, toujours en cours n’a pas permis de déterminer les motivations exactes du désespéré. Pour comprendre ce geste, la police devra #entendre la victime dès que son état le permettra.

      #désespoir

    • Brûle
      http://le-salaire-de-la-peur.blogspot.fr/2012/08/brule.html

      Le 13 août 2012, un homme de 51 ans est mort des suites de ses blessures, après s’être immolé par le feu à la Caisse d’Allocations Familiales de Mantes-la-Jolie cinq jours plus tôt. Les journaux disaient que ses jours n’étaient pas en danger, ça ne fait qu’une erreur d’appréciation de plus.

      Il ne touchait plus son RSA depuis quatre mois. On insiste beaucoup sur le fait que c’était une suspension et pas une fin de droit, comme si le résultat était différent, comme si ça ne voulait pas dire que tu devais te démerder sans les 400€ et quelques qui te permettaient de ne pas couler totalement. Suspendu parce qu’il manquait des papiers.

      #5_jours_à_mourir

    • La phrase qui a enflammé Charleville-Mézières, Paris-Match
      http://www.parismatch.com/Culture/Medias/La-phrase-qui-a-enflamme-Charleville-Mezieres-France-3-PBLV-715608

      Il aura suffit d’une phrase dans l’épisode du 12 février de « #Plus_belle_la_vie » pour faire se soulever les habitants de la ville de Charleville-Mézières. Dans la série, alors qu’il était question de l’annulation d’une sortie scolaire sur la terre natale de Rimbaud, Coralie, enseignante, dit à sa collègue : « Mais c’est tes élèves qui vont être contents. Les traîner à Charleville-Mézières en plein hiver, c’est de la maltraitance ! ».

      Il n’en fallait pas plus pour échauffer le maire de la ville, Boris Ravignon qui a déploré samedi sur sa page Facebook cette partie du scénario. « Cette dernière réplique m’a plongé dans un abîme de perplexité. J’ai d’abord pensé que, ce feuilleton prenant pour décor principal la ville de Marseille, il s’agissait d’une aimable galéjade, d’un ironique mais amical clin d’œil. Et puis, après quelques rapides recherches, j’ai constaté que les scénaristes de "Plus belle la vie" était coutumiers du fait : ce n’est pas la première fois que les Ardennes y sont présentées comme une terre de relégation, tout juste bonne à accueillir des fonctionnaires mutés pour motif #disciplinaire », a-t-il écrit.

      Mais la polémique ne s’arrête pas là. Une campagne de réhabilitation est lancée sur Twitter, avec le hashtag « #plusbellelaviLLeCharleville ». « Réagissez en publiant par exemple des photos ou vidéos montrant la beauté de nos Ardennes, y compris l’hiver », demande le maire UMP. Les habitants se sont prêtés au jeu. Au total, plus d’une cinquantaine de tweets montrent les beautés de la commune.

      Il faut donc réhabiliter l’image de la ville... Une semaine après, aucune nouvelle, on doit supposer que l’immolé est toujours #entre_la_vie_et_la_mort.

      notes :

      . Synthèse subjective pas si ancienne, le bel énoncé formulé par le mouvement des femmes, « mon corps m’appartient » porte une (des) singularité(s) tout en résonnant universellement à l’occasion de maints écarts, de phénomènes multiples. Le corps, c’est ce dont les dépossédés peuvent reprendre possession, jusque dans l’#auto-destruction.
      Cet énoncé, je l’entends pour ma part -et cette fois comme un terrible hurlement implicite, non dit et qui condamne nos sociétés - lorsque, comme il y a une semaine, un allocataire du RSA s’immole par le feu dans les locaux d’une asso d’insertion.

      . Quand le CER me serre et m’asservit sans qu’il me serve : Insertion, l’unilatéral « #contrat_d’engagement_réciproque » du RSA
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5007

      #barbarie #technocratie #dépossession #corps

    • A l’été 1928, dans le n°1 de la revue Le Grand Jeu, animée notamment par Roger Gilbert-Lecomte, René Daumal, Roger Vailland, sous le titre « Tentation des volts », Marianne Lams écrivait :

      En avril 1922, un ingénieur visitait les ateliers de l’usine électrique de la Thomson-Houston. Il était accompagné d’un mécanicien qui semblait être le guide le plus sûr, car vingt années de servide dans cette usine avaient contraint son corps et son esprit à une attention sans cesse en éveil. Or, en passant près d’une barre de haute tension, ce mécanicien signala le danger qu’il y avait à s’en approcher et soudain l’étreignit de sa main.

      Flammes, colonne de fumée, corps carbonisé.

      L’enquête a révélé que ce mécanicien n’avait aucun motif de se suicider et était ce qu’on appelle un homme parfaitement normal. Mais j’imagine cette lutte éminemment tragique de vingt années contre la tentation des volts et son échec soudain.
      Qui ne s’est souvent senti infiniment tenté de se précipiter sous la rame de métro qui arrive. mais on imagine les convulsions du corps écrasé et les souffrances d’une demi-mort. Tandis que l’on sait qu’après une décharge de milliers de volts, il ne restera plus qu’un peu de fumée, et une mauvaise odeur, comme après la disparition du diable.

      On a alors une vision lumineuse de son pouvoir sur sa propre vie, sur la vie peut-être, dont à cet instant on croit être le centre. On veut l’éprouver Maître absolu de sa vie, on veut user du droit suprême, du droit de mort, pour être convaincu de sa propre toute puissance. On voudrait enfin en être sûr ; on atteint le stade du trouble extrême : la certitude du doute.
      L’aveuglante clarté dont en cet instant brille notre vie, fait surgir en nous l’idée d’une mort nécessaire, universelle, et nous nous laissons entraîner par le rythme des mondes agonisants que nous croyons percevoir. Nous mourons de leur mort que nous conservons avec une saisissante acuité. Nous oublions notre individualité qui nous enchaîne à ce monde en nous opposant à lui. Nous vibrons de sa vie ; nous sommes lui ; nous fermons les yeux.

      Citation piquée là : Totalement inconcevable (1)
      http://quadruppani.blogspot.fr/2015/03/totalement-inconcevable-1.html