Mort de Dominique Kalifa, historien et fidèle contributeur de « Libération » - Culture / Next
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Dominique Kalifa à Paris, en juin 2015. Photo Didier Goupy. Signatures
Le spécialiste de l’histoire du crime et de ses représentations, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne et collaborateur régulier depuis plus de trente ans des pages Livres de « Libération », s’est éteint samedi à l’âge de 63 ans.
Dominique Kalifa, bas-fonds et débats de fond
Certains, sur Twitter, lisant le dernier message de Dominique Kalifa, ont cru qu’il s’éloignait pour un temps de ce réseau où il communiquait volontiers, sur un mode souvent lucide, parfois simplement informatif : « Au revoir. » Mais c’est à nous tous que l’historien faisait ses adieux. Dominique Kalifa s’est donné la mort samedi, le jour de ses 63 ans. Spécialiste du XIXe siècle – ce « long XIXe » qui s’achève dans les tranchées de la Grande Guerre –, professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, où il a succédé à Alain Corbin, il a publié plus d’une dizaine d’ouvrages sur l’histoire du crime, de la justice et de la culture de masse. Il était aussi un collaborateur régulier, depuis trente ans, des pages Livres de Libération.
L’historien Dominique Kalifa, spécialiste des imaginaires sociaux, est mort à l’âge de 63 ans
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Professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, où il dirigeait le Centre d’histoire du XIXe siècle, il était également un collaborateur régulier du quotidien « Libération ».
C’était un des historiens les plus attachants et les plus originaux de sa génération. Dominique Kalifa, spécialiste des imaginaires sociaux, qui s’intéressa aussi bien aux faits divers de la Belle Epoque ou aux bagnes coloniaux qu’au mythe des bas-fonds ou à la figure de Fantômas, s’est suicidé samedi 12 septembre, le jour de son soixante-troisième anniversaire. Professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, où il dirigeait le Centre d’histoire du XIXe siècle, membre du Comité d’histoire de la Ville de Paris, il était également, depuis plus de trente ans, un collaborateur régulier des pages « Livres » du quotidien Libération.
Il naît le 12 septembre 1957 à Vichy. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire, il soutient en 1994, sous la direction de Michelle Perrot, une thèse de doctorat sur les récits de crimes dans les années 1900. Elle devient, l’année suivante, son premier ouvrage, L’Encre et le Sang (Fayard), dont « Le Monde des livres » écrit : « L’inventivité et l’érudition se mêlent ici pour faire de ce livre un modèle d’étude culturelle. » L’œuvre qui vient de s’ouvrir sera marquée jusqu’au bout par un mélange d’insatiable curiosité et de rigueur, d’éclectisme et de recherche tenace d’une image exacte des manières de vivre et de se représenter la vie.
Suivront une dizaine de livres, auxquels s’ajoutent des directions d’ouvrages collectifs et quelques collaborations avec d’autres historiens, comme le marquant Vidal le tueur de femmes. Une biographie sociale (Perrin, 2001, rééd. Verdier, 2017), coécrit avec Philippe Artières, où, à travers un montage d’archives, sont reconstitués la trajectoire du tueur en série Henri Vidal et, plus encore, l’impact que cette affaire eut sur la société française. De La Culture de masse en France (La Découverte, 2001) à Biribi : les bagnes coloniaux de l’armée française (Perrin, 2009), en passant par Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle (avec Anne-Emmanuelle Demartini, Creaphis, 2005), il impose ses sujets et ses méthodes. Ce disciple d’Alain Corbin ajoute à l’histoire des sensibilités des pistes nouvelles, avec lesquelles il faut désormais compter.
« Immense tristesse »
Un livre comme Les Bas-Fonds : histoire d’un imaginaire (Seuil, 2013, prix Mauvais Genres) en offre une illustration éclatante. Passant des récits de crimes aux milieux censés en être les théâtres, il dresse, entre anthropologie et histoire, un inventaire des usages sociaux d’une catégorie infamante, par laquelle une partie de la société est expulsée hors du champ de la civilisation. Mais des œuvres en apparence plus mineures, comme Tu entreras dans le siècle en lisant « Fantômas » (Vendémiaire, 2017) ou Paris : une histoire érotique, d’Offenbach aux Sixties (Payot, 2018), continueront, par des chemins buissonniers, le même voyage à travers les époques et les mondes sociaux.
Au début de l’année, l’ouvrage collectif Les Noms d’époque : de « Restauration » à « années de plomb » (Gallimard), qu’il avait dirigé, apportait un nouveau signe de la vitalité et de la créativité propres à cette œuvre réjouissante. Le choc, pour ses lecteurs, pour ses confrères, pour ses anciens étudiants, dont les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux, est d’autant plus grand. Sur Twitter, l’historien Nicolas Offenstadt, qui fait part de son « immense tristesse », évoque tout ce que Dominique Kalifa « a fait avancer » à l’université, « dans la discrétion et la robustesse ». Il ajoute : « Salut et merci, de très profond, Dominique, on n’oubliera rien de rien. »