Un artiste condamné pour ses tableaux de Tintin érotisé : la parodie rejetée
▻https://actualitte.com/article/117537/droit-justice/un-artiste-condamne-pour-ses-tableaux-de-tintin-erotise-la-parodie-rejet
Double hommage, mais contrefaçon avant toute chose. En s’inspirant de toiles iconiques d’Edward Hopper, où Tintin faisait une apparition, avec toujours d’attrayantes jeunes femmes, Xavier Marabout commettait un crime de lèche-majesté. Moulinsart attaquait donc en justice en mars 2021, réfutant toute dimension parodique, d’après l’avocate des plaignants.
Touche pas à mon Tintin
« Profiter de la notoriété d’un personnage pour le plonger dans un univers érotique n’a rien à voir avec l’humour », assurait-elle. « Bien sûr, je connais l’attitude des ayants droit par rapport à l’œuvre. Mais j’estime ne pas porter préjudice à l’œuvre d’Hergé. Au contraire, j’alimente le mythe », rétorquait l’artiste.
Le tribunal de Rennes, dans une décision rendue en mai 2021, déboutait les ayants droit. « Le tribunal a estimé que c’est un dénigrement et a ajouté 10 000 euros de dommages et intérêts pour M. Marabout et 20 000 euros de frais d’avocat », indiquait Me Ermeneux, conseil de Xavier Marabout. Lequel ajoutait : « Au fond de moi-même, c’est ce que j’espérais. (…) Aujourd’hui, le tribunal reconnaît la liberté d’expression et l’attitude de dénigrement, c’est une victoire sur toute la ligne. »
En somme, Tintin érotisé relevait bien de l’exception de parodie, et Moulinsart était renvoyé à la lecture du Code de la Propriété intellectuelle.
Tourner sa langue Sceptre fois dans sa bouche
Renversement de situation, ce 4 juin : devenu Tintinimaginatio, feu-Moulinsart avait interjeté appel devant la cour de Rennes qui a finalement condamné en deuxième instance Xavier Marabout. « La Cour a reconnu que les toiles de Marabout, des mashups mettant en scène les personnages des Aventures de Tintin dans des univers issus des toiles d’Edward Hopper, portent atteinte aux droits d’Hergé et constituent des contrefaçons », indique la société dans un communiqué.
Des parodies trop intéressées ?
Cette fois, l’exception de parodie est balayée par la cour, estimant que les conditions ne sont pas réunies. Toute parodie exige « une intention humoristique évidente, de préférence comportant une certaine intensité », indique la décision. Et d’ajouter que « si sourire suffit, en revanche, la simple recherche d’une complicité amusée avec le lecteur ou le spectateur ne suffit pas, ni un simple clin d’œil en direction du public ou un choc visuel ».
La cour de Rennes estime par ailleurs que « ne peuvent relever de l’exception de parodie les œuvres qui empruntent les ressorts d’œuvres premières pour s’attribuer le bénéfice de leur notoriété et vivre de leur rayonnement ».
Les ayants droit savourent cette décision, qui les conforte « dans leur détermination à faire respecter l’intégrité de l’œuvre de celui-ci et à lutter contre les utilisations abusives qui en sont hélas régulièrement faites ». Et d’assurer qu’ils poursuivront leurs efforts contre toute tentative d’usurper « les droits d’auteur d’Hergé », dans le but de « préserver le patrimoine culturel ».
Rappelons qu’en juin 2021, c’est un sculpteur, cette fois, qui avait été condamné à 114.157 € de dommages-intérêts, pour contrefaçon. L’artiste, basé à Aix-en-Provence, avait alors précisé qu’il ferait appel.
Illustration : Xavier Marabout - En motocyclette dans le Vermont (2016) Dimension : 80 x 120 cm Technique : acrylique sur toile