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  • Ecole inclusive : alertes sur un système qui craque

    De 134 000 enfants handicapés scolarisés en milieu dit « ordinaire » en 2004, ils étaient plus de 436 000 en 2022. Faute de formation et d’accompagnement, les professeurs se disent démunis et en souffrance, dans des classes déjà surchargées.

    .... les familles rappellent que de nombreux enfants handicapés recensés comme scolarisés ne le sont pas à temps plein, et que certains n’ont pas accès du tout à l’éducation – le ministère dit en ignorer l’effectif ; la jeune association Ambition école inclusive les estime à 200 000. De l’autre, « un véritable cri s’élève de la part des personnels » de l’éducation nationale au sujet de l’inclusion, prévenaient, en octobre 2023, Benjamin Moignard et Eric Debarbieux, auteurs de l’enquête sur le climat scolaire dans le premier degré. Près des trois quarts du personnel s’y disaient confrontés à des difficultés « fréquentes », voire « très fréquentes », avec des enfants « gravement perturbés » ou « présentant des troubles du comportement », soit deux fois plus qu’en 2011.

    « Enseignants démunis »

    A tel point que le Snudi-FO, syndicat minoritaire du premier degré, a appelé à la grève, le 25 janvier, contre l’« inclusion systématique et forcée » des élèves en situation de handicap en « milieu ordinaire ». Ce mot d’ordre, inédit, a indigné de nombreuses associations et n’a pas été repris par les autres organisations syndicales. Il est toutefois révélateur d’un désarroi dont tous les représentants des enseignants se font l’écho : la dénonciation de l’« école inclusive sans moyens » faisait partie des motifs de la grève intersyndicale du 1er février.

    « Les enseignants sont démunis face à certains troubles, notamment du neurodéveloppement, qui ne relèvent pas de nos compétences pédagogiques. C’est devenu l’une des principales causes de souffrance au travail », s’alarme Guislaine David, à la tête du premier syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, soulignant la hausse des situations signalées dans les registres santé et sécurité au travail. Elle s’inquiète désormais que les « tensions résultant du manque de moyens » n’alimentent un rejet du principe même de l’inclusion – il a été attaqué, en 2022, par le candidat Reconquête ! à l’élection présidentielle Eric Zemmour.


    https://www.lemonde.fr/education/article/2024/02/06/ecole-inclusive-alertes-sur-un-systeme-qui-craque_6214976_1473685.html

    https://justpaste.it/cawb8

    edit les commentaires plaident pour la relégation dans des « structures spécialisées » (IME, etc.)

    #école #école_inclusive #ségrégation #AESH

    • Les accompagnants des élèves en situation de handicap, très précaires piliers de l’école inclusive
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/03/les-accompagnants-des-eleves-en-situation-de-handicap-tres-precaires-piliers

      Un rapport d’information du Sénat, publié mercredi, dresse un sévère bilan de la gestion et des conditions de travail de ces personnels, qui représentent pourtant le deuxième métier de l’éducation nationale en effectifs.
      Par Eléa Pommiers, 03 mai 2023

      En moins de dix ans, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont devenus le deuxième métier de l’éducation nationale. Leur effectif a été multiplié par cinq en sept ans pour atteindre presque 124 000 personnes en 2022, presque exclusivement des femmes. Une progression fulgurante, dans le sillage de celle des enfants en situation de handicap dans les écoles, au nombre de 432 000 en 2023, contre 321 000 en 2017 et 134 000 en 2004. Ces professionnels sont désormais « le principal moyen de compensation du handicap », notait, dans un rapport rendu public en décembre 2022, l’inspection générale de l’éducation, et, de fait, les chevilles ouvrières de la scolarisation des élèves handicapés dans le cadre de « l’école inclusive ».

      Mais « l’essor, sur le plan quantitatif, de la fonction d’AESH ne s’est pas accompagné d’une même dynamique sur le plan qualitatif », déplore un rapport d’information du Sénat publié mercredi 3 mai. Une semaine après la conférence nationale du handicap (CNH), lors de laquelle le président de la République, Emmanuel Macron, a promis des mesures encore floues pour les accompagnants des élèves, le sénateur (Les Républicains) de la Savoie Cédric Vial, rapporteur de cette mission d’information, dresse un bilan sévère de la gestion « totalement inadaptée » de ces personnels par l’éducation nationale. Cette dernière, constate le rapport, n’était « indéniablement pas préparée à gérer, tant sur le plan juridique, administratif que budgétaire, cette nouvelle catégorie d’agents ».

      Dix ans après la création de ce métier en 2014, les AESH ne bénéficient toujours d’aucun statut de la fonction publique et cochent toutes les cases de la #précarité. Près de 80 % d’entre eux travaillent en contrat à durée déterminée (#CDD) – une proposition de loi adoptée en décembre 2022 autorise toutefois désormais le passage en contrat à durée indéterminée (CDI) après trois ans en CDD, contre six jusqu’alors.

      Leur rémunération moyenne est comprise, selon les sources, entre 750 et 850 euros net mensuels. La conséquence d’une grille de #salaire au #smic [horaire] sur les neuf premières années, doublée de l’impossibilité pour l’éducation nationale de proposer des temps complets à ces personnels, qu’elle ne peut embaucher que sur le temps de classe et non sur la pause méridienne et le temps périscolaire, à la charge des collectivités territoriales. Les temps complets concernent à peine moins de 2 % des accompagnants des élèves en situation de handicap. « Avec ces contrats, vous ne vivez pas », résume Elisabeth Garnica, présidente du collectif AESH.

      « Mon formateur, c’est Google »

      Dans le cadre de la CNH, Emmanuel Macron a réitéré sa promesse de campagne de proposer, en partenariat avec les collectivités, des contrats de trente-cinq heures aux AESH [absolument délirant en terme de charge de travail !]-, mais aucune modalité concrète de mise en œuvre n’a été avancée, alors que persistent des obstacles de financement et d’organisation du temps de travail pour les personnels.

      En plus de son contrat de vingt-quatre heures avec l’éducation nationale, Clarisse (elle n’a pas souhaité donner son nom, comme toutes les personnes citées par leur prénom), qui exerce dans le Val-de-Marne, cumule par exemple déjà les employeurs pour compléter les 800 euros qui rémunèrent ses vingt-quatre heures d’accompagnement : en plus de son contrat avec l’éducation nationale, elle a signé avec la ville pour deux heures quotidiennes sur la pause méridienne, et avec une association pour une heure trente d’études le soir.
      « Je fais des journées continues de dix heures quatre jours par semaine, et je n’atteins même pas 1 000 euros net par mois, ce n’est pas possible de nous faire travailler comme ça », s’agace cette accompagnante de 50 ans.

      Cette précarité salariale se double de conditions de travail unanimement décrites comme « pénibles » par les AESH, amenés à côtoyer tout type de handicap, du handicap moteur aux troubles du spectre autistique, en passant par les troubles de l’attention ou encore les troubles des apprentissages, sans formation spécifique. « Mon formateur, c’est Google », ironise Clarisse. Il lui a fallu cinq ans avant de recevoir la #formation de soixante heures désormais promise à tous les AESH durant leurs trois premiers mois d’exercice, mais c’était « trop tard » et « trop peu » pour la préparer à la diversité des situations individuelles.

      La plupart des accompagnants des élèves en situation de handicap accompagnent plusieurs élèves chaque semaine, l’#aide_mutualisée a pris le pas sur l’aide individuelle ces dernières années.
      « On est censé écouter les cours, comprendre, reformuler pour les élèves, les aider à écrire quand c’est nécessaire, rappeler les consignes, les canaliser, les calmer s’ils font des crises… Et on en a parfois plusieurs dans une même classe_, détaille Isabelle, qui travaille dans l’Hérault. Il faut être en alerte sans arrêt, après une journée de six heures vous êtes vidé. »

      « Défections de plus en plus nombreuses »

      La tâche est d’autant plus difficile que, comme le constatait l’inspection générale en décembre 2022, et comme le confirme à présent le Sénat dans son rapport, des enfants qui devraient être orientés vers des « établissements et services spécialisés » du fait de leur handicap sont scolarisés en « milieu ordinaire » faute de places dans les établissements médico-sociaux, et dépendent alors entièrement de l’aide humaine que représentent les AESH.

      Nadia accompagne ainsi une fillette de CP à Saint-Etienne qui attend une place dans un institut médico-éducatif. « Nous n’arrivons pas à nous comprendre, elle hurle dans la classe, me mord jusqu’au sang… », déplore l’accompagnante, payée 900 euros par mois pour son CDD de vingt-six heures, qu’elle envisage de ne pas renouveler à l’issue des trois ans. « On sait qu’on fait un travail utile, mais les conditions sont impossibles, c’est de l’exploitation », juge cette femme de 47 ans. L’ancienneté moyenne dans le métier est inférieure à trois ans.

      Le rapport d’information du Sénat s’ajoute à une série d’études précédentes alertant sur des conditions à l’origine d’un profond manque d’attractivité du métier, qui « fait face à une pénurie de plus en plus inquiétante de candidats, à une volatilité grandissante de ses personnels en poste, à des défections de plus en plus nombreuses ». Les remplacements n’étant pas assurés, les ruptures de prise en charge sont ainsi fréquentes pour les élèves. Bien qu’il estime que le recours de plus en plus systématique à « l’aide humaine » traduit « les dysfonctionnements d’un système d’inclusion scolaire » qui a « atteint ses limites », le rapport de Cédric Vial invite à une réforme urgente des « conditions d’emploi des AESH », dont le métier demande encore à être « professionnalisé ».

      Faudra-t-il pour cela redéfinir leurs fonctions afin de pouvoir proposer des temps complets ? Les spécialiser dans l’accompagnement du handicap et donc créer davantage de ponts avec le secteur médico-social, ou bien élargir leur mission à « l’accompagnement à la scolarité » et rapprocher leur travail de celui de personnels de vie scolaire comme les assistants d’éducation ? Cette dernière piste – loin de faire l’unanimité – a été avancée par l’exécutif dans le cadre de la CNH, mais le ministère de l’éducation explique que des « concertations » sont nécessaires et prendront du temps [En fait, la fusion des deux fonctions a manqué d’être adoptée sous forme de cavalier législatif dans la loi de finance, ndc]. Quoi qu’il en soit, conclut le rapport, « il ne peut pas y avoir de politique d’inclusion efficace et pérenne sans évolution notable du statut, du temps de travail et donc de la rémunération des agents chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap ».

      Les revendications des AESH, qui se sont plus mobilisés que quiconque dans l’éduc nat ces dernières années
      https://www.sudeducation.org/tracts/la-lutte-continue-en-greve-le-3-octobre-aesh-un-metier-un-statut-une-r

      . la titularisation sans condition de concours, d’ancienneté ni de nationalité de tou·tes les AESH dans un corps de fonctionnaire par la création d’un métier d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e ;
      . l’augmentation des salaires avec une grille de progression salariale à l’ancienneté, un salaire minimum à 2200 euros bruts (soit environ 1870 euros nets, primes et indemnités comprises) ;
      . l’accès aux primes et indemnités dans les mêmes conditions et aux mêmes montants que ceux fixés pour les autres personnels (notamment l’indemnité REP/REP+) ;
      . la reconnaissance d’un temps plein pour 24 heures d’accompagnement auxquelles s’ajoutent les heures connexes pour le travail de préparation, de suivi et de concertation ;
      l’abandon des PIAL et de la logique de mutualisation ;
      une véritable formation initiale et continue, sur temps de service ;
      . la création de brigades de remplacement pour assurer le remplacement des collègues absent·es ;
      . un droit à la mobilité, interacadémique et intra-académique.

    • Face aux défaillances de l’Etat, des accompagnants privés pour les élèves en situation de handicap
      https://www.lemonde.fr/education/article/2022/09/13/face-aux-defaillances-de-l-etat-des-accompagnants-prives-pour-les-eleves-en-


      AUREL

      Des parents sont contraintes d’engager leur propre AESH dit privé, souvent par le biais d’associations, avec l’accord des rectorats ou des chefs d’établissement. Au risque de la rupture d’égalité.
      Par Carla Monaco, 13 septembre 2022

      « Bonjour, nous recherchons une AESH privée pour accompagner notre enfant pour l’année scolaire 2022-2023. Nous proposons un contrat en milieu scolaire et des heures en plus en dehors si possible. » Bien avant la rentrée, les petites annonces de parents à la recherche d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) fleurissaient sur plusieurs groupes Facebook. Comme pour les enseignants, le métier d’accompagnant souffre d’un manque d’attractivité.

      L’annonce, en juillet, par le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, du recrutement de 4 000 AESH à la rentrée 2022 n’a pas résolu entièrement le problème. Le 1er septembre, de nombreux enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP, selon la terminologie officielle), pourtant notifiés d’un accompagnement par la Maison départementale des personnes handicapées, se sont retrouvés seuls, sans AESH, au risque de voir leur accès en classe entravé. Selon une enquête du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN-UNSA), publiée mardi 13 septembre, 44 % des personnels de direction du second degré manquaient d’au moins un AESH pour accompagner leurs élèves au moment de la rentrée.
      Face aux carences de l’Etat, des familles recherchent par elles-mêmes, ou par le biais d’associations, des AESH dits privés. « Nous étions obligés car la directrice nous a dit que notre fille ne pouvait pas être scolarisée sans AESH », raconte Sabrina (le prénom a été modifié), mère d’une enfant porteuse du trouble du spectre autistique (TSA). Avec son mari, ils ont embauché un accompagnant durant quelques mois en 2020 pour intervenir quinze heures par semaine aux côtés de leur petite fille dans son école à Courbevoie (Hauts-de-Seine) mais également à domicile. Malgré un contrat chèque emploi-service universel, qui permet que les dépenses soient remboursées à 50 % grâce au crédit d’impôt, le couple peine à couvrir toutes les dépenses, déjà acculé financièrement par le coût de la supervision de l’association et les honoraires des professionnels de santé pour son enfant. « On avait dû faire un crédit, c’était très compliqué. La psychologue superviseuse [de l’association] nous coûtait 70 euros de l’heure », ajoute Sabrina.

      « Rupture d’égalité »

      Le montant d’une prise en charge peut se révéler conséquent. L’association B-aba Autisme le chiffre à 1 141 euros par mois pour seize heures par semaine, accompagnement scolaire, supervision par des professionnels médico-sociaux et « coaching des intervenants et des parents » compris. « Il y a une vraie rupture d’égalité parce que les classes populaires n’y ont pas accès, ce n’est pas un service public », relève Manuel Guyader, AESH et représentant syndical SUD-Education, tout en déplorant que « la version service public » soit « vraiment au rabais, autant pour les personnels que pour les élèves ».

      Le recours à des AESH privés s’est développé principalement dans l’accompagnement d’enfants autistes et se pratique surtout dans les académies d’Ile-de-France. De nombreuses associations y proposent leur offre. Auparavant AESH dans le public, avant de s’arrêter après la naissance de son enfant, Céline Le Clanche a repris l’exercice en privé en mars dans l’académie de Versailles. « J’ai vu une annonce sur Facebook postée par une dame qui habitait la même ville que moi. J’ai sauté sur l’occasion. Après l’entretien avec les parents et la psychologue de l’association, j’ai été embauchée », retrace-t-elle. Elle intervient entre douze et seize heures par semaine en classe, et à domicile pendant les vacances. Lorsqu’elle s’est présentée pour la première fois à l’école, personne ne lui a rien demandé. « C’est assez étonnant. La psychologue avait dû envoyer mon CV », présume-t-elle.

      Initialement, l’intervention d’un accompagnant se faisait plutôt dans les établissements privés, plus souples. Mais depuis la loi dite handicap de 2005, qui garantit notamment l’inclusion scolaire des enfants handicapés, l’éducation nationale a progressivement ouvert ses portes mais a parfois du mal à assurer ce droit. « Quand il n’y a plus d’argent, l’accompagnement cesse et on invite les familles à se tourner vers des associations pour que l’enfant reste en classe. C’est un chantage, un stratagème illégal car une AESH peut seulement être recrutée par l’éducation nationale », tonne Jean-Luc Duval, du Collectif Citoyen Handicap, qui organise des opérations militantes.

      Convention particulière

      Le procédé peut surprendre, surtout avec le plan Vigipirate, limitant l’accès dans les écoles pour toute personne extérieure. Comment ces travailleurs peuvent-ils y intervenir ? Et leur « psychologue référent », censé leur rendre visite ? « Ces personnels embauchés sous statut privé n’ont pas un statut d’AESH. Si des familles ont recours à des personnes pour l’accompagnement de leur enfant, ce ne peut pas être dans la classe, sauf avec l’accord express du directeur d’école ou du chef d’établissement des professeurs concernés… », rappelle le ministère. L’autorisation prend la forme d’un papier signé par le chef d’établissement, l’association et l’inspecteur. L’AESH prend dès lors d’autres noms, comme accompagnant psycho-éducatif.

      Certaines associations bénéficient néanmoins d’une convention avec les services académiques. Après avoir présélectionné leurs accompagnants, elles les soumettent à l’Etat qui les recrute directement. « Leur coût est beaucoup moins élevé pour des familles qui n’auraient pas eu les moyens de se payer une accompagnante privée », se réjouit Jean-René Buisson, président de Sur les bancs de l’école, conventionnée depuis deux ans en Ile-de-France. Le rectorat de Paris reconnaît collaborer avec certains acteurs associatifs « pour le recrutement d’AESH dits privés comme explicitement prévu pour le champ de l’autisme via la loi de 2005 », et se félicite d’un « service de grande qualité avec une rotation moindre notamment du fait de leur formation de qualité ».

      Mieux payés, mieux formés que dans le public

      Salariés ou non de l’éducation nationale, ces accompagnants sont supervisés et formés par les associations, alors même qu’aucun lien hiérarchique officiel ne les y relie. C’est dans cet encadrement officieux que des AESH trouvent satisfaction. « Cette supervision fait tout parce que ce n’est pas un métier si facile. On peut parler des petites choses qui se sont moins bien passées avec un psychologue qui nous conseille et nous remotive », explique Astrid (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), qui a accompagné un collégien porteur de TSA pendant un an. En 2020, cette ancienne employée d’entreprise décide de se tourner vers l’accompagnement privé par le biais d’une association, « freinée » par la rémunération modeste proposée par l’éducation nationale, de 750 euros mensuels en moyenne. « J’étais mieux payée qu’une AESH publique », indique-t-elle, sans vouloir préciser ce qu’elle touchait.

      Mieux payés que dans le public, mieux formés aussi. Formations spécifiques sur l’autisme, les troubles « dys » et de déficit d’attention, méthodes d’apprentissages alternatives sont dispensées au sein des associations, sur le temps libre des accompagnants.

      Du côté de l’éducation nationale, la formation initiale s’étale sur 60 heures mais elle arrive souvent bien après la prise de fonction. Quant à son contenu, beaucoup le jugent insuffisant. « C’est plus que survolé, se souvient Christelle Stock, éducatrice spécialisée libérale, ancienne AESH dans le public et le privé dans le Vaucluse. Une grande partie porte sur le fonctionnement de l’éducation nationale. Or, nous, ce qu’on veut savoir c’est : qu’est-ce que l’autisme ? Un enfant qui a des troubles neurodéveloppementaux ou des troubles du comportement ? »

      Meilleure reconnaissance

      La différence public-privé se ressent aussi en matière de reconnaissance. Céline Le Clanche et Astrid disent s’être senties vues comme de vraies professionnelles et non des « pions » utilisés parfois pour « faire autre chose ». Un sentiment qui a pu s’exacerber avec la mise en place décriée des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL). Ce dispositif de mutualisation lancé en 2019 consiste à répartir les AESH sur les établissements d’un même secteur et donc entre plusieurs élèves, diminuant du même coup le nombre d’heures d’accompagnement.

      « Je rencontre beaucoup d’AESH qui sont prêtes soit à laisser tomber la profession, soit à travailler différemment. Elles sont très demandeuses car on leur propose de suivre un seul enfant, lorsque les PIAL leur en font suivre plusieurs », remarque Gladys Lauzeat, créatrice du groupe Facebook « AESH privées et parents : recrutements, placements, formation, conseils ». Ex-accompagnante éducation nationale, elle a lancé son service de mise en relation de parents et d’AESH. L’idée lui est venue durant les confinements, lorsque des AESH se sont retrouvés sans nouvelles des enfants accompagnés car, dans le système public, ils n’ont pas le droit d’entrer en contact avec les familles en l’absence de l’enseignant.

      Très sollicités, Gladys Lauzeat et Jean-René Buisson demeurent conscients que leur offre d’accompagnement ne peut être la réponse aux carences de l’Etat, du fait de son caractère inégalitaire. « Nous étions satisfaits par ce service mais c’est une solution de dernier recours. L’école étant un droit, l’enfant doit pouvoir être accompagné », souligne pour sa part Sabrina, soulagée que sa fille soit de nouveau accompagnée par une AESH publique en cette rentrée.

    • .... avec les groupes de niveau, le ministère entend faire une nouvelle économie de personnels AESH. Si les groupes de niveau sont mis en place, les élèves en situation de handicap, qui réussissent moins bien faute d’adaptation et de compensation, seront orientés vers les groupes d’élèves faibles dès la classe de sixième. Avec la mutualisation mise en place depuis 2017 par le ministère, il pourra être demandé à un⋅e personnel AESH d’accompagner simultanément tou⋅tes les élèves en situation du groupe qu’importe leur handicap et leurs besoins.

      https://www.sudeducation.org/communiques/les-mauvaises-reponses-de-gabriel-attal-pour-lecole-inclusive-aesh-ces

      #groupes_de_niveau #AESH_mutualisé

  • [Les Promesses de l’Aube] Les BienVeilleuses @ #théâtre le Public
    https://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/les-bienveilleuse-theatre-le-public

    « Dans mon entourage, tout le monde savait, personne n’a bougé ». Du 06 février et 23 mars 2024, le Théâtre Le Public se réinvente pour aider à faire la lumière sur les violences conjugales et intrafamiliales.

    Quels sont les mécanismes de l’emprise ? Pourquoi ces violences restent-elles dissimulées ? Que révèlent-elles de notre société ? Quelles sont les répercussions sur l’entourage et sur les enfants, victimes silencieuses ? Comment en parler, comment protéger, comment réparer ?

    Pendant 7 semaines, dans une atmosphère accueillante et bienveillante, Le Public accueille des femmes et hommes de terrain afin de répondre à ces questions. Et ainsi permettre aux publics de prendre la mesure du phénomène, d’interroger et d’échanger.

    Ne laissons plus le silence taire la violence. Parlons-en !

    EN PARTENARIAT AVEC : (...)

    #danse #slam #concerts #exposition #ateliers #lectures #débats #conférences #théâtre,danse,slam,concerts,exposition,ateliers,lectures,débats,conférences
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/les-bienveilleuse-theatre-le-public_17270__1.mp3

  • Les pratiques zélées du Conseil d’Etat vis-à-vis des juifs sous le régime de Vichy

    Le Conseil d’Etat et « le statut des juifs » 1|3
    En octobre 1940, les juifs ont été exclus de toute la fonction publique, le Conseil d’Etat ayant alors à se prononcer sur des demandes de dérogation. L’institution a été plus impitoyable que le Commissariat général aux questions juives. Il a fallu attendre 1990 pour que la haute juridiction admette qu’elle s’était « sali les mains » sous Vichy.

    La ligne était fort claire, et avait été fixée une fois pour toutes, en 1947, par l’éminent président Bouffandeau : le Conseil d’Etat s’était admirablement conduit pendant la guerre ; il avait été un précieux rempart pour assurer « la continuité et la sauvegarde des principes du droit public français ».

    Tony Bouffandeau, membre de la prestigieuse section du contentieux dont il a pris la présidence quelques années plus tard, avait alors la bénédiction de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat depuis 1944. René Cassin était insoupçonnable : juif, chassé puis condamné à mort par Vichy, le futur Prix Nobel de la paix avait été l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres.

    C’est d’ailleurs René Cassin qui a prononcé le 23 décembre 1944 un vibrant hommage à Alfred Porché, son prédécesseur au Conseil d’Etat sous l’Occupation – discrètement mis à la retraite, pour éviter le scandale –, en qui il voyait un homme « n’ayant pas hésité à annuler, en pleine occupation allemande, de nombreuses décisions prises à Vichy en violation des principes fondamentaux de notre droit public ». C’est ainsi que s’est gravée dans le marbre « la doctrine Bouffandeau », la haute juridiction administrative avait été la vigilante gardienne des principes républicains – il fallait en effet sauver des ombres de Vichy le Conseil d’Etat, dont l’existence même était vivement contestée.

    La légende dorée a toujours cours en 1974, dans l’imposante somme dirigée par le conseiller Louis Fougère pour le 175e anniversaire du Conseil d’Etat : il y consacre un gros chapitre à la guerre, mais reste évasif sur le rôle de l’institution envers ses juifs. Et en 1988, l’ancien résistant et vice-président du Conseil d’Etat Bernard Chenot, en tenait toujours pour cette aimable version dans un discours devant l’Académie des sciences morales et politiques.

    C’est un autre conseiller qui a mis au jour une vérité un peu plus cruelle. L’Institut d’histoire du temps présent a demandé en 1989, pour le colloque « Vichy et les Français », à Jean Massot, président de la section des finances du Conseil et féru d’histoire, une contribution sur le rôle à l’époque de son éminente institution.

    Un an plus tard, le conseiller a conclu, à la grande stupeur de ses collègues, que le Conseil, sous Vichy, s’était bel et bien « sali les mains ». « J’ai demandé à mon vice-président, Marceau Long, s’il souhaitait qu’on reprenne le refrain de la doctrine Bouffandeau, explique aujourd’hui le vieux monsieur de 88 ans. Il m’a répondu : “Je crois qu’il faut quand même maintenant mettre les choses sur la table.” »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/les-pratiques-zelees-du-conseil-d-etat-vis-a-vis-des-juifs-sous-le-regime-de

    j’ai trouvé cet article, publié ici sans les photos d’archives de la publication initiale...

    https://justpaste.it/4ba4o

    #Histoire #Régime_de_Vichy #État_français #Conseil_d’Etat #statut_des_juifs #juifs #France

  • Les premiers revers de l’uniforme à l’école - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/societe/les-premiers-revers-de-luniforme-a-lecole-03-02-2024-DNMCZRIE6FHLDBP7UGMI


    L’uniforme a l’école est déjà en vigueur dans les classes élémentaires et maternelles de l’institut [#privé] Saint-François-de-Paul à Nice (Alpes-Maritimes), ici en septembre 2023. Mais dans les collèges où on a laissé le choix aux élèves, ces derniers ont massivement voté contre.

    Pour participer à l’expérimentation, les établissements volontaires doivent obtenir l’aval du conseil d’école ou d’administration. Les premières déconvenues n’ont pas tardé. Parents d’élèves, collégiens et lycéens ont déjà mis à mal la liste établie par le ministère.

    L’uniforme, non merci ! À peine annoncée, l’expérimentation de l’uniforme à l’école voulue par le ministère de l’Éducation nationale connaît ses premières volte-face. À Marseille (Bouches-du-Rhône), par exemple, les quelque 500 collégiens de Chape ont été invités à s’exprimer sur la mise en place de la tenue unique via l’application Pronote. Sur les trois quarts des élèves ayant participé au scrutin, 66 % ont voté contre. La direction de l’établissement a suspendu le projet dans la foulée. Au département désormais de trouver un autre établissement volontaire. Mais les délais sont serrés : l’appel à manifestation d’intérêt du ministère sera clos le 15 février.

    Même cas de figure au Mans (Sarthe). Consultés par vote électronique, les élèves de la cité scolaire Touchard-Washington ont rejeté, à 78 %, l’idée d’une tenue unique, proposée par la présidente LR de région, Christelle Morançais. « La suite ? Il n’y en aura pas, affirme Jean-François Bourdon, le proviseur du lycée. J’étais partant pour l’expérience quand la région m’a contacté, mais à la condition que les élèves et les étudiants soient partants aussi. Là, il n’y a pas photo. » Le proviseur assure ne pas être déçu » que l’aventure s’arrête prématurément. « Les élèves ont connu une expérience démocratique comme rarement ils en ont eu.

    edit

    seule une vingtaine d’établissements seraient volontaires

    http://www.touteduc.fr/fr

    #école #uniforme #règlement_intérieur #vote #mdr

  • « J’entends respirer un monstre », Elfriede Jelinek

    Je l’avais déjà dit lors de la dernière manifestation contre l’extrême droite, et je me sens bizarre, comme un ventriloque – c’est ainsi que je le sens – qui fait entendre sa voix comme si elle était étrangère alors que c’était toujours lui qui parlait. Je l’ai déjà dit, je le répète, combien de fois faudra-t-il le répéter ? Aura-t-on le droit de le faire ? Walter Benjamin [philosophe et critique d’art allemand, 1892-1940] parle de cet automate joueur d’échecs, célèbre en son temps, qui gagnait chaque partie alors qu’un autre que lui jouait, une sorte d’automate camouflé, un homme de petite taille, un nain bossu, un maître aux échecs qui en réalité guidait l’automate censé gagner chaque partie.
    C’est comme cela que je me sens. Depuis tant d’années je suis assise sous la table, à jouer toujours la même partie d’échecs, parce que je suis obligée de la jouer, je la joue pour ainsi dire par peur que quelque chose d’affreux puisse se produire si je cessais de le faire. En même temps, bien sûr, je me surestime complètement. Mais voilà que cet automate sort de l’ombre d’une table couverte d’une nappe et prend la parole. En tant que moi. Oui, un automate parlant, c’est ce qu’ils diront avec mépris.

    Est-ce qu’il y a, comme le dit Benjamin, un rendez-vous secret entre les générations du passé et la nôtre ? Ce rendez-vous où l’on a expliqué, avec la plus grande fermeté, que le passé n’avait plus jamais le droit de se reproduire ? Ce « plus jamais » que nous avons si souvent entendu, prononcé par automatisme, dans des conversations, des conférences, lors de cérémonies solennelles ? Oui, les lèvres ont bougé docilement, chacun pouvait le voir. Plus jamais, ni d’une autre façon, ni de la même manière. Cela ne devait plus jamais arriver, c’était pour nous une constante de notre civilisation. Rien de ce qui s’est passé un jour n’est perdu pour l’histoire, dit Benjamin. Et j’ajoute : rien de ce dont nous voulons tirer des leçons. Pourtant, cela fait des décennies qu’on nous l’enseigne.

    Devenir nos maîtres

    Cette rencontre [de membres de l’#extrême_droite en novembre 2023, dans un hôtel près de Potsdam, dans le Brandenbourg, dont la révélation a suscité une vague de manifestations en #Allemagne et en #Autriche] devait rester secrète, cette rencontre à l’hôtel à laquelle participaient de vrais héros, pas les soi-disant petites gens qui espèrent de la politique qu’elle va améliorer leur vie, si seulement ils se débarrassaient pour toujours des pénibles demandeurs d’asile, des réfugiés, de ceux qui veulent prendre le beurre sur leur pain. Mais aucun d’entre eux n’est présent pour glisser des enveloppes bien garnies d’argent. Qui est là ? De riches entrepreneurs, des universitaires de droite sans leurs associations, ils n’en ont pas besoin de toute façon, ce sont d’autres qu’ils veulent laisser saigner à mort. Sont présents des membres de l’#AfD [le parti Alternative pour l’Allemagne] d’extrême droite, des dirigeants qui, avides de la grandeur d’autrefois, regardent en permanence en arrière pour mieux progresser, mieux se positionner pour le futur.

    C’était visiblement si bien du temps des nazis, qu’ils n’ont pas eu le temps de connaître mais dont ils ont une idée très nette. Ils veulent transformer cette société, promet ce militant si doué de l’extrême droite radicale, issu d’une ONG de droite, comme les appelle [Herbert] Kickl [le chef du parti d’extrême droite autrichien #FPÖ et ministre de l’intérieur sous le chancelier conservateur Sebastian Kurz, de décembre 2017 à mai 2019], qui hait les ONG, celles qui veulent améliorer les conditions de vie. Mais celle-là est une ONG d’un type nouveau, elle veut seulement améliorer sa propre situation et prendre le dessus, les autres elle s’en fiche, de toute façon ils sont censés disparaître. Car ces gens veulent devenir nos maîtres.

    L’arc républicain, que chacun aime tant, se voit donc étiré toujours plus, des hommes et des femmes y travaillent avec leurs masses et leurs marteaux pour que toujours plus de gens soient admis dessous, et les anciens comme les nouveaux nazis sont de nouveau fréquentables. Les autres peuvent partir, ou on les obligera à partir. « Dehors les étrangers » – un slogan vieux de plusieurs décennies –, et les autochtones n’auront qu’à la fermer, comme s’ils n’étaient déjà plus là. Le rendez-vous avec les générations du passé, celles qui ont tiré des leçons de l’histoire mais sont en train de mourir, va perdre toute valeur. Le rendez-vous avec la nôtre aussi, lentement mais sûrement.

    La devise sera : éliminer, nettoyer

    Il faut enfin que quelque chose aille dans la bonne direction, à droite. Ils ont des gens qui les soutiennent, avec de l’argent, et ils en collectent plus encore, comme on pouvait le voir [à l’hôtel de Potsdam], mais leurs votes, ils les prennent à ceux à qui ils ôtent leurs droits et qu’ils veulent appauvrir. C’est un champ de bataille idéologique où ceux qui tombent doivent être vite enlevés, pour que d’autres puissent tomber. Pour lesquels il faut faire de la place. Les étrangers dehors, ils ne veulent pas vivre comme nous, donc on ne leur donne pas la possibilité de le faire. Ainsi ils ne seront pas tentés de nous chasser. Oui, fermer les #frontières, resserrer les rangs, profiter indûment des #droits_sociaux deviendra impossible, car il n’y aura plus rien de social. En revanche, on est sûr d’avoir un grand nettoyage, et qui pourrait être contre la propreté ? La devise sera : éliminer, nettoyer, toujours plus de gens seront nettoyés par de vrais héros bien propres qui glissent des enveloppes [à l’hôtel]. Et bien sûr, parmi eux, il y a un Autrichien, au moins un ! Nous sommes toujours là, quand il s’agit d’exporter ce que les Allemands n’ont pas encore.

    Bientôt nous pourrons exporter une démocratie illibérale, comme les Hongrois en ont déjà une, nous en avons suffisamment, pour nous, une suffit. Même si cela ne nous suffit pas. [Viktor] Orban [premier ministre hongrois depuis 2010] a déjà congédié la démocratie, si légèrement que là-bas ils ne le remarquent même pas, sinon ils seraient tous les jours dans la rue contre lui. Et chez nous aussi ça se passera comme ça, presque sans que nous nous en rendions compte, presque à l’improviste, la société sera transformée, convaincue en plus qu’elle s’est transformée elle-même, pour que les gens vivent mieux, bien sûr, chez eux, c’est ce que l’on promet toujours.
    J’entends respirer un monstre, j’entends s’affaiblir le souffle de la démocratie. Je suis contente que vous soyez si nombreux et que vous vouliez lui insuffler une vie nouvelle. J’espère qu’il n’est pas trop tard.

    Traduit de l’allemand par Joëlle Stolz.

    Elfriede Jelinek est une écrivaine autrichienne. Autrice de La Pianiste (1983), de Lust (1989) et d’Enfants des morts (1995), elle a reçu le prix Nobel de littérature en 2004. Souffrant d’agoraphobie, l’écrivaine n’apparaît plus en public mais continue à prendre la parole. Ce texte a été lu par une comédienne lors de la manifestation contre l’extrême droite à Vienne, le 28 janvier.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/06/l-autrichienne-elfriede-jelinek-prix-nobel-de-litterature-sur-la-montee-de-l

  • Pour l’inclusion scolaire, « il faut désormais investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/pour-l-inclusion-scolaire-il-faut-desormais-investir-massivement-dans-la-com

    Le 25 janvier, des enseignants se sont mis en grève pour demander l’arrêt de l’inclusion à l’école. En parallèle, des associations d’adultes handicapés se battent pour le respect de la charte de l’Organisation des Nations unies (ONU) par la France. Cette dernière exige l’arrêt de la ségrégation dans des établissements spécialisés. Par ailleurs, les réseaux sociaux sont emplis de témoignages de parents qui se battent pour l’effectivité des droits de leurs enfants à une scolarité dans leur école de quartier ou dans une structure spécialisée. Comment renouer le dialogue entre ces désirs inconciliables et permettre un droit réel à une scolarité de qualité, inclusive et en proximité pour tous ?
    Vice-présidente du département de la Loire-Atlantique chargée du handicap, siégeant aux conseils d’administration de collèges et professeure des écoles, j’ai la chance d’avoir un pied dans chaque monde : le médico-social et l’éducation nationale. Sur le terrain, en centre-ville comme en réseau d’éducation prioritaire (REP+) ou en milieu rural. C’est un poste d’observation privilégié des pratiques des uns et des autres.

    La situation kafkaïenne actuelle est, sans ambiguïté, issue de la loi de 2005 – qui voulait affirmer le droit à l’éducation pour tous les enfants. Cette loi n’a envisagé l’accès à l’école que sous l’angle du droit, sans penser les adaptations et moyens nécessaires qui permettraient de réussir ce défi.

    Au lieu de former les enseignants et de partir des besoins des enfants, c’est la politique d’insertion qui a été sollicitée en proposant des emplois précaires, mal payés et sans formation à des femmes en réinsertion. On a construit des rampes, créé des formulaires et des sigles : PPI (projet pédagogique individuel), PPS (projet personnalisé de scolarisation), GEVA-sco (guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation) sans jamais se poser la question de l’adaptation initiale des contenus. C’était à l’enfant de s’adapter, par des compensations, à la norme inchangée et inaccessible.

    Un succès pour de nombreux enfants

    Vingt ans après, l’inclusion des enfants en situation de handicap s’est massifiée, avec plus de 400 000 enfants scolarisés. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) représentent le deuxième contingent de l’Etat en matière d’effectifs, toujours précaires et peu formés, affectés à n’importe quels enfants. Ce sont donc les personnes les moins formées qui ont la charge des enfants avec le plus de besoins. Faute de #formation et de temps spécifique, les #enseignants ont réparti la difficulté dans toutes les classes. Elles comprennent chacune un à plusieurs élèves handicapés, sans bénéficier d’adaptation des programmes à cette hétérogénéité grandissante.

    Cette montée en puissance des AESH a été financée par un gel des structures spécialisées, et les listes d’attente ont enflé. Il y a en moyenne quatre ans d’attente, passés en classe ordinaire ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS). L’autonomie de ces enfants stagne alors ou régresse.

    C’est le tableau bien sombre d’un navire qui prend l’eau de partout. Malgré tout, pour de nombreux enfants, la scolarité inclusive est un succès. Nos enfants ont été sensibilisés à la différence. Ils trouvent normal que certains aient des aides humaines ou techniques pour accéder à l’école. Il y a désormais autant d’élèves en ULIS au collège qu’en primaire. Et de plus en plus d’entre eux poursuivent en CAP, en BTS ou à l’université.

    Il faut désormais changer de braquet, et se décider à investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques. La #maternelle est souvent l’âge du repérage des troubles du comportement, et l’élémentaire, celui des troubles « dys » – la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie ou la dysphasie. Ces particularités devraient être maîtrisées par chaque enseignant, avec une formation généralisée au handicap, initiale et continue. Ces professeurs ne doivent pas être seulement aptes à remplir un formulaire.

    Ils devraient pouvoir proposer des contenus accessibles à tous, disposer de #matériel_adapté et savoir l’utiliser, organiser les espaces de la classe pour réduire les sursollicitations sensorielles. Les programmes doivent être revus en prenant en compte l’hétérogénéité des classes : des enfants à besoins différents ne peuvent pas tous apprendre la même chose en même temps.

    La nécessité de prises en charge de proximité

    S’ils sont mis dans de bonnes conditions, les enfants avec des troubles prononcés ont toute leur place à l’école. L’exemple de nos voisins italiens et portugais le prouve. Encore faut-il décrire ces bonnes conditions. Elles commencent par de la stabilité affective et un nombre d’adultes formés renforcé.

    Plutôt que de répartir les moyens dans chaque classe, en saupoudrage, il faut concentrer les renforts pour plusieurs enfants. Pour cela, il faut créer des classes de cycle dans chaque école, où les enfants restent sur la durée du cycle avec les mêmes adultes, en mélangeant, sur la base du volontariat, élèves ordinaires et à besoins spécifiques. Les effectifs doivent y être limités à quinze élèves au maximum, avec la présence de deux professeurs en coenseignement, dont un spécialisé, et un AESH.
    Chaque circonscription devrait bénéficier d’une école avec une unité d’enseignement adaptée à l’autisme, ainsi que de dispositifs ULIS, afin de permettre des prises en charge médico-sociales de qualité en proximité, et arrêter de mettre les enfants dans des taxis pour rejoindre de lointains instituts médico-éducatifs.

    Au #collège, l’équipe de vie scolaire devrait comporter un éducateur spécialisé pour accompagner les jeunes hors des temps de classe. De même, il est nécessaire d’avoir une classe par division à effectifs restreints, un AESH spécifique et une salle de classe fixe pour éviter les angoisses liées aux changements de lieux toutes les heures.

    Sans révolutionner l’éducation nationale, ces mesures de bon sens, généralisées, permettraient de limiter la perte de repères et l’essoufflement des familles comme des professionnels face au challenge de l’inclusion. Ces mesures – un AESH faisant partie d’une équipe de classe dans une seule école, l’évolution de parcours pour les enseignants en cours de carrière par la spécialisation, la satisfaction de voir progresser les élèves avec des moyens concentrés sur les besoins… le tout en étant répartis en proximité sur le territoire – apaiseraient le climat scolaire et sécuriseraient des professions.

    Ombeline Accarion est par ailleurs vice-présidente EELV Personnes en situation de handicap et Autonomie de Loire-Atlantique.

    #école #élèves #ségrégation #AESH

  • L’#anguille française victime d’un vaste #trafic_international
    https://reporterre.net/L-anguille-francaise-victime-d-un-vaste-trafic-international

    Très prisée en #Asie, l’anguille fait l’objet d’un vaste #trafic international. Chaque année, des millions d’#alevins sont #pêchés illégalement dans nos cours d’eau. Une menace de plus pour cette espèce au bord de l’#extinction.

    Vous lisez la seconde partie de l’enquête « L’anguille, énigme du vivant menacée d’extinction ». Elle est publiée en partenariat avec la #Revue_Salamandre. La première partie, sur le mode de vie étonnant de ce #poisson_migrateur, est disponible ici.

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • L’immigration : un atout pour le dynamisme économique
    https://laviedesidees.fr/L-immigration-un-atout-pour-le-dynamisme-economique

    Les travaux scientifiques ne concluent pas à un impact négatif de l’immigration sur les salaires ou l’emploi des travailleurs natifs. Au contraire, les immigrés contribuent à la croissance économique, notamment en soutenant l’activité dans les secteurs en tension et en favorisant l’innovation.

    #Économie #immigration #développement
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240206_immigration.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240206_immigration.pdf

  • « La ruée minière au XXIe siècle » : le #mensonge de la #transition_énergétique

    La transition énergétique telle qu’elle est promue par les entreprises, les institutions et les gouvernements partout dans le monde repose sur l’extraction d’une quantité abyssale de #métaux. C’est ce paradoxe que décortique la journaliste et philosophe #Celia_Izoard dans son essai intitulé La ruée minière au XXIe siècle, qui paraît cette semaine au Québec aux Éditions de la rue Dorion.

    « Pour régler le plus important problème écologique de tous les temps, on a recours à l’industrie la plus polluante que l’on connaisse », résume l’autrice en visioconférence avec Le Devoir depuis son domicile, situé en pleine campagne dans le sud-ouest de la France.

    Cette dernière examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques des nouvelles technologies. Elle a notamment publié un livre sur la vie des ouvriers de l’entreprise chinoise Foxconn, le plus grand fabricant de produits électroniques au monde. Ironiquement, nos outils numériques font défaut au cours de l’entrevue, si bien que nous devons poursuivre la discussion par le biais d’une bonne vieille ligne téléphonique résidentielle.

    Les métaux ont beau être de plus en plus présents dans les objets qui nous entourent, dont les multiples écrans, l’industrie minière fait très peu partie de l’imaginaire collectif actuel, explique Mme Izoard d’un ton posé et réfléchi. « Je croise tous les jours des gens qui me disent : “Ah bon, je ne savais pas que notre système reposait encore sur la #mine.” Ça me conforte dans l’idée que c’était utile de faire cette enquête. Notre système n’a jamais autant reposé sur l’#extraction_minière qu’aujourd’hui. »

    L’extraction de métaux a déjà doublé en vingt ans et elle n’est pas en voie de s’amenuiser, puisque les #énergies dites renouvelables, des #batteries pour #voitures_électriques aux panneaux solaires en passant par les éoliennes, en dépendent. Elle est susceptible d’augmenter de cinq à dix fois d’ici à 2050, selon une évaluation de l’Agence internationale de l’énergie.

    « Électrifier le parc automobile français nécessiterait toute la production annuelle de #cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de #lithium dans le monde. Donc soit cette transition prendra beaucoup trop longtemps et ne freinera pas le réchauffement climatique, soit elle se fera dans la plus grande violence et une destruction incroyable », rapporte l’autrice.

    On bascule d’une forme d’extraction, du pétrole, à une autre, des métaux. « Cela n’a pas plus de sens que d’essayer de venir à bout de la toxicomanie remplaçant une addiction par une autre », juge-t-elle.

    Une justification officielle

    Les pouvoirs publics ne semblent pas y voir de problème. Ils font largement la promotion de cette #ruée_minière, promettant le développement de « #mines_responsables ». La #transition est la nouvelle excuse pour justifier pratiquement tous les #projets_miniers. « Une mine de cuivre est devenue miraculeusement une mine pour la transition », souligne Mme Izoard. Pourtant, le #cuivre sert à de multiples usages au-delà de l’#électrification, comme l’électronique, l’aérospatiale et l’armement.

    C’est dans ce contexte que la journaliste est partie à la recherche de mines responsables. Elle s’est documentée, elle a visité des sites d’exploitation, elle a consulté des experts de ce secteur d’activité et elle a rencontré des travailleurs, tout cela en #France, au #Maroc, au #Suriname et en #Espagne.

    Malgré les engagements publics et les certifications de plusieurs #entreprises_minières envers des pratiques durables et les droits de la personne, Celia Izoard n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Au cours de cette quête, elle a publié une enquête pour le média Reporterre au sujet d’une mine marocaine mise en avant par les constructeurs automobiles #BMW et #Renault comme étant du « #cobalt_responsable ». Or, il s’est avéré que cette mine empoisonne les sols à l’#arsenic, dessèche la #nappe_phréatique et cause des maladies aux travailleurs.

    « La #mine_industrielle est un modèle qui est voué à avoir des impacts catastrophiques à moyen et long terme. Ce n’est pas parce que ces entreprises sont méchantes et malhonnêtes, mais parce qu’il y a des contraintes physiques dans cette activité. Elle nécessite énormément d’#eau et d’énergie, elle occupe beaucoup d’espace et elle déforeste. »

    #Boues_toxiques et pluies d’oies sauvages

    Dans son livre, Mme Izoard décrit de nombreux ravages et risques environnementaux qui sont matière à donner froid dans le dos. Les premières pages sont notamment consacrées au phénomène du #Berkeley_Pit, une ancienne mine de cuivre devenue un lac acide causant la mort de milliers d’oies sauvages.

    « Rappelons-nous la rupture de digue de résidus de la mine de cuivre et d’or de #Mount_Polley en 2014, lors de laquelle 17 millions de mètres cubes d’eau chargée en #métaux_toxiques ont irréversiblement contaminé de très grandes superficies et des ressources en eau d’une valeur inestimable, a-t-elle souligné au sujet de cette catastrophe canadienne. Or, des bassins de résidus de même type, il y en a 172 rien qu’en #Colombie-Britannique, et les boues toxiques qui y sont stockées représentent l’équivalent d’un million de piscines olympiques. Malheureusement, avec le chaos climatique, les risques de rupture accidentelle de ces barrages sont décuplés. » Elle considère d’ailleurs que le Canada est « au coeur de la tourmente extractiviste ».

    Les gouvernements du #Québec et du #Canada soutiennent généralement que le développement minier sur leur territoire respectera des #normes_environnementales plus strictes, en plus d’utiliser de l’énergie plus propre. Cet argument justifierait-il l’implantation de nouvelles mines ? Non, estime Mme Izoard.

    « Aucun État puissant industriellement ne relocalise sa #production_minière ni ne s’engage à cesser d’importer des métaux. Ce qui est en train de se passer, c’est que les besoins en métaux explosent dans tous les domaines et que les entreprises minières et les États se sont mis d’accord pour créer des mines partout où il est possible d’en créer. Ce n’est pas parce qu’on accepte une mine dans sa région qu’il n’y aura pas de mine pour la même substance à l’autre bout du monde. » Il est peu probable, par exemple, que des batteries produites au Québec s’affranchissent totalement des métaux importés.

    Pour une #décroissance_minérale

    Celia Izoard estime plutôt qu’une grande partie des mines du monde devraient fermer, puisqu’elles sont situées dans des zones menacées par la sécheresse. Nous n’aurions alors pas d’autre choix que de nous engager dans une désescalade de la consommation de métaux, « une remise en cause radicale de la manière dont on vit ». Selon cette vision, il faudrait contraindre l’ensemble du secteur industriel à se limiter, tout comme on lui demande de réduire ses émissions de GES. Les métaux devraient être réservés aux usages alors déterminés comme étant essentiels. Les immenses centres de données, les avions, les VUS électriques et les canettes d’aluminium sont-ils nécessaires à la vie humaine ?

    « Il faut arrêter de se laisser intimider par le #déterminisme_technologique, soit l’idée que le #progrès suit cette direction et qu’on ne peut rien changer. Ce sont des choix idéologiques et politiques très précis avec du financement public très important. Il faut cesser de penser que les technologies sont inéluctablement déployées et qu’on ne peut pas revenir en arrière. »

    https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique
    #mines #extractivisme #terres_rares #pollution

  • L’#écriture_inclusive par-delà le #point_médian

    La #langue_inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains #stéréotypes induits par l’usage systématique du #masculin_neutre.

    Où sont les femmes dans une langue où le #genre_masculin peut désigner à la fois le #masculin et le #neutre_générique_universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.

    Sharon Peperkamp, chercheuse au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique1 explique : « Il existe une #asymétrie_linguistique en #français où le genre masculin est ambigu et peut être interprété de deux manières, soit comme générique – incluant des personnes de tous genres, soit comme spécifique, incluant uniquement des hommes. Or, on sait depuis longtemps que ce phénomène peut induire un #biais_masculin qui peut avoir a des conséquences sur les #représentations. » Partant de ce postulat que les usages langagiers participent aux #représentations_sociales, les psycholinguistes ont voulu vérifier dans quelle mesure une modification contrôlée de ces usages, notamment par le recours à des tournures dites « inclusives », pouvait affecter certains #stéréotypes_de_genre.

    L’#inclusivité, la #langue_française connaît déjà !

    Un large mouvement a été engagé il y a déjà plusieurs décennies pour reféminiser les usages de langue et la rendre plus égalitaire, à travers l’usage de ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « écriture inclusive ». Mais cette dernière fait #polémique. Des #controverses qui se sont invitées jusqu’au Sénat : le mercredi 25 octobre 2023, la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html). Les parlementaires ont en effet estimé « que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages ». Jugeant, en outre, que « l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une #menace pour la langue française ». Cependant, si tous les regards sont tournés vers l’#écrit et plus précisément vers le point médian, cet aspect-là ne constitue qu’une infirme partie des nombreuses #stratégies_linguistiques proposées pour rendre la langue moins sexiste, tant à l’oral qu’à l’écrit.

    Dans son guide (https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.p) « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié en 2022, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) définit ainsi le #langage_égalitaire (ou non sexiste, ou inclusif) comme « l’ensemble des attentions discursives, c’est-à-dire lexicales, syntaxiques et graphiques qui permettent d’assurer une #égalité de représentation des individus ». Il signale que « cet ensemble est trop souvent réduit à l’expression “écriture inclusive”, qui s’est imposée dans le débat public mais qui ne devrait concerner que les éléments relevant de l’écriture (notamment les abréviations) ». Nous adopterons donc ici l’expression « langage inclusif » ou « langue inclusive » pour désigner les usages oraux et écrits qui permettent d’exploiter les ressources linguistiques à notre disposition pour noter les différents genres.

    « Ce n’est pas la langue française qui est sexiste, ce sont ses locuteurs et locutrices. Qui ne sont pas responsables de ce qu’on leur a mis dans la tête, mais de ce qu’elles et ils en font », affirme Éliane Viennot, professeure émérite de littérature. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’on reféminise la langue. On ne la féminise pas, on la reféminise parce qu’elle a été masculinisée. En fait, il s’agit de la faire fonctionner comme elle sait faire. Tous les noms féminins de métiers, de fonctions sont là depuis toujours – sauf évidemment s’ils correspondent à des activités nouvelles. »

    Et de poursuivre : « Les #accords_égalitaires sont là. Depuis le latin, nous savons faire des #accords_de_proximité ou des #accords_de_majorité. Nous savons utiliser d’autres termes pour parler de l’humanité que le mot “homme”. Nous savons faire des #doublets – il y en a plein les textes anciens, notamment les textes réglementaires. C’est une question de #justesse, ce n’est pas une question de #féminisme. Nos ancêtres n’étaient pas plus féministes que nous ; simplement, ils utilisaient leur langue comme elle s’est faite, comme elle est conçue pour le faire ».

    Le langage inclusif en pratique

    De fait, le français met à notre disposition différentes #stratégies permettant une meilleure représentation des femmes et des minorités de genre dans ses usages. Il est possible de distinguer deux types de stratégies.

    D’une part, les stratégies dites « neutralisantes ». « Il s’agit, non pas d’utiliser du neutre tel qu’il est présent dans la langue aujourd’hui – puisque ce neutre est pensé comme masculin, mais de retrouver du #neutre, de retrouver du commun », expose Eliane Viennot. Cela passe notamment par le recours à des #termes_épicènes, c’est-à-dire des termes qui ne varient pas en fonction du genre comme « scientifique », « architecte », « artiste »… ou encore le pronom « #iel » qui est employé pour définir une personne quel que soit son genre (« les architectes ont reçu des appels à projet auxquels #iels peuvent répondre »).

    Cela passe aussi par l’usage de #mots_génériques tels que « personnes » ou « individus ». Également par des formules englobantes avec des #singuliers_collectifs : « l’équipe » (plutôt que « les salariés »), « l’orchestre » (plutôt que « les musiciens »), « la population étudiante » (plutôt que « les étudiants »), « bonjour tout le monde » (plutôt que « bonjour à tous »). Ou encore par des tournures en apostrophe (« Vous qui lisez cet article » au lieu de « Chers lecteurs ») et autres reformulations, avec, par exemple, le recours à des formulations passives : « L’accès à la bibliothèque est libre » plutôt que « Les utilisateurs ont librement accès à la bibliothèque »).

    D’autre part, les stratégies dites « féminisantes », qui reposent notamment sur la #féminisation des noms de métiers, de fonctions et de qualités : « professeur » = « professeure » ; « Madame le directeur » = « Madame la directrice » ; « L’écrivain Virginie Despentes » = « L’écrivaine Virginie Despentes ». Autre exemple, la #double_flexion, également appelée « #doublet », qui consiste à décliner à la fois au féminin et au masculin les mots : « les lecteurs de cet article » = « les lecteurs et les lectrices de cet article » ; « les auditeurs peuvent nous écrire à cette adresse » = « les auditeurs et les auditrices peuvent nous écrire à écrire à cette adresse ».

    Ces #stratégies_féminisantes englobent aussi les points médians (préférés aux barres obliques et aux parenthèses), qui sont des abréviations de la double flexion : « les lecteur·ices de cet article » ; « Les auditeur·ices », etc. À l’oral, à l’instar des abréviations comme « Dr » ou « Mme » que tout le monde lit « docteur » et « madame », ces termes se prononcent simplement « les lecteurs et les lectrices » ou les « auditeurs et les auditrices » (plus rarement « les lecteurices » ; « les auditeurices »).

    On y trouve également des modalités d’#accords_grammaticaux qui permettent de bannir la règle selon laquelle « #le_masculin_l’emporte_sur_le_féminin ». Les accords de proximité, ou #accords_de_voisinage, qui consistent en l’accord de l’adjectif, du déterminant et/ou du participe passé en genre avec le nom qui se situe au plus proche et qu’il qualifie. Par exemple : « Les auditeurs et les auditrices sont priées d’écrire à cette adresse » ; « Les policiers et les policières sont prêtes à intervenir ». Et les accords de majorité, qui consistent à accorder l’adjectif, le déterminant et/ou le participe passé avec le terme qui exprime le plus grand nombre, par exemple : « Les éditrices et l’écrivain se sont mises d’accord sur le titre du livre ».

    Si le recours à ces différentes stratégies constitue un marqueur social et culturel pour le ou la locutrice, il est loin de ne relever que de la simple posture et produit des effets concrets qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.

    Pour le cerveau, le masculin n’est pas neutre

    Des psycholinguistes se sont ainsi penchés sur les différences entre usage du masculin générique, des formules neutralisantes et des formulations féminisantes comme l’usage d’un pronom ou d’un article féminin et la double flexion pour dire les noms de métiers et de fonctions.

    C’est notamment le cas de Sharon Peperkamp2 : « Nous avons fait lire à nos sujets un court texte portant sur un rassemblement professionnel et leur avons demandé d’estimer le pourcentage d’hommes et de femmes présents à ce rassemblement. Lorsqu’il s’agissait d’une profession non stéréotypée – c’est-à-dire exercée de manière égale par des hommes et des femmes – et lorsque nous avions recours au masculin dit “générique”, les sujets sous-estimaient la proportion de femmes dans le rassemblement. En revanche, lorsque nous utilisions une double flexion, les sujets estimaient un ratio correspondant au ratio effectif dans la société. »

    La chercheuse poursuit : « Lorsqu’il s’agissait d’une profession stéréotypiquement masculine, et que la double flexion était utilisée, la proportion de femmes par rapport à la réalité était en revanche surestimée. » Pour cette psycholinguiste, ces résultats confirment que « il est faux de dire que le langage inclusif ne sert à rien. Il permet au contraire de donner un vrai boost à la visibilité des femmes et permet d’attirer davantage d’entre elles dans des filières supposées masculines. » Elle rappelle, en outre, que des études ont montré que les femmes sont davantage susceptibles de postuler à des #annonces_d’emploi dans lesquelles l’écriture inclusive est utilisée.

    De son côté, Heather Burnett, chercheuse CNRS au Laboratoire de linguistique formelle3, a travaillé sur les différences de représentation engendrées par l’usage d’un article au masculin dit « générique » et d’un article au féminin sur les noms de métier épicènes4 : « L’usage du masculin générique, supposé neutre, engendre un biais masculin. Alors, le masculin est interprété comme référant aux hommes. » Par exemple, « le journaliste » est compris comme un homme exerçant la profession de journaliste.

    C’est aussi ce qu’ont mis en évidence, dans une étude parue en septembre 20235, les psycholinguistes Elsa Spinelli, Jean-Pierre Chevrot et Léo Varnet6. Ce dernier expose : « Nous avons utilisé un protocole expérimental permettant de détecter des différences fines concernant le temps de réponse du cerveau pour traiter le genre des mots. Lorsqu’un nom épicène non stéréotypé est utilisé avec un article également épicène (par exemple “l’otage”ou “l’adulte”), les participants ont largement tendance à l’interpréter comme masculin. Autrement dit, notre cerveau n’interprète pas le masculin comme neutre ». Suivant le même protocole, l’équipe s’est ensuite penchée sur l’usage du point médian. Pour Léo Varnet, les conclusions sont très claires : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. »

    On constate par ailleurs que l’écriture inclusive peut parfois rallonger le temps de #lecture. Ce qui est normal pour Heather Burnett : « Les mots les plus courts et les plus fréquents sont simplement lus plus rapidement ». De son côté, Léo Varlet souligne que si le point médian ralentit un peu la lecture au début d’un article, les sujets s’adaptent et retrouvent rapidement leur rythme de lecture habituel.

    Ces travaux, les tout premiers s’appuyant sur des expériences contrôlées de psycholinguistique et menés avec des sujets francophones, n’épuisent certainement pas le débat scientifique sur les effets cognitifs du langage inclusif. Mais ils indiquent clairement que le recours à certaines tournures inclusives – en particulier dans des stratégies dites « féminisantes » (re)mobilisant des ressources présentes depuis longtemps dans la langue française –, a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes.♦

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/lecriture-inclusive-par-dela-le-point-median

    • Le CNRS ne doit pas être une plateforme militante !
      (mis ici pour archivage...)

      TRIBUNE. Un collectif de 70 personnalités du monde académique appelle la direction du CNRS de corriger les « dérives militantes » de son équipe chargée de la communication.

      Chercheurs et enseignants-chercheurs, nous sommes très attachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à la haute qualité des recherches qui y sont globalement menées en sciences humaines comme en sciences dures. Nous regrettons, du reste, le dénigrement trop fréquent dont cette institution fait l’objet de la part de personnes qui ne la connaissent pas.

      C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons que sa réputation soit ternie par le comportement militant de certains de ses représentants et sa communication. L’article publié dans le Journal du CNRS sous le titre « L’écriture inclusive par-delà le point médian » en est le dernier témoignage. Écrit par une journaliste qui a recueilli l’avis d’enseignants-chercheurs et de chercheurs favorables à l’usage de l’écriture et de la « langue » dites « inclusives », il y est donc entièrement favorable alors que cette forme est fortement controversée, y compris par des linguistes du CNRS.
      Hors cadre scientifique

      Certes, que trouver à redire à ce qu’un journaliste exprime un point de vue ? Rien, à condition du moins que celui-ci soit présenté comme tel et non comme un fait objectif. Mais dans le cas présent, cet article se trouve publié sur l’une des vitrines du CNRS, lui conférant un statut particulier : celui d’un fait scientifique avéré et estampillé par l’institution.

      D’ordinaire, Le Journal du CNRS fait part de découvertes scientifiques solidement étayées, que ce soit en sciences dures ou en sciences humaines. Mais c’est loin d’être le cas ici : l’écriture dite inclusive est un phénomène créé de toutes pièces par des militants, souvent liés au monde universitaire. Y a-t-il un sens à recueillir le point de vue exclusif des tenants de cette innovation militante pour présenter sur un site scientifique une conclusion qui lui est favorable ? La circularité de la démarche fait sortir du cadre scientifique qu’on est en droit d’attendre sur une vitrine de l’institution.

      Enfin, outre qu’il est partisan, l’article est malhonnête dans son propos comme dans ses illustrations. Ainsi, à aucun moment ne sont mentionnés les arguments émanant de chercheurs reconnus contre les prémisses qui ont conduit à l’élaboration de ce langage. L’article présente comme seuls opposants des politiciens et des syndicats de droite.
      Des débats politiques, pas scientifiques

      La communication du CNRS n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Faut-il rappeler les déclarations de certaines des plus hautes instances affirmant en 2021 que l’islamo-gauchisme n’existe pas (seraient-elles aujourd’hui aussi péremptoires ?) ou cautionnant l’usage du concept d’« islamophobie » ? Vu l’absence de tout consensus scientifique sur ces deux sujets, ils relèvent d’un débat politique que l’administration du CNRS n’a pas vocation à trancher.

      Le CNRS est un haut lieu de la recherche publique : son journal et son site ne peuvent devenir l’instrument d’une faction militante, sous peine de se discréditer et, avec lui, les chercheurs qui ont à cœur de remplir leur mission scientifique. En conséquence, nous demandons à sa direction de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger ces dérives en exerçant un droit de regard sans complaisance sur le fonctionnement de sa communication. Il y va de la réputation de l’institution.

      *Cette tribune, signée par un collectif de 70 personnalités du monde académique, est portée par : Michel Botbol (professeur de psychiatrie, université de Bretagne occidentale) ; Bernard Devauchelle (professeur de chirurgie, université de Picardie Jules Verne) ; Dany-Robert Dufour (professeur de philosophie, université Paris-8) ; Nathalie Heinich (sociologue, DRCE CNRS, Paris) ; Catherine Kintzler (professeur de philosophie, université de Lille) ; Israël Nisand (professeur de médecine, université de Strasbourg) ; Pascal Perrineau (politologue, professeur des universités à Sciences Po) ; Denis Peschanski (historien, directeur de recherche au CNRS, Paris) ; François Rastier (directeur de recherche en linguistique, CNRS, Paris) ; Philippe Raynaud (professeur de science politique, université Panthéon-Assas) ; Pierre Schapira (professeur de mathématiques, Sorbonne université) ; Didier Sicard (professeur de médecine, université Paris-Cité) ; Perrine Simon-Nahum (directrice de recherche en philosophie, CNRS) ; Jean Szlamowicz (professeur en linguistique, université de Dijon) et Pierre-André Taguieff (philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS).

      Autres signataires :

      Joubine Aghili, maître de conférences en mathématiques, université de Strasbourg

      Michel Albouy, professeur de sciences de gestion, université de Grenoble

      Martine Benoît, professeur d’histoire des idées, université de Lille

      Sami Biasoni, docteur en philosophie

      Thierry Blin, maître de conférences (HDR) en sociologie, université de Montpellier-3

      Claude Cazalé Bérard, professeur de littérature italienne, université Paris-Nanterre

      Guylain Chevrier, formateur et chargé d’enseignement à l’université

      Jean-Louis Chiss, professeur en sciences du langage, université Sorbonne nouvelle

      Chantal Delsol, philosophe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

      Gilles Denis, maître de conférences HDR HC en histoire des sciences du vivant, université de Lille

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, université de Lille

      Jean Dhombres, EHESS, histoire des sciences

      Laurent Fedi, MCF hors classe, faculté de philosophie de Strasbourg

      Jean Ferrette, docteur en sociologie

      Michel Fichant, professeur de philosophie, faculté des lettres, Sorbonne université

      Renée Fregosi, philosophe et politologue, professeur de l’enseignement supérieur

      Luc Fraisse, professeur de littérature française à l’université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France

      Marc Fryd, linguistique anglaise, maître de conférences HDR, université de Poitiers

      Jean Giot, linguiste, professeur de l’université, université de Namur, Belgique

      Geneviève Gobillot, professeur d’arabe et d’islamologie, université de Lyon-3

      Christian Godin, professeur de philosophie, université d’Auvergne

      Yana Grinshpun, maître de conférences en linguistique française, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Claude Habib, professeur de littérature, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature et langue françaises

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature comparée à Sorbonne université

      Patrick Henriet, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Mustapha Krazem, professeur des universités en sciences du langage, université de Lorraine-Metz

      Philippe de Lara, maître de conférences en philosophie et sciences politiques, université Paris-2

      Marie Leca-Tsiomis, professeur de philosophie, université Paris-Nanterre

      Dominique Legallois, professeur de linguistique française Sorbonne nouvelle

      Michel Messu, professeur des universités en sociologie

      Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Robert Naeije, professeur de médecine, université libre de Bruxelles

      Franck Neveu, professeur des universités de linguistique française, Sorbonne université

      Françoise Nore, linguiste

      Laetitia Petit, maître de conférences, Aix-Marseille université

      Brigitte Poitrenaud-Lamesi, professeur d’italien, université de Caen

      Denis Poizat, professeur en sciences de l’éducation, université Lyon-2

      Florent Poupart, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, université Toulouse-2

      André Quaderi, professeur de psychologie, université Côte d’Azur

      Gérard Rabinovitch, chercheur CNRS en sociologie, Paris

      François Richard, professeur de psychopathologie, université Paris-Cité

      Jacques Robert, professeur de médecine, université de Bordeaux

      François Roudaut, professeur de langue et littérature françaises (UMR IRCL, Montpellier)

      Claudio Rubiliani, maître de conférences en biologie, université Aix-Marseille et CNRS UA Paris-6.

      Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences en langue et littérature médiévales, président du LAÏC

      Jean-Paul Sermain, professeur de littérature française, université de la Sorbonne nouvelle

      Daniel Sibony, philosophe, mathématicien, professeur des universités

      Éric Suire, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne

      Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie, Sorbonne université

      Michel Tibayrenc, professeur de génétique, directeur de recherche IRD, Paris

      Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble, chercheur à Pacte-CNRS

      Dominique Triaire, professeur des universités de littérature française

      François Vazeille, directeur de recherche au Cern, physicien des particules

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Yves Charles Zarka, professeur à l’université Paris-Cité, et ex-directeur de recherche au CNRS

      https://www.lepoint.fr/debats/le-cnrs-ne-doit-pas-etre-une-plateforme-militante-19-02-2024-2552835_2.php

    • La réponse du CAALAP (à la tribune publiée par les « 70 personnalités du monde académique »)

      La fausse neutralité des polémiques conservatrices contre la liberté académique

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant·es et de chercheur·euses qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Contre la police de la science, défendons la liberté académique !

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant.e.s et de chercheur.euse.s qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Ce ne sont rien moins que la section 17 du CNU (Conseil National des Universités), dédiée au suivi des carrières en philosophie, et le CNRS, qui font l’objet de l’opprobre et de la suspicion, sommés de s’amender pour sauver leurs réputations respectives.

      Dans une récente motion, la première propose de mettre en visibilité les violences sexuelles et sexistes, et de reconnaître l’engagement des chercheur.euse.s qui luttent contre ces violences :

      « Au moment de l’examen de l’évolution de la carrière, la section 17 du CNU s’engage à prendre en considération les responsabilités liées à l’instruction et aux suivis des violences sexistes et sexuelles, nous invitons les candidat·e·s aux promotions, congés et primes à l’indiquer expressément dans leur dossier. »

      Sur son blog, la philosophe Catherine Kintzler s’inquiète de la « prise en compte [des politiques d’égalité de genre] de manière aussi insistante dans le processus de recrutement ». Or la motion du CNU traite de « l’évolution de la carrière ». Car les recrutements ne sont pas du ressort du CNU : Catherine Kintzler l’aurait-elle oublié ?

      A cette inquiétude s’ajoute encore la crainte qu’une reconnaissance de ces éléments ne crée un biais fâcheux dans le monde de la recherche, favorisant certains terrains plutôt que d’autres, certain.e.s collègues plutôt que d’autres, alors que les carrières ne devraient tenir compte ni de de l’utilité sociale des travaux académiques, ni de l’implication du scientifique dans la cité. Mme Kintzler ne semble pas craindre pour autant que la non-reconnaissance et l’absence de prise en compte de ces éléments ne favorisent leur neutralisation, créant un biais en faveur des recherches qui occultent et invisibilisent ces violences.

      Se situant dans la ligne de celles et ceux qui présupposent que les chercheur.euse.s, quand ils et elles produisent des contenus, se situent sub specie aeternitatis, adoptant un point de vue de Sirius, elle réitère le fantasme d’une universalité émergeant « de nulle part », comme si cette dernière n’était pas le fruit de la discussion démocratique, du dissensus et de la mise en œuvre de formes de rationalité qui fabriquent de l’universel. Elle s’appuie également sur le mythe de la neutralité du scientifique, dont l’intégrité serait mise en péril par son existence en tant que citoyen.ne, ses activités associatives, son idéologie.

      Ainsi, vouloir inclure la part de l’humanité discriminée en raison de son appartenance de genre, poser cette question de l’égalité à même l’usage du langage, c’est faire preuve d’« idéologie ». Consacrer du temps à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, y compris dans son travail de recherche, y compris au sein de sa propre institution, c’est faire preuve d’« idéologie ». A l’inverse, invisibiliser ces violences, ce serait cela, la neutralité. Tenir les contenus académiques à l’abri du monde réel, se défendre d’aborder des enjeux politiques ou sociaux, c’est-à-dire s’en tenir au statu quo politique, s’accommoder des inégalités et cautionner des dispositifs d’oppression et de domination, bref, être un militant conservateur, être un militant réactionnaire, c’est cela, la neutralité. Comme si l’idéologie n’était pas le vecteur de toute pensée quelle qu’elle soit, et comme si la pensée se fabriquait hors des cadres théoriques et des contextes sociaux qui permettent son émergence.

      Dans le même temps, une tribune, réunissant les 70 signatures de chercheur.euse.s conservateur.rice.s, et parmi elles, de militant.e.s d’une laïcité identitaire, écrit son indignation face à la publication sur le Journal du CNRS, d’un article journalistique évoquant la sensibilité de nombreux.euse.s chercheur.euse.s à l’usage de l’écriture inclusive. Les auteur.rice.s de la tribune déplorent que seuls les arguments favorables à ce mode d’écriture soient présentés dans l’article, sans qu’y figurent les arguments de fond critiques de l’écriture inclusive – tout en admettant que le papier en question est un article journalistique et non pas académique ou scientifique.

      Mais tout à coup, on saute du coq à l’âne, et les auteur.rice.s de cette tribune ne résistent pas à passer de l’écriture inclusive à l’autre cheval de bataille que constitue pour eux l’ « islamo-gauchisme », appellation incontrôlable, créée en 2002 par Pierre-André Taguieff (signataire de cette tribune) pour stigmatiser les défenseurs des Palestiniens, puis revendiquée comme insulte par les militants d’extrême-droite et reprise en chœur par les dignitaires de la mouvance réactionnaire actuelle. Militant pour la reconnaissance d’une réalité du « phénomène islamogauchiste » – et niant symétriquement toute réalité au phénomène rationnellement étayé de l’islamophobie – ce groupuscule de chercheur.euse.s affirme sans ambiguïté son positionnement politique identitaire et réactionnaire. A rebours des méthodes les plus fondamentales des sciences sociales, il s’appuie sur le déni de la parole des premier.ère.s concerné.e.s par les discriminations, qui sont, elles et eux, véritablement « hors cadre scientifique », tenu.e.s en lisière, hors champ du monde académique, alors même que l’une des missions officielles des enseignant.e.s-chercheur.euse.s est de contribuer au dialogue entre sciences et société.

      Le sempiternel argument mobilisé par les auteur.rice.s considère que la défense progressiste de l’égalité et la lutte contre les discriminations relèvent du militantisme, alors que la défense conservatrice du statu quo inégalitaire consiste en une neutralité politique qui serait compatible avec la rigueur scientifique. Ainsi, toutes les positions autres que la position politique conservatrice et/ou réactionnaire des auteur.rice.s de la tribune se retrouvent disqualifiées et suspectes d’un mélange des genres entre savoirs et « idéologies », « hors cadre scientifique ».

      Nous, membres de la CAALAP, protestons contre ces tentatives de censure politique au nom de la neutralité, qu’il s’agisse de l’écriture inclusive ou des travaux documentant les discriminations, notamment racistes et islamophobes. Nous condamnons fermement les entraves à la liberté académique, d’autant plus choquantes quand elles émanent de chercheur·es, à la retraite ou non, qui prétendent faire la police de la science par voie de presse.

      https://blogs.mediapart.fr/caalap/blog/210224/la-fausse-neutralite-des-polemiques-conservatrices-contre-la-liberte

  • Une recension de livre qui interroge à la fois la politisation du passé colonial et la possibilité de caractériser des legs coloniaux dans la longue durée

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/02/hecatombe-oceanienne-dans-le-pacifique-la-memoire-d-un-depeuplement_6214429_

    « Hécatombe océanienne » : dans le Pacifique, la mémoire d’un dépeuplement

    Des premiers contacts avec les explorateurs européens, au XVIᵉ siècle, jusqu’au début du XXᵉ siècle, Christophe Sand analyse dans un livre le phénomène massif de dépopulation des Océaniens, lié aux crises et aux guerres engendrées par les maladies.

    Par Nathalie Guibert, 2 février 2024

    Fernand de Magellan, James Cook, Louis-Antoine de Bougainville… Ces navigateurs ont inscrit l’exploration des îles du Pacifique au chapitre de la grandeur européenne. Leurs étapes charrient néanmoins une effroyable hécatombe, exposée par le chercheur basé en Nouvelle-Calédonie Christophe Sand, dans son dernier ouvrage. Entre leurs premiers contacts au XVIe siècle et le début du XXe siècle, la population des Océaniens est passée de quelque 3 millions à 410 000 personnes.

    Christophe Sand n’est pas démographe, mais archéologue. Ce sont « les concentrations de sites d’habitat, de structures cérémonielles inventoriées dans les îles » qui l’ont « obligé à questionner les évaluations démographiques » existantes. Il a travaillé à la lumière des récits d’aventuriers, des textes des missionnaires et des fonctionnaires coloniaux, et des synthèses des chercheurs. Il en résulte une démonstration solide dans un livre, Hécatombe océanienne. Histoire de la dépopulation du Pacifique et ses conséquences (XVIe-XXe siècle), richement illustré.

    Quand ils débarquent, les Européens découvrent des populations nombreuses. Parvenu à Tahiti le 19 juin 1767, avec le capitaine Samuel Wallis, atteint d’une maladie vénérienne et alité, l’officier George Robertson n’en revient pas : sur plus de cinq cents pirogues, quatre mille hommes les entourent, quand, à terre, « personne à bord n’a jamais vu un rassemblement d’autant de gens si loyaux ». Ces derniers vont vite être exposés à de puissants agents pathogènes qui ont pour noms « dysenterie », « grippe », « lèpre », « syphilis », « gonorrhée », « oreillons », « rougeole », « tuberculose », « variole »…
    Lire aussi la critique : Article réservé à nos abonnés « Océaniens », de Nicholas Thomas : le Pacifique cosmopolite

    Faisant exploser les sociétés et les pouvoirs locaux, l’extermination est si violente que, « dans la première moitié du XIXe siècle, tout le Pacifique se trouve en guerre », précise au Monde Christophe Sand. Quant aux conversions chrétiennes massives de l’époque, elles ont servi autant à asseoir de nouveaux pouvoirs politiques qu’à « rechercher une réponse et une protection face à l’incompréhensible effondrement démographique en cours dans les îles ».

    A Tahiti, quand les visites des navires européens s’enchaînent, à la fin du XIXe siècle, « la succession d’épidémies ne laisse pas le temps pour des reprises démographiques », appuie l’auteur. Après l’annexion française de 1842, l’île compte moins de dix mille résidents. Entre 1760 et 1880, elle aura perdu 95 % de ses habitants.

    « Sentiment d’infériorité »

    La célèbre île de Pâques, Rapa Nui, vit « un drame à épisodes multiples ». L’étude de squelettes pascuans démontre la transmission précoce de maladies vénériennes importées à partir de l’arrivée du Hollandais Jakob Roggeveen, en 1772. Les animaux européens débarqués sur l’île ravagent ensuite l’environnement, tandis que les chefferies traditionnelles se déchirent.

    Quand, à partir de 1800, les baleiniers succèdent aux explorateurs commerçants, « la population refuse que les marins débarquent » pour se protéger. Mais les navires négriers du Pérou vont saigner les élites de l’île, déportant mille personnes d’un coup. En 1720, Rapa Nui comptait environ dix mille habitants. Cent soixante ans plus tard, ils sont moins de cent.

    En Nouvelle-Calédonie, les évaluations divergent encore, tant l’effondrement de la population des Kanak demeure un sujet sensible, très politique, entre indépendantistes et héritiers des colons. Avant la prise de possession de la Grande Terre, l’île principale de l’archipel, au nom de la France, en septembre 1853, les épidémies sévissent, là aussi. Puis la violence de la colonisation foncière décime les tribus. Un premier recensement colonial compte 39 000 autochtones en Nouvelle-Calédonie, après l’écrasement de la grande révolte kanak de 1878.

    Pour les Kanak, l’hécatombe serait « au moins comparable », selon l’auteur, à celle des pays voisins, soit une baisse de population de 80 % entre 1850 et 1900. « Jamais l’équipe archéologique calédonienne sous ma direction n’a proposé un chiffre », précise-t-il néanmoins. On peut regretter cette prudence. « J’aurais pris une balle si j’en avais donné un, le pays n’était pas prêt [après la quasi-guerre civile de 1984-1988] », explique-t-il au Monde. Le contexte s’est apaisé. Des archives européennes, et de nouvelles données archéologiques, devraient permettre de proposer une estimation dans un prochain livre, promet-il.

    Les observateurs coloniaux ont longtemps nié leur responsabilité. Outre les « liqueurs » et la « dépravation des mœurs », « la domestication et le désœuvrement (…) sont les véritables raisons de la décadence des Polynésiens », assure le médecin de la marine Charles Clavel, en 1884, au sujet des îles Marquises. Le drame, démontre Christophe Sand, a pourtant touché toutes les générations suivantes, bien au-delà des épidémies.

    L’ouvrage éclaire ainsi la relation contemporaine des peuples du Pacifique vis-à-vis de l’Occident : « Les Océaniens, ayant compris très tôt le lien direct entre les Occidentaux et l’apparition de maladies, ont tenté de se préserver de relations prolongées. » Voyant les Blancs épargnés, les populations ont développé un « traumatisme sur la perte de confiance en soi », un « sentiment d’infériorité ». La mémoire de la dépopulation reste vivace : lors de la pandémie de Covid-19, « des communautés insulaires se sont spontanément isolées » dans de « nombreux lieux du Pacifique ».

    « Hécatombe océanienne. Histoire de la dépopulation du Pacifique et ses conséquences (XVIe-XXe siècle) », de Christophe Sand, Au vent des îles, 376 p., 33 €.

    #Océanie #Polynésie #Nouvelle-Calédonie #épidémies #colonisation #déportations

  • Assal Rad sur X :
    https://twitter.com/AssalRad/status/1754303542440174080

    At least 12,000 Palestinians, including almost 6,000 children have been killed in Gaza since Blinken said Israel agreed to protect civilians. Thousands more are still buried under rubble.

    Why? Because they know the U.S. will give them weapons and money no matter what they do.

    #post_vérité #états-unis

    • #Hommage à #Bernie_Krause

      La ricercatrice Karen Bakker a ottobre 2023 per Feltrinelli pubblica “I suoni segreti della natura”, un saggio affascinante che racconta le ricerche scientifiche nell’ambito della Bioacustica. Il libro tratta dei primi esperimenti condotti da Roger Paine per ascoltare le balene. Prima di lui però, durante la seconda guerra mondiale, ascoltare i fondali marini era diventato strategico, il canale oceanico SONAR fu luogo del progetto SOSUS: Sound Surveillance System per controllare i sommergibili sovietici. Nel 1957 venne pubblicato un primo studio sui suoni delle balene e nel 1970 usci un disco di enorme successo; Songs of the Humpback Whales che contribuì alla campagna di Greenpeace del 1972 per salvare le balene. In seguito furono desecretate alcune registrazioni segrete militari. Ai nativi pescatori artici, gli Inupiat venne vietato di fare la loro caccia tradizionale ma furono loro a guidare le ricerche utili a scoprire il mondo segreto delle migrazioni delle balene guidate da suoni e infrasuoni. Negli stessi anni il musicista Bernie Krause abbandona la sua carriera e si dedica totalmente ai suoni della natura lavorando nelle foreste pluviali inaugurando la “Fitoacustica” coniando l’ipotesi di una “Nicchia acustica” e cioè una orchestra di suoni animali e vegetali che caratterizzano un ambiente naturale. Il passo poi è breve per analizzare ambienti sottomarini quali le barriere coralline minacciate dalla acidificazione, le grotte abitate dai pipistrelli grandi navigatori di ultrasuoni. Poi gli elefanti e l’uso di infrasuoni per guidare le migrazioni e segnalare allarmi e via via fino alle tartarughe, alle api. Nel passo successivo di queste ricerche si magnifica l’importanza delle nuove tecnologie, oggi alla portata di tutti sia nei costi che nella accessibilità, che si possono interfacciare con l’intelligenza artificiale, per trovare algoritmi che traducano questi linguaggi sonori e ci permettano di “dialogare” con gli animali allo scopo di proteggerli e salvarli dall’estinzione. Ci sono progetti che riguardano i delfini, le raganelle, i lupi, gli ibis, api, scoiattoli, coralli.
      La mia speranza è che il mondo militare, sempre all’avanguardia nell’uso delle tecnologie, non se ne appropri per le solite finalità armate nascondendole sotto la bugia di nominarle “difesa”.

      –—

      Intelligenze artificiali per ascoltar balene
      Per tradurre il loro canto quasi fossero sirene
      Gli Inupiat nell’Artico ponevano in acqua un remo
      Appoggiavano l’orecchio ed era meglio di Sanremo
      Le barriere coralline sono bianche di paura
      Ridotte al silenzio in cambio c’è l’acquacultura
      I fondali del Senegal arati da pesca a strascico
      I pescatori di Saint Luis dall’oceano all’Adriatico

      Sembravano grandi orchestre le foreste equatoriali
      Dove han tagliato gli alberi per allevare maiali
      Piantagioni di soia per un miliardo di cinesi
      Bistecche di manzo per gli americani obesi
      Il ronzio delle api mette in fuga gli elefanti
      E gli può salvare la vita dai più belligeranti
      Son gli stessi contadini che delle api fan sterminio
      È sorda l’agroindustria nei pesticidi il suo dominio

      Ho sentito un albero ritmare la sua sete
      Noi balliamo lui sta fermo ed il suo suono si ripete
      Balliamo insieme agli orsi di Wall Street che cola a picco
      Quotiamo l’acqua in borsa alla ricerca di un profitto
      Nelle caverne i pipistrelli per cacciare e per nutrirsi
      Hanno sonar ad ultrasuoni per volare ed orientarsi
      Purtroppo per mangiarli c’è chi vivi li cattura
      Ma qualche virus sfugge e l’uomo è brodo di coltura

      Cerchiamo gli algoritmi per parlare agli animali
      Caliamo dei microfoni in acqua nei fondali
      Siamo diventati sordi al grido della terra
      Proviam con la bioacustica mentre facciam la guerra
      Cerchiamo gli algoritmi per parlare agli animali
      Caliamo dei microfoni in acqua nei fondali
      Siamo diventati sordi al grido della terra
      Proviam con la bioacustica mentre facciam la guerra

      https://www.youtube.com/watch?v=EJRk3q4YOSc&t=73s

      #bioacoustique #musique #chanson #environnement

  • Stéphane François, politiste : « La nouvelle droite continue de jouer un rôle déterminant au sein de l’extrême droite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/05/stephane-francois-politiste-la-nouvelle-droite-continue-de-jouer-un-role-det

    Le spécialiste des droites radicales analyse les liens entre le nazisme et ce courant de pensée, né à la fin des années 1960, qui conserve une influence au sein de Reconquête ! comme du Rassemblement national.
    Propos recueillis par Marc-Olivier Bherer

    Spécialiste des droites radicales et des contre-cultures, Stéphane François est professeur de science politique à l’université de Mons (Belgique). Il est également membre du laboratoire Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS. Il vient de faire paraître La Nouvelle Droite et le nazisme, une histoire sans fin (Le Bord de l’eau, 180 pages, 18 euros).

    Qu’est-ce que la nouvelle droite ? Pourquoi revenir sur son histoire aujourd’hui ?
    La nouvelle droite, apparue à la fin des années 1960, continue de jouer un rôle déterminant, puisqu’elle est à l’origine de l’idéologie #identitaire qui s’est répandue dans les partis d’#extrême_droite. Du Front national au Rassemblement national, mais aussi au sein du Bloc identitaire [un groupuscule d’extrême droite actif dans les années 2000 et rebaptisé « Les Identitaires » en 2016], du Mouvement national républicain [fondé en 1999 par Bruno Mégret] et de Reconquête !, partout, on trouve des anciens de la nouvelle droite ou de ses sympathisants.
    A travers ses idées, ce courant de pensée cherche à défendre une Europe blanche, sans mettre en avant une hiérarchie raciale. Il est moins raciste que racialiste. Pour lui, différentes races existent et peuvent vivre en paix si elles ne se mélangent pas. L’immigration ferait courir le risque d’un ethnocide en entraînant la disparition du peuple qui accueille des étrangers.

    L’histoire de la nouvelle droite débute lorsque d’anciens militants d’Europe-Action [un groupuscule raciste fondé en 1963 par Dominique Venner, proche d’anciens nazis tels que René Binet] fondent le Grece, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne, en 1969. Ce mouvement, qui réunit des écrivains, des journalistes et des universitaires, connaîtra bien des dissidences et a aujourd’hui périclité. Mais, dans les années 1970, le Grece voit certains de ses représentants être invités sur le plateau d’« Apostrophes ». D’autres participer à la fondation du Figaro Magazine, en 1978. Lors des années 1990 et 2000, ses idées commencent à se diffuser plus largement dans les partis. Le Grece disparaît vers 2013, mais la réflexion et la propagande idéologique se poursuivent toujours dans les écrits de son principal théoricien, Alain de Benoist, dans les colloques de l’Institut Iliade, les livres publiés par les Editions de La Nouvelle Librairie, la revue Eléments.

    Quels liens la nouvelle droite entretient-elle avec le national-socialisme ?
    Jusqu’au milieu des années 1980, d’anciens SS participent aux travaux de la nouvelle droite, dont Saint-Loup [nom de plume de Marc Augier (1908-1990)], Robert Dun [pseudonyme de Maurice Martin (1920-2002)] et Robert Blanc [né en 1923, mort après 2010]. Mais il n’y a pas une reprise en bloc de l’hitlérisme. Les auteurs néo-droitiers tentent de faire oublier qu’ils ont pu s’en inspirer en insistant davantage sur la révolution conservatrice allemande et sa tendance völkisch (de Volk, « peuple »), deux mouvements qui ont leur propre histoire mais qui ont été récupérés par le nazisme.
    La révolution conservatrice apparaît en Allemagne en 1918 et disparaît en 1933. Elle défend des idées antirépublicaines et antimodernes, inspirées par Nietzsche. Certains de ses représentants, comme le philosophe Oswald Spengler [1880-1936], critiquent le nazisme, ce que les idéologues de la nouvelle droite soulignent abondamment. Cette révolution conservatrice intègre des éléments de la tendance völkisch, un courant apparu à la fin du XIXe siècle, habité par la nostalgie d’une Allemagne païenne, une fascination pour la race blanche et ses prétendues origines scandinaves.

    Comment la nouvelle droite s’approprie-t-elle ces idées ?
    L’antisémitisme völkisch en donne l’illustration. Contrairement au nazisme, ce courant de pensée ne souhaite pas nécessairement la destruction des juifs. Ils sont certes considérés comme un corps étranger dangereux pour la nation, mais différents auteurs de cette tendance admirent leur capacité à préserver leur identité. C’est le rejet de l’assimilation qui est aujourd’hui récupéré par la nouvelle droite.
    Une des principales manifestations de cette proximité idéologique repose dans les liens d’amitié entre Alain de Benoist et Sigrid Hunke [1913-1999], militante nationaliste völkisch, proche de Heinrich Himmler [1900-1945], le chef de la SS. Lorsque la militante meurt en 1999, de Benoist écrit à propos de Sigrid Hunke qu’elle avait exhumé la « vraie religion de l’Europe », le paganisme. Elle est en effet violemment opposée au christianisme, dont l’ouverture à l’ensemble du genre humain menace, selon elle, les particularismes et les identités.

    Comment se définit l’Europe de la nouvelle droite ?
    Commençons par une évidence : ce n’est pas l’Union européenne. Mais ses contours varient d’un auteur à un autre. Elle peut s’étendre de l’Ecosse jusqu’à Vladivostok. Certains dissidents de la nouvelle droite estiment que l’Europe se trouve partout où il y a des descendants d’Européens blancs, c’est-à-dire également en Amérique, en Australie, etc. Mais l’Europe de la #nouvelle_droite, c’est avant tout un bloc civilisationnel qui repose sur le double héritage de la haute Antiquité gréco-romaine et de la culture celte et nordique. Elle se distingue par sa tolérance, elle ne cherche pas à convertir comme la « secte chrétienne », selon l’expression néodroitière. Aujourd’hui, cette vision de l’Europe se retrouve dans les discours de Jordan Bardella, qui assimile l’immigration à une « menace civilisationnelle ».

  • 🌿 🌳 🌼 Agriculture : décryptage des annonces de Gabriel Attal sur l’environnement | France Nature Environnement

    « L’analyse du discours du Premier ministre sur l’environnement démontre que sa vision de l’agriculture se résume à la seule agriculture industrielle... »

    #productivisme #capitalisme #pesticides #NonAuxPesticides #écologie #environnement

    https://fne.asso.fr/actualites/agriculture-decryptage-des-annonces-de-gabriel-attal-sur-l-environnement

  • Emmanuel Macron doit être destitué

    Ici éléments sur :

    La décision de la CIJ et la Convention sur la prévention du Génocide.

    Le caractère génocidaire de la suspension des financements à l’UNRWA

    https://blogs.mediapart.fr/stephane-m/blog/030224/emmanuel-macron-doit-etre-destitue

    #Israel #France #EmmanuelMacron #Droit #Droit-International #Convention-pour-la-prévention-du-génocide #Cour-Internationale-de-Justice #CIJ #crimes #crimes-contre-l'humanité #génocide

  • Les quatre mondes de l’État régulateur européen
    https://laviedesidees.fr/Warlouzet-Europe-contre-Europe

    L’Europe du marché domine le gouvernement des politiques économiques et sociales depuis 1945. Trois autres modèles, solidaire, néomercantiliste, et ultra-libéral, s’opposent à la logique libérale. À propos de : Laurent Warlouzet, #Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance depuis 1945, CNRS Éditions

    #Économie #libéralisme #marché #commerce #néo-libéralisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240205_faure.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240205_faure-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240205_faure.pdf

  • This German village is embracing integration

    #Hebertshausen, a small community in southern Bavaria, has taken in five times as many refugees and migrants as required. Locals explain why Germany depends on immigration and what effective integration into a democracy should look like.

    https://www.infomigrants.net/en/post/54827/this-german-village-is-embracing-integration

    #Allemagne #accueil #migrations #réfugiés #asile #rural #intégration #solidarité #villes-refuge

    voir aussi :
    Migrationskrise ? Eine Gemeinde zeigt, wie es geht
    https://seenthis.net/messages/1023354
    via @_kg_

    –—

    ajouté à la sous-métaliste sur les #villes-refuge en #Europe...

    https://seenthis.net/messages/878327

  • Le barche dei migranti diventano un’orchestra. Alla Scala il primo concerto

    Dal legno delle imbarcazioni arrivate a Lampedusa violini, viole, violoncelli e contrabbassi. Il 12 febbraio suoneranno Bach e Vivaldi a Milano, in uno teatri più prestigiosi del mondo

    E alla fine approdano alla Scala di Milano. Sono violini, viole, violoncelli e contrabbassi costruiti con i legni delle barche dei migranti, arrivate a Lampedusa cariche di vite e di speranze, ma anche di morte e di lamenti. È l’Orchestra del Mare, quella che lunedì 12 febbraio suonerà per la prima volta, e lo farà nel teatro più famoso al mondo, con i suoi strumenti ancora verdi e azzurri e gialli come le assi dei gozzi che erano pochi mesi fa. Legni ben diversi dai pregiati abeti e aceri utilizzati nella liuteria, legni crepati, intrisi di gasolio e di salsedine, eppure casse armoniche in grado di suonare Bach e Vivaldi…

    Così come crepate sono le mani che hanno saputo trasformare le barche in orchestra, mani di uomini detenuti nel penitenziario milanese di Opera – i loro nomi sono Claudio, Nicolae, Andrea, Zurab –, diventati liutai sotto la guida di maestri esperti.

    Non poteva allora che chiamarsi Metamorfosi il progetto che ha dato vita a tutto questo, ideato dalla “Casa dello spirito e delle arti”, la fondazione creata nel 2012 per offrire all’umanità scartata un’opportunità di riscatto attraverso la forza inesauribile della bellezza e i talenti che ciascuno ha, anche in un carcere. «L’idea è nata come nella parabola della moltiplicazione dei pani e dei pesci – sorride Arnoldo Mosca Mondadori, presidente della Fondazione –: nel carcere di Opera da dieci anni funzionava la liuteria, dove il maestro liutaio Enrico Allorto e le persone detenute realizzavano i violini da donare ai ragazzini rom che al Conservatorio di musica non potevano permettersi uno strumento. Ma nel dicembre del 2021 portai nel laboratorio quattro legni delle barche di Lampedusa per fare un presepe e loro invece ne fecero un violino. Rimasi stupefatto, la loro idea si poteva moltiplicare, già mi immaginavo un’intera orchestra, poi – dissi loro – suonerà alla Scala».

    L’unico a credere subito a quella follia è stato Andrea, anni di carcere pesante in Tunisia e poi in Italia, nome d’arte Spaccabarche, perché lui e Claudio smontano i gozzi, Nicolae e Zurab li “rimontano” in violini e violoncelli. «Fu Andrea a darmi l’idea di rivolgermi all’allora ministro dell’Interno Luciana Lamorgese e chiedere che quegli scafi, fino a quel momento sotto sequestro per essere polverizzati e poi bruciati, venissero invece dati a noi e da “rifiuti speciali” diventassero memoria viva – continua Mosca Mondadori –. I Tir ne hanno trasportate in carcere un centinaio, così com’erano…».

    «Con all’interno scarpe, biberon, vestiti, salvagenti, tutine da neonato – racconta Andrea “Spaccabarche” –, allora ti chiedi chi era quella gente, se si sono salvati, da quale disperazione dovevano scappare, e rifletti su te stesso: c’è qualcuno che sta molto peggio di me e questo ti dà quel po’ di umiltà che nella vita non fa mai male, anche perché è quella che ti consente di continuare a imparare, quindi di cambiare».

    Metamorfosi, appunto. «Si tratta soprattutto di legni di conifere, che usiamo per il fasciame degli strumenti», spiega Enrico Allorto, che con Carlo Chiesa è il maestro liutaio, «mentre per lo scheletro utilizziamo un altro legno più duro di cui non conosco il nome. Sono alberi africani oppure, chissà, di importazione, non sappiamo quelle barche da dove arrivassero. Ovviamente non hanno la resa dei veri legni di liuteria, ma cerco i pezzi più adatti: i più leggeri per simulare l’abete rosso e i più pesanti per imitare l’acero di cui è fatto il fondo. È chiaro che sono legni difficili, hanno addosso la vernice delle barche, le crepe, i buchi: mentre costruiamo gli strumenti ripariamo i danni, ma c’è una sofferenza in questi difetti e il fatto che riescano comunque a suonare scuote emotivamente. Da quei violini esce un Sos, “non lasciateci morire”, anche i musicisti suonando si commuovono».

    E a suonarli alla Scala saranno alcuni tra i più grandi al mondo: i violoncellisti Mario Brunello e Giovanni Sollima e il violinista francese Gills Apap “dialogheranno” con i tredici strumentisti dell’Accademia dell’Annunciata diretti da Riccardo Doni, mentre l’installazione scenografica sarà un dono di Mimmo Paladino, artista di fama internazionale. «Il suono di questi strumenti viene da lontano: lontano al di là del Mediterraneo, e lontano nel tempo, forse di secoli», commenta Mario Brunello, solista abituato ad esibirsi con le orchestre più prestigiose con il suo prezioso violoncello “Maggini” dei primi del ‘600. «Quel legno che ha attraversato il mare ora suona il Terzo Concerto Brandeburghese di Bach e L’Inverno di Vivaldi, poi una pagina di virtuosismo violinistico come il celebre Preludio di Kreisler o l’affascinante White Man Sleeps di Kevin Volans, compositore sudafricano. Chiude il programma Violoncellos Vibrez di Giovanni Sollima», violoncellista che nei teatri si esibisce con il suo “Francesco Ruggeri” del XVII secolo ed è il compositore italiano contemporaneo più eseguito nel mondo.

    In ouverture lo scrittore Paolo Rumiz, triestino che ha nel sangue la poetica della frontiera e del viaggio, leggerà “La memoria del legno”, testo crudo e tagliente in cui l’albero racconta in prima persona le sue metamorfosi, dalla crescita in Africa come patriarca venerabile abitato dalle anime dei trapassati, a quando viene abbattuto da una scure senz’anima e attraverso il deserto arriva al mare. Lì trova mani delicate che lo trasformano in barca per pescatori. Dimenticato sulla spiaggia, è poi violentato da mani di trafficanti e in mare aperto ode le voci del suo carico umano. All’approdo finale è marchiato a fuoco come corpo del reato e verrebbe bruciato se altre mani delicate non lo trasformassero invece in violini. «L’ho scritto in metrica rigorosamente dispari, endecasillabi e settenari – spiega Rumiz – perché il ritmo pari è quello usato per far marciare gli eserciti». “Voi non mi riconoscerete – comincia l’albero – perché quando sono arrivato puzzavo di vomito e salsedine, ma ora vi racconto la mia storia…”.

    Tutti gli artisti prestano gratuitamente i loro talenti per il progetto Metamorfosi: «L’articolo 27 porta il Vangelo nella Costituzione, dice che la pena deve tendere alla rieducazione del condannato – ricorda Mosca Mondadori – e niente come un lavoro ricostruisce la dignità delle persone». Tra le carceri di Opera a Milano), Secondigliano a Napoli, Monza e Rebibbia a Roma «diamo lavoro a venti persone con contratti a tempo indeterminato. Le persone cambiano per davvero, ne ho viste passare tante e tutte ce l’hanno fatta grazie al lavoro, sia in carcere che dopo: la misericordia supera i tempi della giustizia». Sembrano sogni, ma sono realtà imprenditoriali che richiedono grande concretezza, «i conti a fine anno devono tornare e ogni mese abbiamo stipendi da pagare, ci sostengono Intesa Sanpaolo e Confcommercio insieme a generose Fondazioni (Cariplo, Peppino Vismara, Santo Versace, Alberto e Franca Riva, Comunità di Monza e Brianza): non sono idee astratte, sono persone, e tu le vedi rinascere».

    Ne sa qualcosa Nicolae, il liutaio che “rimonta” le barche in viole e contrabbassi: «In liuteria mi dimentico di essere in carcere e mi sento utile, se sono in grado di costruire, allora non sono così scarso da non poter fare niente, solo che non ho avuto fortuna né ho trovato i riferimenti giusti nella vita. Non cerco giustificazioni per ciò che ho fatto, dico solo che ho capito che il mondo non è soldi e bella vita, ci sono tante cose piccole che possiamo dare l’uno all’altro – dice accarezzando il pezzo colorato del futuro violino che sta lavorando –. Io do il mio contributo qui dentro, in silenzio, ma poi quando qualcuno suonerà questo violino io spero che muoverà qualcosa nel mondo», assicura commosso. «A rovinarci è la sete di potere, invece la terra è di tutti e alla fine di nessuno: siamo solo di passaggio».

    L’Orchestra del Mare non si ferma qui, presto si aggiungeranno un clavicembalo, percussioni, chitarre, il liuto arabo, vari strumenti del mondo mediterraneo, «tutto ciò che si può costruire con le barche», e magari dopo la Scala arriveranno altri grandi teatri. Dal carcere di Secondigliano escono già mandolini e chitarre, la prima è stata suonata da Sting in persona l’aprile scorso nel carcere napoletano. «Il mio tormento d’amore è sempre stato la necessità di comunicare il mistero dell’Eucarestia, cioè la presenza del Crocefisso e Risorto nell’Ostia – riprende Mosca Mondadori – e questi sono strumenti eucaristici, perché hanno dentro la morte ma anche la speranza, e il loro suono arriva a tutti i cuori, anche se non credenti». Arriverà certamente ai 1.850 spettatori che hanno già fatto il “tutto esaurito” per il 12 febbraio e ai detenuti delle quattro carceri, gli unici che potranno vedere lo spettacolo in streaming nei loro auditorium.

    Solo i detenuti liutai saranno alla Scala ad ascoltare i “loro” strumenti, come fossero figli loro, due addirittura saranno in palco reale assieme al sindaco Beppe Sala, al cardinale Josè Tolentino de Mendonça, prefetto del Dicastero vaticano per la Cultura e l’Educazione, alla vicepresidente del Senato Maria Domenica Castellone, al capo del Dap (Dipartimento Amministrazione Penitenziaria) Giovanni Russo, al direttore del carcere di Opera Silvio Di Gregorio, tutti lì alla pari. Il perché lo ha spiegato papa Francesco, per il quale nel 2022 ha suonato il primo violino costruito con le barche, quello del presepe mancato: «Quando entro in carcere mi faccio sempre una domanda: perché loro e non io? Avrei potuto agire peggio di loro», che forse sono stati sfortunati, o deboli, o hanno avuto una famiglia difficile. Aiutare i carcerati, ha ricordato Francesco ai volontari della Casa dello Spirito e delle Arti, «è una delle cose che Gesù dice che ci farà entrare in Cielo, ero carcerato e siete venuti a trovarmi. Ma resta quella domanda: perché loro e non io?».

    È la stessa domanda che vale per chi partì su quelle barche diventate orchestra, fossi nato nella loro guerra, piegato dalla loro miseria, non sarei partito anch’io?, conclude Arnoldo Mosca Mondadori. «Se ci fosse mio figlio su quel gozzo, vorrei che fosse rimpatriato in Libia in un campo di concentramento o pregherei perché venisse accolto con umanità nel Paese in cui è arrivato? Questa è la domanda dirimente che, chiunque noi siamo, dobbiamo onestamente farci. Tutta Metamorfosi si riassume in questo unico interrogativo».

    https://www.avvenire.it/attualita/pagine/se-le-barche-diventano-un-orchestraalla-scala-lo-s
    #mémoire #embarcations #Méditerranée #migrations #réfugiés #naufrages #musique #instruments_de_musique #concert #Lampedusa #Orchestra_del_Mare #bois

    • #Metamorfosi

      Un progetto di progetti per trasformare il dolore in nuova speranza.

      «Metamorfosi» è un progetto della Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti in collaborazione con il Dipartimento di Amministrazione Penitenziaria e l’Agenzia delle Accise, Dogane e Monopoli.

      Il progetto è reso possibile grazie a Fondazione Cariplo, Intesa Sanpaolo, Fondazione Peppino Vismara, Fondazione della Comunità di Monza e Brianza Onlus.

      Il progetto “Metamorfosi” è stato insignito della Medaglia del Presidente della Repubblica Sergio Mattarella in occasione del 79° Festival del Cinema di Venezia durante il quale è stato proiettato il cortometraggio che racconta il progetto.

      Di fronte alla tragedia contemporanea che vede il Mar Mediterraneo come il più grande cimitero d’Europa e di fronte al dramma a cui stiamo assistendo quotidianamente di milioni di persone in fuga dalla guerra, la Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti ha voluto pensare a un progetto culturale e di conoscenza a cui ha dato il nome di «Metamorfosi».

      “Metamorfosi” è innanzitutto un concetto che vuole richiamare l’attenzione verso ogni persona costretta a fuggire dal proprio Paese a causa di guerre, persecuzioni e fame.

      “Metamorfosi” perché la proposta di porre lo sguardo su questi temi avviene attraverso non solo una metafora, ma una vera e propria metamorfosi: quella del legno dei barconi, trasportati dal molo Favarolo di Lampedusa in alcune carceri italiane, che viene trasformato in strumenti musicali e oggetti di testimonianza di carattere sacro.

      «Metamorfosi» affinché le persone e soprattutto i giovani possano conoscere una realtà, quella dei migranti, che viene spesso rimossa, guardata con indifferenza o affrontata e raccontata in modo ideologico.

      “Metamorfosi” perché a trasformare il legno dei barconi provenienti da Lampedusa in oggetti di speranza sono le persone detenute che vengono coinvolte nel progetto.

      Come nasce l’idea

      L’idea del progetto “Metamorfosi” è nata nel dicembre 2021 quando, all’interno del Laboratorio di Liuteria e Falegnameria nella Casa di Reclusione Milano-Opera, progetto istituito dal 2012, la Fondazione ha chiesto al falegname di Lampedusa Francesco Tuccio, di portare dei legni per costruire dei presepi che, nel tempo della pandemia, potessero essere un segnale di speranza per tutti, credenti e non credenti.

      Presepi dunque realizzati, sotto la guida di Francesco Tuccio, dalle persone detenute con il legno di una tragedia contemporanea.

      Nell’ambito di questa iniziativa, con alcuni dei legni è stato costruito un violino, utilizzando una tecnica risalente al 1500, con la quale in Inghilterra venivano costruite le viole da gamba.

      Il violino realizzato produce un suono che ha stupito musicisti e esecutori per la sua limpidezza.

      Il musicista e compositore Nicola Piovani, quando per primo lo ha ascoltato, ha deciso di scrivere una composizione dal titolo “Canto del legno”, che è stata eseguita davanti al Santo Padre dal primo violino dell’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Carlo Parazzoli.

      Questo primo violino tratto dal legno dei barconi è stato chiamato “Violino del Mare”.

      La collaborazione con il Ministero dell’Interno e con l’Agenzia delle Accise, Dogane e Monopoli

      Da qui prende spunto la Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti per chiedere all’ex Ministro degli Interni Luciana Lamorgese 60 imbarcazioni provenienti dal molo Favarolo di Lampedusa, affinché potessero essere creati, all’interno della Liuteria del carcere di Opera e di altre liuterie presenti in diverse carceri italiane, strumenti musicali: violini, viole e violoncelli per la nascita di una vera e propria “Orchestra del Mare”.

      Le imbarcazioni, grazie alla collaborazione con ADM, sono state trasportate da Lampedusa all’interno del carcere di Opera.

      Il progetto prevede di far suonare questi strumenti musicali ad orchestre italiane e straniere, portando con essi una cultura della conoscenza, dell’accoglienza e dell’integrazione, attraverso la bellezza e le armonie.

      Nello specifico, nel corso del 2022 sono stati costruiti, dalle persone detenute nelle diverse Case di Reclusione, un secondo violino, una viola e un violoncello; nel corso del 2023 saranno costruiti altri 6 violini e nel corso del 2024 saranno costruiti altri 8 strumenti ad arco.

      A coordinare la formazione e il lavoro delle persone detenute sono esperti liutai, come

      il liutaio Enrico Allorto che sta coordinando la Liuteria nel carcere di Opera.

      Strumenti musicali, Croci e Rosari

      Gli strumenti ricavati dai barconi trasportati nel 2022 da Lampedusa nelle diverse carceri, verranno dunque suonati dalle orchestre che aderiranno al progetto e viaggeranno, come segno di testimonianza, in Italia e all’estero. «L’Orchestra del Mare» è perciò un progetto di adesione e prenderà vita nel momento in cui gli strumenti ricavati dai barconi verranno di volta in volta suonati dalle orchestre che aderiranno al progetto. Un viaggio per testimoniare in Italia e all’estero, attraverso l’armonia, il dramma che vivono quotidianamente migliaia di persone migranti in tutto il mondo. Nel triennio 2022- 2024, insieme agli strumenti musicali che comporranno l’"Orchestra del Mare", nei Laboratori di Liuteria e Falegnameria all’interno delle carceri, verranno costruite migliaia di croci da donare alle scuole italiane. Inoltre, con lo stesso legno dei barconi, nel carcere di Monza e in quello di Rebibbia a Roma e con il coinvolgimento della Casa di Accoglienza Profughi Centro Astalli e l’Opera Cardinal Ferrari di Milano che accoglie persone senzatetto, saranno realizzati rosari che verranno donati al Santo Padre.

      La Rete delle Liuterie e Falegnamerie nelle carceri italiane

      Con l’Agenzia delle Accise, Dogane e Monopoli e il Dap, la Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti nell’agosto 2022 ha firmato un Protocollo per la creazione di una Rete di Liuterie e Falegnamerie nelle carceri italiane al fine di dare al Paese un forte segnale di testimonianza che ponga al centro la cultura e la dignità della persona.

      Ad oggi, le Case di Reclusione coinvolte sono quelle di: Milano- Opera, Monza, Rebibbia e Secondigliano.

      In ogni laboratorio, attraverso la Cooperativa Casa dello Spirito e delle Arti, sono assunte dalle tre alle cinque persone detenute.

      L’obiettivo comune delle diverse Liuterie e Falegnamerie è, dunque, la creazione di strumenti musicali che andranno a comporre l’”Orchestra del Mare” e di oggetti dal forte significato simbolico e sacro come, appunto, croci e rosari.

      I liutai e i falegnami coinvolti nelle diverse carceri restano in comunicazione tra di loro per coordinare il lavoro delle persone detenute in coerenza con gli obiettivi del comune progetto “Metamorfosi”.

      Il percorso immersivo per gli studenti

      “Metamorfosi” è un progetto anche di conoscenza.

      Il percorso proposto alle scuole e alle Università si svolgerà, a partire dal 2023, nella Casa di Reclusione Milano-Opera, dove tre barconi sono stati posti all’interno del carcere formando quella che è stata chiamata la «Piazza del Silenzio». All’interno di questa piazza situata al centro del Carcere, i giovani potranno partecipare ad una visita guidata, con la testimonianza di persone migranti che hanno vissuto personalmente il viaggio sui barconi.
      Questa esperienza potrà essere replicata, a partire dal 2024, anche nelle altre quattro carceri in collaborazione con le scuole e le Università locali.

      I momenti del percorso

      Ciascuna uscita didattico - formativa è suddivisa in diversi momenti.

      Il primo momento è nella “Piazza del Silenzio”: un narratore introdurrà il tema partendo dall’immigrazione del passato, in particolare dal racconto dell’emigrazione italiana e di come la storia si ripeta con i suoi pregiudizi e i suoi luoghi comuni.

      Dopo questo momento introduttivo, è prevista la testimonianza diretta di una persona migrante.
      I ragazzi sono invitati poi a meditare, ognuno in silenzio su un testo diverso, sulle testimonianze scritte da persone migranti tratte dal libro “Bibbia e Corano a Lampedusa” (La Scuola editore).

      I musicisti della Piccola Orchestra dei Popoli (progetto della Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti) accompagnano questo momento suonando gli strumenti realizzati nel Laboratorio, primo tra i quali il “Violino del Mare”.

      Nella seconda parte del percorso, i ragazzi vengono accompagnati nella Liuteria dove possono conoscere le persone detenute mentre lavorano nella costruzione degli strumenti musicali.

      Un ultimo momento del percorso è di carattere teorico e accademico sui temi cardine del progetto a cura del RiRes - Unità di ricerca sulla Resilienza del Dipartimento di psicologia dell’Università Cattolica del Sacro Cuore di Milano.

      Ai ragazzi infine, è richiesto di restituire le loro emozioni, impressioni e riflessioni attraverso uno scritto personale.

      La Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti curerà una pubblicazione che racconterà l’esperienza, i pensieri e le emozioni degli studenti in collaborazione con l’Associazione Francesco Realmonte e il RiRes.

      Protocollo d’intesa tra la Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti e il Museo del Violino di Cremona

      È stato condiviso tra la Fondazione Casa dello Spirito e delle Arti e il Museo del Violino di Cremona, un protocollo di intesa nel quale uno dei violini prodotti nel carcere di Opera, è entrato nella collezione permanente del Museo del Violino e viene utilizzato presso l’Auditorium del Museo, soprattutto per momenti di natura didattica rivolti alle scuole. In queste occasioni, non solo “il Violino del Mare” viene suonato ma viene anche raccontata la sua storia attraverso il racconto delle guide e le immagini che ne testimoniano la storia.

      https://casaspiritoarti.it/it/progetti/metamorfosi

      #douleur #espoir

  • Widening inequities : #immunization Agenda 2030 remains “off-track”
    https://redasadki.me/2024/02/05/widening-inequities-immunization-agenda-2030-remains-off-track

    The WHO Director General’s report to the 154th session of the Executive Board on progress towards the #Immunization_Agenda_2030 (IA2030) goals paints a “sobering picture” of uneven global recovery since #COVID-19. As of 2022, 3 out of 7 main impact indicators remain “off-track”, including numbers of #zero-dose children, future deaths averted through vaccination, and outbreak control targets. Current evidence indicates substantial acceleration is essential in order to shift indicators out of the “off-track” categories over the next 7 years. While some indicators showed recovery from pandemic backsliding, the report makes clear these improvements are generally insufficient to achieve targets set for 2030. While some indicators have improved from 2021, overall performance still “lags 2019 levels” (...)

    #Global_health #equity #IA2030 #Tedros_Adhanom_Ghebreyesus #World_Health_Organization

  • #papirus Icon Pack Update Adds 50+ New #Icons
    https://www.omgubuntu.co.uk/2024/02/papirus-icon-pack-update-adds-50-new-icons

    If you use the Papirus icon theme in Ubuntu you’ll be pleased to hear a new version is available to download. Papirus’s first update in 2024 adds more than 50 new and updated apps icons, and makes a handful of other changes to existing icons, including updating icon names and symlinks. This updates removing a handful of couple of icons for apps no longer widely used/EOL. Among new apps to gain coverage in Papirus is multi-protocol backup tool Celeste, nifty Logitech wireless utility Solaar, stat-packed system monitor app Mission Center, and Thunderbird beta builds. Icons for Iotas, Halftone, Upscayl, and […] You’re reading Papirus Icon Pack Update Adds 50+ New Icons, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without (...)

    #News #Eye_Candy