• En Tunisie, dans l’intimité des femmes migrantes
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/02/en-tunisie-dans-l-intimite-des-femmes-migrantes_6197903_3212.html

    En Tunisie, dans l’intimité des femmes migrantes
    Par Nissim Gasteli
    Léna, Nathalie, Rebecca ou Marcelle se battent au quotidien pour s’ouvrir des perspectives d’avenir malgré les épreuves, la crise du Covid, l’inflation et les vagues de violences racistes. Entre désir de rester et mal du pays.
    L’huile commence à frémir. Léna attrape quatre belles daurades sur la table de la cuisine et les jette une à une dans la casserole. Le bruit du pétillement emplit toute la pièce. Assis en embuscade sur le pas de la porte qui donne sur la rue, un chat roux miaule sa déception de voir ses proies disparaître. Léna le chasse du pied et le petit félin retourne aussitôt à sa vie de gouttières, en cette chaude après-midi d’octobre. Cela fait deux mois que Léna Pouye, 47 ans, s’est installée avec sa fille Yasmine, 11 ans, dans un petit appartement situé dans la Cité Ettahrir, un quartier populaire de l’ouest de Tunis. Dans cette pièce divisée en deux par une cloison où elles vivent et dorment, tout rappelle son Sénégal natal : le maillot des Lions de la Teranga, l’équipe nationale de football, des boubous, des fleurs d’hibiscus séchées, et jusqu’au thieb qu’elle est en train de préparer, « le plat préféré des Sénégalais ! », s’exclame-t-elle avec fierté.
    Ces petits détails lui permettent de faire vivre le lien avec le pays, qu’elle a quitté il y a maintenant treize ans pour s’installer en Tunisie, et de transmettre à sa fille un peu de son héritage culturel. Ils entretiennent aussi la saudade. « Je pense tous les jours au Sénégal », avoue-t-elle, mélancolique. Avant de devenir le premier point de départ vers l’Europe pour les migrants, la Tunisie a longtemps été une terre d’accueil pour de nombreuses femmes originaires d’Afrique de l’Ouest, séduites par la perspective de salaires plus élevés que dans leur pays d’origine. Une immigration facilitée, aussi, par de multiples réseaux de traite humaine. Mais l’aggravation de la crise socio-économique, la montée des violences racistes, les crispations sur la question migratoire ont eu raison de cette attractivité économique et ont poussé nombre d’entre elles vers le départ. Celles qui sont restées y songent aussi. « Il ne faut pas refuser le destin mais quand même, j’aimerais partir ailleurs », dit Léna.
    Pourtant, la Sénégalaise a passé de longues années en Tunisie. Quand elle s’y est installée pour travailler comme cuisinière particulière, elle se souvient de conditions bien plus accueillantes. « Du temps de Ben Ali, ce n’était pas comme ça. J’étais à l’aise, les gens se respectaient, la vie était moins chère », se souvient-elle, un brin nostalgique de l’ancien régime. Elle a ensuite traversé la révolution de 2011, accouché de Yasmine deux ans après son arrivée. Après son divorce, suivi du retour de son ex-mari au Sénégal, Léna s’est retrouvée seule à élever son enfant. »Femme migrante célibataire en lutte contre les injonctions sociales, Léna fait face à maintes difficultés : scolariser Yasmine, subvenir à leurs besoins à toutes deux, naviguer dans les limbes de l’administration, faire face au regard et aux remarques de la société tunisienne, cumuler plusieurs emplois. Sa détermination, doublée d’un caractère bien trempé, lui permet de tout surmonter. « C’est un pays de “mahboul” [fou, en arabe tunisien]. Alors il faut que je sois encore plus mahboul », lance-t-elle en rigolant.
    Mais la pandémie de Covid est l’épreuve de trop. Avec le confinement, elle perd son emploi, se retrouve sans revenus et bientôt sans toit. « J’ai dormi avec ma fille dans la rue car le bailleur nous a mises dehors. Elle a pleuré à en être malade », évoque-t-elle, la voix chaude de douleur. Depuis, plus rien n’est pareil, Léna connaît l’instabilité de l’emploi et du logement, va d’appartement en appartement au rythme de l’augmentation croissante des loyers, enchaîne les périodes sans travailler en plus de devoir composer avec les aléas de l’économie locale.
    Déjà à l’époque, elle pense au retour. Mais, avec une enfant à sa charge, elle tente de rebondir et se tourne vers l’apprentissage, convaincue qu’un diplôme pourrait lui ouvrir les portes d’un emploi stable. Elle s’inscrit alors à une formation en cuisine et en pâtisserie organisée par l’association Ftartchi ? et destinée aux femmes migrantes. Le cursus vise à favoriser « l’intégration en milieu professionnel », explique Yosra Lachheb, 29 ans, pâtissière professionnelle primée et formatrice.
    Plusieurs anciennes étudiantes ont ainsi pu trouver un travail régulier à l’issue de la formation. Mais aujourd’hui, la grande majorité d’entre elles n’est plus en Tunisie. « La plupart des anciennes bénéficiaires sont aujourd’hui en Europe ou rentrées au pays », regrette Aida, la directrice de l’association, expliquant qu’elles ont été poussées au départ par la vague de racisme déclenchée, le 21 février, par la harangue du président Kaïs Saïed à l’encontre des « hordes de migrants clandestins ».Malgré tout, les formations continuent. Dans les locaux de l’association, située en banlieue nord de la capitale, une nouvelle cohorte s’agglutine autour du plan de travail. « On laisse revenir le beurre jusqu’à ce que le petit-lait se sépare du corps gras », répète assidûment Rebecca Dyali, 34 ans, originaire de Côte d’Ivoire. « C’est ce qu’on appelle la clarification du beurre », reprend Yosra Lachheb, sur un ton professoral. Dans cette grande cuisine en inox, la notion d’intégration a laissé la place aux envies d’ailleurs. « Moi je veux partir en Europe, explique Mme Dyali. Enfin, pas forcément en Europe, mais dans un autre pays. Dans tous les cas, il faut que je sache faire quelque chose et la pâtisserie est très consommée partout. »
    Après avoir travaillé près de trois ans en Tunisie, elle ne se voit plus rester. La faute à l’insécurité et aux agressions, aux difficultés d’accès à l’emploi et au logement, et à l’absence de perspectives d’avenir. Sa compatriote, Marcelle Nyabri, arrivée il y a quatre ans, exprime le même sentiment mais envisage quant à elle son retour. « Si je rentre en Côte d’Ivoire, cette formation va me permettre de travailler à mon propre compte, de mélanger notre pâtisserie traditionnelle à celle de la Tunisie. Cela fera du changement », espère-t-elle, enjouée à l’idée de tenir un jour sa propre boutique.
    Même Nathalie Diby, l’une des élèves modèles de la « promo » précédente, qui a pourtant trouvé un emploi de cuisinière, songe à l’après. « Avant d’avoir trouvé du travail, c’était très difficile. Aujourd’hui je m’y sens bien. J’ai envie de rester en Tunisie, si le salaire augmente, si j’évolue », dit-elle pleine d’espoir tout en restant réaliste : « La situation s’est calmée depuis février, mais qui sait comment ça va évoluer ? » « Un jour on finira bien tous par rentrer », tranche Rebecca.Nathalie, Rebecca, Marcelle sont des résistantes, la plupart de leurs amies et connaissances ont déjà quitté le pays. Quant à Léna, elle repousse sans cesse son retour de peur de chambouler sa fille. « Comment va-t-elle faire pour garder ses amis ? », s’inquiète-t-elle. Elle n’a pas répondu à l’appel des avions de rapatriement que le Sénégal a envoyés en février après les vagues de violences. Un départ qu’elle a jugé trop rapide après tant d’années. Pas plus qu’à la tentation de prendre la mer, qui n’a jamais été une option pour elle. Alors elle attend le bon moment. « Quand je rentrerai au Sénégal, je ne ramènerai pas la richesse mais l’expérience de vie, confie-t-elle. Je serai une femme forte, car j’ai été à l’armée ici, en Tunisie. »

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#tunisie#femme#migrationirreguliere#economie#insertion#parcoursmigratoire#sante#santementale

  • #Start-up_nation : quand l’État programme son #obsolescence
    (publié en 2021)

    Depuis de nombreuses années, les start-ups françaises peuvent se targuer d’avoir à leur disposition de nombreuses subventions publiques et un environnement médiatique favorable. Partant du postulat que la puissance privée est seule capable d’imagination et d’innovation, l’État français finance à tour de bras ces « jeunes pousses » dans l’espoir schumpéterien de révolutionner son #économie. Cette #stratégie_économique condamne pourtant la puissance publique à l’#impuissance et à l’#attentisme.

    En 2017, #Emmanuel_Macron avait largement axé sa campagne présidentielle sur un discours général favorable à l’entreprenariat. La stratégie économique française valorise ainsi la création de nouvelles entreprises, dites jeunes pousses ou start-ups. En avril 2017, le futur président français assène qu’une « start-up nation est une Nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une ». Ces entités ont pour vocation de proposer des technologies de ruptures disruptives, selon l’expression de l’économiste américain Clayton Christensen, c’est-à-dire une redéfinition des règles du jeu économique venant remplacer les anciens schémas de pensée.

    Cette configuration institutionnelle favorable aux start-ups n’est cependant pas apparue subitement lors de la dernière présidentielle. Le label #French_Tech est en effet lancé dès 2013 par #Fleur_Pellerin, alors Ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique. Ce programme a pour ambition de développer les jeunes pousses hexagonales. Les successeurs de Fleur Pellerin vous tous accompagner et poursuivre ce mouvement d’effervescence : en 2015 sont lancés le French Tech Ticket ainsi que le French Tech Visa en 2017.

    Ce discours s’accompagne d’un appel à créer le plus de licornes possibles : des start-ups valorisées sur les marchés à plus d’un milliard d’euros. Alors que la France compte 3 licornes en 2017, ce chiffre est passé à 15 en 2020. Le gouvernement espère qu’il en sera crée 10 de plus d’ici 2025. Ce constant appel à l’#innovation s’inspire de l’exemple israélien, parangon de la start-up nation, qui compte une jeune pousse pour 1400 habitants. Poussé par l’afflux de liquidités fourni par son ministère de la défense, l’État hébreux s’est lancé très tôt dans cette stratégie économique. Les nombreuses start-ups qui y sont créées permettent à #Israël de mieux peser sur la scène internationale : son secteur de l’innovation représente 10% de son PIB et près de la moitié de ses exportations.

    De l’État providence à l’État subventionneur

    Toutes ces entreprises ne se sont pas créées d’elles-mêmes. Pour leur écrasante majorité, elles ont largement été financées par la puissance publique. Dès 2012, tout un écosystème institutionnel favorable à l’entreprenariat individuel est mis en place. En pleine campagne présidentielle, #François_Hollande promet une réindustrialisation rapide et efficace de la France. Afin d’atteindre cet objectif ambitieux, ce dernier entend créer « une banque publique d’investissement qui […] accompagnera le développement des entreprises stratégiques ». Quatre mois plus tard naît la #Banque_Publique_d’Investissement (#BPI), détenue par la #Caisse_des_Dépôts_et_des_Consignations (#CDC) ainsi que par l’État. La BPI a pour mission de « financer des projets de long terme » et d’œuvrer à la « #conversion_numérique » de l’Hexagone. Très vite, l’institution devient un outil permettant à l’État de financer massivement les start-ups. La BPI subventionne ainsi le label French Tech à hauteur de 200 millions d’euros et est actionnaire de nombreuses start-ups françaises.

    Comme le pointe un rapport publié par Rolland Berger, une grande majorité des entreprises du #French_Tech_Next 40/120 — un programme regroupant les start-ups françaises les plus prometteuses — a reçu des prêts et des #subventions de la puissance publique. On estime ainsi que 89% de ces entreprises ont reçu une aide indirecte de la BPI ! En pleine crise sanitaire, l’institution obtient plus de 2 milliards d’euros pour soutenir ces entreprises innovantes tandis que 3,7 milliards du plan de relance décidé en 2020 par le gouvernement a été fléché vers la création et l’aide aux start-ups. Cedric O, Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, confirme ainsi qu’il « va y avoir des opportunités suite à la crise [sanitaire], tout comme celle de 2008 ».

    Pour autant, l’État français ne soutient pas ses start-ups uniquement sur le plan financier. La loi Pacte de 2019, en continuité avec la loi Allègre de 1999, facilite les passerelles public-privé et encourage les chercheurs à créer des entreprises. Ces dispositions législatives permettent à des recherches menées et financées grâce à de l’argent public d’être « valorisées », c’est-à-dire en réalité privatisées, par le secteur lucratif. Des #Sociétés_d’Accélération_du_Transfert_de_Technologies (#SATT) ont été créées pour accélérer ce processus dans de nombreuses universités. Plus de 250 start-ups ont été développées par le prisme de ce réseau depuis 2012. L’Union européenne n’est pas en reste dans cette stratégie de soutien massif aux « jeunes pousses ». Sa stratégie Horizon 2020, un programme de 79 milliards d’euros étalé entre 2014 et 2020, dédiait 20% de son budget à la création de start-ups. Pléthore de pays européens se tournent eux aussi vers des stratégies de numérisation de l’économie, souvent via un soutien sans faille aux start-ups. En 2012, le ministre italien de l’économie, sous le gouvernement du technocrate Mario Monti, a promulgué une loi qui a permis à l’État italien de dépenser 200 millions d’euros pour aider les jeunes entreprises du pays, dans le but de « promouvoir la mobilité sociale ». Depuis 2019, le fonds national pour l’innovation italien a dépensé 245 millions d’euros pour subventionner 480 start-ups.
    Le mythe des start-ups souveraines et créatrices d’emplois

    Si les nations européennes axent autant leurs stratégies économiques sur le développement des start-ups, c’est avant tout car cette politique permet aux États de prétendre agir dans des domaines clefs où leur incurie a mainte fois été pointée du doigt : la lutte contre le chômage de masse et la mise en place d’une souveraineté technologique.

    Nombre de médias se sont ainsi fait le relais de la start-up mania, louant la capacité de la French Tech à « créer 224.000 nouveaux emplois d’ici à 2025 » et à être le « fer de lance de l’économie ». Ces jeunes pousses permettraient de créer jusqu’à « 5,2 emplois indirects qui dépendent de [leur] activité » et d’œuvrer à la réindustrialisation de la France. Ce constat mérite pourtant d’être nuancé. Comme cela a déjà été évoqué, la start-up mania s’accompagne d’une aide inconditionnelle de l’État français par le prisme de la BPI. Pourtant, comme l’ont analysé nos confrères du Média, le bilan de l’institution est tâché de nombreux scandales. La banque, dès sa création, n’a pas été pensée comme un organisme capable de contenir et d’endiguer la désindustrialisation de l’Hexagone. M. Moscovici, alors ministre des finances, déclarait ainsi en 2012, que « la BPI n’est pas un outil défensif, c’est un outil offensif, n’en faisons pas un pompier ». L’institution est en effet souvent demeurée indifférente aux plans de licenciements et en a même favorisé certains comme le confirment les exemples des entreprises Veralia et Arjowiggins. Une loi du 23 mars 2020 a quant à elle permis d’ouvrir le conseil d’administration de l’institution à des acteurs privés, laissant une fois de plus planer le doute sur la capacité et la volonté de la banque publique d’agir pour le bien commun.

    Il est également permis de rester sceptique face à une stratégie de réduction de chômage structurelle se basant principalement sur le soutien à des start-ups qui participent à la « plateformisation » de notre économie. En proposant de mettre en contact clients et professionnels, des entreprises telles que Uber ou Deliveroo s’évertuent à détruire code du travail et régulations étatiques. Alors qu’elles sont vendues comme des instruments permettant de lutter contre le chômage, ces start-ups ne peuvent exister et espérer devenir rentables que par une grande flexibilité et en excluant leurs travailleurs du salariat. Le gouvernement socialiste espagnol vient ainsi récemment de légiférer afin de contrôler ces géants de l’économie de plateforme, permettant de conférer un statut de salarié aux livreurs qui étaient considérés comme des travailleurs indépendants. À peine la nouvelle annoncée, Deliveroo a annoncé qu’elle comptait mettre fin à ses activités dans le pays, tandis que ses concurrents Stuart, Glovo et UberEats critiquaient cette décision qui va mettre « en danger un secteur qui apporte 700 millions d’euros au PIB national ».

    En somme, la France semble avoir abandonné toute stratégie ambitieuse de réduction du chômage de masse. Plutôt que de défendre le droit de tout citoyen à obtenir un emploi, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, l’État dépense des sommes faramineuses afin d’encourager la création d’entreprises à l’avenir très incertain. Dans cette politique qui s’apparente à un véritable choix du chômage, les citoyens sont appelés à innover alors même que les multiples causes du chômage structurelle sont éludées. Pour autant, cette incurie étatique ne date ni du quinquennat Hollande ni du mandat du président Macron : Raymond Barre déclarait en 1980 que « les chômeurs pourraient essayer de créer leur entreprise au lieu de se borner à toucher les allocations de chômage ! ».

    NDLR : Pour en savoir plus sur les choix politiques et économiques ayant conduit à un chômage de masse persistant, lire sur LVSL l’interview de Benoît Collombat par le même auteur : « Le choix du chômage est la conséquence de décisions néolibérales ».

    Outre l’argument des créations d’emplois, le soutien aux start-ups est également justifié par une nécessaire préservation de la souveraineté nationale. Dès qu’éclate en 2013 l’affaire Snowden, la préservation de la vie privée et la souveraineté technologique deviennent des préoccupations politiques majeures. Des entrepreneurs ont profité de ce phénomène pour proposer des technologies souveraines capables de réduire l’impuissance des nations européennes face à l’espionnage de masse. Les États comme la France vont alors largement baser leur politique de défense de la souveraineté nationale par un soutien massif à des start-ups.

    L’exemple de l’entreprise Qwant est sur ce point éloquent tant il permet de montrer les insuffisances et les impasses d’une telle approche. Fondée en 2011 par Jean-Manuel Rozan, Eric Léandri et Patrick Constant, l’entreprise se rêve en « Google français » en proposant un moteur de recherche souverain. Alors que la société n’est pas loin de la faillite, l’affaire Snowden lui permet de faire un large lobbying au sein des institutions françaises. Ces efforts seront rapidement récompensés puisque la Caisse des Dépôts et des Consignations investit en 2017 plus de 20 millions d’euros dans le projet tout en détenant 20% de son capital. En janvier 2020, l’État annonce même que Qwant est désormais installé sur les postes informatiques de l’administration publique. Pourtant, force est de constater que cette aide massive n’a pas permis de bâtir un moteur de recherche réellement souverain : en 2019, soit sept ans après sa création, Qwant utilise la technologie de Bing (Microsoft) dans 75% des recherches effectuées. Une note de la Direction interministérielle du numérique (DINUM) pointe également les nombreuses failles de l’entreprise, tels que les salaires mirobolants de ses dirigeants et les nombreux problèmes techniques du logiciel utilisé par Qwant, qui laissent perplexe quant au soutien massif que lui prodigue l’État. Plus largement, rien n’indique qu’une entreprise créée sur le sol français ne tombera pas aux mains de fonds d’investissements étrangers : parmi les licornes « françaises », la start-up Aircall (téléphonie via IP) est détenue à majorité par des acteurs non-français, tandis que Voodoo (jeux vidéo) a fait rentrer le géant chinois Tencent à son capital.
    Quand les start-ups remplacent l’État

    Le recours aux start-ups s’explique également par une prétendue incapacité de l’État à innover, à comprendre le marché et à « prendre des risques ». Ce mythe, pourtant déconstruit méthodiquement par l’économiste Mariana Mazzucato dans The Entrepreneurial State (paru en français en 2020), laisse penser que seul le secteur privé est capable de faire évoluer nos activités économiques et donc de créer des emplois. Comme l’analyse l’auteure, « le « retard » de l’Europe par rapport aux États-Unis est souvent attribué à la faiblesse de son secteur du capital-risque. Les exemples des secteurs de haute technologie aux États-Unis sont souvent utilisés pour expliquer pourquoi nous avons besoin de moins d’État et de plus de marché ». Nombre de start-ups se servent de ce mythe auto-réalisateur pour légitimer leur activité.

    Il est intéressant de noter que cette mentalité a également imprégné les dirigeants d’institutions publiques. Un rapport de la CDC ayant fuité en 2020 et prétendant redéfinir et révolutionner la politique de santé française chantait les louanges du secteur privé, des partenariats public-privé et de 700 start-ups de la healthtech. La puissance publique finance volontiers des jeunes pousses du domaine de la santé, à l’image d’Owkin, qui utilise l’intelligence artificielle pour traiter des données médicales, ou encore Lucine qui, grâce à des sons et des images, revendique la capacité de libérer des endorphines, de la morphine ou de l’adrénaline. La CDC détient également 38,8% d’Icade santé, un des acteurs majeurs du secteur privé et lucratif de la santé en France. De fait, les start-ups médicales s’immiscent de plus en plus au sein des institutions privées, à l’image d’Happytal, financé à hauteur de 3 millions d’euros par la BPI, qui propose à prix d’or aux hôpitaux des services de pré-admission en ligne ou de conciergerie de patients hospitalisés. Pour encourager les jeunes pousses à envahir les hôpitaux publics, la puissance publique va jusqu’à prodiguer, via un guide produit par BPI France, des conseils pour entrepreneurs peu scrupuleux expliquant comment passer outre des agents publics dubitatifs et méfiants qui ont « tendance à freiner les discussions » !

    Ainsi, comme l’analyse Mariana Mazzucato, « c’est donc une prophétie auto-réalisatrice que de considérer l’État comme encombrant et uniquement capable de corriger les défaillances du marché ». Pourtant, les start-ups ne pullulent pas uniquement grâce à ce zeitgeist favorable à l’entreprenariat, mais profitent directement de l’incapacité de l’État à fournir des services à ses citoyens, renforçant d’autant plus le mythe évoqué par Mariana Mazzucato. L’exemple de l’attribution à Doctolib du vaste marché de la prise de rendez-vous en ligne des Hôpitaux de Paris (AP-HP) en 2016 est révélateur de ce phénomène : devenu incapable de fournir un service public de prise de rendez-vous, l’État a dû confier les données de santé de millions de français à cette start-up française. La même expérience s’est répétée lors de la prise des rendez-vous de la vaccination contre le COVID-19, qui ont permis à l’entreprise d’engranger des millions de nouveaux clients sans aucune dépense de publicité.
    Vers une bulle spéculative ?

    Outre les questions que soulève le soutien massif de l’État français aux jeunes pousses du numérique, il convient également de se poser la question de la crédibilité économique de ces entreprises. En effet, il apparaît que nombre de ces sociétés participent à la financiarisation de nos activités économiques et deviennent des actifs spéculatifs et instables. Plus que de « changer le monde », un créateur de start-up recherche principalement à réaliser un « exit », c’est-à-dire à réaliser une belle plus-value via le rachat ou l’entrée en bourse de son entreprise. Dans un climat hostile et instable — on estime que seulement 20 % des jeunes pousses réussissent cet « exit » — les entrepreneurs sont poussés à dilapider le plus rapidement l’argent qu’ils ont à leur disposition. Cette stratégie, dénommée burn rate, est souvent perçue comme une perspective de croissance future par les investisseurs.

    De plus, les entrepreneurs sont souvent poussés à embellir leurs entreprises en exagérant le potentiel des services qu’elles proposent, voire en mentant sur leurs résultats, comme le montrent les exemples de Theranos (tests sanguins soi-disant révolutionnaires), Rifft (objets connectés) ou The Camp (technopôle provençal en perdition adoubé par M. Macron). Cela conduit les start-ups technologiques à avoir un ratio de valorisation sur chiffre d’affaires très élevé. Alors qu’il n’est que de 2,6 fois pour Amazon, c’est-à-dire que la valorisation boursière de l’entreprise n’excède « que » de 2,6 fois son chiffre d’affaires, ce nombre atteint plus de 50 pour certaines licornes. Pour AirBnb, la troisième licorne mondiale valorisée à 25,5 milliards de dollars, le chiffre est par exemple de 28,6. Alors que dans une entreprise traditionnelle la valeur des actions est estimée par les investisseurs en fonction de l’estimation des bénéfices futurs d’une entreprise, ce chiffre est très largement secondaire dans les levées de fonds de start-ups. Ainsi, de nombreuses licornes ne prévoient pas à court ou moyen terme de réaliser des bénéfices. L’entreprise Lyft a par exemple enregistré l’an dernier une perte de 911 millions de dollar, tandis qu’Uber a perdu 800 millions de dollars en un trimestre. On estime que sur les 147 licornes qui existent autour du globe, seulement 33 sont rentables. En somme, les investisseurs s’intéressent principalement à la capacité d’une start-up à produire une masse d’utilisateurs la plus large possible. Ce phénomène justifie des dépenses gargantuesques par ces mastodontes de l’économie de plateforme : Lyft a dépensé 1,3 milliard de dollars en marketing et en incitations pour les chauffeurs et les coursiers en 2018. Cet écosystème très instable a toutes les chances de participer à la création d’une bulle spéculative sous la forme d’une pyramide de Ponzi. En effet, si nombre de ces entreprises sont incapables à moyen terme de produire un quelconque bénéfice, que leurs actifs sont surévalués et que les règles du jeu économique poussent les entrepreneurs à dépenser sans compter tout en accentuant excessivement les mérites de leurs produits, les marchés financiers risquent de connaître une nouvelle crise technologique comparable à celle de 2001.

    La stratégie économique de soutien massif aux start-ups adoptée par l’État français s’apparente ainsi fortement à une politique néolibérale. En effet, comme ont pu l’analyser Michel Foucault et Barbara Stiegler, le néolibéralisme, loin d’être favorable à un État minimal, comme le libéralisme classique, prône l’émergence d’un État fort capable de réguler l’économie et d’adapter les masses au sens de l’évolution capitaliste ; c’est-à-dire aux besoins du marché. Ce constat conduit l’auteure d’Il faut s’adapter (Gallimard, 2019) à affirmer que « la plupart du temps les responsables de gauche caricaturent ainsi le néolibéralisme en le prenant pour un ultralibéralisme lointain […] si bien que dès qu’un gouvernement fait appel à plus l’État, ces responsables croient que ça signifie que la menace ultralibérale a été repoussée ». De fait, plutôt que de considérer de facto une politique de soutien aux start-ups comme souhaitable et efficace, il conviendrait de rester prudent vis-à-vis de ce genre d’initiative. Une telle attitude serait d’autant plus vertueuse qu’elle permettrait de comprendre que « l’économie disruptive », loin de dynamiter les codes du secteur économique, imite sans scrupule les recettes du « monde d’avant ». Les concepts flous de « start-up » ou de « technologies de ruptures » y sont les nouveaux arguments d’autorité justifiant la destruction de nos écosystèmes, la disparition des petites entreprises et des services publics et la précarisation de pans entiers de la populations.

    NDLR : Pour en savoir plus sur la différence entre libéralisme et néolibéralisme, lire sur LVSL l’article réalisé par Vincent Ortiz et Pablo Patarin : L’impératif néolibéral de « l’adaptation » : retour sur l’ouvrage de Barbara Stiegler.

    https://lvsl.fr/start-up-nation-quand-letat-programme-son-obsolescence

    #start-up #macronisme #Macron #France

    • Ces dispositions législatives permettent à des recherches menées et financées grâce à de l’argent public d’être « valorisées », c’est-à-dire en réalité privatisées, par le secteur lucratif.

      On ne saurait mieux dire...

  • Gaza : un territoire entre marginalisation économique et destruction - tousdehors
    https://tousdehors.net/Gaza-un-territoire-entre-marginalisation-economique-et-destruction

    ... le système de tunnel à Gaza a d’abord et avant tout était un moyen de survie économique pour accéder à l’Égypte. Nicolas Pelham raconte l’émergence de l’économie des #tunnels dans un article paru dans le Journal of Palestine Studies de 2012 qui mérite d’être cité longuement :

    “La prise de pouvoir par les armes par le Hamas, à #Gaza, à l’été 2007, a marqué un tournant pour l’#économie des tunnels. Le siège de la bande, déjà en place, a été renforcé. L’Égypte a fermé le terminal de Rafah. Gaza a été désignée comme « entité hostile » par Israël et, après le tir d’une salve de roquettes sur ses zones frontalières en novembre 2007, a diminué de moitié l’importation de denrées alimentaires et a restreint l’approvisionnement en carburant. En janvier 2008, #Israël a annoncé un blocage total de carburant après des tirs de roquettes sur Sderot, interdisant toutes les catégories de fournitures humanitaires, à l’exception de sept d’entre elles. Lorsque les réserves d’essence se sont taries, les habitants de Gaza ont abandonné leurs voitures sur le bord de la route et ont acheté des ânes. Sous la pression du blocus israélien en mer et du siège égypto-israélien sur terre, la crise humanitaire de Gaza menaçait le pouvoir du Hamas. La première tentative des islamistes pour briser l’étau a visé l’Égypte, considérée comme le maillon faible. En janvier 2008, les forces du Hamas ont détruit au bulldozer un pan de mur au point de passage de Rafah pour permettre à des centaines de milliers de Palestiniens de se déverser dans le Sinaï. Bien que la demande longtemps refoulée en matière de consommation ait été libérée, la mesure n’a apporté qu’un soulagement à court terme. En l’espace de onze jours, les forces égyptiennes ont réussi à refouler les Palestiniens. L’Égypte a alors renforcé le contingent de l’armée chargé de maintenir le point de passage clos et a construit un mur d’enceinte renforcé à la frontière. Avec l’intensification du siège, le nombre d’emplois dans l’industrie manufacturière de Gaza a chuté de 35 000 à 860 à la mi-2008, et le produit intérieur brut (PIB) de Gaza a diminué d’un tiers en termes réels par rapport à son niveau de 2005 (contre une augmentation de 42 % en Cisjordanie au cours de la même période). L’accès à la surface étant interdit, le mouvement islamiste a supervisé un programme de creusement de tunnels souterrains à échelle industrielle. La construction de chaque tunnel coûtant entre 80 000 et 200 000 dollars, les mosquées et les réseaux caritatifs ont lancé des programmes offrant des taux de rendement irréalistes, faisant ainsi la promotion d’un système pyramidal de crédits qui s’est soldé par un désastre. Les prédicateurs vantaient les mérites des tunnels commerciaux comme une activité de « résistance » et saluaient les travailleurs tués au travail comme des « martyrs ». Les Forces de sécurité nationale (FSN), une branche de l’Autorité palestinienne reconstituée par le Hamas à partir de membres des Brigades Izz al-Din al-Qassam (BIQ), mais comprenant également plusieurs centaines de transfuges de l’Autorité palestinienne (Fatah), ont gardé la frontière, échangeant parfois des coups de feu avec l’armée égyptienne, tandis que le gouvernement du Hamas supervisait les activités de construction. Parallèlement, la municipalité de Rafah, dirigée par le Hamas, a modernisé le réseau électrique pour alimenter des centaines d’engins de levage, a maintenu les services d’incendie de Gaza en état d’alerte et a éteint à plusieurs reprises des incendies dans des tunnels utilisés pour pomper du carburant. Comme l’a expliqué Mahmud Zahar, un dirigeant du Hamas à Gaza, « il n’y a pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture venant de l’extérieur. C’est pourquoi nous avons dû creuser les tunnels ». Des investisseurs privés, y compris des membres du Hamas qui ont réuni des capitaux par l’intermédiaire de leurs réseaux de mosquées, se sont associés à des familles vivant de part et d’autre de la frontière. Des avocats ont rédigé des contrats pour des coopératives chargées de construire et d’exploiter des tunnels commerciaux. Ces contrats précisaient le nombre d’associés (généralement de quatre à quinze), la valeur des parts respectives et le mécanisme de distribution des bénéfices des actionnaires. Un partenariat type regroupe un échantillon représentatif de la société gazaouie : par exemple, un gardien au point de passage terrestre de Rafah, un agent de sécurité de l’ancienne administration de l’Autorité palestinienne, des travailleurs agricoles, des diplômés issus de l’université, des employés d’organisations non gouvernementales (ONG) et des ouvriers chargés de creuser ces tunnels. Abu Ahmad, qui gagnait entre 30 et 70 shekels par jour en tant que chauffeur de taxi, a investi les bijoux de sa femme, d’une valeur de 20 000 dollars, pour s’associer avec neuf autres personnes dans la construction d’un tunnel. Les investisseurs pouvaient rapidement récupérer leur mise de fonds. Pleinement opérationnel, un tunnel peut générer le coût de sa construction en un mois. Chaque tunnel étant géré conjointement par un partenariat de part et d’autre de la frontière, les propriétaires gazaouis et égyptiens se partagent généralement les bénéfices à parts égales. […] À la veille de l’opération Plomb durci en décembre 2008, leur nombre était passé de quelques douzaines de tunnels essentiellement militaires à la mi-2005 à au moins cinq cents ; les recettes commerciales des tunnels sont passées d’une moyenne de 30 millions de dollars par an en 2005 à 36 millions de dollars par mois. Ils ont permis d’atténuer dans une certaine mesure la forte contraction de l’économie de Gaza, résultat du boycott international du Hamas…”

    Le Hamas a mis en place un comité des tunnels pour réguler cette activité économique. Il prélevait ainsi des taxes, assurait la sécurité et contrôle la nature des biens qui transitaient. Comme l’écrit Tannira (2021) dans l’excellent recueil The Political Economy of Palestine :

    “Sous la tutelle du Hamas, de modestes hommes d’affaires sont autorisés à investir dans la construction de tunnels qui permettent l’acheminement de biens et de fournitures. Des ouvriers (chargés de leur construction) sont également associés à la propriété de ces tunnels de manière à accéder à une part donnée des revenus ainsi générés. Le Hamas a, dans le même temps, reçu entre 25 et 40 % des revenus issus de cette activité […] Les commerçants ont profité des prix nettement moins élevés des marchandises passées en contrebande depuis l’Égypte […] Les marchandises étaient ensuite vendues sur les marchés locaux au même prix que les biens taxés par Israël […] Les nouveaux commerçants ont ainsi été en mesure de réaliser d’importants profits […] Les risques élevés et les considérations de sécurité […] ont conduit le Hamas à n’autoriser qu’un groupe restreint de commerçants validés par l’organisation…”

    À l’apogée de cette économie, au début des années 2010, le Hamas pouvait générer annuellement jusqu’à 750 millions de dollars de revenus. Le système des tunnels a aussi permis, et c’est un point crucial, l’importation de matériaux de construction, offrant la possibilité pour Gaza d’assurer la demande en logement et de reconstruire après la désastreuse confrontation avec Israël de 2008-2009. Comme le rapporte la CNUCED :

    “[…] entre 2007 et 2013, plus de 1 532 tunnels souterrains [ont été construits] sous les 12 km de frontière qui séparent Gaza de l’Égypte. […] La part du commerce assuré par le tunnel était plus importante que celui entrepris par des canaux officiels (Banque mondiale, 2014a). Selon le Programme des Nations unies pour les établissements humains, il aurait fallu 80 ans pour reconstruire, en utilisant uniquement les matériaux autorités par Israël, les quelque 6000 habitations détruites au cours de l’opération militaire de décembre 2008 et janvier 2009. Les importations au moyen des tunnels ont cependant permis de réduire ce laps de temps à 5 ans (Pelham, 2011). De manière similaire, la centrale électrique de Gaza tourne grâce au diesel importé depuis l’Égypte à hauteur d’un million de litres par jours avant juin 2013 (OCHA, 2013).”

    L’économie des tunnels a atteint son acmé entre 2011 et 2013, après le renversement du régime répressif de Moubarak au cours des printemps arabes et l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir au Caire. Grâce à l’afflux de biens et à l’essor du secteur de la construction, le PIB par habitant de Gaza a rebondi après l’effondrement de 2008. Mais c’est sans compter sur la double catastrophe qui a suivi.

    En juillet 2013, les militaires égyptiens prennent le pouvoir et renversent les alliés du Hamas. Un an plus tard, en juillet 2014, Israël lance une guerre de 50 jours contre le Hamas. Une dévastation plus grande encore s’en est suivie. Non seulement les gazaouis ont été soumis à de terribles bombardements de dizaines de milliers d’obus et de bombes larguées depuis des avions, mais une campagne conjointe israélo-égyptienne a, de plus, entraîné la fermeture des tunnels. En mai 2015 le nombre de réfugiés palestiniens dépendants des distributions alimentaires de l’UNWRA a augmenté pour atteindre 868 00 individus, soit la moitié de la population de Gaza et 65 % des habitants enregistrés comme réfugiés (UWRA, 2015b).

    Les bombardements et l’isolement n’ont pas non plus été les seules menaces auxquelles l’économie gazaouie a dû faire face. Comme le montrent les données du FMI, l’économie gazaouie a rebondi après le choc massif de 2014, avant de subir en 2017 une crise financière et une compression des dépenses publiques. Tannira résume l’escalade désastreuse de cette austérité :

    “·  Les dépenses publiques dans la bande de Gaza sont passées de 985 millions de dollars en 201 à 860 millions de dollars en 2017 (soit une chute de 12,6 %), pour atteindre ensuite 849 millions de dollars en 2018 et finalement 788 millions de dollars en 2019. Les dépenses du gouvernement de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza ont donc décliné de 20 % depuis 2017 (PCBS, 2019).

    · Le PIB par habitant s’est effondré de 1 731 dollars en 2016 à 1 557 en 2017, puis 1 458 en 2018 pour finalement tomber à 1 417 dollars en 2019, soit une chute de 18 % depuis 2016 (PCBS, 2019).

    · L’investissement total a chuté pour atteindre 440 millions de dollars en 2019, alors qu’il était de 623 millions de dollars en 2016. Les investisseurs locaux ont perdu toute capacité de se lancer dans de nouvelles activités, car les risques étaient bien trop élevés (PCBS, 2019).

    · Les taxes collectées par le gouvernement du Hamas à Gaza ont augmenté après l’échec de l’application de l’accord de réconciliation de 2017 entre le Hamas et le Fatah.

    · La crise continue de l’électricité constitue un poste de dépense supplémentaire sur le secteur privé et augmente ainsi les coûts de production et de fonctionnement.

    ·  La suspension de la contribution des États-Unis au budget de l’UNRWA à partir de 2018 a eu des répercussions sur plus de 60 % des bénéficiaires de transfert d’argent (UNWRA, 2018). Dans le même temps, le Programme Alimentaire Mondial a réduit son aide à des milliers de familles parmi les plus pauvres en décembre 2017 (WFP, 2017).”

    Pour aggraver les pressions financières exercées sur les autorités palestiniennes, Israël retient régulièrement les recettes fiscales dues en vertu des accords économiques de Paris de 1994. Sous l’effet de ces pressions, même avant l’explosion de violence actuelle, il était devenu de plus en plus difficile de parler de développement économique gazaoui. Le PIB par habitant s’est effondré pour atteindre à peine 1500 dollars par habitant. Le taux de chômage à Gaza oscille entre 40 et 50 %, soit environ trois fois plus qu’en Cisjordanie.

    Comme le montrent les données de Shir Hever, les salaires à Gaza stagnent tout en bas de la pyramide raciale en Israël/Palestine.

    • La prise de pouvoir par les armes par le Hamas, à #Gaza, à l’été 2007

      (Post rectifié)

      Il y a d’abord eu des élections au suffrage universel en 2006 comme dans les « démocraties » parce que la « communauté internationale » était convaincue que les collabos allaient gagner

      Le Hamas a gagné

      La « communauté internationale » alias le monde libre et l’état sioniste pseudo villa dans la jungle n’ont pas accepté le verdict des urnes

      Ils ont alors décidé de punir ceux qui avaient mal voté

      2005-2007 : Gaza, comment le piège s’est refermé, par Rania Awwad (Le Monde diplomatique, juillet 2007)
      https://www.monde-diplomatique.fr/2007/07/AWWAD/14900

    • merci pour la référence @kassem, elle précise ce que l’article, centré sur l’économie de Gaza (dont j’ai cité le passage sur les tunnels) évoque de manière rapide

      le #Hamas remporté une victoire inattendue aux élections de #Gaza de 2006 et, au terme d’une #guerre_civile brutale, est parvenu à expulser le Fatah du territoire en 2007. En guise de réponse, #Israël a déclaré que Gaza était dorénavant un « territoire hostile » et l’a placé en état de siège permanent, situation qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours.

      c’était aussi l’occasion de revenir sur des enjeux sous jacents à une « question nationale » qui tend à les occulter, des questions économiques, les rapports de classe, des contradictions immanentes, comme le proposent d’autres articles récemment cités ici, dogmatiques mais intéressants
      un point de vue propalestinien de plus mais où la division en classes est évoquée (ou invoquée...)
      https://seenthis.net/messages/1024808
      plus singulier : les organisations politiques palestiniennes, Hamas compris, comme sous traitantes de fait de l’état israélo-palestinien réellement existant (actuel et non pas comme hypothèse de solution, à venir, à un état) et sa gestion ethniciste de l’exploitation de la force de travail (Philippins et autres asiatiques sans papiers inclus)
      https://seenthis.net/messages/1024610
      ce dernier, certes criticable voire agaçant, consonne il me semble avec ce que disent de jeunes palestiniens de Cisjordanie ou de Gaza pour qui le bilan de la « solution à deux états », moins déterminé par les critères de leurs aînés, s’effectue au présent de l’occupation-mitage et de l’enfermement

      #Fatah #prolétariat

  • Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/03/immigration-entre-le-maroc-et-la-france-le-ballet-des-saisonniers-agricoles_

    Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles
    Par Julia Pascual (Casablanca (Maroc), envoyée spéciale)
    Dans un contexte de hausse des besoins de recrutement, la France recourt plus que jamais à des migrants temporaires. Rencontrés à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de Casablanca, où les candidats défilent, certains racontent les conditions de travail difficiles dans les exploitations agricoles et les mauvaises pratiques d’intermédiaires.
    A Fès, il travaillait dans un hôtel cinq étoiles et servait les touristes, français et chinois pour la plupart. Il était payé 100 dirhams par jour, soit moins de 10 euros. En France, dit-il, il gagnera 100 euros par jour. Alors Imad (les personnes citées par leur seul prénom ont requis l’anonymat) n’hésite pas. Bientôt, il rejoindra une exploitation agricole dans la région de Nîmes, où il récoltera des navets. Ce matin d’octobre, le jeune homme de 34 ans est venu passer une visite médicale dans les locaux marocains de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à Casablanca. Un médecin doit vérifier son aptitude physique avant qu’un visa lui soit remis.
    Imad va bientôt partir pour Nîmes, où il récoltera des navets. Ici le 11 octobre 2023, à Casablanca, au Maroc. A côté de lui, d’autres travailleurs saisonniers défilent. Qui pour emballer des poireaux, qui pour récolter des noisettes, qui pour tailler la vigne, principalement dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Haute-Corse ou encore le Lot-et-Garonne. (...)
    Les bureaux de l’OFII sont installés dans des bâtiments qui servaient, avant l’indépendance, de lieu de casernement pour les soldats marocains qui combattaient au côté de la France. Les bidasses ont été remplacés par des travailleurs depuis 1963 et la signature d’un accord de main-d’œuvre entre les deux pays.
    Seuls les étudiants et les titulaires de passeports talents (un titre de séjour destiné aux profils très qualifiés) s’adressent directement au consulat de France. Tous les autres – travailleurs permanents, saisonniers, candidats au regroupement familial – font étape à l’OFII. Casablanca abrite la plus grosse antenne de l’établissement à l’étranger.
    Depuis la pandémie de Covid-19, les flux de travailleurs saisonniers ont considérablement augmenté. En 2022, près de 17 000 d’entre eux ont ainsi été recrutés au Maroc, contre un peu plus de 8 000 en 2019 et moins de 5 000 en 2013. En 2023, les chiffres devraient tourner autour de 15 000 saisonniers, originaires pour la majorité d’entre eux des régions de Fès-Meknès et de l’Oriental. Parmi eux, 95 % sont des hommes et des ouvriers agricoles, payés au smic de la profession. Dans un contexte d’augmentation des besoins de recrutement, la France – premier producteur agricole européen – recourt plus que jamais à ces migrants temporaires, dont les contrats durent entre trois et six mois maximum. Le restant est employé dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. « Je reçois deux fois plus d’autorisations de travail que je n’ai de créneaux pour déposer les demandes de visas pour cette catégorie de salariés », rapporte Ahmed Chtaibat, le directeur de l’OFII à Casablanca, incapable de satisfaire la demande d’immigration professionnelle qui lui arrive d’employeurs en France, friands d’une main-d’œuvre peu chère et tenue par la promesse d’un titre de séjour. « Le traitement de ces dossiers est loin d’être satisfaisant », poursuit-il.
    Cela fait huit ans que Jalila rejoint les cultures de fraises sous serre du Lot-et-Garonne. Cette femme de 53 ans, sans enfant, part six mois et vit le reste de l’année au Maroc grâce à la paye amassée. Elle parvient même à « mettre de côté » pour sa retraite. On la croise à l’OFII, où elle est venue déclarer son retour au pays, démarche indispensable pour espérer, l’année suivante, voir son visa renouvelé. « J’aimerais m’installer en France, confie pourtant Jalila, notamment pour le système de soins. » (...)
    Dans une petite salle de l’OFII, une trentaine de saisonniers se sont assis sur des rangées de bancs. Le plus jeune a 25 ans, le plus âgé 64 ans. Ils font partie des 1 300 ouvriers agricoles envoyés cette année par charters en Haute-Corse pour l’« opération clémentine », une récolte qui s’étale d’octobre à février et qui ne peut se faire que grâce à ces ouvriers marocains. Un agent de l’OFII leur explique sommairement qu’il va leur remettre à chacun passeport, visa et qu’ils sont attendus le lendemain matin à l’aéroport. Et il ajoute : « Si jamais le patron ne vous renouvelle pas, venez nous voir et on vous trouvera un autre patron. » L’un d’eux prend alors la parole : « Mon frère n’a pas été renouvelé cette année alors que ça faisait quatre ans qu’il travaillait pour un patron, rapporte-t-il. Quatre ans de sa vie sont partis en fumée parce que le chef de culture a exigé 100 euros par mois pour que le contrat soit renouvelé. » Il a refusé et a perdu son travail.A quelques encablures de l’OFII, dans une petite maison dotée de deux chambres, une douzaine d’ouvriers se sont installés pour passer les quelques nuits qui précèdent la date de leur vol vers la Corse. Ils viennent de Marrakech ou de Taroudant et ont l’habitude de se retrouver ici avant leur saison en France. Le plus âgé fait la récolte des clémentines depuis dix-huit ans. Dans sa valise, hormis une paire de genouillères, une combinaison de travail et quelques tee-shirts, il a placé deux litres d’huile d’olive, des boîtes de thon et, dans des sachets de plastique, du riz, des pois chiches, des lentilles et des épices. Il passera tout son temps sur son lieu de travail. « On a le droit de sortir de l’exploitation mais quand ça nous arrive, le patron nous lance un mauvais regard et nous le reproche, explique Mounir, embauché depuis dix ans par le même employeur corse. Alors l’un de nous va faire des courses alimentaires tous les quinze jours et c’est tout. »
    S’ils gagnent en France trois fois le salaire auquel ils pourraient prétendre au Maroc, tous décrivent un « travail acharné ». « Si on ne remplit pas chacun cinq palox [caisse palette en plastique] par jour, le patron ne nous dit pas bonjour le lendemain et il menace de ne pas nous reprendre l’année d’après. » Ils racontent aussi les heures supplémentaires payées au noir, les journées de pluie non travaillées… et non rémunérées. Se plaindre à l’OFII ? Trop risqué, croit Mounir : « Le patron ruinerait notre réputation auprès de tous les autres et on n’aurait plus de travail. » Cette insécurité l’angoisse. Alors, ils sont plusieurs à mûrir une décision : celle de ne pas revenir au Maroc à l’issue de la saison et de basculer dans la clandestinité. « J’irai en Espagne, là-bas il y a des opportunités », assure Mounir. Si, en 2019, 95 % des saisonniers retournaient au Maroc à l’issue de leur contrat, ils ne sont plus que 80 % désormais. Le directeur de l’OFII au Maroc y voit notamment l’effet d’un dévoiement du système par des intermédiaires. « L’an dernier, une société qui recourait à des saisonniers a été sortie du dispositif car le chef de culture prenait 8 000 euros sur chaque contrat et les partageait avec le patron », rapporte-t-il.
    Huit mille euros, le prix d’un sésame pour l’Europe. « Avant, le recrutement des saisonniers se faisait par affinités, par le réseau familial ou à l’échelle d’un village, mais maintenant, la plupart des employeurs recourent à des intermédiaires informels pour trouver des candidats, explique M. Chtaibat. Dans ce système, des réseaux se sont spécialisés dans le rabattage de saisonniers et l’intérêt de l’intermédiaire est de vendre un contrat entre 8 000 et 12 000 euros. La monétarisation attire des profils pour qui le dispositif est surtout un moyen sécurisé d’entrer en France. » Pour ne pas revenir.
    Afin de contourner ce risque, l’OFII essaye de développer des partenariats entre des syndicats d’employeurs et l’Anapec, le Pôle emploi marocain. Un système éprouvé au début des années 2000. Une convention a, par exemple, été signée en juin avec Légumes de France. Confronté à un manque criant de main-d’œuvre, le syndicat de producteurs ambitionne de faire venir à terme 7 000 saisonniers du Maroc. A cette fin, l’Anapec organise une présélection de profils en ciblant les hommes âgés de 30 à 50 ans, mariés, pères d’enfants en bas âge et originaires de zones rurales. Sylvestre Bertucelli, le directeur général de Légumes de France, y voit une garantie : « Ceux-là, on est sûr qu’ils reviendront au pays. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#maroc#OFII#migrationsaisonniere#agriculture#reseau#contrat#economie#recrutement#sante

  • Entretien avec Emilio Minassian : « Même dans les poubelles des capitalistes, il y a des divisions sociales »
    https://leserpentdemer.wordpress.com/2023/10/30/meme-dans-les-poubelles-des-capitalistes-il-y-a-des-divisi

    En ce sens, le terme « colonial » est quelque peu impropre pour désigner le rapport social qui a cours depuis le début des années 1990 en Israël-Palestine. Il a en outre le désavantage d’entériner une opposition entre deux formations nationales, qui sont en réalité produites et reproduites ensemble. Prolétaires palestiniens et israéliens sont les segmentations d’un même ensemble. Ce qui se joue depuis le 7 octobre doit être regardé comme une négociation par la violence entre le sous-traitant gazaoui et son employeur israélien. Cela doit en ce sens être nettement distingué de l’activité de lutte des prolétaires palestiniens, face à laquelle les sous-traitants du Hamas et de l’AP sont en première ligne. Elle qui n’a jamais cessé, mais à laquelle l’embrigadement nationaliste va porter un sale coup, en tout cas à Gaza.

    Au-delà de toute considération morale, le terme de « résistance », qui renvoie à l’imaginaire colonial, me semble impropre pour désigner l’opération militaire du 7 octobre : les intérêts du Hamas ne sont pas ceux des prolétaires, ils ne sont pas ceux – pour reprendre le vocable en vigueur – du « peuple palestinien ». Les prolétaires de Gaza, quel que soit le résultat de cette négociation, seront les grands sacrifiés – ils le sont déjà. Actuellement, si Israël se sentait pousser les ailes de se débarrasser de son sous-traitant, cela voudrait dire qu’il se sent les ailes de se débarrasser de ses prolétaires surnuméraires gazaouis. L’un ne peut aller sans l’autre.

    Mais d’un autre côté, je pense qu’on ne peut pas se passer d’une grille d’analyse basée sur le colonial.

    #Israël #Palestine

    • Je dirais que la première chose, c’est de considérer qu’il n’y a pas deux camps, l’un palestinien et l’autre israélien. Ces gens vivent dans un même #État et dans une même #économie. Au sein de ce même ensemble, disons israélo-palestinien – mais qui relève entièrement d’Israël –, les classes sociales non seulement s’inscrivent dans des différences de statuts juridiques sur la base de critères ethno-religieux, mais sont « zonées ». La bande de Gaza a progressivement été constituées en « réserve-prison » dans laquelle sont fixés deux millions de prolétaires renvoyés aux marges du capital israélien. Mais ce dernier demeure leur maître en dernier instance. Les Gazaouis utilisent la monnaie israélienne, consomment des marchandises israéliennes, ont des pièces d’identités émises par Israël.

      La « guerre » actuelle correspond en fait à une situation de #militarisation extrême de la #guerre_de_classe.

      Une « terre pour deux peuples », une telle grille de la situation en Israël-Palestine est aberrante. Nulle part dans le monde, la terre n’appartient aux peuples. Elle appartient aux propriétaires. Tout ça peut sembler très théorique, mais l’existence même des rapports sociaux viennent renvoyer cette idée des « camps » à ceux à qui elle appartient : les dirigeants.

      #Israël_Palestine #ethnicisation_de_la_force_de_travail #travailleurs_thaïlandais

  • #Premier_de_corvée

    Malgré deux emplois dans la #restauration et la #livraison, la vie hors des radars d’un travailleur clandestin malien. Un documentaire qui raconte par l’exemple les #luttes des sans-papiers en France, estimés à près de 700 000, pour de meilleures conditions d’existence.

    Depuis son arrivée en France en 2018, Makan cumule deux boulots : plongeur dans une brasserie chic près des Champs-Élysées et livreur à vélo. Solitaire et sacrifiée, la vie de ce Malien de 35 ans est tout entière dédiée au travail, qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays, une femme et des enfants qu’il n’a pas vus depuis bientôt quatre ans. « On n’est pas venu ici pour prendre des photos de la tour Eiffel. On est venu ici pour bosser. Ta famille est dans la merde, toi aussi t’es dans la merde », confie-t-il. Comme des centaines de milliers d’autres personnes en France, cantonnées aux #marges de la société alors qu’ils font tourner des pans entiers de l’#économie, Makan est sans-papiers. Il espère sortir de la #clandestinité et, en attendant, « reste dans [son] coin », effectuant avec courage ces métiers ingrats que seule une main-d’oeuvre précaire accepte désormais. « Si les immigrés ne se présentaient pas, je ne sais pas qui prendrait leur place », reconnaît sans ciller sa cheffe de cuisine. En attendant, Makan se demande pourquoi sa vie reste si difficile en France, « le pays des droits »...

    Existences invisibles
    Entre spleen et courage, le documentaire suit le quotidien d’un travailleur sans-papiers dans sa quête de régularisation, précieux sésame qui lui permettrait de se rendre dans son pays natal pour revoir ses proches qui subsistent grâce à son sacrifice. Aidé notamment par des militants syndicaux de la #CGT, Makan, qui tente de sortir de l’ornière administrative où il s’est enlisé, a rejoint la #lutte de ceux qui se mettent en grève pour obtenir de meilleures #conditions_de_travail. Mettant en lumière ces « premiers de corvées » condamnés à mener des existences invisibles (ils seraient près de 700 000 en France), ce film révèle sans misérabilisme le vécu intime de l’exil, de la clandestinité et de l’#abnégation.

    https://www.arte.tv/fr/videos/107817-000-A/premier-de-corvee
    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/68753_0
    #film #documentaire #film_documentaire #sans-papiers #travail #migrations #régularisation #France #logement #travailleurs_sans-papiers #sacrifice #déqualification #syndicat #grève

    ici aussi (via @kassem) :
    https://seenthis.net/messages/1006257

  • Guerre Israël-Hamas : à Kfar Bilu, dans la ferme des Polishuk, les volontaires ont remplacé les ouvriers
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/guerre-israel-hamas-a-kfar-bilu-dans-la-ferme-des-polishuk-les-volontaires-o

    Guerre Israël-Hamas : à Kfar Bilu, dans la ferme des Polishuk, les volontaires ont remplacé les ouvriers
    Par Raphaëlle Bacqué (Kfar Bilu, Israël, envoyée spéciale)
    Reportage Les Thaïlandais, employés à la cueillette des fruits, attendent d’être rapatriés dans leur pays. Les Palestiniens ne sont plus les bienvenus. Partout dans le pays, des bénévoles suppléent le manque de main-d’œuvre étrangère ou celle d’Israéliens rappelés par l’armée.
    Depuis des années, les Polishuk emploient pour la cueillette cinq ouvriers thaïlandais et deux Palestiniens de Gaza, logés sur place, dans ces maisons de bois qui donnent à cette ferme de Kfar Bilu, située à un peu plus d’une trentaine de kilomètres de Tel-Aviv, un petit air de banlieue américaine. Mais plus rien ne ressemble à « avant ». Depuis les attaques terroristes du 7 octobre, les Thaïlandais sont partis. Mardi, ils étaient alignés en longue file dans le hall de l’hôtel Intercontinental de Tel-Aviv, à attendre que l’ambassade de Thaïlande organise leur rapatriement. « Trois mille cinq cents des huit mille travailleurs venus en Israël ont déjà repris l’avion pour Bangkok », affirmait alors l’une des diplomates thaïlandaise. Et le flot ne tarit pas. Les deux ouvriers palestiniens ne reviendront pas non plus. « La police les a arrêtés », raconte encore Oded Polishuk, qui croit savoir qu’ils ont été emmenés jusqu’à Ramallah, la capitale de la Cisjordanie administrée par l’Autorité palestinienne, où se trouvent déjà de nombreux réfugiés. Depuis que la guerre menace, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza détenteurs d’un permis de travail sont interdits de séjour en Israël. Par crainte des attentats, dit-on. D’ailleurs, les Polishuk n’en veulent plus. « Comment pourrait-on encore avoir confiance après ce qui s’est passé ? », lance le frère d’Oded, Gal, un ingénieur qui vient de s’engager dans l’armée.
    Devant les grands cageots de fruits, trois personnes s’activent. Ce sont des volontaires qui, depuis une dizaine de jours, arrivent partout dans les restaurants, les hôpitaux ou les fermes afin de remplacer les soldats mobilisés ou les ouvriers qui font défaut. Shiraz Salomon et Morian Menuhin font partie de ces bénévoles. « Dans la vie normale », comme dit Shiraz, ces deux quinquagénaires, amis de plus de vingt ans, sont tous deux associés dans un cabinet d’architectes de Tel-Aviv. Jusque-là, ils rénovaient, à Jaffa, ce vieux quartier collé à Tel-Aviv où vivent juifs et arabes israéliens, des maisons et de beaux lofts de briques et de bois, que Shiraz montre sur son téléphone portable. « Victim of love », lit-on sur son tee-shirt pendant qu’elle trie de grosses grenades rouges. C’est une fille de gauche, charmante, généreuse, tout à fait « bobo ». Lui est une sorte de géant, bonhomme et rassurant.
    Alors qu’ils avaient manifesté de concert, ces derniers mois, contre le gouvernement Nétanyahou, Shiraz et Morian ont cessé de parler de politique. « Pour éviter de trop s’engueuler, dit-elle, parce qu’il a viré dans la paranoïa et la guerre, quand je reste attachée à la paix avec les Palestiniens. » Cela fait amèrement sourire Morian, qui la juge « naïve ». Mais enfin, ils sont venus tous les deux accomplir ce travail harassant de tri « plutôt que de ressasser toute la journée en regardant les nouvelles angoissantes à la télé ».
    Dans les champs, trois autres volontaires cueillent des clémentines. Ceux-là sont des Français venus en Israël il y a une douzaine d’années, d’un tout autre style que les architectes de Tel-Aviv. (...) ».

    #Covid-19#migrant#migration#israel#gaza#palestinien#thailandais#travailleurmigrant#economie#conflit#maindoeuvre#crise#mortalite

  • Revealed: the industry figures behind ‘declaration of scientists’ backing meat eating
    https://www.theguardian.com/environment/2023/oct/27/revealed-industry-figures-declaration-scientists-backing-meat-eating

    A public statement signed by more than 1,000 scientists in support of meat production and consumption has numerous links to the livestock industry, the Guardian can reveal. The statement has been used to target top EU officials against environmental and health policies and has been endorsed by the EU agriculture commissioner.

    #lobbying

  • Le président du Conseil d’orientation des retraites, dans le collimateur de Matignon depuis des mois, a été débarqué
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/25/le-president-du-conseil-d-orientation-des-retraites-debarque_6196394_823448.

    « Ce n’est pas une mesure de sanction », assure l’entourage de la première ministre. Pierre-Louis Bras avait pourtant été accusé par le gouvernement, en particulier par Elisabeth Borne, d’avoir alimenté la confusion dans le débat sur la réforme des #retraites.

    .... La nomination de son successeur, qui fera l’objet d’un décret du président de la République .... Cette décision ne constitue nullement une surprise.

    Dans Le Parisien du 9 avril, Mme Borne lui avait reproché d’avoir « brouillé les esprits », alors qu’elle cherchait à convaincre l’opinion de la nécessité de reporter à 64 ans l’âge légal de départ pour éviter un déficit de notre système par répartition en 2030. La première ministre faisait ainsi référence à des propos de M. Bras, lors d’une audition à l’Assemblée nationale : le 19 janvier, il avait affirmé que les dépenses de retraites « ne dérapent pas », tout en précisant que le rapport du COR de 2022 prévoyait des déficits durables. Mais beaucoup n’avaient retenu que l’idée selon laquelle la situation restait sous contrôle et n’exigeait, par conséquent, aucune réforme.

    Le 12 juillet, lors des questions au gouvernement au Sénat, Mme Borne avait même accusé l’instance de n’avoir pas « pleinement joué son rôle ces derniers temps », du fait de travaux ayant prêté à « toutes sortes d’interprétations et d’expressions, éloignant ainsi le #COR de sa mission originelle ».

    https://archive.ph/PiOtS

    • Avec la nomination de Gilbert Cette, le pouvoir reprend en main le Conseil d’orientation des retraites
      https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/311023/avec-la-nomination-de-gilbert-cette-le-pouvoir-reprend-en-main-le-conseil-

      Une semaine après avoir écarté l’ancien président du Conseil d’orientation des retraites, Pierre-Louis Bras, Matignon a nommé un économiste très proche du macronisme, et très favorable au recul de l’âge de départ, à la tête de cette institution.

    • Gilbert Cette, un économiste orthodoxe professeur à l’école de commerce Neoma et à l’université d’Aix-Marseille, et compagnon de route historique de la Macronie.

      Lors de la campagne de 2017, il avait signé la tribune des économistes soutenant la candidature d’Emmanuel Macron à la présidence de la République publiée dans Le Monde. On y trouvait notamment cette envolée lyrique et fort optimiste : « La nouvelle croissance, proposée par Emmanuel Macron, repose sur le progrès et l’innovation, c’est-à-dire la création en permanence de nouvelles technologies, de nouvelles activités, de nouveaux biens et services de meilleure qualité et de nouvelles façons de produire plus économes en énergie. »

      Une fois son poulain élu à l’Élysée, l’économiste a été nommé à la tête du comité d’experts sur le #salaire minimum qui, systématiquement depuis, prône l’absence de tout « coup de pouce » au #Smic, c’est-à-dire de toute augmentation au-delà de la hausse légale.
      C’est ainsi un membre du cercle proche de la présidence qui prend le contrôle d’un instance censée être indépendante.

      Un économiste organique du macronisme
      #Gilbert_Cette, 69 ans, a longtemps eu une image de gauche, issue de son passage comme conseiller technique au ministère du travail tenu par Martine Aubry entre 1998 et 2000. Mais c’est en réalité un #économiste néolibéral pur et dur, de la tendance « sociale-libérale », où le social découle du libéral, ce qui lui a permis de rester proche du Parti socialiste jusqu’au milieu des années 2010.

      C’est d’ailleurs en 2011 qu’il se rapproche d’Emmanuel Macron. À l’époque, ce dernier, selon Les Jours, organise des réunions d’économistes dans son restaurant parisien fétiche, La Rotonde, pour plancher sur le programme de François Hollande. Et c’est logiquement que Gilbert Cette, passé par la Banque de France et le Centre d’analyse économique, se rapproche du futur candidat lorsque celui-ci décide d’en finir avec le PS pour imposer ses réformes néolibérales.

      Car toute la pensée de Gilbert Cette le rapproche de la vision macroniste de l’économie. Le #marché est y central et l’enjeu des politique publiques est principalement de permettre aux agents économiques de participer à la compétition sur les marchés. D’où une insistance sur la formation et l’éducation pour adapter la force de travail aux besoins du capital.
      L’État, dans cette optique, ne doit pas compter ses aides aux entreprises, mais doit néanmoins prendre garde aux déficits. Aussi n’a-t-il pas d’autre moyen que de remplacer les transferts sociaux par des soutiens à l’innovation et à la formation .

      Dans une tribune au Monde cosignée avec Élie Cohen en 2019, il affirmait que « plutôt que d’amplifier sans cesse les politiques redistributives visant à réduire les inégalités spontanément fortes en France, il faut les réduire en amont par des politiques éducatives et de formation, et par une meilleure insertion sur le marché de l’emploi ». Cette phrase pourrait résumer la doctrine d’Emmanuel Macron.
      Si l’on voulait résumer les positions de Gilbert Cette en une phrase, on pourrait dire qu’il convient de soutenir absolument le #capital et ses profits en espérant que ces derniers se transforment en emplois et en innovations. Alors même que des cercles de plus en plus larges s’interrogent sur la pertinence des #baisses_de_cotisations, Gilbert Cette les a défendues en août dans un texte publié par Les Échos, reprenant la vieille rengaine de la « baisse des charges sur les bas salaires » pour créer des emplois.
      Dans le monde de Gilbert Cette, c’est le #travail qui doit toujours s’adapter. Adepte de la « #flexi-sécurité » où la sécurité est optionnelle, il soutenait en novembre 2021, dans L’Opinion, une « adaptation du droit du travail au numérique » allant plus loin encore que la réformes de 2017.
      D’ailleurs, adepte des comparaisons internationales, souvent utilisées pour justifier les #réformes en faveur du capital, Gilbert Cette défend depuis longtemps une remise en cause du niveau qu’il juge trop élevé du Smic et de ses méthodes de revalorisation. En 2018, il proposait, dans le cadre du comité d’experts sur le Smic, de réduire la revalorisation du salaire minimum, voire de le #désindexer de l’#inflation. Il le faisait au nom de la compétitivité et de la boucle prix-salaires.

      Gilbert Cette est de ces économistes qui, même lorsqu’ils ont tort, continuent de faire comme s’ils avaient raison. Après avoir promu des politiques néolibérales pour augmenter la productivité de l’#économie, l’économiste a constaté que les gains de productivité étaient désormais nuls (ce qui n’est guère étonnant puisqu’on a subventionné les bas salaires les moins productifs), et exige donc en retour des réformes pour « #travailler_plus ». C’est ce qu’il prônait dans cette tribune publiée dans Les Échos en mai dernier. Et là encore, comme par miracle, il était en plein accord avec le discours de la majorité présidentielle.

      Gilbert Cette fait partie de ces économistes orthodoxes absolument intolérants à tout autre cadre de pensée, même déviant légèrement des leurs. Dans une tribune de février 2020 publiée dans Les Échos, il fustigeait, avec ses compères #Élie_Cohen et #Philippe_Aghion, également connus pour leur proximité avec l’Élysée, les « analyses simplistes » de l’Institut des politiques publiques (IPP) et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui avaient osé critiquer les réformes sur la #fiscalité_du_capital d’Emmanuel Macron. Malheureusement, le comité d’évaluation officiel, composé de membres dont l’orthodoxie n’est pas douteuse, n’a pas réussi à tirer de conclusions plus favorables, malgré ses efforts…

      Un soutien appuyé à la réforme des retraites de 2023

      Avec une telle pensée, Gilbert Cette ne pouvait être qu’un adepte de la réforme proposée par Emmanuel Macron en début d’année 2023. Le report à 64 ans de l’âge minimal de départ à la retraite répondait à plusieurs obsessions de cet économiste technocrate : la lutte contre les déficits, l’allongement du temps de travail, l’obsession d’une croissance « mécanique » liée à la quantité de travail.
      Car, dans le monde merveilleux de cet économiste de tableaux, le report de l’âge de départ à la retraite augmente automatiquement la quantité de travail fourni, et donc le PIB. Dans un texte publié dans Les Échos en octobre 2022, Gilbert Cette estimait ainsi que la réforme des retraites permettrait d’augmenter « la richesse moyenne produite par habitant, ce qui à la fois financerait une hausse du pouvoir d’achat moyen et, à taux de prélèvement inchangés, serait source spontanée d’impôts et taxes qui donnerait des marges de manœuvre saines à la politique économique ».
      Une formidable histoire, au point qu’on se demande pourquoi la réforme de 2010 n’a pas permis à la France de connaître une telle bouffée de prospérité. C’est peut-être qu’aucun des mécanismes rêvés par l’économiste n’a de réalité concrète.
      Mais peu importe, Gilbert Cette a, durant le débat sur la #réforme_des_retraites, défendu bec et ongles la réforme. Et c’est bien un des points les plus troublants de cette nomination : Gilbert Cette n’est pas resté neutre dans le débat sur les retraites. Il a été un des défenseurs les plus acharnés de la réforme.
      Dans un entretien accordé à L’Opinion en janvier 2023, il soutenait ainsi l’idée que la retraite était « très sociale ». Et d’ajouter, comme un écho au récit gouvernemental : « Tout le monde est gagnant, car c’est une réforme qui rend soutenable le régime de retraite, pour cela tout le monde fait un petit effort et l’effort demandé est plus faible pour les personnes aux carrières longues. »_ Des propos que l’on aurait pu mettre dans la bouche d’un ministre du gouvernement Borne.

      Avec un tel pedigree, il faut bien en convenir, le COR rentre désormais dans le giron du pouvoir. C’est une mise au pas en règle, avec la nomination d’un président qui a toujours défendu les positions gouvernementales. Le but est évident : il s’agit de produire des analyses « indépendantes » qui soient en accord avec le récit recherché par l’exécutif et d’éviter que ne se reproduisent des épisodes comme ceux où Pierre-Louis Bras a ouvertement mis en échec ce récit.

      Il convient ainsi de voir cette nomination pour ce qu’elle est : un épisode de plus dans la lente et continuelle dérive autoritaire d’un pouvoir qui ne supporte pas de se voir soumis à une contradiction et qui ne tolère « l’indépendance » que tant qu’elle lui donne raison. Jusqu’ici, le pouvoir niait et ignorait les études n’allant pas dans le sens de sa politique et montrant son caractère irrationnel. On a désormais, avec l’arrivée de Gilbert Cette à la tête du COR, franchi un cap : ce que l’on souhaite, ce sont des experts aux ordres.

      #expert

  • L’immigration vers les pays de l’OCDE a atteint « des niveaux sans précédents » en 2022
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/23/immigration-des-niveaux-record-dans-l-ocde-en-2022_6196150_3210.html

    L’immigration vers les pays de l’OCDE a atteint « des niveaux sans précédents » en 2022
    Quelque 6,1 millions d’immigrés permanents supplémentaires ont été accueillis. De nombreux gouvernements ont adopté des politiques favorables aux travailleurs étrangers.Par Julia Pascual
    Une situation historique, des flux inédits. En 2022, l’immigration dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a atteint « des niveaux sans précédent », rappelle l’institution dans un rapport rendu public lundi 23 octobre. Ce phénomène s’explique surtout par l’augmentation de l’immigration pour motif humanitaire et professionnel et, dans certains pays, par des effets de rattrapage de l’immigration familiale post-Covid 19. « Sans compter les Ukrainiens, qui ont représenté 7 millions de réfugiés, nous atteignons 6,1 millions d’immigrés permanents en plus en 2022 », détaille Jean-Christophe Dumont, expert des migrations internationales à l’OCDE, soit une hausse de 26 % sur un an.
    Ces volumes sont à rapporter à la population de l’OCDE, évaluée à 1,26 milliard de personnes. « Les chiffres préliminaires pour 2023 laissent entrevoir une nouvelle hausse », anticipe l’organisation. L’Inde et la Chine sont les premières nationalités des nouveaux arrivants. Et les premiers pays de destination sont, dans l’ordre, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne. La France arrive au sixième rang avec plus de 300 000 nouvelles entrées, devant l’Italie (+ 272 000 entrées) et derrière le Canada (+ 437 000 entrées).
    Si l’immigration familiale continue de constituer la première catégorie d’immigrés nouveaux dans les pays concernés, avec 41 % des arrivées, sa part est assez stable dans le temps, la hausse des flux étant portée par d’autres facteurs de mobilité.Ainsi, le nombre de nouveaux réfugiés est passé de 425 000 en 2021 à près de 625 000 en 2022. Cette dynamique n’est pas en voie de se tarir si l’on considère l’augmentation de la demande d’asile : plus de 2 millions de nouvelles demandes ont été enregistrées dans les pays de la zone en 2022, bien au-delà des 1,7 million de demandes comptabilisées en 2015 et en 2016.
    Les pays d’origine des demandeurs d’asile sont le Venezuela (221 000), Cuba (180 000), l’Afghanistan (170 000) et le Nicaragua (165 000). « Cette hausse s’explique en grande partie par l’explosion des demandes aux Etats-Unis, qui se sont élevées à 730 000 », explique le rapport. L’Allemagne arrive en deuxième position avec près de 220 000 demandes d’asile en 2022, un chiffre toutefois inférieur à ceux de 2015 et de 2016. La France, elle, a enregistré près de 140 000 demandes en 2022.
    L’immigration permanente pour motif professionnel connaît elle aussi une dynamique importante, portée par les pénuries de main-d’œuvre. Elle représente 21 % des nouveaux immigrés en 2022, contre 16 % seulement en 2019, avant la pandémie de Covid-19. Les hausses dans certains pays sont « spectaculaires », remarque le rapport. Au Royaume-Uni, l’immigration de travail a doublé en un an, elle a crû de 59 % en Allemagne, de 39 % aux Etats-Unis ou encore de 26 % en France.
    Ces dynamiques sont portées par les gouvernements. La plupart des pays de l’OCDE ont placé l’immigration de travail « au premier plan des préoccupations politiques », relève le rapport. Les auteurs citent la réforme en Espagne de la loi générale sur l’immigration, la modification en Allemagne de la loi pour l’immigration des travailleurs qualifiés ou des réflexions en cours en Australie pour attirer davantage de travailleurs qualifiés.
    En dehors de l’immigration dite permanente, les flux temporaires augmentent eux aussi de façon historique. Les migrations temporaires de travail vers l’OCDE ont représenté 2,4 millions de permis délivrés, parmi lesquels 650 000 saisonniers recrutés en 2022, en premier lieu aux Etats-Unis, et principalement pour les activités agricoles. « Ces hausses sont une combinaison d’un effet de rattrapage post-Covid avec un effet conjoncturel des programmes économiques qui ont soutenu la demande », analyse M. Dumont.
    De même, l’immigration étudiante connaît une embellie notable avec 42 % d’augmentation des arrivées. En 2022, environ 1,9 million d’étudiants sont arrivés dans le cadre d’une mobilité internationale, hors mobilité intra-européenne. « Pour la quatrième année de suite, le Royaume-Uni arrive en tête des pays d’accueil des nouveaux étudiants internationaux, devant les Etats-Unis, observe l’OCDE. Viennent ensuite le Canada, l’Australie et le Japon. »
    « Ces chiffres nous montrent que l’immigration n’est pas hors de contrôle, insiste M. Dumont. La majorité de l’immigration est régulée. C’est aussi la preuve que l’économie arrive à absorber ces flux historiques, même s’il y a des tensions, notamment sur le marché du logement. » En outre, M. Dumont insiste sur le fait que l’augmentation de l’immigration « ne se fait pas au détriment des conditions d’insertion sur le marché du travail de l’ensemble des immigrés ». Leur taux d’emploi atteint même un niveau record en 2022 avec 71 % des immigrés présents dans l’OCDE qui occupent un emploi, contre 68,7 % en 2021. En France, ce taux frôle 62 %, en augmentation mais toujours en dessous de la moyenne des pays de l’Union européenne (66,8 %).l

    #Covid-19#migrant#migration#france#OCDE#immigration#economie#travailleurmigrant#etudiant#asile#politiquemigratoire

  • Immigration : « Une fraction du patronat utilise une forte proportion d’immigrés pour faire pression à la baisse sur les salaires »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/24/immigration-une-fraction-du-patronat-utilise-une-forte-proportion-d-immigres

    Immigration : « Une fraction du patronat utilise une forte proportion d’immigrés pour faire pression à la baisse sur les salaires »Didier Leschi, Historien et haut-fonctionnaire
    L’inquiétude qui se fait jour dans nombre de pays d’Europe devant les arrivées régulières de naufragés dans les ports d’Italie doit-elle être considérée comme illégitime, ou bien être prise en considération ? Voilà l’équation d’un débat qui apparaît d’autant plus confus qu’il est souvent piégé par ce trait bien résumé par la formule d’Oscar Wilde : « La souffrance attire plus aisément la sympathie que la réflexion. »
    A notre tour donc d’essayer de donner quelques repères en faisant en sorte que la nécessaire empathie envers notre commune humanité et la souffrance aide à l’analyse des faits plutôt qu’au déni. Tout d’abord, un constat : l’Europe n’est pas une forteresse fermée. Ses évolutions démographiques l’attestent. En Europe comme en France, il n’y a jamais eu autant d’immigrés. Bien plus, en pourcentage, qu’il n’y en a en Afrique, en Asie, ou encore en Amérique latine. Pour ne prendre que deux exemples, depuis le début du XXIᵉ siècle, nous sommes passés, en France, de 7 % à plus de 10 % d’immigrés, progression il est vrai moindre que celle qu’a connue la Suède, de 10 % à 20 %. Mais – et on peut difficilement affirmer que cela soit sans rapport – l’extrême droite vient d’accéder au gouvernement dans ce pays.
    En France, cette progression est alimentée par la venue d’une forte immigration africaine ; aujourd’hui, un immigré sur deux est originaire de ce continent. Il s’agit bien de changements significatifs par rapport aux périodes antérieures, qui suscitent des craintes sur le devenir de nos équilibres sociaux et sociétaux. Ce n’est pas un hasard si celles-ci traversent particulièrement des pays historiques de la social-démocratie, comme le Danemark ou encore la Suède, où les difficultés d’intégration, même minoritaires, bouleversent l’ensemble de la société.
    Nos modèles sociaux reposent sur l’acceptation par chaque salarié cotisant ou citoyen contribuable d’une participation à un pot commun sur lequel s’appuient les mécanismes de sécurité sociale et l’accès à des services publics gratuits comme l’hôpital ou l’école. Ils sont une construction sociale consolidée de longue lutte par ce qu’on appelait jadis le mouvement ouvrier. Il faut entendre les craintes qui étreignent nos concitoyens les plus démunis, qui ont le sentiment que ceux qu’ils considèrent comme des nantis leur font, en permanence, injonction d’accueillir plus démunis qu’eux, au risque de faire imploser les systèmes sociaux et remettre en cause les acquis sociétaux du fait d’écarts culturels portés aux extrêmes avec une partie des immigrants.
    Parmi le carburant de ces inquiétudes, les données sociales. Une forte proportion d’immigrés, peu ou pas formée, a du mal à s’insérer sur le marché du travail, si ce n’est pour y occuper des emplois précaires et constituer, malgré elle, un sous-prolétariat utilisé par une fraction du patronat pour faire pression à la baisse sur les salaires. Une partie des « métiers en tension » en relèvent. Cela explique pour beaucoup que près de 40 % des immigrés nés en Afrique aient un niveau de vie inférieur au taux de pauvreté monétaire, et que 43 % soient en situation de privation matérielle et sociale, malgré les prestations sociales et les aides diverses.
    Newsletter abonnés
    Parmi ces aides, l’accès au logement social n’est pas la moindre, dans un contexte de pénurie. Près d’une personne sur deux d’origine algérienne, marocaine ou tunisienne est locataire d’un logement social, plus d’un immigré d’Afrique subsaharienne sur deux ; 35 % des immigrés sont locataires du logement social, contre 11 % pour les non-immigrés. Ces données permettent de mesurer les efforts accomplis en particulier en faveur des 30 000 à 50 000 personnes obtenant le statut de réfugié depuis la crise migratoire de 2015.
    De même, notre système de santé assume, pas uniquement à travers l’aide médicale de l’Etat, la prise en charge gratuite de non-cotisants pour des soins lourds et coûteux de malades qui font prévaloir que les soins dont ils ont besoin, s’ils existent dans leur pays, ne leur sont pas accessibles. On peut ajouter les milliards d’euros consacrés à l’hébergement inconditionnel, gratuit et anonyme de dizaines de milliers de personnes qui n’ont plus de droit au séjour. Un acquis sans équivalent en Europe.
    Imprévoyances
    Mais, nous dit-on, la France ne prendrait pas sa part d’asile. Il serait plus juste d’indiquer que les Syriens comme les Ukrainiens ont préféré d’abord rejoindre des pays où existaient préalablement à leur venue de fortes communautés. Ce constat, qui est indiscutable, c’est que frappent à nos portes, sous prétexte d’asile, des personnes qui fuient plus les désordres économiques de leur pays que des persécutions. Ils viennent de l’Ouest africain et du Maghreb, qui constituent, actuellement, la majorité de ceux qui se risquent en Méditerranée. Ou encore des ressortissants des Balkans qui rentrent sans visa. Faudrait-il donner l’asile à tous ceux qui n’en relèvent pas sous prétexte que ceux qui indéniablement en relèvent le demandent moins en France que dans d’autres pays ?
    En répondant sans hésitation par l’affirmative, ceux qui veulent abolir des frontières ont l’avantage de la cohérence. Mais la mise en œuvre d’un tel principe aboutirait à vouloir étendre les frontières de l’Europe sociale à toutes les victimes du chaos du monde. Et n’est-ce pas mépriser la misère du monde que ne pas concevoir que si demain la France et les autres pays européens ouvraient totalement leurs frontières, avec promesses de pleins droits sociaux et pourquoi pas le transport gratuit afin d’éviter les odieux trafics, ce seraient des millions de personnes qui se porteraient immédiatement candidates à l’exil ? Et n’est-ce pas un peu postcolonial que de ne pas se préoccuper des effets des pillages des élites du tiers-monde pour pallier nos imprévoyances ou notre incapacité à former et à orienter des jeunes dans des spécialités professionnelles qui manquent à nos économies ?
    C’est ce que craignent les plus démunis socialement, car ils considèrent supporter déjà l’essentiel de l’effort d’accueil et les difficultés d’intégration sociales et culturelles. Plutôt que de vouloir, dans ce débat, prendre « la mesure du monde tel qu’il est », selon la formule du sociologue François Héran, ayons en tête une des prophéties du philosophe Friedrich Engels [1820-1895], qui, en évoquant la situation de la classe laborieuse dans l’Angleterre de 1845, constatait qu’un des moyens des puissants du monde d’affaiblir les résistances populaires est de créer les conditions d’une « humanité nomade ».
    Didier Leschi est directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Il a écrit « Ce grand dérangement. L’immigration en face » (Gallimard, nouvelle édition, 64 pages, 4,90 euros).

    #Covid-19#migration#migrant#france#immigration#integration#accueil#economie#politiquemigratoire

  • (j’ai lu pour vous...)

    André Orléan, « L’empire de la valeur » (2011)

    3 parties dans le livre

    Partie 1 Critique de l’économie

    Les théories classiques et néoclassiques ont pour but de rendre visibles les interdépendances cachées qui relient objectivement les activités économiques les unes aux autres, par-delà la séparation formelle des acteurs. Elle conduit à saisir l’économie comme un tout.

    Théories classiques (Smith, Ricardo, Marx)

    la cohésion marchande est abordée sous l’angle de la division du travail. Chez Marx c’est le temps socialement nécessaire qui définit la valeur. Conséquence : la même marchandise peut voir sa valeur transformée si cette norme change, sans que son producteur ait modifié quoi que ce soit sa façon de produire.

    Théories néoclassiques (origines : travaux marginalistes de Jevons, Menge et Walras).

    Modèle de l’équilibre général walrassien, offre la théorie de la valeur utilité la plus rigoureuse.
    Le modèle walrassien a une dimension morale : le marché est un mécanisme automatique, ayant pour fonction d’enregistrer les désirs des individus sans les transformer. C’est une économie pacifiée dans laquelle tous les agents voient leurs désirs satisfaits. Comment un tel miracle est-il possible ? 1) fixité des préférence (les protagonistes restent froids et imperturbalbes en toute circonstance) 2) mais elle sont aussi flexibles (hypothèse de « convexité des préférences » de Arrow et Devreu), elles ne sont ni trop exagérées ni trop exclusives. Exagérées : « plus j’en ai plus j’en vaux ». Exclusives : « un seul bien m’intéresse ».

    Le secrétaire de marché ou « commissaire-priseur »
    [foutage de gueule ?]
    La formation des prix est extérieure aux acteurs (Walras avait en tête l’organisation des marchés boursiers).
    Le processus du « tâtonnement walrassien » est :
    1) les acteurs prennent connaissance des prix criés par le secrétaire, un prix pi pour chaque bien i
    2) ils calculent les quantités de chaque bien qu’il est optimal d’acquérir et communique le résultat au secrétaire
    3) le secrétaire calcule pour chaque marché, la différence entre offre et demande. Il modifie les prix en cas de déséquilibre (augmente le prix si la demande excède l’offre, diminue dans le cas contraire)
    Critiques : l’extrême centralisation que ce processus suppose
    Le processus qui mène à cet équilibre n’est pas décrit. Le secrétaire (bénévole !)
    La flexibilité concurrentielle des prix ne mène pas à la découverte spontanée de cet équilibre. On a démontré l’existence théorie de l’équilibre, mais pas comment on l’atteint. Comment l’économie se comporte hors de l’équilibre ? On a démontré que le tâtonnement walrassien ne mène pas forcément à l’équilibre à partir du déséquilibre ! « Il faut admettre que les économistes n’ont pas démontré qu’en toute généralité la concurrence permet une coordination efficace des acteurs économiques » p.72. Cette critique porte sur l’aptitude de la concurrence à ramener l’équilibre sur tous les marchés (le tâtonnement walrassien marche sur un marché isolé)
    => Mais ce modèle reste la référence, en l’absence de modélisation alternative !

    Position d’Orléan : l’hypothèse mimétique

    Hypothèse mimétique : le désir est influencé par l’imitation du désir d’autrui.

    Rétroaction positive (donc dans le mauvais sens). Lorsque l’hypothèse de convexité est abandonnée, l’équilibre n’est pas optimum (il faudrait un changement coordonné, ce qui nécessite une organisation collective, centralisée, de grande ampleur)

    Concurrence walrassienne : l’individu considère l’utilité de la marchandise sans l’interférence des autres individus, la marchandise est une médiation parfaite entre les acteurs. ça fonctionne lorsque les interactions se polarisent sur un modèle extérieur aux acteurs (préférences stabilisées, les buts sociaux sont fixés sous la forme d’une liste de biens désirables). « S’il peut sembler que les acteurs walrassiens sont coupés les uns des autres, sans représentations collectives, exclusivement préoccupés par l’appropriation d’objets aux prix variables, c’est parce que antérieurement ils se sont mis d’accord sur la qualité des objets et leur définition (hypothèse de nomenclature des biens) » (p. 90)

    Concurrence mimétique (p. 72) : unanimité, multiplicité des équilibres, indétermination, dépendance par rapport au chemin, non-prédictibilité. Mimétisme stratégique : Imiter l’autre est une stratégie d’exploration visant à découvrir qui, chez les autres, possède la réponse correcte.

    (p. 227) bon résumé, même si c’est le conclusion de la 2ème partie)
    La valeur n’est pas une substance (travail ou utilité). La valeur n’a pas pour origine l’utilité des objets (théorie marginaliste) ou le travail contenu dans les objets (théories de la valeur-travail).
    « Le point de départ est la séparation marchande, c’est-à-dire un monde où chaque individu est coupé de ses moyens d’existence. Seule la puissance de la valeur, investie dans l’objet monétaire, permet l’existence d’une vie sociale sous de tels auspices ». Elle réunit des individus séparés en leur construisant un horizon commun, le désir de monnaie, et un langage commun, celui des comptes. L’obtention de monnaie s’effectue selon la formule M-A, par la vente de marchandises [! pas que]. Plus la marchandisation s’intensifie, plus la monnaie accroît accroît son empire sur le monde social.
    Ce qui est objectif, qui s’impose aux agents, ce sont les mouvement monétaires. Les prix sont variables, fruit des luttes d’intérêt, il n’y a pas de « juste prix » ou de « valeur fondamentale »
    Orléan développe l’hypothèse mimétique pour expliquer ce qu’est la monnaie et la valeur

    Partie 2 institution de la valeur

    Dans la séparation marchande, le désir de liquidité est à l’origine d’un processus de concurrence mimétique, à rétroaction positive, au cours duquel les biens liquides les plus en vues voient leur attrait s’accroître cumulativement jusqu’au point où une seule option est retenue au détriment de toutes les autres.
    « Tous partageant une même vénération à son égard, les individus marchands cessent d’être l’un à l’autre dans un état d’absolue étrangeté et leur lutte peut se polariser sur sa seule possession. De cette façon, la monnaie s’impose à toutes les activités marchandes comme tiers médiateur qui en authentifie la valeur économique »

    Orléan va chercher chez les sociologues Simmel et Durkheim comment comprendre que la monnaie est une institution et non un instrument.

    ➪ Mon commentaire :
    - Cette partie est assez ambiguë pour moi car on l’impression qu’en « régime permanent », c’est-à-dire hors crise monétaire, (que Orléan appelle « confiance méthodique » et Simmel « savoir inductif »), la monnaie se révèle être un simple instrument, un simple moyen d’échange, qui se fait oublier. Ainsi, il écrit « l’autonomie [monétaire] est une autonomie réduite, car la confiance monétaire ne saurait perdurer si la monnaie ne réalise pas ce pour quoi elle est faite : acheter des marchandises » (p.226).
    - Dans la suite, le livre ne traite pas de l’économie des biens, mais des marchés financiers, comme application du cadre théorique de l’auteur (hypothèse mimétique). Dans une perspective postmonétaire, on aurait envie de savoir en quoi le désir de monnaie interfère ou non avec les valeurs d’usage, dans la mesure où le désir de monnaie est premier, mais où l’utilité des marchandise compte aussi (pour mémoire, la critique de la valeur dit que la production de biens concrets est un prétexte pour la production de richesse abstraite, la valeur). Pas sûr qu’on puisse trouver cette recherche chez Orléan. Mais c’est peut-être à partir de là qu’il y a à bifurquer par rapport à la pensée d’Orléan.
    - Ceci dit, l’apport d’Orléan est clair concernant le désir de monnaie (un désir imposé) : la monnaie n’est pas un outil mais une nécessité pour instituer l’économie marchande, dès lors que les producteurs sont séparés les uns des autres et spécialisés. Partant de là, on ne peut pas abolir la monnaie dans une société où cette organisation serait inchangée.
    De ce point de vue, le texte "Monnaie, séparation marchande et rapport salarial" est une très bonne référence
    http://www.parisschoolofeconomics.com/orlean-andre/depot/publi/Monnaie0612.pdf

    Partie 3 la finance de marché (non lu)

    #monnaie #post-monétaire #théories_économiques #institutionnalisme_monétaire

  • Internationalisme et anti-impérialisme aujourd’hui

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/internationalisme-et-anti-imperialisme-aujourd-hui-par-moishe-postone-ine

    [...] je propose de comprendre la propagation de l’antisémitisme et des formes antisémites apparentées de l’islamisme, à l’image de celles présentes chez les Frères musulmans égyptiens et leur branche palestinienne, le Hamas, comme la diffusion d’une idéologie anticapitaliste fétichisée, qui prétend donner un sens à un monde perçu comme menaçant. Même si cette idéologie a été attisée et aggravée par Israël ou la politique israélienne, sa caisse de résonance réside dans le déclin relatif du monde arabe sur fond d’une transition structurelle profonde du fordisme au capitalisme mondial néolibéral. Le résultat est un mouvement populiste anti-hégémonique profondément réactionnaire et dangereux, notamment pour tout espoir de politique progressiste au Moyen-Orient. Cependant, au lieu d’analyser cette forme de résistance réactionnaire dans le but de soutenir des formes de résistance plus progressistes, la gauche occidentale l’a soit ignorée, soit rationalisée comme une réaction regrettable mais compréhensible à la politique israélienne et aux États-Unis. Cette manifestation d’un refus de voir s’apparente à la tendance à concevoir l’abstrait (la domination du capital) dans les termes du concret (l’hégémonie américaine). J’affirme que cette tendance constitue l’expression d’une impuissance profonde et fondamentale, tant conceptuelle que politique.

    • L’une des ironies de la situation actuelle est qu’en adoptant une position anti-impérialiste fétichisée, l’opposition aux États-Unis ne s’adossant plus à un soutien à un changement progressiste, les libéraux et les progressistes ont permis à la droite néoconservatrice américaine de s’approprier, voire de monopoliser, ce qui a traditionnellement été le langage de la gauche : le langage de la démocratie et de la libération.

      […]

      Alors que pour la génération précédente, s’opposer à la politique américaine impliquait encore de soutenir explicitement des luttes de libération considérées comme progressistes, aujourd’hui, s’opposer à la politique américaine est en soi considéré comme anti-hégémonique. Il s’agit là paradoxalement d’un héritage malheureux de la Guerre froide et de la vision dualiste du monde qui l’accompagne. La catégorie spatiale du « camp » a remplacé les catégories temporelles des possibilités historiques et de l’émancipation en tant que négation historique déterminée du capitalisme. Cela n’a pas seulement conduit à un rejet de l’idée du socialisme comme dépassement historique du capitalisme, mais aussi à un déséquilibrage de la compréhension des évolutions internationales.

      […]

      La Guerre froide semble avoir effacé de la mémoire le fait que l’opposition à une puissance impériale n’était pas nécessairement progressiste et qu’il existait aussi des anti-impérialismes fascistes. Cette distinction s’est estompée pendant la Guerre froide, notamment parce que l’Union soviétique a conclu des alliances avec des régimes autoritaires, en particulier au Moyen-Orient, comme les régimes du Baas en Syrie et en Irak, qui n’avaient pas grand-chose en commun avec les mouvements socialistes et communistes. Au contraire, l’un de leurs objectifs était de liquider la gauche dans leurs propres pays. Par la suite, l’anti-américanisme est devenu un code progressiste en soi, bien qu’il y ait toujours eu des formes profondément réactionnaires d’anti-américanisme à côté des formes progressistes.

      #campisme #anti-impérialisme

    • Il est significatif qu’une telle attaque n’ait pas été menée il y a deux ou trois décennies par des groupes qui avaient toutes les raisons d’être en colère contre les États-Unis, comme les communistes vietnamiens ou la gauche chilienne. Il est important de comprendre l’absence d’une telle attaque, non pas comme un hasard, mais comme l’expression d’un principe politique. Pour ces groupes, une attaque visant en premier lieu des civils demeurait hors de leur horizon politique.

      […]

      Il existe une différence fondamentale entre les mouvements qui ne choisissent pas comme cible une population civile au hasard (comme le Viêt-Minh, le Viêt-Cong et l’ANC) et ceux qui le font (comme l’IRA, Al-Qaïda ou le Hamas). Cette différence n’est pas simplement tactique, elle est hautement politique, car la forme de la violence et la forme de la politique sont en relation l’une avec l’autre. Cela signifie que la nature de la société et de la politique futures sera différente selon que les mouvements sociaux militants feront ou non une distinction entre les objectifs civils et militaires dans leur pratique politique. S’ils ne le font pas, ils ont tendance à mettre l’accent sur l’identité. Cela les rend radicalement nationalistes dans le sens le plus large du terme, car ils travaillent avec une distinction ami/ennemi qui essentialise une population civile en tant qu’ennemie et rend ainsi impossible la possibilité d’une coexistence future. C’est pourquoi les programmes de ces mouvements ne proposent guère d’analyses socio-économiques visant à transformer les structures sociales (à ne pas confondre avec les institutions sociales que ces mouvements mettent en partie à disposition). Dans ces cas, la dialectique de la guerre et de la révolution du xxe siècle se transforme en une subordination de la « révolution » à la guerre. Ce qui m’intéresse ici, cependant, a moins à voir avec de tels mouvements qu’avec les mouvements d’opposition actuels dans les métropoles et leurs difficultés évidentes à faire la distinction entre ces deux formes différentes de « résistance ».

      Joseph Andras disait cela aussi dans ces dernières interviews ou textes

      #morale #terrorisme #civils

  • Au MuCEM, l’odyssée du retour au bled racontée par Mohamed El Khatib
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/10/19/au-mucem-l-odyssee-du-retour-au-bled-racontee-par-mohamed-el-khatib_6195397_

    Au MuCEM, l’odyssée du retour au bled racontée par Mohamed El Khatib
    Le metteur en scène dévoile, dans les salles du musée marseillais, « Renault 12 », une exposition évoquant la transhumance annuelle des familles de l’immigration maghrébine et de leurs voitures cathédrales.
    Par Gilles Rof(Marseille, correspondant)
    Publié le 19 octobre 2023 à 12h00, modifié le 19 octobre 2023 à 15h45
    Combien sont-elles les Renault 12, Peugeot 504 et autre Renault 21 Nevada à être passées sur le port de Marseille, pour rejoindre le Maghreb ou en revenir, chargées jusqu’aux cieux ? Des dizaines de milliers, sûrement. Et Mohamed El Khatib, auteur, metteur en scène et réalisateur, ne pouvait rêver meilleur site que le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), avec vue sur les quais de départ et d’arrivée vers l’Algérie et la Tunisie, pour faire entrer la saga de ces voitures cathédrales et de leurs passagers dans un musée national.
    « Le retour au bled fait partie de l’histoire de France. Ces familles, ces chibanis [les “anciens”] qui ont sillonné la route au volant constituent un patrimoine immatériel de la Méditerranée qui, jusqu’à maintenant, n’était pas documenté. Pendant des années, ils ont été le lien entre les deux rives », rappelle l’artiste, qui, avec sa double installation dans les espaces gratuits du musée, inaugure la carte blanche offerte par l’ancien président du MuCEM Jean-François Chougnet.Ce voyage, Mohamed El Khatib l’a vécu lui-même, chaque été, de 1981 à 1998. Version Maroc : trois jours de descente via l’Espagne, la traversée Algésiras-Tanger et les retrouvailles avec la famille restée au pays. « C’était une odyssée, le retour d’Ulysse à Ithaque, se souvient-il. On partait de nuit. Mon père rentrait de l’usine, dormait une heure et se mettait au volant. Il n’était pas question de perdre une journée. » L’artiste, 43 ans aujourd’hui, a mis beaucoup de lui dans cette exposition. Sur le parvis du fort Saint-Jean qui surplombe la mer, six voitures s’alignent, Renault 12 et Peugeot 504, break ou berline, bleue, jaune, orange et blanche. L’une d’elles, la R12 autel, comme l’a appelée Mohamed El Khatib, est dédiée à sa mère, décédée, et dont le corps a été rapatrié au Maroc.
    Mais c’est surtout un hommage aux pères que l’artiste rend. Le sien, bien sûr, âgé de 80 ans, objet d’un texte très émouvant. Mais aussi tous ces Algériens, Marocains ou Tunisiens venus travailler en France, pour qui la voiture était souvent le seul bien, et, comme en témoigne la journaliste Louisa Yousfi dans le catalogue d’exposition, l’espace d’une dignité retrouvée : « C’est le lieu du père. Ce qui le rend utile dans un pays où on lui retire tout pouvoir et où il est considéré comme un parasite. »
    « Renault 12 » trace sa route entre la nostalgie heureuse et les réalités pesantes d’une immigration qui cherche sa place. L’accident, fréquent sur les routes du retour au bled, y percute le visiteur avec l’épave d’une R12 broyée, traitée comme une pierre tombale. Une boussole qui indique la direction de La Mecque et un tapis de prière que l’on sortait du coffre rappellent, eux, ce temps, où, pour Mohamed El Khatib, « la présence de l’islam ne provoquait pas de réactions crispées ».
    Pour nourrir ses évocations, l’artiste a réuni à Marseille, avec l’aide de la photographe Yohanne Lamoulère, sa complice régulière, les souvenirs de ceux qui ont vécu l’été au bled, dans un film de vingt-sept minutes. « La 504, c’est papa, c’est maman, c’est ma vie », assure, avec cette punchline parmi d’autres, l’un des témoins.Le duo a également roulé jusqu’à Chichaoua, au Maroc, pour y traquer les « chameaux mécaniques », R12 et autres voitures increvables capables d’empiler, selon leur légende africaine, jusqu’à un million de kilomètres. Des véhicules à l’esthétique flamboyante, « ready-made ambulants » selon El Khatib, dont il importe la beauté clinquante au MuCEM. Comme cette Renault cassettothèque avec housses en tapis oriental, plafond en tissu léopard, boule à facette et chicha, dans laquelle on s’installe pour écouter la bande-son du voyage. Un mix de variétés françaises, de grands artistes arabes ou des « chebs » (« jeunes ») du raï. Symbole d’une culture de l’immigration qui vit entre deux terres.
    Dans cette exposition, qui a déjà attiré l’attention de plusieurs autres musées, Mohamed El Khatib soigne les détails. Son catalogue d’exposition a la forme d’un étui de carte grise géant… A côté des splendides photos de Yohanne Lamoulère, on y trouve des porte-clés à main de Fatma, une carte Michelin et un parfum d’intérieur à accrocher au rétroviseur. La clé d’une – vraie – Renault 12 a même été glissée dans un exemplaire. L’heureux gagnant partira du MuCEM à son volant.

    #Covid-19#migration#migrant#france#MUCEN#art#immigration#maroc#bled#retour#culturemigration#economie#transfert

  • Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/metiers-en-tension-le-gouvernement-amorce-un-recul-sur-la-regularisation-des

    Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
    Après l’attentat d’Arras, l’exécutif évoque la possibilité de renoncer à créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de son projet de loi sur l’immigration, pour privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation.
    Par Thibaud Métais et Julia Pascual
    Le climat actuel aura-t-il raison de la jambe gauche du projet de loi « immigration » ? Après l’attentat d’Arras, le texte, qui doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre, est au cœur des débats. Alors que le parti Les Républicains (LR) font de l’article 3, qui prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, une « ligne rouge » et menace de ne pas voter en faveur du projet de loi, la disposition pourrait être enterrée. En tout cas, sa portée largement amoindrie. L’exécutif réfléchit depuis des semaines à la façon de procéder et pourrait finalement privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation plutôt que de créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de la loi. Le 24 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, avait lui-même entrouvert la porte à une modification du texte. « Là-dessus, je pense qu’il y a un compromis intelligent à trouver », avait-il souligné, sur TF1 et France 2.
    Place Beauvau, on avance désormais qu’une nouvelle circulaire pourrait voir le jour. Elle ne remplacerait pas celle de 2012 dite « circulaire Valls », qui liste des critères de régularisation pour motif familial ou professionnel et que les préfets appliquent de façon discrétionnaire et très différente selon les territoires. Grâce à ce texte réglementaire, environ 30 000 personnes sont admises au séjour chaque année. L’objectif de la circulaire supplémentaire à laquelle le ministère de l’intérieur réfléchit serait de permettre à des travailleurs sur des métiers en tension d’être régularisés « en contournant le pouvoir de l’employeur », précise l’entourage de M. Darmanin. « Il ne s’agit pas de créer un flux [d’immigration] mais de sincériser [régulariser] un stock », que les services évaluent à environ 8 000 personnes par an.
    Aujourd’hui, s’il veut demander une régularisation par le biais de la circulaire Valls, un travailleur sans papiers doit non seulement prouver qu’il vit en France depuis au moins trois ans, présenter un certain nombre de bulletins de paie, mais il doit, en outre, demander à son patron de remplir un formulaire officiel d’embauche. L’article 3 du projet de loi prévoyait de faire sauter ce « verrou » de l’employeur dans les métiers en tension et de créer un droit à la régularisation moyennant trois ans de présence en France et huit fiches de paie. Place Beauvau, on pourrait désormais se contenter d’une circulaire qui aurait l’avantage de « garder le pouvoir d’appréciation des préfets ». La régularisation ne serait donc pas de plein droit mais resterait à la libre appréciation des services de l’Etat dans les départements.
    Mardi 17 octobre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait pourtant tenu à défendre la disposition. Depuis l’attentat d’Arras, « le climat a changé, mais il serait absolument terrible (…) que des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement (…) soient les victimes d’un climat terroriste qui ne les concerne pas », a-t-il jugé sur Franceinfo. Face aux critiques de la droite et de l’extrême droite, le ministre a répété qu’il « n’y a pas d’appel d’air » avec une telle mesure. « Nous parlons de personnes en situation irrégulière mais qui travaillent légalement dans des métiers où tout le monde a du mal à recruter », a-t-il expliqué.Son entourage précise toutefois qu’Olivier Dussopt est toujours « ouvert sur la forme », législative ou réglementaire, sans dire si l’une ou l’autre est privilégiée, et qu’il « renvoie au débat sans en préjuger l’issue ». Place Beauvau, on assume ne pas vouloir se battre sur la forme et être disposé à un « texte de compromis large » avec la droite et le centre. L’article 3 « n’est pas le cœur essentiel du texte après ce qu’il s’est passé à Arras », considère l’entourage de M. Darmanin, soulignant que ce dernier ne portait pas personnellement la mesure.
    Un tel recul est susceptible de créer des remous dans la coalition présidentielle, où l’aile gauche de Renaissance a plusieurs fois répété son attachement à « l’équilibre » du texte entre ses deux volets social et répressif. « Cette mesure est nécessaire », juge le député macroniste de la Vienne Sacha Houlié, affirmant qu’« elle sera soutenue par le gouvernement et l’Elysée ». Ni Matignon ni l’Elysée n’ont confirmé. Pour M. Houlié, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ce n’est pas le moment de reculer, alors que le contexte permet de mettre la pression sur la droite. « Sur les mesures de fermeté, c’est LR qui nous en prive par son refus obstiné de voter le texte depuis des mois », estime-t-il.
    Alors que l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale était prévu pour 2024, le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, a annoncé, mardi, sur LCP, que la loi sera discutée dès le mois de décembre. « On devrait avoir au moins un vote pour chaque chambre du Parlement d’ici à la fin de l’année [2023] », a-t-il ajouté.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loi#immigration#metierentension#economie#regularisation#terrorisme#securite#repression#politique

  • Le Portugal reste une terre d’émigration
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/20/le-portugal-reste-une-terre-d-emigration_6195604_3234.html

    Le Portugal reste une terre d’émigration
    En dépit du plein-emploi et du dynamisme d’une économie portée par le tourisme, nombre de jeunes diplômés continuent de quitter le Portugal, en quête de meilleurs salaires et perspectives de carrière.
    Par Marie Charrel
    Ana Santos s’était promis de ne pas suivre la voie de son frère. De ne jamais faire pleurer sa mère comme lui lorsque, ce matin de septembre 2012, Antonio prit l’avion pour le Brésil. « Elle savait qu’il ne reviendrait sûrement jamais et, surtout, qu’il n’avait pas le choix : c’était la crise, les ingénieurs ne trouvaient plus de travail à Lisbonne », raconte d’une voix douce la jeune femme de 21 ans. A l’époque, elle en avait 10. « Moi, j’étais la fille qui resterait au pays et ne ferait jamais couler les larmes de notre mère. »
    Cet été, pourtant, elle s’est résolue à faire ses valises à son tour pour intégrer un cursus de biologie à Londres. « Depuis la crise due au Covid-19, je rêve de travailler dans la recherche », confie-t-elle. Mais les laboratoires où elle aimerait postuler un jour sont tous en Europe du Nord ou aux Etats-Unis. « Pour réussir, il me fallait partir. »
    Monica Marques, elle, s’est installée à Sydney, en Australie, à la fin de la pandémie. Là où ses parents avaient émigré avant elle dans les années 1970, avant de revenir à Setubal, la petite ville au sud de Lisbonne où elle a grandi. « J’adore mon pays et il me manque, raconte cette professeure de portugais de 33 ans. Mais un salaire y suffit à peine pour payer les factures. Je voulais offrir à mon fils de meilleures opportunités d’avenir. »
    En 2021, 60 000 Portugais sont partis vivre à l’étranger, soit 15 000 de plus qu’en 2020, selon les derniers chiffres de l’Observatoire de l’émigration portugais. Après la pause liée à la crise sanitaire, les départs ont repris, principalement vers le Royaume-Uni, la Suisse, l’Espagne ou la Scandinavie. « Malgré la reprise économique, nos jeunes continuent de partir », se désole Armindo Monteiro, le patron de la Confédération portugaise des entreprises.
    Certes, le rythme est inférieur à celui observé pendant la crise de 2010, où plus de 80 000 personnes faisaient leurs valises chaque année. Mais il reste préoccupant pour ce petit pays vieillissant de 10 millions d’habitants. Selon les Nations unies, il est celui qui, en Europe occidentale, recense le plus d’émigrés (deux millions de personnes au total) en proportion de sa population résidente. Et pour cause : « L’émigration est une constante structurelle de son histoire, rappelle Victor Ferreira, chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. Longtemps, le Portugal n’a pas eu suffisamment de ressources pour nourrir toute sa population. »
    Sous l’empire, du XVe au XXe siècle, déjà, beaucoup partent vers les colonies, comme le Brésil ou l’Angola. Au début du XXe siècle, d’autres vont travailler dans les usines françaises, qui manquent de bras. Durant la dictature de Salazar (1933-1974), jusqu’à 100 000 Portugais fuient tous les ans la pauvreté rurale ou le régime politique. « Entre 1969 et 1971, 350 000 se sont rendus dans l’Hexagone, dont certains illégalement », précise Victor Ferreira. « C’est un pan d’histoire assez méconnu en France, y compris par les enfants de ces émigrés », ajoute Mario Queda Gomes, professeur à Rouen, qui évoque le voyage de son père dans un roman (Une odyssée portugaise, Cadamoste Editions).
    Après la « révolution des œillets » et la démocratisation du pays, en 1974, les départs diminuent, sans jamais vraiment s’interrompre. « Quand je suis parti, en 1992, le pays était encore dans une passe difficile, se souvient Nuno Mendes, né en 1973. Je voulais étudier la cuisine, mais il n’existait pas d’école pour cela à Lisbonne. » Après un cursus à l’Académie culinaire de Californie, à San Francisco, il est devenu un chef cuisinier reconnu aux Etats-Unis, puis au Royaume-Uni.Lors de la crise des dettes souveraines, en 2011, le Portugal sombre dans une récession brutale. Face à l’envolée des taux d’emprunt, il est contraint d’appeler le Fonds monétaire international à l’aide. En échange d’un prêt de 78 milliards d’euros, le gouvernement instaure une politique de rigueur. Le taux de chômage des moins de 25 ans flambe jusqu’à 40 % de la population active. En juillet 2012, lors d’un discours qui restera dans les mémoires, le premier ministre de l’époque, Pedro Passos Coelho (centre droit), appelle les jeunes à émigrer pour tenter leur chance ailleurs. Un traumatisme. « Contrairement aux vagues précédentes, peu qualifiées, ce sont cette fois les diplômés et les classes moyennes qui ont été contraints de partir aussi », souligne Ricardo Reis, économiste à l’Ecole d’économie de Londres.
    Alexandre Gouveia est de ceux-là. Après quelques années passées dans un cabinet médical dans le nord du pays, ce médecin généraliste est venu s’installer à Lausanne (Suisse), avec sa femme, également médecin. « Parce que les conditions de travail des professions médicales et la qualité de vie se dégradaient », explique-t-il.Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, les généralistes portugais gagnent en moyenne 3 510 euros mensuels brut. En Suisse – où le coût de la vie est plus élevé –, ils touchent au moins trois fois plus. « Bien plus que les salaires, ce sont surtout les possibilités de formation et de progression de carrière qui nous ont attirés ici », explique Alexandre Gouveia.Aujourd’hui responsable de la Policlinique de médecine générale Unisanté, il a ainsi décroché un doctorat à l’université de Lausanne et suit un master en pédagogie médicale depuis quelques mois. En 2015, il a fondé l’association LusoSanté, qui regroupe une centaine de professionnels de santé lusophones de Suisse romande. Au total, 257 800 Portugais vivent aujourd’hui dans la Confédération suisse, dont 175 000 dans les cantons francophones. Et ils sont près de 600 000 en France (plus du double en comptant les descendants des précédentes vagues), 165 000 au Royaume-Uni ou encore 93 600 au Luxembourg – soit près de 15 % de la population totale du Grand-Duché.
    Le Portugal a néanmoins beaucoup changé depuis qu’Alexandre Gouveia l’a quitté. En 2015, l’arrivée au pouvoir du premier ministre socialiste, Antonio Costa, marque le début d’un renouveau. En 2017, la croissance bondit de 3,5 %, portée par l’essor du tourisme. Le centre de Lisbonne est retapé et pris d’assaut par les investisseurs. Le taux de chômage redescend : il est aujourd’hui au plus bas, à 6,2 %, selon Eurostat. Et beaucoup d’émigrés reviennent. (...) Désormais, le pays attire également des immigrés peu qualifiés – phénomène nouveau –, notamment d’Europe de l’Est, d’Inde ou du Népal, travaillant dans la restauration ou le BTP.Pourtant, ses jeunes diplômés continuent de regarder vers l’étranger. (...)« Les diplômés comme elles partent en raison de la spécialisation choisie par l’économie portugaise après la crise : le tourisme crée des emplois peu qualifiés, mal payés et précaires », explique Ricardo Reis. Le salaire minimum mensuel est de 760 euros brut, et 65 % des jeunes gagnent moins de 1 000 euros par mois. Beaucoup sont obligés de cumuler deux boulots pour boucler leurs fins de mois. « De plus, les loyers lisboètes sont devenus inaccessibles aux classes moyennes à cause de la folie Airbnb », ajoute Vicente Ferreira, doctorant en économie à l’université Sapienza, à Rome. Lui a déjà travaillé à Bruxelles et aimerait rentrer au Portugal après son diplôme. Mais, s’il n’y trouve pas de poste, il n’hésitera pas à chercher ailleurs.« Il est normal que nos étudiants aient une expérience internationale, mais beaucoup resteraient s’ils avaient les mêmes opportunités de carrière et salaire ici », regrette Pedro Oliveira, doyen de la Nova School of Business and Economics (NovaSBE), une prestigieuse école de commerce, située près de Lisbonne. « Cette fuite des cerveaux pèse sur nos entreprises qui peinent à recruter et perdent en capacité d’innovation », ajoute Pedro Martins, économiste à la NovaSBE.
    Elle pénalise aussi les services publics, comme la santé. « Entre 2020 et 2022, 3 000 infirmières ont quitté le pays, l’équivalent du nombre de celles qui décrochent leur diplôme au Portugal chaque année », déplore Luis Filipe Barreira, vice-président de l’ordre des infirmiers. La pénurie de personnels de santé est telle que certains services sont contraints de fermer des lits, explique-t-il. Et la qualité des soins ne cesse de se dégrader. « La plupart des infirmières des hôpitaux publics travaillent soixante-dix heures par semaine alors qu’elles devraient en travailler trente-cinq et sont en épuisement professionnel », dit-il. Depuis quelques années, le gouvernement multiplie les mesures dans l’espoir de freiner le mouvement. Lancé en 2019, le programme « Regressar » (« rentrer », en portugais) propose ainsi 3 363 euros aux jeunes rentrant pour un contrat à durée indéterminée ou pour créer une entreprise, ainsi que des aides fiscales. « C’est bien, mais un peu dérisoire par rapport à ce que je peux construire ici », juge Henrique Pinto, 25 ans, développeur, installé à New York depuis deux ans. Le Portugal a néanmoins d’autres cartes à jouer pour retenir ses jeunes. « Ce ne sont plus les émigrés d’autrefois qui faisaient définitivement leur vie ailleurs, ils sont mobiles et reviendront facilement avec les politiques publiques adaptées », estime Ricardo Reis. A savoir celles qui réduiront la précarité du travail. « Et surtout, celles qui permettront à notre économie de monter en gamme », ajoute Armindo Monteiro. Comme des investissements pour soutenir les énergies renouvelables ou l’hydrogène vert, secteur dans lequel le Portugal développe une industrie de pointe, riche en emplois de qualité, depuis quelques années.

    #Covid-19#migrant#migration#portugal#emigration#retour#economie#sante#maindoeuvre#migrationqualifiee

  • 2023 : Dai 2,4 milioni d’immigrati il 9% del Pil italiano

    #Fondazione_Moressa: gli stranieri sono il 28,9% tra il personale non qualificato Dichiarati redditi per 64 miliardi e versati 9,6 miliardi di Irpef. Aumentano gli imprenditori. Da Il Sole 24 ore.

    Sostengono crescita demografica e soprattutto il Pil con un valore aggiunto di 154,3 miliardi di euro, il 9% del prodotto interno lordo. Sono i lavoratori immigrati, per lo più manuali e concentrati in agricoltura ed edilizia, una delle grandi stampelle dell’economia interna. Parola della Fondazione Leone Moressa che ieri alla Camera per bocca dei ricercatori Chiara Tronchin ed Enrico di Pasquale ha presentato insieme al segretario di Europa+ Riccardo Magi il 13° Rapporto annuale 2023 sull’economia dell’Immigrazione. Il report è stato presentato anche al Viminale.

    https://sbilanciamoci.info/dai-24-milioni-dimmigrati-il-9-del-pil-italiano

    –—

    Rapporto 2023 sull’economia dell’immigrazione


    http://www.fondazioneleonemoressa.org/2023/10/19/rapporto-2023-sulleconomia-dellimmigrazione

    #PIB #agriculture #BTS #économie_de_l'immigration #rapport
    #statistiques #chiffres #Italie #migrations #économie #réfugiés #asile

    –-

    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

  • L’avancée du Sahara en Algérie dément les bluffs du barrage vert.
    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article4526

    La couverture végétale est un bon indicateur des conditions et de la composition du sol. Elle reflète fidèlement l’évolution des propriétés physiques et chimiques du sol, telles que la salinité , l’humidité et la fertilité. En Algérie, la zone de Nemamcha a souffert de processus sableux éoliens rapides, entrainant la désertification. Une étude révèle ces processus dynamiques de détérioration sableuse, montrant les changements spatio-temporels de l’état de la strate supérieure et sa texture comme couche arable, étant été, par le passé, couverte et fructueuse. #nationale,_fait_politique,_une_et_première_page,_médias,_actualité,_pays,_france,_afrique,_maghreb

    / économie , Afrique, Monde Arabe, islam, Maghreb, Proche-Orient,, Maghreb, Algérie, Tunisie, Maroc, Libye, Africa, population, société , Ecologie, (...)

    #économie_ #Afrique,Monde_Arabe,_islam,_Maghreb,_Proche-Orient, #Maghreb,_Algérie,_Tunisie,_Maroc,_Libye,_Africa,_population,_société #Ecologie,_environnement,_nature,_animaux #calamités_naturelles #Sciences_&_Savoir #Réchauffement_climatique

  • Où va la France industrielle ?
    https://laviedesidees.fr/Elie-Cohen-Souverainete-industrielle

    La réhabilitation de la notion de politique industrielle dans le débat public français et européen invite à se pencher sur son histoire et étudier comment les entreprises ont pu ou non mettre en œuvre les injonctions gouvernementales au cours des récentes décennies. À propos de : Élie Cohen, Souveraineté industrielle. Vers un nouveau modèle productif, Odile Jacob

    #Économie #industrie #souveraineté
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202310_bonin.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231019_bonin.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231019_bonin.docx

  • Catalyse totalitaire

    Il y a une économie générale de la #violence. Ex nihilo nihil : rien ne sort de rien. Il y a toujours des antécédents. Cette économie, hélas, ne connaît qu’un principe : la #réciprocité – négative. Lorsque l’#injustice a été portée à son comble, lorsque le groupe a connu le #meurtre_de_masse et, pire peut-être, l’#invisibilisation du meurtre de masse, comment pourrait-il ne pas en sortir une #haine vengeresse ? Les rationalités stratégiques – faire dérailler la normalisation israélo-arabe, réinstaller le conflit israélo-palestinien sur la scène internationale –, si elles sont réelles, n’en ont pas moins trouvé parmi leurs ressources le carburant de la vengeance meurtrière.

    « #Terrorisme », mot-impasse

    La FI n’a pas commis les erreurs dont on l’accuse. Mais elle en a commis. Une – et de taille. Dans un événement de cette sorte, on ne se rend pas directement à l’analyse sans avoir d’abord dit l’#effroi, la #stupeur et l’#abomination. Le minimum syndical de la #compassion ne fait pas l’affaire, et on ne s’en tire pas avec quelques oblats verbaux lâchés pour la forme. Quand bien même ce qui est donné au peuple palestinien ignore jusqu’au minimum syndical, il fallait, en cette occurrence, se tenir à ce devoir – et faire honte aux prescripteurs de la compassion asymétrique.

    Ce manquement, réel, a cependant été saisi et déplacé pour se transformer dans le débat public en un point de sommation, d’abjuration même, sur lequel la FI, cette fois, a entièrement raison de ne pas céder : « terrorisme ». « Terrorisme » devrait-il être, comme l’affirme Vincent Lemire, « le point de départ du #débat_public » ? Non. Il n’en est même pas le point d’arrivée : juste le cul-de-sac. « Terrorisme » est un mot impasse. C’est ce que rappelle Danièle Obono, et elle a raison. Fait pour n’installer que la perspective de l’éradication et barrer toute analyse politique, « terrorisme » est une catégorie hors-politique, une catégorie qui fait sortir de la #politique. La preuve par Macron : « unité de la nation » et dérivés, 8 occurrences en 10 minutes de brouet. Suspension des conflits, neutralisation des différends, décret d’unanimité. Logiquement : les manifestations de soutien au peuple palestinien sont des manifestations de soutien au terrorisme, et même des manifestations terroristes, en conséquence de quoi elles sont interdites.

    Concéder « terrorisme », c’est annuler que ce qui se passe en Israël-Palestine est politique. Au plus haut point. Même si cette politique prend la forme de la #guerre, se poursuivant ainsi par d’autres moyens selon le mot de Clausewitz. Le #peuple_palestinien est en guerre – on ne lui a pas trop laissé le choix. Une entité s’est formée en son sein pour la conduire – d’où a-t-elle pu venir ? « On a rendu Gaza monstrueux », dit Nadav Lapid. Qui est « on » ?

    Sans avoir besoin de « terrorisme », « guerre » et « #crimes_de_guerre » sont hélas très suffisants à dire les combles de l’horreur. Très suffisants aussi à dire les #massacres abominables de civils. Si dans la guerre, qui est par principe #tuerie, on a forgé sans pléonasme la catégorie de « crimes de guerre », c’est bien pour désigner des actes qui font passer à une chose atroce en soi d’autres paliers d’#atrocité. C’est le moment de toute façon où il faut faire revenir l’#économie_générale_de_la_violence : des #crimes qui entraînent des crimes – des crimes qui ont précédé des crimes. L’acharnement à faire dire « terrorisme » ne satisfait que des besoins passionnels – et aucune exigence intellectuelle.

    En réalité, « terrorisme » et « crimes de guerre » sont deux catégories qui ne cessent de passer l’une dans l’autre, et ne dessinent aucune antinomie stable. Hiroshima est, à la lettre, conforme à la définition ONU du terrorisme : tuer des civils qui ne sont pas directement parties à des hostilités pour intimider une population ou contraindre un gouvernement à accomplir un certain acte. A-t-on entendu parler de terrorisme pour la bombe d’Hiroshima ? Et pour Dresde ? – comme Hiroshima : terroriser une population en vue d’obtenir la capitulation de son gouvernement.

    Mais pour ceux qui, dans la situation présente, en ont fait un point d’abjuration, « terrorisme » a une irremplaçable vertu : donner une violence pour dépourvue de #sens. Et de #causes. Violence pure, venue de nulle part, qui n’appelle rigoureusement aucune autre action que l’extirpation, éventuellement dans la forme relevée de la croisade : le choc des civilisations, l’axe du Bien, à laquelle il n’y a aucune question à poser. Il est vrai qu’ici nous naviguons en eaux vallsiennes où #comprendre est contradictoire avec s’émouvoir, et vient nécessairement en diminution du sentiment d’horreur, donc en supplément de complaisance. L’empire de la bêtise, comme une marée noire, n’en finit plus de s’étendre.

    La #passion de ne pas comprendre

    Surtout donc : ne pas comprendre. Ce qui demande un effort d’ailleurs, car l’évidence est massive et, avoir les yeux ouverts suffit – pour comprendre. Un peuple entier est martyrisé par une #occupation, ça fait bientôt 80 ans que ça dure. On les enferme, on les parque à les rendre fous, on les affame, on les tue, et il n’est plus une voix officielle pour en dire un mot. 200 morts depuis dix mois : pas un mot – entendre : qui se comparerait, même de loin, aux mots donnés aux Israéliens. Des témoignages vidéos à profusion des crimes israéliens encore frais : pas un mot. Des marches palestiniennes pacifiques à la frontière, 2018, 200 morts : pas un mot. Des snipers font des cartons sur les rotules, 42 en une après-midi, pas mal : mais pas un mot – si : « l’armée la plus morale du monde ». D’anciens militaires de l’armée la plus morale du monde expriment le dégoût, l’inhumanité de ce qu’on leur a fait faire aux Palestiniens : pas un mot. À chacune des #abominations du Hamas ce week-end, on en opposerait tant et plus commises par les militaires ou les colons – à peine quelques rides à la surface de l’eau. Les tragédies israéliennes sont incarnées en témoignages poignants, les tragédies palestiniennes sont agglomérées en statistiques. En parlant de statistique : on voudrait connaître la proportion des hommes du Hamas passés à l’attaque ce week-end qui ont tenu dans leurs mains les cadavres de leurs proches, des corps de bébés désarticulés, pour qui la vie n’a plus aucun sens – sinon la vengeance. Non pas « terrorisme » : le métal en fusion de la vengeance coulé dans la lutte armée. L’éternel moteur de la guerre. Et de ses atrocités.

    En tout cas voilà le sentiment d’injustice qui soude le groupe. Une vie qui ne vaut pas une autre vie : il n’y a pas de plus haute injustice. Il faut être épais pour ne pas parvenir à se représenter ça – à la limite, même pas par humaine compréhension : par simple prévoyance stratégique. Qu’un martyre collectif soit ainsi renvoyé à l’inexistence, que les vies arabes se voient dénier toute valeur, et que ceci puisse rester indéfiniment sans suite, c’était une illusion de colonisateur.

    Bloc bourgeois et « importation »

    Maintenant le fait le plus frappant : tout l’Occident officiel communie dans cette illusion. En France, à un degré étonnant. On s’y inquiète beaucoup des risques d’« #importation_du_conflit ». Sans voir que le conflit est déjà massivement importé. Bien sûr, « importation du conflit » est un mot à peine codé pour dire indifféremment « Arabes », « immigrés », « banlieues ». Mais le canal d’importation réel n’est pas du tout celui-là, il est sous nos yeux pourtant, large comme Panama, bouillonnant comme une conduite forcée : le canal d’importation-du-conflit, c’est le bloc bourgeois (Amable et Palombarini ©). Tout son appareil, personnel politique, éditocratie en formation serrée, médias en « édition spéciale », s’est instantanément déclenché pour importer. Pourquoi le point de fixation sur le terrorisme ? Pour la FI bien sûr – nous y revoilà. Cette fois-ci cependant avec un nouveau point de vue : le point de vue de l’importation intéressée. Le bloc bourgeois quand il fait bloc derrière Israël à l’extérieur saisit surtout l’occasion de faire bloc contre ses ennemis à l’intérieur.

    Il faudrait ici une analyse de la solidarité réflexe du #bloc_bourgeois avec « Israël » (entité indifférenciée : population, Etat, gouvernement) et des affinités par lesquelles elle passe. Des affinités de bourgeois : le même goût de la démocratie frelatée (bourgeoise), la même position structurale de dominant (dominant national, dominant régional), les mêmes représentations médiatiques avantageuses, ici celles d’Israël comme une société bourgeoise (start-ups et fun à Tel Aviv). Tout porte le bloc bourgeois à se reconnaître spontanément dans l’entité « Israël », partant à en épouser la cause.

    Et le bloc bourgeois français est plus israélien que les Israéliens : il refuse qu’on dise « #apartheid » alors que des officiels israéliens le disent, il refuse de dire « Etat raciste » alors qu’une partie de la gauche israélienne le dit, et qu’elle dit même parfois bien davantage, il refuse de dire la #responsabilité écrasante du gouvernement israélien alors qu’Haaretz le dit, il refuse de dire la politique continûment mortifère des gouvernements israéliens alors qu’une kyrielle d’officiers supérieurs israéliens le disent, il refuse de dire « crimes de guerre » pour le Hamas alors que l’ONU et le droit international le disent. Gideon Levy : « Israël ne peut pas emprisonner deux millions de Palestiniens sans en payer le prix cruel ». Daniel Levy, ancien diplomate israélien à une journaliste de la BBC qui lui dit que les Israéliens sur le point d’annihiler Gaza « se défendent » : « Vous pouvez vraiment dire une chose pareille sans ciller ? Ce genre de #mensonges ? » Le bloc bourgeois : « Israël ne fait que se défendre ». Il dit « Terreur » quand les Russes coupent toute ressource à l’Ukraine, il ne dit rien quand Israël coupe toute ressource à Gaza. Le bloc bourgeois vit un flash d’identification que rien ne peut désarmer.

    Il le vit d’autant plus intensément que la lutte contre les ennemis du frère bourgeois au dehors et la lutte contre les adversaires du bloc bourgeois au-dedans se potentialisent l’une l’autre. C’est comme une gigantesque résonance inconsciente, qui prend toute son ampleur dans une situation de crise organique où le bloc bourgeois contesté est devenu prêt à tout pour se maintenir.

    Le bloc regarde autour de lui, il ne se voit plus qu’un seul ennemi significatif : la FI. PS, EELV, PC, il a tout neutralisé, plus aucune inquiétude de ce côté-là, ces gens ne représentent aucun danger – quand ils ne sont pas de précieux auxiliaires. La FI, non. Une occasion se présente pour l’anéantir : ne pas hésiter une seule seconde. Comme avec Corbyn, comme avec Sanders, les affabulations d’antisémitisme, connaissaient déjà leur régime de croisière, mais une opportunité pareille est inespérée. Providentiel loupé inaugural de la FI : tout va pouvoir s’engouffrer dans cette brèche : le mensonge ouvert, la défiguration éhontée des propos, les sondages bidons sur des déclarations ou des absences de déclarations fabriquées, les accusations délirantes. La BBC s’abstient de dire « terroriste » mais la FI doit le dire. Des universitaires incontestables produisent de l’analyse sur les plateaux, mais la même analyse fournie par la FI est un scandale. La FI a une position somme toute fort proche de l’ONU, mais elle est antisémite. « Que cherche Jean-Luc Mélenchon ? A cautionner le terrorisme islamiste ? » s’interroge avec nuance La Nuance.

    #Cristallisation

    La violence du spasme que connait la vie politique française n’a pas d’autre cause. L’événement a œuvré comme un puissant réactif, révélant toutes les tendances actuelles du régime, et les portant à un point que même les émeutes de juillet ne leur avaient pas fait atteindre. L’effet de catalyse est surpuissant. Crise après crise, la dynamique pré-fasciste ne cesse de prendre consistance et de s’approfondir. Le terme en a été donné par Meyer Habib député français d’extrême-droite israélienne : « Le RN est entré dans le camp républicain ».

    Les moments de vérité recèlent toujours quelque avantage : nous savons désormais en quoi consiste le #camp_républicain. C’est le camp qui interdit le #dissensus, qui interdit l’#expression_publique, qui interdit les #manifestations, qui impose l’#unanimité ou le #silence, et qui fait menacer par ses nervis policiers tous ceux et toutes celles qui seraient tentés de continuer à faire de la politique autour de la question israélo-palestinienne. C’est le camp qui fait faire des signalements par des institutions universitaires à l’encontre de communiqués de syndicats étudiants, qui envisage tranquillement de poursuivre des organisations comme le NPA ou Révolution permanente, qui doit sans doute déjà penser secrètement à des dissolutions.

    C’est bien davantage qu’un spasme en fait. Par définition, un spasme finit par relaxer. Ici, ça cristallise : une phase précipite. Et pas n’importe laquelle : #catalyse_totalitaire. « Totalitaire » est la catégorie qui s’impose pour toute entreprise politique de production d’une #unanimité_sous_contrainte. L’#intimidation, le forçage à l’alignement, la désignation à la vindicte, la déformation systématique, la réduction au monstrueux de toute opinion divergente en sont les opérations de premier rang. Viennent ensuite l’#interdiction et la #pénalisation. Témoigner du soutien au peuple palestinien est devenu un #délit. Arborer un #drapeau palestinien est passible de 135€ d’amende – on cherche en vain une base légale présentable. « Free Palestine » est un graffiti antisémite – dixit CNews, devenu arbitre des élégances en cette matière, signes de temps renversés où d’actuelles collusions avec des antisémites distribuent les accusations d’antisémitisme, et d’anciennes collusions avec le nazisme celles de nazisme. Sous l’approbation silencieuse du reste du champ politique et médiatique. Dans les couloirs de toute la galaxie Bolloré, on ne doit plus en finir de se tenir les côtes de rire, pendant qu’à LREM, à France Inter et sur tous les C Trucmuche de France 5, on prend la chose au tout premier degré. Le camp républicain, c’est le camp qui suspend la politique, les libertés et les droits fondamentaux, le camp soudé dans le racisme anti-Arabe et dans le mépris des vies non-blanches.

    Le monde arabe, et pas seulement lui, observe tout cela, et tout cela se grave dans la #mémoire de ses peuples. Quand la némésis reviendra, car elle reviendra, les dirigeants occidentaux, interloqués et bras ballants, de nouveau ne comprendront rien. Stupid white men .

    https://blog.mondediplo.net/catalyse-totalitaire
    #à_lire #7_octobre_2023 #Palestine #Israël #Gaza #Frédéric_Lordon #médias

  • Gironde : une enquête ouverte pour « traite des êtres humains » dans le vignoble bordelais
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/13/gironde-une-enquete-ouverte-pour-traite-des-etres-humains-dans-le-vignoble-b

    Gironde : une enquête ouverte pour « traite des êtres humains » dans le vignoble bordelais
    Selon le parquet de Libourne, ce réseau recrutait les travailleurs depuis la Roumanie, les transportait en Gironde et les employait dans les vignes pour « un salaire dérisoire ».
    Le Monde avec AFP
    Publié le 13 octobre 2023 à 18h49
    Le parquet de Libourne a ouvert une information judiciaire, vendredi 13 octobre, pour « traite des êtres humains » à l’encontre de sept personnes suspectées d’avoir employé, dans des conditions « indignes », des dizaines de personnes dans les vignes du Bordelais. Les sept suspects interpellés mardi dans trois communes de l’est de la Gironde, dont Saint-Emilion, ont été mis en examen pour « traite des êtres humains en bande organisée », « recel de crime » et « soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail et d’hébergement indignes », a ajouté le parquet, qui a requis leur placement en détention provisoire. Selon l’autorité judiciaire, ce réseau recrutait les travailleurs depuis la Roumanie, les transportait en Gironde et les employait dans les vignes pour « un salaire dérisoire ».
    Depuis septembre 2022, « plusieurs dizaines de victimes », dont un mineur de 14 ans et toutes de nationalité roumaine, ont déposé plainte, dénonçant notamment « des conditions d’hébergement indignes, des brimades et diverses privations ». Le nombre de plaintes émanant de « personnes exploitées » dans le milieu viticole est « en augmentation ces dernières années », a souligné le parquet de Libourne auprès de l’Agence France-Presse. Au printemps, en Gironde, trois personnes avaient été condamnées pour « traite » de travailleurs viticoles marocains. En Champagne, en septembre, deux enquêtes pour « traite d’êtres humains » ont été ouvertes et des hébergements collectifs de vendangeurs, jugés « insalubres » et « indignes », ont été fermés par les autorités.

    #Covid-19#migrant#migration#traite#france#economie#travailleurmigrant#agriculture#vulnerabilite#sante#droit#roumanie#maroc

  • Luttes féministes à travers le monde. Revendiquer l’égalité de genre depuis 1995

    Les #femmes, les filles, les minorités et diversités de genre du monde entier continuent à subir en 2021 des violations de leurs #droits_humains, et ce tout au long de leur vie. En dépit d’objectifs ambitieux que se sont fixés les États pour parvenir à l’#égalité_de_genre, leur réalisation n’a à ce jour jamais été réellement prioritaire.

    Les progrès réalisés au cours des dernières décennies l’ont essentiellement été grâce aux #mouvements_féministes, aux militant.es et aux penseur.ses. Aujourd’hui, la nouvelle génération de féministes innove et donne l’espoir de faire bouger les lignes par son inclusivité et la convergence des luttes qu’elle prône.

    Cet ouvrage intergénérationnel propose un aperçu pédagogique à la thématique de l’égalité de genre, des #luttes_féministes et des #droits_des_femmes, dans une perspective historique, pluridisciplinaire et transnationale. Ses objectifs sont multiples : informer et sensibiliser, puisque l’#égalité n’est pas acquise et que les retours en arrière sont possibles, et mobiliser en faisant comprendre que l’égalité est l’affaire de tous et de toutes.

    https://www.uga-editions.com/menu-principal/nos-collections-et-revues/nos-collections/carrefours-des-idees-/luttes-feministes-a-travers-le-monde-1161285.kjsp

    Quatrième conférence mondiale sur les femmes


    https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatri%C3%A8me_conf%C3%A9rence_mondiale_sur_les_femmes

    #féminisme #féminismes #livre #résistance #luttes #Pékin #Quatrième_conférence_mondiale_sur_les_femmes (#1995) #ONU #diplomatie_féministe #monde #socialisation_genrée #normes #stéréotypes_de_genre #économie #pouvoir #prise_de_décision #intersectionnalité #backlash #fondamentalisme #anti-genre #Génération_égalité #queer #LGBTI #féminisme_décolonial #écoféminisme #masculinité #PMA #GPA #travail_du_sexe #prostitution #trafic_d'êtres_humains #religion #transidentité #non-mixité #espace_public #rue #corps #écriture_inclusive #viols #culture_du_viol

  • Fabio De Masi: Verschwörungs-Ökonomie, oder warum es Deutschland schlecht geht
    https://www.berliner-zeitung.de/wirtschaft-verantwortung/fabio-de-masi-verschwoerungs-oekonomie-warum-es-deutschland-schlech

    14.10.2023 von -Fabio De Masi -Unter dem Vorwand, die Inflation zu bekämpfen, nimmt die Bundesregierung eine schwere Wirtschaftskrise in Kauf. Dahinter stecken knallharte Interessen, meint unser Autor.

    Bundeskanzler Olaf Scholz hatte ein Wirtschaftswunder versprochen. Was für eine Blamage: Denn die Ampel-Koalition jagt die Wirtschaft in den Keller, um dann Maßnahmen gegen Wachstumsbremsen zu fordern. Dieser Wahnsinn hat Methode. Dabei sitzen die Wachstumsbremsen auf der Regierungsbank. Olaf Scholz, Robert Habeck und Christian Lindner sind eine in Zahlen gegossene wirtschaftliche Trümmertruppe.

    So meint Finanzminister Christian Lindner, es brauche eine Bürokratie-Pause, als gäbe es Bürokratie nur in Deutschland. Wie soll zu viel Bürokratie erklären, warum Deutschland von der internationalen Wirtschaftsentwicklung abgehängt wird? Man darf schon glücklich sein, dass Lindner die verheerende wirtschaftliche Bilanz seiner Regierung nicht mit kosmischen Schwingungen erklärt.

    Deutschland ist die einzige große Volkswirtschaft, die schrumpft

    Lindner kritisiert zwar die Abschaffung von Leistungstests bei den Bundesjugendspielen, aber würde ökonomisch schon am Binden der Turnschuhe in der Umkleidekabine scheitern. Spanien hat etwa mit gezielten Eingriffen in den Markt, wie einer Besteuerung von Extragewinnen, Preisbremsen sowie Subventionen des öffentlichen Nahverkehrs die Wirtschaft angekurbelt und die Inflation viel erfolgreicher bekämpft als Deutschland.

    Auch China, die USA und Japan nehmen staatliche Defizite in Kauf, um in Zukunftstechnologien zu investieren. Die Inflationsraten gehen dabei international zurück. Deutschland ist die einzige größere Volkswirtschaft, die nominale Staatsausgaben senkt (mit Ausnahme der wachsenden Rüstungsausgaben), und die einzige größere Volkswirtschaft, die schrumpft.

    Lindner behauptet mit seiner Verschwörungsökonomie gegen jede Evidenz, es brauche eine Absenkung der Staatsausgaben, um die Inflation zu bekämpfen. Dabei haben wir es mit einer Angebots- oder Gewinninflation zu tun, die nicht durch zu hohe Nachfrage ausgelöst wurde. Zudem stellte der Internationale Währungsfonds bereits 2009 in einer groß angelegten Länderstudie unter dem Titel „Public Debt, Money Supply and Inflation“ fest, dass für Industrienationen kein Zusammenhang zwischen Staatsverschuldung und Inflation bestünde. Und es ist noch nicht einmal gesichert, dass eine Kürzung der Staatsausgaben die Staatsverschuldung senkt. Es ist nämlich davon auszugehen, dass die negativen Effekte auf das Bruttoinlandsprodukt auch zu Erhöhung der Arbeitslosigkeit, höheren Sozialtransfers und Verringerung der Steuereinnahmen führen werden.

    Laut der Gemeinschaftsdiagnose der führenden Wirtschaftsforschungsinstitute brechen die Investitionen in Forschung und Entwicklung in Deutschland durch die Kürzungsorgie und den wirtschaftspolitischen Salafismus der Ampel-Regierung massiv ein.

    Lindner verkündet, man müsse die Wachstumsbremsen lösen, aber er entzieht der Bevölkerung über Steuererhöhungen auf Gas, Fernwärme und Speisen in der Gastronomie zehn Milliarden Euro an Kaufkraft und kürzt alles, was nicht bei drei auf dem Baum ist. Die Verringerung von Staatsausgaben in einer schwächelnden Wirtschaft, bedeutet immer auch, dem Privatsektor die Einnahmen zu entziehen. Angesichts des Staatsversagens von Deutscher Bahn, bis zur Unterbringung und Integration von Flüchtlingen, fragt man sich, ob es das Ziel der Ampel ist, der Trümmertruppe von der Alternative für Deutschland (AfD) noch ein paar Prozentpunkte bei den Wahlen obendrauf zu packen.

    Die Lobbyisten der Arbeitslosigkeit

    Es ist davon auszugehen, dass die Ampel-Regierung genau weiß, was sie tut. Der australische Investor Tim Gurner, Gründer der Gurner Group, die Luxus-Immobilien entwickelt, hat kürzlich in schonungsloser Offenheit auf den Punkt gebracht, weshalb Notenbanken wie die Europäische Zentralbank (EZB) versuchen, den Energie-Preisschock und die Profit-Inflation, mit fragwürdigen Zinserhöhungen zu bekämpfen und weshalb die Ampel-Koalition die Staatsausgaben kürzt, bis es kracht.

    Es geht darum, die Arbeitslosigkeit zu erhöhen, um die Profite der oberen ein Prozent abzusichern. Diese Rentiers, die über große Aktienpakte verfügen, aber nur selten selbst etwas Unternehmerisches schaffen, erwarten ihre Renditen wie ein Zeitungsabo im Briefkasten. Und zwar nicht durch sinnvolle Prozess- und Produktinnovationen oder „schöpferische Zerstörung“, wie es der österreichische Ökonom Joseph Schumpeter nannte, sondern durch Eigentum und Wirtschaftsmacht.

    Gurner behauptete auf dem „Property Summit“ der australischen Financial Review, die Beschäftigten seien durch die Corona-Krise zu arrogant geworden und würden für ihr Geld zu wenig leisten. Dies habe die Produktivität negativ beeinträchtigt. Um dies zu ändern, forderte Gurner, dass die Arbeitslosigkeit „um 40 oder 50 Prozent steigen“ müsse. Der Wirtschaft müssten Schmerzen zugefügt werden.

    Es sei zu einem systematischen Wandel gekommen, wonach die Beschäftigten denken würden, die „Arbeitgeber“ (ein fragwürdiger Begriff, schließlich stellen die Beschäftigten ja ihre Arbeitskraft zur Verfügung) würden für sie arbeiten und nicht umgekehrt. Sie würden in dem Irrglauben leben, dass die Unternehmer ihnen dankbar sein müssten, dass sie für sie arbeiten, und nicht umgekehrt.

    Gurner fuhr fort, man müsse „diese Attitüde töten“. Und dies könne nur gelingen, indem man der Wirtschaft weh tue. Dies sei, was die Regierungen weltweit derzeit durch Verringerung von Staatsausgaben versuchen würden. Erste Erfolge seinen sichtbar. Entlassungen würden zunehmen und es gäbe nun „weniger Arroganz auf dem Arbeitsmarkt“. Was nach einer durchgeknallten Verschwörungstheorie klingt, ist der Kern wirtschaftsliberaler Ideologie, die versucht, zu vernebeln, dass es in der Wirtschaftstheorie und in der Wirtschaftspolitik immer auch um Interessen geht.
    Das Gespenst der Inflation

    Laut den Theorien der marktradikalen Ökonomen, die in den vergangenen Jahrzehnten den Ton angaben, ist Inflation vor allem das Ergebnis von zu viel Geld oder zu viel Nachfrage im System. Wenn also zu viel Geld zu wenige Waren jagt, erhöhen die Unternehmer die Preise. Daher müssten bei Inflation die Zinsen und die Arbeitslosigkeit erhöht werden. Doch zum Beispiel in den USA steigt die Beschäftigung seit einem Jahr, während die Inflation zurückgeht. Für keynesianische Ökonomen, die auf staatliche Eingriffe zur Stützung der Nachfrage setzen, ist eine Nachfrage-Inflation zwar denkbar, wenn Vollbeschäftigung herrscht und die Ökonomie überhitzt. Doch meistens herrscht Unterbeschäftigung. Daher führen Keynesianer Inflation vor allem auf gestiegene Kosten oder Konflikte zurück.

    So nutzten bestimmte Sektoren etwa den Energiepreisschock, um Extra-Profite durchzusetzen. Dies gelingt einzelnen Unternehmen nur, wenn sie entweder über eine außergewöhnliche Marktmacht verfügen oder sie wissen, dass andere Unternehmen wegen eines externen Schocks (Energiepreise) ebenso die Preise erhöhen. Wenn sie nämlich als Einzige die Preise erhöhen würden, verlören sie Marktanteile an Wettbewerber. Bei Kostenschocks, die viele Unternehmen betreffen, werden die Unternehmen hingegen versuchen, die Preise stärker zu erhöhen als ihre Kosten gestiegen sind. Wenn nun wiederum die Gewerkschaften stark genug sind, um die Löhne zu erhöhen und ihren Kaufkraftverlust auszugleichen, werden die Unternehmen wieder mit Preiserhöhungen auf die höheren Lohnkosten reagieren. So die Theorie. Es droht dann eine Lohn-Preis-Spirale.

    Nun ist die aktuelle Inflation aber nicht durch zu viel Nachfrage zu erklären und die Gewerkschaften sind nach Jahren der „Arbeitsmarktreformen“ zu schwach, um selbst bei hoher Beschäftigung eine eskalierende Lohn-Preis-Spirale auszulösen. Japan pumpte in den vergangenen Jahrzehnten viel billiges Geld der Zentralbank in die Banken, aber die Inflation war dort niedriger als in Europa. Denn das Geld der Banken zirkuliert zwischen den Banken oder befeuert zuweilen die Preise von Immobilien oder Aktien. Es treibt aber nicht auf breiter Front die Inflation auf den Gütermärkten.

    Die USA investieren als Reaktion auf die Inflation sogar vermehrt in Zukunftstechnologien (Inflation Reduction Act), um Engpässe zu überwinden. Spanien gelang es mit einer Mitte-links-Regierung, die Inflation erfolgreicher als das durch die Ampel angerichtete Chaos zu dämpfen: durch Energiepreis- und Mietendeckel, Steuersenkungen auf Nahrungsmittel sowie Subventionen für den öffentlichen Nahverkehr – also durch mehr Staatsausgaben.
    Operation gelungen, Patient tot

    Der Preisschock des Ukraine-Kriegs wurde eher durch eine Profit- oder Angebotsinflation ausgelöst. Die Corona-Krise hat Wertschöpfungsketten zerrüttet, der Wirtschaftskrieg hat Kostenschocks verursacht und unsere Energiekapazitäten sind zu knapp. Daher müsste mehr und nicht weniger investiert werden. Die Ampel will aber in der Krise kürzen und schickt die Wirtschaft ins Koma. Die Zinserhöhungen der EZB bremsen die Wirtschaft zusätzlich, da sie Investitionen verteuern und Zinskosten erhöhen. Es ist derzeit umstritten, wie groß der Einfluss der Zinsen auf die vorübergehende Schwächung des Wohnungsbaus war. Theoretisch können höhere Zinskosten sogar die Preise kurzfristig in die Höhe treiben.

    Doch langfristig führt eine Krise zu sinkender Inflation – aber eben zum Preis einer stagnierenden Wirtschaft und zunehmender Arbeitslosigkeit. Es ist, wie einen Krebspatienten mit dem Hammer zu erschlagen. Operation gelungen, Patient tot. Sinnvoller wäre es, etwa Extragewinne abzuschöpfen, Marktmacht zu bekämpfen und wie in Spanien durch Preisdeckel und Senkung der Mehrwertsteuer auf Lebensmittel die Preise zu dämpfen.

    Zurück zu Investor Gurner. Was er beschreibt, ist also seit Jahrzehnten Teil der ökonomischen Theorie und Praxis. Krisen – ob Finanzkrisen oder Preisschocks – lösen Verteilungskonflikte aus. In den Jahrzehnten bis zur Finanzkrise hat der Anteil der Gewinne am Volkseinkommen zulasten der Löhne immer weiter zugenommen. Die höheren Profite führten aber nicht zu höheren, sondern niedrigeren Investitionen, gemessen am Bruttoinlandsprodukt. Seit der Finanzkrise wurde diese Entwicklung leicht korrigiert, auch wenn die Lohnspreizung durch Niedriglöhne zunahm. Die Corona-Krise und der Wirtschaftskrieg läuteten eine neue Phase des modernen Klassenkampfes ein. Die Zentralbanken traten nach den Corona-Milliarden auf die Bremse und die Ampel-Koalition will in der Krise kürzen.

    Die Rentiers fordern ihren ökonomischen Tribut. So wie früher Priester Opfergaben forderten, um die Götter zu besänftigen (und dann das Lamm heimlich selbst verspeisten), fordern die Rentiers Opfer, um „die Märkte“ zu befriedigen.

    Was dahinter steckt, hat niemand besser auf den Punkt gebracht als der konservative britische Zentralbanker Sir Alan Budd, als er über die konservative Revolution unter Margaret Thatcher sprach: „Es mag Leute gegeben haben, die die eigentlichen politischen Entscheidungen getroffen haben, die nicht einen Moment lang geglaubt haben, dass dies der korrekte Weg ist, um die Inflation zu senken. Sie sahen jedoch, dass dies ein sehr, sehr guter Weg wäre, um die Arbeitslosigkeit zu erhöhen, und die Erhöhung der Arbeitslosigkeit war ein äußerst wünschenswerter Weg, um die Stärke der Arbeiterklasse zu verringern – wenn man so will. Es wurde eine Krise des Kapitalismus herbeigeführt, um in marxistischer Terminologie eine Reservearmee von Arbeitskräften zu schaffen, die es den Kapitalisten seitdem ermöglicht, hohe Gewinne zu erzielen.“

    Genau darum geht es: Nicht um bessere wirtschaftliche Performance, sondern um schlechtere wirtschaftliche Performance, um die Arbeitslosigkeit zu erhöhen, die Löhne zu drücken und höhere Profite für Wenige durchzusetzen. Im modernen Finanzkapitalismus bedeutet dies: Shareholder-Value für die Finanzinvestoren (Rentiers). Und zwar auch dann, wenn der Unternehmenssektor insgesamt unter der Krise leidet. Gurner spricht also offen aus, was die Geschäftsgrundlage im Finanzkapitalismus ist.

    Der brillante polnische Ökonom Michael Kalecki hat über dieses systemische Interesse der Wirtschaftsmächtigen an Arbeitslosigkeit einst in Cambridge eine berühmte Vorlesung unter dem Titel „Politische Aspekte der Vollbeschäftigung“ gehalten. Und der US-Investor Warren Buffett wusste: „Es herrscht Klassenkrieg, richtig, aber es ist meine Klasse, die Klasse der Reichen, die Krieg führt, und wir gewinnen.“

    ZUM AUTOR
    Fabio De Masi war Mitglied des Deutschen Bundestages für Die Linke sowie des Europäischen Parlaments und machte sich dort bei der Aufklärung von Finanzskandalen – etwa um den Zahlungsdienstleister Wirecard – einen Namen. Er ist Kolumnist bei der Berliner Zeitung.

    #Aliemagne #économie #crise #chomage

  • Keynes and the Marxists
    https://jacobin.com/2023/10/keynesian-economics-marxism-dialogue-sweezy-baran-robinson-kalecki-ackerman

    11.10.2023 by Nathan Tankus
    ...
    The “Keynesian Revolution” did not conquer the United States; at best it conquered the Boston area (for a limited time). It’s no coincidence, in fact, that dynastic scion John F. Kennedy was the high-water mark for anything approaching “Keynesianism” in government.
    ...

    #USA #économie #marxisme #keynésianisme

  • China Square: The cheap Chinese shop at the centre of Kenya row
    https://www.bbc.com/news/world-africa-64809423

    6.3.2023 by Victor Kiprop - Kenyan small and medium enterprise traders hold placards and shout slogans during a protest against Chinese nationals owning businesses that engage in import, manufacture and distributionImage source, EPA
    Image caption,

    Protesters wanted China Square to permanently shut its doors

    A Chinese-owned shop selling cheap household goods at the centre of a dispute in Kenya has reopened after a counterfeit complaint against it was dismissed. The row got to the heart of a debate about whether this kind of outlet hurts or helps Kenyans.

    Blowing whistles and vuvuzelas, Kenyan petty traders marched in their hundreds to the deputy president’s office in Nairobi to demand an end to what they called a “China invasion”.

    The China Square shop that had become a hit with consumers because of its cheap goods was the focus of their anger. Its rapid success had rekindled long-held fears about competition from abroad.

    The shop, which is in a mall on the outskirts of Nairobi, had already shut its doors, albeit temporarily, by the time of last week’s protest as controversy swirled around it.

    Barely five weeks into trading, it had become a social media phenomenon. Its low prices compared to what the petty traders were charging and convenient location made it very attractive.

    But some small-scale traders, who form a vital part of Kenya’s economy, began to notice business dropping off.

    “We want the Chinese out of Kenya. If the Chinese become the manufacturers, distributors, retailers and even hawkers, where will Kenyans go?” an unnamed trader told journalists at the protest.

    Peter Sitati, who imports and sells beauty equipment in Nairobi, was one of those at the demonstration.

    He says a plastic pedicure stool that costs around $43 (£35) in his shop, retailed at China Square for about $21, effectively undercutting him by more than 50%.

    “Many Kenyan businesses are going to close their shops and our economy will collapse,” Mr Sitati argued.

    Peter Sitati says he is not able to sell his goods at China Square’s lower prices

    Pressed to explain why he was charging so much more, he said he was covering the taxes and duty he was charged and thought that he might be buying the goods from China at a higher price than China Square.

    Despite being asked by the BBC, China Square did not explain how it set its prices, but it might be benefitting from being able to buy in bigger quantities.

    It may also have a more direct relationship with the manufacturers. A lot of the smaller Kenyan traders have to go through middle men and may be charged more as a result.

    China Square founder Lei Cheng insisted he had done nothing wrong.

    “My business is legal and is centred on healthy competition. We have cooperated with all government directives of opening a business in Kenya and we are here to break the monopoly,” Mr Lei said.

    He added that his business took more than $157,000 in its first two weeks.

    “The people who are fighting us feel threatened because Kenyans now know we exist and we are not exploiting them in pricing.”

    ’Quality goods, affordable prices’

    Some Kenyan shoppers are on the retailer’s side.

    “China Square should be allowed to operate. They’re selling quality goods at affordable prices,” Sharon Wanjiku said.

    “The cost of living is very high at the moment and these prices are exactly what we need.”

    The swift popularity of the shop followed by the controversy caught the attention of the government, with one minister saying it should cease operating as a retailer.

    “We welcome Chinese investors to Kenya but as manufacturers not traders,” Trade Minister Moses Kuria said on Twitter on the Friday before China Square shut down.

    It remains unclear why the shop did close its doors to customers. There were suspicions that it had been put under some pressure by the authorities.

    A statement from China Square said it was closing to “re-evaluate and replan our company strategy” and that it was “considering a possibility of co-operating with local traders”.

    But at the end of last week, Kenya’s Anti-Counterfeit Authority said it had investigated a complaint that China Square was selling fake goods but had found no evidence that that was the case.

    On Monday, the Kenya Chinese Chamber of Commerce (KCCC) welcomed the re-opening of China Square after discussions were held with the government, however it did not go into details of what the talks were about.

    “The Chamber looks forward to an equal and fair treatment of all businesses across [the] board to ensure a conducive business environment for all,” the KCCC statement said, but it did not say if any new agreement had been made.

    Image source, EPA
    Image caption,

    The protest against China Square attracted a large crowd

    Some fear that the row over the shop has sent out the wrong message about the economy and the interest in investment.

    Korir SingOei, from the ministry of foreign affairs, has been seeking to reassure potential investors, saying that Kenya welcomes money from outside and does not discriminate where it comes from.

    Wu Peng, the top diplomat for Africa at China’s Foreign Ministry, was pleased with the clarification and said a “non-discriminatory investment environment is vital to the healthy development of bilateral practical co-operation”.

    Kenya has in the past struggled to find a middle ground between attracting foreign investment and promoting free trade while protecting local traders from what some see as unfair competition.

    “Stopping foreigners from doing legitimate business in Kenya is retrogressive. We need to see how to build the capacity of Kenyans to be able to produce competitive products,” says Kenyan economist Gerrishon Ikiara.

    Deportations

    The Kenya Investment Promotion Act, which sets conditions for foreign investors, requires an investment to be beneficial to the country through things such as new jobs, the transfer of new skills or technology, or the use of local raw materials or services.

    There is no data available to show how many Chinese traders or people are in Kenya, but there has been growing anti-Chinese sentiment in recent years. This has been partly due to allegations that individual Chinese people in Kenya have been racist, as well as fears of Chinese traders taking businesses and jobs from Kenyans.

    In 2019, the Kenyan authorities deported seven Chinese nationals who had been operating in two markets in Nairobi, accusing them of not having work permits and saying they could not operate in a sector that had been reserved for locals.

    In 2020, four Chinese men were deported after being accused of caning a Kenyan man working at a Chinese restaurant.

    President William Ruto has so far steered clear of the matter, but ahead of his election last year he promised to deport Chinese nationals engaging in business that can be done by Kenyans.

    “We have agreements with different countries on what level of business or work is to be done by locals and which one is allowed, where one must have [a] work permit, to foreigners. And that level is not selling in kiosks, retail or roasting maize,” Mr Ruto said last June.

    China Square is clearly not working out of a kiosk, but its re-opening continues to present a challenge to the petty traders, whose complaints have not gone away.

    #économie #commerce #Afrique #Chine #Kenya