• L’écotartuffe du mois, par Nicolas Casaux
    https://www.facebook.com/nicolas.casaux/posts/10155970187972523?__tn__=K-R

    Voudriez-vous voir se former un mouvement de résistance sérieux contre le capitalisme ? Si oui, oubliez Aurélien Barrau.

    Cet astrophysicien a récemment acquis une certaine notoriété à cause de sa perspective écologiste : il a récemment publié un appel signé par plein d’idiots utiles de l’industrie du divertissement (d’Alain Delon à Muriel Robin) demandant la restriction de certaines libertés individuelles afin de sauver la planète. Que ceux qui ont le plus profité des conforts et des luxes de la civilisation industrielle, qui sont parmi les plus privilégiés des privilégiés, se permettent de demander aux autorités qu’elles restreignent les libertés du peuple, tout de même, il fallait oser — même si l’expression "libertés individuelles" est une triste blague dans le cadre de la société technocapitaliste, bien entendu, mais c’est une autre histoire. Ainsi, cet appel est une sorte de plaidoyer en faveur de l’écofascisme prédit par Bernard Charbonneau il y a plusieurs décennies :

    « L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. [...] Si la crise énergétique se développe, la pénurie peut paradoxalement pousser au développement. Le pétrole manque ? Il faut multiplier les forages. La terre s’épuise ? Colonisons les mers. L’auto n’a plus d’avenir ? Misons sur l’électronique qui fera faire au peuple des voyages imaginaires. Mais on ne peut reculer indéfiniment pour mieux sauter. Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint d’adopter une façon de faire plus radicale. Une prospective sans illusion peut mener à penser que le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir. »

    Ecofascisme qui ne résoudrait bien évidemment rien du tout, puisqu’il n’implique aucun changement fondamental.

    Aucune critique du capitalisme et de ses implications économiques mondialisées (il reconnait, certes, que le capitalisme pose quelques problèmes mais trouve qu’il a aussi des vertus), de l’idéologie qui l’anime, aucune critique du pouvoir, aucune critique des mécanismes de coercition sur lesquels il repose (il ne blâme pas plus les dirigeants que tout le peuple, nous sommes responsables, nous avons les dirigeants que nous méritons, etc., il ne comprend manifestement pas comment le pouvoir s’est organisé et se maintient), aucune critique de l’imposture démocratique, espoir placé en des actions potentielles que nos dirigeants pourraient prendre, croyance en une civilisation industrielle rendue verte grâce aux EnR, le cocktail habituel des vendeurs d’illusions de l’écocapitalisme.

    Mais pourquoi ? Pourquoi demander leur avis à des astrophysiciens ? Pourquoi demander leur avis à des gens — à des gens de la haute — qui passent leur existence à travailler sur des sujets aussi éloignés du quotidien de toutes les espèces vivantes et des réalités du monde, du monde à la mesure de l’être humain ? Bref, on a trouvé celui qui succèdera à Hubert Reeves dans le rôle de caution d’autorité astrale de l’écocapitalisme.

    (C’est une question rhétorique, bien évidemment. Le fait de demander son avis à un astrophysicien n’est qu’une incarnation de la domination de l’autorité Science, de l’expertocratie, et de l’idéologie progressiste, fascinée par l’univers et sa conquête. L’astrophysicien, qui connait (?) les trous noirs, ces choses incroyablement complexes qui nous dépassent, nous, simples mortels, doit forcément connaître la situation socioécologique terrestre. C’est une illustration parfaite de ce que c’est qu’un argument d’autorité. C’est un grand scientifique, il doit savoir. Malheureusement pas, (ultra-)spécialisation oblige. L’appel d’Aurélien Barrau et son plaidoyer pour plus encore d’embrigadement étatique sont également très bien anticipés, parfaitement même, dans le livre "Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable" de René Riesel et Jaime Semprun.)

  • #Edna_O'Brien, par-delà le bien et le mâle
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/121116/edna-obrien-par-dela-le-bien-et-le-male

    Avril 2012 : 11 541 chaises pour évoquer les morts du siège de Sarajevo © DR Lorsque, avec ensemble, la presse anglo-saxonne a salué la parution des Petites Chaises rouges comme une œuvre majeure (avec appel du pied pour le Nobel), Edna O’Brien, irlandaise, 84 ans, pas mal de prix littéraires à son actif, a sobrement commenté : l’était temps. De la lire, surtout, si ce n’est déjà fait.

    #Culture-Idées #Irlande #Les_petites_chaises_rouges #Radovan_Karadzic #rentrée_littéraire_septembre_2016 #Sabine_Wespieser

  • RFC 7830 : The EDNS(0) Padding Option

    Ce nouveau #RFC fait partie de la série de ceux qui tentent d’améliorer la situation du #DNS pour tout ce qui concerne la protection de la #vie_privée. Parmi les efforts dans ce domaine, il y a une possibilité de chiffrement des communications DNS, dans le futur RFC DNS-sur-TLS. Elle utilise le protocole TLS. Ce dernier ne fait rien pour dissimuler la longueur des requêtes et réponses DNS. Or, de telles #métadonnées peuvent suffire à identifier les requêtes faites. Il est donc important de compléter le chiffrement avec un mécanisme de #remplissage (#padding). C’est ce que permet la nouvelle option #EDNS normalisée dans ce RFC.

    http://www.bortzmeyer.org/7830.html

    • Merci c’est très intéressant. Ça éveille chez moi quelques questions :

      # Quand les serveurs « standards » disponibles dans les distributions Linux proposeront ils le chiffrement, comme par exemple bind ?
      # Et il faut bien avoir un client qui supporte également ce chiffrement ?
      # Le chiffrement des requêtes « internes » faites par les applis (ex : getaddrinfo) sera-t-il activé ? Ça signifie intégrer ça au noyau ? Est-ce prévu par le projet Linux ? Sur la base de quelles RFC ?
      # Quels logiciels / solutions peut-on utiliser pour avoir aujourd’hui du chiffrement DNS en logiciel libre ?
      # Enfin... « As-t-on du code » est-il bien français ? « A-t-on » me semble plus indiqué cf. https://fr.wiktionary.org/wiki/t-on

    • @cocodaemon

      – Unbound a déjà DNS-sur-TLS. Pour BIND, je ne sais pas, il faut demander à ses auteurs. https://indico.dns-oarc.net/event/22/session/2/contribution/2/material/slides/1.pdf

      – oui, le chiffrement change le protocole, client et serveur doivent le gérer

      – getaddrinfo n’est pas dans le noyau. Pour une machine Linux typique, plutôt que de modifier la libc, il faudra sans doute, soit un résolveur local sur la machine, soit un relais (proxy) comme tproxy.

      – aujourd’hui, la seule solution publiée est DNScrypt mais DNS-sur-TLS aura l’avantage d’être normalisé

      – j’ai corrigé le barbarisme :-)

    • Une idée sur pourquoi cette option a été restreinte aux cas d’usage du chiffrement ? Cela aurait excellent pour l’anti-DDoS : on pad une question avec un nombre d’octets calculé par heuristique sur la taille anticipée de la réponse. Si la réponse excède la taille de la question de N%, elle est tronquée, sinon, elle est répondue. Cela permet de limiter le facteur d’amplification tout en restant en UDP, et cela sans maintenir d’état additionnel (notamment dans le cas du prefetch)

    • En fait, la terminologie dans le RFC est assez pauvre et manque clairement de rigueur, puisqu’elle confond chiffrement et authentification de la source de la donnée. Maintenant, concernant les attaques par amplification, je ne vois pas en quoi une requête claire plus grosse pourrait accroître l’amplification. La décision de mettre du padding est « hop-by-hop ». Au mieux, on diminue l’amplification puisqu’on pose une plus grosse question que nécessaire, pour générer une même réponse. La logique de raisonnement du RFC est complètement cassée. Je ne comprends pas comment un working group a pu laisser passer ça...

    • @X_cli Cette possibilité (« padder » les requêtes DNS) est discutée en ce moment sur la liste DNSOP. Les problèmes que cela pourrait poser : « this can affect some cases such as query packets not making it to the server due to size, lack of ability of the client to guess what the answer’s message size may be, and also EDNS UDP payload size behavior. In DNS over UDP and its poor-man’s-pMTU-discovery, it’s the client that
      drives the discovery of what works - the server has no idea of whether a
      query+answer roundtrip has succeeded in a reply successfully delivered
      to the client, whereas the client does. The client can use this to tweak
      the UDP payload size, but if the query itself may get dropped, it can’t
      tell if it was the query or the reply that disappeared - there is some
      faith that an unpadded question-only DNS message will go through
      somewhat reliably. »

      Et on me signale que la première mention de cette possibilité était apparue dans https://www.ietf.org/mail-archive/web/dnsop/current/msg12999.html

    • @stephane Merci Stéphane d’avoir porté cela à mon attention. Je comprends la position, mais je ne la partage pas.
      En effet, un serveur répondant TC à une question non paddée pourrait également répondre une option EDNS (en écho à l’option vide dans la question), avec la taille prévue pour la réponse. Le résolveur pourrait alors mémoriser (ou non) ces informations :
      1) Le serveur comprend cette option
      2) La taille de la réponse est prévue d’être XxX

      Ce n’est pas garanti de fonctionner puisque :
      – l’enregistrement peut changer de contenu entre les deux requêtes... mais ce doit être un cas relativement rare.

      – le problème peut être situé sur un boitier intermédiaire

      Il reste le risque que la requête, finalement pas beaucoup plus longue qu’une requête standard, soit droppée car l’option est inconnue et le comportement est anormal... On retombe alors sur un cas de classique de découverte de capacité du serveur, comme il est déjà fait pour EDNS dans BIND.

  • Tentaculaire et dévorante, défigurée par la pollution, la capitale de la misère absorbe des villes entières à mesure qu’elle s’étend. La plus grande mégapole du monde est-elle encore administrable ? Il y a longtemps que le rêve industriel, ici, s"est mué en cauchemar. [...] Des centaines de milliers de SDF vivent dans les rues, dormant ou ils peuvent. On s’entre-tue pour le moindre cagibi, la moindre anfractuosité sous les échangeurs routiers. [...] São Paulo n’est pas une ville du tiers-monde. A bien des points de vues, c’est même, avec 4 à 6 % de croissance économique par an, une ville exceptionnellement riche qui concentre les principaux revenus du pays. [...] Selon une enquête officielle, en l’an 2000, le groupe social le plus important de la ville sera constitué de 4 millions d’adolescents issus des quartiers pauvres, mal alphabétisés, sous-alimentés et inadaptés au #marché_du_travail.
    Paris-Match, 20 février 1997
    L’ABÎME SE REPEUPLE - #Jaime_Semprun - éditions de l’encyclopédie des nuisances

    Au-dessous des classes populaires conservatrices il y a le substrat des parias et des « outsiders » les autres races, les autres couleurs, les classes exploitées et persécutée, les chômeurs et ceux qu’ont ne peut pas employer. Ils se situent à l’extérieur du processus démocratique ; leur vie exprime le besoin le plus immédiat et le plus réel de mettre fin aux conditions et aux institutions intolérables. Ainsi leur opposition est révolutionnaire même si leur conscience ne l’est pas. #Herbert_Marcuse - L’homme unidimensionnel, 1964.


    http://laspirale.org/texte-495-florent-espana.html

    • Miguel Amorós, Sur Jaime Semprun, 2017
      https://sniadecki.wordpress.com/2020/08/04/amoros-semprun-fr

      #Miguel_Amorós évoque la vie et les œuvres de Jaime Semprun (26 juillet 1947 – 3 août 2010) avec une mention spéciale à son ouvrage de 1997, L’Abîme se repeuple récemment traduit en espagnol par les éditions Pepitas de Calabaza.

      Cazarabet : Il n’a pas seulement posé la question « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il est allé plus loin en demandant aussi « A quels enfants allons-nous laisser le monde ? ». Qu’a-t’il voulu dire par là ?

      Miguel Amorós : Ce n’était pas Jaime qui a posé la première question, mais le citoyen-écologiste, qui ne veut pas voir que la barbarie émerge naturellement de la technification totale du vivant à laquelle il s’est complaisamment prêté. La déshumanisation causée par l’invasion technologique a pour conséquence plus inquiétantes la formation de certains enfants consommateurs, sans véritable enfance, mais parfaitement adaptés à la simplification de la vie réalisée par les machines.

      #laspirale #EdN

  • RFC 7828 : The edns-tcp-keepalive EDNS0 Option

    Historiquement, le #DNS utilisait surtout UDP et le transport sur TCP ne servait qu’à des cas particuliers, comme lorsqu’un client DNS ré-essayait avec TCP de récupérer des données trop grosses pour UDP. Depuis le RFC 7766, ce n’est clairement plus le cas : #TCP est désormais aussi utilisable qu’UDP pour le DNS. Mais les mises en œuvre typique du DNS sur TCP ont des restrictions, par exemple des délais maximum d’attente avant de « raccrocher » qui sont trop courtes, de l’ordre de quelques secondes lorsqu’il n’y a plus de trafic sur la connexion. Ce nouveau #RFC propose un mécanisme #EDNS permettant au client DNS de signaler au serveur qu’il souhaite garder la connexion ouverte, si le serveur est d’accord, s’il vous plait.

    http://www.bortzmeyer.org/7828.html

  • #PMO
    #Alexis_Escudero
    #La_Reproduction_Artificielle_De_L_humain
    #Féminisme_Radical
    #Critique_Anti_Industrielle
    #Procréation
    #Genre
    #Honte_Prométhéenne
    #PMA
    #Pièces_Et_main_D_Oeuvre
    #Mythe_de_la_Nature
    #Cahiers_du_Genre
    #Agustin_Garcia_Calvo
    #Gunther_Anders
    #Theodor_Kaczinski
    #Edn
    #Ilana_Löwy
    #La_nef_des_fous

    Les balourdises masculinistes d’Alexis Escudero
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=495
    et le mépris suffisant affiché par Pièces et Main d’Oeuvre ("PMO") envers ce qui relève de la critique féministe des rapports de domination de genre ont pu en étonner et en troubler plus d’un-e ces derniers mois.
    La reproduction était naturelle, les couples homosexuels sont stériles, et la critique du genre s’inscrit pleinement et seulement dans une stratégie d’artificialisation et de conquète du vivant - et j’en passe et des héneaurmes.
    Le fait est que la critique anti-industrielle s’appuie certes sur un corpus théorique et une histoire jusqu’à ce jour plus qu’indifférente, sinon pire, aux questions des inégalités sociales de genre ou de sexe. Et, pour ne citer que ceux-là, je lis certes moi aussi avec intérêt des auteurs comme Jacques Ellul ou Georges Bernanos, ("La France contre les Robots", contrairement à ce que son titre laisse croire, n’a pas été conçu par Marcel Gotlib et Edward P. Jacob en recourant aux Nouvelles Technologies de la Reproduction : c’est un recueil de textes de Bernanos des plus stimulant) : mais quand je les lis, je n’oublie pas d’où ils parlent, et quel banal hétérosexisme masculin impensé mais pleinement assumé traverse jusqu’au meilleur de leur écrits. Quant aux auteurs pro ou post-situs plus proches de nous, dans la veine de l’EdN, ils sont à même enseigne : la plupart du temps ils ne font pas mention des questions féministes (et peu d’autres inégalités, comme les inégalités de race) ; et quand ils daignent le faire, dans le meilleur des cas, à ma connaissance, c’est toujours pour les subordonner à l’universalité supposée de leur propre grille de lecture.
    Mais quelques aspects théoriques de la critique anti-industrielle me semblent plus particulièrement de nature à conforter cet aveuglement masculiniste.
    Il me semble que l’incapacité des anti-industriels à connaître la critique féministe du genre (puisque c’est de cela qu’il s’agit, in fine) trouve, à l’appui de ce banal aveuglement congénital, un appui théorique certes bien bancal, mais très ,opportun dans une idée développée il y a plus d’un demi siècle par Gunther Anders ( reprise dans « L’obsolescence de l’homme, réédité par l’EdN il y a une dizaine d’années) : celle de « honte prométhéenne » - le fait que, confronté à la perfection des machines, les humains auraient honte d’être nés, plutôt que d’être fabriqués. Une honte, pour faire très court, de la « nature » et de la biologie. Mon propos ici n’est pas de disputer cette idée, qui me paraît fondée, mais la façon dont elle me semble ressurgir hors de propos lorsque PMO écrit :
    « L’auteur, Alexis Escudero, participe depuis plusieurs années au mouvement de critique des technologies. Peut-être est-il de la dernière génération d’enfants nés, et non pas produits. »
    Le fait est que le questionnement du caractère de production sociale du genre et donc du sexe comme du caractère socialisé, socialement organisé de la reproduction, devient assurément incompréhensible lorsqu’on ne sait l’envisager que sous la forme du confusionnisme libéral-réactionnaire dont on nous rebat les oreille. Et cette incompréhension se voit redoublée lorsque ce questionnement est vu au travers du prisme de la « honte prométhéenne » : du point de vue de PMO, la seule attitude égalitariste concevable vis-à-vis d’une différence sexuelle forcément naturelle se réduit à un seul inepte égalitarisme technolâtre, et mène nécessairement plus ou moins vite au cauchemar transhumaniste.
    Ce prisme déformant et réducteur me semble pouvoir expliquer en partie l’aplomb déroutant avec lequel PMO et Escudero se disent libertaires tout en brandissent fièrement des contresens sur le genre qui ne dépareraient pas entre deux pancartes de la Manif pour tous. Leur confusion est des plus grossières, mais je les soupçonne de ne jamais être trop allé se plonger dans les riches disputes entre féministes radicales pour y prendre la mesure de l’histoire de la prise de conscience d’un système de rapports de domination de genre où eux se trouvent privilégiés, de sa critique, et des implications de la position où chacun-e s’y trouve situé, quant à sa propre conscience « spontanée » de ces rapports. Ce d’autant plus que le monde politico-médiatique nous sert à profusion, sous le label « féminisme », l’ornière intellectuelle de considérations naturalistes/essentialistes, et les tentatives, de fait nécessairement technolâtres, qui en découlent d’en finir avec la malédiction d’une féminité infériorisante, une fois celle ci pensée comme fondée en nature.
    Je pense que le propos des Escudero et PMO sont cohérents avec les présupposés plus ou moins profondément essentialistes qui sous tendent les propos des Agacinski ou Badinter, comme avec une grande partie au moins du très spectacliste mouvement queer, lesquelles ont plus facilement les faveurs des média que les féministes radicales qui argumentent contre le naturalisme. Mais il me semble avéré que, du point de vue d’une partie de la critique féministe radicale, matérialiste, ces propos sont au mieux purement et simplement ineptes. Il serait donc pour le moins appréciable que, sur les questions du genre, des sexes, et de la reproduction, les anti-industriels s’avèrent capables de cibler leur critique : c’est à dire qu’ils aient pris la peine de connaître un peu plus ce dont ils prétendent juger.

    Mais ça n’est pas le cas : le fait est que c’est très vraisemblablement du seul fait de la position masculine hétérosexiste qui est la leur, dont la critique leur paraît superflue, qu’ils peuvent se permettre de prendre à leur convenance cette partie tout de même très particulière du féminisme pour le tout. Le fait est aussi que cette curieuse facilité intellectuelle ne les empêche pas de dormir, et que quiconque ose le leur faire remarquer se heurte de leur part à un déni massif, accompagné des accusations de libéralisme et de progressisme technolâtres de rigueur.
    Et, par exemple, sur les nouvelles techniques reproductives, ils se fichent comme d’une guigne des réflexions critiques publiées dans des revues comme Les cahiers du genre, pour n’en citer qu’une… (par exemple : http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2003-1.htm ) Il me semble que l’on gagnerait pourtant beaucoup en intelligence de la situation dans laquelle nous nous trouvons si nous parvenions à articuler entre elles les critiques féministes du genre et les critiques anti-industrielles ! (et quelques autres…)
    Hélas, chez PMO, on sait déjà que le féminisme est irrémédiablement un progressisme technolâtre, et on s’exprime donc en conséquence.

    Mais, d’une manière plus large (qui excède ses rapports avec la critique féministe), il y a dans la forme de la critique anti-industrielle une forme d’arrogance méprisante qui me paraît liée à sa trop grande proximité avec un prophétisme catastrophique : il y a quinze ans déjà, il me semblait par exemple que la lutte contre les OGM gagnait à être formulée en fonction de ce qu’ils constituaient et disaient déjà du présent où ils étaient envisagés, conçus, produits, et non en fonction de l’avenir plus sombre qui résulterait de leur développement. Il me semblait qu’il ne fallait pas tomber dans l’erreur d’en parler en recourant à la peur d’un inconnu à venir, mais au contraire en insistant sur le fait qu’une critique et une lutte trouvaient amplement à se fonder dans le refus de ce que nous connaissions déjà trop bien : et, par exemple, de ce que nous connaissions déjà à propos du recours à des solutions scientistes ou technolâtres aux problèmes politiques, ou de ce qu’impliquait, et d’où provenait, le choix politique de poser en termes scientifiques et techniques les questions sociales.
    Comme le disait il y a 20 ans je crois Agustin Garcia Calvo (dans « Contre la paix, contre la démocratie » : http://www.theyliewedie.org/ressources/biblio/fr/Agustin_Garcia_Calvo_-_Contre_la_paix,_contre_la_democratie.html ), « le futur est une idée réactionnaire, » au nom de laquelle nous sommes toujours invités à renoncer au présent : et cela, y compris chez les amateurs de « critique radicale » .

    Un texte comme « La nef des fous » de Théodore Kaczinski paru en 2001 (https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=435 ) m’avait de ce point de vue semblé de très mauvais augure (même si j’étais loin alors de comprendre ce que recouvrait la notion de genre et de m’être intéressé avec conséquence à la critique féministe… il me faudra pour cela plusieurs années de lecture, de discussions et de réflexions) : l’auteur y met benoîtement en scène d’un point de vue des plus surplombant et universaliste, la nécessité selon lui de faire passer toutes les luttes particulières contre des inégalités qu’il se trouve ne pas avoir connu, au sein desquelles il se trouve privilégié, après la question qui selon lui les dépasse toutes : la catastrophe à venir (le bateau continue d’aller vers le nord au milieu des iceberg toujours plus nombreux, et il est voué à continuer ainsi jusqu’à l’inévitable collision). Il y a d’un côté « ce qui ne va vraiment pas » : ce que lui a identifié, en dehors de toute considération sur les inégalités sociales – et de l’autre les « petits problèmes mesquins » qu’il n’a pas à subir, pour lesquels il ne profère donc pas de « réclamations dérisoires Le mensonge résidant ici dans le fait que la lutte contre les inégalité de genre, race, classe etc. qui règnent à bord serait, d’après Kaczinski, irrémédiablement incompatible avec un infléchissement de sa trajectoire, ou un arrêt des machines, qu’il y ferait obstacle : stupidement, les infériorisé-e-s qu’il met en scène se fichent sur la margoulette, chacun-e égoïstement, très libéralement focalisé-e sur ses seuls griefs individuels, chacun-e très libéralement identifié-e aussi au caractère particulier qu’ellil se trouve incarner – tandis que, par la voix du mousse, l’universel, c’est à dire l’homme blanc hétérosexiste, lui, sait déjà ce qu’il convient de faire pour les sauver tous - mais du seul naufrage, qui arrivera plus tard. Après seulement – une fois tous rendus à sa raison, une fois que toutes et tous auront admis que leurs luttes étaient mesquines et dérisoires, gageons que le temps sera venu d’en perdre pour le mesquin et le dérisoire. Ou pas.
    Pour un milieu qui se prétend volontiers libertaire, le milieu anti-industriel qui a diffusé alors largement et sans critiquer le cœur de ce texte a eu un peu vite fait de se torcher avec la pensée de Bakounine, sur le fait que la liberté - et donc la fin de l’infériorisation - était une exigence, un besoin immédiat, qui ne saurait se différer : et donc que l’existence de systèmes de rapports de domination étaient pour celleux qui y étaient infériorisé-e-s une cause suffisante de révolte. A lire kaczinski, au nom de la collision à venir du navire de la fable contre l’iceberg, de la catastrophe industrielle qui résoudra définitivement tous les différents, il convient au mieux de renoncer à lutter contre les inégalités présentes, de les mettre de côté en attendant, plus tard, une fois la révo – pardon, une fois la catastrophe évitée, de voir ce qu’on pourrait y faire. En attendant, les dominé-e-s seraient bienvenus de cesser de jouer les égoïstes, vu que ça ne fait que les mener à contribuer au progrès, et de se mettre à penser un peu à l’intérêt supérieur de tout le monde, _c’est-à-dire, de fait, au seul intérêt que les dominants connaissent. Je me rappelle avoir entendu, en d’autre temps, des staliniens seriner un air semblable aux libertaires sur l’Etat, sans parler de tous les révolutionnaires, qui expliquent encore aux féministes que pour l’égalité entre hommes et femmes, il faut d’abord faire la révolution.
    Je tiens pour ma part pour l’exact contraire : et qu’il y aurait beaucoup à creuser, sur le rôle que les inégalités sociales comme le genre, lorsqu’on se refuse à chercher à les connaître et les penser avec conséquences, ou dans la mesure ou les dominants y sont prêts à tout ou presque pour empêcher qu’il y soit mis fin, sont amenées à jouer, comme moteur toujours renouvelé pour une quête permanente de solutions techniciennes et scientistes aux maux qu’elles génèrent.
    Mais pour cela, il faut que ceux, majoritairement hommes, blancs, hétérosexistes, et j’en passe et d’autres privilèges, qui produisent, promeuvent et diffusent la critique anti-industrielle admettent qu’ils sont quand même pleinement partie prenante au sein de rapports de domination qui structurent de part en part cette même société, que leur critique n’est pas indemne des positions relativement privilégiée qu’ils y occupent : et que les critiques des rapports de domination existant, formulées par celleux qui les subissent, font partie de la critique de cette société au même titre que la critique anti-industrielle.
    Qu’en conséquence de quoi, avant de prétendre disputer très virilement de « la reproduction artificielle de l’humain », ou de la « nature de la filiation » (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=427 ) , la première des choses à faire pour le mouvement anti-industriel est de cesser d’envisager la critique du genre avec une honnêteté intellectuelle jusqu’ici proche de celle de la manif pour tous.

    • @Aude V

      merci de ton encouragement.

      J’ai relu ce matin à tête reposée le début du 4ème chapitre, si joliment intitulé Les crimes de l’égalité (il fallait oser), de ce qui m’apparaît désormais beaucoup plus clairement de la part d’Alexis Escudero et de PMO comme une entreprise délibérée et très intéressée de falsification d’une partie au moins de la critique féministe radicale, de la critique féministe matérialiste.

      (A vrai dire, le début de travail de remise sur pied du propos de l’auteur occasionné par la rencontre et la confrontation avec votre approche critique de son oeuvre me la rendue du coup beaucoup plus lisible, et a conforté ce premier ressenti à son endroit qui me l’avait rendu inabordable : lorsqu’on cesse de chercher à réagir à des « maladresses d’alliés » face à ce qui est en fait une agression commise par quelqu’un qui traite une pensée que vous partagez et respectez avec hostilité et malhonnêteté, qui vous traite en ennemi, lorsque l’on se décide de nommer l’hostilité, lorsqu’on attend plus de son auteur autre chose que de l’hostilité, ses désarmantes « maladresses » deviennent de très éloquentes agressions, des attaques auxquelles il devient enfin possible de répondre...)

      Je n’y avais pas prêté attention à la première lecture, mais au début de ce chapitre, lorsqu’il se hasarde à préciser ce qu’il entend par égalité, Escudero cite bien Christine Delphy, et à propos du genre qui précède le sexe. On ne peut donc lui reprocher d’ignorer l’existence de cette critique. Seulement, il la cite en la falsifiant, en prétendant y lire le contraire de ce qu’elle dit, et se fait ensuite un devoir de la corriger à sa façon, et à son avantage. Une telle pratique n’est pas maladroite, mais malhonnête, et un tel texte constitue bien une forme d’agression anti-féministe caractérisée.

      Je prépare un billet plus complet à ce propos, parce que la prose d’Escudero est véritablement déroutante et demande d’être décortiquée, et parce que cette falsification me semble particulièrement significative, non seulement parce qu’elle porte sur un désaccord fondamental sur les questions de nature et d’égalité, mais encore pour ce qu’elle manifeste des « intersections » entre les oppressions - tant que des hommes ne reconnaissent pas la validité de la critique féministe du système de domination de genre, ils continuent de défendre leurs privilèges comme ce système le leur a appris. il me semble qu’il faudrait défendre face au discours arrogant et si masculin de PMO/Escudero qu’aucune « critique radicale » à prétention universelle ne peut être formulée à partir d’une seule et unique position infériorisée, aliénée ou dominée particulière (à croire que l’histoire du discours ouvriériste sur la mission historique du prolétariat et de la catastrophe stalinienne ne leur sont d’aucune utilité !). Et qu’au contraire, toute critique qui se veut radicale se doit de prendre la peine d’examiner en quoi la position depuis laquelle elle est formulée la conditionne, et la rend elle-même critiquable ; que les auteur-e-s de n’importe quelle critique qui se veulent radical-e-s n’ont d’autre choix que de questionner les quelques privilèges qui peuvent être les leurs, que de prendre au sérieux les critiques formulées à l’encontre de cette position, et des privilèges qui la caractérisent.

    • Attention toutefois que le fait de questionner nos propres privilèges (être précaire mais homme, être femme mais blanche, être racisé⋅e mais de classe moyenne, etc) ne fasse pas oublier nos propres points de vue et donc nos propres critiques de départ.

      Que par exemple, je dois prendre en compte le point de vue féministe (que je ne peux pas avoir moi), mais je n’oublie pas ma critique anti-industrielle de départ, et j’essaye de transiger le moins possible dessus (quand bien même on doit accepter de « céder du terrain » comme m’a dit @aude_v l’autre jour, afin d’aboutir à une voie qui convienne à plus de monde que tel ou tel groupe radical). Cela vaut aussi pour les autres groupes bien sûr. :)

    • @Aude V

      je n’ai pas eu l’occasion de lire les explications d’Escudero dans La Décroissance, mais je veux bien admettre qu’il ait pu y revenir sur ses propos, ou entendre quelques critiques : ça n’est pas la matière qui manque. Il aura eu l’embarras du choix !
      Mais il me semble que pour l’essentiel, le mal est fait : son livre est publié, et PMO continue de lui faire la même promotion résolument orientée, reprise telle quelle par plusieurs sites anti-indus ou de critique « radicale ». Aucun des référencements que j’ai pu en lire sur le net ne fait mention du moindre trouble vis-à-vis de son contenu comme de sa présentation - si ce n’est ceux de rares blogueuses féministes comme toi.

      Il me semble qu’une vraie remise en question de sa part appellerait pour le moins un désaveu cinglant (que je n’ai lu nulle part à ce jour) des présentations de PMO (Pour ma part, à chaque fois qu’il m’est arrivé de publier quelque chose - j’ai eu quelques brochures et revues photocopiées à mon actif, sans parler de textes mis en circulation sur le net - je me suis efforcé autant que je le pouvais de ne laisser personne dire n’importe quoi dessus, et se permettre d’en faire sur mon dos une présentation fallacieuse, même dithyrambique. Il me semble que c’est là la moindre des choses lorsqu’on prend le risque de dire quelque chose publiquement, et de le faire par écrit.).
      Et surtout, et plus encore, de conséquents amendements à son texte - à même de le rendre méconnaissable.

      Je ne dis pas que ce serait facile, je m’efforce seulement de tirer le minimum de conséquences qu’un tel mea culpa impliquerait. (Et si les critiques qu’il reçoit de vive voix devaient l’y inciter, tant mieux : mais je ne suis pas optimiste).

      A la lecture, Escudero ne me paraît hélas guère trahi ou falsifié par les viriles rodomontades des chapeaux de PMO.
      Il ne manquait pas d’occasions d’écrire tout autre chose que ce qu’il a écrit, de donner par exemple de la place aux rapports de domination de genre, et à la manière dont ils se manifestent et s’inscrivent dans la technolâtrie dominante, à la manière dont le libéralisme, la technolâtrie, le patriarcat et le racisme se renforcent, s’appuient les uns sur les autres pour se perpétrer : il est tellement plus facile pour un homme anti-industriel de tomber, en accord avec le reste du patriarcat, sur le râble des inconséquentes féministes et des inconscient-e-s LGBT que de s’interroger sur sa propre position dans les rapports de domination de genre... - mais cette attitude de par sa facilité me paraît garantir à la critique anti-indus’ de piétiner au mieux dans une impasse, ou de se retrouver très vite égarée en très mauvaise compagnie ; qui plus est, nécessiter un très handicapant renoncement à critiquer l’idée religieuse de Nature.

      Je trouve que sa critique de la reproduction, sous une étourdissante profusion de références et de citations de ce que la technolâtrie produit de pire, manque de fait singulièrement de fond conceptuel. Cette abondance de documentation peine à dissimuler ce qui me paraît être une confusion certaine : il n’était pas nécessaire d’aller chercher autant de références pour produire un résultat aussi calamiteux.

      Pour ce que je suis arrivé à m’infliger (ce fameux chapitre 4, pour l’essentiel), à chaque fois qu’Escudero y a le choix entre citer une auteure peu crédible, un homme encore moins sur pareil sujet, ou plutôt, de se plonger dans les critiques élaborées par quelques auteures féministes radicales, il commet la même malencontreuse bourde - et présente les propos de l’une ou l’autre des deux premiers comme la substance des thèses des troisièmes. Une fois ou deux, à la rigueur... Effectivement, les maladresses existent, mais dans pareil texte au ton pamphlétaire, ça ne fait pas sérieux, au mieux cela décrédibilise la charge de l’auteur.
      Et chez lui, c’est quasi systématique !

      Mon projet de billet avance bien.

    • Le problème c’est que parfois c’est le cas… et parfois pas. :(
      Donc pas forcément aussi simple que ça de dire « tous les oppresseurs dans le même camps ».

      On sait très bien qu’il y a aussi de nombreux cas où le libéralisme se sert de l’anti-patriarcat pour avancer sur la marchandisation du monde, ou ceux où le patriarcat se sert de l’anti-libéralisme (parfois très justifié) de certaines catégories sociales pour revenir sur des avancées des droits des femmes, etc.

      Pas toujours facile de formuler des opinions complexes quand on veut reste concis et de pas développer toutes les exceptions et cas possibles.

    • @Rastapopoulos
      @Aude

      Ok, il est risqué de vouloir synthétiser quelque chose d’aussi complexe que la façon dont les rapports de domination et les aliénations diverses et avariées, et les critiques et luttes se croisent, se mêlent et tutti quanti.

      Plus précisément, @Rastapopoulos, mon propos n’était pas de prétendre que "tous les oppresseurs sont dans le même camp" (je crois que vous l’aviez très bien saisi - et en même temps que vous avez probablement raison, cela va sans doute mieux en le disant), mais plutôt de faire remarquer que face aux critiques et aux luttes les plus vigoureuses, radicales et estimables, l’oppression a une fichue tendance à réussir à retomber sur ses pattes [astérisque] (quitte à devoir en sacrifier une), et à prendre de court pas mal de gen-te-s, voire à faire d’elleux ses agent-e-s en trouvant à se rééquilibrer autrement à son avantage - du point de vue des êtres humains et de la vie en général, peu importe que l’oppression doive s’appuyer plus sur le patriarcat, le racisme, le nationalisme, le marché, la démocratie ou la fuite en avant technicienne ou autre chose.

      [astérisque] [Oups. Me voilà à nouveau pris en flagrant délit de synthèse à l’emporte-pièce et de personnalisation métaphorique pas forcément des plus parlantes pour tout le monde... (à me relire, je me demande si l’oppression n’aurait pas des pattes velues) ]

      Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une "libération sexuelle" obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.
      Ah oui, les images ont changé et défrisent certes désormais les plus vieux ou archaïques des patriarches, mais l’ordre reste le même : et les hommes en bénéficient toujours.

      Je pense aussi à la façon dont les techniques de PMA et les prétentions à artificialiser le vivant me semblent constituer pleinement une réponse de la part de l’ordre social patriarcal/libéral/technicien/colonial... (liste non exhaustive !) à une part au moins de la critique du genre : à la critique de la conception genrée de la procréation
      Cette conception qui prétend relier naturellement (et donc définitivement) sexe, couple, procréation et filiation, fonder en nature sur cette base la place plus ou moins étroite socialement réservée aux uns et aux unes, cette conception qui de fait ne patauge jamais aussi sûrement dans le social et la production humaine que quand elle brandit la Nature
      Pour rentrer un peu dans le sujet, je renvoie à la lecture d’articles sur l’histoire de la PMA et de la fabrication du naturel, comme ceux d’Ilana Löwy par exemple, qui me semblent exposer combien les hiérarchies de genre se perpétuent avec le progrès technique :
      « Nouvelles techniques reproductives, nouvelle production du genre » http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-5.htm

      « La fabrication du naturel : l’assistance médicale à la procréation dans une perspective comparée »
      http://www.cairn.info/revue-tumultes-2006-1-page-35.htm
      Il faut que l’aveuglement masculiniste de PMO/Escudero soit considérable pour que pareils titres et pareils sujets ne les aient jamais intéressés - « L’invention du naturel » est d’ailleurs le titre d’un livre paru en 2000, sous la direction de Delphine Gardey et Ilana Löwy, qui propose de très stimulantes réflexions sur « les sciences et la fabrication du féminin et du masculin » : mais il est vrai que pour les hommes de Pièces et Main d’Oeuvre qui produisent une critique exclusivement anti-industrielle, le féminin et le masculin ne sauraient être fabriqués ni produits, puisqu’ils sont évidemment, c’est le bon sens même, naturels… A consulter leurs notes de bas de page, à une critique féministe radicale de la procréation et de la manière dont se fabrique le sexe à partir du genre, ou la notion de Nature... ils préfèrent de loin accorder toute leur attention à ce qu’écrivent de plus ou moins virils technolâtres, et de plus ou moins technolâtres auteurs masculins - comme Testard ou Habermas, - ou à des femmes au propos, sinon essentialiste et confusionniste au point de celui d’une Peggy Sastre, pour le moins très éloigné de la critique féministe radicale. ).

      Il me paraît pourtant assez peu crédible de prétendre chercher à formuler une pensée critique radicale sur les enjeux que recouvre aujourd’hui la question de la procréation sans donner aux considérations féministes sur le genre (ainsi qu’à quelques autres) une place conséquente : en aucun cas on ne saurait les tenir pour négligeables devant, par exemple, les seuls et uniques méfaits stérilisants de l’artificialisation technicienne.
      C’est bien pour cela qu’il me semble important de mener une critique des positions rigides et étroites telles que celles des PMO/Escudero : tout en se prétendant radicalement émancipatrices avec de grands effets de manches, elles sont déjà, de par leur caractère lourdement monolithique et résolument hostile à tout point de vue qui ne se puisse inféoder au leur, pleinement au service du maintien d’oppressions dont leurs auteurs, en tant qu’hommes, se trouvent justement être les bénéficiaires.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      En ce début de XXIème siècle, la promotion d’une PMA des plus technolâtre, libérale et toujours genrée, (bien que tôt ou tard vraisemblablement ouverte aux couples de même sexe), me semble tout de même déjà constituer, pour le système de rapports de domination de genre et sa hiérarchie, une réponse rudement plus efficace et prometteuse aux menaces que représente pour lui la critique et la lutte féministe une réponse qui doit être pensée comme telle si l’on entend s’en prendre avec un minimum de conséquence au genre comme à la technolâtrie. (cela demande aussi de se montrer capable de comprendre pourquoi se contenter d’être vachement et virilement "plus-radical-que-moi-Le-Meur" sur un seul sujet et donc se faire un devoir de traiter en chienne enragée toute critique qui ne soit pas au moins aussi étroitement focalisée sur ce même sujet revient alors, du point de vue des dominé-e-s, à faire pire que n’avoir rien critiqué - et a mettre au service de l’ordre existant les armes critiques que l’on a forgé, à son bénéfice, contre les autres critiques et luttes qui pourraient l’affaiblir ou menacer sa perpétuation)
      Une réponse assurément plus efficace et prometteuse que celle, par exemple, très spectaculaire, du ridicule barnum folklorique de la manif pour tous, qui a le gros défaut, face à la critique des rapports de genre, de s’exprimer sur le sujet non pas comme on l’aurait fait effectivement il y a un ou deux ou huit ou dix siècles, mais de façon caricaturale, comme ses animateurs s’imaginent niaisement aujourd’hui, depuis leur conception actuelle de ce passé, qu’on devait nécessairement le faire toujours et partout avant le recul de l’église. (et sur ce tout dernier point, je renvoie par exemple les curieux qui ne l’auraient jamais lue aux écrits d’une historienne féministe comme Michèle Perrot – mais c’est loin d’être la seule)

    • Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une « libération sexuelle » obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.

      Oui je pensais, entre autre, à ce genre de choses.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      Tout dépend de qui on parle… et si on connaît personnellement les gens en face à face, IRL comme on dit sur le net… et depuis combien de temps on les connaît, etc.

      Ce n’est pas toujours qu’une question purement théorique. L’amitié ne se joue pas que sur les idées politiques, même si c’est un des points qui entre en ligne de compte.

      Et sinon une citation de la première revue :

      Les nouvelles techniques reproductives, utilisées au niveau local et international, auraient donc à leur tour des impacts de genre, mais aussi en fonction de la classe ou de l’origine, particulièrement complexes : elles protègent les femmes et les couples des stigmates de l’infertilité, créent de nouvelles parentalités indépendantes de l’hétéroparentalité normative tout en reconduisant des inégalités préexistantes et comportant d’importants risques d’exploitation.

    • @Aude

      Tant mieux si l’auteur entreprend sous la pression de la critique de revoir quelques unes de ses positions.

      Mais son livre n’en demeure pas moins non seulement une critique ratée, parce qu’outrageusement partielle et aveugle sur ses propres manques, de la reproduction médicalement assistée (ce qui en soit, serait dommage, mais sans conséquences trop néfastes), et surtout une attaque confusionniste réussie contre la critique radicale, et pas seulement féministe (ce qui est nettement plus gênant).

      Entre le naturalisme confus des arguments et l’étroite masculinité du point de vue, mon écoeurement balance.

      Pour ce qui est de la pensée de Delphy, et du répugnant procédé auquel il a eu recours pour la dénigrer, l’auteur a une importante remise en question à faire.
      Faire le choix de falsifier une pensée (dont le propos est assurément incompatible avec celui de « La reproduction artificielle de l’humain » : mais pour des raisons dont Escudero, dans le cadre de son pamphlet, ne peut que nier l’existence - ne serait ce que ce que sa critique du genre implique quant au naturalisme), ponctuer la calomnie par l’insulte en l’associant à un vieux machin aussi répulsif que Mao c’est là une démonstration d’hostilité qu’il lui faut assumer.
      Le pamphlet et son style casseur d’assiette (La démolition jubilatoire, qui peut se teinter de mauvaise foi, dans ce registre, est le traitement habituellement réservé aux ennemis) n’excusent pas tout.
      Pour le coup, cela dépasse la seule question du rapport à la critique féministe.

      Si une dénonciation de la manière dont la politique politicienne a posé le débat en termes de pour ou contre les droits des homosexuels était parfaitement justifiée, je pense qu’il est plus urgent de défendre la critique féministe radicale et la critique du naturalisme comme possible fondement d’une critique radicale de la société technicienne et de sa technolâtrie, que de se précipiter dans une spectacliste critique de la PMA.

    • @Aude V

      Je te prie de m’en excuser, j’avais manqué ta réponse, ainsi que ton edit. Je ne les découvre qu’à l’instant.

      Il y a quelque chose que je peine à saisir dans ta position vis à vis d’Escudero et de son bouquin. Je ne parviens pas à savoir de quoi il retourne.

      Je crois que pour Escudero, j’en suis encore à prendre conscience de la position dans laquelle il se trouve. Pour que j’aille à sa rencontre en sachant vers quoi j’irais, il faudrait que j’ai d’abord fini d’estimer la distance qui nous sépare.

      Je crois que je juge de loin plus important de défendre les critiques qu’il a falsifié ou ignoré que le contenu d’une enquête dont la complaisante prétention à la radicale originalité tient tout de même beaucoup trop, à mon avis, à tout ce que son auteur falsifie, ignore ou passe sous silence : plus encore qu’à ce qu’il prétend révéler.

      Peut-être que quelque chose m’échappe ?
      Et peut-être bien que je jargonne, en effet ?

      Je n’en sais rien.

      Je n’ai pas écouté l’émission en question.

      Mais c’est de t’avoir lue que je dois d’être parvenu à enfin recommencer à écrire à propos de la critique anti-industrielle.

  • RFC 6891 : Extension Mechanisms for DNS (EDNS(0))

    L’extension #EDNS au traditionnel #DNS a plus de treize ans et fête cette longue durée avec une nouvelle version, essentiellement cosmétique. EDNS a servi à faire sauter un certain nombre de barrières qui limitait la croissance du DNS, notamment l’antédiluvienne limite des réponses à seulement 512 octets.

    Rien de dramatique dans la nouvelle version, mais c’est l’occasion de réviser cette technique.

    http://www.bortzmeyer.org/6891.html

  • L’agent Moatti (Alexandre) a fait son travail de policier, en enquêtant dans le chapitre XVII (idéologie d’ultra-gauche contemporaine) de son livre « Alterscience ». Loin d’un débat d’idée, il s’agit plutôt d’une traque pour connaître l’idéologie « néo-anarchiste » contre « l’écologie scientifique ». On lit un défilé de fiches de lectures sur l’Encyclopédie des Nuisances, Pièce et Main d’Oeuvre, Oblomoff et Notes & Morceaux Choisis, bien sur, mais aussi des fiches sur René Riesel et Bertrand Louart.
    Un véritable travail de policier avec examen de l’écriture (avec l’aide de Isabelle Sommier) pour imaginer la formation des personnes incriminés...
    #PMO #Oblomoff #Alexandre_Moatti #EdN #Bertrand_Louart