• #Budget : « On a une image totalement déformée de la #dépense_publique »

    « Nous dépensons trop », a déclaré #François_Bayrou le 15 avril sur le budget 2026. Le gouvernement prévoit de nouvelles #coupes_budgétaires, de 40 milliards d’euros, pour l’année prochaine. Décryptage avec l’économiste #Christophe_Ramaux.

    Deux mois après avoir fait adopter un budget 2025 qui rognait déjà sur les dépenses publiques, le ministre de l’Économie, #Eric_Lombard, a annoncé, en fin de semaine dernière, de nouvelles coupes budgétaires de l’ordre de 40 milliards d’euros. Le 15 avril, François Bayrou a confirmé cette annonce permettant, selon lui, de maintenir l’objectif de #déficit à 4,6 % du PIB en 2026.

    Pour Christophe Ramaux, enseignant à l’université Paris 1, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne, la dépense publique n’est pas un #indicateur_économique pertinent. Entretien avec cet enseignant à l’université Paris 1, chercheur au centre économique de la Sorbonne et membre des Économistes atterrés, qui préconise plutôt d’aller chercher des #recettes pour combler le #déficit.

    Basta ! : Le ministre de l’Économie, Eric Lombard, ne cesse de rabâcher un chiffre : 57% de notre produit intérieur brut (PIB) serait consacré à la dépense publique. En répétant ce montant, qu’il juge colossal, il sous-entend que l’État est déjà très généreux. Couper dans la dépense publique serait donc sans grandes conséquences sociales. Mais la France est-elle réellement ce pays qui dépense de l’argent public à tout va ?

    Christophe Ramaux : On a une image totalement déformée de la dépense publique. Quand on dit que la dépense publique c’est 57% du PIB, la plupart des gens imagine que l’on prélève plus de la moitié de la richesse créée par le privé, qui serait le seul secteur productif, pour payer les fonctionnaires. Tout est faux dans cette phrase.

    La dépense publique est un indicateur très imparfait. On mélange un peu tout dedans et on fait des doubles comptes. Par exemple, elle comprend les salaires versés aux fonctionnaires, dont les cotisations sociales… Mais ces mêmes cotisations sont à nouveau comptées dans les dépenses de retraite ! Le chiffre de 57% du PIB n’est pas faux, mais il ne correspond pas à une part du PIB. Ce n’est pas parce que la dépense publique est à 57% que la dépense privée est à 43%. Au contraire, si on calculait la dépense privée de la même manière que l’on calcule la dépense publique, elle serait de l’ordre de 200% du PIB.

    Même si le gouvernement refuse d’employer le mot. Sommes-nous face à une politique austéritaire ?

    La part des #services_publics dans le PIB n’a pas augmenté depuis 40 ans. Donc il y a bien eu de l’#austérité. Pourquoi je dis ça ? Parce que, normalement, plus une société est riche, plus elle consacre de l’argent pour ce qu’on appelle les « #biens_supérieurs » : l’#éducation, la #santé, la #culture. Il ne vous a pas échappé que ce sont les terres d’excellence des services publics.

    Or, il y a beaucoup plus de bacheliers aujourd’hui que dans les années 1980, on aurait donc dû consacrer plus d’argent à l’éducation. On ne l’a pas fait. De même, la population vieillit donc on aurait dû augmenter les dépenses de santé. Cela n’a pas été le cas. Donc il y a bien eu de l’austérité.

    A quoi servent précisément les 1670 milliards d’euros de dépense publique ?

    Contrairement aux idées reçues, sur les 1670 milliards, un quart seulement sert à payer les #fonctionnaires. Environ une moitié (710 milliards) est consacrée aux « #prestations_sociales » et aux « transferts sociaux en nature de produits marchands » – la part remboursée des médicaments et des consultations médicales.

    Les prestations sociales (530 milliards, en 2023) financent essentiellement les #retraites (380 milliards), mais aussi le #chômage, le #revenu_de_solidarité_active (#RSA), l’#allocation_adulte_handicapé (#AAH), les #allocations_familiales… Les transferts sociaux en nature de produits marchands comptent pour 180 milliards. Quant au quart restant, il constitué de divers postes : aide aux ménages et aux entreprises, intérêts de la #dette (50 milliards), etc.

    La dépense publique n’est pas un puits sans fond. Et il faut savoir que le secteur public est productif ! Le calcul du PIB le prend d’ailleurs en compte. Sur les 3000 milliards de PIB actuel, environ 20% est ajouté par les fonctionnaires, soit 470 milliards. L’argent n’est donc pas dilapidé, puisqu’un quart de la dépense publique (salaire des fonctionnaires) augmente le #PIB !

    De même, les trois autres quarts offrent des débouchés pour le privé. Les retraités, que font-ils de leur retraite ? Ils font les courses, ils consomment. De même pour les chômeurs. La #commande_publique ? Elle finance en grande partie le privé, notamment le secteur du BTP si on pense à la construction d’écoles, de routes… Ce ne sont pas les fonctionnaires qui manient la truelle ! Donc quand on réduit la dépense publique, cela a inévitablement un effet sur le privé.

    Si on préserve la dépense publique, comment réduire le déficit ?

    Le #déficit_public est avant tout un problème de #recettes. Depuis 2017, premier mandat d’Emmanuel Macron, la dépense publique en pourcentage du PIB n’a pas augmenté. Ce qui a baissé, ce sont les #prélèvements_obligatoires (#impôts et #cotisations_sociales). On n’a jamais eu de baisse aussi élevée des ces prélèvements en un temps aussi court. On pense bien sûr à la suppression de l’#impôt_sur_la_fortune, #ISF, du prélèvement forfaitaire unique, à la baisse de l’#impôt sur les sociétés ou encore à la suppression de la #taxe_d’habitation (20 milliards d’euros), essentiellement payée par les ménages les plus riches. En tout, on arrive sur une baisse de 60 à 70 milliards de recettes.

    Au lieu de réduire la dépense publique, on pourrait évidemment aller chercher de nouvelles recettes. Déjà en revenant sur cette contre-révolution fiscale mise en place par Emmanuel Macron. On pourrait aussi remettre en cause certaines niches fiscales et sociales. Une part du déficit de la sécu pourrait être comblée si on cessait de ne pas soumettre à cotisation sociale une partie des revenus comme les heures supplémentaires, l’intéressement la participation, la prime de partage de la valeur (ex « #prime_Macron »)…

    https://basta.media/budget-on-a-une-image-totalement-deformee-de-la-depense-publique
    #dépenses_publiques #France #économie #fiscalité

  • #evras, dans le feu des contestations | La Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente
    https://ligue-enseignement.be/education-enseignement/articles/dossier/evras-dans-le-feu-des-contestations

    Incendies d’écoles, alertes à la bombe, menaces de mort. En septembre 2023, les réactions à un programme d’Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle terrorisent l’enseignement francophone. Retour sur une crise qui a menacé l’État de droit.

    -- Permalien

    #belgique #éducation #complotisme

  • De l’utilisation des smartphones et des tablettes chez les adolescents par Ploum - Lionel Dricot.
    https://ploum.net/2025-04-10-smartphone_ado.html

    Les pédiatres et les psychiatres recommandent de ne pas avoir une utilisation régulière du smartphone avant 15 ou 16 ans, le système nerveux et visuel étant encore trop sensible avant cela. Si une limite d’âge n’est pas réaliste pour tout le monde, il semble important de retarder au maximum l’utilisation quotidienne et régulière du smartphone. Lorsque votre enfant devient autonome, privilégiez un «  dumbphone  », un simple téléphone lui permettant de vous appeler et de vous envoyer des SMS. Votre enfant arguera, bien entendu, qu’il est le seul de sa bande à ne pas avoir de smartphone. Nous avons tous été adolescents et utilisé cet argument pour nous habiller avec le dernier jeans à la mode.

    -- (...)

    #éducation #écran #parentalité

  • L’Assemblée impulse le #MeToo_scolaire
    https://blogs.mediapart.fr/francois-jarraud/blog/100425/lassemblee-impulse-le-metooscolaire

    Le principal apport de ses travaux c’est la mise en évidence de « la désorganisation des responsabilités et des acteurs », pour reprendre les propos du rapporteur P. Vannier (LFI). L’audition, le 31 mars, de l’état-major du ministère de l’#Education nationale a mis en évidence l’absence de pilotage du suivi des #violences des adultes dans les établissements. A la question de V. Spillebout (EPR), autre rapporteur, sur ce pilotage, répond un très long silence des hauts fonctionnaires. Si le chef du service défense et sécurité du ministère, Christophe Peyrel, est capable de chiffrer le nombre de violences mettant en cause des personnels remonté par le logiciel Fait établissement (1198 en 2023), personne n’est capable de dire ce qui en est fait ! Le directeur général des relations humaines, Boris Melmoux-Eude peut citer le nombre de sanctions communiqué à la Direction générale de la Fonction publique. Mais cela ne concerne que 204 cas (et non 1198) et exclusivement dans l’enseignement public. Il n’a aucune donnée pour le privé. Il n’y a pas plus de suivi du coté de la Justice. « On n’a pas la possibilité de s’assurer que tous les faits aient fait l’objet d’une suite adéquate », reconnait C. Peyrel. Le suivi des signalements est de la seule responsabilité des chefs d’établissement et des services académiques. Au ministère personne ne suit les dossiers du public. Et encore moins ceux du privé !

    [...]

    Ce que montre déjà la commission d’enquête c’est le caractère systémique de ces violences. Le système déconcentré de l’Education nationale n’assure aucun suivi des faits signalés. Il ne met aucun zèle à encourager les #enseignants et les agents à signaler. Bien au contraire, les syndicats enseignants, auditionnés le 3 avril, témoignent que des consignes sont données pour que les signalements passent par la voie hiérarchique. Comme l’explique un représentant FSU, cela crée un conflit de loyauté pour les enseignants s’ils passent outre. Les représentants de Sud et de FO signalent des enseignants sanctionnés pour avoir transmis des informations. Cela, alors que l’article 40 du Code de procédure pénal impose aux fonctionnaires de signaler. C’est aussi un problème budgétaire. Les personnels qui savent faire ces signalements ainsi que les Informations préoccupantes (#IP) sont de moins en moins nombreux dans les établissements : 2200 assistantes sociales, 7800 infirmières, 600 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves. Les professeurs des écoles savent faire des IP mais on leur dit qu’il faut transmettre copie aux parents qu’ils croisent tous les jours à la sortie de l’école... Ils ne savent pas que des signalements peuvent être faits anonymement.

    [...]

    Le ministère arrive à être une organisation hyper hiérarchisée et centralisée mais inefficace pour un sujet qu’elle n’a pas considéré majeur.

    C’est le plus grave obstacle à venir. Les violences exercées sur des élèves, même quand elles durent des années, n’ont pas éveillé d’intérêt. Dans ce registre, il est inquiétant de voir que peu de députés assistent aux auditions de la commission d’enquête. Dans la plupart des réunions il n’y a que deux députés pour poser des questions.

    Pourtant c’est peut-être cela qui est en train de changer. Après des années d’omerta, les institutions scolaires privée et publique ont honte. Les rapporteurs témoignent des très nombreux messages qu’ils reçoivent de victimes. Les victimes se sentent entendues pour la première fois. « Elles ont le sentiment que pour la première fois il y a une reconnaissance », explique Paul Vannier. « Des fonctionnaires viennent nous remercier ».

    #enseignement_privé

    • « Défaillances » de l’Éducation nationale face à un enseignant prédateur : l’inspection générale fait l’autopsie d’un fiasco
      https://www.mediapart.fr/journal/france/220425/defaillances-de-l-education-nationale-face-un-enseignant-predateur-l-inspe

      De la fin des années 1990 jusqu’au début des années 2020, cet enseignant brillant et charismatique a joué de son autorité et son emprise pour attirer de nombreux élèves chez lui, dont certains l’accusent aujourd’hui d’agressions sexuelles et de viols (voir nos révélations précédentes).

      Alors que des alertes relatives au comportement inadapté de cet agrégé ont commencé à remonter à l’administration dès l’été 2021, l’enseignant n’a été mis à l’arrêt qu’en septembre 2023, après qu’un ancien élève a déposé une plainte au pénal – une première suivie de huit autres.

      Pascal V. s’étant suicidé dans la foulée, ses victimes se retrouvent aujourd’hui privées de procès. Mais l’Éducation nationale, elle, n’en a pas fini avec cette affaire, puisque plusieurs anciens élèves ont décidé d’attaquer l’État pour « faute ». Or, d’après nos informations, l’enquête de l’IGÉSR pourrait leur donner du grain à moudre. À l’issue d’une quarantaine d’auditions, les deux autrices du rapport jugent en effet que l’institution a méconnu sa responsabilité administrative et disciplinaire.

  • #Enseignement et #IA : la #consommation contre l’#émancipation | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/amelie-hart/blog/090425/enseignement-et-ia-la-consommation-contre-l-emancipation

    Le discours fataliste de l’adaptation à un monde envahi par les #intelligences_artificielles est un #renoncement aux objectifs émancipateurs du service public de l’#éducation. On peut le mettre en parallèle avec le discours de l’#adaptation au #changement_climatique qui fait oublier l’objectif prioritaire : son atténuation.

  • UNRWA sur X : ““This morning, Israeli officials from the Jerusalem Municipality, accompanied by Israeli Security Forces, forcibly entered six UNRWA schools in East Jerusalem. They gave closure orders for the schools effective in 30 days. UNRWA schools in occupied East Jerusalem are https://t.co/iBnWiB9SRi” / X
    https://x.com/UNRWA/status/1909671215377039714

    “This morning, Israeli officials from the Jerusalem Municipality, accompanied by Israeli Security Forces, forcibly entered six UNRWA schools in East Jerusalem.

    They gave closure orders for the schools effective in 30 days.

    UNRWA schools in occupied East Jerusalem are installations providing #education to Palestine Refugee children.

    Some 800 boys and girls are directly impacted by these closure orders and are likely to miss finishing their school year.

    UNRWA schools are protected by the privileges and immunities of the United Nations. Today’s unauthorised entries and issuance of closure orders are a violation of these protections and represent a revocation of Israel’s obligations under international law.

    These illegal closure orders come in the wake of Israeli Knesset legislation seeking to curtail UNRWA operations.

    UNRWA is committed to stay and deliver education and other basic services to #PalestineRefugees in the #WestBank, including East Jerusalem, in accordance with the General Assembly resolution mandated to the Agency.”

    — @UNLazzarini

  • Bullshit sur Graf’hit
    https://framablog.org/2025/04/08/bullshit-sur-grafhit

    Depuis 2023 et la mise à disposition du grand public des IAG, l’exercice rédactionnel à l’université dysfonctionne. Stéphane Crozat en retranscrit un nouvel épisode dans cet article (les noms des étudiants ont été anonymisés). « En effet, il y a un vrai … Lire la suite­­

    #Éducation #Enjeux_du_numérique #Intelligence_Artificielle

  • L’#IA va-t-elle nous rendre crétins ?

    Les effets du recours à l’#intelligence_artificielle sur les individus suscitent l’inquiétude d’un grand nombre de scientifiques. Ils expriment la crainte qu’elle affaiblisse la capacité de chacun à #penser par soi-même.

    En nous connectant à des contenus de piètre qualité ou en les générant à notre place, l’IA affaiblit notre #esprit_critique.

    Baisse des résultats des tests Pisa, évaluations alarmantes des #capacités_cognitives et effondrement de la #lecture. Ces jours-ci encore, ce constat du déclin de l’#intelligence des jeunes et des adultes alarme le Financial Times. L’état de tutelle des consciences par les écrans où président des IA n’est pas étranger à l’épidémie de #solitude grandissante, affectant aussi nos facultés émotionnelles et sociales. Quel est le rôle de l’IA dans tout cela ?

    L’#IA_prédictive, d’abord, optimise sans cesse nos interfaces numériques afin de nous rendre #accros. L’#économie_de_l’attention repose sur cette absorption du #temps conscient pour extraire des données et influencer les #comportements. L’ingénieur Andrej Karpathy, acteur de la Vallée du silicium, le dit sans détour : « Tiktok, c’est du crack digital qui a attaqué mon cerveau ! » L’#addiction est un fait générationnel. La moitié des adolescents aux États-Unis sont presque constamment connectés. Connectés à quoi ? La « #pourriture_cérébrale » ! Soit des contenus de piètre qualité qui détériorent les #capacités_mentales.

    D’ailleurs, l’expression a été élue mot de l’année par le dictionnaire d’Oxford. Gageons qu’elle rejoigne celle de « #crétin_digital » forgée par Michel Desmurget pour caractériser la surexposition aux écrans. L’IA générative, ensuite, crée du contenu sans #effort. Dans les années 1980, le philosophe Ellul écrivait que si « vous mettez un appareil entre les mains d’un imbécile, il ne deviendra pas intelligent pour cela ». L’actualité continue de lui donner raison. Même les consultants de McKinsey sont trompés par des résultats erronés de ChatGPT. Plus ils y recourent et moins ils sont moins performants et créatifs. Allant dans le même sens, une étude de Microsoft et de l’université Carnegie démontre que l’usage des IA génératives au travail diminue l’esprit critique.

    L’IA interactive, enfin, crée une relation avec l’utilisateur. L’université de Cambridge alerte sur l’essor de ces compagnons IA ouvrant la voie à la capture et la #manipulation de nos intentions. Ce n’est plus seulement l’#attention, mais l’#intention qui est l’objet de la machinerie algorithmique. Même les choix les plus ordinaires (quel film regarder ? quel cadeau offrir ?) sont délégués et toute faculté que l’on n’exerce plus finit par s’atrophier. Ces études ne sont pas anecdotiques, puisque le MIT a recensé pas moins de 777 #risques documentés scientifiquement de l’IA répartis en 23 catégories, dont la #dépendance_affective et la #perte_d’autonomie.

    Le « #capitalisme_numérique colonise tous les lieux que nous dés-habitons », écrit la philosophe Rouvroy. Il en est de même de nos esprits. Le temps d’écran est la continuation du temps de travail. La destruction de nos intelligences est le corollaire de la production au sein de ce #capitalisme. Pour nous maintenir dans un défilement morbide de pourriture cérébrale devant un écran, il faut d’abord nous transformer. La fainéantise d’Oblomov a remplacé le puissant Stakhanov.

    Alerte ! Après la télévision, les jeux vidéo, le rap, les réseaux sociaux numériques, voici la nouvelle innovation qui menace l’intelligence de l’humanité tout entière : l’IA. Les prophéties alarmistes réitérées à chaque nouveauté technologique, fleurissent sur la #crétinisation annoncée des masses, et encore plus sur celle d’une jeunesse déjà régulièrement qualifiée de crétine (digitale).

    Selon plusieurs études récentes, l’IA séduirait la population, fascinée par les #performances de l’outil. Beaucoup de bruit pour une banale évidence : l’absence ou la fragile #éducation – ici, au numérique – nuit gravement à l’exercice d’un esprit critique. Immense boîte noire, nourrie par d’innombrables corpus de textes et d’images, bien souvent sans le consentement de leurs auteurs, l’usage de l’IA générative nous pousse à interroger notre rapport aux #sources, à l’#information, à la #propriété_intellectuelle. Elle nous rappelle combien l’éducation est la clé d’un regard distancié et critique, d’un pouvoir d’agir informé sur le monde. Mais l’IA ne porte aucune responsabilité. Aucune.

    Ont une #responsabilité les professionnels de l’information qui jouent aux apprentis sorciers, se pâmant devant une IA « trop forte », s’émerveillant de ses #performances comme s’ils assistaient à une démonstration de magie. Ont une responsabilité ceux qui s’évertuent à pointer les « erreurs » commises par une IA, surpris qu’un programme conçu pour générer du contenu à partir de #modèles_statistiques « se trompe », et lui reprochant de nous attirer dans les limbes des approximations, méprises et autres faussetés. Dans les deux cas est alimenté le fantasme d’une IA autonome, quasi divine, que nous utilisons, impuissants.

    Prenons le temps. Ne nous jetons pas à corps et esprits perdus dans les multiples potentialités et/ou affres de l’IA. Le procès en crétinisme évite le vrai procès, citoyen celui-ci : de quelle IA voulons-nous ? De celle qui récupère des données que nous cédons sur le Web à des industries sans éthique ? De celle qui, à l’empreinte écologique colossale, condamne un peu plus (vite) l’avenir de notre planète ? De celle à laquelle nous déléguons jusqu’à notre créativité singulière au profit de l’hégémonie d’un savoir standardisé, aseptisé et parfois, pour ne pas dire bien souvent, biaisé ? De celle que l’on utilise pour contribuer à cette accélération dénoncée par Hartmut Rosa qui nous asservit chaque jour davantage aux dogmes les plus avilissants qui soient ?

    Prenons le temps. Celui de mesurer des choix, vertigineux mais aussi passionnants, qui nous reviennent. Celui de prendre nos responsabilités, individuelles et collectives, en décidant de la place que nous souhaitons accorder à une #innovation qui n’est en aucun cas toute-puissante. Celui de faire société, en exerçant notre capacité à « penser d’après nous-mêmes » selon l’intemporelle pensée de Condorcet. L’IA n’a ni cerveau ni valeurs. Nous si. À nous de jouer. Sérieusement.

    https://www.humanite.fr/en-debat/citoyennete/lia-va-t-elle-nous-rendre-cretins

    via @freakonometrics

  • L’éducation entre égalité et efficacité
    https://laviedesidees.fr/L-education-entre-egalite-et-efficacite

    Comment les vagues de massification scolaire ont-elles affecté les stratégies des familles et, plus largement, leur rapport à l’École ? Pierre-Michel Menger, professeur au Collège de France, propose des pistes d’analyse pour éclairer une nouvelle socio-démographie de l’éducation. Entretien suivi d’un essai.

    #Société #éducation #famille #égalité
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250404_menger-2.pdf

  • À la prison pour mineurs de Marseille, le droit à l’éducation gravement menacé

    Les enfants et adolescents incarcérés à l’EPM (établissement pour mineurs) de la Valentine, à Marseille, ont été privés de cours à plusieurs reprises au mois de mars, faute de personnel pénitentiaire pour assurer la surveillance et les déplacements jusqu’au pôle scolaire.

    La proposition de loi de Gabriel Attal, adoptée le 26 mars par le Sénat, prévoit de multiplier les peines de prison pour les mineurs. Mais les élus ont-ils bien conscience de ce que ces peines signifient en pratique ? Lors de la visite du député Jean-François Coulomme à l’EPM de la Valentine, le 14 mars, trois surveillants seulement étaient présents en détention, pour les 54 enfants et adolescents répartis dans les sept unités de vie de l’établissement. En conséquence, les jeunes ont passé la journée confinés dans leur cellule, sans accès aux cours, aux activités sportives ou culturelles ou à tout autre temps collectif. « Priorité à la sécurité, à la promenade et à l’accès aux soins », a déclaré la cheffe d’établissement.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/02/22/suppression-dactivites-en-prison-le-droit-a-la-reinsertion-menace/#comment-66102

    #prison #education

  • Affaire de Bétharram : devant la commission d’enquête, le récit des pressions subies par la professeure qui a voulu briser l’omerta
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/26/affaire-de-betharram-devant-la-commission-d-enquete-le-recit-des-pressions-s

    Dès la « fin 1994 ou début 1995 », elle effectue des signalements : elle écrit à François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, à qui elle dit avoir également parlé de vive voix quelque temps plus tard, elle fait un courrier au tribunal, se rend à la gendarmerie, s’adresse à la direction diocésaine, ainsi qu’au médecin de la protection maternelle et infantile.

    « De la torture et de la barbarie »

    « Le seul qui m’a répondu, c’est l’évêché », résume Françoise Gullung. Elle est « convoquée » par un responsable de la direction diocésaine qui lui dit « d’oublier tout ça si [elle] veu[t] rester dans l’enseignement catholique ». Parmi ses collègues enseignants, elle décrit le « silence ». Quant au rectorat, elle assure qu’il « ignore complètement » les enseignants du privé, pourtant salariés de l’#éducation_nationale. « On n’a aucun contact avec le rectorat sauf avec un service, celui de l’enseignement privé, une structure complètement close qui fonctionne en roue libre », assène l’ancienne professeure. Dans son récit, elle n’a mentionné aucune alerte aux autorités académiques.

    Puis arrive la fin d’année 1995. En guise de punition, un élève est envoyé plusieurs heures sur le perron de l’établissement, dehors, de nuit, en plein hiver. Après le tollé provoqué par le témoignage de l’élève, qui entraînera le dépôt d’une plainte par ses parents, elle raconte la venue de l’ancien directeur de Bétharram, le père Silviet-Carricart – qui sera accusé de viol en 1998 et se suicidera en 2000 : « Il a réuni tous les profs et nous a dit de ne pas parler (…) en nous disant qu’on risquait de faire fermer l’établissement et que s’ils savaient qu’on en parlait, on serait sanctionnés. »

    De son côté, elle a « considéré que c’était de la torture et de la barbarie ». Elle donne le numéro 119 pour l’#enfance en danger à ses collégiens et leur recommande de raconter à leur famille ce qu’ils subissent. « Je suis devenue immédiatement persona non grata », poursuit-elle. Le surveillant général, appuyé par le directeur Vincent Landel, la « somme » de demander une mutation, ce qu’elle refuse. Au printemps 1996, dans la cour, elle est victime d’une bousculade, qu’elle identifie alors comme une « agression », impliquant le surveillant général et un groupe d’élèves, qui lui provoque des fractures de la face. « Ensuite, dès que je traversais la cour, j’avais des lazzis, on a abîmé ma voiture, on me téléphonait chez moi avec des menaces », énumère-t-elle.

    https://archive.ph/aAF9g#selection-2119.4-2119.21

  • L’Éducation nationale signe pour au moins 74 millions d’euros de solutions et services #Microsoft

    Le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse vient d’attribuer le marché public qui vise à équiper ses services centraux et les établissements supérieurs en solutions Microsoft, des postes client aux datacenters. L’enveloppe prévisionnelle se monte à un minimum de 74 millions d’euros, en nette hausse par rapport au précédent contrat, alors même que le ministère vient d’enjoindre dans une nouvelle circulaire les établissements scolaires à exclure « toute utilisation de solution non souveraine dans le domaine de l’éducation ».

    Si la doctrine technique du numérique pour l’éducation prône l’utilisation prioritaire de solutions libres et souveraines, la rue de Grenelle est loin d’en avoir fini avec les logiciels américains. Le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse vient en effet d’attribuer un marché public, composé de trois lots, qui englobe la fourniture de solutions Microsoft, ainsi que l’ensemble des services d’accompagnement et de support technique associés.

    L’avis, publié le 14 mars dernier au Bulletin officiel, porte plus précisément sur la « concession de droits d’usage à titre non exclusif de diverses solutions de type Microsoft ou équivalent, de support, de gestion, de prestations, de formations et d’assistance technique associées ».

    Le marché couvre un périmètre important, puisqu’il doit répondre à la fois aux besoins des agents des services centraux ou déconcentrés du ministère de l’Éducation nationale, à ceux des établissements de formation et de recherche, mais aussi à ceux des agents des ministères de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et des Sports et des jeux olympiques et paralympiques.

    Il prend la forme d’un accord-cadre qui ne prévoit qu’un montant maximum de dépenses, fixé à 152 millions d’euros hors-taxe, pour une durée maximale de quatre ans. Au sein de cette enveloppe, c’est le lot 1, consacré à la « fourniture de solutions MPSA, EES et CSP-NCE-Educ de Microsoft ou équivalent » qui constitue le plat de résistance, avec un budget indicatif estimé à 16 millions d’euros HT par an, dans la limite d’un plafond fixé à 130 millions d’euros sur quatre ans.

    (#paywall)
    https://next.ink/175788/leducation-nationale-signe-pour-100-millions-deuros-de-solutions-et-services-m
    #éducation_nationale #école #éducation #France #GAFAM #contrat #marché_public

  • À la recherche des profs perdus : la gauche néglige-t-elle l’école ?
    https://lvsl.fr/a-la-recherche-des-profs-perdus-la-gauche-neglige-t-elle-lecole

    Malgré les 12 millions d’élèves et les 866.000 enseignants que compte la France, la question de l’école reste peu abordée dans le débat public. Le livre de Mathieu Bosque, président du parti de François Ruffin, entend reprendre ce combat historique de la gauche. Si son analyse est pertinente, ses propositions restes vagues et incomplètes.

    #Société #école #éducation_nationale #enfants #Enseignement #enseignement_privé #professeur

  • Trump veut supprimer le ministère de l’Éducation

    Pas encore vu dans la presse française, mais ça ne devrait pas tarder

    https://www.nrk.no/urix/trump-vil-legge-ned-utdanningsdepartementet-1.17347825

    Jeudi, le président des États-Unis devrait signer l’ordonnance présidentielle. Donald Trump veut mettre en œuvre l’une de ses principales promesses de campagne présidentielle.

    Par Elise Kvien & Malene Laura Solheim

    Source : Reuters/NTB

    L’ordonnance permettra à la ministre de l’Éducation, Linda McMahon, de « prendre toutes les mesures nécessaires pour supprimer le ministère de l’Éducation et redonner l’autorité éducative aux États fédérés » .

    En parallèle, ils promettent de continuer à garantir « une prestation efficace et ininterrompue des services, programmes et aides dont dépendent les Américains » .

    Le ministère est actuellement responsable d’environ 100 000 écoles publiques et 34 000 écoles privées. Dans le projet d’ordonnance présidentielle, il est précisé que les programmes et activités financés par le ministère ne devront pas promouvoir une idéologie libérale.

    Trump a longtemps exprimé son désir de supprimer le ministère, affirmant qu’il gaspille de l’argent et est « trop influencé par les idées progressistes ».

    Le mois dernier, la Maison-Blanche a déclaré que « le contrôle fédéral de l’éducation a échoué pour les étudiants, les parents et les enseignants » .

    Dans le même temps, le président américain a utilisé le ministère de l’Éducation pour promouvoir sa propre idéologie. Il a notamment menacé de supprimer les financements fédéraux pour des questions telles que la participation des personnes transgenres aux compétitions sportives féminines, l’activisme pro-palestinien dans les écoles et d’autres programmes.

    De plus, Trump espère réaliser d’importantes économies en fermant le ministère.

    Une opposition farouche

    Mais le processus de suppression du ministère ne se fera pas sans heurts. Pour que cette fermeture devienne effective, le Congrès devra donner son accord, puisque c’est lui qui avait créé le ministère en 1979. Les procureurs généraux de 20 États et de Washington D.C. ont intenté une action en justice après l’annonce, la semaine dernière, de la suppression de 1 300 emplois au sein du ministère.

    La suppression du ministère de l’Éducation s’inscrit dans le vaste projet politique de la droite américaine baptisé Project 2025. Lancé en 2022, ce projet a été vivement critiqué pour son caractère autoritaire et antidémocratique. Depuis 2024, Trump s’est montré plus sceptique à son sujet, mais des proches comme Stephen Miller ont joué un rôle clé dans son développement. Sur 44 pages, les ambitions pour le ministère de l’Éducation sont décrites et justifiées. Il y est affirmé que « son affaiblissement et sa suppression donneraient aux citoyens ordinaires plus de pouvoir pour décider de leur propre éducation. »

    #trump
    #éducation
    #états-unis
    #démolition
    #fascisme

  • Opération « Un livre pour les vacances » : le dessinateur Jul dénonce une censure de l’éducation nationale pour « La Belle et la Bête »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/19/operation-un-livre-pour-les-vacances-le-dessinateur-jul-denonce-une-censure-

    Mais voilà que, le 17 mars, alors que les épreuves relues et corrigées sont bouclées, la directrice générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), Caroline Pascal, choisit de suspendre l’impression de l’ouvrage. « Le produit ne permet pas une lecture en autonomie, à domicile, en famille et sans l’accompagnement des professeurs pour des élèves âgés de 10 à 11 ans. Les illustrations de l’ouvrage abordent des thématiques qui conviendraient à des élèves plus âgés », écrit à Jul la numéro deux du ministère, en poste depuis 2024. Mme Pascal cite en exemple les thématiques de « l’alcool », des « réseaux sociaux » et « des réalités sociales complexes », qu’elle ne développe pas davantage.

    « Je suis estomaqué », réagit, devant Le Monde, le dessinateur, qui revendique des dessins « tendres et malicieux ». « L’annulation la veille de l’impression de 900 000 exemplaires d’un classique jeunesse illustré, c’est sans précédent. Techniquement, c’est peut-être même la plus grosse affaire de censure jamais advenue dans l’édition en France ! » Agrégé d’histoire, à la fois dessinateur de presse et auteur de #BD, Jul (Julien Berjeaut de son vrai nom), 50 ans, plaide son parcours – « une cinquantaine de titres jeunesse, ado-adultes, adultes ; trente ans de dessins » – et son style – mélange d’humour et d’esthétique pop – hérité de Gotlib, René Goscinny ou Tomi Ungerer. C’est cette touche, dit-il, qu’a recherchée le ministère lors de la commande passée à l’été 2024 par la ministre de l’#éducation_nationale Nicole Belloubet, puis validée par sa successeure, Anne Genetet, en novembre 2024.

    https://archive.ph/IeW0e#selection-2303.0-2405.0

    #censure

    • La version de « La Belle et la Bête », commandée puis annulée par l’éducation nationale, n’est « pas adaptée » aux élèves de dix ans, juge Elisabeth Borne
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/20/la-version-de-la-belle-et-la-bete-commandee-puis-annulee-par-l-education-nat

      Une version modernisée mais jugée trop adulte du conte traditionnel a heurté l’éducation nationale, qui a annulé une commande de 800 000 livres illustrés destinés aux CM2. Son auteur, Jul, a dénoncé une « décision politique » de « censure ».

    • Jul, Julien Berjeaut, de son vrai nom, a déclaré mercredi y voir une « décision politique » de « censure » pour des « prétextes fallacieux ». « La seule explication semble à chercher dans le dégoût [du ministère] de voir représenté un monde de princes et de princesses qui ressemble un peu plus à celui des écoliers d’aujourd’hui », a-t-il affirmé. « Le “grand remplacement” des princesses blondes par des jeunes filles méditerranéennes serait-il la limite à ne pas franchir pour l’administration versaillaise du ministère ? », s’est-il interrogé.

      (source : article du Monde, en accès libre, cité au commentaire précédent)

  • Trump demands unprecedented control at Columbia, alarming scholars and speech groups
    https://apnews.com/article/columbia-university-mahmoud-khalil-ice-arrests-1921e26f6b5a8585ad5cbda790846

    NEW YORK (AP) — The Trump administration brushed aside decades of precedent when it ordered Columbia University to oust the leadership of an academic department, a demand seen as a direct attack on academic freedom and a warning of what’s to come for other colleges facing federal scrutiny.

    Federal officials told the university it must immediately place its Middle Eastern, South Asian, and African Studies Department under “academic receivership for a minimum of five years.” The demand was among several described as conditions for receiving federal funding, including $400 million already pulled over allegations of antisemitism.

    President Donald Trump arrives on Air Force One at Palm Beach International Airport, Friday, March 14, 2025, in West Palm Beach, Fla. (AP Photo/Manuel Balce Ceneta)
    President Donald Trump arrives on Air Force One at Palm Beach International Airport, Friday, March 14, 2025, in West Palm Beach, Fla. (AP Photo/Manuel Balce Ceneta)

    “It’s an escalation of a kind that is unheard of,” said Joan Scott, a historian and member of the academic freedom committee of the American Association of University Professors. “Even during the McCarthy period in the United States, this was not done.”

    • Heinrich-Schliemann-Gymnasium - Geschichte
      https://hsg-berlin.de/unsere-schule/geschichte.html


      Trump crée une ambiance comme celle que mon père a vécu dans sa jeunesse. En école primaire (1931-1935) il a été témoin du brusque départ d’un camarade de classe juif.

      Gleimstraße 49
      ab 1933:
      nachfolgender Leiter wird Oberstudienrat Fritz Plagemann
      er und vier weitere Studienräte werden vermutlich aufgrund ihrer jüdischen Herkunft 1933 entlassen

      Ensuite son lycée (1935-1940) a été transformé en école d’élite nazie. On a bien sûr commencé par le licenciement des professeurs juifs.

      1938:
      Berliner Oberbürgermeister gibt im „Amtsblatt der Reichshauptstadt Berlin“ die Umbenennung von höheren Anstalten bekannt
      die „Heinrich-Schliemann-Schule“ in der Gleimstraße erhält den Namen „Heinrich-Schliemann-Gymnasium“

      Pour remplir les postes vacants après l’élimination des professeurs juifs l’administration a obligé les professeurs d’université dégradés à cause de leurs positions anti-nazies à enseigner aux lycées.

      1939:
      kurz vor der kriegsbedingten Schließung des Schulgebäudes in der Gleimstraße im Jahr 1939 wird die Schule in „Horst-Wessel-Gymnasium“ umbenannt
      es folgt der kriegsbedingte Umzug in die Carmen-Sylva-Straße (heute Erich-Weinert-Straße)
      später Unterrichtsverlagerung an einen Ort außerhalb Berlins

      Dans ce lycée affichant une image nazie parfaite le directeur fut le seul nazi convaincu. Il dirigea une équipe pédagogique dont certains profs n’hésitaient pas à expliquer aux jeunes qu’on ne pouvait être d’accord avec la politique et la guerre nazie. D’après les souvenirs de mon père il n’ont jamais eu des problèmes parce que leurs collègues et élèves ne les ont jamais dénoncés.

      C’est ce qui arrive quand les imbéciles essayent de s’emparer des lieux et institutions où les gens cultivés se protègent mutuellement.

      https://de.wikipedia.org/wiki/Heinrich-Schliemann-Gymnasium_(Berlin)

      #Berlin #Prenzlauer_Berg #Gleimstraße #éducation #nazis #histoire

  • Affaire de Bétharram : trente ans d’inertie à l’éducation nationale
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/02/affaire-de-betharram-trente-ans-d-inertie-a-l-education-nationale_6572818_32

    Jean-Marc Monteil était à la tête du rectorat de Bordeaux, dont dépendent les Pyrénées-Atlantiques, de 1997 à 2000, durant les années du ministère de Claude Allègre, denses en réformes et en conflits avec le corps enseignant. De l’enseignement privé sous contrat dans le département, il a surtout entendu parler des écoles basques, les ikastola. « Je tenais une réunion régulière avec le préfet et les élus du Pays basque sur le sujet, se remémore M. Monteil. Mais de Bétharram, personne ne m’en a parlé. »

    [...]

    Parmi les centaines de rapports de l’inspection générale rédigés entre 1995 et 2000 et versés aux Archives nationales, aucun ne concerne Notre-Dame de Bétharram. Sur cette période, des enquêtes ont cependant été menées sur d’autres affaires de pédocriminalité en milieu scolaire. En 1998, un rapport a ainsi été consacré à l’école publique Chateaurenard, dans le Loiret, où le directeur avait été accusé d’agressions sexuelles sur mineurs.

    Transmission d’informations

    Après celle portée à la connaissance du ministre François Bayrou en 1996, une autre alerte est cependant bien remontée jusqu’à Paris dans les années 1990. Selon un document révélé par BFM-TV, le procureur général de Pau avait informé par deux fois la chancellerie, au mois de mai 1998, des faits dont était accusé le père Silviet-Carricart. Le religieux n’est plus à la tête de Bétharram depuis 1993, mais le procureur précise que le plaignant « a évoqué d’autres faits susceptibles d’avoir été commis par des enseignants, religieux, sur divers élèves ».

    En 1997-1998, l’enjeu des atteintes sexuelles sur les mineurs est au cœur de l’action de la ministre de la justice Elisabeth Guigou, qui prépare une loi et travaille avec son homologue de l’enseignement scolaire sur le sujet. « Le cas Bétharram m’a peut-être été signalé mais, si c’est le cas, je n’en ai aucun souvenir de cette époque », concède Elisabeth Guigou, rappelant que les remontées des procureurs généraux arrivaient par milliers à la chancellerie et passaient par le filtre de la direction des affaires criminelles et des grâces puis du cabinet, avant d’être éventuellement transmises à la ministre. Quant à la transmission des informations au ministère de l’éducation nationale, elle n’était pas systématique. « Il pouvait y avoir un certain délai, en raison du secret de l’instruction et surtout quand la personne n’était pas encore jugée et que prévalait la présomption d’innocence », explique Mme Guigou.

    La loi n’a été changée en la matière qu’après l’affaire dite « de Villefontaine » (Isère), en 2015. Un directeur d’école de la ville avait été mis en examen pour viols sur des élèves après avoir déjà été condamné en 2008 pour détention d’images pédopornographiques. L’éducation nationale l’ignorait. La loi du 14 avril 2016 a rendu obligatoire la transmission d’informations entre la justice et l’administration en cas de condamnation, voire de mise en cause, de personnes au contact des mineurs, notamment pour des infractions sexuelles.

    Ségolène Royal avait-elle été informée par la chancellerie des faits dénoncés à Notre-Dame de Bétharram ? L’ancienne ministre n’a pas répondu à nos sollicitations. « Les deux ministres ont passé beaucoup de temps sur le problème de la pédocriminalité à l’école et, si elles [avaient] eu des informations sur cet établissement, il n’y a aucune raison pour qu’elles ne les aient pas incluses dans leur travail », témoigne Jean Baubérot-Vincent, alors membre du cabinet de Mme Royal.

    A la même période, le 10 juin 1998, le chef d’établissement de Bétharram, le père Vincent Landel, faxe au secrétariat général de l’enseignement catholique un communiqué rédigé après la parution d’articles de presse annonçant la mise en examen du père Silviet-Carricart. Le texte, retrouvé par le secrétariat dans ses archives, ne donne aucun détail, évoquant seulement « la gravité des accusations » et la « stupeur provoquée ».
    Interrogée, l’instance ignore si le secrétaire général de l’époque, Pierre Daniel (1994-1999), ou celui qui a pris sa suite, Paul Malartre (1999-2007), en ont fait part aux autorités de l’éducation nationale, ou s’ils sont intervenus. Tous deux sont décédés. Leurs successeurs disent n’avoir rien su.

    Visite d’une journée

    Le diocèse de Bayonne pointe, lui, le « cas particulier » de Notre-Dame de Bétharram, dont la tutelle est assurée par la congrégation des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram et sur lequel le diocèse n’a « pas d’autorité ». Cette congrégation ne s’est pas exprimée depuis le début de l’affaire.

    La seule inspection de l’établissement par les services de l’éducation nationale reste donc celle de 1996. A l’issue d’une visite réalisée sur une journée, en présence de la directrice diocésaine, l’inspecteur régional confirmait des actes de violence contre un élève tout en blanchissant l’institution de brutalités systémiques. Il ciblait [ ?] également – sans l’avoir rencontrée – la professeure qui, à l’époque, multipliait les signalements pour dénoncer les violences dont étaient victimes les élèves. L’auteur du rapport a reconnu auprès de nos confrères de Radio France qu’il n’avait « pas cherché à savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans des lieux de rencontre des élèves ».

    La teneur et les conditions de rédaction de ce rapport ont interpellé de nombreux connaisseurs de l’éducation nationale, qui rappellent cependant le contexte. « Pendant longtemps, il n’y a pas vraiment eu de protocole pour cadrer les inspections, dans le public comme dans le privé, souligne un inspecteur général qui ne souhaite pas être cité. Et si les parents se montaient contre nous, on pouvait très vite être en difficulté. »

    En 1996, les faits de viols n’ont pas encore été dénoncés et l’ensemble de la communauté éducative a pris la défense de l’établissement, véritable institution du Sud-Ouest. Le père à l’origine de la plainte ayant déclenché l’affaire doit même démissionner de l’association des parents d’élèves et s’excuser. « Dans ces établissements d’excellente réputation scolaire, les parents acceptent un règlement intérieur très dur, qui leur semble être le prix de l’excellence. Sauf que cela pousse tout le monde à détourner la tête en cas de problèmes », poursuit le même inspecteur.

    Contrôles marginaux

    Reste que la loi prévoit explicitement que l’Etat, qui finance majoritairement les établissements privés sous contrat, doit régulièrement réaliser des contrôles financiers, pédagogiques et administratifs. Et ce indépendamment de tout signalement. Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes dénonçait toutefois d’importantes carences de l’Etat en la matière, les contrôles étant marginaux et « minimalistes ».

    « Le privé a toujours été un sujet politiquement sensible à l’éducation nationale, et l’idée s’est installée que “moins on s’en mêle, mieux ça vaut” », résume Bernard Toulemonde. Dans les années 1990, cette frilosité était plus patente encore qu’aujourd’hui. Un ancien recteur admet ainsi qu’il ne lui « serait pas venu à l’idée d’aller faire une visite, même de courtoisie, dans un établissement privé comme Bétharram sans y être invité ».

    « On marchait sur des œufs, 1984 n’était pas si loin », rappelle Christian Forestier, faisant référence au projet de « loi Savary » qui a déclenché au printemps 1984 d’immenses manifestations pour la défense de l’« école libre ». Ce haut fonctionnaire, qui a assumé plusieurs postes de direction Rue de Grenelle et a été plusieurs fois recteur dans les années 1980 et 1990, le dit sans ambages : « De mon temps, on ne s’occupait pas du privé. »

    D’autant moins lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des aspects de la vie des établissements qui touchent au « caractère propre », ou sur des personnels qui ne sont pas employés par l’éducation nationale, comme ceux de la vie scolaire ou les directeurs. « Les inspecteurs allaient dans le privé pour noter les enseignants. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu une seule fois une commande d’inspection de vie scolaire », ajoute-t-il.

    « Cela n’explique pas tout concernant Bétharram, mais cette affaire peut nous conduire à nous interroger : comment a-t-on laissé s’installer en France un système éducatif parallèle, avec des règles qui lui sont propres, mais financé par de l’argent public, tout en le contrôlant très peu ? », questionne Jean-Paul Delahaye.
    En juin 2024, le ministère de l’éducation nationale a pris une circulaire demandant aux recteurs de renforcer les contrôles. L’objectif est d’intervenir dans 40 % des établissements privés sous contrat d’ici à 2027. Il a cependant fallu attendre la mi-février 2025 pour que, face à la pression médiatique et politique, la Rue de Grenelle annonce un contrôle du rectorat à Notre-Dame de Bétharram, le 17 mars. Près de trois décennies après la première alerte grave, et plus d’un an après que des témoignages ont commencé à affluer par dizaines. L’inspection générale n’est toujours pas saisie par la ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Borne.

    #école #école_privée #éducation_nationale

  • #Antonio_Scurati : « Voir le #fascisme de l’intérieur, voir son abîme en nous »

    Le quatrième tome de M. L’ora del destino (« M. L’Heure du destin »), son roman documentaire sur Mussolini, vient de sortir en Italie. Et l’adaptation en série qui en a été tirée était au festival du cinéma de Venise début septembre. La rentrée d’Antonio Scurati est chargée ; signe peut-être d’un temps où le « désir d’histoire » et la lutte qui doit nécessairement l’accompagner s’affichent comme les seuls aptes à redonner du sens à l’agir.

    Il ne fait pas bon protester contre le gouvernement de Giorgia Meloni. Ainsi le projet de loi sur la « sécurité » accepté en septembre en première lecture au parlement italien criminalise des actions non violentes ; pour des collectifs occupant l’espace public (rues, artères, autoroutes, sit-in devant les écoles, les universités ou les industries) les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans de prison. Il s’attaque aussi aux détenus et aux personnes migrantes dans les centres de rétention, criminalisant les actes de résistance passive ou de désobéissance (jusqu’à 8 ans de réclusion)[1]. Et le gouvernement Meloni s’en prend aux services publics (notamment au secteur de la santé), à l’instruction (les coupes prévues pour 2025 seront catastrophiques pour la recherche, les universités et les écoles), à la liberté d’informer et à celle d’exprimer son opinion dans l’espace public.

    Pensons aux attaques en justice contre l’auteur antimafia Roberto Saviano ou l’historien Luciano Canfora (Giorgia Meloni a retiré sa plainte juste avant le procès) ; aux intimidations qui touchent l’ensemble des journalistes non alignés et aux menaces de licenciement qui pèsent sur les enseignants exprimant leur opposition à la politique du ministre de l’Instruction et du Mérite (sic !), Giuseppe Valditara, comme c’est le cas aujourd’hui de Christian Raimo[2]. Comment dans ce contexte d’attaques tous azimuts ne pas se souvenir de la censure du discours d’Antonio Scurati sur la RAI le 25 avril dernier (anniversaire, et jour férié national, de l’insurrection générale en 1945)[3] ?

    La rentrée de l’écrivain italien est chargée. Le quatrième tome de son roman documentaire consacré à Benito Mussolini, M. L’ora del destino (« M. L’Heure du destin »), vient de sortir en Italie alors que la série qui en a été tirée a été présentée au dernier festival du cinéma de Venise. Signe peut-être d’un temps où le « désir d’histoire », et la lutte qui doit nécessairement l’accompagner, s’affiche comme seul apte à redonner du sens à l’agir. SP

    Je voudrais commencer par une question qui nous unit. Nous appartenons à la même génération, la dernière de l’après-guerre, une époque où l’émancipation humaine était au centre des luttes collectives et de la participation politique. Et pourtant, cette même génération a vécu le passage à un monde qui a proclamé la fin de l’histoire. Quel rôle cela a-t-il joué dans vos choix littéraires ?
    Je crois qu’une sorte de désir d’histoire a été la caractéristique essentielle de toute ma recherche littéraire (même lorsque j’ai écrit des romans sociaux et autobiographiques avec un cadre contemporain). Non seulement j’ai commencé par un roman historique dans lequel l’auteur fictif était à la recherche d’une contre-histoire secrète de la modernité (Il rumore sordo della battaglia [« Le Bruit sourd de la bataille », non traduit en français]), mais j’ai ensuite toujours continué en alternant entre un roman historique qui s’efforçait de raconter le présent et un roman au cadre contemporain dans lequel les protagonistes survivaient dans une sorte d’orphelinat de l’Histoire. Je me présente souvent comme faisant partie de la génération des « derniers enfants du vingtième siècle passé », un siècle court, probablement le dernier vécu par tous, et pas seulement par les intellectuels, du moins en Europe occidentale, dans un horizon temporel de type historique. Je crois que l’on n’a pas encore mesuré l’énorme perte de sens provoquée par la sortie de cet horizon à la fin du XXe siècle. Pendant dix générations, depuis la Révolution française, des femmes et des hommes ont vécu tournés vers l’avenir, donc conscients du passé, avec l’espoir, et souvent la conviction, que la vie de leurs enfants serait meilleure que la leur, et celle de leurs petits-enfants encore meilleure que celle de leurs enfants. Ils étaient prêts à tuer ou à mourir, mais surtout à vivre au nom de cette promesse, de cette tension projetée. C’était une vie collective, la vie merveilleuse, triste et pleine d’espoir des destins généraux. Aujourd’hui disparue.

    À partir des années 1980, la réhabilitation du fascisme est allée de pair avec la criminalisation de l’antifascisme. Dans les années 1990-2000, le révisionnisme sur le fascisme italien atteint son « stade suprême ». Diriez-vous qu’il a gagné la bataille culturelle ?
    Les deux décennies où le révisionnisme sur le fascisme italien a atteint, comme vous le dites, son « stade suprême » sont les années 1990 et 2000 (Il sangue dei vinti de Giampaolo Pansa date de 2003[4]), du moins en termes de publications et d’édition. Et c’est au cours de cette décennie 2000 que les politiciens traditionnels ont commencé à utiliser les phrases de Mussolini en public, tandis que les franges extrêmes ouvertement néo-fascistes ont refait surface. Tout cela restait cependant au niveau du discours culturel ou même intellectuel. Je ne crois pas que ce soit sur cette voie, même si elle est importante, que nous en sommes arrivés à l’obscénité actuelle du révisionnisme post-fasciste affiché par l’actuelle classe politique dirigeante. Ce qui a beaucoup plus compté, c’est la désertification de la conscience historique que nous évoquions au début, la dépolitisation de la vie collective provoquée par trente ans d’hédonisme individualiste irresponsable et la dérive populiste souverainiste qui en a résulté. Bref, la réhabilitation des post-fascistes, du moins en Italie, a été préparée par trente ans de berlusconisme, certainement pas par la réinterprétation historique de leurs modestes intellectuels (c’est d’ailleurs lui qui les a fait entrer au gouvernement).

    Dans votre récent Fascismo e populismo[5], vous écrivez : « À partir de la Révolution française, pendant deux siècles, dix générations ont fait appel à l’avenir pour obtenir justice : devant le tribunal de l’Histoire, des millénaires de dos brisés et de souffrances sans nom allaient enfin trouver la rédemption. Rédemption et réparation. » En d’autres termes, regarder les victimes du passé, assumer leurs combats pour penser l’avenir et tracer un horizon. Face à l’offensive culturelle de la droite néo-fasciste en Italie, la nécessité de revenir à une analyse de l’histoire du fascisme, de sa mémoire et de ses héritages dans la péninsule a donné lieu à des ouvrages incontournables, qui peinent malheureusement à être traduits à l’étranger et à être davantage lus et discutés par le grand public en Italie également. Quel rôle pensez-vous que la littérature puisse jouer dans ce processus ?
    La littérature romanesque, ainsi que le cinéma et d’autres formes d’art populaire, peuvent certainement renforcer ou, dans certains cas, favoriser les contre-poussées qui, à y regarder de plus près, ne manquent pas dans notre société (je pense surtout aux nouvelles générations). Le « cas M » me semble un signe dans ce sens, si je peux me permettre de le dire. Cela suppose toutefois un choix de terrain dans le domaine littéraire de la part de l’écrivain héritier du XXe siècle, le choix précisément du roman comme genre populaire (et donc aussi une sorte de sortie de la littérature de la seconde moitié du XXe siècle, des néo-avant-gardes en polémique avec la fiction romanesque). On ne peut pas espérer que le public, en particulier ceux qui sont nés à l’ère du numérique, accède en masse aux œuvres d’autres profils intellectuels auxquels vous faites allusion (si je vous comprends bien). Tout au plus peut-on espérer que de bons romanciers ou cinéastes s’en nourrissent, les braconnent vertueusement sur leurs territoires et les restituent dans un bricolage romanesque.

    Le fascisme, dites-vous, est un fantôme qu’il faut traverser. Pasolini en a donné sa propre explication dans ses Écrits corsaires : l’Italie est un pays sans mémoire qui, s’il avait cure de son histoire, saurait que « les régimes sont porteurs de poisons anciens, de métastases invincibles ; il apprendrait que dans ce pays si spécial, qui aime vivre au-dessus de ses moyens, mais avec des pantalons reprisés de partout, les vices sont cycliques […] incarnés par des hommes différents, mais qui partagent le même cynisme, la même indifférence pour l’éthique, allergiques à la cohérence et en tension morale ». Près de cinquante ans plus tard, ce constat est-il, selon vous, toujours d’actualité ?
    Il l’est et il ne l’est pas. Pasolini a saisi et décrit, peut-être mieux que quiconque, l’arrière-plan anthropologique de la mutation qui s’opère avec le déclin de la société paysanne et traditionnelle, une mutation à certains égards monstrueuse, et il a pu la faire remonter à une sorte de « fascisme éternel » qui sous-tend notre histoire nationale. Mais il l’a fait dans une perspective de gauche réactionnaire (ce qui n’est pas rare encore aujourd’hui). Cela l’a empêché de saisir les dimensions historiques particulières du phénomène fasciste (je ne suis pas d’accord avec la thèse du « fascisme éternel »). Si nous nous attardons sur sa vision, nous perdons de vue la dynamique évolutive (ou involutive, si vous préférez) de ces phénomènes historiques, l’étape finale de leur devenir ou de leur changement. Sur cet axe, l’Italie a été et continue d’être une avant-garde (l’avant-garde de l’arrière-garde, si l’on veut), un laboratoire, un atelier du futur, et non un atavisme immuable. Pensez aux populistes-souverainistes qui, en Italie, pour la première fois dans une grande nation européenne, sont en train d’accéder au pouvoir politique. Même avec tout leur « passé qui ne passe pas » visqueux, ils représentent sans aucun doute une nouveauté. Un phénomène d’avant-garde du XXIe siècle (malheureusement, je pourrais ajouter).

    « L’histoire est toujours une lutte pour l’histoire », écrivez-vous, et sur ce point nous sommes d’accord. Mais j’ai un point de désaccord avec vous, sur le rôle « négatif » que vous attribuez à ce que vous appelez « le préjugé antifasciste », que vous qualifiez de « forme d’aveuglement qui nous a dispensés de prendre conscience de toute la terrible vérité ». Que voulez-vous dire exactement ? N’est-ce pas contradictoire avec votre volonté de « refonder » l’antifascisme ? Si non, pourquoi ?
    Je ne suis pas sûr d’avoir utilisé exactement ces mots. Quoi qu’il en soit, le préjugé antifasciste a disparu pour des raisons historiques profondes et complexes. Sa chute ne dépend pas de notre choix. Nous pouvons et devons en prendre acte. Il s’agit d’un point de départ, et non d’un argument. Je ne prétends évidemment pas être en mesure de « refonder » l’antifascisme (objectif disproportionné), mais j’espère que les contre-poussées que j’ai mentionnées plus haut l’emporteront, en faisant évoluer la culture italienne et européenne dans cette direction. Cela présuppose, à mon avis, un récit différent de celui de l’après Seconde Guerre mondiale, centré sur le « mythe de la résistance » (je l’entends au sens étymologique de récit fondateur), sacro-saint, rayonnant et nécessaire, mais aujourd’hui effacé. Le récit dont nous avons besoin conduit à la conscience d’avoir été fascistes, à voir le fascisme de l’intérieur et à voir son abîme en nous (alors que le paradigme victimaire du récit du XXe siècle plaçait toujours le fascisme dans le « eux », dans l’autre du moi du narrateur, irréductible à lui).

    Les « petits-enfants » de Mussolini se retrouvent aujourd’hui à la tête de l’État italien. Vous insistez beaucoup sur le fait que nous sommes face à une dérive illibérale, et non à une menace directe pour la démocratie (si je vous comprends bien). Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par cette distinction ?
    Je considère que cette distinction entre régime fasciste et dérive illibérale est précieuse non seulement parce qu’elle reflète la réalité (dans une époque fasciste, quelqu’un comme moi aurait déjà été agressé physiquement, et pas seulement verbalement, à plusieurs reprises), mais aussi et surtout parce qu’elle nous aide à ne pas sous-estimer les risques, très sérieux, que court la démocratie aujourd’hui. L’utilisation désinvolte et imprudente de l’adjectif/substantif « fasciste » laisse présager des agressions « physiques » contre la démocratie dans un avenir proche. La question canonique que l’on me pose constamment est la suivante : « Craignez-vous que le fascisme ne revienne en Italie et en Europe ? » Je réponds que cette question va dans la mauvaise direction. Le fascisme historique est, en effet, un phénomène historicisé. Mais sa composante populiste – que je considère comme un élément essentiel, primordial et original du mussolinisme – est déjà revenue. Il est déjà là, il est déjà au gouvernement. Il décide déjà de nos vies. Nous ne devons pas nous contenter de l’attendre dans un avenir proche. La menace qu’il fait peser sur la démocratie libérale aujourd’hui n’a pas les caractéristiques d’une attaque frontale comme c’était le cas il y a cent ans. Elle est plus sournoise, oblique, quotidienne. Il ne s’agit pas d’une menace existentielle immédiate. Elle n’implique pas la suppression du système démocratique mais l’appauvrissement qualitatif de la vie démocratique. Elle ne vise pas la tête, ni même le cœur. Elle frappe comme un couteau dans le ventre. La mort est lente, par exsanguination.

    Les attaques, les menaces et la censure dont vous faites l’objet – et vous n’êtes pas le seul – n’indiquent-elles pas un saut qualitatif ?
    Oui, c’est le mot-clé. Il n’est pas nécessaire d’attendre de voir les chemises noires parader à nouveau dans les rues. Aujourd’hui déjà, la qualité de la vie démocratique s’est dégradée.

    Dans le monologue censuré par la RAI [ndlr – la Radiotélévision italienne est le principal groupe audiovisuel public italien, contrôlé par le gouvernement], à l’occasion de la commémoration du 25 avril, vous avez déclaré : « Tant que ce mot – antifascisme – ne sera pas prononcé par ceux qui nous gouvernent, le spectre du fascisme continuera à hanter la maison de la démocratie italienne. » Mais la destruction du sens et de la valeur de l’engagement antifasciste, de cette lutte pour l’égalité et l’émancipation sociale n’est-elle pas le corollaire de l’« ex-post-filo-neo-para-fascisme » d’aujourd’hui et de son programme identitaire ?
    Le fait qu’un chef de gouvernement, qui a prêté serment sur la Constitution antifasciste, refuse même de mentionner ce mot le jour de la commémoration de la libération du nazisme-fascisme nous indique que cette expérience collective est en train de s’estomper, si elle n’est pas déjà historiquement éteinte, dans sa forme historique du XXe siècle. C’est ainsi. C’est triste, mais c’est ainsi. Le drapeau est tombé. Le drapeau est dans la poussière. Il doit être ramassé. Mais ce ne sera plus le même drapeau bien teinté (en rouge, surtout en rouge). Ce doit être un drapeau sous lequel tout démocrate sincère, qu’il soit de gauche, du centre ou de droite, peut se tenir.

    Une dernière question. La période que nous vivons est particulièrement sombre, et pourtant, en Italie, nous sommes confrontés à un nouvel élan culturel littéraire et cinématographique, à la fois crépuscule et aube : comment expliquez-vous cela ? quels sont vos projets ?
    J’ai passé trop de temps à étudier et à raconter les vingt années de fascisme – je raconte actuellement la Seconde Guerre mondiale et Salò – pour penser que la période que nous vivons est « particulièrement sombre ». Le problème est que nous avons perdu le sens de la lutte (et même le goût de la lutte). Et je ne suis même pas sûr d’être face à un nouvel élan culturel et littéraire (j’aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez). Pour ce qui est de mes projets, il me reste encore deux volumes de la saga M à terminer et à publier. Ensuite, nous verrons…

    https://aoc.media/entretien/2024/10/18/antonio-scurati-voir-le-fascisme-de-linterieur-voir-son-abime-en-nous
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