• Belgique : Inégalités salariales entre femmes et hommes : un combat toujours d’actualité Natalia Hirtz - 12 Juillet 2019 - InvestigAction
    https://www.investigaction.net/fr/inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes-un-combat-toujours-dact

    Le 8 mars dernier, l’une des revendications de la première grève des femmes en Belgique portait sur l’égalité salariale. En effet, 53 ans après la grève historique des femmes de la Fabrique Nationale (Herstal), l’écart salarial entre les hommes et les femmes est de 7,6 % en salaire horaire et de 20,6 % en salaire annuel. Quelle a été l’évolution historique de ces inégalités en Belgique et comment expliquer les écarts actuels ?
     

    Si les femmes ont toujours travaillé, la distinction entre travail salarié (c’est-à-dire, du travail partiellement rémunéré [1]) et travail « domestique » (non rémunéré) est l’une des caractéristiques principales du système capitaliste. Durant la période féodale, la famille paysanne (les serfs) travaille une partie de la semaine sur le domaine seigneurial et l’autre partie, dans la sphère dite « domestique ». Durant cette période de l’histoire, la domination masculine est indéniable et il existe bel et bien une division sexuelle du travail, c’est-à-dire qu’hommes et femmes (voir même enfants) ne réalisent pas les mêmes tâches. Avec le salariat, qui s’installe au XVIe siècle en Europe, la division sexuelle du travail est renforcée par la séparation entre travail salarié (masculin) et domestique (féminin). Ce dernier sera non seulement dévalorisé, mais surtout invisibilisé [2]. Les femmes ne seront cependant pas toutes écartées de la sphère salariale qui deviendra l’affaire des plus pauvres d’entre elles. Les travailleuses sont reléguées aux emplois les moins bien valorisés, car considérés comme étant des tâches ne relevant d’aucune qualification acquise, sinon de qualités féminines innées. L’écart salarial augmente. Si au XIVe siècle, les femmes perçoivent la moitié de la paye d’un homme à travail égal, au XVIe siècle elles ne reçoivent qu’un tiers du salaire de leurs homologues masculins [3].

    À partir du XIXe siècle, le travail des femmes en dehors de la sphère domestique est érigé en source de dysfonctionnement et de pathologies sociales. Il est accusé d’entrainer la pauvreté, l’immoralité, la dénatalité et la décadence sociale. Les ouvrières des ateliers sont particulièrement ciblées. En parallèle, le modèle de la famille nucléaire s’impose comme vertu avec au centre, la figure du père, pourvoyeur de revenus, et de la mère, ménagère et pourvoyeuse des soins dans le foyer. La critique du travail salarié des femmes est accompagnée de mesures spécifiques [4]. Le Code civil (1830) donne à la femme mariée le même statut qu’aux mineurs : elle ne peut pas gagner de l’argent, faire des économies ou réaliser des transactions économiques sans la permission de son mari. Pour exercer un travail salarié, elle doit obtenir l’autorisation de son époux. C’est lui qui signe le contrat de travail et qui, jusqu’en 1900, perçoit son salaire. Ce n’est qu’en 1958 qu’une réforme du Code civil supprime la notion de puissance maritale [5].

    Ces mesures précarisent les travailleuses sans pour autant empêcher leur présence dans le monde salarial : à la veille de la Première Guerre mondiale, près d’un employé sur trois est une femme [6]. La discrimination des femmes sur le marché de l’emploi est renforcée durant l’entre-deux-guerres et atteint son apogée durant la crise des années 1930. En 1933 et 1935, le gouvernement diminue les salaires des femmes fonctionnaires et des institutrices ; en 1934, il suspend l’embauche des femmes dans le service public (exception faite du service de nettoyage) [7]. L’arrêté royal de décembre 1934 autorise le ministre du Travail à « contingenter dans chaque branche d’industrie le pourcentage de femmes […] en vue du remplacement éventuel des excédents par des chômeurs involontaires » [8]. En 1935, il interdit le cumul des époux dans la fonction publique. Ces arrêtés royaux provoquent une forte mobilisation féminine et, en 1937, ces mesures sont abrogées. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement met en place un ensemble de mesures pour encourager le retour des femmes au foyer : la mère au foyer se voit attribuer une allocation (1948-1957), la réforme fiscale introduit le cumul des revenus des époux (1962-1988) [9], pénalisant le travail des femmes et renforçant son statut de salaire d’appoint.

    La proportion des femmes dans la population active ne retrouve son niveau d’avant 1914 (30 %), qu’en 1970 [10]. Elle remonte de manière continue jusqu’à nos jours pour atteindre 36,6 % en 1990 et 47,8 % en 2018 [11]. Ces chiffres n’impliquent pas pour autant la fin des inégalités. En effet, la part des femmes sur le marché de l’emploi augmente dans un contexte marqué par la progression des contrats précaires, des emplois flexibles et, comme développé dans les articles de B. Bauraind et d’A. Dufresne (dans ce numéro), d’une réduction de la part salariale dans le revenu national ainsi que des réductions de dépenses publiques (ce qui aura de forts impacts sur les femmes, responsables des soins au sein de la famille).

    L’écart salarial entre hommes et femmes s’est progressivement réduit, en particulier grâce au combat des femmes. Et c’est plus précisément les ouvrières de la Fabrique Nationale Herstal qui, avec leur grève de 1966, ont marqué un tournant important dans l’histoire des inégalités salariales, et par conséquent dans l’histoire des femmes.
     
    La grève des ouvrières de la FN Herstal
    Lors de la signature du Traité de Rome (1957), instituant la Communauté économique européenne, le principe de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes devient une « valeur » fondatrice des institutions européennes. Or, le Traité de Rome vise une intégration économique entre les pays signataires [12], non une union politique ou sociale. À ce titre, les enjeux sont multiples. Parmi les six pays signataires, la France réclame un article portant sur l’égalité salariale entre femmes et hommes. En effet, contrairement à certains de ses partenaires, la France avait adopté des dispositions législatives diminuant cet écart [13]. Elle craint de ce fait une ouverture à la concurrence du marché défavorable pour les secteurs à forte main-d’œuvre féminine [14].

    Le Traité de Rome établit un délai de 5 ans aux pays signataires pour instaurer l’égalité salariale. Or, 10 ans après sa signature, en Belgique comme ailleurs, aucune loi n’a été adoptée pour contrecarrer ces inégalités. Ce n’est que par les négociations salariales que les travailleuses pouvaient espérer une hausse de leurs revenus. Dans le secteur des fabrications métalliques, les négociations signées en 1962 ramenaient l’écart des salaires à 15 %, c’est-à-dire que les femmes gagnaient 85 % du salaire des hommes. En 1966, une nouvelle convention est en cours de négociation pour les années 1966-1968. Les discussions sont difficiles et elles visent une réduction des écarts, mais pas une disparition des inégalités. C’est dans ce contexte que le 16 février 1966, 3.000 ouvrières de la FN Herstal entament une grève en revendiquant « À travail égal, salaire égal ». En effet, la direction de la FN attend la conclusion de l’accord national avant de lancer les négociations au sein de l’entreprise et affirme qu’à la FN, il n’existe pas de distinction entre les hommes et les femmes. Or, les compétences des femmes y sont sous-évaluées, elles sont payées à la production et sont exclues de toute possibilité de promotion interne [15].

    Le 18 février, un projet d’accord sectoriel est conclu prévoyant un rattrapage des salaires étalé sur deux ans, pour atteindre 90 %, puis 93 % et enfin 96,7 %. Cet accord ne représente que 20 % de l’augmentation exigée par les femmes de la FN. Elles décident donc de continuer la grève. Dès la fin de la deuxième semaine de grève, faute de pièces, plus de 5.000 hommes sont mis en chômage technique. Le conflit fait tache d’huile dans d’autres usines du pays et dépasse les frontières. Le 25 avril, des délégations belges et européennes participent à la marche sur Liège en soutien aux grévistes [16]. Un comité « À Travail égal, salaire égal » est lancé pour soutenir la grève et dénoncer plus largement les discriminations sexistes.

    Le 4 mai, après 12 semaines de grève, syndicats et direction signent un accord. Les femmes obtiennent une augmentation salariale moindre que celle revendiquée, mais supérieure à celle proposée au départ par la direction. L’accord n’inclut pas les demandes concernant les conditions de travail et introduit la lutte contre l’absentéisme des femmes. Mais, au-delà de la question concernant les conquêtes immédiates, cette grève est devenue l’une des plus importantes de l’histoire de la Belgique. Non seulement par sa durée, mais surtout par ses répercussions sociales et politiques. La mobilisation des ouvrières a propulsé sur la scène belge, mais aussi internationale, la revendication de l’égalité salariale. Ce combat aura des répercussions jusqu’au parlement européen où une réunion extraordinaire est organisée pour évaluer l’application de l’article 199 du Traité de Rome concernant l’égalité salariale. En Belgique, les organisations syndicales sont poussées à repenser la place des femmes au sein de leurs structures et dans les négociations collectives. Enfin, cette grève accélère la publication de l’arrêté royal du 24 octobre 1967, qui sépare la réglementation du travail des enfants de celle des femmes adultes. Le principe de l’égalité salariale défini par le Traité de Rome est confirmé, mais sans donner de repères interprétatifs concernant ce qu’on entend par « travail de valeur égale ». C’est l’une des raisons pour lesquelles, comme nous le verrons plus loin, les inégalités salariales persistent. Enfin, l’arrêté royal ouvre le droit aux actions en justice pour cause d’inégalité salariale. Cependant, les syndicats ne feront jamais usage de cet outil juridique pour mettre en œuvre l’égalité salariale [17].
     
    La grève des ouvrières de Bekaert-Cockerill (Fontaine-L’Évêque)
    Le 3 novembre 1982, les 31 ouvrières de la fabrique de clous et de fils d’acier Bekaert-Cockerill, entament une grève. Elles protestent contre la signature d’une convention imposant la réduction du temps de travail des femmes.
     
    En effet, quelques mois plus tôt, en avril, ouvriers et ouvrières entament une grève contre un plan de restructuration. Après 9 semaines de grève et devant l’échec des négociations, la commission paritaire régionale réunit son bureau de conciliation. Les négociations débouchent sur un accord signé par les deux parties (syndicale et patronale) avec la caution du conciliateur social, représentant du ministère du Travail. Seules les femmes seront touchées par la restructuration : 28 ouvrières (non-chefs de ménage) doivent passer à mi-temps. En effet, lors des négociations, tous les efforts se sont concentrés sur la sauvegarde des emplois masculins, ce qui en dit long sur la conception de l’emploi des femmes en tant que salaire d’appoint [18].
     
    Tant la Direction de l’entreprise que les responsables syndicaux et le représentant du ministère du Travail décident d’ignorer la loi de 1978, qui impose l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le cadre de l’emploi et des relations économiques en général. Pour les ouvrières, cet accord implique de passer d’un contrat à durée indéterminée à temps plein à un contrat à mi-temps valable pour la durée de la convention, perdant donc, aussi, les avantages sociaux liés à leur ancienneté [19]. Le 18 octobre, le syndicat organise une assemblée générale (AG) pour valider la convention. Les ouvrières dénoncent une discrimination scandaleuse : les postes des femmes seront remplacés par des hommes. Elles demandent à leurs « camarades » de rejeter cette convention, mais très peu d’hommes se solidarisent [20]. Sur les 226 personnes présentes à l’AG, 60 votent contre (toutes les femmes et seulement 29 hommes), 40 s’abstiennent et 126 hommes votent à faveur de la convention, décidant ainsi du sort des ouvrières. La convention est signée et la solidarité ouvrière, brisée [21]. Mais, loin de se laisser abattre, le 3 novembre, les femmes partent en grève, sans le soutien des syndicats, qui considèrent leurs revendications (d’égalité) trop « extrémistes ». Certaines d’entre elles installent un piquet de grève. Mais elles ne parviennent pas à retenir leurs camarades hommes, qui décident de reprendre le travail. Après 20 jours de grève, la convention est abandonnée et une nouvelle convention est signée. Cette fois-ci, 13 femmes seront licenciées. Et ce seront plus précisément celles qui ont participé aux piquets de grève [22]. Elles seront remplacées par 23 hommes.
     
    L’ouverture du marché de l’emploi aux femmes… comme armée de réserve et avec un salaire d’appoint  
    C’est le contexte de la fin des années 1960 marqué par une pénurie de main-d’œuvre et une forte conflictualité sociale qui pousse le gouvernement à encourager l’entrée des femmes dans le salariat. Ainsi, le Plan du travail de 1971-1975 vise à faciliter la combinaison du travail salarié et de la vie de famille pour les femmes, tout en les orientant massivement vers des secteurs d’activité dits féminins. Le contrat de travail à temps partiel est présenté comme un outil privilégié à cette fin. L’État investit dans la création de crèches [23].

    La crise structurelle qui surgit en 1973 [24] et les politiques mises en place pour y répondre marquent un point d’inflexion dans l’organisation du travail. Le retour des femmes sur le marché de l’emploi se passe donc dans un contexte de blocage salarial, d’augmentation du chômage et de multiplication des emplois précaires [25]. En outre, l’ouverture du salariat aux femmes ne concerne que certains secteurs considérés comme « féminins » et donc moins bien rémunérés. La multiplication des contrats à temps partiel s’impose au nom de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale des femmes (toujours tenues pour seules responsables du bien-être familial). Elles sont ainsi massivement considérées comme une main d’œuvre d’appoint ne méritant donc qu’un salaire d’appoint. Et c’est précisément cette question qui sera soulevée et combattue par une nouvelle grève historique : celle des ouvrières de l’usine Bekaert-Cockerill.
     
    La persistance des inégalités salariales
    De nos jours, des scandales comme celui qui fut mis en lumière par les ouvrières de Bekaert-Cockerill semblent peu probables. Cependant, lorsqu’on observe les statistiques, on s’aperçoit que le travail des femmes continue à être considéré comme un travail d’appoint et donc payé comme tel. En effet, si on aborde le salaire d’un point de vue collectif, on observe qu’en 2014 (dernières données statistiques pour la Belgique), l’écart salarial entre les hommes et les femmes est de 7,6 % en salaire horaire brut moyen et de 20,6 % en salaire annuel brut moyen (ce qui s’explique par une différence de temps de travail, nous y reviendrons plus bas) [26]. Alors que les femmes sont actuellement plus instruites et plus diplômées que les hommes, elles sont moins payées, plus exposées aux exclusions de chômage [27] et bien plus pauvres quand vient le temps de la retraite, car à moindre salaire, moindre pension. Sans prendre en considération les régimes de pension extralégaux (ce qui ferait augmenter cet écart [28]), la pension moyenne des femmes est 24,8 % inférieure à celle des hommes.
     
    Tableau 1. Évolution des écarts salariaux hommes-femmes entre 2010 et 2014
    Voir l’article https://www.investigaction.net/fr/inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes-un-combat-toujours-dact 

    D’autres inégalités relevant de la division internationale du travail  
    Le salaire exprime non seulement une division sociale et sexuelle du travail, mais aussi une division internationale du travail. L’inégalité salariale selon l’origine nationale des travailleur.euse.s, manque dans cette analyse. En effet, la discrimination sur le marché de l’emploi frappe encore plus fortement les migrant.e.s. Mais tout.e.s ne connaissent pas le même sort : les Allemand.e.s, les Françai.se.s, les États-Unien.ne.s et les Néerlandai.se.s qui travaillent en Belgique gagnent en moyenne plus que les Belges (notamment les hommes). Au contraire, les personnes de nationalité hors UE-27 (hormis les États-Unien.ne.s) accusent un important écart salarial par rapport aux Belges. Les salaires horaires bruts sont les plus faibles pour les travailleur. euse. s originaires des pays du Maghreb et du reste de l’Afrique, et ils le sont encore plus pour les femmes originaires de ces pays qui gagnent respectivement 10 % et 8 % de moins que leurs compatriotes masculins [29].
     
    L’écart salarial en salaires horaires  
    Comment expliquer que malgré une loi interdisant les discriminations salariales, les femmes gagnent 8 % en moins que les hommes par heure de travail ? En effet, cet écart est dû notamment aux discriminations directes et indirectes (les femmes sont majoritairement concentrées dans des emplois moins bien rémunérés).

    Dans nos sociétés, certains emplois sont considérés comme plus qualifiés que d’autres, et donc mieux rémunérés. Au tournant du XXe siècle, les salaires échappent largement aux négociations collectives. Les hiérarchies salariales suivent divers critères comme l’âge ou le sexe. Les femmes constituent donc une catégorie à part. Avec l’essor des conventions collectives, dans l’entre-deux-guerres, des grilles salariales sont élaborées selon la qualification et la pénibilité. Les débats sont ardus quant à la manière de mesurer la qualification. La reconnaissance d’une qualification est le fruit de rapports de force et de négociations entre représentants syndicaux et patronaux, représentés par des hommes. Ces négociations, officialisées par des conventions collectives, reflètent donc des hiérarchisations sociales dont celles concernant le genre. Les métiers masculins sont les premiers à être requalifiés, alors que le travail « féminin » sera largement considéré comme relevant de qualités féminines innées et donc, non qualifié. Ainsi, même au sein d’un même secteur, les emplois considérés plus qualifiés sont souvent largement masculins, comme c’est le cas pour le secteur du nettoyage où les hommes sont concentrés là où les salaires sont plus élevés tels que le nettoyage industriel ou le lavage de vitres.

    Il en va de même pour la reconnaissance de la pénibilité dont la notion est largement définie en fonction de critères masculins. Les facteurs de risques encourus par les femmes demeurent donc occultés, comme les gestes répétitifs ou les tâches liées au nettoyage et aux services à la personne [30].

    Mais le fait qu’hommes et femmes n’occupent pas les mêmes emplois n’explique pas tout. À l’intérieur d’un même secteur, on observe également des écarts de salaire entre hommes et femmes. Ceci s’explique par ce qu’on appelle des « discriminations directes » s’appuyant sur des stéréotypes que certain.e.s croient dépassés. L’un d’entre eux concerne la maternité, ou plutôt le soupçon de maternité. Celui-ci constituerait une des sources principales de discrimination à l’embauche (des postes mieux rémunérés), mais aussi aux promotions et à l’attribution des primes. En effet, la maternité irait de pair avec l’absentéisme, une moindre mobilité et donc, de moins bonnes performances.

    Il est certain que les mères sont plus nombreuses que les pères à prendre des congés pour s’occuper des enfants et, comme elles prennent en charge la majorité du travail domestique, elles sont donc moins « disponibles » que les hommes pour ce qui concerne leur carrière professionnelle. Cependant, une étude menée en France, comparant les salaires entre des hommes et des femmes qui n’ont jamais interrompu leur carrière et qui ont entre 39 et 49 ans (à priori, ne présentant plus la probabilité de maternité), montre que les hommes gagnent en moyenne 17 % en plus que les femmes. En effet, même celles qui ne sont pas mères restent soupçonnées de moindre performance que les hommes [31]. Elles ont donc moins accès aux promotions et aux primes.

    Comme le montre le tableau 2, les compensations salariales individuelles ne font que renforcer ces discriminations, maintes fois voilées par des opinions pointant des complexes relevant des femmes elles-mêmes (sensées ne pas oser négocier leur salaire) plutôt que des discriminations directes.


     
    L’interruption de carrière liée à la maternité est aussi un facteur explicatif de l’écart salarial. Les femmes cumulent moins d’ancienneté, ce qui a des répercussions sur leur possibilité de promotion sur un marché de l’emploi où elles sont en désavantage par rapport aux hommes.

    Enfin, si on observe l’écart salarial en fonction du statut, on remarque que chez les employé.e.s l’écart salarial s’élève à 22 % ; parmi les ouvrier.e.s, il est de 19 % alors que chez les fonctionnaires contractuel.le.s il n’est que de 2 %, et qu’il est même négatif chez les fonctionnaires statutaires (-5 %). Dans ce sens, le chiffre global de l’écart salarial de 8 % cache des différences significatives en fonction du statut [32]. En effet, étant donné les réglementations existantes contre les discriminations, l’État devrait être exemplaire. Cependant, cette égalité salariale s’accompagne d’une inégalité statutaire : alors qu’il y a autant de travailleuses que de travailleurs dans la fonction publique, seuls 48 % des femmes sont des fonctionnaires statutaires contre 61 % des hommes. Inversement, elles sont surreprésentées parmi le personnel contractuel [33]. Enfin, si dans le secteur privé les écarts sont plus importants, c’est notamment parce que, outre les discriminations indirectes, les compensations salariales individuelles favorisent les discriminations directes. Dans ce sens, la tendance à la sous-traitance des emplois publics et l’augmentation des fonctionnaires contractuel.le.s ne peuvent qu’accroître les inégalités salariales.
     
    L’écart salarial en salaires annuels
    Si on observe l’écart salarial sur une base annuelle, il se creuse encore. Au bout d’une année, les femmes gagnent 21 % en moins que les hommes. Cet écart s’explique par la surreprésentation des femmes dans l’emploi à temps partiel. En effet, en 2014, 43,9 % des travailleuses occupent un temps partiel, contre 9,6 % des travailleurs. Les raisons pour lesquelles les femmes travaillent à temps partiel ne sont pas les mêmes que celles des hommes. Selon l’enquête sur les forces de travail, pour 49 % des travailleuses à temps partiel, la combinaison entre vie professionnelle et vie privée constitue la raison principale de ce « choix », alors que cette même raison n’est invoquée que pour 23 % des hommes travaillant à temps partiel [34].

    Graphique 1. Écarts de salaires horaires bruts moyens (en €) et écarts salarial entre emplois à temps plein et à temps partiel et selon le sexe (2014)

    



    Enfin, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, les travailleur.euse.s à temps partiel occupent majoritairement des emplois moins bien rémunérés que les travailleur.euse.s à temps plein. Dans ce sens, les femmes qui travaillent à temps partiel cumulent deux désavantages majeurs : en tant que femmes et en tant que travailleuses à temps partiel (voir graphique 1). De plus, l’écart des salaires correspondant aux contrats de travail à temps plein et à temps partiel a crû ces dernières années en Belgique. Ceci a un impact majeur sur l’écart salarial entre les hommes et les femmes. De cette façon, si entre 2010 et 2014, les écarts de salaires ont légèrement diminué, l’écart salarial calculé sur base annuelle diminue bien plus lentement que celui basé sur les salaires horaires (voir tableau 1).
     
    Les hiérarchies sociales exprimées dans les salaires
    Les rapports salariaux sont des rapports d’exploitation, car le salaire n’est jamais égal à la valeur créée par le.s travailleur.euse.s. Le salariat s’est constitué sur la base même du surtravail, une partie de la valeur créée par le travailleur qui ne lui est pas reversée. Et dans ce même mouvement, il a impliqué une division entre un travail considéré comme « producteur » (de richesses) et un travail considéré comme « reproducteur » (de la force de travail, c’est-à-dire, des travailleur.euse.s). Les femmes ont été reléguées à ce travail dit « reproductif », considéré comme n’étant pas créateur de valeur et donc, non rémunéré.

    Loin d’être des victimes passives, le combat des femmes pour l’égalité (politique, sociale, sexuelle et économique) n’est pas neuf. Mais, dans une société patriarcale, leurs revendications tardent à être reconnues. Si depuis les années 1970, elles sont appelées à participer massivement au monde salarial, c’est plus pour servir de laboratoire à la précarisation de l’ensemble du salariat que comme travailleuses à part entière. Cependant, leur entrée dans des espaces plus reconnus par cette société (capitaliste et patriarcale) a facilité leur organisation et leur visibilité, accélérant de la sorte la reconnaissance de leurs revendications. Le combat n’est pas terminé. Le chemin est encore long pour parvenir à une égalité femmes-hommes. Égalité qui, bien évidemment, n’empêchera pas d’autres inégalités, propres à une société divisée en classes sociales. Néanmoins, l’égalité des salaires impliquerait une moindre exploitation du travail salarié des femmes, mais aussi une transformation plus globale des rapports de genre, dont le salaire n’en est qu’une expression. En ceci, la grève féministe internationale convoquée le 8 mars dans plus d’une quarantaine de pays marquera surement un tournant dans l’histoire de cette lutte.

    Notes
    [1] . Nous reprenons le concept défini par K. Marx. Dans ce sens, le travail salarié est un travail fourni pour autrui en échange d’un salaire qui est toujours inférieur à la valeur apportée par ce travail. Le profit de l’employeur vient de la partie de travail non payé. Ce temps travaillé gratuitement est désigné comme « exploitation ». Karl Marx, « Le Capital. Livre I », Éditions sociales, 2016.
    [2] . Lire à ce propos, Silvia Federici, « Point zéro : propagation de la révolution. Salaire ménager, reproduction sociale, combat féministe », Racine de iXe, 2016 et « El patriarcado del salario », Fabricantes de sueños, Madrid, 2018. Pour une synthèse sur les rapports de genre durant la période de formation du capitalisme, Natalia Hirtz « Le sauvage, le vagabond et la sorcière. Aux racines du capitalisme », Gresea Échos n°95, 2018.
    [3] . Silvia Federici, « Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive », Ed. Entremonde. Senonevero, 2017.
    [4] . Éliane Gubin et Claudine Marissal dans, Éliane Gubin et Catherine Jacques (dir.), « Encyclopédie d’histoire des femmes. Belgique, XIXe-XXe siècles », Ed. Racine, 2018, pp. 559-563.
    [5] . Le Code civil belge (et ses reformes) est disponible dans http://www.droitbelge.be/codes.asp#civ.
    [6] . Éliane Gubin dans, Éliane Gubin et Catherine Jacques (dir.) 2018, op.cit. p. 570.
    [7] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [8] . Éliane Vogel-Polsky, « La construction sociosexuée du droit du travail en Belgique », dans, Yota Kravaritou, « Le sexe du droit du travail en Europe », Kluwer Law International, 1996.
    [9] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [10] . Éliane Gubin, 2018, op.cit, p.573.
    [11] . Estimation modélisée, Organisation internationale du travail, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.TLF.CACT.FE.ZS.
    [12] . La CEE fut fondée par l’Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Allemagne de l’Ouest.
    [13] . À propos de ces dispositifs législatifs en France, lire, Rachel Silvera « Un quart en moins. Des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaires », La Découverte, 2014.
    [14] . Hélène Périvier, « Le Traité de Rome et l’égalité », 2017, https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-traite-de-rome-et-legalite
    [15] . Marie-Thérèse Coenen, « La grève des femmes de la FN en 1966. Une première en Europe, POL-HIS, 1991.
    [16] . Ibid.
    [17] . Marie-Thérèse Coenen, « Comment faire une société égalitaire quand l’inégalité est partout ? Les leçons de la grève des travailleuses de la FN », https://www.carhop.be/images/societe_egalitaire_2016.pdf.
    [18] . Éliane Vogel-Polsky, « La construction socio-sexuée du droit du travail en Belgique », dans, Yota Kravaritou, « Le sexe du droit du travail en Europe », Kluwer Law International, 1996.
    [19] . Ibid.
    [20] . Écouter l’émission « Un jour dans l’info : Femmes des années 80 ». RTBF dans https://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-jour-dans-l-info-femmes-des-annees-80?id=9999497
    [21] . Éliane Vogel-Polsky, 1996, op. cit.
    [22] . Émission RTBF, op. cit.
    [23] . Éliane Gubin et Claudine Marissal, 2018 op.cit.
    [24] . Si on observe la croissance réelle du PIB mondial depuis 1950 jusqu’à nos jours, on remarque, à partir de 1973, une croissance globale moins forte à celle de la période antérieure (1950-1973) ainsi que l’apparition des crises (conjoncturelles) successives et de plus en plus profondes. https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ny.gdp.mktp.kd.zg
    [25] . Voir les articles précédents de ce même numéro : A.Dufresne, pour le blocage salarial, C. Leterme pour le chômage et B. Bauraind pour ce qui concerne la réorganisation du monde du travail.
    [26] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, « L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique Rapport 2017 », http://statbel.fgov.be/sites/default/files/2017-12/Rapport%20Ecart%20salarial%202017.pdf Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, op. cit.
    [27] . La réforme sur la limitation du droit à l’allocation de chômage d’insertion et la diminution de la limite d’âge (voir l’article de C. Leterme, dans ce même numéro) a mené à des exclusions massives dont 2/3 sont des femmes. Vie féminine, « La précarité des femmes en chiffres », 2015, http://www.viefeminine.be/IMG/pdf/La_precarite_des_femmes_en_chiffres.pdf
    [28] . Ceci se doit au fait que12 % d’hommes et 9 % de femmes bénéficient d’un régime de pension extralégal. De plus, la contribution patronale moyenne pour les femmes est 37 % inférieure à celle des hommes.
    [29] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, op. cit.
    [30] . Voir Mélanie Mermoz, « Compte pénibilité. La santé des femmes dans l’angle mort », L’Humanité Dimanche, février 2016 ; Cécile Andrzejewski « Invisible pénibilité du travail féminin » ; Le Monde Diplomatique, décembre 2017 ; ou Laurent Vogel, « Femmes et maladies professionnelles. Le cas de la Belgique », ETUI, 2011.
    [31] . Dominique Meurs, Ariane Pailhé et Sophie Ponthieux « Enfants, interruptions d’activité des femmes et écart de salaire entre les sexes », Revue de l’OFCE, 2010. Cité dans Rachel Silvera, 2014, Op.cit.
    [32] . Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017, Op. cit.
    [33] . Ibid.
    [34] . Ibid.

    Source : http://www.gresea.be/Inegalites-salariales-entre-femmes-et-hommes

    #Histoire #Femmes #Ouvrières #Salaires #travail #luttes #discriminations #discriminations_salariales #égalité #exploitation #capitalisme

  • #Mondial féminin : une anthropologue #Argentine sur les routes de France
    https://lemediapresse.fr/international/mondial-feminin-une-anthropologue-argentine-sur-les-routes-de-france

    Féministe et Argentine, l’anthropologue #Nemesia Hijos a passé l’essentiel du mois de juin en France pour couvrir le méga-événement sportif. Et raconter les transformations du #Football féminin en cours dans son pays. 

    #International #Sport #Anthropologie #Boca_Juniors #Coupe_du_Monde #Egalite #Féminisme #Genre #NiUnaMenos

  • Le Botswana décriminalise l’homosexualité - RFI
    http://www.rfi.fr/afrique/20190611-le-botswana-decriminalise-homosexualite

    C’était une décision très attendue : la Haute Cour du #Botswana a ordonné l’abrogation des lois criminalisant l’#homosexualité ce mardi 11 juin. Après l’Afrique du Sud, les Seychelles, l’Angola et le Mozambique, un nouveau pays d’Afrique lève donc l’interdiction pénale en la matière.[...]

    Dans son arrêt, elle affirme que les lois en question sont « des reliques de l’ère victorienne », qu’elles « oppriment une #minorité » et « ne passent pas l’épreuve de la constitutionnalité ». Comme dans la plupart des pays, la #Constitution botswanaise affirme en effet la stricte #égalité entre les citoyens.

  • It’s time to recognize how men’s careers benefit from sexually harassing women in academia

    The wave of accusations about sexual harassment and predation in media and art has shown that it is impossible to separate the art from the artist, sparking much needed discussion about “how the myth of artistic genius excuses the abuse of women” (Hess 2017). We have a similar myth in academia: that the contributions of a harassing scholar can be separated from his bad behavior. It is time to debunk that myth once and for all.

    https://hugeog.com/wp-content/uploads/2019/06/HG_Vol-12_No1_2019_ch11.pdf
    #université #harcèlement #sexisme #harcèlement_sexuel #Me_too #MeToo

    Tribune écrite par des géographes aux Etats-Unis dans la revue Human Geography...

    Et je me rends compte qu’il faudrait qu’un jour je commence une métaliste sur cette question, car on commence à avoir une belle collection de documents sur seenthis...

    • Après #metoo, le besoin urgent d’une déontologie universitaire

      La #loi_du_silence se lève progressivement sur le problème du harcèlement sexuel à l’université. « De tels comportements ne doivent plus être acceptés, tolérés, voire encouragés. C’est pourquoi il est urgent qu’ils soient reconnus pour ce qu’ils sont : des #fautes_déontologiques et professionnelles, appelant des #sanctions_disciplinaires », insistent de nombreuses associations et universitaires de différentes universités françaises.

      La prise de conscience est lente, mais grâce au travail du #CLASCHES (https://clasches.fr), au mouvement #MeToo qui a soutenu la prise de parole des victimes et à la mobilisation d’universitaires (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/061218/violences-sexuelles-dans-l-enseignement-superieur-et-la-recherche-au), la loi du silence se lève progressivement sur le problème du harcèlement sexuel à l’université.

      Ce problème n’est pourtant pas encore traité avec le sérieux et la volonté politique qu’il requiert : qu’il s’agisse des procédures locales mises en place par les universités, de la communication à destination de la communauté universitaire sur le rôle des référent·e·s, des formations, des enquêtes et de l’application réelle de sanctions, les éléments essentiels pour la lutte contre le harcèlement sexuel n’en sont qu’à leurs balbutiements. Le fonctionnement rétrograde des #procédures_disciplinaires, qui ne peuvent être ouvertes que par les président·e·s d’université, ne reconnaissent pas de statut aux #victimes, et impliquent généralement de faire juger les personnes mises en cause par leurs ami·e·s et collègues, est particulièrement problématique (1). Les universités, de surcroît, ont trop souvent tendance à se défausser sur la #justice_pénale lorsque des #agressions_sexuelles ou des faits de harcèlement leur sont rapportés alors qu’elles ont la #responsabilité de les traiter non pas en tant que #délits mais en tant que manquements à des obligations professionnelles.

      Or, cette tendance des établissements de l’#Enseignement_Supérieur à prendre pour référence unique le #droit_pénal et y renvoyer les comportements pénalement répréhensibles qui sont dénoncés a une autre conséquence : non seulement les procédures disciplinaires ne sont pas systématiques en cas de délit d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel, mais elles laissent de côté par la même occasion l’ensemble des comportements de nature sexiste ou sexuelle qui forment la racine de ce problème.

      Lorsque des étudiant·e·s dénoncent des comportements soit sexistes, soit à connotation sexuelle ou amoureuse de la part de leurs enseignant·e·s, ceux-ci ne sont pas toujours susceptibles d’être sanctionnés pénalement. Pourtant ces comportements, outre leur gravité intrinsèque et leurs lourdes conséquences sur les étudiant·e·s et leurs trajectoires, constituent des manquements aux obligations professionnelles de l’enseignant·e, dans la mesure où ils entravent le fonctionnement du #service_public.

      Et en tant que service public, l’Enseignement Supérieur et la Recherche doit notamment assurer un environnement de respect et de sécurité et une relation pédagogique favorable à l’apprentissage de tou·te·s les étudiant·e·s : la "drague" n’a pas sa place dans cette relation et enfreint à ce titre les obligations professionnelles des enseignant·e·s.

      Ainsi, ce ne sont pas seulement les comportements répréhensibles devant les tribunaux (2) qui posent problème : toutes les sollicitations sexuelles et/ou amoureuses de la part d’enseignant·e·s compromettent cette #relation_pédagogique. Tout comportement à connotation sexuelle ou amoureuse de la part de l’enseignant·e est fondamentalement incompatible avec la #confiance, le #respect et l’#égalité_de_traitement nécessaires pour qu’un·e étudiant·e puisse étudier, apprendre, faire un stage ou réaliser un travail de recherche dans de bonnes conditions. Ces fautes professionnelles devraient systématiquement faire l’objet d’une #procédure_disciplinaire accompagnée d’une enquête précise, et non d’un simple #rappel_à_l’ordre informel (3), quand elles ne sont pas simplement passées sous silence.

      Dans le contexte institutionnel actuel de l’enseignement supérieur, la relation pédagogique est fortement asymétrique : l’enseignant·e est non seulement investi·e d’une position d’#autorité où il / elle est celui ou celle qui sait et transmet un savoir, mais cette relation pédagogique a aussi des implications très concrètes sur les notes, les évaluations, voire le jugement par l’ensemble d’une équipe pédagogique à l’égard d’un·e étudiant·e. Les enseignant·e·s ont ainsi un réel pouvoir de décision sur l’avenir universitaire et professionnel de leurs étudiant·e·s. Ce type d’#asymétrie suscite souvent à la fois crainte et admiration de la part des étudiant·e·s. Il est indispensable que les enseignant·e·s n’abusent pas de cette position et ne se sentent ni en droit et ni en mesure de le faire. Dans une telle situation d’asymétrie, tout comportement à connotation sexuelle ou amoureuse de la part de l’enseignant·e, qu’il soit répété ou non, que l’étudiant·e y réponde favorablement ou non, est assimilable à un #abus_de_pouvoir.

      Des situations qui entravent la déontologie la plus élémentaire sont trop souvent écartées d’un revers de main au prétexte que les personnes impliquées sont « des adultes consentants » (4). Comment construire une relation de confiance et de respect mutuel avec un directeur ou une directrice de thèse qui vous fait des avances, quand bien même votre refus serait respecté ? Comment se sentir à l’aise en cours avec un·e enseignant·e qui vous complimente sur votre apparence ? Il n’est plus acceptable d’entendre – comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas – des enseignant·e·s parler de leurs classes comme d’un terrain de chasse réservé, avec ce qu’il faut de parfum de transgression, du moment que leur environnement professionnel regarde discrètement ailleurs. Il n’est plus acceptable d’apprendre qu’un·e enseignant·e sort régulièrement avec des étudiant·e·s sans que cela n’entraîne de réaction ferme au sein des établissements. Le caractère choquant de ces comportements est pourtant admis de tou·te·s, qui ont la décence de n’en parler que dans des espaces confidentiels, entre collègues et à voix basse, mais pas le courage d’y mettre un terme.

      Le corps médical, confronté aux mêmes problèmes, a récemment introduit une précision dans le code de déontologie médicale, afin de faciliter la prise de sanctions adéquates en cas de plainte (5). Il est nécessaire et urgent qu’une clarification analogue soit adoptée et communiquée dans le cadre des établissements d’Enseignement Supérieur, au niveau national dans les décrets statutaires des enseignant·e·s et des différents corps d’enseignant·e·s et par conséquent dans le règlement intérieur de chaque établissement, et qu’il devienne ainsi clair, pour les enseignant·e·s comme pour les étudiant·e·s, que « l’enseignant·e ne doit pas abuser de sa position, notamment du fait du caractère asymétrique de la relation d’enseignement, et doit s’abstenir de tout comportement à connotation sexuelle ou amoureuse (relation intime, parole, geste, attitude…) envers l’étudiant·e » (6).

      De tels comportements ne doivent plus être acceptés, tolérés, voire encouragés. C’est pourquoi il est urgent qu’ils soient reconnus pour ce qu’ils sont : des fautes déontologiques et professionnelles, appelant des sanctions disciplinaires.

      (1) Voir à ce propos CLASCHES, « L’action du CLASCHES », Les cahiers du CEDREF, 19 | 2014, mis en ligne le 17 avril 2015 ; Alexis Zarca, « La répression disciplinaire du harcèlement sexuel à l’université », La Revue des droits de l’homme, 12 | 2017, mis en ligne le 29 juin 2017 ; DOI : 10.4000/revdh.3109. Voir également le colloque « Violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche : de la prise de conscience à la prise en charge » à l’Université de Paris Diderot (décembre 2017).

      (2) Pour rappel, ces comportements sont principalement les agressions sexuelles, dont le viol, ainsi que le harcèlement sexuel constitué soit par « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante », soit par « toute forme de pression grave (même non répétée) dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte sexuel ».

      (3) Rappelons que l’avertissement et le blâme figurent parmi les sanctions qui peuvent être déterminées à l’issue d’une procédure disciplinaire.

      (4) Dans l’enseignement secondaire, les élèves mineur·e·s de plus de quinze ans sont légalement protégé·e·s de leur côté par l’existence du délit d’atteinte sexuelle qui court jusqu’à dix-huit ans si la personne majeure a une autorité de fait sur la victime. Il faut cependant noter qu’une partie importante des lycéen·ne·s atteignent leur majorité durant leur scolarité.

      (5) Un commentaire précise désormais ainsi l’article 2 du code de déontologie : « le médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait du caractère asymétrique de la relation médicale, de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu en particulier à connotation sexuelle (relation intime, parole, geste, attitude, familiarité inadaptée …) ».

      (6) Les établissements pourront ensuite déterminer plus précisément l’extension de cette exigence, en tenant compte de leur organisation et de la structure de leurs formations.

      https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/280619/apres-metoo-le-besoin-urgent-d-une-deontologie-universitaire

  • Le numéro 1, un très beau numéro de la revue
    #Nunatak , Revue d’histoires, cultures et #luttes des #montagnes...

    Sommaire :

    Une sensation d’étouffement/Aux frontières de l’Iran et de l’Irak/Pâturages et Uniformes/La Banda Baudissard/
    À ceux qui ne sont responsables de rien/Des plantes dans l’illégalité/Conga no va !/Mundatur culpa labore

    La revue est disponible en pdf en ligne (https://revuenunatak.noblogs.org/numeros), voici l’adresse URL pour télécharger le numéro 1 :
    https://revuenunatak.noblogs.org/files/2017/03/Nunatak1HiverPrintemps2017.pdf

    Je mettrai ci-dessous des mots-clés et citations des articles...

    –—

    métaliste des numéros recensés sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/926433

  • Le bel avenir des inégalités

    Que vaut la promesse d’égalité démocratique lorsque la situation matérielle des classes moyennes et populaires stagne ou régresse ? À travers une analyse implacable des inégalités mondiales, #Branko_Milanovic met en évidence la difficulté du combat pour la #justice_sociale au début du XXIe siècle.


    https://laviedesidees.fr/Le-bel-avenir-des-inegalites.html
    #inégalités #livre #monde #classes_moyennes #riches #pauvres #richesse #pauvreté #égalité_des_chances
    ping @reka

  • Stéréotypes/#Stéréomeufs

    L’outil Stéréotypes/Stéréomeufs se fonde sur le retour terrain de nos bénévoles et volontaires qui ont relevé une réelle volonté de la communauté éducative de traiter de la thématique de l’#égalité #filles-#garçons ou encore de mener un projet autour de cette dernière. Le projet répond donc à un réel besoin des établissements scolaires et des élèves.

    https://www.stereotypestereomeuf.fr

    Les #fiches_pédagogiques :
    https://www.stereotypestereomeuf.fr/fiches-pedagogiques

    #stéréotypes #préjugés #femmes #ressources_pédagogiques #éducation

    Un outil de la MGEN, ma mutuelle... j’ai vu l’annonce sur le journal de la mutuelle... pas encore regardé, donc je signale ici, mais ça peut être nul !

    • Les #black_blocs. La #liberté et l’#égalité se manifestent

      Apparue à Berlin-Ouest vers 1980 et popularisée lors de la « bataille de Seattle » en 1999, la tactique du black bloc connaît un renouveau. Des black blocs ont manifesté lors du Sommet du G20 à Toronto, du Printemps arabe, du mouvement Occupy et des Indignés, lors des récentes grèves étudiantes au Québec et contre la vie chère au Brésil, dans les « cortèges de tête » en France et contre les néonazis aux États-Unis.

      Cagoulés, vêtus de noir et s’attaquant aux symboles du capitalisme et de l’État, les black blocs sont souvent présentés comme des « casseurs » apolitiques et irrationnels, voire de dangereux « terroristes ».

      Publié une première fois en 2003 et depuis mis à jour et traduit en anglais et en portugais, ce livre est reconnu comme la référence pour qui veut comprendre l’origine du phénomène, sa dynamique et ses objectifs. Alliant observations de terrain, entretiens et réflexion éthique et politique, l’auteur inscrit les black blocs dans la tradition anarchiste de l’action directe.


      https://www.luxediteur.com/catalogue/black-blocs-2

      #livre

    • Un point de vue marxistes sur ces zozos :
      Autonomes et black blocs : une fausse radicalité et une impasse https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2018/06/24/autonomes-et-black-blocs-une-fausse-radicalite-et-une-impass

      Extrait :

      Le pourrissement continu de la société capitaliste va certainement pousser, à l’avenir, bien des jeunes vers ce faux radicalisme, qui n’est en fait que le signe d’une démoralisation et d’un manque de confiance dans la capacité des masses à changer leur sort. Et il ne serait pas surprenant que, demain, un certain nombre de ces jeunes fassent un pas de plus et expriment leur «  rage  » et leur nihilisme non plus à coups de marteau dans des vitrines mais avec des bombes. Le mouvement ouvrier a déjà connu bien des fois de tels reculs.

      Nous continuons de penser que la seule chose utile pour espérer changer le monde, ce n’est pas d’infliger des petites piqûres de moustique à la bourgeoisie et au capitalisme, qui n’a que faire d’un magasin saccagé et d’un abribus brisé. Le radicalisme, ce n’est pas jeter un pavé sur un flic. C’est se battre pour le pouvoir aux travailleurs, l’expropriation de la bourgeoisie et l’abolition du salariat. C’est militer pour que puisse se produire la seule chose qui effraie réellement la bourgeoisie  : un soulèvement conscient du monde du travail.

  • LE #MANIFESTE ACADÉMIQUE POUR LA GRÈVE FÉMINISTE DU 14 JUIN 2019 EN SUISSE

    Nous sommes des #scientifiques de différentes disciplines et nous allons nous mettre en grève le 14 juin 2019. Les femmes* sont systématiquement et massivement sous-représentées au sein des universités et des hautes écoles spécialisées suisses. Cet état de fait a des conséquences fondamentales sur les processus de production et de transmission du savoir. Nous portons les revendications suivantes en lien avec notre environnement de travail :

    – Jusqu’à ce que 50 pourcent des postes professoraux soient occupés par des femmes* dans toutes les disciplines, chaque université et haute école suisse doit pourvoir les #postes_professoraux nouvellement mis au concours par des femmes* à hauteur de 50 pourcent. Les femmes* ne doivent pas être renvoyées à des emplois moins bien dotés. Le même principe vaut pour tous les organes directeurs et postes académiques des hautes écoles et des universités.
    – Nous exigeons un #salaire égal pour un travail égal, sans distinction de genre. Pour cela les classifications salariales individuelles et les #barèmes_salariaux doivent être rendus transparents.
    – Chaque poste professoral doit permettre le job sharing. Toutefois, le #job_sharing n’équivaut pas à fournir la même quantité de travail pour la moitié du salaire. Seule une réelle réduction de la charge de travail permet une meilleure compatibilité des activités professionnelles et extra-professionnelles.
    – Au minimum 50% des postes faisant suite au doctorat et financés par les universités doivent être de durée indéterminée.
    – L’#enseignement et la #recherche doivent être rémunérés à leur juste valeur. Le fait que les privat-docents doivent enseigner gratuitement afin de ne pas perdre leur titre doit être immédiatement aboli. Les titulaires de contrats d’enseignement et de mandats ne doivent pas avoir à attendre la fin du semestre pour recevoir leur rémunération.
    – La #parité de genre est requise au sein de chaque commission de recrutement, de chaque jury et de chaque organe décisionnel du Fonds national suisse #FNS de la recherche scientifique, ce pour chaque discipline.
    – Afin de garantir des procédures de recrutement équitables et une gestion du personnel sensible aux dimensions de genre, nous exigeons des #formations_continues obligatoires pour les personnes siégeant dans des commissions de recrutement ou qui occupent des fonctions de cadres.
    – L’enseignement de même que les procédures administratives au sein des universités et hautes écoles suisses doivent être attentives aux questions de genre. Nous exigeons pour cela des mesures de #sensibilisations adaptées aux fonctions de chaque groupe professionnel concerné au sein des hautes écoles et des universités suisses. L’enseignement doit sensibiliser à un usage de la langue prenant en compte les questions de genre.
    – Nous appelons à des mesures globales pour une meilleure compatibilité des activités professionnelles et extra-professionnelles.
    – La #mobilité (notamment pour les mesures d’encouragement) doit être promue, mais ne doit pas constituer un impératif.
    – Les #obligations_professionnelles régulières, telles que les réunions ou les séances administratives liées à l’institution doivent avoir lieu durant la semaine et se terminer à 17 heures.
    – La #vie_familiale doit être rendue possible dans les universités et les hautes écoles et les familles doivent être soutenues. Nous exigeons l’introduction et le développement du #congé_parental, afin qu’un partage équitable des #gardes_d’enfants et des tâches éducatives soit réellement possible.
    – La couverture légale et financière du congé parental doit également être assurée dans le cadre des projets financés par des fonds tiers. Le congé parental ne peut être déduit de la période de recherche définie pour le projet au détriment des chercheuses et chercheurs.
    – Les infrastructures pour la garde d’enfants au sein des hautes écoles et des universités doivent être renforcées. Un nombre suffisant de places de #crèche à des prix abordables doit être garanti, de même qu’une offre suffisante d’espaces parents-enfants.
    – Nous exigeons que les acquis pour lesquels le mouvement féministe s’est battu - comme la mise en place d’études genre dans les universités ainsi qu’au sein de différentes disciplines - soient étendus et non pas démantelés.
    – Nous exigeons davantage de moyens pour la prévention et la répression du #harcèlement_sexuel au sein des institutions universitaires.
    – L’instrument d’encouragement qui soutenait spécifiquement les femmes* en lien avec leur situation familiale aux niveaux doctoral et post-doctoral (Marie Heim-Vögtlin) a été aboli par le FNS au profit d’un format se réduisant à l’#excellence à partir du niveau post-doctoral. Nous appelons à la création de nouveaux instruments d’encouragement et au renforcement des instruments existants, afin que les jeunes chercheuses et chercheurs indépendamment de leur situation familiale ou de leur genre et des réseaux professionnels liés au genre, bénéficient des mêmes perspectives professionnelles.
    – Les #coming_out forcés, les imputations erronées de genre et les assignations de genre superflues doivent être combattues au sein des hautes écoles et des universités. Nous exigeons des adaptations administratives et institutionnelles pour les personnes non-binaires, trans et inter ; par ex. adaptations simplifiées ou suppression de l’indication de genre et toilettes non-genrées. Nous exigeons des formations à destination du personnel ainsi que des services compétents sur ces questions dans toute université et haute école.
    – Les #discriminations liées au genre et à l’#identité_de_genre sont étroitement liées à d’autres types de discriminations telles que celles fondées sur la racialisation, la religion, les origines sociales ou géographiques, l’orientation sexuelle, l’âge ou le handicap. Nous demandons à ce que les discriminations liées au genre au sein des établissements de recherche soient combattues dans une perspective multidimensionnelle et intersectionnelle.
    – Enfin, nous exigeons des mécanismes et des mesures de contrôle réels et contraignants pour mettre en œuvre l’#égalité des genres.

    Nous nous solidarisons avec le personnel non-académique des hautes écoles et des universités qui s’engage pour des conditions de travail meilleures et égalitaires, ainsi qu’avec les étudiant-e-s en grève. Nous soutenons par ailleurs toutes les autres revendications émises dans le cadre de la grève des femmes*.

    https://www.feminist-academic-manifesto.org
    #grève #grève_féministe #Suisse #14_juin_2019 #université #femmes #féminisme #lutte #résistance #genre #rémunération #travail #salaire

    • La grève des femmes, Suisse repetita

      Il y a vingt-huit ans, le 14 juin 1991, en Suisse, plus de 500000 femmes descendaient dans la rue pour réclamer l’application de l’article constitutionnel sur l’égalité entre hommes et femmes. Au bureau, à l’usine, à la maison, à l’école, elles décident de pas travailler pendant une journée, pour montrer que sans leur travail, la société ne peut continuer à fonctionner… Vingt-huit ans plus tard, l’égalité n’ayant toujours pas été obtenue, de très nombreuses femmes préparent une nouvelle journée de grève qui aura lieu le 14 juin prochain. Au pays de la « paix du travail », c’est un événement absolument exceptionnel, pour lequel se mobilisent particulièrement les jeunes générations de femmes.

      Victoire Tuaillon du podcast Les Couilles Sur La Table, et Emilie Gasc, journaliste à la Radio Télévision Suisse, ont interrogé ces femmes d’hier et d’aujourd’hui qui incarnent ce combat. Un documentaire en trois épisodes, à retrouver à partir du 11 juin dans Programme B pour Binge Audio, et sur Play RTS, Apple Podcasts et Spotify pour la RTS.

      https://www.binge.audio/la-greve-des-femmes-suisse-repetita

  • Une Déclaration pas si universelle

    La lutte pour les droits humains ne conduit pas toujours à l’#émancipation et à #la liberté. C’est même souvent le contraire qui est vrai, estime la chercheuse indienne #Ratna_Kapur.


    Les droits humains sont-il universels ? La question était au centre d’un débat organisé en mars dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) de Genève. Parmi les intervenants, l’universitaire indienne Ratna Kapur a développé un point de vue résolument critique et féministe qui souligne les limites de luttes basées sur les droits humains.

    Professeure de droit international et chercheuse à l’université Mary Queen de Londres, elle vit entre la capitale anglaise et l’Inde, et s’intéresse en particulier aux questions de genre et d’altérité1. Ratna Kapur soutient que les droits humains ont, dès le départ, davantage servi des objectifs politiques et culturels que la condition des groupes opprimés, et ce partout dans le monde. Interview.

    Les droits humains sont-ils universels ?

    Ratna Kapur : Clairement pas. Relisez la #Déclaration_universelle_des_droits_de_l’homme et vous serez frappé par l’utilisation du pronom masculin, par une certaine conception de la #famille (nucléaire et dépendante) et du #mariage qui exclut d’emblée d’autres modèles, par exemple.

    Rappelons par ailleurs que le comité de rédacteurs de la Déclaration [adoptée en 1948] n’incluait pas de représentants des gros deux tiers de la planète qui étaient encore sous le règne colonial ou sous le joug de la ségrégation ou de son héritage. Dans certaines parties du monde, les #femmes n’avaient pas accès à la propriété ni au droit de vote. Ces auteurs portaient une perspective paternaliste, en affirmant savoir ce qui est bon pour les autres, qui remonte au #colonialisme : « Nous, les pays civilisés, savons ce qui est bon pour vous. »

    Pourtant, la plupart des droits contenus dans la Déclaration paraissent couler de source. Le droit à la vie, le droit à la santé ou à la liberté d’expression ne seraient pas universels ?

    Le droit à la vie, pour ne prendre que celui-ci, est très contesté : il y a différents points de vue sur l’avortement et la peine de mort. Plus fondamentalement, si nous pensions vraiment que les droits humains étaient universels, les migrants qui traversent la Méditerranée pour se rendre en Europe auraient le droit à la vie, n’est-ce pas ? En réalité, on conditionne les droits, on bricole des justifications pour ne pas les octroyer à certains groupes – les réfugiés et les homosexuels, par exemple. Les droits sont toujours négociés selon certains critères. Tant que nous nous conformons à ces critères, tout va bien, mais s’ils apparaissent remis en cause ou menacés, les droits ne s’appliquent plus. Il y aura toujours une justification pour dénier des droits. Pour en bénéficier, les « non-Blancs », par exemple, doivent prouver leur capacité à s’assimiler.

    Vous faites référence à cet égard à l’exemple de l’interdiction du voile intégral en France…

    Oui, certaines féministes ont décrété que c’était un signe de soumission. Pourtant, selon des musulmanes qui désiraient porter ce voile, le fait de ne pas montrer son visage est un moyen de tourner son attention vers l’intérieur de soi-même. C’est une toute autre philosophie et une éthique de vie. Pourquoi ne pas les écouter ?

    Après l’interdiction en 2011, des femmes sont allées voilées dans l’espace public, dans le but ensuite de pouvoir saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour faire valoir leur droit. En 2014, la Cour a statué que le port du voile intégral contrevenait aux politiques démocratiques de cohésion sociale et au vivre-ensemble. Pourtant, il n’existe rien de tel dans la Convention européenne des droits humains. Il s’agit donc bien là d’une décision politique. De même, quand des policiers armés et vêtus de gilets pare-balles ont envahi les plages pour ordonner à des femmes en burkini de se dévêtir, ce ne sont pas les droits humains qui sont en jeu.

    Est-ce les droits humains eux-mêmes que vous mettez en cause ? Ou leur instrumentalisation ?

    Aucune loi, aucun droit, ne peut être appréhendé hors de son contexte historique. Invariablement, les droits humains, façonnés par l’homme blanc, ont fonctionné en dénigrant certaines communautés, en les faisant passer pour « non civilisées ». Cet aspect est constitutif des droits humains, la raison pour laquelle ils ont été façonnés.

    Prenons un autre exemple : l’égalité entre femmes et hommes. Il s’agit de définir ce qu’est l’égalité. Surgit alors la question conflictuelle : sont-ils différents ? Et ensuite, s’ils le sont : différents par rapport à qui ? Aux hommes hétérosexuels ? Aux hommes blancs ? Aux hommes mariés ? Qui représente le standard de la similitude ?

    Longtemps, on a justifié le refus d’accorder le droit de vote aux femmes avec l’argument qu’elles étaient différentes des hommes. Idem pour les personnes homosexuelles qui réclament le droit à l’égalité. Si vous ne pouvez prouver que vous appartenez à la catégorie de référence, vous êtes traités différemment. Je constate que l’universalité cache en réalité cette conception sous le couvert de la neutralité.

    A vos yeux, les droits humains ne sont-ils pas un instrument utile ?

    Si, nous en avons besoin, et ils peuvent être des outils radicaux. Je dis simplement que nous devons leur porter un autre regard : comprendre que les droits sont une construction politique et un lieu de pouvoir. Tout le monde peut les manier. Ils peuvent donner plus de pouvoir à l’Etat, à la police ou aux ONG, et pas forcément aux personnes qui en ont besoin – ils peuvent même être exploités pour les affaiblir. Ce ne sont pas toujours les « gentils » qui gagnent.

    Par conséquent, nous devons nous ôter de la tête que les droits humains sont nécessairement progressistes en eux-mêmes et nous engager politiquement avec eux. C’est parce que les droits humains sont trop souvent utilisés dans une perspective quelque peu naïve que nous perdons sans cesse.

    #droits_humains #universalité #universalisme #paternalisme #néo-colonialisme #droit_à_la_vie #avortement #peine_de_mort #droits #voile #burkini #civilisation #égalité #neutralité #pouvoir

  • Le prix du premier enfant sur le salaire des femmes
    Par Ioana Marinescu, professeure d’économie à l’université de Pennsylvanie — 8 avril 2019 à 17:06
    https://www.liberation.fr/debats/2019/04/08/le-prix-du-premier-enfant-sur-le-salaire-des-femmes_1720101
    Une étude a mesuré les baisses de revenus après un premier accouchement chez les couples hétérosexuels comme lesbiens. Les conclusions sont édifiantes.

    Le prix du premier enfant sur le salaire des femmes

    Pourquoi les femmes gagnent-elles moins d’argent que les hommes ? Dans les pays riches, les femmes sans enfant gagnent à peu près la même chose que les hommes. La différence de salaire entre les hommes et les femmes ne peut donc pas s’expliquer par la biologie : les femmes ne sont pas intrinsèquement moins productives. Pourtant, lors de la naissance du premier enfant, un écart de salaire entre hommes et femmes se creuse puis persiste. Un nouveau document de travail par Andresen et Nix montre que cet écart de salaire s’explique largement par des raisons culturelles, et qu’il peut être réduit par un meilleur accès aux crèches.

    Que ce soit aux Etats-Unis, au Danemark ou en Norvège, la naissance du premier enfant s’accompagne d’une baisse de revenu pour les nouvelles mères. En Norvège, le revenu d’une mère baisse d’environ 20 % et, même lorsque l’enfant grandit, cet écart demeure. Quelles sont les raisons profondes pour lesquelles les mères choisissent de travailler moins ou dans des jobs moins rémunérateurs ?

    Pour tenter d’y répondre, les chercheurs comparent l’effet d’une première naissance sur le revenu dans les couples hétérosexuels et dans les couples lesbiens.

    Dans les couples hétérosexuels, le salaire du père n’est donc pas affecté par la naissance du premier enfant. La mère subit une perte de revenu d’environ 20 %, qui persiste au cours du temps. On pourrait penser que cela est simplement dû au congé maternité. Si c’était le cas, encourager le congé paternité pourrait contribuer à une plus grande égalité dans le couple. En fait, il n’en est rien. La Norvège a rendu le congé paternité de plus en plus attractif, et de plus en plus de pères en ont profité. Mais sans que le revenu des mères n’augmente.

    Que se passe-t-il dans les couples lesbiens ? La femme qui accouche pour la première fois subit également une perte de revenu, mais « seulement » d’environ 10 %. Contrairement aux pères qui ne subissent pas de perte de salaire, la compagne d’une nouvelle mère homosexuelle subit elle aussi une perte de revenu d’environ 5 %. Cela suggère que la compagne participe plus activement aux activités au foyer que ne le fait le père dans un couple hétérosexuel. Alors que dans les couples hétérosexuels la baisse de revenu demeure pendant plus de cinq ans, dans les couples lesbiens la baisse de revenu s’efface cinq ans après la naissance du premier enfant.

    Le fait que l’effet de la naissance du premier enfant n’est pas le même sur les deux femmes dans un couple lesbien suggère que la naissance elle-même - les soins du nouveau-né, y compris l’allaitement - joue bien un rôle dans la baisse de revenu. Mais dans ces couples, la mère qui a accouché perd moins de terrain professionnellement, sa compagne semble l’aider davantage et in fine la perte de revenu s’efface. Il est donc vraisemblable que des normes plus égalitaires règnent dans les couples lesbiens.

    En revanche, dans les couples hétérosexuels, les normes renforcent le handicap de la mère et créent une inégalité persistante, même au-delà de la toute petite enfance où la biologie peut jouer un rôle plus important. Cette norme prescrit encore souvent à la mère de mettre l’accent sur son foyer plus que sur son travail.

    Alors comment peut-on créer plus d’égalité salariale ? Encore une fois, l’expérience de la Norvège est édifiante. Avant 2002, moins de 50 % des enfants de 1 à 2 ans allaient à la crèche. En 2002, le gouvernement a décidé d’augmenter le nombre de places en crèche. Les chercheurs montrent que l’arrivée de places supplémentaires dans une ville réduit la perte de salaire des nouvelles mères d’environ 25 %. Il est donc possible de réduire les inégalités salariales entre les hommes et les femmes en augmentant l’accès aux crèches.

    Comme le montre l’expérience des couples lesbiens, la perte de salaire subie par les mères n’est pas une fatalité. Une culture plus égalitaire au sein du couple permet aux nouvelles mères de rattraper leur retard salarial plus vite.

    En attendant le changement - lent - de la culture et des mentalités, l’intervention du gouvernement pour fournir des places en crèche peut réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes.

    Cette chronique est assurée en alternance par Pierre-Yves Geoffard, Anne-Laure Delatte, Bruno Amable et Ioana Marinescu.
    Ioana Marinescu professeure d’économie à l’université de Pennsylvanie

  • « Les hommes ont plus besoin de savoir où est le clitoris qu’ils n’ont besoin d’allonger leur pénis. » - Entrevue des Towanda Rebels, deux vidéastes féministes espagnoles
    http://tradfem.wordpress.com/2019/04/07/les-hommes-ont-plus-besoin-de-savoir-ou-est-le-clitoris-quils-non

    En ce sens, comment incluriez-vous l’éducation sexuelle dans les écoles, comment intervenir pour atténuer le drame de ceux qui n’ont eu que la pornographie comme éducation sexuelle et de la conception que les jeunes ont du sexe ?

    Teresa : C’est incroyable. On parle peu de cela, mais une éducation sexo-affective serait ce qu’il convient de faire, et ce n’est pas seulement une question de sexe. Quand on est tout·e petit·e, il est très important qu’on nous dise que notre corps nous appartient et que personne n’a le droit de le toucher, en particulier nos parties intimes, etc. C’est cela, éduquer à la sexualité. Et c’est un moyen de prévenir les agressions sexuelles. Et aussi, avant la puberté, il faut parler d’autres choses (parce qu’alors les jeunes s’éloignent de toi, en commençant à consommer du porno, dès l’âge de 10 ans). Il faut leur dire : la pornographie existe. Et analyser la pornographie. Il ne s’agit pas d’interdire, interdire « parce que, c’est comme ça », mais de leur faire comprendre ce qu’est réellement le sexe pour que lorsque les jeunes arrivent à cette pornographie, ils la voient d’un autre œil. Surtout parce qu’ils y ont maintenant accès avant même leur premier baiser.

    Zua : Je pense qu’il est essentiel d’enseigner le sexe autrement qu’à partir d’une vision de danger. Pas seulement « Ne tombez pas enceinte, ne contractez pas de maladies sexuellement transmissibles… ». L’éducation ne peut pas en rester là. Le sexe fait partie de la communication entre les gens. Tout comme nous leur enseignons les règles de base de la coexistence, des limites, de l’empathie… nous devons parler de sexe aux jeunes. Si on demande un café avec empathie, comment ne pas baiser avec empathie ? Il y a aussi la question de l’anatomie. C’est une honte que dans nos livres de biologie, l’organe sexuel féminin n’apparaisse pas. Celui-ci n’est pas notre appareil reproducteur. Chez les femmes, le sexe et la reproduction passent par des organes différents, pas comme chez les hommes. Je parle du clitoris. Nous allons dans des lycées et les jeunes ne savent pas ce que c’est, ni où c’est. Ils et elles ne s’attendent même pas à ce qu’il existe. Notre anatomie est invisibilisée.

    Teresa : Presque toutes les filles savent parfaitement comment faire une branlette dès le premier instant, dès que nous abordons la sexualité. Parce que tout tourne autour du phallus ; c’est l’héritage de la pornographie. Mais très peu de filles savent se masturber, se donner du plaisir, en demander. Il faut savoir demander, et pour cela il faut savoir ce que l’on aime. Mais on nous dit « vous devez aimer cela ». C’est pourquoi quand des gens disent que la pornographie est une liberté, je rigole. Quelle liberté, si elle répond à une partition imposée ? On ne peut pas en sortir.

    Traduction : #Tradfem
    Version originale : https://www.elespanol.com/cultura/20190324/towanda-rebels-hombres-necesitan-saber-clitoris-alargarse/385212709_0.html
    #éducation_sexuelle #pornographie #prostitution #égalité #sexe #MST #féminisme

  • Pays nordiques. Des #victimes de #viol s’unissent pour mettre fin à l’#impunité pour les auteurs de viol et faire tomber les obstacles à la #justice | Amnesty International
    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2019/04/rape-and-sexual-violence-in-nordic-countries-consent-laws
    https://www.amnesty.org:443/remote.axd/aineupstrmediaprd.blob.core.windows.net/media/20325/denmarkcover.jpg?preset=fixed_1200_630

    Le rapport Time for change : Justice for rape survivors in the Nordic countries révèle que des législations déficientes et des mythes et #stéréotypes néfastes liés au genre ont entraîné une impunité généralisée pour les auteurs de viol dans la région.

    Bien que figurant parmi les pays les mieux classés au monde en ce qui concerne l’#égalité des #genres, quatre pays nordiques (le #Danemark, la #Finlande, la #Norvège et la #Suède) affichent des taux de viol élevés, et leur système judiciaire porte préjudice aux victimes de violences sexuelles, a déclaré Amnesty International le 3 avril 2019.

  • « Les opposants à la “théorie du genre” disposent de relais politiques puissants » (David Paternotte, Le Monde, 29.03.2019)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/david-paternotte-les-opposants-a-la-theorie-du-genre-disposent-de-relais-pol

    Depuis le début des années 1990, le Saint-Siège, la droite populiste et l’extrême droite affirment que le concept de #genre déconstruit l’ordre des sexes. Entretien avec un sociologue de l’Université libre de Belgique qui a dirigé un ouvrage collectif sur les campagnes #antigenre en Europe.

    Ils s’attaquent principalement aux #droits à la #reproduction, au #mariage et à la #parentalité des #homosexuels, #lesbiennes et #bisexuels, ainsi qu’aux droits sexuels et reproductifs des #femmes. En de nombreux endroits, ils ont aussi remis en cause l’#éducation_sexuelle ainsi que l’éducation contre les #stéréotypes de genre. S’est ensuite greffée à ces combats la remise en cause de la légitimité des études de genre à l’université.
    Les militants des campagnes antigenre se présentent souvent comme des sauveurs de la démocratie : ils disent lutter contre le totalitarisme moderne de la #pensée_unique et du #politiquement_correct. Ils affirment se battre pour la #liberté_religieuse, mais aussi la #liberté_d’expression, limitée selon eux par la jurisprudence en matière de discours de #haine. En Europe, il serait, à les croire, de plus en plus difficile d’être chrétien et d’invoquer sa conscience pour refuser de marier des homosexuels ou de pratiquer des #avortements.

    #PayWall

  • Le tutoiement au travail, un subtil marqueur social, Baptiste Coulmont, Professeur de sociologie à l’Université Paris VIII
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/03/25/le-tutoiement-au-travail-un-subtil-marqueur-social_5440691_1650684.html

    Pour le sociologue Baptiste Coulmont, l’usage du « tu » reflète les frontières au bureau : entre groupes professionnels, entre groupes de sexe, entre générations.

    Carte blanche. Le tutoiement, affaire de feeling ou d’habitude ? Certains ont le tutoiement si facile qu’il semble être dans leur nature. Mais il se généralise, signe qu’il ne dépend pas que des individus. Il était déjà hégémonique pendant l’enfance, puis dans le monde étudiant. Il est maintenant omniprésent au #travail. C’est une des premières règles qu’on m’a indiquées, à mon arrivée à l’université Paris-VIII : « Ici on se tutoie. »

    On se tutoie parce qu’on s’estime être égaux. Mais voilà qu’aujourd’hui, en majorité, c’est aussi son chef qu’on tutoie, alors même qu’il nous commande. L’enquête COI sur les changements organisationnels et l’informatisation a demandé à 16 000 salariés, parmi de nombreuses autres questions, s’ils tutoyaient leur supérieur hiérarchique. Le plus souvent, la réponse est « oui ». Alex Alber (université de Tours) déplie les tenants et les aboutissants de cette pratique sociale faussement anodine dans le dernier numéro de la revue Sociologie du travail :
    « C’est d’abord une pratique d’hommes et de cadres du secteur privé. Seule une femme sur deux tutoie son chef. C’est pourtant le cas de sept hommes sur dix. »

    Les cadres tutoient leur « n + 1 » (qui est aussi cadre, et souvent de sexe masculin). Les employées et employés le font moins : leur chef n’est pas employé, il est cadre ou profession intermédiaire, et souvent d’un autre sexe qu’eux. Les plus jeunes tutoient plus que les plus âgés… et on tutoie d’autant plus son chef qu’il est plus jeune que nous.

    La plus ou moins grande fréquence du tutoiement reflète alors les frontières : entre groupes professionnels, entre groupes de sexe, entre générations. C’est un marqueur subtil des différences de pouvoir et de distance entre groupes. On voit bien qu’il ne s’agit pas là simplement de feeling : les grandes variables sociales sont associées à la fréquence du tutoiement du chef.

    Nouvelles formes d’organisation du travail

    Mais le plus intéressant émerge quand le sociologue se demande alors s’il ne s’agit pas d’habitudes ou d’une « culture » du tutoiement, qu’on sait fréquent dans les start-up, par exemple.

    Plutôt que vers une « culture du tu », c’est vers les nouvelles formes d’organisation du travail qu’il faut tourner son regard : on tutoie son « n + 1 » quand ce dernier n’a plus l’habit du « petit chef ». Le tutoiement du chef direct est plus fréquent quand les salariés font l’objet d’évaluations individualisées ou reçoivent des primes : le « management par objectifs », associé à l’autonomie dans les méthodes de travail, s’accompagne d’un recours plus intense au tutoiement.

    L’organisation en « groupes de projet », qui réunissent des salariés de niveaux hiérarchiques différents et venant de directions différentes, développe encore le recours au tutoiement, lingua franca des interactions. Dans ces mondes professionnels, le contrôle de l’activité est délégué à des outils standardisés qui servent d’interface entre le chef et ses subordonnés. Ce n’est plus le chef qui sanctionne, c’est la machine.

    Selon l’enquête COI, un monde résiste. Pourquoi donc ? Le tutoiement est associé à des relations souples, horizontales, égalitaires, des formes d’interactions socialement valorisées. Qui n’en voudrait pas ? Dans les administrations publiques de l’Etat, le recours au tutoiement est moins important. On vouvoie son chef. L’individualisation des carrières y est moins poussée que dans le secteur privé, car « le caractère impersonnel du statut limite la possibilité, pour le supérieur hiérarchique direct, de négocier les conditions d’emploi de l’agent », écrit Alex Alber. Le modèle bureaucratique distribue clairement les rôles hiérarchiques des fonctionnaires et limite alors l’attrait du tutoiement : la fiction du patron-copain n’y est pas tenable.

    J’ai pas l’âge, mais pour instaurer un minimum de distance, il m’arrive de répondre au #tutoiement qu’on a pas fait 68 ensemble. Ralbol de ces fausses proximités.

    #égalité (fausse)

  • Graffitis sur l’Esplanade Alain le Ray à #Grenoble à l’occasion de la journée des droits des femmes (#8_mars) :

    Ne me libère pas, je m’en charge

    Nous sommes les filles des #sorcières que vous n’avez pas pu brûler

    Ta mains sur mon cul
    Mon poing sur ta geule


    #harcèlement #harcèlement_sexuel

    #Machos, vous nous cassez le #clito

    On ne lâche rien
    Debout !
    Résiste !


    #résistance

    + #femmes = + #science

    Hermana, yo si te creo

    Pas de violeurs dans nos orgas


    #viol

    Mi cuerpo mi territorio


    #corps #territoire

    No eramos conscientes de nuestra propria estatura hasta que nos pusimos de pie

    Un dia me llamaste perra y a lo mejor es porque no quiero dejar de ladrar


    #aboyer

    Mi cuerpo mis reglas


    #menstruations

    Le 8 mars c’est toute l’année :

    Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à tuer

    Détruisons le #patriarcat, pas la planète

    Si no puedo bailar, tu revolucion ne me interessa


    #révolution #danse

    Prefiero morir luchando que vivir callando


    #lutte

    Yo no nacì de ninguna costilla
    yo nacì de una vagina
    Eva


    #Eve

    #Police
    Mecs cis,
    tous complices

    On ne peut pas réduire 50% de la population au singulier
    oui aux #droits_des_femmes

    #Sexualité#maternité

    Gender is over

    Nos corps nos #choix

    Egalité des sexes
    #Congé_paternité
    3 mois obligatoires


    #égalité #paternité #congés

    Vibro mourir
    Le #féminisme ça fait du bien là où sa fait mâle

    Ils ont voulu nous enterrer mais ils ne savaient pas que nous étions des #graines


    #semences

    Les #habits n’ont pas de genre

    Stop à la #bitocratie


    #féminisme

  • #Rokhaya_Diallo : « On peut être raciste en pensant faire un compliment »

    Le racisme est construit par l’Histoire et se perpétue par les stéréotypes et le fonctionnement de l’Etat, affirme la militante antiraciste française Rokhaya Diallo, en Suisse pour la Journée internationale pour l’élimination de la #discrimination_raciale.

    « De nombreuses personnes ne sont pas mal intentionnées quand elles profèrent une assertion raciste. Par exemple, on peut avoir l’impression de faire en compliment en disant à une personne noire qu’elle parle bien français », explique Rokhaya Diallo au micro de La Matinale jeudi. « Il n’y a pas forcément une #intentionnalité dans le racisme, qui n’est pas l’apanage de l’extrême droite ou de personnes malveillantes. »

    Journaliste, écrivaine, chroniqueuse et réalisatrice, Rokhaya Diallo est régulièrement au centre de polémiques dans l’Hexagone pour ses prises de positions antiracistes et féministes. « L’#espace_public français compte peu de personnes de couleur qui s’expriment dans l’espace public sur les questions de racisme. Je ne suis pas non plus représentative du milieu social ouvrier dont je suis issue. Le fait que je suis une #femme me vaut, en plus des insultes habituelles, des #menaces de #viol. En tout point, je suis la tête qui dépasse. »

    Racisme « atmosphérique »

    Née à Paris de parents immigrés sénégalais, élevée dans un milieu multiculturel, Rokhaya Diallo affirme avoir découvert le racisme assez tard dans sa vie. « Le racisme ’atmostphérique’ est le recours aux #stéréotypes les plus récurrents sur les personnes d’une certaine origine, qui cantonne ces personnes à certaines qualités », définit-elle.

    Par exemple, présupposer que les Asiatiques sont bons en sciences ou que les Noirs sont doués pour les sports n’est premièrement pas une réalité - « moi-même, je ne cours pas vite », s’amuse-t-elle -, et deuxièmement, cela permet d’autres préjugés de type « en revanche, les Blancs sont plus intelligents ou meilleurs pour ceci ou cela. »

    « Les #conditions_sociales existent, évidemment, pour expliquer diverses compétences, par exemple l’endurance des marathoniens d’Afrique de l’Est qui ont vécu entouré de montagnes. Mais une population ne doit pas être réduite à cela », souligne Rokhaya Diallo. « Laisser à l’individu sa capacité à exprimer ses talents propres est beaucoup plus pertinent. »

    Un fruit de l’Histoire toujours vivace

    Pour la militante, le racisme est avant tout le fruit de l’Histoire qui a généré les divisions dans le monde. « Au moment de justifier par exemple le recours à l’esclavage, on a utilisé les sciences ou la Bible afin de créer des préjugés permettant ces pratiques. »

    Et nombre de préjugés sont toujours vigoureux aujourd’hui, relève-t-elle, évoquant l’insulte de « singe » qui a qualifié l’ex-ministre de la Justice française Christine Taubira, les jets de bananes à l’encontre de joueurs de football comme Mario Balotelli ou Kalidou Koulibaly, ou encore les contrôles au faciès statistiquement beaucoup plus nombreux sur les jeunes hommes d’origine maghrébine.

    « La police est une institution de la République, or il n’y a pour l’heure pas de politique institutionnelle pour mettre fin au #contrôle_au_faciès. A minima, il s’agit là de complicité dans l’inaction », estime Rokhaya Diallo, qui dénonce la persistance d’un « #racisme_d'Etat ».

    Pour une politique volontariste

    Car déclarer l’#égalité dans la loi ne suffit pas à combattre le racisme, tout comme elle ne suffit pas à éradiquer les #violences faites aux femmes ou les discriminations sur le genre ou l’orientation sexuelle. « L’Etat doit mener une #politique_volontariste afin de faire reculer le racisme dans les institutions. »

    Entendue jusqu’au siège des Nations unies à New York l’an dernier pour porter sa lutte contre le racisme, Rokhaya Diallo sera l’invitée jeudi soir du Club 44 à La Chaux-de-Fonds, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.

    https://www.rts.ch/info/monde/10306627-rokhaya-diallo-on-peut-etre-raciste-en-pensant-faire-un-compliment-.htm
    #racisme #racisme_anti-blanc #discriminations #intersectionnalité

  • Pontivy : un renard tué par des poules - France 3 Bretagne
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/morbihan/pontivy-renard-tue-poules-1636874.html

    Il a certainement été pourchassé par les poules et n’a pas pu ressortir car les trappes qui ouvrent sur l’extérieur se ferment automatiquement en fonction de la luminosité. L’animal, « un jeune renard de six ou sept mois », s’est donc retrouvé piégé par la nuit et livré à la vindicte des volatiles.

  • #Parité dans les communes et intercommunalités : bientôt des mesures législatives ?
    https://www.banquedesterritoires.fr/parite-dans-les-communes-et-intercommunalites-bientot-des-mesur

    À l’Assemblée nationale, la délégation aux #droits_des_femmes souhaite un durcissement des règles en matière de parité dans les #conseils_municipaux et communautaires. A cette fin, elle a simultanément déposé une proposition de loi et préparé des amendements sur un texte sénatorial relatif aux communes nouvelles.

    #égalité_femmes_hommes #collectivités_territoriales

  • Julien Clerc, barbecue et manga : un manuel traque le sexisme invisible à l’école (L’Obs)
    https://www.nouvelobs.com/societe/droits-des-femmes/20190307.OBS1330/julien-clerc-barbecue-et-manga-un-manuel-traque-le-sexisme-invisible-a-l-

    L’école républicaine française a beau être gratuite, laïque et obligatoire, il reste encore pas mal de travail pour abolir les mille et un comportements sexistes au quotidien qui s’y manifestent. Ceci, d’autant qu’ils sont souvent invisibles aux yeux des profs, même dotés de la meilleure volonté du monde.

    Présentation de cet ouvrage :
    – Naïma Anka Idrissi, Fanny Gallot, Gaël Pasquier, “Enseigner l’égalité filles-garçons”, La Boite à Outils du professeur, Dunod, novembre 2018.
    https://seenthis.net/messages/738772

    #éducation #genre #stéréotypes #sexisme #ÉgalitéFG

  • BIS n°s 131 et 132 sur « La part des #femmes dans les #conseils_municipaux et communautaires en 2019 » | Collectivités locales
    https://www.collectivites-locales.gouv.fr/bis-ndegs-131-et-132-sur-part-des-femmes-dans-conseils-mu

    Le service statistique de la DGCL met en ligne ses dernières publications, sur la part des femmes dans les conseils municipaux et dans les #conseils_communautaires en 2019 (Bulletins d’information statistique - BIS - n°131 et n°132).
    Cette diffusion des résultats nationaux par la DGCL est coordonnée avec celle de plusieurs études régionales par l’Insee.

    Selon ces études, qui s’appuient sur les données du ministère de l’Intérieur :
    Pour les conseils municipaux :
    – La part des femmes dans les conseils municipaux en janvier 2019 est de 40 %.
    – Plus on s’éloigne de la fonction de #maire, plus les fonctions sont occupées par des femmes : elles sont 17% parmi les maires, 29% parmi les 1ers adjoints, 38% parmi les seconds adjoints et 43% parmi les autres adjoints et conseillers.
    – Plus la commune est grande, plus c’est un homme qui la dirige : les femmes représentent 18% des maires des communes de moins de 1000 habitants, mais 14% de celles de plus de 1000 habitants.
    – Quand le maire est une femme, la part des femmes dans le conseil municipal (en comptant la maire) est de 44%. Quand le maire est un homme cette part est de 39%.

    #élus_locaux #égalité_femme_homme #collectivités_territoriales

  • #Mohamed_Saïl, ni maître ni valet

    On célèbre en ce jour, 14 octobre 2016, la #mémoire de Mohamed Saïl dans le nord de l’#Algérie, au cœur du village de #Taourirt : « Il est de notre devoir de mettre toute la lumière sur le parcours de ce grand monsieur que bon nombre de personnes ignorent », explique l’association à l’origine de l’évènement. L’occasion pour nous de contribuer, de l’autre côté de la Méditerranée, à cet hommage par ce portait publié dans notre n° 2. Saïl, kabyle, déserteur durant la Première Guerre mondiale et volontaire en Espagne, lutta contre le colonialisme et pour l’#anarcho-communisme : « Tous ensemble, nous édifierons un règne sans classes, […] où il n’existera ni maîtres ni valets, mais seulement des hommes égaux. »


    https://www.revue-ballast.fr/mohamed-sail-maitre-valet
    #guerre_d'Espagne #anti-colonialisme #colonialisme #colonisation #anarchisme #communisme #classes_sociales #égalité #histoire #historicisation

  • Asile : une #protection_juridique_gratuite et controversée

    La nouvelle loi sur l’asile entrera pleinement en vigueur le 1er mars, avec pour objectif l’accélération des procédures. Tous les requérants auront droit à une protection juridique gratuite. Mais plusieurs organisations remettent en cause l’efficacité de la mesure.

    Le système suisse d’asile met le turbo à partir du 1er mars. L’accélération des procédures, acceptéeLien externe par le peuple en 2016, entre pleinement en vigueur. Grâce à une concentration des différents acteurs dans les mêmes centres, l’examen de la plupart des demandes devrait pouvoir se dérouler en moins de 140 joursLien externe. Pour garantir les droits des requérants dans ce nouveau tempo, une protection juridiqueLien externe gratuite est mise en place. Chaque demandeur d’asile peut être conseillé et représenté par un juriste dès le début de sa procédure. Une nouveauté qui divise profondément les professionnels et les associations de défense des migrants.

    L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSARLien externe), faîtière de plusieurs associations dont Caritas, l’Entraide Protestante Suisse (EPER) et Amnesty, soutient l’introduction de ce nouvel outil. Elle participe même activement à sa mise en place, puisque ses œuvres d’entraide ont obtenu le mandatLien externe du Secrétariat d’État aux migrations (SEMLien externe) pour assurer la représentation légale des demandeurs d’asile dans les centres d’accueil fédéraux.

    Soutenir vite et bien

    CaritasLien externe a déjà mené le projet pilote de protection juridique l’an dernier en Suisse romande. L’association tire un bilan positif de cette première expérience : « Nous avons le sentiment que les demandeurs d’asile font bien la différence entre les représentants de Caritas et les employés du SEM. L’avantage est que nous sommes en contact étroit dès le début de la procédure. Les requérants comprennent ainsi plus vite et sont aussi défendus plus rapidement », affirme Fabrice Boulé, responsable communication de Caritas pour la Suisse romande. Il soutient que l’indépendance des juristes est garantie : « Nous sommes partenaires avec le SEM, car nous avons des échanges sur les conditions cadre, nous pouvons discuter afin d’adapter certains points. »

    Caritas a d’ailleurs demandé des améliorations, notamment une meilleure coordination avec le SEM, afin de pouvoir adapter les délais à chaque cas et éviter la précipitation. Fabrice Boulé relève également que « l’accès aux soins et donc à l’information concernant l’état de santé des requérants reste insuffisante, ce qui rend difficile la défense juridique des individus présentant des problèmes médicaux pertinents pour la procédure d’asile. »

    Caritas constate que le travail des juristes sur le terrain semble porter ses fruits et apporter un réel soutien aux requérants, tout particulièrement aux plus vulnérables : « Dans plusieurs affaires, la préparation d’audition sur les motifs de la demande d’asile réalisée par le représentant juridique a eu un impact important sur le cas », dévoile Fabrice Boulé. Forte de cette expérience, l’œuvre d’entraide considère que la nouvelle procédure peut être appliquée de façon utile et efficace pour les requérants. Elle va donc poursuivreLien externe son mandat de représentation juridique dans les centres fédéraux de Suisse romande, du Tessin et de Suisse centrale.
    Multiples failles

    Cette protection juridique gratuite ne convainc toutefois pas tous les acteurs du domaine. Les Juristes démocrates de SuisseLien externe dénoncent des problèmes de déontologieLien externe et d’indépendanceLien externe, ainsi que des délais souvent trop courts pour mener une défense de qualité. Des failles relevées également par le Centre social protestant (CSPLien externe), qui précise que de nombreuses démarches ne sont pas couvertes par cette représentation juridique : regroupement familial, problèmes d’hébergement, réexamen en raison de faits nouveaux, etc.

    Le CSP dispose d’un service d’aide juridique pour demandeurs d’asile, mais il n’a pas voulu s’impliquer dans la mise en place des procédures accélérées. « Cela nous posait des problèmes d’indépendance et était incompatible avec notre manière de travailler », explique Aldo BrinaLien externe, chargé d’information sur l’asile au CSP. « Il y a d’abord une dépendance structurelle qui est celle du prestataire de service, dans son lien avec le SEM qui le subventionne, et il y a la question de l’indépendance sur place, dans un cadre de travail et un rythme dictés par le SEM. » De plus, les représentants légaux peuvent refuser de faire recours contre une décision d’asile si la démarche a peu de chances d’aboutir. « Mais, ainsi, ils se limitent toujours à la jurisprudence et ne font pas bouger les pratiques », regrette Aldo Brina.

    Durant la phase testLien externe au centre pilote de Zurich, la moitié des recours a été déposée par des juristes externes. La SonntagszeitungLien externe cite l’exemple d’un jeune Kurde dont le représentant légal refusait de contester la décision négative. Il s’est alors tourné vers une association externe et la procédure actuellement en cours révèle que son dossier n’est de loin pas sans espoir.

    Les experts interrogés par le journal pointent du doigt les forfaits par cas : les juristes du centre pilote recevaient 1400 francs par demandeur d’asile, quelle que soit la complexité et la durée de la procédure. Une limitation qui n’encourage pas à faire recours. « Dans la pratique, nos juristes ne vont jamais arrêter la procédure pour des raisons financières. La défense juridique va jusqu’au bout, réagit Fabrice Boulé. L’évaluation des chances de recours ne se fait pas en fonction de critères financiers, mais en fonction du droit et de la pratique. »
    Pour plus de militantisme

    L’accélération des procédures d’asile va donc de pair avec la création d’une nouvelle instance de protection juridique, régie par le mandat du SEM, qui vient s’ajouter à celle déjà disponible auprès des associations et œuvres d’entraide. « En schématisant, on pourrait parler de deux systèmes de protection juridique : l’enjeu du premier est de questionner son indépendance, l’enjeu du second est de savoir où il trouvera le financement pour continuer son travail », résume Aldo Brina.

    La participation active de certaines organisations dans le nouveau système d’asile inquiète de nombreuses personnes et associations qui s’engagent pour la défense des réfugiés. Le mouvement FreiplatzaktionLien externe à Zurich a publié un manifeste en faveur d’un travail juridique militant. Une position que rejoint le CSP : « Défendre les requérants d’asile est un acte politique, ce n’est pas juste engager des juristes pour suivre des dossiers. Nous constatons à regret que la position des œuvres d’entraide est en train de se modifier. Elles se montrent moins critiques et délaissent l’aspect politique », déclare Aldo Brina.

    Invité à réagir à ces reproches, Caritas a répondu à swissinfo.ch : « Nous nous sommes prononcés en faveur de la nouvelle loi et de la procédure accélérée à la condition sine qua non d’une défense juridique gratuite et de qualité dès le début de la procédure. Cette nouvelle loi a été largement acceptée par le peuple. Dans ce mandat, Caritas doit garantir la qualité de la défense juridique. »

    L’heure est désormais à la pratique avec l’instauration de ce nouveau modèle de représentation juridique dans les centres fédéraux. Sa qualité et son efficacité ne pourront véritablement être évaluées que sur le long terme, mais sa mise en place sera scrutée avec attention.

    https://www.swissinfo.ch/fre/societe/politique-migratoire_asile--une-protection-juridique-gratuite-et-controvers%C3%A9e/44767812
    #restructuration #réforme #asile #migrations #réfugiés #Suisse #protection_juridique

    • Nouvelle procédure d’asile : entre doutes et incertitudes

      Après avoir été testée dans les centres pilote de Zurich et Boudry, la nouvelle procédure d’asile entrera en vigueur dès le 1er mars 2019 en Suisse. Ce dernier article de la rubrique « Des faits plutôt que des mythes » se penche sur certaines des incertitudes qui entourent la nouvelle procédure d’asile.

      La nouvelle procédure d’asile entre en vigueur le 1er mars 2019. A compter de cette date, les procédures seront accélérées et se dérouleront de manière décentralisées dans six #centres_fédéraux pour requérants d’asile (correspondant chacun à une des six régions d’asile). Les personnes requérantes d’asile bénéficieront en outre durant la procédure d’une #protection_juridique_gratuite (conseil et représentation juridique). En décembre 2018, au moment de quitter le Département fédéral de justice et police (DFJP) pour rejoindre celui du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, Simonetta Sommaruga a tenu devant les médias les propos suivants : « La #réforme majeure du système de l’asile visant à assurer une procédure rapide et équitable est maintenant terminée. Cette procédure sera mise en œuvre dès le printemps prochain. Cette réforme […] marquera notre système d’asile pour les prochaines années. » Par ses propos, la Conseillère fédérale laisse entendre que l’ensemble des aspects liés à la nouvelle procédure ont été clarifiés et que tout est enfin prêt. Or, dans les faits, un certain nombre de questions restent en suspens. Ce dernier article de la rubrique « Des faits plutôt que des mythes » se penche sur certaines des incertitudes qui entourent la nouvelle procédure d’asile.

      Rapidité

      La nouvelle procédure d’asile devrait permettre un traitement d’environ deux tiers des demandes d’asile dans un délai de moins de cinq mois (décision de première instance et décision de deuxième instance en cas de recours). Des délais stricts ont ainsi été fixés pour les autorités ainsi que les personnes requérantes d’asile et leurs représentant-e-s juridiques. Les délais prévus pour les autorités sont cependant considérés comme des « délais d’ordre » et ne sont donc pas juridiquement contraignants. Toutefois, il est à supposer qu’ils induiront une forte pression (politique) pour un traitement rapide des dossiers. Les #délais imposés aux personnes requérantes d’asile sont en revanche contraignants (p. ex., délai pour la prise de décision sur le projet de décision, délai de #recours) et s’élèvent à quelques jours ouvrables.

      L’expérience acquise dans le cadre des projets pilote de Zurich et de Boudry (NE) a montré que, malgré les délais serrés imposés, cette procédure s’est révélée positive pour beaucoup des personnes en quête de protection. En particulier, elle permet une clarification rapide quant à leur chance de rester en Suisse. Il faudra toutefois attendre quelques mois avant de connaître les effets de ces délais sur la qualité globale du travail du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), du Tribunal administratif fédéral (TAF) et des actrices et acteurs de la protection juridique (conseil et représentation juridique).

      #Procédure_étendue

      Environ un tiers des demandes d’asile ne pourront faire l’objet d’une décision dans les très brefs délais fixés et seront alors soumises à la procédure étendue. Les personnes requérantes d’asile seront alors attribuées des centres fédéraux pour requérants d’asile à un canton, où, comme précédemment, elles attendront la suite de leur procédure. Cette procédure doit durer environ un an au total.

      Ces cinq dernières années ont permis, à travers les projets pilotes, d’acquérir une profonde expérience sur la nouvelle procédure accélérée, ce qui n’est pas le cas pour la procédure étendue. Ainsi, par exemple, il reste encore à déterminer comment et dans quelle mesure les personnes requérantes d’asile feront appel aux bureaux de consultation juridique et dans quel délai elles obtiendront une décision d’asile définitive.

      #Vulnérabilité

      En raison des épreuves rencontrées durant leur exil, nombre de personnes en quête de protection nécessitent un soutien physique et psychologique particulier. Or, en raison de la rapidité avec laquelle les procédures d’asile sont appelées à être exécutées, il convient de s’interroger sur la capacité des personnes requérantes d’asile, en particulier des personnes traumatisées, à présenter intégralement les faits entourant leur besoin de protection. La taille des nouveaux centres fédéraux pour requérants d’asile et leur localisation parfois très excentrée présentent également un risque d’#isolement. Il s’agit aussi d’apporter une attention particulière à la prise en charge médicale. Il y a lieu de s’interroger si le personnel spécialisé dispose des ressources humaines suffisantes et des moyens appropriés pour communiquer avec ses patient-e-s.

      Uniformité et coordination

      Alors que, jusqu’à présent, la grande majorité des personnes requérantes d’asile étaient entendues sur leurs motifs d’asile de manière centralisée à Berne, ces entretiens se dérouleront désormais dans six lieux différents. Les décisions d’asile seront elles aussi prises de manière décentralisée. Afin d’assurer l’uniformité des pratiques décisionnelles, les autorités devront suivre de nouveaux procédés et processus. L’existence de tels processus et leur éventuel fonctionnement restent encore à déterminer avec exactitude.

      L’#égalité_de_traitement en matière de protection juridique gratuite entre toutes les personnes requérantes d’asile constituera également un défi. Les organisations chargées de cette tâche joueront un rôle essentiel dans l’orientation et la portée que prendra cette nouvelle activité de conseil et de représentation. La coordination entre ces organisations sera indispensable. Il s’agit également de redéfinir la coopération avec les bureaux cantonaux de conseil juridique habilités à représenter les personnes requérantes d’asile dans la procédure étendue.

      En conclusion

      La nouvelle direction du DFJP est donc, elle aussi, confrontée à des incertitudes et des questions en matière d’asile. Il s’agira, pour les clarifier, de coopérer avec l’ensemble des actrices et acteurs concernés et de ne jamais perdre de vue les besoins des personnes en quête de protection. Avec ou sans notre publication « Des faits plutôt que des mythes », l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés et le Swiss Network of young Migration Scholars resteront au fait et continueront de mettre en lumière, sur la base de principes scientifiques et d’expériences pratiques, les aspects critiques du domaine de l’asile.

      https://www.osar.ch/des-faits-plutot-que-des-mythes/articles-2019/nouvelle-procedure-dasile-entre-doutes-et-incertitudes.html
      #procédure_accélérée #accélération_des_procédures

    • Restructuration de l’asile, tout change, rien ne change ?

      Ce 1er mars entre en vigueur la restructuration du domaine de l’asile portée durant tout son mandat au DFJP par Simonetta Sommaruga et soutenue en 2016 à 66.8% en vote populaire.

      L’objectif central, l’accélération des procédures, est répété sans grand succès depuis la première loi sur l’asile de 1979. L’ampleur de la présente réforme lui donne cependant plus de chance que les précédentes, en particulier en raison d’une logique de proximité : l’ensemble de la procédure doit désormais se dérouler dans un seul et même lieu. Plusieurs centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA) ont été érigés. Les demandeurs d’asile y séjourneront au maximum 140 jours et leur demande sera traitée sur place. Il est prévu que 60 pourcents de toutes les demandes d’asile feront l’objet d’une décision définitive dans ce délai. Les autres cas seront affectés aux cantons comme par le passé. En complément, des centres dédiés au départ devraient accélérer le renvoi des déboutés.

      Contrairement aux réformes précédentes qui penchaient clairement vers la restrictivité, la restructuration de 2019, plutôt d’ordre technique, pourrait apporter des améliorations profitables aux réfugiés. Elle est flanquée d’une importante innovation en matière de garantie des droits puisqu’un conseiller/représentant juridique indépendant sera octroyé à chaque requérant d’asile. Elle a été soutenue par une partie des milieux de défense de l’asile et combattue par des partisans d’une politique restrictive.

      La réforme ne touche cependant pas aux grands principes de la politique d’asile et c’est l’occasion ici d’en faire un inventaire critique. Quatre grandes orientations ressortent avec constance de l’action des autorités au cours des dernières décennies :

      – la volonté de maintenir en place le système issu de la Convention de 1951 ;

      – l’adaptation aux évolutions du contexte par la multiplication des statuts ;

      – l’accélération des procédures et le renforcement de l’exécution des décisions ;

      – la diminution des prestations dans un but de dissuasion.

      Maintien du système : droits fondamentaux et logique de tri individuel

      La volonté de maintenir le système d’asile adopté par la Suisse en 1954 découle d’obligations internationales, mais aussi de la place de la tradition humanitaire dans l’identité helvétique. Le caractère individuel de la procédure, la stricte séparation entre les volets humanitaires et économiques de la politique d’immigration et le fait que la protection est accordée sur le territoire même de la Suisse sont au cœur de ce système. Malgré les multiples remises en question, jamais un changement de ce paradigme n’a été durablement envisagé. Certains milieux ont certes proposé de restreindre drastiquement l’accueil en Suisse en contrepartie d’une contribution accrue aux efforts de protection collectifs dans les zones d’origine des réfugiés, d’autres ont suggéré l’inclusion des réfugiés dans un contingentement global de l’immigration mais ces propositions n’ont jamais emporté l’adhésion.

      Au fil des années, le nombre absolu des personnes obtenant le statut de réfugié en Suisse a eu tendance à croître ce qui invalide la dénonciation par certains d’un démantèlement généralisé de l’asile. A l’heure actuelle un quart des requérants obtiennent le statut de réfugié et 60% une forme ou une autre de protection. Une partie des autres voient leur demande d’asile traitée par un autre état Dublin et sont susceptibles d’être protégés. Des milliers de personnes déboutées sont cependant contraintes de quitter la Suisse chaque année, 3029 ont été expulsées directement vers leur pays d’origine en 2018.

      La politique d’asile reste donc basée sur des principes restrictifs selon lesquels le statut de réfugié est un privilège réservé à une catégorie bien spécifique de personnes en fuite : celles qui peuvent faire valoir une crainte fondée de persécution individuelle liée à leur appartenance à un groupe social spécifique. Elle implique donc un processus de triage et fait peser sur les requérants un soupçon de fraude permanent. La Suisse semble être l’un des pays qui se tient le plus strictement à une exigence de persécution individuelle attestée par un récit circonstancié pour octroyer le statut de réfugié.

      Multiplication des types d’autorisation de séjour

      Confrontée à des motifs d’asile variés et à l’interdiction du refoulement vers une zone où l’intégrité physique d’une personne serait en danger, la Suisse a eu de plus en plus recours à des statuts subsidiaires n’offrant pour la plupart qu’une protection temporaire. Il s’agit là d’une deuxième ligne de force de la politique d’asile. Elle se retrouve, mais de manière moins marquée, dans de nombreux autres pays d’accueil. Le cas le plus flagrant en Suisse est celui des personnes « admises provisoirement » (permis F). Elles n’ont pas obtenu l’asile mais bénéficient d’une autorisation de séjour d’une année (renouvelable) liée soit à une situation de violence dans leur pays d’origine (principe de non-refoulement) ou au fait que leur retour n’est pas possible. Elles étaient 46’657 au 1.1.2019.

      La création de statuts subsidiaires peut faire l’objet de deux lectures antagonistes. D’un côté, elle représente une amélioration des conditions d’accueil car elle offre une protection à des personnes qui ne peuvent stricto sensu prétendre au statut de réfugié, car elles fuient par exemple des situations de violence indifférenciée. Elle s’inscrit dans une prise en compte croissante par les états d’accueil de la vulnérabilité des populations, laquelle se substitue au modèle traditionnel de l’asile basé sur la persécution politique. D’un autre côté, cette multiplication des statuts maintien de nombreux exilés dans des situations provisoires souvent extraordinairement pénibles.

      Accélération des procédures et excécution des renvois

      Une troisième préoccupation constante des autorités est l’accélération de la procédure et l’exécution des renvois. Au début des années 1980, il n’était pas rare que la procédure d’asile se déroule sur de nombreuses années. Progressivement, la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, la limitation des délais de recours, l’obligation de collaborer imposée aux requérants, mais aussi le traitement prioritaire des demandes d’asile ayant peu de chance de succès et le ciblage de certains pays (« procédure 48 heures » pour les ressortissants d’Albanie, Bosnie, Géorgie, Kosovo, Macédoine et Serbie dès 2012/13, procédure « fast-track » pour la Gambie, la Guinée, le Nigeria, le Maghreb et le Sénégal dès 2013) ont permis un raccourcissement significatif des durées de procédure.

      Dans le même temps, cependant, la multiplication des pays de provenance, la difficulté de collaborer avec leurs gouvernements et d’obtenir des documents de voyage ainsi que la nécessité d’éviter les refoulement des demandeurs d’asile déboutés vers des pays où ils pourraient être menacés, ont conduit à de grands retards dans l’exécution des décisions négatives, une fois celles-ci rendues exécutoires. Cette situation a conduit à des tensions entre les acteurs de la politique d’asile.

      Confrontés aux faibles chances de succès de leur requête et au risque de devoir rapidement quitter la Suisse, les demandeurs d’asile ont parfois un intérêt objectif à cacher leur origine et leur itinéraire et à ne pas présenter de documents d’identités afin de rendre difficile un rapatriement de force. De leur côté, les autorités fédérales tendent à soupçonner toute personne dépourvue de documents d’identité d’être un dissimulateur dépourvu de motifs d’asile.

      La problématique de l’exécution des renvois a été, dans ce contexte, une source de préoccupation majeure des années récentes. La Confédération a tenté et tente toujours de remédier à cette situation par la signature d’accords de réadmission avec les pays d’origine et de transit et par la mise en place de conditions d’expulsion de plus en plus dures, permettant la détention en vue du départ, la mise sous pression financière des cantons pour qu’ils exécutent les renvois et celle des demandeurs d’asile pour qu’ils fournissent toutes les informations et documents requis.

      Dissuasion et technologisation

      Une quatrième caractéristique récurrente de la politique d’asile des dernières décennies est une volonté de dissuasion par des conditions d’accueil peu attractives et des procédures sélectives. Les normes d’assistance pour les demandeurs d’asile ont ainsi été progressivement abaissées et les délais de recours raccourcis. La mise en place de barrières rendant plus difficile l’accès à la procédure d’asile (non-entrée en matière sur certaines demandes, recours systématique aux accords de Dublin, sanctions contre les compagnies aériennes transportant des personnes dépourvues de documents valables) ainsi que l’octroi de statuts subsidiaires vont dans le même sens.

      Des outils technologiques de plus en plus sophistiqués ont été mis en œuvre pour l’identification des personnes (dactyloscopie), l’établissement de l’âge (radiographies), l’expertise des documents et la vérification des provenances (expertise linguistique). Des campagnes d’information ont par ailleurs ciblés certains pays afin de dépeindre la Suisse comme une destination peu attractive.

      La politique de dissuasion est justifiée par le fait qu’elle est censée s’adresser aux personnes n’ayant pas de motifs d’asile solides et ainsi favoriser l’accueil des autres. Dans le même temps, les épisodes d’exil récents et en particulier la crise syrienne ont montré que pour des personnes pourtant considérées par le HCR comme des réfugiés de plein droit, la Suisse était devenue une destination de deuxième choix.

      Un changement de paradigme ?

      Les grandes évolutions que nous venons d’évoquer montrent à quel point, malgré la restructuration actuelle, la politique d’asile continue à s’exercer dans un certain paradigme. L’accueil sélectif et la dissuasion en sont les maîtres mots. L’approche reste ainsi réactive face à la croissance des demandes de protection à l’échelle mondiale et soulève de nombreuses questions : les personnes les plus menacées sont-elles bien celles qui sont protégées ? Les critères de protection choisis ne favorisent-ils pas certains profils indépendamment des risques objectifs encourus ? Imposer le déplacement jusqu’en Suisse pour demander la protection ne suscite-il pas de dangereux voyages ? La sélection par la vraisemblance du récit et par son adéquation à une définition spécifique du réfugié est-elle la seule possible ?, etc…

      Maintenant que l’importante réforme de la procédure est sous toit, il est sans doute temps d’initier une réflexion plus profonde sur ces questions visant à inscrire la politique d’asile dans un projet plus cohérent et proactif de protection.

      https://blogs.letemps.ch/etienne-piguet/2019/03/01/restructuration-de-lasile-tout-change-rien-ne-change

    • Une procédure expéditive

      Par une décision du 7 décembre 20181, le Comité contre la torture dit que la Suisse, en prononçant une décision de renvoi d’un ressortissant érythréen vers son pays d’origine, viole l’art. 3 de la Convention de l’ONU contre la torture. Selon cette disposition, aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

      Il s’agit d’un requérant d’asile qui a fui son pays en juin 2010 afin d’éviter d’être recruté par l’armée. Après avoir vécu trois années au Soudan, notamment dans un camp du Haut Commissariat pour les réfugiés, il a introduit en Suisse une demande d’asile le 22 mai 2014. Lors des deux auditions conduites par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), il n’a pas bénéficié de représentation légale gratuite. Mais surtout, lors de la deuxième audition sur les motifs d’asile, malgré sa demande, il n’a pas eu accès à un interprète dans sa #langue maternelle, mais en tigrinya, dont il n’a pas une bonne maîtrise.

      Le 1er mars 2016, le SEM a rejeté la demande d’asile car les motifs de départ du requérant n’avaient pas été rendus vraisemblables et a prononcé son renvoi de Suisse. Le 4 avril 2016, le requérant a interjeté un recours contre cette décision au Tribunal administratif fédéral. Il a sollicité la dispense de paiement de l’avance des frais de procédure en raison de son indigence : il lui était interdit de travailler et bénéficiait d’une assistance mensuelle de 415 francs. Le Tribunal a rejeté la requête, exigeant le paiement de l’avance des frais de procédure. Procédant à un examen sommaire de la situation, il était arrivé à la conclusion que le recours était voué à l’échec. Faute de paiement dans le délai, le recours a été déclaré irrecevable par le Tribunal dans un arrêt du 17 mai 2016.

      Assisté par le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM), le requérant a introduit une plainte le 3 mars 2017 au Comité contre la torture des Nations Unies (#CAT). La décision du comité est intéressante car elle critique la #procédure_expéditive dont a fait l’objet ce ressortissant érythréen, tant celle menée par le SEM que celle qui s’est déroulée auprès du Tribunal. Dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle procédure d’asile applicable dès le 1er mars 2019, dont l’objectif principal est l’accélération du traitement des demandes d’asile, les autorités et juridictions doivent être particulièrement attentives au contenu de cette décision.

      Le CAT, qui fait référence au rapport du 25 juin 2018 de la Rapporteuse spéciale des nations Unies sur la situation des droits de l’homme en #Erythrée, indique que la situation des droits fondamentaux est sombre dans ce pays, que la torture et les mauvais traitements continuent d’y être pratiqués. Or, le CAT observe que, lors de la procédure devant le SEM, le requérant n’a pas eu accès à un #conseil_juridique gratuit et qu’il n’a pas été auditionné dans sa langue maternelle. De plus, les autorités ont contesté la validité des documents produits sans pourtant prendre des mesures pour en vérifier l’authenticité. Mais surtout, l’article 3 de la Convention implique un #droit_à_un_recours utile de sorte qu’il soit possible de procéder à un examen effectif, indépendant et impartial de la décision de renvoi si l’on est en présence d’une allégation plausible mettant en cause le respect de l’interdiction du refoulement.

      En exigeant le paiement d’une #avance_de_frais de procédure de 600 francs, alors que le requérant n’était pas en mesure de s’acquitter de ce montant, la Suisse ne lui a pas donné la possibilité de démonter les risques qu’il encourrait en cas de retour forcé en Erythrée et, partant, l’a privé d’un examen indépendant et impartial de la décision du SEM de le renvoyer. Le CAT observe que la Suisse semble avoir accepté la probabilité que le requérant soit astreint à des obligations militaires en Erythrée, sans toutefois se prononcer sur la compatibilité de cette pratique avec les droits tirés de la Convention. Ainsi, son renvoi constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

      La nouvelle procédure d’asile, par les cadences qu’elle impose, en particulier en fixant des délais brefs tout le long de l’instruction de la demande et dans le cadre du recours, présente des dangers quand bien même une représentation légale gratuite est instaurée.

      La décision du CAT rappelle l’importance de garantir une #procédure_équitable aux demandeurs d’asile. Il ne s’agit pas que d’une question de forme. Un traitement mécanique des demandes d’asile, par souci d’efficacité, sans respect effectif des droits de procédure, est susceptible de mettre en danger les migrants qui sollicitent une protection de la Suisse.

      https://lecourrier.ch/2019/03/13/une-procedure-expeditive

    • Mise en exergue d’un passage du rapport du Grand Conseil genevois sur le centre du #Grand-Saconnex. Il s’agit des mots prononcés par #Pierre_Maudet autour de la nouvelle loi sur l’asile (p.9 du rapport : http://ge.ch/grandconseil/data/texte/M02489A.pdf) :

      L’objet affiché et assumé de cette loi était de réduire l’attrait de la Suisse aux yeux des requérant-e-s et de complexifier l’accès à la #Suisse.

      #dissuasion #attractivité #réforme #révision #loi

      Comme le dit un ami :

      …dire qu’après ça certains reprennent encore la bouche en cœur la communication du DFJP visant à faire croire qu’il s’agit d’accélérer les procédures dans l’intérêt des requérants…

      #accélération_des_procédures