• Manifeste pour une ville accueillante
    https://metropolitiques.eu/Manifeste-pour-une-ville-accueillante.html

    En plaçant l’hospitalité au centre de sa réflexion, l’architecte Chantal Deckmyn propose un riche manuel sur l’espace public contemporain. L’auteure interroge les conditions d’un réenchantement de l’urbain, s’inscrivant ainsi dans une longue généalogie de manifestes pour la ville. Avec Lire la ville, l’architecte Chantal Deckmyn entend aborder de front la manière dont l’urbain contemporain se rend hostile aux populations les plus fragiles : « Pour ceux qui n’ont pas de maison et sont de fait enfermés #Commentaires

    / #espace_public, hospitalité, #sans-abri, urbanité, #rue

    #hospitalité #urbanité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-fe_riel4.pdf

  • #Liberté_académique et #justice_sociale

    On assiste en #Amérique_du_Nord à une recomposition du paysage académique, qui met l’exercice des #libertés_universitaires aux prises avec des questions de justice sociale, liées, mais pas seulement, au militantisme « #woke », souvent mal compris. Publication du premier volet d’un entretien au long cours avec #Isabelle_Arseneau et #Arnaud_Bernadet, professeurs à l’Université McGill de Montréal.

    Alors que se multiplient en France les prises de position sur les #libertés_académiques – voir par exemple cette « défense et illustration » -, un débat à la fois vif et très nourri se développe au #Canada depuis plus d’un an, après que des universitaires ont dû faire face à des plaintes pour #racisme, parfois à des suspensions de leur contrat, en raison de l’utilisation pédagogique qu’ils avaient faite des mots « #nègre » ou « #sauvages ». Significativement, un sondage récent auprès des professeurs d’université du Québec indique qu’une majorité d’entre eux pratiquent diverses formes d’#autocensure. C’est dans ce contexte qu’Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, professeurs au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill de Montréal, ont été conduits à intervenir activement dans le débat, au sein de leur #université, mais aussi par des prises de position publiques dans la presse et surtout par la rédaction d’un mémoire, solidement argumenté et très remarqué, qui a été soumis et présenté devant la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.

    Initiée en février 2021 par le premier ministre du Québec, François Legault, cette commission a auditionné de nombreux acteurs, dont les contributions sont souvent de grande qualité. On peut télécharger ici le mémoire des deux universitaires et suivre leur audition grâce à ce lien (début à 5 :15 :00). La lecture du présent entretien peut éclairer et compléter aussi bien le mémoire que l’audition. En raison de sa longueur, je publie cet entretien en deux parties. La première partie est consacrée aux exemples concrets de remise en cause de la liberté de citer certains mots en contexte universitaire et traite des conséquences de ces pratiques sur les libertés académiques. Cette première partie intègre aussi une analyse critique de la tribune parue ce jour dans Le Devoir, co-signée par Blanquer et le ministre de l’Education du Québec, lesquels s’attaquent ensemble et de front à la cancel culture. La seconde partie, à paraître le vendredi 29 octobre, portera plus précisément sur le mouvement « woke », ses origines et ses implications politiques, mais aussi sur les rapports entre science et société. Je tiens à remercier chaleureusement Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet d’avoir accepté de répondre à mes questions et d’avoir pris le temps de construire des réponses précises et argumentées, dont la valeur tient tout autant à la prise critique de ces deux universitaires qu’aux disciplines qui sont les leurs et qui informent leur réflexion. Ils coordonnent actuellement un volume collectif interdisciplinaire, Libertés universitaires : un an de débat au Québec (2020-2021), à paraître prochainement.

    Entretien, première partie

    1. Pourriez-vous exposer le plus factuellement possible ce qui s’est passé au mois de septembre 2020 à l’université d’Ottawa et à l’université McGill de Montréal ?

    Isabelle Arseneau. À l’automne 2020 éclatait à l’Université d’Ottawa une affaire qui a passionné le Québec et a connu d’importantes suites politiques : à l’occasion d’une séance d’enseignement virtuel sur la représentation des identités en art, une chargée de cours, #Verushka_Lieutenant-Duval, expliquait à ses étudiants comment l’injure « #nigger » a été réutilisée par les communautés afro-américaines comme marqueur subversif dans les années 1960. Parce qu’elle a mentionné le mot lui-même en classe, l’enseignante est devenue aussitôt la cible de #plaintes pour racisme et, au terme d’une cabale dans les #réseaux_sociaux, elle a été suspendue temporairement par son administration. Au même moment, des incidents à peu près analogues se produisaient au Département des littératures de langue française, de traduction et de création de l’Université McGill, où nous sommes tous les deux professeurs. Dans un cours d’introduction à la littérature québécoise, une chargée de cours a mis à l’étude Forestiers et voyageurs de #Joseph-Charles_Taché, un recueil de contes folkloriques paru en 1863 et qui relate les aventures d’un « Père Michel » qui arpente le pays et documente ses « mœurs et légendes ». Des étudiants interrompent la séance d’enseignement virtuel et reprochent à l’enseignante de leur avoir fait lire sans avertissement préalable une œuvre contenant les mots « Nègres » et « Sauvages ». Quelques jours plus tard, des plaintes pour racisme sont déposées contre elle. Le dossier est alors immédiatement pris en charge par la Faculté des Arts, qui lui suggère de s’excuser auprès de sa classe et d’adapter son enseignement aux étudiants que pourrait offenser la lecture des six autres classiques de la littérature québécoise prévus au syllabus (dont L’Hiver de force de Réjean Ducharme et Les Fous de Bassan d’Anne Hébert). Parmi les mesures d’accommodement, on lui conseille de fournir des « avertissements de contenu » (« #trigger_warnings ») pour chacune des œuvres à l’étude ; de se garder de prononcer à voix haute les mots jugés sensibles et de leur préférer des expressions ou des lettres de remplacement (« n », « s », « mot en n » « mot en s »). Trois mois plus tard, nous apprendrons grâce au travail d’enquête de la journaliste Isabelle Hachey (1) que les plaignants ont pu obtenir, après la date limite d’abandon, un remboursement de leurs frais de scolarité et les trois crédits associés à ce cours qu’ils n’ont cependant jamais suivi et pour lequel ils n’ont validé qu’une partie du travail.

    Lorsque j’ai imaginé notre doctorante en train de caviarder ses notes de cours et ses présentations Powerpoint, ça a fait tilt. Un an plus tôt, je travaillais à la Public Library de New York sur un manuscrit du XIIIe siècle dont la première image avait été grattée par un lecteur ou un possesseur offensé par le couple enlacé qu’elle donnait jusque-là à voir. La superposition de ces gestes de censure posés à plusieurs siècles d’intervalle témoignait d’un recul de la liberté universitaire que j’associais alors plus spontanément aux campus américains, sans pour autant nous imaginer à l’abri de cette vague venue du sud (2). Devant de tels dérapages, mon collègue Arnaud Bernadet et moi avons communiqué avec tous les étages de la hiérarchie mcgilloise. Las de nous heurter à des fins de non-recevoir, nous avons cosigné une série de trois lettres dans lesquelles nous avons dénoncé la gestion clientéliste de notre université (3). Malgré nos sorties répétées dans les médias traditionnels, McGill est demeurée silencieuse et elle l’est encore à ce jour.

    2. Pour être concret, qu’est-ce qui fait que l’emploi du mot « nègre » ou « sauvages » dans un cours est légitime ?

    Isabelle Arseneau. Vous évoquez l’emploi d’un mot dans un cadre pédagogique et il me semble que toute la question est là, dans le terme « emploi ». À première vue, le contexte de l’énonciation didactique ne se distingue pas des autres interactions sociales et ne justifie pas qu’on puisse déroger aux tabous linguistiques. Or il se joue dans la salle de classe autre chose que dans la conversation ordinaire : lorsque nous enseignons, nous n’employons pas les mots tabous, nous les citons, un peu comme s’il y avait entre nous et les textes lus ou la matière enseignée des guillemets. C’est de cette distinction capitale qu’ont voulu rendre compte les sciences du langage en opposant le signe en usage et le signe en mention. Citer le titre Nègres blancs d’Amérique ou le terme « Sauvages » dans Forestiers et Voyageurs ne revient pas à utiliser ces mêmes termes. De la même façon, il y a une différence entre traiter quelqu’un de « nègre » dans un bus et relever les occurrences du terme dans une archive, une traite commerciale de l’Ancien Régime ou un texte littéraire, même contemporain. Dans le premier cas, il s’agit d’un mot en usage, qui relève, à n’en pas douter, d’un discours violemment haineux et raciste ; dans l’autre, on n’emploie pas mais on mentionne des emplois, ce qui est différent. Bien plus, le mot indexe ici des représentations socialement et historiquement situées, que le professeur a la tâche de restituer (pour peu qu’on lui fournisse les conditions pour le faire). Si cette distinction entre l’usage et la mention s’applique à n’importe quel contexte d’énonciation, il va de soi qu’elle est très fréquente et pleinement justifiée — « légitime », oui — en contexte pédagogique. Il ne s’agit donc bien évidemment pas de remettre en circulation — en usage — des mots chargés de haine mais de pouvoir continuer à mentionner tous les mots, même les plus délicats, dans le contexte d’un exercice bien balisé, l’enseignement, dont on semble oublier qu’il suppose d’emblée un certain registre de langue.

    3. Ce qui étonne à partir de ces exemples – et il y en a d’autres du même type -, c’est que l’administration et la direction des universités soutiennent les demandes des étudiants, condamnent les enseignants et vont selon vous jusqu’à enfreindre des règles élémentaires de déontologie et d’éthique. Comment l’expliquez-vous ? L’institution universitaire a-t-elle renoncé à défendre ses personnels ?

    Arnaud Bernadet. Il faut naturellement conserver à l’esprit ici ce qui sépare les universités nord-américaines des institutions françaises. On soulignera deux différences majeures. D’une part, elles sont acquises depuis longtemps au principe d’autonomie. Elles se gèrent elles-mêmes, tout en restant imputables devant l’État, notamment au plan financier. Soulignons par ailleurs qu’au Canada les questions éducatives relèvent avant tout des compétences des provinces et non du pouvoir fédéral. D’autre part, ces universités obéissent à un modèle entrepreneurial. Encore convient-il là encore d’introduire des nuances assez fortes, notamment en ce qui concerne le réseau québécois, très hétérogène. Pour simplifier à l’extrême, les universités francophones sont plus proches du modèle européen, tandis que les universités anglophones, répliques immédiates de leurs voisines états-uniennes, semblent davantage inféodées aux pratiques néo-libérales.

    Quoi qu’il en soit, la situation décrite n’a rien d’inédit. Ce qui s’est passé à l’Université d’Ottawa ou à l’Université McGill s’observe depuis une dizaine d’années aux États-Unis. La question a été très bien documentée, au tournant de l’année 2014 sous la forme d’articles puis de livres, par deux sociologues, Bradley Campbell et Jason Manning (The Rise of Victimhood Culture) et deux psychologues, Jonathan Haidt et Greg Lukianoff (The Coddling of the American Mind). Au reste, on ne compte plus sur les campus, et parmi les plus progressistes, ceux de l’Ouest (Oregon, État de Washington, Californie) ou de la Nouvelle-Angleterre en particulier, les demandes de censure, les techniques de deplatforming ou de “désinvitation”, les calomnies sur les médias sociaux, les démissions du personnel - des phénomènes qu’on observe également dans d’autres milieux (culture, médias, politique). En mai dernier, Rima Azar, professeure en psychologie de la santé, a été suspendue par l’Université Mount Allison du Nouveau-Brunswick, pour avoir qualifié sur son blog Black Lives Matter d’organisation radicale…

    Il y a sans doute plusieurs raisons à l’attitude des administrateurs. En tout premier lieu : un modèle néo-libéral très avancé de l’enseignement et de la recherche, et ce qui lui est corrélé, une philosophie managériale orientée vers un consumérisme éducatif. Une autre explication serait la manière dont ces mêmes universités réagissent à la mouvance appelée “woke”. Le terme est sujet à de nombreux malentendus. Il fait désormais partie de l’arsenal polémique au même titre que “réac” ou “facho”. Intégré en 2017 dans l’Oxford English Dictionary, il a été à la même date récupéré et instrumentalisé par les droites conservatrices ou identitaires. Mais pas seulement : il a pu être ciblé par les gauches traditionnelles (marxistes, libertaires, sociales-démocrates) qui perçoivent dans l’émergence de ce nouveau courant un risque de déclassement. Pour ce qui regarde notre propos, l’illusion qu’il importe de dissiper, ce serait de ne le comprendre qu’à l’aune du militantisme et des associations, sur une base strictement horizontale. Ce qui n’enlève rien à la nécessité de leurs combats, et des causes qu’ils embrassent. Loin s’en faut. Mais justement, il s’agit avec le “wokism” et la “wokeness” d’un phénomène nettement plus composite qui, à ce titre, déborde ses origines liées aux luttes des communautés noires contre l’oppression qu’elles subissaient ou subissent encore. Ce phénomène, plus large mais absolument cohérent, n’est pas étranger à la sociologie élitaire des universités nord-américaines, on y reviendra dans la deuxième partie de cet entretien. Car ni l’un ni l’autre ne se sont si simplement inventés dans la rue. Leur univers est aussi la salle de classe.

    4. Au regard des événements dans ces deux universités, quelle analyse faites-vous de l’évolution des libertés académiques au Québec ?

    Arnaud Bernadet. Au moment où éclatait ce qu’il est convenu d’appeler désormais “l’affaire Verushka Lieutenant-Duval”, le Québec cultivait cette douce illusion de se croire à l’abri de ce genre d’événements. Mais les idées et les pratiques ne s’arrêtent pas à la frontière avec le Canada anglais ou avec les États-Unis. Le cas de censure survenu à McGill (et des incidents d’autre nature se sont produits dans cet établissement) a relocalisé la question en plein cœur de Montréal, et a montré combien les cultures et les sociétés sont poreuses les unes vis-à-vis des autres. Comme dans nombre de démocraties, on assiste au Québec à un recul des libertés publiques, la liberté académique étant l’une d’entre elles au même titre que la liberté d’expression. Encore faut-il nuancer, car le ministère de l’enseignement supérieur a su anticiper les problèmes. En septembre 2020, le scientifique en chef Rémi Quirion a remis un rapport qui portait plus largement sur L’université québécoise du futur, son évolution, les défis auxquels elle fait face, etc. Or en plus de formuler des recommandations, il y observe une “précarisation significative” de la liberté académique, un “accroissement de la rectitude politique”, imputée aux attentes ou aux convictions de “groupes particuliers”, agissant au nom de “valeurs extra-universitaires”, et pour finir, l’absence de “protection législative à large portée” entourant la liberté académique au Québec, une carence qui remonte à la Révolution tranquille. En février 2021, le premier ministre François Legault annonçait la création d’une Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Cette commission qui n’a pas fini de siéger a rendu une partie de ses résultats, notamment des sondages effectués auprès du corps professoral (ce qui inclut les chargés de cours) : 60 % d’entre eux affirment avoir évité d’utiliser certains mots, 35 % disent avoir même recouru à l’autocensure en sabrant certains sujets de cours. La recherche est également affectée. Ce tableau n’est guère rassurant, mais il répond à celles et ceux qui, depuis des mois, à commencer dans le milieu enseignant lui-même, doublent la censure par le déni et préfèrent ignorer les faits. À l’évidence, des mesures s’imposent aujourd’hui, proportionnées au diagnostic rendu.

    5. La liberté académique est habituellement conçue comme celle des universitaires, des enseignants-chercheurs, pour reprendre la catégorie administrative en usage en France. Vous l’étendez dans votre mémoire à l’ensemble de la communauté universitaire, en particulier aux jeunes chercheurs, mais aussi aux personnels administratifs et aux étudiants ? Pourriez-vous éclairer ce point ?

    Arnaud Bernadet. Ce qui est en jeu ici n’est autre que l’extension et les applications du concept de liberté académique. Bien sûr, un étudiant ne jouit pas des mêmes dispositions qu’un professeur, par exemple le droit à exercer l’évaluation de ses propres camarades de classe. Mais a priori nous considérons que n’importe quel membre de la communauté universitaire est titulaire de la liberté académique. Celle-ci n’a pas été inventée pour donner aux enseignants et chercheurs quelque “pouvoir” irréaliste et exorbitant, mais pour satisfaire aux deux missions fondamentales que leur a confiées la société : assurer la formation des esprits par l’avancement des connaissances. En ce domaine, l’écart est-il significatif entre le choix d’un thème ou d’un corpus par un professeur, et un exposé oral préparé par un étudiant ? Dans chaque cas, on présumera que l’accès aux sources, la production des connaissances, le recours à l’argumentation y poursuivent les mêmes objectifs de vérité. De même, les administrateurs, et notamment les plus haut placés, doivent pouvoir bénéficier de la liberté académique, dans l’éventualité où elle entrerait en conflit avec des objectifs de gouvernance, qui se révéleraient contraires à ce qu’ils estimeraient être les valeurs universitaires fondamentales.

    6. Entre ce que certains considèrent comme des recherches “militantes” et les orientations néolibérales et managériales du gouvernement des universités, qu’est-ce qui vous semble être le plus grand danger pour les libertés académiques ?

    Arnaud Bernadet. Ce sont des préoccupations d’ordre différent à première vue. Les unes semblent opérer à l’interne, en raison de l’évolution des disciplines. Les autres paraissent être plutôt impulsées à l’externe, en vertu d’une approche productiviste des universités. Toutes montrent que le monde de l’enseignement et de la recherche est soumis à de multiples pressions. Aussi surprenant que cela paraisse, il n’est pas exclu que ces deux aspects se rejoignent et se complètent. Dans un article récent de The Chronicle of Higher Education (03.10.2021), Justin Sider (professeur de littérature anglaise à l’Université d’Oklahoma) a bien montré que les préoccupations en matière de justice sociale sont en train de changer la nature même des enseignements. Loin de la vision désintéressée des savoirs, ceux-ci serviraient dorénavant les étudiants à leur entrée dans la vie active, pour changer l’ordre des choses, combattre les inégalités, etc. C’est une réponse à la conception utilitariste de l’université, imposée depuis plusieurs décennies par le modèle néolibéral. Et c’est ce qu’ont fort bien compris certains administrateurs qui, une main sur le cœur, l’autre près du portefeuille, aimeraient donc vendre désormais à leurs “clients” des programmes ou de nouveaux curricula portant sur la justice sociale.

    7. La défense des libertés académiques, en l’occurrence la liberté pédagogique et la liberté de recherche d’utiliser tous les mots comme objet de savoir, est-elle absolue, inconditionnelle ? Ne risque-t-elle pas de renforcer un effet d’exclusion pour les minorités ?

    Isabelle Arseneau. Elle est plutôt à notre avis non-négociable (aucun principe n’est absolu). Mais pour cela, il est impératif de désamalgamer des dossiers bien distincts : d’une part, le travail de terrain qu’il faut encore mener en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (qu’il est désormais commun de désigner par l’acronyme « ÉDI ») ; d’autre part, les fondements de la mission universitaire, c’est-à-dire créer et transmettre des savoirs. Les faux parallèles que l’on trace entre la liberté académique et les « ÉDI » desservent autant la première que les secondes et on remarque une nette tendance chez certaines universités plus clairement néolibérales à utiliser la liberté académique comme un vulgaire pansement pour régler des dossiers sur lesquels elles accusent parfois de regrettables retards. Bien ironiquement, ce militantisme d’apparat ne fait nullement progresser les différentes causes auxquelles il s’associe et a parfois l’effet inverse. Revenons à l’exemple concret qui s’est produit chez nous : recommander à une enseignante de s’excuser pour avoir prononcé et fait lire un mot jugé sensible et aller jusqu’à rembourser leurs frais de scolarité à des étudiants heurtés, voilà des gestes « spectaculaires » qui fleurent bon le langage de l’inclusion mais qui transpirent le clientélisme (« Satisfaction garantie ou argent remis ! »). Car une fois que l’on a censuré un mot, caviardé un passage, proscrit l’étude d’une œuvre, qu’a-t-on fait, vraiment, pour l’équité salariale hommes-femmes ; pour l’inclusion des minorités toujours aussi invisibles sur notre campus ; pour la diversification (culturelle, certes, mais également économique) des corps enseignant et étudiant, etc. ? Rien. Les accommodements offerts aux plaignants sont d’ailleurs loin d’avoir créé plus d’équité ; ils ont au contraire engendré une série d’inégalités : entre les étudiants d’abord, qui n’ont pas eu droit au même traitement dans le contexte difficile de la pandémie et de l’enseignement à distance ; entre les chargés de cours ensuite, qui n’ont pas eu à faire une même quantité de travail pour un même salaire ; et, enfin, entre les universités, toutes soumises au même système de financement public, dont le calcul repose en bonne partie sur l’unité-crédit. Les salles de classe ont bon dos : elles sont devenues les voies de sortie faciles pour des institutions qui s’achètent grâce à elles un vernis de justice sociale qui tarde à se traduire par des avancées concrètes sur les campus. Confondre les dossiers ne servira personne.

    8. Reste que ce qui est perçu par des acteurs de la défense de droits des minorités comme l’exercice d’une liberté d’expression est vécu et analysé par d’autres acteurs comme une atteinte à la liberté académique, en particulier la liberté pédagogique. La situation n’est-elle pas une impasse propre à aviver les tensions et créer une polémique permanente ? Comment sortir de cette impasse ?

    Isabelle Arseneau. En effet, on peut vite avoir l’impression d’un cul-de-sac ou d’un cercle vicieux difficile à briser, surtout au vu de la polarisation actuelle des discours, qu’aggravent les médias sociaux. Dans ce brouhaha de paroles et de réactions à vif, je ne sais pas si on s’entend et encore moins si on s’écoute. Chose certaine, il faudra dans un premier temps tenter de régler les problèmes qui atteignent aujourd’hui les établissements postsecondaires depuis l’intérieur de leurs murs. En effet, la responsabilité me semble revenir d’abord aux dirigeants de nos institutions, à la condition de réorienter les efforts vers les bonnes cibles et, comme je le disais à l’instant, de distinguer les dossiers. À partir du moment où l’on cessera de confondre les dossiers et où l’on résistera aux raccourcis faciles et tendancieux, des chantiers distincts s’ouvriront naturellement.

    Du côté des dossiers liés à l’équité et à la diversité, il me semble nécessaire de mener de vrais travaux d’enquête et d’analyse de terrain et de formuler des propositions concrètes qui s’appuient sur des données plutôt que des mesures cosmétiques qui suivent l’air du temps (il ne suffit pas, comme on a pu le faire chez nous, de recommander la censure d’un mot, de retirer une statue ou de renommer une équipe de football). Plus on tardera à s’y mettre vraiment et à joindre le geste à la parole, plus longtemps on échouera à réunir les conditions nécessaires au dialogue serein et décomplexé. Il nous reste d’ailleurs à débusquer les taches aveugles, par exemple celles liées à la diversité économique de nos campus (ou son absence), une donnée trop souvent exclue de la réflexion, qui préfère se fixer sur la seule dimension identitaire. Du côté de la liberté universitaire, il est nécessaire de la réaffirmer d’abord et de la protéger ensuite, en reprenant le travail depuis le début s’il le faut. C’est ce qu’a fait à date récente la Mission nommée par le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras. Les travaux de ce comité ont abouti à l’élaboration d’un énoncé de principes fort habile. Ce dernier, qui a été adopté à l’unanimité par l’assemblée universitaire, distingue très nettement les dossiers et les contextes : en même temps qu’il déclare qu’« aucun mot, aucun concept, aucune image, aucune œuvre ne sauraient être exclus a priori du débat et de l’examen critique dans le cadre de l’enseignement et de la recherche universitaires », le libellé rappelle que l’université « condamne les propos haineux et qu’en aucun cas, une personne tenant de tels propos ne peut se retrancher derrière ses libertés universitaires ou, de façon générale, sa liberté d’expression » (4). Il est également urgent de mettre en œuvre une pédagogie ciblant expressément les libertés publiques, la liberté académique et la liberté d’expression. C’est d’ailleurs une carence mise au jour par l’enquête de la Commission, qui révèle que 58% des professeurs interrogés « affirment ne pas savoir si leur établissement possède des documents officiels assurant la protection de la liberté universitaire » et que 85% des répondants étudiants « considèrent que les universités devraient déployer plus d’efforts pour faire connaître les dispositions sur la protection de la liberté universitaire ». Il reste donc beaucoup de travail à faire sur le plan de la diffusion de l’information intra muros. Heureusement, nos établissements ont déjà en leur possession les outils nécessaires à l’implantation de ce type d’apprentissage pratique (au moment de leur admission, nos étudiants doivent déjà compléter des tutoriels de sensibilisation au plagiat et aux violences sexuelles, par exemple).

    Enfin, il revient aux dirigeants de nos universités de s’assurer de mettre en place un climat propice à la réflexion et au dialogue sur des sujets parfois délicats, par exemple en se gardant d’insinuer que ceux qui défendent la liberté universitaire seraient de facto hostiles à la diversité et à l’équité, comme a pu le faire notre vice-recteur dans une lettre publiée dans La Presse en février dernier. Ça, déjà, ce serait un geste à la hauteur de la fonction.

    9. Quelle perception avez-vous de la forme qu’a pris la remise en cause des libertés académiques en France avec la polémique sur l’islamo-gauchisme initiée par deux membres du gouvernement – Blanquer et Vidal – et poursuivi avec le Manifeste des 100 ?

    Arnaud Bernadet. Un sentiment de profonde perplexité. La comparaison entre “l’islamo-gauchisme”, qui nous semble en grande partie un épouvantail agité par le pouvoir macroniste, et le “wokism” états-unien ou canadien - qui est une réalité complexe mais mesurable, dont on précisera les contours la semaine prochaine - se révèle aussi artificielle qu’infondée. Un tel rapprochement est même en soi très dangereux, et peut servir de nouveaux amalgames comme il apparaît nettement dans la lettre publiée hier par Jean-Michel Blanquer et Jean-François Roberge : “L’école pour la liberté, contre l’obscurantisme”. Déplions-la un instant. Les deux ministres de l’Éducation, de France et du Québec, ne sont pas officiellement en charge des dossiers universitaires (assurés par Frédérique Vidal et Danielle McCann). D’une même voix, Blanquer et Roberge condamnent - à juste titre - l’autodafé commis en 2019 dans plusieurs écoles du sud-ouest de l’Ontario sur des encyclopédies, des bandes-dessinées et des ouvrages de jeunesse qui portaient atteinte à l’image des premières nations. Or on a appris par la suite que l’instigatrice de cette purge littéraire, Suzie Kies, œuvrait comme conseillère au sein du Parti Libéral du Canada sur les questions autochtones. Elle révélait ainsi une évidente collusion avec le pouvoir fédéral. Inutile de dire par conséquent que l’intervention de nos deux ministres ressortit à une stratégie d’abord politique. En position fragile face à Ottawa, dont les mesures interventionnistes ne sont pas toujours compatibles avec son esprit d’indépendance, le Québec se cherche des appuis du côté de la France. Au nom de la “liberté d’expression”, la France tacle également Justin Trudeau, dont les positions modérées au moment de l’assassinat de Samuel Paty ont fortement déplu. Ce faisant, le Québec et la France se donnent aussi comme des sociétés alternatives, le Canada étant implicitement associé aux États-Unis dont il ne serait plus que la copie : un lieu où prospéreraient une “idéologie” et des “méthodes” - bannissement, censure, effacement de l’histoire - qui menaceraient le “respect” et l’esprit de “tolérance” auxquels s’adossent “nos démocraties”. Au lieu de quoi, non seulement “l’égalité” mais aussi la “laïcité” seraient garantes au Québec comme en France d’un “pacte” capable d’unir la “communauté” sur la base “de connaissances, de compétences et de principes fondés sur des valeurs universelles”, sans que celles-ci soient d’ailleurs clairement précisées. On ne peut s’empêcher toutefois de penser que les deux auteurs prennent le risque par ce biais de légitimer les guerres culturelles, issues au départ des universités états-uniennes, en les étendant aux rapports entre anglophones et francophones. Au reste, la cible déclarée du texte, qui privilégie plutôt l’allusion et se garde habilement de nommer, reste la “cancel culture” aux mains des “assassins de la mémoire”. On observera qu’il n’est nulle part question de “wokes”, de décolonialisme ou d’antiracisme par exemple. D’un “militantisme délétère” (mais lequel, exactement ?) on passe enfin aux dangers de la “radicalisation”, dans laquelle chacun mettra ce qu’il veut bien y entendre, des extrémismes politiques (national-populisme, alt-right, néo-nazisme, etc.) et des fondamentalismes religieux. Pour finir, la résistance aux formes actuelles de “l’obscurantisme” est l’occasion de revaloriser le rôle de l’éducation au sein des démocraties. Elle est aussi un moyen de renouer avec l’héritage rationaliste des Lumières. Mais les deux ministres retombent dans le piège civilisationniste, qui consiste à arrimer - sans sourciller devant la contradiction - les “valeurs universelles” à “nos sociétés occidentales”. Le marqueur identitaire “nos” est capital dans le texte. Il efface d’un même geste les peuples autochtones qui étaient mentionnés au début de l’article, comme s’ils ne faisaient pas partie, notamment pour le Québec, de cette “mémoire” que les deux auteurs appellent justement à défendre, ou comme s’ils étaient d’emblée assimilés et assimilables à cette vision occidentale ? De lui-même, l’article s’expose ici à la critique décoloniale, particulièrement répandue sur les campus nord-américains, celle-là même qu’il voudrait récuser. Qu’on en accepte ou non les prémisses, cette critique ne peut pas être non plus passée sous silence. Il faut s’y confronter. Car elle a au moins cette vertu de rappeler que l’héritage des Lumières ne va pas sans failles. On a le droit d’en rejeter les diverses formulations, mais il convient dans ce cas de les discuter. Car elles nous obligent à penser ensemble - et autrement - les termes du problème ici posé : universalité, communauté et diversité.

    10. La forme d’un « énoncé » encadrant la liberté académique et adopté par le parlement québécois vous semble-t-elle un bon compromis politique ? Pourquoi le soutenir plutôt qu’une loi ? Un énoncé national de référence, laissant chaque établissement en disposer librement, aura-t-il une véritable efficacité ?

    Isabelle Arseneau. Au moment de la rédaction de notre mémoire, les choses nous semblaient sans doute un peu moins urgentes que depuis la publication des résultats de la collecte d’informations réalisée par la Commission indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique en contexte universitaire. Les chiffres publiés en septembre dernier confirment ce que nous avons remarqué sur le terrain et ce que suggéraient déjà les mémoires, les témoignages et les avis d’experts récoltés dans le cadre des travaux des commissaires : nous avons affaire à un problème significatif plutôt qu’à un épiphénomène surmédiatisé (comme on a pu l’entendre dire). Les résultats colligés reflètent cependant un phénomène encore plus généralisé que ce que l’on imaginait et d’une ampleur que, pour ma part, je sous-estimais.

    Dans le contexte d’une situation sérieuse mais non encore critique, l’idée d’un énoncé m’a donc toujours semblé plus séduisante (et modérée !) que celle d’une politique nationale, qui ouvrirait la porte à l’ingérence de l’État dans les affaires universitaires. Or que faire des universités qui ne font plus leurs devoirs ? L’« énoncé sur la liberté universitaire » de l’Université McGill, qui protège les chercheurs des « contraintes de la rectitude politique », ne nous a été d’aucune utilité à l’automne 2020. Comment contraindre notre institution à respecter les règles du jeu dont elle s’est elle-même dotée ? Nous osons croire qu’un énoncé national, le plus ouvert et le plus généreux possible, pourrait aider les établissements comme le nôtre à surmonter certaines difficultés internes. Mais nous sommes de plus en plus conscients qu’il faudra sans doute se doter un jour de mécanismes plus concrets qu’un énoncé non contraignant.

    Arnaud Bernadet. Nous avons eu de longues discussions à ce sujet, et elles ne sont probablement pas terminées. C’est un point de divergence entre nous. Bien entendu, on peut se ranger derrière la solution modérée comme on l’a d’abord fait. Malgré tout, je persiste à croire qu’une loi aurait plus de poids et d’efficience qu’un énoncé. L’intervention de l’État est nécessaire dans le cas présent, et me semble ici le contraire même de l’ingérence. Une démocratie digne de ce nom doit veiller à garantir les libertés publiques qui en sont au fondement. Or, en ce domaine, la liberté académique est précieuse. Ce qui a lieu sur les campus est exceptionnel, cela ne se passe nulle part ailleurs dans la société : la quête de la vérité, la dynamique contradictoire des points de vue, l’expression critique et l’émancipation des esprits. Je rappellerai qu’inscrire le principe de la liberté académique dans la loi est aussi le vœu exprimé par la Fédération Québécoise des Professeures et Professeurs d’Université. Actuellement, un tel principe figure plutôt au titre du droit contractuel, c’est-à-dire dans les conventions collectives des établissements québécois (quand celles-ci existent !) Une loi remettrait donc à niveau les universités de la province, elle préviendrait toute espèce d’inégalité de traitement d’une institution à l’autre. Elle comblerait la carence dont on parlait tout à l’heure, qui remonte à la Révolution tranquille. Elle renforcerait finalement l’autonomie des universités au lieu de la fragiliser. Ce serait aussi l’occasion pour le Québec de réaffirmer clairement ses prérogatives en matière éducative contre les ingérences - bien réelles celles-là - du pouvoir fédéral qui tend de plus en plus à imposer sa vision pancanadienne au mépris des particularités francophones. Enfin, ne nous leurrons pas : il n’y a aucune raison objective pour que les incidents qui se sont multipliés en Amérique du Nord depuis une dizaine d’années, et qui nourrissent de tous bords - on vient de le voir - de nombreux combats voire dérives idéologiques, cessent tout à coup. La loi doit pouvoir protéger les fonctions et les missions des universités québécoises, à ce jour de plus en plus perturbées.

    Entretien réalisé par écrit au mois d’octobre 2021

    Notes :

    1. Isabelle Hachey, « Le clientélisme, c’est ça » (La Presse, 22.02.2021)

    2. Jean-François Nadeau, « La censure contamine les milieux universitaires » (Le Devoir, 01.04.2017)

    3. Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, « Universités : censure et liberté » (La Presse, 15.12.2020) ; « Les dérives éthiques de l’esprit gestionnaire » (La Presse, 29.02.2021) ; « Université McGill : une politique du déni » (La Presse, 26.02.2021).

    4. « Rapport de la Mission du recteur sur la liberté d’expression en contexte universitaire », juin 2021 : https://www.umontreal.ca/public/www/images/missiondurecteur/Rapport-Mission-juin2021.pdf

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/211021/liberte-academique-et-justice-sociale

    #ESR

    ping @karine4 @_kg_ @isskein

    –-

    ajouté à la métaliste autour du terme l’#islamo-gauchisme... mais aussi du #woke et du #wokisme, #cancel_culture, etc.
    https://seenthis.net/messages/943271

    • La liberté académique aux prises avec de nouvelles #menaces

      Colloques, séminaires, publications (Duclos et Fjeld, Frangville et alii) : depuis quelques années, et avec une accélération notoire ces derniers mois, le thème de la liberté académique est de plus en plus exploré comme objet scientifique. La liberté académique suscite d’autant plus l’intérêt des chercheurs qu’elle est aujourd’hui, en de nombreux endroits du monde, fragilisée.

      La création en 2021 par l’#Open_Society_University_Network (un partenariat entre la Central European University et le Bard College à New York) d’un #Observatoire_mondial_des_libertés_académiques atteste d’une inquiétante réalité. C’est en effet au moment où des libertés sont fragilisées qu’advient le besoin d’en analyser les fondements, d’en explorer les définitions, de les ériger en objets de recherche, mais aussi de mettre en œuvre un système de veille pour les protéger.

      S’il est évident que les #régimes_autoritaires sont par définition des ennemis des libertés académiques, ce qui arrive aujourd’hui dans des #pays_démocratiques témoigne de pratiques qui transcendent les frontières entre #régime_autoritaire et #régime_démocratique, frontières qui elles-mêmes tendent à se brouiller.

      La liberté académique menacée dans les pays autoritaires…

      S’appuyant sur une régulation par les pairs (la « communauté des compétents ») et une indépendance structurelle par rapport aux pouvoirs, la liberté de recherche, d’enseignement et d’opinion favorise la critique autant qu’elle en est l’expression et l’émanation. Elle est la condition d’une pensée féconde qui progresse par le débat, la confrontation d’idées, de paradigmes, d’axiomes, d’expériences.

      Cette liberté dérange en contextes autoritaires, où tout un répertoire d’actions s’offre aux gouvernements pour museler les académiques : outre l’emprisonnement pur et simple, dont sont victimes des collègues – on pense notamment à #Fariba_Adelkhah, prisonnière scientifique en #Iran ; à #Ahmadreza_Djalali, condamné à mort en Iran ; à #Ilham_Tohti, dont on est sans nouvelles depuis sa condamnation à perpétuité en# Chine, et à des dizaines d’autres académiques ouïghours disparus ou emprisonnés sans procès ; à #Iouri_Dmitriev, condamné à treize ans de détention en #Russie –, les régimes autoritaires mettent en œuvre #poursuites_judiciaires et #criminalisation, #licenciements_abusifs, #harcèlement, #surveillance et #intimidation.


      https://twitter.com/AnkyraWitch/status/1359630006993977348

      L’historien turc Candan Badem parlait en 2017 d’#académicide pour qualifier la vague de #répression qui s’abattait dans son pays sur les « universitaires pour la paix », criminalisés pour avoir signé une pétition pour la paix dans les régions kurdes. La notion de « #crime_contre_l’histoire », forgée par l’historien Antoon de Baets, a été reprise en 2021 par la FIDH et l’historien Grigori Vaïpan) pour qualifier les atteintes portées à l’histoire et aux historiens en Russie. Ce crime contre l’histoire en Russie s’amplifie avec les attaques récentes contre l’ONG #Memorial menacée de dissolution.

      En effet, loin d’être l’apanage des institutions académiques officielles, la liberté académique et de recherche, d’une grande rigueur, se déploie parfois de façon plus inventive et courageuse dans des structures de la #société_civile. En #Biélorussie, le sort de #Tatiana_Kuzina, comme celui d’#Artiom_Boyarski, jeune chimiste talentueux emprisonné pour avoir refusé publiquement une bourse du nom du président Loukachenko, ne sont que deux exemples parmi des dizaines et des dizaines de chercheurs menacés, dont une grande partie a déjà pris le chemin de l’exil depuis l’intensification des répressions après les élections d’août 2020 et la mobilisation qui s’en est suivie.

      La liste ci-dessus n’est bien sûr pas exhaustive, les cas étant nombreux dans bien des pays – on pense, par exemple, à celui de #Saïd_Djabelkhir en #Algérie.

      … mais aussi dans les #démocraties

      Les #régressions que l’on observe au sein même de l’Union européenne – le cas du déménagement forcé de la #Central_European_University de Budapest vers Vienne, sous la pression du gouvernement de Viktor Orban, en est un exemple criant – montrent que les dérives anti-démocratiques se déclinent dans le champ académique, après que d’autres libertés – liberté de la presse, autonomie de la société civile – ont été atteintes.

      Les pays considérés comme démocratiques ne sont pas épargnés non plus par les tentatives des autorités politiques de peser sur les recherches académiques. Récemment, en #France, les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont affirmé que le monde académique serait « ravagé par l’#islamo-gauchisme » et irrespectueux des « #valeurs_de_la_République » – des attaques qui ont provoqué un concert de protestations au sein de la communauté des chercheurs. En France toujours, de nombreux historiens se sont mobilisés en 2020 contre les modalités d’application d’une instruction interministérielle restreignant l’accès à des fonds d’#archives sur l’#histoire_coloniale, en contradiction avec une loi de 2008.


      https://twitter.com/VivementLundi/status/1355564397314387972

      Au #Danemark, en juin 2021, plus de 260 universitaires spécialistes des questions migratoires et de genre rapportaient quant à eux dans un communiqué public les intimidations croissantes subies pour leurs recherches qualifiées de « #gauchisme_identitaire » et de « #pseudo-science » par des députés les accusant de « déguiser la politique en science ».

      D’autres offensives peuvent être menées de façon plus sournoise, à la faveur de #politiques_néolibérales assumées et de mise en #concurrence des universités et donc du champ du savoir et de la pensée. La conjonction de #logiques_libérales sur le plan économique et autoritaires sur le plan politique conduit à la multiplication de politiques souvent largement assumées par les États eux-mêmes : accréditations sélectives, retrait de #financements à des universités ou à certains programmes – les objets plus récents et fragiles comme les #études_de_genre ou études sur les #migrations se trouvant souvent en première ligne.

      Ce brouillage entre régimes politiques, conjugué à la #marchandisation_du_savoir, trouve également à s’incarner dans la façon dont des acteurs issus de régimes autoritaires viennent s’installer au sein du monde démocratique : c’est le cas notamment de la Chine avec l’implantation d’#Instituts_Confucius au cœur même des universités, qui conduisent, dans certains cas, à des logiques d’#autocensure ; ou de l’afflux d’étudiants fortunés en provenance de pays autoritaires, qui par leurs frais d’inscriptions très élevés renflouent les caisses d’universités désargentées, comme en Australie.

      Ces logiques de #dépendance_financière obèrent l’essence et la condition même de la #recherche_académique : son #indépendance. Plus généralement, la #marchandisation de l’#enseignement_supérieur, conséquence de son #sous-financement public, menace l’#intégrité_scientifique de chercheurs et d’universités de plus en plus poussées à se tourner vers des fonds privés.

      La mobilisation de la communauté universitaire

      Il y a donc là une combinaison d’attaques protéiformes, à l’aune des changements politiques, technologiques, économiques et financiers qui modifient en profondeur les modalités du travail. La mise en place de programmes de solidarité à destination de chercheurs en danger (#PAUSE, #bourses_Philipp_Schwartz en Allemagne, #bourses de solidarité à l’Université libre de Bruxelles), l’existence d’organisations visant à documenter les attaques exercées sur des chercheurs #Scholars_at_Risk, #International_Rescue_Fund, #CARA et la création de ce tout nouvel observatoire mondial des libertés académiques évoqué plus haut montrent que la communauté académique a pris conscience du danger. Puissent du fond de sa prison résonner les mots de l’historien Iouri Dmitriev : « Les libertés académiques, jamais, ne deviendront une notion abstraite. »

      https://theconversation.com/la-liberte-academique-aux-prises-avec-de-nouvelles-menaces-171682

    • « #Wokisme » : un « #front_républicain » contre l’éveil aux #injustices

      CHRONIQUE DE LA #BATAILLE_CULTURELLE. L’usage du mot « wokisme » vise à disqualifier son adversaire, mais aussi à entretenir un #déni : l’absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’#égalité, de #justice, de respect des #droits_humains.

      Invoqué ad nauseam, le « wokisme » a fait irruption dans un débat public déjà singulièrement dégradé. Il a fait florès à l’ère du buzz et des clashs, rejoignant l’« #islamogauchisme » au registre de ces fameux mots fourre-tout dont la principale fonction est de dénigrer et disqualifier son adversaire, tout en réduisant les maux de la société à quelques syllabes magiques. Sur la scène politique et intellectuelle, le « wokisme » a même réussi là où la menace de l’#extrême_droite a échoué : la formation d’un « front républicain ». Mais pas n’importe quel front républicain…

      Formellement, les racines du « wokisme » renvoient à l’idée d’« #éveil » aux #injustices, aux #inégalités et autres #discriminations subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. Comment cet « éveil » a-t-il mué en une sorte d’#injure_publique constitutive d’une #menace existentielle pour la République ?

      Si le terme « woke » est historiquement lié à la lutte des #Afro-Américains pour les #droits_civiques, il se trouve désormais au cœur de mobilisations d’une jeunesse militante animée par les causes féministes et antiracistes. Ces mobilisations traduisent en acte l’#intersectionnalité théorisée par #Kimberlé_Williams_Crenshaw*, mais le recours à certains procédés ou techniques est perçu comme une atteinte à la #liberté_d’expression (avec les appels à la #censure d’une œuvre, à l’annulation d’une exposition ou d’une représentation, au déboulonnage d’une statue, etc.) ou à l’égalité (avec les « réunions non mixtes choisies et temporaires » restreignant l’accès à celles-ci à certaines catégories de personnes partageant un même problème, une même discrimination). Le débat autour de ces pratiques est complexe et légitime. Mais parler en France du développement d’une « cancel culture » qu’elles sont censées symboliser est abusif, tant elles demeurent extrêmement marginales dans les sphères universitaires et artistiques. Leur nombre comme leur diffusion sont inversement proportionnels à leur écho politico-médiatique. D’où provient ce contraste ou décalage ?

      Une rupture du contrat social

      En réalité, au-delà de la critique/condamnation du phénomène « woke », la crispation radicale qu’il suscite dans l’hexagone puise ses racines dans une absence de volonté politique à prendre au sérieux les demandes d’égalité, de justice, de respect des droits humains. Un défaut d’écoute et de volonté qui se nourrit lui-même d’un mécanisme de déni, à savoir un mécanisme de défense face à une réalité insupportable, difficile à assumer intellectuellement et politiquement.

      D’un côté, une série de rapports publics et d’études universitaires** pointent la prégnance des inégalités et des discriminations à l’embauche, au logement, au contrôle policier ou même à l’école. Non seulement les discriminations sapent le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, mais la reproduction des inégalités est en partie liée à la reproduction des discriminations.

      De l’autre, le déni et l’#inaction perdurent face à ces problèmes systémiques. Il n’existe pas de véritable politique publique de lutte contre les discriminations à l’échelle nationale. L’État n’a pas engagé de programme spécifique qui ciblerait des axes prioritaires et se déclinerait aux différents niveaux de l’action publique.

      L’appel à l’« éveil » est un appel à la prise de conscience d’une rupture consommée de notre contrat social. La réalité implacable d’inégalités et de discriminations criantes nourrit en effet une #citoyenneté à plusieurs vitesses qui contredit les termes du récit/#pacte_républicain, celui d’une promesse d’égalité et d’#émancipation.

      Que l’objet si mal identifié que représente le « wokisme » soit fustigé par la droite et l’extrême-droite n’a rien de surprenant : la lutte contre les #logiques_de_domination ne fait partie ni de leur corpus idéologique ni de leur agenda programmatique. En revanche, il est plus significatif qu’une large partie de la gauche se détourne des questions de l’égalité et de la #lutte_contre_les_discriminations, pour mieux se mobiliser contre tout ce qui peut apparaître comme une menace contre un « #universalisme_républicain » aussi abstrait que déconnecté des réalités vécues par cette jeunesse française engagée en faveur de ces causes.

      Les polémiques autour du « wokisme » contribuent ainsi à forger cet arc politique et intellectuel qui atteste la convergence, voire la jonction de deux blocs conservateurs, « de droite » et « de gauche », unis dans un même « front républicain », dans un même déni des maux d’une société d’inégaux.

      https://www.nouvelobs.com/idees/20210928.OBS49202/wokisme-un-front-republicain-contre-l-eveil-aux-injustices.html

      #récit_républicain

    • « Le mot “#woke” a été transformé en instrument d’occultation des discriminations raciales »

      Pour le sociologue #Alain_Policar, le « wokisme » désigne désormais péjorativement ceux qui sont engagés dans des courants politiques qui se réclament pourtant de l’approfondissement des principes démocratiques.

      Faut-il rompre avec le principe de « #color_blindness » (« indifférence à la couleur ») au fondement de l’#égalitarisme_libéral ? Ce principe, rappelons-le, accompagne la philosophie individualiste et contractualiste à laquelle adhèrent les #démocraties. Or, en prenant en considération des pratiques par lesquelles des catégories fondées sur des étiquettes « raciales » subsistent dans les sociétés postcolonialistes, on affirme l’existence d’un ordre politico-juridique au sein duquel la « #race » reste un principe de vision et de division du monde social.

      Comme l’écrit #Stéphane_Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, « la République a un problème avec le #corps des individus, elle ne sait que faire de ces #différences_physiques, de ces couleurs multiples, de ces #orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également elle devait être #aveugle » ( Le Monde du 7 avril).

      Dès lors, ignorer cette #réalité, rester indifférent à la #couleur, n’est-ce pas consentir à la perpétuation des injustices ? C’est ce consentement qui s’exprime dans l’opération idéologique d’appropriation d’un mot, « woke », pour le transformer en instrument d’occultation de la réalité des discriminations fondées sur la couleur de peau. Désormais le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT ou même écologistes. Il ne se caractérise pas par son contenu, mais par sa fonction, à savoir, selon un article récent de l’agrégé de philosophie Valentin Denis sur le site AOC , « stigmatiser des courants politiques souvent incommensurables tout en évitant de se demander ce qu’ils ont à dire . Ces courants politiques, pourtant, ne réclament-ils pas en définitive l’approfondissement des #principes_démocratiques ?

      Une #justice_corrective

      Parmi les moyens de cet approfondissement, l’ affirmative action (« #action_compensatoire »), en tant qu’expression d’une justice corrective fondée sur la #reconnaissance des #torts subis par le passé et, bien souvent, qui restent encore vifs dans le présent, est suspectée de substituer le #multiculturalisme_normatif au #modèle_républicain d’#intégration. Ces mesures correctives seraient, lit-on souvent, une remise en cause radicale du #mérite_individuel. Mais cet argument est extrêmement faible : est-il cohérent d’invoquer la #justice_sociale (dont les antiwokedisent se préoccuper) et, en même temps, de valoriser le #mérite ? L’appréciation de celui-ci n’est-elle pas liée à l’#utilité_sociale accordée à un ensemble de #performances dont la réalisation dépend d’#atouts (en particulier, un milieu familial favorable) distribués de façon moralement arbitraire ? La justice sociale exige, en réalité, que ce qui dépend des circonstances, et non des choix, soit compensé.

      Percevoir et dénoncer les mécanismes qui maintiennent les hiérarchies héritées de l’#ordre_colonial constitue l’étape nécessaire à la reconnaissance du lien entre cet ordre et la persistance d’un #racisme_quotidien. Il est important (même si le concept de « #racisme_systémique », appliqué à nos sociétés contemporaines, est décrit comme une « fable » par certains auteurs, égarés par les passions idéologiques qu’ils dénoncent chez leurs adversaires) d’admettre l’idée que, même si les agents sont dépourvus de #préjugés_racistes, la discrimination fonctionne. En quelque sorte, on peut avoir du #racisme_sans_racistes, comme l’a montré Eduardo Bonilla-Silva dans son livre de 2003, Racism without Racists [Rowman & Littlefield Publishers, non traduit] . Cet auteur avait, en 1997, publié un article canonique sur le #racisme_institutionnel dans lequel il rejetait, en se réclamant du psychiatre et essayiste Frantz Fanon [1925-1961], les approches du racisme « comme une #bizarrerie_mentale, comme une #faille_psychologique » .

      Le reflet de pratiques structurelles

      En fait, les institutions peuvent être racialement oppressives, même sans qu’aucun individu ou aucun groupe ne puisse être tenu pour responsable du tort subi. Cette importante idée avait déjà été exprimée par William E. B. Du Bois dans Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race (1940, traduit chez Vendémiaire, 2020), ouvrage dans lequel il décrivait le racisme comme un #ordre_structurel, intériorisé par les individus et ne dépendant pas seulement de la mauvaise volonté de quelques-uns. On a pu reprocher à ces analyses d’essentialiser les Blancs, de leur attribuer une sorte de #racisme_ontologique, alors qu’elles mettent au jour les #préjugés produits par l’ignorance ou le déni historique.

      On comprend, par conséquent, qu’il est essentiel de ne pas confondre, d’une part, l’expression des #émotions, de la #colère, du #ressentiment, et, d’autre part, les discriminations, par exemple à l’embauche ou au logement, lesquelles sont le reflet de #pratiques_structurelles concrètes. Le racisme est avant tout un rapport social, un #système_de_domination qui s’exerce sur des groupes racisés par le groupe racisant. Il doit être appréhendé du point de vue de ses effets sur l’ensemble de la société, et non seulement à travers ses expressions les plus violentes.

      #Alexis_de_Tocqueville avait parfaitement décrit cette réalité [dans De la démocratie en Amérique, 1835 et 1840] en évoquant la nécessaire destruction, une fois l’esclavage aboli, de trois préjugés, qu’il disait être « bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de race, et enfin le préjugé du Blanc . Et il ajoutait : « J’aperçois l’#esclavage qui recule ; le préjugé qu’il a fait naître est immobile. » Ce #préjugé_de_race était, écrivait-il encore, « plus fort dans les Etats qui ont aboli l’esclavage que dans ceux où il existe encore, et nulle part il ne se montre aussi intolérant que dans les Etats où la servitude a toujours été inconnue . Tocqueville serait-il un militant woke ?

      Note(s) :

      Alain Policar est sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dernier livre paru : « L’Universalisme en procès » (Le Bord de l’eau, 160p., 16 euros)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/28/alain-policar-le-mot-woke-a-ete-transforme-en-instrument-d-occultation-des-d

      #WEB_Du_Bois

      signalé par @colporteur ici :
      https://seenthis.net/messages/941602

    • L’agitation de la chimère « wokisme » ou l’empêchement du débat

      Wokisme est un néologisme malin : employé comme nom, il suggère l’existence d’un mouvement homogène et cohérent, constitué autour d’une prétendue « idéologie woke ». Ou comment stigmatiser des courants politiques progressistes pour mieux détourner le regard des discriminations que ceux-ci dénoncent. D’un point de vue rhétorique, le terme produit une version totalement caricaturée d’un adversaire fantasmé.

      (#paywall)
      https://aoc.media/opinion/2021/11/25/lagitation-de-la-chimere-wokisme-ou-lempechement-du-debat

    • Europe’s War on Woke

      Why elites across the Atlantic are freaking out about the concept of structural racism.

      On my 32nd birthday, I agreed to appear on Répliques, a popular show on the France Culture radio channel hosted by the illustrious Alain Finkielkraut. Now 72 and a household name in France, Finkielkraut is a public intellectual of the variety that exists only on the Left Bank: a child of 1968 who now wears Loro Piana blazers and rails against “la cancel culture.” The other guest that day—January 9, less than 72 hours after the US Capitol insurrection—was Pascal Bruckner, 72, another well-known French writer who’d just published “The Almost Perfect Culprit: The Construction of the White Scapegoat,” his latest of many essays on this theme. Happy birthday to me.

      The topic of our discussion was the only one that interested the French elite in January 2021: not the raging pandemic but “the Franco-American divide,” the Huntington-esque clash of two apparently great civilizations and their respective social models—one “universalist,” one “communitarian”—on the question of race and identity politics. To Finkielkraut, Bruckner, and the establishment they still represent, American writers like me seek to impose a “woke” agenda on an otherwise harmonious, egalitarian society. Americans who argue for social justice are guilty of “cultural imperialism,” of ideological projection—even of bad faith.

      This has become a refrain not merely in France but across Europe. To be sure, the terms of this social-media-fueled debate are unmistakably American; “woke” and “cancel culture” could emerge from no other context. But in the United States, these terms have a particular valence that mostly has to do with the push for racial equality and against systemic racism. In Europe, what is labeled “woke” is often whatever social movement a particular country’s establishment fears the most. This turns out to be an ideal way of discrediting those movements: To call them “woke” is to call them American, and to call them American is to say they don’t apply to Europe.

      In France, “wokeism” came to the fore in response to a recent slew of terror attacks, most notably the gruesome beheading in October 2020 of the schoolteacher Samuel Paty. After years of similar Islamist attacks—notably the massacre at the offices of the newspaper Charlie Hebdo in January 2015 and the ISIS-inspired assaults on the Hypercacher kosher supermarket and the Bataclan concert hall in November 2015—the reaction in France reached a tipping point. Emmanuel Macron’s government had already launched a campaign against what it calls “Islamist separatism,” but Paty’s killing saw a conversation about understandable trauma degenerate into public hysteria. The government launched a full-scale culture war, fomenting its own American-style psychodrama while purporting to do the opposite. Soon its ministers began railing against “islamo-gauchisme” (Islamo-leftism) in universities, Muslim mothers in hijabs chaperoning school field trips, and halal meats in supermarkets.

      But most of all, they began railing against the ideas that, in their view, somehow augmented and abetted these divisions: American-inspired anti-racism and “wokeness.” Macron said it himself in a speech that was widely praised by the French establishment for its alleged nuance: “We have left the intellectual debate to others, to those outside of the Republic, by ideologizing it, sometimes yielding to other academic traditions…. I see certain social science theories entirely imported from the United States.” In October, the French government inaugurated a think tank, the Laboratoire de la République, designed to combat these “woke” theories, which, according to the think tank’s founder, Jean-Michel Blanquer, Macron’s education minister, “led to the rise of Donald Trump.”

      As the apparent emissaries of this pernicious “Anglo-Saxon” identitarian agenda, US journalists covering this moment in France have come under the spotlight, especially when we ask, for instance, what islamo-gauchisme actually means—if indeed it means anything at all. Macron himself has lashed out at foreign journalists, even sending a letter to the editor of the Financial Times rebutting what he saw as an error-ridden op-ed that took a stance he could not bear. “I will not allow anybody to claim that France, or its government, is fostering racism against Muslims,” he wrote. Hence my own invitation to appear on France Culture, a kind of voir dire before the entire nation.

      Finkielkraut began the segment with a tirade against The New York Times and then began discussing US “campus culture,” mentioning Yale’s Tim Barringer and an art history syllabus that no longer includes as many “dead white males.” Eventually I asked how, three days after January 6, we could discuss the United States without mentioning the violent insurrection that had just taken place at the seat of American democracy. Finkielkraut became agitated. “And for you also, [what about] the fact that in the American Congress, Emanuel Cleaver, representative of Missouri, presiding over a new inauguration ceremony, finished by saying the words ‘amen and a-women’?” he asked. “Ça vous dérangez pas?” I said it didn’t bother me in the least, and he got even more agitated. “I don’t understand what you say, James McAuley, because cancel culture exists! It exists!”

      The man knew what he was talking about: Three days after our conversation, Finkielkraut was dropped from a regular gig at France’s LCI television for defending his old pal Olivier Duhamel of Sciences Po, who was embroiled in a pedophilia scandal that had taken France by storm. Duhamel was accused by his stepdaughter, Camille Kouchener, of raping her twin brother when the two were in their early teens. Finkielkraut speculated that there may have been consent between the two parties, and, in any case, a 14-year-old was “not the same thing” as a child.

      I tell this story because it is a useful encapsulation of France’s—and Europe’s—war on woke, a conflict that has assumed various forms in different national contexts but that still grips the continent. On one level, there is a certain comedy to it: The self-professed classical liberal turns out to be an apologist for child molestation. In fact, the anti-woke comedy is now quite literally being written and directed by actual comedians who, on this one issue, seem incapable of anything but earnestness. John Cleese, 81, the face of Monty Python and a public supporter of Brexit, has announced that he will be directing a forthcoming documentary series on Britain’s Channel 4 titled Cancel Me, which will feature extensive interviews with people who have been “canceled”—although no one connected with the show has specified what exactly the word means.

      Indeed, the terms of this debate are an insult to collective intelligence. But if we must use them, we need to understand an important distinction between what is called “cancel culture” and what is called “woke.” The former has been around much longer and refers to tactics that are used across the political spectrum, but historically by those on the right. “Cancel culture” is not the result of an increased awareness of racial disparities or a greater commitment to social justice broadly conceived—both of which are more urgent than ever—but rather a terrible and inevitable consequence of life with the Internet. Hardly anyone can support “cancel culture” in good faith, and yet it is never sufficiently condemned, because people call out such tactics only when their political opponents use them, never when their allies do. “Woke,” on the other hand, does not necessarily imply public shaming; it merely signifies a shift in perspective and perhaps a change in behavior. Carelessly equating the two is a convenient way to brand social justice activism as inherently illiberal—and to silence long-overdue conversations about race and inequality that far too many otherwise reasonable people find personally threatening.

      But Europe is not America, and in Europe there have been far fewer incidents that could be construed as “cancellations”—again, I feel stupid even using the word—than in the United States. “Wokeism” is really a phenomenon of the Anglosphere, and with the exception of the United Kingdom, the social justice movement has gained far less traction in Europe than it has in US cultural institutions—newspapers, universities, museums, and foundations. In terms of race and identity, many European cultural institutions would have been seen as woefully behind the times by their US counterparts even before the so-called “great awokening.” Yet Europe has gone fully anti-woke, even without much wokeness to fight.

      So much of Europe’s anti-woke movement has focused on opposing and attempting to refute allegations of “institutional” or “structural” racism. Yet despite the 20th-century continental origins of structuralism (especially in France) as a mode of social analysis—not to mention the Francophone writers who have shaped the way American thinkers conceive of race—many European elites dismiss these critiques as unwelcome intrusions into the public discourse that project the preoccupations of a nation built on slavery (and thus understandably obsessed with race) onto societies that are vastly different. Europe, they insist, has a different history, one in which race—especially in the form of the simple binary opposition of Black and white—plays a less central role. There is, of course, some truth to this rejoinder: Different countries do indeed have different histories and different debates. But when Europeans accuse their American critics of projection, they do so not to point out the very real divergences in the US and European discussions and even conceptions of race and racism. Rather, the charge is typically meant to stifle the discussion altogether—even when that discussion is being led by European citizens describing their own lived experiences.

      France, where I reside, proudly sees itself as a “universalist” republic of equal citizens that officially recognizes no differences among them. Indeed, since 1978, it has been illegal to collect statistics on race, ethnicity, or religion—a policy that is largely a response to what happened during the Second World War, when authorities singled out Jewish citizens to be deported to Nazi concentration camps. The French view is that such categories should play no role in public life, that the only community that counts is the national community. To be anti-woke, then, is to be seen as a discerning thinker, one who can rise above crude, reductive identity categories.

      The reality of daily life in France is anything but universalist. The French state does indeed make racial distinctions among citizens, particularly in the realm of policing. The prevalence of police identity checks in France, which stem from a 1993 law intended to curb illegal immigration, is a perennial source of controversy. They disproportionately target Black and Arab men, which is one reason the killing of George Floyd resonated so strongly here. Last summer I spoke to Jacques Toubon, a former conservative politician who was then serving as the French government’s civil liberties ombudsman (he is now retired). Toubon was honest in his assessment: “Our thesis, our values, our rules—constitutional, etc.—they are universalist,” he said. “They do not recognize difference. But there is a tension between this and the reality.”

      One of the most jarring examples of this tension came in November 2020, when Sarah El Haïry, Macron’s youth minister, traveled to Poitiers to discuss the question of religion in society at a local high school. By and large, the students—many of whom were people of color—asked very thoughtful questions. One of them, Emilie, 16, said that she didn’t see the recognition of religious or ethnic differences as divisive. “Just because you are a Christian or a Muslim does not represent a threat to society,” she said. “For me, diversity is an opportunity.” These and similar remarks did not sit well with El Haïry, who nonetheless kept her cool until another student asked about police brutality. At that point, El Haïry got up from her chair and interrupted the student. “You have to love the police, because they are there to protect us on a daily basis,” she said. “They cannot be racist because they are republican!”

      For El Haïry, to question such assumptions would be to question something foundational and profound about the way France understands itself. The problem is that more and more French citizens are doing just that, especially young people like the students in Poitiers, and the government seems utterly incapable of responding.

      Although there is no official data to this effect—again, because of universalist ideology—France is estimated to be the most ethnically diverse society in Western Europe. It is home to large North African, West African, Southeast Asian, and Caribbean populations, and it has the largest Muslim and Jewish communities on the continent. By any objective measure, that makes France a multicultural society—but this reality apparently cannot be admitted or understood.

      Macron, who has done far more than any previous French president to recognize the lived experiences and historical traumas of various minority groups, seems to be aware of this blind spot, but he stops short of acknowledging it. Earlier this year, I attended a roundtable discussion with Macron and a small group of other Anglophone correspondents. One thing he said during that interview has stuck with me: “Universalism is not, in my eyes, a doctrine of assimilation—not at all. It is not the negation of differences…. I believe in plurality in universalism, but that is to say, whatever our differences, our citizenship makes us build a universal together.” This is simply the definition of a multicultural society, an outline of the Anglo-Saxon social model otherwise so despised in France.

      Europe’s reaction to the brutal killing of George Floyd in may 2020 was fascinating to observe. The initial shock at the terrifyingly mundane horrors of US life quickly gave way to protest movements that decried police brutality and the unaddressed legacy of Europe’s colonial past. This was when the question of structural racism entered the conversation. In Britain, Prime Minister Boris Johnson responded to the massive protests throughout the country by establishing the Commission on Race and Ethnic Disparities, an independent group charged with investigating the reality of discrimination and coming up with proposals for rectifying racial disparities in public institutions. The commission’s report, published in April 2021, heralded Britain as “a model for other White-majority countries” on racial issues and devoted three pages to the problems with the language of “structural racism.”

      One big problem with this language, the report implied, is that “structural racism” is a feeling, and feelings are not facts. “References to ‘systemic’, ‘institutional’ or ‘structural racism’ may relate to specific processes which can be identified, but they can also relate to the feeling described by many ethnic minorities of ‘not belonging,’” the report said. “There is certainly a class of actions, behaviours and incidents at the organisational level which cause ethnic minorities to lack a sense of belonging. This is often informally expressed as feeling ‘othered.’” But even that modest concession was immediately qualified. “However, as with hate incidents, this can have a highly subjective dimension for those tasked with investigating the claim.” Finally, the report concluded, the terms in question were inherently extreme. “Terms like ‘structural racism’ have roots in a critique of capitalism, which states that racism is inextricably linked to capitalism. So by that definition, until that system is abolished racism will flourish.”

      The effect of these language games is simply to limit the terms available to describe a phenomenon that indeed exists. Because structural racism is not some progressive shibboleth: It kills people, which need not be controversial or even political to admit. For one recent example in the UK, look no further than Covid-19 deaths. The nation’s Office for National Statistics concluded that Black citizens were more than four times as likely to die of Covid as white citizens, while British citizens of Bangladeshi and Pakistani heritage were more than three times as likely to die. These disparities were present even among health workers directly employed by the state: Of the National Health Service clinical staff who succumbed to the virus, a staggering 60 percent were “BAME”—Black, Asian, or minority ethnic, a term that the government’s report deemed “no longer helpful” and “demeaning.” Beyond Covid-19, reports show that Black British women are more than four times as likely to die in pregnancy or childbirth as their white counterparts; British women of an Asian ethnic background die at twice the rate of white women.

      In the countries of Europe as in the United States, the battle over “woke” ideas is also a battle over each nation’s history—how it is written, how it is taught, how it is understood.

      Perhaps nowhere is this more acutely felt than in Britain, where the inescapable legacy of empire has become the center of an increasingly acrimonious public debate. Of particular note has been the furor over how to think about Winston Churchill, who remains something of a national avatar. In September, the Winston Churchill Memorial Trust renamed itself the Churchill Fellowship, removed certain pictures of the former prime minister from its website, and seemed to distance itself from its namesake. “Many of his views on race are widely seen as unacceptable today, a view that we share,” the Churchill Fellowship declared. This followed the November 2020 decision by Britain’s beloved National Trust, which operates an extensive network of stately homes throughout the country, to demarcate about 100 properties with explicit ties to slavery and colonialism.

      These moves elicited the ire of many conservatives, including the prime minister. “We need to focus on addressing the present and not attempt to rewrite the past and get sucked into the never-ending debate about which well-known historical figures are sufficiently pure or politically correct to remain in public view,” Johnson’s spokesman said in response to the Churchill brouhaha. But for Hilary McGrady, the head of the National Trust, “the genie is out of the bottle in terms of people wanting to understand where wealth came from,” she told London’s Evening Standard. McGrady justified the trust’s decision by saying that as public sensibilities change, so too must institutions. “One thing that possibly has changed is there may be things people find offensive, and we have to be sensitive about that.”

      A fierce countermovement to these institutional changes has already emerged. In the words of David Abulafia, 71, an acclaimed historian of the Mediterranean at Cambridge University and one of the principal architects of this countermovement, “We can never surrender to the woke witch hunt against our island story.”

      This was the actual title of an op-ed by Abulafia that the Daily Mail published in early September, which attacked “today’s woke zealots” who “exploit history as an instrument of propaganda—and as a means of bullying the rest of us.” The piece also announced the History Reclaimed initiative, of which Abulafia is a cofounder: a new online platform run by a board of frustrated British historians who seek to “provide context, explanation and balance in a debate in which condemnation is too often preferred to understanding.” As a historian myself, I should say that I greatly admire Abulafia’s work, particularly its wide-ranging synthesis and its literary quality, neither of which is easy to achieve and both of which have been models for me in my own work. Which is why I was surprised to find a piece by him in the Daily Mail, a right-wing tabloid not exactly known for academic rigor. When I spoke with Abulafia about it, he seemed a little embarrassed. “It’s basically an interview that they turn into text and then send back to you,” he told me. “Some of the sentences have been generated by the Daily Mail.”

      As in the United States, the UK’s Black Lives Matter protests led to the toppling of statues, including the one in downtown Bristol of Edward Colston, a 17th-century merchant whose wealth derived in part from his active involvement in the slave trade. Abulafia told me he prefers a “retain and explain” approach, which means keeping such statues in place but adding context to them when necessary. I asked him about the public presentation of statues and whether by their very prominence they command an implicit honor and respect. He seemed unconvinced. “You look at statues and you’re not particularly aware of what they show,” he said.

      “What do you do about Simon de Montfort?” Abulafia continued. “He is commemorated at Parliament, and he did manage to rein in the power of monarchy. But he was also responsible for some horrific pogroms against the Jews. Everyone has a different perspective on these people. It seems to me that what we have to say is that human beings are complex; we often have contradictory ideas, mishmash that goes in any number of different directions. Churchill defeated the Nazis, but lower down the page one might mention that he held views on race that are not our own. Maintaining that sense of proportion is important.”

      All of these are reasonable points, but what I still don’t understand is why history as it was understood by a previous generation must be the history understood by future generations. Statues are not history; they are interpretations of history created at a certain moment in time. Historians rebuke previous interpretations of the past on the page all the time; we rewrite accounts of well-known events according to our own contemporary perspectives and biases. What is so sacred about a statue?

      I asked Abulafia why all of this felt so personal to him, because it doesn’t feel that way to me. He replied, “I think there’s an element of this: There is a feeling that younger scholars might be disadvantaged if they don’t support particular views of the past. I can think of examples of younger scholars who’ve been very careful on this issue, who are not really taking sides on that issue.” But I am exactly such a younger scholar, and no one has ever forced me to uphold a certain opinion, either at Harvard or at Oxford. For Abulafia, however, this is a terrifying moment. “One of the things that really worries me about this whole business is the lack of opportunities for debate.”

      Whatever one thinks of “woke” purity tests, it cannot be argued in good faith that the loudest European voices on the anti-woke side of the argument are really interested in “debate.” In France especially, the anti-woke moment has become particularly toxic because its culture warriors—on both the right and the left—have succeeded in associating “le wokeisme” with defenses of Islamist terrorism. Without question, France has faced the brunt of terrorist violence in Europe in recent years: Since 2015, more than 260 people have been killed in a series of attacks, shaking the confidence of all of us who live here. The worst year was 2015, flanked as it was by the Charlie Hebdo and Bataclan concert hall attacks. But something changed after Paty’s brutal murder in 2020. After a long, miserable year of Covid lockdowns, the French elite—politicians and press alike—began looking for something to blame. And so “wokeness” was denounced as an apology for terrorist violence; in the view of the French establishment, to emphasize identity politics was to sow the social fractures that led to Paty’s beheading. “Wokeness” became complicit in the crime, while freedom of expression was reserved for supporters of the French establishment.

      The irony is fairly clear: Those who purported to detest American psychodramas about race and social justice had to rely on—and, in fact, to import—the tools of an American culture war to battle what they felt threatened by in their own country. In the case of Paty’s murder and its aftermath, there was another glaring irony, this time about the values so allegedly dear to the anti-woke contingent. The middle school teacher, who was targeted by a Chechen asylum seeker because he had shown cartoons of the prophet Muhammad as part of a civics lesson about free speech, was immediately lionized as an avatar for the freedom of expression, which the French government quite rightly championed as a value it would always protect. “I will always defend in my country the freedom to speak, to write, to think, to draw,” Macron told Al Jazeera shortly after Paty’s killing. This would have been reassuring had it not been completely disingenuous: Shortly thereafter, Macron presided over a crackdown on “islamo-gauchisme” in French universities, a term his ministers used with an entirely straight face. If there is a single paradox that describes French cultural life in 2021, it is this: “Islamophobia” is a word one is supposed to avoid, but “Islamo-leftism” is a phenomenon one is expected to condemn.

      Hundreds of academics—including at the Centre National de la Recherche Scientifique, France’s most prestigious research body—attacked the government’s crusade against an undefined set of ideas that were somehow complicit in the Islamist terror attacks that had rocked the country. Newspapers like Le Monde came out against the targeting of “islamo-gauchisme,” and there were weeks of tedious newspaper polemics about whether the term harks back to the “Judeo-Bolshevism” of the 1930s (of course it does) or whether it describes a real phenomenon. In any case, the Macron government backtracked in the face of prolonged ridicule. But the trauma of the terror attacks and the emotional hysteria they unleashed will linger: France has also reconfigured its commitment to laïcité, the secularism that the French treat as an unknowable philosophical ideal but that is actually just the freedom to believe or not to believe as each citizen sees fit. Laïcité has become a weapon in the culture war, instrumentalized in the fight against an enemy that the French government assures its critics is radical Islamism but increasingly looks like ordinary Islam.

      The issue of the veil is infamously one of the most polarizing and violent in French public debate. The dominant French view is a function of universalist ideology, which holds that the veil is a symbol of religious oppression; it cannot be worn by choice. A law passed in 2004 prohibits the veil from being worn in high schools, and a separate 2010 law bans the face-covering niqab from being worn anywhere in public, on the grounds that “in free and democratic societies…o exchange between people, no social life is possible, in public space, without reciprocity of look and visibility: people meet and establish relationships with their faces uncovered.” (Needless to say, this republican value was more than slightly complicated by the imposition of a mask mandate during the 2020 pandemic.)

      In any case, when Muslim women wear the veil in public, which is their legal right and in no way a violation of laïcité, they come under attack. In 2019, for instance, then–Health Minister Agnès Buzyn—who is now being investigated for mismanaging the early days of the pandemic—decried the marketing of a runner’s hijab by the French sportswear brand Decathlon, because of the “communitarian” threat it apparently posed to universalism. “I would have preferred a French brand not to promote the veil,” Buzyn said. Likewise, Jean-Michel Blanquer, France’s education minister, conceded that although it was technically legal for mothers to wear head scarves, he wanted to avoid allowing them to chaperone school trips “as much as possible.”

      Nicolas Cadène, the former head of France’s national Observatory of Secularism—a laïcité watchdog, in other words—was constantly criticized by members of the French government for being too “soft” on Muslim communal organizations, with whose leaders he regularly met. Earlier this year, the observatory that Cadène ran was overhauled and replaced with a new commission that took a harder line. He remarked to me, “You have political elites and intellectuals who belong to a closed society—it’s very homogeneous—and who are not well-informed about the reality of society. These are people who in their daily lives are not in contact with those who come from diverse backgrounds. There is a lack of diversity in that elite. France is not the white man—there is a false vision [among] our elites about what France is—but they are afraid of this diversity. They see it as a threat to their reality.”

      As in the United States, there is a certain pathos in the European war on woke, especially in the battalion of crusaders who belong to Cleese and Finkielkraut’s generation. For them, “wokeism” —a term that has no clear meaning and that each would probably define differently—is a personal affront. They see the debate as being somehow about them. The British politician Enoch Powell famously said that all political lives end in failure. A corollary might be that all cultural careers end in irrelevance, a reality that so many of these characters refuse to accept, but that eventually comes for us all—if we are lucky. For many on both sides of the Atlantic, being aggressively anti-woke is a last-ditch attempt at mattering, which is the genuinely pathetic part. But it is difficult to feel pity for those in that camp, because their reflex is, inescapably, an outgrowth of entitlement: To resent new voices taking over is to believe that you always deserve a microphone. The truth is that no one does.

      https://www.thenation.com/article/world/woke-europe-structural-racism

  • « Notre sexualité est façonnée par de puissantes normes de genre », Manon Garcia

    Avec « La Conversation des sexes. Philosophie du consentement », la philosophe montre, dans un entretien au « Monde », comment le patriarcat et les rapports de pouvoir qu’il installe dans la sphère privée amènent la femme à accepter des relations sexuelles, sources « de souffrances ou d’injustices ».

    Qu’est-ce, au fond, que le consentement ? Comment définir cette notion qui est au cœur des discours contemporains sur les violences sexuelles ? C’est la question que pose la philosophe Manon Garcia dans La Conversation des sexes (Flammarion, « Climats », 308 pages, 19 euros). Professeure à l’université Yale (Etats-Unis), l’autrice d’On ne naît pas soumise, on le devient (Flammarion, 2018, réédition Champs, 2021, 9 euros) explore, dans cet ouvrage, les multiples facettes du consentement − et insiste sur les ambiguïtés de ce concept.

    Depuis le mouvement #metoo, le consentement, dans le débat public, apparaît comme le concept-clé qui permet de définir la frontière entre le viol et la sexualité « légitime ». Cette idée, qui nous paraît aujourd’hui évidente, voire naturelle, est-elle nouvelle ?

    Contrairement à ce que l’on pense souvent, cette idée est récente. Pendant des siècles, le viol, comme l’a montré l’historien Georges Vigarello, a été considéré comme un tort fait non pas aux femmes, mais aux hommes − aux pères, aux maris, aux frères et aux fils de la victime. Ce qui était répréhensible, dans le viol, ce n’était pas la violence infligée à la femme, c’était l’atteinte portée à l’honneur de la famille et à la pureté de la lignée.

    C’est pour cette raison qu’on ne parvenait pas à envisager le viol d’une prostituée : le risque de bâtardise était absent, et la violence exercée envers une femme ne comptait pas. C’est aussi pour cette raison qu’on ne pénalisait pas, jusqu’en 1990, le viol entre époux : le mari pouvait imposer, y compris par la contrainte, des relations sexuelles à son épouse sans que personne s’en offusque.

    Le vocabulaire du consentement s’est progressivement imposé, à partir du XIXe siècle, dans un sens libéral. Il est devenu intrinsèquement lié à l’idée d’une certaine égalité entre les sexes : parce que les partenaires sont égaux, une relation sexuelle ne peut avoir lieu sans leur double accord. Le consentement est une manière de considérer que les femmes ont leur mot à dire au sujet de leur sexualité – et c’est relativement nouveau.

    Pour penser le consentement, on se réfère souvent à la tradition du libéralisme politique, notamment aux philosophes John Stuart Mill et Jeremy Bentham. Vous estimez que leur réflexion ne peut éclairer la question du consentement sexuel. Pourquoi ?

    La doctrine libérale fait une distinction très claire entre la sphère publique, qui est politique, et la sphère privée, qui relève de la nature. La réflexion de John Stuart Mill et de Jeremy Bentham concerne uniquement la première : ils considèrent que le consentement est une manifestation de la liberté individuelle des citoyens évoluant dans la sphère sociale, mais ils n’évoquent pas les rapports familiaux et conjugaux qui se tissent dans la sphère privée.
    Ce n’est pas une lecture fidèle à la philosophie libérale que de transposer le vocabulaire de l’autonomie de la volonté dans les relations intimes et sentimentales : dans la sphère privée, les individus ne sont pas des citoyens égaux et indépendants, mais des êtres dépendants, vulnérables, pris dans des rapports d’affection et de pouvoir. Les féministes ont montré qu’il y avait des rapports de pouvoir dans la sphère privée.

    Comment, dans cette sphère privée, définir le consentement sexuel ?

    Le problème, c’est la conception souvent binaire que l’on se fait de la sexualité : le viol serait nécessairement une agression violente commise par un inconnu, dans un parking, sous la menace d’une arme, alors que le sexe « normal » serait un acte réunissant deux personnes qui s’aiment et se respectent. La réalité est infiniment plus complexe : entre ces deux extrêmes, il existe un continuum de scénarios très banals où la frontière entre ce qui relève du viol et ce qui relève de la sexualité consentie est très difficile à tracer.

    Accepter un rapport sexuel parce que l’on veut être tranquille, parce que l’on croit devoir des relations sexuelles à son mari, parce qu’on ne veut pas passer pour une femme coincée ou parce que l’on a peur que l’autre se fâche, ce n’est pas un viol au sens légal, mais ce n’est pas non plus du sexe consenti. Ces situations, qui représentent une partie considérable des relations sexuelles, se situent dans une « zone grise » : elles ne relèvent pas de la justice mais elles peuvent causer des souffrances ou des injustices, ce qui pose un problème de philosophie morale. Qu’est-ce qui rend une situation acceptable, voire bonne ?

    En théorie, dans un couple où tout va bien, ce n’est pas moralement problématique d’accepter d’avoir un rapport sexuel pour faire plaisir à son partenaire. Mais il se trouve que statistiquement, ce sont surtout les femmes qui se forcent, et que cette acceptation se fait souvent à la suite de pressions et de chantages. Là, cela pose un problème moral.

    Il faut mener une analyse précise des situations complexes pour comprendre les raisons qu’ont les gens d’avoir des rapports sexuels, pour évaluer leur qualité morale et pour faire surgir les problèmes politiques qui s’y logent. S’interroger sur le consentement n’est pas simple : cela montre qu’il nous faut réfléchir à notre façon de pratiquer cette activité cruciale et particulièrement risquée de l’existence humaine qu’est la sexualité.

    Les cas que vous citez concernent le plus souvent des hommes entreprenants et des femmes qui finissent par céder. Le scénario se déroule-t-il toujours ainsi ?

    Très souvent en tout cas, car nous vivons dans une société patriarcale où la sexualité est considérée comme une chose, non pas que les hommes et les femmes font ensemble, mais que les hommes font aux femmes.

    La psychologue néo-zélandaise Nicola Gavey montre, dans ses travaux, que cette vision est façonnée par trois grands stéréotypes : les hommes veulent du sexe, mais pas d’amour ; les femmes veulent de l’amour, mais pas de sexe ; le sexe est nécessairement hétérosexuel et pénétratif. En réalité, il y a des hommes qui ont envie d’amour, des femmes qui aiment le sexe et des gens qui ont du plaisir hors de l’hétérosexualité et de la pénétration.

    Ce scénario patriarcal repose sur des normes sociales qui définissent de manière très différente la féminité et la masculinité. Les femmes sont généralement éduquées à être gentilles, avenantes et pudiques, à ne pas hausser le ton et à prendre soin des autres – bref, à dire oui. Les hommes sont éduqués, le plus souvent, à affirmer leur puissance et leur indépendance, à se montrer conquérants et à penser leur désir sexuel comme un besoin – bref, à s’imposer. Ces schémas ont notamment pour conséquence que les femmes sont socialisées à faire passer les désirs des hommes avant les leurs.

    Pour lutter contre cette « zone grise », qui ne relève pas toujours du viol, certaines militantes féministes demandent un renforcement de l’arsenal répressif. Est-ce, selon vous, une bonne voie ?

    En tout cas, ce n’est pas la seule. Les violences sexuelles sont tellement répandues qu’il faudrait peut-être mettre un sixième des hommes en prison, ce qui n’est ni possible ni souhaitable. Surtout, la prison ne prévient pas la récidive dans le domaine sexuel.
    La sexualité non consentie est un problème, non pas pénal, mais moral et politique : nous avons besoin d’un changement social de grande ampleur. J’ai grandi dans un monde où l’on trouvait drôle et sympa de mettre la main aux fesses des filles. Ce n’est pas en emprisonnant les gens qu’on mettra fin à ce type d’agressions.
    Est-ce un changement de normes sur le masculin et sur le féminin ?
    C’est un changement de normes sur le masculin et le féminin, mais aussi sur la sexualité. Il faut que les hommes cessent de penser qu’ils ont droit au corps des femmes. Je plaide, dans mon livre, en faveur d’une « conversation des sexes » qui s’inspirerait de la philosophie de Kant : elle consisterait à traiter les autres non pas seulement comme un moyen, mais comme une fin. Kant n’avait pas une vision très joyeuse de la sexualité mais prendre son principe au sérieux, cela consiste à dire que l’on peut certes utiliser l’autre comme un moyen de satisfaction sexuelle – à condition de le considérer aussi comme une fin, c’est-à-dire comme une personne.

    Dans la vie sociale, nous admettons sans difficultés que nous avons des devoirs moraux les uns envers les autres. La sexualité n’est pas une sphère à part : il faut, ici comme ailleurs, cultiver le respect et la dignité de l’autre. Ça ne veut évidemment pas dire qu’on ne peut pas avoir des « coups d’un soir » – juste qu’on est toujours tenu à une attitude morale qui consiste à avoir du respect pour son partenaire. Parce que notre libido est façonnée par de puissantes normes de genre, la sexualité sera sans doute le dernier bastion du patriarcat, mais elle peut aussi, si on y travaille vraiment, devenir une pratique émancipatrice.

    Une « conversation des sexes » pour une révolution sexuelle

    Quatre ans après l’émergence du mouvement #metoo, la philosophe Manon Garcia, qui enseigne à l’université Yale (Etats-Unis), analyse avec beaucoup de subtilité et de rigueur, dans La Conversation des sexes, un concept qui semble aujourd’hui le « parfait critère de démarcation entre le bien et le mal, entre le “bon sexe” et le viol » : le #consentement. Parce que cette notion est censée garantir des relations sexuelles libres et égalitaires, elle constitue, aux yeux de nombre de juristes, de philosophes et de féministes, le véritable « sésame » de l’ère post-#metoo.

    Si le consentement est un concept indispensable pour penser les violences sexuelles, Manon Garcia en dénonce implacablement les travers et les ambiguïtés. Dans une société façonnée depuis des siècles par le patriarcat, les femmes qui consentent sont aussi des femmes qui acquiescent, cèdent ou se résignent. « Le discours du consentement est à la fois une libération pour les femmes − historiquement, elles n’ont pas toujours été considérées comme des personnes autonomes − et un risque, tant ce vocabulaire peut être utilisé d’une manière qui dissimule les injustices de genre. »

    Ces injustices, Manon Garcia les avait explorées, en 2018, dans un livre consacré à la postérité des écrits de Simone de Beauvoir (On ne naît pas soumise, on le devient, Flammarion, réédition poche). Trois ans plus tard, ce nouvel ouvrage démontre avec brio qu’en matière de sexualité, les stéréotypes de genre constituent un piège : dans un monde qui célèbre volontiers la complémentarité entre la masculinité volontaire et conquérante de « l’homme chasseur » et la féminité passive et silencieuse de la « femme proie », le consentement au sens que lui donne la philosophie libérale − un choix libre et éclairé − ne va pas de soi.

    Pour promouvoir un consentement qui garantisse l’autonomie et l’épanouissement de tous, la philosophe féministe plaide avec conviction non pour un renforcement de la répression pénale, mais pour une « conversation des sexes » fondée sur le respect, la dignité et le dialogue. L’« érotisation de l’égalité », selon le mot de la féministe américaine Goria Steinem, porte, selon Manon Garcia, les promesses d’une révolution sexuelle qui serait une libération pour les femmes − mais aussi pour les hommes.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/12/manon-garcia-notre-sexualite-est-faconnee-par-de-puissantes-normes-de-genre_

    #sexualité #égalité #féminisme

  • #Harcèlement et #maltraitance institutionnelle à l’#université

    Le harcèlement est devenu un véritable #fléau dans les universités. Il touche tous les personnels. Les #femmes en sont les premières victimes. En cause un #management de plus en plus délétère, des conditions de travail qui brisent les #solidarités, des mesures de prévention très insuffisantes et des plans d’action pour l’#égalité professionnelle qui restent anémiques.

    L’université va mal. Alors que Frédérique Vidal, dans une conférence de presse de rentrée totalement hors sol, célébrait récemment son bilan sur un air de « Tout va très bien Madame la Marquise », des enquêtes et analyses montrent que cette rentrée universitaire est la plus calamiteuse qui soit : la #précarité_étudiante reste dramatique en l’absence de toute réforme des bourses - promise et oubliée -, les #burnout explosent chez les personnels, eux aussi de plus en plus précaires, et les jeunes docteurs sont nombreux à considérer que « la #France est un pays sans avenir pour les jeunes chercheurs ». Significativement une enquête en 2020 auprès d’un millier de personnels de l’Université de Strasbourg nous apprenait que 46 % des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs considéraient que les conditions d’exercice de leurs missions étaient mauvaises alors que 49% d’entre eux étaient pessimistes quant à leur avenir professionnel.

    En 2021, avec 30 000 étudiants supplémentaires sans les moyens nécessaires pour les accompagner, les universitaires en sont réduits à gérer la #pénurie et à constater une dégradation inexorable des conditions d’étude et de travail. La crise sanitaire a certes fonctionné comme un démonstrateur et un accélérateur de cette dégradation, mais elle ne saurait masquer la #violence_institutionnelle et la responsabilité historique de l’État lui-même. Depuis 20 ans au moins, les politiques publiques ont méthodiquement saigné, privatisé et précarisé les #services_publics de la santé et du savoir, l’hôpital et la #recherche. L’ironie est cruelle : beaucoup de celles et ceux qui prennent soin de nos corps et de celles et ceux qui fécondent notre esprit sont aujourd’hui en grande souffrance physique et psychique. Si un tel contexte affecte au sein de l’université et de la recherche les personnels de tous statuts, il n’en reste pas moins que les inégalités sont exacerbées et que les salariés les plus touchés sont les précaires et les femmes.

    Les 18 observations qui suivent sont issues d’une expérience de dix années d’accompagnement d’enseignantes et d’enseignants qui sont en difficulté ou en souffrance. De plus en plus souvent en grande souffrance. Elles ne portent que sur des situations de personnels enseignants - mais certaines d’entre elles pourraient aussi être pertinentes pour des personnels Biatss - et ne traitent pas du harcèlement au sein de la communauté étudiante ou entre personnels et étudiants, un sujet tout aussi grave. Cet accompagnement de personnels enseignants est réalisé à titre syndical, mais aussi comme membre d’un CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). J’estime aujourd’hui que la souffrance des personnels a atteint et dépassé les limites de ce qui est humainement et éthiquement admissible. Afin de comprendre la nature de ces limites, je formule une série de réflexions, à partir de notes prises au fil des années. Il me semble qu’elles portent un sens, même si elles ne peuvent être généralisées et n’ont pas une valeur de vérité absolue. Il s’agit ici d’un témoignage reposant sur une expérience, possiblement partageable, certainement partagée par d’autres collègues, une expérience également informée par des échanges avec des représentants de personnels de diverses universités. Ces observations sont suivies d’une brève réflexion sur les plans d’action pour l’égalité femmes-hommes dans les universités, plans dont l’institution se sert trop souvent pour créer un effet de masque sur des pratiques intolérables.

    1. S’il arrive que des hommes soient victimes de situation de présomption de harcèlement ou de pression au travail, je constate que sur 10 dossiers ce sont en moyenne 8 femmes qui sollicitent un accompagnement. Cette moyenne est relativement constante d’une année à l’autre.

    2. Les situations de présomption de harcèlement moral dont les femmes sont victimes comportent souvent une dimension sexiste, si bien que les frontières entre harcèlement moral et harcèlement sexuel sont poreuses.

    3. La difficulté la plus grande pour prouver une situation de harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, consiste dans le recueil de témoignages qui ne soient pas anonymes.

    4. Quand les personnels sollicitent un accompagnement syndical, ils sont en souffrance depuis de nombreux mois, souvent plus d’un an, parfois plusieurs années. On peut en déduire que les procédures de prévention, d’alerte et de signalement ne fonctionnent pas bien.

    5. Les situations de présomption de harcèlement ou de pression au travail procèdent le plus souvent par « autorité hiérarchique », l’auteur appartenant à une direction de composante, d’institut ou de laboratoire. Ces membres de la direction de structures peuvent, en certains cas, être eux-mêmes victimes de pression au travail, voire de harcèlement. Ils subissent en particulier une pression forte des directions des universités et ont la responsabilité de gérer la pénurie.

    6. On observe depuis la loi LRU et la généralisation des appels à projet et de la concurrence entre les universités, laboratoires et collègues, un exercice de plus en plus bureaucratique, solitaire et autoritaire de la gestion des différentes structures d’enseignement et de recherche : alors que les enseignants-chercheurs et chercheurs en responsabilité sont des pairs élus - et non des supérieurs hiérarchiques directs de leurs collègues -, ils se comportent de plus en plus comme des chefs d’entreprise.

    7. Il est rare qu’une situation de harcèlement implique seulement deux personnes : l’auteur du harcèlement et sa victime. Le harcèlement se développe dans un collectif de travail qui présente des problèmes organisationnels et prospère avec la complicité active des uns et le silence des autres.

    8. Le nombre et la gravité des situations de pression au travail et/ou de harcèlement sont proportionnels au degré de sous-encadrement, de sous-formation des encadrants et de restriction budgétaire que subit une composante.

    9. Les moyens les plus fréquemment utilisés dans le cadre d’un harcèlement d’un.e enseignant.e par voie hiérarchique sont les suivants : le dénigrement et la dévalorisation, parfois en direction des collègues, voire des étudiants, l’imposition d’un service non souhaité, l’imposition de tâches administratives, l’évaluation-sanction, la menace de modulation du service à la hausse pour cause de recherche insuffisante, le refus d’accès à des responsabilités ou à des cours souhaités, le refus de subventions ou de soutien financiers pour la recherche, les menaces de sanctions disciplinaires.

    10. Le harcèlement administratif peut prendre trois formes. Soit un retard ou une incapacité durable de l’administration à résoudre une situation en raison d’un sous-encadrement des services - c’est très fréquent. Soit des erreurs ou des fautes de l’administration qu’elle ne reconnaît pas - c’est régulier. Soit un refus politique de reconnaitre les torts de la hiérarchie, et par conséquent de l’établissement lui-même – c’est systématique.

    11. Le harcèlement d’un personnel peut être organisé avec comme objectif de le faire quitter la faculté ou le laboratoire à des fins de réorganisation des formations ou de la recherche, ou encore pour des raisons de postes.

    12. La saisine des sections disciplinaires pour des fautes ou des comportements déviants qui pouvaient être traités dans le cadre d’une médiation, est de plus en plus fréquente, ce qui témoigne d’une dérive autoritaire des présidents d’université qui n’hésitent plus à utiliser et à abuser des pouvoirs que leur attribue la LRU.

    13. Le traitement des situations de harcèlement conduit le plus souvent les DRH à déplacer la victime dans une autre composante alors que le personnel harcelant est confirmé dans son poste et ses responsabilités. La victime subit alors une triple peine : le changement professionnel qui implique soit un surtravail, soit un désoeuvrement dans le cas d’une placardisation ; l’absence de reconnaissance du préjudice et l’absence de réparation ; l’injustice, la révolte et la souffrance provoquées par le maintien du personnel harceleur dans ses responsabilités.

    14. Les personnels de santé – médecins de prévention, psychologues du travail – avouent leurs difficultés ou même leur impuissance à aider efficacement les victimes. Ils finissent par conseiller à la victime de s’en aller, de démissionner, de changer de poste. Il arrive aussi que des militants syndicaux formulent le même conseil afin de protéger la victime.

    15. L’administration passe plus de temps et d’énergie à construire son irresponsabilité qu’à traiter les situations de souffrance au travail. Elle estime tour à tour que ce sont les directeurs de composantes qui n’aident pas la DRH, que les médecins sont impuissants ou que le CHSCT est responsable de l’enquête en cours et de ses résultats. Tout est fait pour dédouaner les équipes politiques et les directions administratives en place. Chacun pense à se protéger juridiquement avant de protéger la victime.

    16. Au premier rang du travail de déresponsabilisation de l’institution par elle-même, il y a l’imputation presque systématique de la responsabilité de la vie privée du personnel dans la cause de sa souffrance, et en particulier dans les facteurs qui ont déclenché une tentative de suicide ou un suicide.

    17. Les cabinets d’expertise en risques psychosociaux, les formations au management et le développement des pratiques de coaching traitent rarement les causes du harcèlement et de la souffrance au travail : ils ont pour fonction principale de remettre les personnels au travail.

    18. Les « Assises des ressources humaines » et autres procédures participatives qui se mettent en place dans les universités, de même que les proclamations de « bienveillance » qui accompagnement les discours des directions et présidences, constituent les derniers avatars du management néolibéral, principalement destinés à auréoler les DRH des universités d’une vertu éthique et démocratique.

    C’est aussi cette dernière question qui traverse le communiqué de presse du SNESUP-FSU de l’université de Strasbourg sur la politique sociale et la stratégie de cet établissement. A quoi donc peuvent servir des « Assises des Ressources humaines » si le président qui les propose distribue de manière discrétionnaire des primes d’intéressement à 9 professeurs des universités dont 8 hommes et une femme ? Parallèlement, je poserais aussi la question suivante : à quoi donc peuvent servir tous les plans de parité et d’égalité professionnelle qui sont adoptés en ce moment dans les universités si les établissements d’enseignement supérieur sont incapables d’éradiquer en leur sein les multiples pratiques de pression au travail, de dénigrement, de discrimination ou de harcèlement ?

    Ces Plans d’action pour l’égalité professionnelle femmes-hommes dans l’Enseignement supérieur et la recherche existent depuis 2013, ont été relancés en 2018 et inscrits en 2019 dans la loi de Transformation de la fonction publique. Les universités ont donc l’obligation de les adopter. Ces plans d’action, tels qu’ils sont actuellement conçus et mis en œuvre par les institutions, ne doivent pas nous leurrer : même si certains dispositifs sont propres à faire avancer les causes de l’égalité et de la parité – la lutte contre les inégalités salariales en particulier -, ils constituent d’abord les produits d’une communication et d’une politique néolibérale qui ont pour fonction de donner une apparence féministe et humaniste à un management qui reste fondamentalement masculin et autoritaire. Soyons aussi attentif à ceci : il se pourrait que se mette en place un management « diversitaire ». Vous serez managés et « ménagés », certes en fonction des multiples évaluations que vous subissez, mais aussi en fonction de votre genre, de votre statut, de vos orientations et bien sûr de vos conceptions et pratiques des libertés académiques.

    Pour finir, j’insiste sur ceci : le silence doit cesser. Des drames humains se déroulent à bas bruit au sein des universités. Ce silence n’est plus supportable. L’état de mal-être et de souffrance des personnels est tel qu’il est grand temps de tirer le signal d’alarme. Les administrations, en protégeant les harceleurs, font plus que mépriser les victimes : elles légitiment et favorisent toutes les formes de violence au travail, de discrimination et de sexisme. Mais les administrations ne sont pas séparables des agents qui les composent, des enseignants qui sont parfois devenus, malgré eux ou volontairement, des administrateurs à mi-temps et à temps plein. Il n’y aura pas d’amélioration des relations de travail au sein des facultés et laboratoires sans une réflexion collective qui conduise à des amendements dans les comportements individuels, à une promotion et une défense active de la collégialité qui ne peut exister sans le respect de l’intégrité de chaque personne. C’est à ces conditions que l’on pourra faire de la recherche et de l’enseignement l’invention d’un sujet collectif qui ne peut exister sans ce qui est au fondement de l’éthique : être un sujet pour un autre sujet.

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/111021/harcelement-et-maltraitance-institutionnelle-l-universite

    #facs #précarisation #privatisation #souffrance #harcèlement_moral #sexisme #harcèlement_sexuel #autorité_hiérarchique #loi_LRU #concurrence #appels_à_projets #silence #sous-encadrement #sous-formation #restrictions_budgétaires #dénigrement #dévalorisation #évaluation-sanction #menace #sections_disciplinaires #médiation #dérive_autoritaire #placardisation #réparation #injustice #silence #irresponsabilité #déresponsabilisation #bienveillance #coaching #management_néolibéral #mal-être

    ping @_kg_

    –-

    ajouté à la métaliste sur le #harcèlement_sexuel à l’université :
    https://seenthis.net/messages/863594
    et plus précisément ici :
    https://seenthis.net/messages/863594#message863596

  • Fuite de Twitch : seulement 3 femmes sur les 100 streameurs les mieux payés au monde
    https://www.numerama.com/pop-culture/745544-fuite-de-twitch-seulement-3-femmes-sur-les-100-streameurs-les-mieux

    La plateforme de streaming est victime d’une énorme fuite ce mercredi 6 octobre. Hormis le code source de Twitch, d’autres informations ont leaké, comme le chiffre d’affaires qu’ont touché les gros streameurs sur 3 ans. Et cette liste permet de relever un point important sur l’égalité femmes-hommes : il n’y a quasiment pas de femmes dans le classement.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #twitch #tv #fuite #sécurité #égalité_des_sexes #sexisme #palmarès #twitch_partners #discrimination #misogynie #invisibilisation

  • Les maths, c’est pas pour les filles ! Vraiment ? | Fête de la science
    https://www.fetedelascience.fr/les-maths-c-est-pas-pour-les-filles-vraiment

    Les mathématiques, une discipline scientifique redoutée par certains, adorée par d’autres, pleines de règles, de lois, de concepts qui nécessite rigueur et logique… des compétences souvent pensées comme masculines, vraiment ?

    #Sciences #Maths #Filles #Egalité

  • Défense et illustration des libertés académiques : un eBook gratuit

    Mediapart propose sous la forme d’un livre numérique téléchargeable gratuitement les actes du colloque de défense des libertés académiques organisé par #Éric_Fassin et #Caroline_Ibos. Témoignant d’une alliance entre #journalistes et #intellectuels face à l’#offensive_réactionnaire contre le droit de savoir et la liberté de chercher, il sera présenté lors du débat d’ouverture de notre Festival, samedi 25 septembre.

    Dans un passage trop ignoré de ses deux conférences de 1919 réunies sous le titre Le Savant et le Politique, Max Weber plaide pour une sociologie compréhensive du #journalisme. Lui faisant écho à un siècle de distance, ce livre numérique à l’enseigne de La savante et le politique témoigne d’une alliance renouvelée entre intellectuels et journalistes, dans une #mobilisation commune en défense du #droit_de_savoir et de la #liberté_de_dire, de la #liberté_de_chercher et du #droit_de_déranger.

    Constatant que le journaliste, échappant « à toute classification sociale précise », « appartient à une sorte de #caste de #parias que la “société” juge toujours socialement d’après le comportement de ses représentants les plus indignes du point de vue de la #moralité », Max Weber en déduisait, pour le déplorer, que « l’on colporte couramment les idées les plus saugrenues sur les journalistes et leur métier ». Dans une réminiscence de son projet inabouti de vaste enquête sur la #presse, présenté aux « Journées de la sociologie allemande » en 1910, il poursuit : « La plupart des gens ignorent qu’une “œuvre” journalistique réellement bonne exige au moins autant d’“intelligence” que n’importe quelle autre œuvre d’intellectuels, et trop souvent l’on oublie qu’il s’agit d’une œuvre à produire sur-le-champ, sur commande, à laquelle il faut donner une efficacité immédiate dans des conditions de création qui sont totalement différentes de celles des autres intellectuels ».

    Ce plaidoyer en défense de l’artisanat du métier n’empêchait pas la lucidité sur les corruptions de la profession, avec un constat sans âge qui peut aisément être réitéré et actualisé : « Le #discrédit dans lequel est tombé le journalisme, ajoutait en effet Weber, s’explique par le fait que nous gardons en mémoire les exploits de certains journalistes dénués de tout sens de leurs #responsabilités et qui ont souvent exercé une influence déplorable. » De tout temps, le journalisme est un champ de bataille où s’affrontent l’idéal et sa négation, où la vitalité d’une discipline au service du public et de l’#intérêt_général se heurte à la désolation de sa confiscation au service d’intérêts privés ou partisans, idéologues ou étatiques. Tout comme, dressée contre les conservatismes qui voudraient l’immobiliser et la figer dans l’inéluctabilité de l’ordre établi, la République elle-même ne trouve son accomplissement véritable que dans le mouvement infini de l’émancipation, dans une exigence démocratique et sociale sans frontières dont l’égalité naturelle est le moteur.

    C’est ce combat qui réunit ici des journalistes et des intellectuels, le journal en ligne que font les premiers et le colloque qu’ont organisé les seconds. Si Mediapart publie en eBook, après l’avoir diffusé dans son Club participatif, les actes du colloque La savante et le politique organisé les 7-10 juin 2021 par Éric Fassin et Caroline Ibos, c’est tout simplement parce qu’à travers des métiers différents, avec leurs légitimités propres, leurs procédures universitaires pour les uns et leurs écosystèmes économiques pour les autres, intellectuels et journalistes sont aujourd’hui confrontés à la même menace : la fin de la #vérité. De la vérité comme exigence, recherche et audace, production et #vérification, #confrontation et #discussion. L’#assaut lancé contre les libertés académiques, sous prétexte de faire la chasse aux « pensées décoloniales » et aux « dérives islamo-gauchistes », va de pair avec l’offensive systématique menée contre l’#information indépendante pour la marginaliser et la décrédibiliser, la domestiquer ou l’étouffer.

    Les adversaires que nous partageons, qui voudraient nous bâillonner ou nous exclure en nous attribuant un « #séparatisme » antinational ou antirépublicain, sont en réalité les vrais séparatistes. Faisant sécession des causes communes de l’#égalité, où s’épanouit l’absence de distinction de naissance, d’origine, de condition, de croyance, d’apparence, de sexe, de genre, ils entendent naturaliser les #hiérarchies qui légitiment l’#inégalité de #classe, de #race ou de #sexe, ouvrant ainsi grand la porte aux idéologies xénophobes, racistes, antisémites, ségrégationnistes, suprémacistes, sexistes, homophobes, négrophobes, islamophobes, etc., qui désormais ont droit de cité dans le #débat_public. S’ils n’en ont pas encore toutes et tous conscience, nul doute que la nécrose des représentations médiatique et politique françaises à l’orée de l’élection présidentielle de 2022 leur montre déjà combien ils ont ainsi donné crédit aux monstres de la #haine et de la #peur, de la guerre de tous contre tous.

    Pour entraver ce désastre, nous n’avons pas d’autre arme que notre liberté, et la #responsabilité qui nous incombe de la défendre. Liberté de penser, d’informer, de chercher, de dire, de révéler, d’aller contre ou ailleurs, d’emprunter des chemins de traverse, de réfléchir en marge ou en dehors, de créer sans dogme, d’imaginer sans orthodoxie. Si la chasse aux dissidences et aux mal-pensances est le propre des pouvoirs autoritaires, elle est aussi l’aveu de leur faiblesse intrinsèque et de leur fin inévitable, quels que soient les ravages momentanés et désastres immédiats de leurs répressions.

    La richesse, la vitalité et la force des contributions de ce livre numérique ne témoignent pas seulement d’une résistance au présent. Elles proclament ce futur de l’#émancipation qui germe sur les ruines d’un ordre agonisant.

    Pour télécharger l’eBook :
    https://static.mediapart.fr/files/defense_et_illustration_des_libertes_academiques.epub

    https://blogs.mediapart.fr/edwy-plenel/blog/230921/defense-et-illustration-des-libertes-academiques-un-ebook-gratuit

    #livre #Caroline_Ibos #livre #liberté_académique #libertés_académiques #recherche #université #ESR #islamo-gauchisme

  • LUXEMBOURG-VILLE - Deux vols violents ont eu lieu dans le parc Kinnekswiss, jeudi soir, avec notamment des jeunes filles comme agresseurs.
    http://www.lessentiel.lu/fr/luxembourg/story/des-vols-avec-violence-commis-a-la-kinnekswiss-31204384

    Le parc Kinnekswiss a connu une soirée agitée jeudi, avec deux vols particulièrement violents commis notamment par des jeunes filles, selon les informations transmises ce vendredi par la police grand-ducale. Vers 21h, deux jeunes filles et un jeune homme ont extorqué de l’argent liquide à une jeune femme. Une des assaillantes n’a pas hésité à frapper la jeune femme pour qu’elle obtempère. Les trois jeunes malfrats ont ensuite pris la fuite. La victime a été légèrement blessée.

    Un peu plus tard, vers 21h30, un groupe de trois jeunes filles a tenté d’arracher leur sac à deux jeunes femmes. L’une d’entre elles a réussi à se dégager mais l’autre a été poussée au sol. Elle a alors appelé à l’aide, ce qui a fait fuir les trois agresseurs, qui sont repartis les mains vides. Une des deux jeunes femmes a subi plusieurs blessures mineures.

    Dans les deux cas, les agresseurs n’ont pas pu être retrouvés pour l’instant. Une plainte a été déposée dans chaque cas et des enquêtes ouvertes.

    #égalité #homme #femme #agression #vol #luxembourg

  • « Faire venir les terroristes permet de les surveiller »
    http://www.lessentiel.lu/fr/news/france/story/faire-venir-les-terroristes-permet-de-les-surveiller-31126939

    Une responsable écologiste en France s’est attiré nombre de remarques suite à ses déclarations. Selon elle, accueillir de potentiels terroristes n’a pas que des désavantages.

    Candidate à la primaire du parti écologiste en France, Sandrine Rousseau a suscité les moqueries après sa prise de position sur la crise afghane. Interrogée sur « BFMTV » sur la potentielle infiltration de terroristes sur le territoire français parmi des réfugiés afghans, elle a reconnu que le risque était « évident » avant de se laisser aller à une justification inattendue.

    « S’il y a vraiment des terroristes, le fait qu’il restent en Afghanistan ne les rend pas moins dangereux. Les avoir en France nous permettrait de les surveiller ». L’universitaire faisait référence à l’identification récente de cinq Afghans rapatriés chez nos voisins français et soupçonnés d’être en lien avec les talibans.

    Les propos de Sandrine Rousseau lui ont en tout cas valu une salve de critiques sur les réseaux sociaux : « Je veux bien arrêter de ricaner des perles de Sandrine Rousseau, mais faudrait qu’elle y mette un peu du sien », a notamment commenté l’éditorialiste Claude Weill. . . . .

    #Sandrine_Rousseau #EELV #bêtise

  • Inégalités sexuelles : cette année, les femmes commencent à se masturber le 14 août
    https://www.letemps.ch/societe/inegalites-sexuelles-cette-annee-femmes-commencent-se-masturber-14-aout

    Une enquête dans 17 pays montre que les hommes se masturbent trois fois plus que les femmes. Pourquoi cet écart et comment le résoudre ? Réponses de deux spécialistes romandes

    D’accord, le sondage a été commandé par Womanizer https://www.womanizer.com/fr , une marque de sex-toys qui fonctionnent à air pulsé, sans contact. Mais au-delà de l’intérêt commercial, le constat demeure. Dans 17 pays interrogés en juillet dernier – de l’Australie aux Etats Unis, en passant par la Suisse, Hongkong, la Russie ou la Corée du Sud –, l’écart masturbatoire entre les sexes est de 62%. Ce qui permet aux commanditaires de déclarer le 14 août Journée mondiale de la masturbation égalitaire, puisque, à partir de cette date, les femmes commencent seulement à se donner du plaisir, tandis que les hommes se régalent depuis janvier.

    Il y a toutefois un progrès, note la marque. L’an dernier, l’écart était de 68% https://blog.womanizer.com/equal-masturbation-day et cette journée a eu lieu le 5 septembre… Honte, méconnaissance, manque de disponibilité, une sexothérapeute et une sexologue expliquent les raisons de cette discrimination et comment la dépasser.

    Chouchou des magazines féminins
    Un tabou ? Pourtant, si l’on tape « masturbation féminine » dans un moteur de recherche, les sites se bousculent pour expliquer ses bienfaits et comment exceller en la matière https://www.femmeactuelle.fr/amour/sexo/masturbation-femme-techniques-27287 . La masturbation détend grâce aux endorphines, atténue les douleurs et permet une meilleure concentration, recensent les observateurs. De plus, elle développe la connaissance de soi, permet de guider les partenaires et augmente la fréquence des orgasmes, précise Santé Magazine https://www.santemagazine.fr/psycho-sexo/le-blog-sexo-de-daisy-et-marine/8-conseils-de-femmes-pour-se-masturber-170626 qui conseille de faire durer la phase du « j’y suis presque » pour rendre l’apothéose plus intense. « Tétaniser volontairement ses jambes, sa ceinture abdominale, ses bras ou ses pieds » mène aussi à l’extase.

    Encore un conseil pour faire la différence ? Se chauffer. Musique, bain, bougies. Et ce préliminaire qui vient de l’Inde. « Réveillez Muladhara chakra en appuyant avec vos deux mains en triangle, six centimètres en dessous du nombril pendant environ trois minutes. Cette zone dégagera les énergies du plancher pelvien. »

    La Suisse parmi les derniers
    La lecture de ce qui précède vous embrase ?
    Calmez votre joie. En Suisse, lorsque les hommes se masturbent 174 fois par an, les femmes ne s’offrent ce plaisir que 49 fois. Le fossé masturbatoire est donc de 72%, ce qui fixe notre journée égalitaire au 20 septembre et nous place proche du Japon, beau dernier, avec son M-Day le 8 octobre – les USA sont les plus progressistes avec une Journée fixée au 28 juin. Pour enfoncer le pieu – si l’on ose dire –, 15% des Suisses voient dans la masturbation féminine « quelque chose de dégoûtant et d’indécent ». Par contre, 33,9% d’entre eux estiment qu’il est plus acceptable pour les femmes d’utiliser des sex-toys, contre 6,3% pour les hommes.

    « Je ne suis pas étonnée par ce dernier chiffre, commente Zoé Blanc-Scuderi, sexologue à Lausanne. Les hommes se méfient souvent des sex-toys qu’ils considèrent comme des concurrents. C’est un contresens, puisqu’il faut le dire et le répéter : la très grande majorité des femmes ont besoin d’une stimulation clitoridienne pour avoir un orgasme et, dès lors, si elles se caressent ou se stimulent avec des sex-toys pendant que les hommes les pénètrent, leurs partenaires ne doivent pas voir dans ce geste une incompétence de leur part. »
    Tout plaisir féminin est clitoridien

    La trentenaire, fondatrice de Sexopraxis https://www.sexopraxis.ch , précise encore le tir : « Dès lors et contrairement à l’idée reçue, les caresses manuelles et le cunnilingus ne sont pas des préliminaires. Pour les femmes, ces pratiques sont centrales. »

    Béatrice Devaux Still https://ds-seminaires.com i, sexothérapeute à la soixantaine épanouie, va encore plus loin. « Tout plaisir féminin est clitoridien. Même durant la pénétration, ce sont les bulbes du clitoris qui sont stimulés. D’ailleurs, la femme est faite pour l’extase puisque, avec le clitoris, elle est la seule à avoir un organe dont l’unique fonction est de procurer du plaisir ! »

    Au départ, l’Eglise était pour
    Mais alors, si la jouissance est inscrite dans le corps des femmes, pourquoi sont-elles si timides lorsqu’il s’agit de se l’auto-administrer ? « Parce que l’orgasme féminin, dont la puissance a été évaluée comme étant sept fois supérieure à l’orgasme masculin, fait peur et a été condamné par l’Eglise et le patriarcat, tous deux effrayés par cette prise de liberté », répond Béatrice Devaux Stilli.

    Une peur relativement récente, continue la spécialiste. Dans les premiers temps de la religion, le plaisir féminin était favorisé, car on estimait que si la femme jouissait, ses enfants seraient en bonne santé. L’Eglise a aussi postulé que le plaisir partagé était un ciment du couple, comment en témoigne le Cantique des Cantiques. Malheureusement, avec la Réforme et le regard plus culpabilisant sur le sexe, les femmes ont été sommées de préférer le devoir au désir et, désormais, « se toucher » est devenu sale.

    Le rôle des parents…
    « Aujourd’hui, les parents ont un rôle à jouer pour inverser la tendance, invite Zoé Blanc-Scuderi. Lorsque les enfants commencent à se masturber, les parents peuvent les encourager tout en leur faisant juste comprendre qu’il y a des moments et des lieux pour cette activité. » Malheureusement, surtout chez les petites filles, les parents condamnent souvent cette exploration, regrettent les deux spécialistes.

    Mais plus qu’à la honte, la jeune sexologue attribue au manque de connaissance la faible activité masturbatoire des femmes : « Déjà, on ne nomme pas la vulve de son vrai nom, mais on lui donne des appellations enfantines ou vulgaires. Une vulve est une vulve, comme un pénis est un pénis. Ensuite, beaucoup de femmes n’ont jamais observé leur sexe, alors que les hommes le connaissent bien puisqu’ils sont habitués à le manipuler quand ils s’habillent, urinent, se grattent, etc. Dans mon atelier Check ta chatte https://www.sexopraxis.ch/check-ta-chatte , de nombreuses femmes découvrent leur anatomie pour la première fois ! »
    … et celui de l’école

    L’école n’est pas étrangère au phénomène, ajoute Béatrice Devaux Stilli. « Durant les cours d’éducation sexuelle, les MST ou les grossesses indésirées sont évoquées, mais jamais la masturbation. » « A leur décharge, les spécialistes n’ont que deux séances d’une heure et demie par cursus scolaire pour tout expliquer, nuance Zoé Blanc-Scuderi. Mais c’est vrai que la masturbation n’est pas un sujet à l’école. »

    Condamnation morale et manque de connaissance expliquent donc le fossé masturbatoire entre les sexes. Et ce n’est pas tout. « Les hommes et les femmes n’ont pas le même imaginaire, note l’aînée des spécialistes. Les femmes voient l’amour comme une communion entre deux êtres. Se masturber, ça va un moment, ensuite elles se lassent. Tandis que pour les hommes, le plaisir, c’est avant tout le corps, et comme ils sont visuels plus que fantasmatiques, le porno les allume plus facilement avec, parfois, des dérives en la matière. »

    Addiction et sphincters
    Il y a donc une juste masturbation ? « Oui, mais le critère n’est pas la fréquence, c’est la souffrance, répond Zoé Blanc-Scuderi. Si des personnes se sentent bien en se masturbant deux ou trois fois par jour, aucun problème pour moi. C’est quand elles se sentent débordées que le problème commence à se poser. »

    Un dernier conseil pour que les femmes prennent du plaisir, à plusieurs ou en solitaire ? « Travailler les sphincters, répond Béatrice Devaux Stilli. Dans l’inspire, bloquer les sphincters et tenir dix secondes. On sent tout de suite l’énergie monter. Si les femmes font cet exercice 30 fois par jour, leur plaisir pourrait bien exploser ! »

    Les Etats-Unis, grands champions
    Avec une Journée mondiale de la masturbation égalitaire agendée au 28 juin, les Etats-Unis sont le pays le plus progressiste en matière de masturbation féminine. Il est suivi de la Nouvelle-Zélande (2 juillet), la Corée du Sud (9 juillet), Hongkong et la Russie (23 juillet), l’Italie (3 août), le Canada (7 août), l’Allemagne et l’Espagne (14 août), la France (18 août), l’Australie et l’Autriche (22 août), le Royaume-Uni (29 août), Taïwan (5 septembre), la Suisse (20 septembre), Singapour (27 septembre) et le Japon (8 octobre).

    #Sexualité #Femmes #USA #masturbation #égalité #famille #morale #sexe #plaisir #sphincters #école #éducation #plaisir #égalité

  • #Suisse : Les officiers favorables au service militaire obligatoire pour les femmes ats/jfe

    La Société Suisse des Officiers (SSO) réclame l’extension de la conscription militaire obligatoire aux femmes. « Il est temps que les deux sexes aient les mêmes droits et devoirs dans l’armée », déclare dans la NZZ am Sonntag son président, Stefan Holenstein.

    « Nous sommes convaincus que l’armée ne peut plus se passer de plus de 50% du potentiel de la société ». La proportion de femmes dans l’armée est de 0,9% actuellement. Pour la SSO, cette mesure doit permettre de renflouer les rangs de l’armée.

    Quatre variantes à l’étude

    Le Département fédéral de la défense examine actuellement quatre variantes du service militaire obligatoire. Trois d’entre elles prévoient l’obligation de servir pour les femmes.

    Selon le journal, l’association genevoise « Service Citoyen » prévoit de lancer le 1er août une initiative qui vise à obliger tous les Suisses, hommes et femmes, à servir dans l’armée ou dans une organisation de milice pendant plusieurs semaines.

    #conscription #service_militaire #femmes #égalité #Service_Citoyen

    • Les femmes dans l’armée et les femmes armés, c’est tres mal vu car les femmes n’ont pas le droit de savoir se défendre, ce sont les hommes qui doivent s’en chargé. Les vésuviennes (féministes du XIXeme siècle qui voulaient l’égalité devant le service militaire) ont été carricaturé en long et en large tant l’accès des femmes aux armes est un tabou puissant. https://archive.org/details/lesvesuviennesou00beau/page/n9/mode/2up

      La féminisation de l’armée est une bonne chose pour les antimilitariste, car on sais qu’une pratique est jugé dévalorisante du seul fait qu’elle est pratiqué par des femmes. Ainsi une forte féminisation de l’armée garantie un appauvrissement de l’institution et un mépris profond par la population ainsi qu’une panne de recrutement, comme ce qu’on observe dans l’enseignement, la justice et la santé. Féminiser l’armée c’est aussi réduire les viols de guerre et de paix car moins il y a d’hommes moins il y a de viols. Je voie plutot de bonnes raisons de trouvé rassurant que les femmes soient armées et les hommes désarmés.

  • #covid #canada #confinement Un détective privé embauché par des Églises pour surveiller un juge en chef du Manitoba
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1808411/eglise-proces-restrictions-sanitaires-manitoba-glenn-joyal-covid

    Le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Glenn Joyal, a affirmé avoir été suivi par un détective privé qui tentait de le surprendre à ne pas respecter les règles sanitaires relatives à la COVID-19 actuellement en vigueur.

    Glenn Joyal a mentionné avoir été suivi lors d’une audience de la cour, lundi.

    Dans une déclaration commune, l’Association du Barreau canadien et l’Association du Barreau du Manitoba ont dénoncé “sans réserve” le recours à un enquêteur privé contre le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

    Glenn Joyal préside à l’heure actuelle un procès intenté par sept Églises manitobaines qui contestent les restrictions sanitaires en place.

    Lundi, il a affirmé, dans un premier temps, qu’il ne savait pas qui avait engagé le détective.

    Les Églises s’excusent
    Néanmoins, un peu plus tard, l’organisation représentant les sept institutions religieuses s’est excusée pour avoir recruté un détective privé dans le but de suivre le juge.

    John Carpay, qui est le président du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles et qui représente les sept Églises, a déclaré que son organisation avait engagé le détective afin de surveiller le juge qui préside le procès intenté par son organisation.

    Il a déclaré au tribunal que l’organisation avait embauché des enquêteurs privés pour suivre un certain nombre de personnalités publiques partout au pays afin de les attraper en cas d’infraction aux règlements de santé publique.

    Glenn Joyal a précisé avoir pris conscience qu’il était observé le 8 juillet. Un véhicule l’a, en effet, suivi après qu’il a quitté le tribunal, situé au cœur de Winnipeg, et conduit dans la ville.

    Le détective l’a suivi jusque chez lui et a fait appel à un jeune garçon pour sonner chez lui afin de confirmer son adresse.

    Une menace à l’intégrité
    Pour l’Association du Barreau canadien et l’Association du Barreau du Manitoba, “le recours à un enquêteur privé, tel que décrit par le juge en chef Joyal, menace l’intégrité des procédures judiciaires, déconsidère l’administration de la justice et constitue une atteinte à son droit à la vie privée”, indiquent-elles dans une déclaration commune.

    “Il soulève en outre de graves problèmes de sécurité pour la magistrature, les auxiliaires de justice et le personnel judiciaire, ajoutent les associations. C’est particulièrement inquiétant que l’emplacement de la résidence et du chalet du juge en chef Joyal soit connu.”

    Les associations ajoutent que ce type de comportement à l’encontre d’un juge “n’a en aucun moment sa place dans le déroulement d’un procès”.

    La juge en chef de la Cour provinciale, Margaret Wiebe, indique pour sa part dans une déclaration qu’elle partage les préoccupations de Glenn Joyal.

    “Le fait que n’importe quelle partie dans une procédure embauche un détective privé pour suivre un juge en chef, ou n’importe quel juge, dans le but d’obtenir de l’information pour les mettre dans l’embarras où les intimider de n’importe quelle manière, est choquant et constitue un affront à nos principes démocratiques et à l’administration de la justice”, dit-elle.

    Le ministre de la Justice du Manitoba, Cameron Friesen, a aussi fait valoir ses préoccupations.

    “Notre gouvernement croit que personne ne devrait être dans une situation où il ne se sent pas en sécurité en faisant son travail”, dit-il.

    “Des situations similaires ont récemment été portées à la connaissance du premier ministre. Puisque ces affaires font actuellement l’objet d’enquêtes, je ne peux pas fournir davantage de commentaires”, poursuit le ministre Friesen.

    Lundi, lors d’une conférence de presse portant sur la COVID-19, le médecin hygiéniste en chef du Manitoba, Brent Roussin a déclaré qu’il ne savait pas s’il avait été épié par un détective privé, mais sa famille et lui, a-t-il ajouté, ont été la cible de nombreuses menaces pendant la pandémie.

    Le Dr Roussin dit qu’il a même dû signaler à la police des activités suspectes autour de sa maison.

    “On peut comprendre que cette pandémie a beaucoup nui aux Manitobains. Mais je crois qu’aucun d’entre nous ne peut penser que des menaces contre une personne ou sa famille soient acceptables”, ajoute Brent Roussin.

    Des actions qui “compromettent l’indépendance judiciaire”
    Le professeur agrégé de la faculté de droit de l’Université du Manitoba, Gerald Heckman, croit que les actes présumés du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles “compromettent l’indépendance judiciaire”.

    “Tel que la Cour Suprême le soutient”, personne de l’extérieur — que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge — ne doit intervenir en fait, ou tenter d’intervenir, dans la façon dont un juge mène l’affaire et rend sa décision, souligne le professeur.

    Il ajoute que les juges ont une responsabilité publique dans l’administration de la justice, notamment à travers les raisons qu’ils fournissent pour leurs décisions, et qu’ils “ne devraient pas être soumis à des actions qui pourraient être perçues comme de l’intimidation”.

    Gerald Heckman note que les actions présumées dans cette affaire soulèvent des questions d’éthique professionnelle en ce qui concerne le comportement de l’avocat des sept Églises.

    Le code de conduite de l’Association du Barreau du Manitoba affirme qu’un avocat ne peut pas tenter d’influencer la décision d’un tribunal ou des magistrats sauf par des “moyens de persuasion ouverts à titre d’avocat”.

    “Une enquête complète et impartiale de toutes les autorités compétentes est nécessaire pour déterminer si des lois ou des obligations professionnelles ont été enfreintes”, conclut-il.

    La police de Winnipeg a été prévenue et une enquête est ouverte.

    De son côté, Glenn Joyal a assuré que cet événement n’aura pas d’influence sur sa décision dans le procès qu’il préside, mais qu’il était impensable de ne pas le mentionner pendant l’audience à cause des implications potentielles liées à l’administration de la justice.

     #enquêtes sur le réel comportement de l’ #oligarchie #oligarchies #démocratie #inégalités #pouvoir #surveillance #santé #coronavirus #sars-cov-2 #égalité #justice
     

  • Qu’est-ce qu’intervenir ? Une prise de parole de Stéphane Zygart, philosophe, lors des Rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique – Sonic Protest 6 & 7 mars 2020 - Les Voûtes, Paris, publié dans les Cahiers pour la folie n°11

    « Chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre ! »

    « Alors voilà, voilà ce qui c’est passé. Je suis philosophe de formation, je travaille autour des normes, de la question du normal/de l’anormal, de la normativité, en particulier autour de quelques trucs qui ont trait au handicap : les rapports entre institutions et pratiques quotidiennes – je vais essayer d’en parler un peu aujourd’hui –, la question des rapports entre travail et handicap qui longtemps m’a servi de fil conducteur, et des questions du type : étrangeté, singularité ou monstruosité. C’est comme ça donc qu’on s’est rencontrés avec le collectif Encore heureux..., autour de ces questions-là, institutionnelles, professionnelles, jusqu’à aujourd’hui. Les questions que je me pose donc en fait ici, je peux les décliner en trois grands problèmes que je vais vous donner dès le départ. Et dans l’arrière-cuisine, par rapport à tout ça, il y a deux auteurs : Foucault qui est connu maintenant et Canguilhem qui l’est un peu moins, dont les idées que je vais vous présenter viennent également, même si je ne vais pas le signaler sur le moment.

    Les trois problèmes se nouent autour de la notion d’ intervention : qu’est-ce que c’est intervenir aux côtés ou avec les personnes handicapées, qu’est-ce que c’est intervenir sur elles ?

    Le premier problème – c’est le plus massif – c’est : comment est-ce qu’on peut intervenir dans un cadre institutionnel ? Il y a trois grandes pistes que je vais détailler plus tard mais que je peux d’abord présenter rapidement pour clarifier les choses. La première piste évidemment, c’est : quand on est avec des personnes handicapées en institution, il s’agit de les soigner, et la question est : est- ce que le soin médical en institution doit être plus ou moins médicalisé ? La deuxième grande option, c’est : on ne peut pas tout à fait les soigner, donc on va les faire bosser, on va les faire travailler. Là, la question ce n’est pas : est-ce que c’est plus ou moins médical, mais est-ce qu’il faut les faire travailler de manière plus ou moins productive ? Faire travailler une personne handicapée, est-ce que c’est lui faire faire du théâtre ou de la musique, ou est-ce que c’est lui faire faire du jardinage ou du pliage d’enveloppes, est-ce qu’il y a une différence là-dedans ? La troisième option enfin, c’est : soigner en faisant travailler C’est la dimension, non pas médicale, non pas professionnelle des interventions institutionnelles, mais ergothérapeutique ; et l’articulation à faire alors est celle entre soin et travail. C’est là que se pose pleinement la question de la différence entre faire faire des enveloppes et faire faire du théâtre, avec le problème de la rémunération. Mais dans tous les cas, vous le voyez, les problèmes des rapports institutions/pratiques de soin passent toujours par des questions de combinaison : soin plus ou moins médicalisé, travail plus ou moins productif, place du travail dans le soin.

    Le deuxième groupe de problèmes est lié à la question de savoir si on peut réellement accompagner et se livrer à une co-construction avec les personnes handicapées – qu’il s’agisse d’handicapés physiques ou d’handicapés psychiques ou mentaux, d’ailleurs. La question, brutalement, ce serait celle-là : est-ce qu’il y a un rapport et éventuellement une différence entre faire quelque chose à quelqu’un et faire quelque chose avec quelqu’un ? Et est-ce qu’on peut séparer ces deux dimensions- là ou est-ce qu’elles sont tout le temps liées ? Est-ce que quand on agit sur quelqu’un, est-ce que quand on administre un traitement ou une prise en charge, on est encore avec la personne, ou est-ce que quand on est avec la personne, il y a une dimension de neutralité ou de passivité qui peut s’instaurer ? C’est-à-dire, pour le dire autrement, est-ce qu’on peut vraiment saisir l’anormal, est-ce qu’on peut vraiment saisir les gens dits différents dans leur singularité, comme si on les contemplait, ou est-ce qu’on est obligé de les transformer en étant avec eux ? Voilà, c’est le deuxième groupe de questions, plus abstrait.

    Le troisième et dernier ensemble de questions, c’est le rapport entre égalité, identité et intervention. C’est le problème le plus général, ce n’est peut-être pas le plus abstrait par rapport au précédent parce qu’il s’agit là de penser l’expérience vécue de la coexistence entre des valides et des personnes handicapées. Est-ce qu’il est possible au niveau du vécu, au niveau du quotidien, d’effacer les notions de différence , les notions d’ identité , est-ce qu’il est possible à un moment de parvenir à une égalité – j’allais dire réelle , mais en tout cas une égalité quelconque – entre les personnes handicapées et les personnes valides, sans relations asymétriques ? La question alors vaut vraiment le coup d’être posée ici dans ces lieux : comment présenter ou comment faire se représenter le handicap ? Dans une représentation de théâtre, de musique, de cinéma, il y a à la fois collectif parce qu’il y a collectif de travail, il y a collectif d’élaboration du spectacle, etc., il y a activité, mais aussi spectacle , et qui dit spectacle, dit différenciation ; alors comment est-ce qu’on articule le fait que le spectacle redouble la différence entre les handicapés et les valides, et qu’en même temps le fait d’élaborer un spectacle fabrique un collectif où il y a identité de praticiens et identité de personnes qui se livrent à une pratique artistique ? Vous voyez le truc ?
    Je vais parcourir rapidement les trois questions... et mes vertèbres dorsales... J’espère que ça va lancer des discussions.

    Premièrement donc, comment on fait dans les institutions entre la possibilité de soigner, de travailler, etc. Historiquement dans les textes de lois – je vais partir d’abord d’un historique pour vous montrer que le problème se pose vraiment, que ce n’est pas un truc qui sort du ciel. Le handicap dans les textes de lois et dans les institutions n’est pas une question qui est en priorité médicale, il n’y a pas tellement de médecine dans le domaine du handicap ; depuis longtemps et avant tout, le handicap, c’est une question de travail, c’est le rapport au travail qui pose problème. Jevous donne quatre repères juridiques, et il y en a un qui mériterait peut-être discussion – celui de 2005 à cause des bizarreries de sa mise en application, si vous voulez y revenir dans la discussion n’hésitez pas.
    Le premier repère juridique, c’est en 1957, la loi sur le reclassement des travailleurs handicapés ; c’est la première loi générale en France à utiliser le terme de handicap et à considérer ensemble tous les types de handicap indépendamment de leur origine – de naissance ou acquis. Cette loi ne porte donc pas sur le soin des personnes handicapées mais sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés. C’est elle qui officialise les établissements comme les AP (Ateliers Protégés) et les CAT (Centres d’aide par le Travail), qui existaient déjà avant mais en très petit nombre et sans statut clair. La deuxième grande loi – vous la connaissez tous – c’est la loi de 75, ses innovations sont également liées au travail, puisque c’est la loi de 75 qui met en place l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) qui dépend des capacités de travail. Cette loi de 75 met aussi en place l’accessibilité des lieux publics en zone urbaine – je le précise parce que cette prudence initiale sur l’accessibilité montre à quel point le rapport entre égalité des droits et moyens matériels de cette égalité est tendu. Ce sont les deux principales évolutions de cette loi. Vous avez ensuite un espèce de truc bizarre qui est la loi de 2005, qui a pour caractéristique de faire passer le professionnel au second plan, mais qui a aussi pour caractéristique – en dehors du handicap psychique – de ne pas avoir été mise en œuvre, en particulier sur l’accessibilité (encore) et sur l’évaluation médico-légale des causes sociales des handicaps. On pourra revenir sur ce qui a rendu cette loi possible dans sa formulation et ce qui en même temps l’a rendue inopérante – c’est-à-dire qu’elle n’est pas appliquée. Les dernières lois, j’en dirais un mot, ça se passe en ce moment en 2020 : il y un retour du problème entre l’AAH et la mise en place du Revenu Universel d’Activité (RUA), c’est-à-dire qu’on se met à parler au sujet des personnes handicapées – de tout type et de tout degrés – d’ employabilité , ce qui est tout autre chose que de parler de difficultés d’emploi. Tout le monde est employable si vous voulez, par contre une personne handicapée l’est théoriquement moins que d’autres ; c’est cette différence-là qui est en jeu actuellement et qui décide pour beaucoup des dispositifs. Donc il y a ces quatre lois-là.

    Concrètement ça donne quoi, je vous donne un exemple : les établissements pour personnes handicapées adultes portent la marque de cette importance du travail. Vous avez deux grands types d’établissements : les établissements purement médicaux pour les handicaps les plus graves, ce sont les maisons d’accueil médicalisé, et puis les établissements dédiés au travail que sont les Entreprises adaptées qui correspondent aux anciens Ateliers protégés – où il n’y a aucune aide de l’État et une obligation de rentabilité pure – et les ESAT (Établissements et Service d’Aide par le Travail) qui sont les anciens CAT (Centres d’aide par le Travail). Or, pour rentrer en ESAT, il faut une réduction énorme des capacités de travail puisqu’il faut avoir moins de 30% des capacités de travail normales – donc 70% de capacités de travail en moins sur le papier. Les revenus liés à l’ESAT sont entre 50 et 110% du SMIC, et les 110% du SMIC sont rarement atteints, à cause du cumul de l’AAH. Ce qui est important là, c’est que les ESAT ont officiellement un but médical : l’entrée dans les ESAT se fait sur critère médical et le but d’un ESAT, c’est le soin. C’est tellement un enjeu qu’une circulaire est réapparue en 2008 pour le rappeler.

    Les textes de lois dont je vous ai parlé ont un impact sur vos pratiques, parce que sinon vous pourriez me dire : « oui ? ce sont des textes de lois donc quel rapport cela a-t-il exactement avec la réalité ? ». Cela a un rapport avec la réalité pour au moins trois raisons. Première raison : le handicap est défini comme incurable, il se soigne par d’autres moyens que la médecine – on ne peut pas guérir d’un handicap – c’est pourquoi depuis le début, le problème du traitement des personnes handicapées, c’est leur mise en activité, et en particulier leur travail. C’est exactement ce qui est en train de se questionner dans ce lieu et dans d’autres. Deuxième raison pour laquelle le travail et l’activité sont importants : parce que le travail a une utilité sociale, le travail justifie les frais de soin pour les personnes handicapées, il permet de s’occuper d’eux – il permet de payer leur traitement. C’est l’idée depuis la Première Guerre mondiale et ça n’avait pas été le cas depuis la fin du Moyen- Âge, c’est-à-dire qu’avant, les personnes handicapées étaient définies par l’incapacité d’activité ou de travail. Jusqu’en 1905, vous ne pouviez pas être aidé si vous aviez des ressources, vous n’étiez aidé que si vous étiez incapable de travailler et sans ressources. Ce qu’a changé la guerre 14-18, c’est qu’il est désormais possible de dire à une personne handicapée : « tu as des ressources, en même temps tu peux toucher l’AAH, et en même temps tu peux bosser. » La troisième raison pour laquelle le travail est très important, c’est par trois de ses effets, qui ne sont pas financiers. Il a une utilité thérapeutique, il développe des capacités psychiques, physiques et cognitives, il a des effets de reconnaissance sociale – travailler c’est être l’égal de l’autre dans son travail. Vous allez me dire que je parle des personnes handicapées, je ne parle pas des personnes qui ont des troubles mentaux. En fait, historiquement, c’est exactement pareil : la folie a longtemps été considérée comme incurable, c’est d’ailleurs pour cela que les fous n’étaient pas mis en hôpital mais en asile ; on considérait qu’il fallait juste les accueillir et les protéger, mais certainement pas les soigner puisqu’on y arrivait pas. La mise en place des asiles nécessitait d’avoir des finances, donc depuis le 18ème siècle, il y a eu des colonies agricoles, des moyens de faire payer les soins aux personnes folles, ou dites folles. Mise au travail des personnes donc, quand ce n’était pas physiquement impossible. Enfin, ça fait longtemps que dans les asiles, l’appartenance au collectif passe par le travail, ça date au moins de Pinel, et si vous remontez au 19ème siècle, il y avait une obligation de travail pour réapprendre aux gens un principe de réalité – travailler c’est se confronter à la réalité. Vous retrouvez également cette idée dans la psychothérapie institutionnelle puisque le travail a une grande importance par exemple chez Tosquelles. Alors vous allez me dire « qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? »

    Après avoir parlé des lois, après avoir essayé de vous dire que je pense que c’est réellement central, qu’est-ce qu’on peut proposer comme pistes de réflexion ou de recherche ? Il apparaît que le travail est considéré comme une panacée : l’activité et en particulier l’activité professionnelle, ça résout tous les problèmes – je vous le signale parce c’est toujours pareil en matière de handicap, c’est pareil pour les valides et pour les invalides – c’est-à-dire quand quelqu’un a un problème, on lui dit : « ben tu devrais travailler, ça te remettrait les pieds sur terre, et en plus t’aurais un peu d’argent... » C’est le même principe pour les personnes handicapées. Le travail est une panacée économique, sociale, institutionnelle, thérapeutique, et il nous est très difficile de concevoir que l’on puisse avoir une activité sans travailler. Est-ce que vous arrivez à concevoir, est-ce que j’arrive à concevoir que je fais quelque chose qui n’est pas un travail ? C’est tout le problème... Ce qui est difficile à concevoir en général est également difficile à concevoir pour les personnes invalides.
    Le caractère universel du travail est d’autant plus problématique qu’entre le travail de prof, le travail de plieur d’enveloppes ou le travail d’acteur de théâtre, ce sont trois formes d’activité qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Est-ce que l’on peut réussir à démêler là-dedans quelque chose qui donne sa vraie valeur pour les personnes handicapées à l’activité professionnelle, c’est quoi le nœud du truc, qu’est-ce qui est vraiment important dans le travail des personnes handicapées ? L’économie, le social, le thérapeutique, le psychologique, le tout ce que vous voulez, c’est quoi le cœur du noyau ?

    L’autre question qu’on peut se poser à partir de là, c’est que le travail correspond à une demande sociale, il y a une forme de contrainte dans les demandes de mise au travail. C’est très concret. Comment échapper à la question du travail quand on est handicapé ? D’accord, les valides n’échappent pas non plus à la pression du travail mais ils ne sont pas tenus de répondre de manière décisive, et pour de longues années, à la question : « est-ce que tu veux aller travailler en ESAT, ou pas ? » Une personne handicapée est obligée de répondre à la question professionnelle et d’y répondre sur le long terme, ce qui n’est pas le cas pour les personnes valides. Les personnes handicapées se retrouvent à certains moments à des embranchements où elles sont obligées de faire des choix : aller bosser en CAT ou pas, demander l’AAH ou pas, accepter un boulot pourri ou pas, parce que l’accès au marché de l’emploi est plus difficile, ce qui n’est pas du tout pareil pour les valides et qu’il faut absolument prendre en compte parce que cela a un caractère extrêmement contraignant, y compris au niveau des vécus.

    Je vous disais – et ce sera mon dernier mot sur le travail, enfin directement sur lui – tout cela est étroitement lié aux institutions et aux lois. En 2020, les lois françaises – je ne vais pas rentrer dans le détail, on pourra en discuter après si voulez – consistent à mettre en avant l’ employabilité des personnes handicapées. Je vais essayer d’être très clair sur ce point et très rapide : tout le monde est employable ou quasiment. Il n’y a que les handicapés les plus graves qui ne sont pas employables. L’employabilité, c’est une simple possibilité d’exercer un emploi et on trouve dans les textes historiques – pour donner des exemples qui ne soient pas polémiques – des établissements de travail pour les femmes qui viennent d’accoucher ou pour les vieillards, au 17ème ou au 18ème siècle... Donc vous pouvez faire travailler à peu près n’importe qui ! En mettant en avant cette notion d’ employabilité , il s’agit de faire sauter les dispositifs d’aide à l’emploi, et il s’agit actuellement de dire que les personnes handicapées n’ont pas besoin de prestations supplémentaires parce qu’elles peuvent travailler comme tout le monde, donc elles peuvent avoir le même revenu que tout le monde, et si elles veulent en avoir un peu plus, elles n’ont qu’à travailler comme tout le monde ! C’est en ce moment que cela se joue avec pas mal de péripéties politiques effectivement, mais c’est une tendance que l’on retrouve en Angleterre, en Italie. Pour pouvoir y arriver et pour pouvoir affirmer que la plupart des personnes handicapées peuvent travailler comme tout le monde quand elles le veulent, le dispositif joue sur une médicalisation du handicap, c’est-à-dire qu’on va être amené à vous confronter à des avis médicaux standardisés par des médecins d’État – encore une fois pour aller très vite – sur tout le territoire français. Le but étant de discriminer les handicapés les plus graves des autres. D’autres procédés sont aussi essayés, comme la mise sous pression financière des familles pour qu’ils poussent au travail leurs proches invalides. Il y a dans tout ça quelque chose de très important qui se joue en ce moment, surtout pour les handicapés psychiques qui sont en première ligne. Dans le rapport de la Cour des comptes – je pense que c’est le moment d’en parler maintenant – ils attaquent en effet, en première ligne, le handicap psychique. Pourquoi ? Parce que le handicap psychique, ça coûte cher et parce que ce n’est pas médicalisable au sens classique du terme – vous ne pouvez pas démontrer l’étendue d’un trouble schizophrénique par un scanner. Du coup, l’argument du Conseil d’État c’est simple : si ce n’est pas médical, c’est que ce n’est pas un gros handicap, et du coup ça ne mérite pas d’avoir une prestation supplémentaire – vous voyez le système ? C’est l’universalité scientifique de la médecine qui est évoquée au nom d’une exigence de vérité et d’égalité pour réduire le nombre d’handicapés et appauvrir l’évaluation comme les traitements des handicaps – par exemple, vous savez très bien que les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) varient leurs jugements selon les régions, à cause des bassins d’emploi, etc. Le Conseil d’État dit que ça porte atteinte à l’égalité républicaine, qu’il faut que les critères soient les mêmes dans toutes les régions, et que le meilleur critère c’est la médecine, donc qu’il faut se limiter au corps des individus ; et quelques pages plus tard, il disent en plus qu’on s’aperçoit avec le modèle social du handicap que le handicap psychique explose les comptes et donc coûte très très cher, donc qu’il faut absolument re-médicaliser tout ça... Le rapport se termine comment ? Ça termine en disant qu’il y aura toujours un vote au CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) pour les attributions d’invalidité, mais qu’il faut que l’État soit majoritaire au nombre de votants, je vous laisse deviner... Les textes se trouvent sur internet. Donc centralité des questions de travail et de finances pour le handicap, je vais m’arrêter là sur ce sujet.

    Un point rapide sur l’articulation entre médecine et travail avant de passer au second problème dont je voulais parler. Je ne suis pas en train de dire du tout – je pense que cela donne cette impression-là mais ce n’est pas du tout le cas – qu’il ne faudrait pas faire travailler les personnes handicapées, je ne pense pas que la réflexion doive se placer sur ce plan-là. Si j’insiste autant là-dessus c’est pour une raison bien particulière : la question de la normalisation . Est-ce qu’on normalise plus par la médecine ou est-ce qu’on normalise plus par le travail ? En fait, ce sont deux normalisations complètement différentes : la médecine est potentiellement beaucoup plus normalisatrice que le travail puisque vous avez la neurologie, les neuroleptiques, les techniques de rééducation, la méthode ABA pour les personnes porteuses d’autisme, etc. Mais en même temps, les normalisations médicales permettent aux personnes handicapées, d’une, de garder leurs spécificités, c’est-à-dire de garder une singularité sociale, et de pointer la singularité du problème. Oui les techniques médicales sont lourdes mais c’est aussi parce que les problèmes sont lourds ou singuliers. Le travail, c’est beaucoup plus insidieux, le travail, c’est beaucoup moins normalisateur, c’est très ordinaire et ça fournit une identité sociale. Le souci, c’est que ça efface les problèmes et ça efface la spécificité des acteurs du soin. Il y a un risque en mettant l’accent sur l’activité, et en particulier l’activité professionnelle – et en disant qu’il n’y a donc plus besoin d’acteurs du soin – d’aboutir à une invisibilisation sociale du handicap qui à mon sens est l’objectif des politiques actuelles, sous couvert d’ inclusion . Je n’ai aucune solution. On peut passer par le travail comme opérateur social avec tous ses défauts. On peut aussi essayer de maintenir la singularité des personnes handicapées – ce qui les protège –, singulariser les personnes handicapées, ça leur donne une visibilité, le principal risque actuellement étant de rendre les personnes handicapées invisibles, c’est-à-dire que quoiqu’elles deviennent, personne ne le saura. Le problème des valides si vous voulez, c’est de se rendre invisible par rapport aux techniques de contrôle social ; le problème des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées, c’est un peu l’inverse, il ne faut pas chercher l’invisibilité sociale, il faut au contraire essayer d’être vu le plus possible, ce qui garantit une protection. Je ne suis ni pro-médecine, ni pro-travail, j’essaie de voir.
    Par exemple, en matière de handicap psychique, vous êtes obligé, tout le monde est obligé de jouer sur les deux tableaux – c’est-à-dire que la reconnaissance du « handicap psychique » a permis des choses assez bonnes : une dé-institutionnalisation avec les GEM, l’entrée dans les dispositifs de handicap, la folie est devenue « ordinaire », « c’est un handicap comme les autres », etc. Ça a aussi mis l’accent sur la neurologie, les neuroleptiques, le fonctionnalisme... donc vous voyez à chaque fois, il y a à prendre et à laisser. Voilà, c’était le plus long parce que c’est là où je peux être le plus concret et me baser sur des lois, etc.

    Le deuxième groupe de problèmes dont je voulais parler tourne autour de la neutralisation : est-ce qu’on peut être neutre par rapport à une personne handicapée ? – au sens de l’accompagnement. Est- ce qu’on peut faire quelque chose uniquement avec les personnes handicapées ? Pour répondre à cette question, il faut absolument se décaler. Il s’agit d’articuler l’ordinaire et le singulier, l’activité de travail et l’activité quotidienne. Je pense à quelques lieux emblématiques qui ont réussi à articuler ou donner une idée de l’articulation entre faire avec et faire à quelqu’un. Il y a quelques GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle), il y a par exemple ici – même si ce n’est pas un GEM, il me semble que c’est typiquement ce genre de lieu : faire à et faire avec , ça se fait ici, ou à la Fonderie à Encore heureux c’était pareil, à La Borde il me semble que c’est et que c’était pareil, ou chez Deligny vous trouvez le même genre de dispositifs et d’autres choses moins connues comme la colonie de Gheel en Belgique qui remonte au Moyen-Âge, c’est une colonie de soin chez l’habitant – il y a de plus en plus de travaux là-dessus – on rouvre des villes et des villages aux personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques pour les faire soigner chez l’habitant. C’est une solution qui était pratiquée depuis le Moyen-Âge et qui revient en grâce. Vous allez dire « alors super ces lieux-là, il n’y a plus qu’à suivre la recette, secouer et à mettre dans un bol !... » Mais il faut faire attention à plusieurs choses : la temporalité, la spatialité, et la pluralité qu’il y a dans ces institutions et leurs manières d’articuler les normes extérieures à l’institution et les normes intérieures. Je dis bien non pas simplement en terme de topologie l’ extérieur et l’ intérieur , mais les normes extérieures et les normes intérieures.

    Du point de vue du temps , qu’est-ce que je veux dire ? Il s’agit de respecter les normes temporelles des individus. À Namur par exemple, un soignant m’a raconté qu’ils avaient mis deux ans pour faire planter un arbre à un autiste et que ça lui avait fait beaucoup de bien. Deux ans en termes médicaux et en terme de nomenclature médicale, c’est complètement insensé. Donc comment respecter les normes internes temporelles des individus ? Un des éléments de réponse, c’est qu’il faut privilégier l’ œuvre au travail – je ne sais pas si cette distinction célèbre et un peu bourrin vous dit quelque chose – l’œuvre c’est le résultat, c’est-à-dire : quelqu’un met trois ans ou cinq ans à faire un tableau, et à la fin, sa propre norme rentre en contact avec la société : il présente son œuvre, il y a un deal, il y a des échanges, il y a une présentation, une représentation. Alors, la temporalité vient d’abord de l’individu et du fait d’avoir fait quelque chose. La temporalité du travail ce n’est pas du tout ça, ce n’est pas la temporalité de l’œuvre, la temporalité du travail c’est d’abord celle de la productivité et c’est la temporalité de la cadence. Si par exemple vous dites à quelqu’un « dans trois jours je veux un dessin et sur un mois je veux que tu m’en fasses dix », ça c’est du travail. Si par contre vous donnez des crayons et des feutres et vous dites « quand tu veux me donner un truc tu me le donnes », le jugement sur l’œuvre ne porte pas du tout sur la cadence mais sur le résultat et vous avez même tout à fait le droit de dire que c’est pourri. Vous voyez ce n’est pas du tout le même rapport au temps.

    En terme d’ espace , il y aurait deux choses. La première c’est qu’il faut être extrêmement attentifs à l’implantation géographique des institutions. Les institutions quand elles sont éloignées des centres, elles permettent la tranquillité des lieux – typiquement c’est Deligny dans les Cévennes –, mais il y a aussi un avantage à être dans les milieux urbains pour qu’il y ait une confrontation par proximité. Actuellement il faut faire très attention aux endroits où sont installés les nouveaux logements ou les nouvelles institutions, c’est-à-dire éviter à tout prix les zones artisanales et commerciales, les trucs de ce type, sous prétexte que c’est tranquille : en fait, c’est mort... et personne ne voit personne. Ça c’est le problème de l’implantation, il y a des études là-dessus, il y a des gens ou des organismes qui font de la géographie du handicap et qui dressent des cartes qu’on trouve sur le net.
    L’autre aspect en terme de lieu, c’est l’agencement – typiquement c’est le cas ici, et c’est le cas à la Fonderie – l’agencement intérieur des lieux qui accueillent les personnes handicapées doit être en rapport avec les dynamiques qui font passer de l’intérieur à l’extérieur. L’exemple type de ça, c’est hier, quand les gens de la Pépinière parlaient du grand parc. Qu’est-ce que c’est un parc ? C’est une zone de détente mais c’est aussi une zone qui permet de s’approprier l’extérieur. Les institutions les plus efficaces et les plus dynamiques pour les personnes handicapées, ce sont celles qui permettent ça. Vous savez, Foucault a forgé une notion qui a beaucoup de succès qui s’appelle l’ hétérotopie . Qu’est-ce que c’est une hétérotopie ? C’est un lieu qui est en décrochage, qui possède des règles sans rapport avec le reste de l’espace social. C’est le cas ici par exemple. Ce n’est pas un lieu sans règles , c’est un lieu sans règles en rapport avec le reste de l’espace social . Je crois qu’il faut ajouter à cette définition de l’hétérotopie que ces lieux sont des lieux de passage et de transformation, c’est-à-dire qu’un lieu de soin ne doit ni être un parc où on parque les gens, ni une frontière. Dans un lieu de soin on y passe, ça veut dire qu’on y séjourne et qu’on s’y transforme.

    La troisième question sur ce qu’est faire sur ou avec les gens, celle de la multiplicité , est très importante puisque le soin lui-même est normatif. Il est très difficile d’accueillir la multitude des rencontres et de gérer toutes leurs durées. Être avec des personnes handicapées – et pour les personnes handicapées, être avec des valides ! – cela demande des efforts réciproques, et donc cela provoque des conflits. Vous voulez chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre puisque même si vous ne voulez pas être normatif, vous finissez au quotidien par vouloir quand même une part de décision, par vouloir avoir quelque chose à dire dans le mode de vie. Et des modes de vie qui se combinent au quotidien, ce sont forcément des modes de vie qui interviennent l’un sur l’autre. Chez Canguilhem, on trouve cette leçon où il dit que le soin, d’une part, ça n’a pas pour but de faire du bien aux autres, le soin ça a d’abord pour but de remettre les autres en activité. D’autre part, le problème du soin c’est comment faire pour saisir la singularité des personnes et leur permettre de déployer cette singularité-là – c’est hyper compliqué parce que cela ne peut pas être contemplatif. Vous ne pouvez le faire qu’en vivant avec les gens.

    J’en arrive au troisième gros groupe de problèmes que j’avais annoncé au tout début et qui va me permettre de développer ça, au rapport entre coexistence et intervention : comment est-ce qu’on peut penser les rapports entre identité, égalité et différence entre les handicapés et les valides ? Je crois que ce n’est pas plus abstrait que ce que je viens de dire juste avant, c’est même plus proche de ce que l’on vit.

    Alors le but du jeu, c’est qu’il y ait une indifférence qui s’installe entre les valides et les invalides – mais c’est très difficile pour deux raisons. La première, c’est que les rapports de soin et de prise en charge sont dissymétriques : il y en a un qui soigne et l’autre qui est soigné, il y en a un qui prend en charge et l’autre qui est la charge – au moins c’est clair... même si c’est brutal. La première difficulté donc c’est le caractère dissymétrique, la deuxième c’est que même quand il n’y a pas de soin et que vous ne prétendez pas soigner la personne handicapée, il y a ce qu’on appelle le stigmate ou le caractère liminaire des personnes handicapées. Alors ça, ça a rempli des bibliothèques entières de socio ! Qu’est-ce ça veut dire ? Ça veut dire que la personne handicapée ne doit pas choquer et le soignant non plus – c’est la théorie d’Erving Goffman dans Stigmate (à l’époque, dans les années 60, pour Goffman, les handicapés, les prostituées, les homosexuels sont exposés au même « stigmate »). Par exemple, quand quelqu’un arrive dans un restaurant et que vous devez l’accueillir et que vous êtes handicapé, par exemple comme moi, vous vous arrangez pour ne pas vous lever de votre chaise, pour ne pas le gêner. Par contre, à un moment vous allez être obligé de lui faire comprendre que vous avez un problème. C’est du tact, c’est de la négociation sociale, c’est du stigmate, c’est-à-dire que ça consiste à effacer faussement les éventuelles différences.

    La deuxième idée à ce sujet de la différence permanente entre handicapés et valides, même quand il n’y a pas de soins, beaucoup plus complexe, c’est le caractère liminaire , c’est-à-dire qu’une personne handicapée est à la fois identique et différente, et on ne s’en sort pas – elle reste sur le seuil. Ce n’est pas un monstre, mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui est identique à une personne valide.

    Donc il est très difficile pour ces deux raisons-là de prétendre à être indifférent aux personnes handicapées. Est-ce que pour autant il faut dire qu’il n’y a pas de solutions ? Très franchement je vous réponds, je ne crois pas que ces deux notions de stigmate et de liminarité soient réellement valides – c’est le cas de le dire, il faut bien se détendre un peu... Pourquoi elles ne sont pas parfaitement valables ? Les rapports entre valides et invalides sont des rapports pratiques, et ça dépend de ce que l’on fait. Du coup, ils se transforment en fonction des pratiques. Je vais faire un petit détour historique avant d’achever mon propos. Ce qui le montre très clairement c’est l’exemple du freak show. Une des questions qui a été discutée hier, c’était : remplacer les personnes handicapées par des personnes valides ou inversement, est-ce que cela ne reste pas une dynamique de freak show, en particulier dans les dispositifs théâtraux ? Mais en fait, c’est sans doute un problème qui s’est considérablement déplacé et transformé depuis l’époque des freak shows. C’était les expositions de monstres : la femme à barbe, l’homme sans cou, le pied sans tête, etc. Vous aviez deux grandes techniques qui faisaient que les gens venaient et aimaient bien voir les freak show. La première technique c’était de dire : « Oui c’est vraiment un monstre mais regardez il est loin, c’est un monstre asiatique, c’est un monstre indien ! » ; la deuxième technique, c’était de dire : « oui oui c’est un monstre mais il a vraiment dépassé ses différences par des capacités extraordinaires pour finalement réussir à faire comme nous ! » – non pas le dispositif de l’Haïtienne à barbe mais le dispositif de Tom Pouce, qui est un nain et qui se marie, etc. Dans tous les cas, vous avez un mouvement qui vise à rassurer, vous avez un jeu entre l’extraordinaire et l’ordinaire. Ce jeu consistait dans les freak shows à effacer les monstres tout en les montrant – près, mais loin, différents mais pareils, à juxtaposer leur présence et leur absence, l’identité et la différence. C’est ça, le show . Ce type de jeu était déjà incertain, un jeu ça se joue toujours à deux ou sur deux plans, c’est-à-dire que les personnes handicapées jouent également – les valides jouent mais les personnes handicapées jouent aussi. Je développe.

    Si vous avez vu Freaks de Tod Browning, c’est une des grandes idées du film – Browning, lui- même entrepreneur de freak show, raconte avec d’autres que la dimension d’arnaque était connue par les monstres et les handicapés. Il y avait tout un jeu qui consistait à arnaquer le plus possible les valides, tandis que le plaisir du dimanche des valides était aussi d’aller se faire arnaquer. C’est un jeu théâtral qui se joue à deux : vous avez des personnes qui font semblant d’arnaquer les autres, et d’autres qui font semblant de se faire arnaquer. Mais de temps en temps ça tourne mal et on arrête de faire semblant, et c’est le sujet de Freaks ...

    Bon, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Pour ceux d’entre vous qui ont pu assister hier au concert des Turbulents avec Fantasio... quelque chose alors m’a frappé : c’est des moments difficiles à voir dans les spectacles. Il y a eu à un moment donné une identité entre les spectateurs et la scène, identité au sens où dans l’activité commune, les spectateurs sont devenus de vrais spectateurs de concert de rock et les musiciens sont devenus de vrais musiciens, et non plus des personnes handicapées vues par des personnes valides ou inversement. Il ne s’agissait plus de parcourir une distance ; dans l’activité commune, de l’identique a été créé, et de l’égal. Il faudrait expliquer ça plus longuement...

    En tous cas, les jeux restent ouverts, au quotidien comme sur scène. Ce qui m’a frappé principalement hier et aujourd’hui, en autres : les personnes handicapées sont habituées à être visibles – être handicapé c’est être visible , il n’y a pas de handicap invisible, un handicap invisible finit toujours par apparaître parce qu’un handicap, par définition, dure et touche à ce qu’on fait, alors qu’il peut y avoir, c’est vrai, des maladies invisibles. Si vous avez un handicap, même dit invisible, au bout de quelque temps, ça va se voir. Qui dit handicap dit visibilité, et les personnes handicapées savent qu’elles sont visibles. Si elles sont moins visibles que d’autres, par exemple en étant placées dans certains bâtiments fermés, elles savent qu’elles sont surveillées. Et si les surveillances se relâchent, elles ont conscience des troubles qu’elles provoquent en arrivant – c’est la question du stigmate et de la liminarité.

    La question que je me pose, c’est qu’est-ce qui se passe du coup pour une personne qui a l’habitude de toujours être exposée quand elle passe sur une scène ? Comment penser la surexposition des personnes handicapées ? Ce ne sont pas des personnes qui sont cachées habituellement, ce sont des personnes qui sont déjà soumises au spectacle, et donc il y a un redoublement du spectacle. Il y a énormément de possibilités de subversion qu’il m’a semblé voir sur scène et en particulier, une dynamique d’exagération. Qu’est-ce que c’est une personne handicapée qui exagère sur scène ? C’est quelqu’un qui est d’ordinaire sur une scène et qui se retrouve sur une scène où elle sait que les règles sont assouplies parce que ce sont des règles artistiques, et donc elle peut en faire plus que d’habitude.

    Si je dis ça, c’est parce que pour penser ce rapport entre identité et égalité , on est toujours piégé si on met la personne en face dans une situation de passivité. On ne l’est pas à partir du moment où on part du principe que la personne, en fait, elle joue aussi, et c’est là que l’égalité peut réellement s’instaurer.
    Voilà, je vous remercie. »

    Les 6 premiers n° des Cahiers pour la folie sont publiés en ligne
    des https://www.epel-edition.com/lire.html

    #Cahiers_pour_la_folie #soin #intervenir #handicap #folie #travail #employabilité #oeuvrer #égalité #normalisation #singularité #contrôle_social #médecine #collectif #institution #établissements #histoire #psychothérapie_institutionnelle #GEM #hétèrotopie #MDPH #Conseil_d'État #revenu #AAH

  • Non-violence with #Judith_Butler

    Judith Butler is one of the most important philosophers of our time. Their book “Gender trouble” left a long-lasting mark on queer and feminist theory, even though it took more than fifteen years to be translated into French. Its translation has indeed given rise to many misunderstandings, which Judith Butler finds amusing and interesting now, pushing them to explore the cultural resonances their theories find in various countries (05:20). In a global pandemic, these theories unfortunately have very concrete resonances: they had coined the concept of ‘grievable lives’ and are saddened to see it vividly illustrated by the current situation (13:13). Observing the governments using health safety to justify repressing their populations, they nonetheless believe in the force of non-violence and solidarity (25:34). Together with Lauren Bastide, Judith Butler is alarmed by the attacks on universities, especially on gender and postcolonial theory (35:40). For them, this backlash definitely is the embodiment of conservatives’ fear and their refusal to see the world change (32:00). They stay hopeful thanks to the feminist, queer and antiracist movements inventing new forms of mobilisations around the world (47:02) and the strength, always renewed, of their self-determination claims (39:30). If they acknowledge how important rest is in an activist’s life, they encourage to never abandon the idea, the utopia of radical equality until it is reached (51:52) and invite everyone to think about revolution as an ongoing movement to which it is possible to contribute everyday (57:17).

    https://podcasts.apple.com/ca/podcast/la-poudre/id1172772210?i=1000512502261
    #violence #non-violence #podcast #queer #grievable_lives #solidarité #Lauren_Bastide #université #résistance #mobilisation #activisme #égalité_radicale #révolution

    ping @isskein @karine4 @cede

  • Avec ou sans voile, toutes égales ! Communiqué de soutien

    Le tollé politico-médiatique suscité par la condamnation de la Stib pour avoir refusé l’embauche d’une femme portant le foulard a déjà des conséquences très concrètes et inacceptables pour des milliers de femmes qui, en Belgique, souffrent quotidiennement des discriminations sexistes et raciales qui leur sont faites parce qu’elles sont des femmes musulmanes.

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/06/23/avec-ou-sans-voile-toutes-egales-communique-de-soutien

    #féminisme #égalité

  • Égalité et égalitarisme en #anthropologie
    https://laviedesidees.fr/Egalite-et-egalitarisme-en-anthropologie.html

    Si l’anthropologie a souvent joué un rôle majeur dans les réflexions philosophiques et politiques sur l’égalité, les savoirs ethnographiques contemporains dépassent de loin ceux dont disposaient Hobbes, Rousseau ou Smith. Cet essai offre des clés pour se saisir de débats parfois complexes.

    #Histoire #ethnographie #égalité
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20210618_scheele.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210618_scheele.pdf

  • En Israël, le divorce reste une affaire d’hommes Aline Jaccottet
    https://www.letemps.ch/societe/israel-divorce-reste-une-affaire-dhommes

    Des milliers d’Israéliennes sont empêchées de divorcer, la loi juive prévoyant que seul l’homme peut décider de la fin de l’union conjugale. Galvanisées par le mouvement #MeToo et soutenues par des rabbins ingénieux, les femmes se battent pour leur liberté
    . . . . . . . . .
    Un tableau qui serait banal sans le combat extraordinaire qu’elle a dû mener pour obtenir sa liberté. « Trois ans de bataille pour le quitter », souffle-t-elle avec un sourire las. Mariée à 19 ans, la jeune femme découvre un époux « absent, maltraitant. La situation n’a fait qu’empirer avec le temps. J’ai fini par comprendre qu’il fallait que je parte pour sauver ma peau ». Mais après avoir accepté d’ouvrir un dossier de divorce, son ex-mari se volatilise en France puis refuse tout contact pendant des mois.


    Une situation qui bloque tout car, en Israël, seul l’homme peut décider de la fin de l’union conjugale. Selon le judaïsme traditionnel, une femme qui se sépare de son époux sans obtenir de lui le gett, l’acte de divorce, ne peut se remarier. Les enfants qu’elle aurait ultérieurement seraient considérés comme des mamzerim, des bâtards. Un statut qui a de graves conséquences, dont l’interdiction de se marier avec quelqu’un qui ne partagerait pas ce triste destin. Rien de tout cela pour l’homme dont la femme aurait refusé le divorce, le judaïsme ayant autorisé la polygamie pendant des centaines d’années. Ainsi, en Israël, une femme juive sur cinq qui cherche à divorcer se voit retenue dans le mariage contre son gré pendant parfois des années, selon les chiffres communiqués par l’association Mavoi Satum qui les défend. Tout cela ne concerne que le judaïsme traditionnel, qui fonde sa pratique religieuse sur l’observance du Choulhan Aroukh (« Table dressée » en hébreu), Code de loi juive compilé au XVIe siècle. Ce texte fondamental édicte des lois en rapport avec la vie quotidienne, la vie religieuse, la vie conjugale et le droit civil. Les courants juifs réformés (libéraux, conservateurs), majoritaires en dehors d’Israël, ont, quant à eux, révisé les sections discriminatoires de cet ouvrage au XIXe siècle.
    Etat laïque et religieux
    En 1948, c’est le judaïsme orthodoxe et non réformé qui a été ancré au cœur des fondements de l’Etat d’Israël. Pour apaiser la colère des ultrareligieux furieux à l’idée qu’un gauchiste en short crée l’Etat d’Israël à la place du Messie tant attendu, David Ben Gourion, fondateur et premier ministre du pays en construction, passe un accord avec eux leur abandonnant notamment toute la gestion de l’état civil. C’est ainsi que « depuis 1953, les naissances, mariages, conversions ou funérailles sont réglementés par la communauté à laquelle appartient un individu : la charia pour les musulmans, les lois cléricales pour les chrétiens et la halakha pour les juifs », explique Shuki Friedman, directeur du centre Religion, nation et Etat à l’Institut pour la démocratie en Israël.

    Deux types de lois, civile et religieuse, coexistent ainsi en Israël, le droit civil s’occupant grosso modo de tout à part de l’état civil. Et si la Cour suprême israélienne, connue pour son progressisme, a contribué, au fil des années, à faire évoluer l’interprétation de la loi juive par les rabbins en influençant leurs décisions de diverses manières, le divorce résiste encore et toujours aux modernisateurs. « La Haute Cour de justice intervient sur les problèmes découlant de la séparation tels que le soin aux enfants ou le partage des biens, jamais sur l’acte de séparation lui-même », précise Shuki Friedman.

    Si le mariage et le divorce demeurent les prérogatives intouchables des orthodoxes, c’est parce que ces changements d’état civil définissent aussi si les enfants nés de ces unions sont juifs ou non. Peu de chances que la situation évolue, les très religieux ayant pris une place considérable dans la société et la politique israéliennes suite à leur expansion démographique hors normes – de quelques centaines en 1948, ils sont aujourd’hui plus d’un million.

    Loi éternelle
    Ce n’est pas pour déplaire à Raphaël Sadin. « La loi juive n’a pas à être adaptée car sa valeur est éternelle. Lorsque la pratique évolue, ce n’est que pour faire en sorte que la loi continue d’être respectée », tranche le rabbin dans son salon rempli de livres du sol au plafond. Talmudiste reconnu, ce Franco-Israélien à la tête d’un institut d’études religieuses pour hommes à Jérusalem a deux passions : la Bible et les mots. Parlez-lui de mariage, il devient lyrique. « Les noces chez nous, ce n’est pas un contrat : c’est la rencontre de deux âmes faites de toute éternité pour être ensemble ! » s’exclame-t-il de sa voix de stentor en se passant la main dans sa barbe grise soigneusement taillée. Il y a pourtant une place pour l’erreur humaine dans ce qui est écrit aux Cieux. « Les pierres du Temple de Jérusalem elles-mêmes versent des larmes lorsqu’un homme et une femme divorcent, mais la loi juive conçoit que cela puisse arriver », dit-il. Un libéralisme apparent qui contraste avec sa description de l’amour. « Le judaïsme traditionnel conçoit le rapport amoureux comme une possession dans laquelle il y a, oui, une certaine violence : métaphysique, spirituelle, politique même. La femme se donne et l’homme s’engage. Et c’est lui qui, au moment du divorce, coupe le lien en lui disant : ce que tu m’as donné, je te le rends. » Une inégalité que Raphaël Sadin assume parfaitement. « Quoi que puisse dire la société occidentale, le féminin et le masculin sont ontologiquement différents. »

    Ces paroles pourraient faire craindre que la voix des femmes ne soit jamais entendue dans les tribunaux, mais c’est le contraire qui se produit selon lui. « Le tribunal tranche toujours en faveur de l’épouse. Il n’oblige jamais une femme à rester avec un homme dont elle ne veut plus car, s’il la retient, il commet un des péchés les plus graves de la Torah », tonne Raphaël Sadin. Rivka Perez raconte d’ailleurs que son expérience a été positive. « J’avais peur de la réaction des rabbins mais ils ont été bienveillants et ont fini par donner à mon ex le statut de « mari récalcitrant », « ce qui signifie que des mesures sévères pouvaient être prononcées contre lui ». Ils ont ensuite déployé l’artillerie lourde vis-à-vis de cet homme qui refuse obstinément de la laisser partir : « Les rabbins ont lancé à son encontre une mesure d’exclusion de la communauté juive. C’est une des sanctions les plus dures qui puissent être prononcées. Aucun juif n’avait plus le droit de lui parler, il était exclu des synagogues… » Effrayé par les conséquences de cette décision juridique que Rivka diffuse à toutes les communautés juives de France, son ex signe les papiers du divorce en quelques jours à peine.

    L’ingéniosité de la loi juive ne cesse d’émerveiller Katy Bisraor Ayache. Sous son fichu, cette petite femme constamment affairée est avocate rabbinique. Un métier qui n’existe que depuis une trentaine d’années. « J’ai fait des études très poussées en religion pour aider des femmes à se défendre devant les tribunaux rabbiniques », explique cette Française d’origine dont la rencontre sur un parking de la ville balnéaire de Netanya tient du miracle, tant son agenda est plein. On fait appel à elle dans tout le pays car ses compétences sont rares et respectées. « Quand les juges me voient arriver, il y a comme un wouahou dans la salle. Ils savent que je suis une coriace », rigole celle qui a aidé Rivka à quitter son mari.

    L’art de la menace
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    #Égalité #divorce #femmes #sexisme #famille #domination_masculine #masculinisme #mariage #religion #israel #violence #patriarcat #politique #couple

    • Un oui soviétique à l’égalité salariale dans le Jura Vincent Bourquin
      
      https://www.letemps.ch/suisse/un-oui-sovietique-legalite-salariale-jura

      Plus de 88% des Jurassiennes et des Jurassiens ont dit oui à l’initiative « Egalité salariale : concrétisons ! » Des mesures concrètes seront soumises prochainement au parlement.


      Score triomphal dans le Jura. L’initiative populaire « Egalité salariale : concrétisons ! » a été acceptée par plus de 88,3% des votants. Le gouvernement et tous les partis politiques, y compris l’UDC, soutenaient ce texte lancé il y a quatre ans par le syndicat Unia Transjurane.

      Les Jurassiennes et les Jurassiens sont donc quasiment unanimes pour demander que des mesures concrètes soient prises afin de mettre fin aux inégalités salariales entre hommes et femmes. Des inégalités particulièrement criantes dans le dernier-né des cantons : en 2017, l’écart y était de 23%, ce qui en faisait le plus mauvais élève du pays.
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    • Suisse : Où en est le mouvement de la grève féministe, qui bat le pavé ce lundi ?

      https://www.letemps.ch/societe/mouvement-greve-feministe-bat-pave-lundi

      Après la mobilisation historique de 2019, la claque des statistiques pendant la pandémie, et l’annonce mercredi dernier du relèvement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes... « Le Temps » a sondé les espoirs et déceptions du mouvement à travers la voix d’une de ses représentantes, Tamara Knezevic.


      Sonnez haut-parleurs, résonnez casseroles : la grève féministe https://www.14juin.ch a lieu ce lundi 14 juin – galvanisée par l’annonce, mercredi dernier, du relèvement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes. Le projet d’harmonisation entre travailleurs et travailleuses, rejeté à plusieurs reprises dans les urnes et adopté par le parlement ce printemps, devrait figurer en bonne place sur les pancartes brandies dans les cortèges. Le Temps a sondé les espoirs et déceptions du mouvement à travers la voix d’une de ses représentantes, Tamara Knezevic.
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    • #Suisse : Grève féministe ce Lundi 14 Juin 2021
      https://www.14juin.ch

      Deux ans après la légendaire Grève des femmes* de 2019, la situation en matière d’égalité des sexes reste insatisfaisante : sans le travail rémunéré, mal rémunéré et non rémunéré des femmes, la société ne pourrait pas fonctionner, encore moins avec l’actuelle pandémie du COVID-19. Et pourtant, les conditions de travail et les salaires des professions dites « d’importance systémique » dans lesquelles travaille une majorité de femmes, sont toujours mauvais. Les employeurs et employeuses, comme le discours politique dominant, ne veulent pas que cela change. Et le Conseil fédéral nous présente sa stratégie « Égalité 2030 », qui ne va pas améliorer la lamentable situation dans laquelle nous nous trouvons, mais prévoit le relèvement de l’âge de la retraite des femmes. À cela, nous disons : pas question !


      Les femmes souffrent de graves lacunes de revenu parce que ce sont elles qui assument la responsabilité en ce qui concerne les enfants et les proches dépendant de soins. Le risque, pour elles, de basculer dans la pauvreté une fois à la retraite est en conséquence élevé, car leurs rentes ne permettent guère de vivre. Cependant, au lieu d’améliorer ces rentes, le Conseil fédéral et le Conseil des États veulent, avec le projet AVS 21, augmenter l’âge de la retraite des femmes. Pour toutes les femmes, un affront !

      Les places dans les crèches et les écoles à horaire continu, qui devraient alléger la charge des femmes, sont clairement sous-financées ; cela, au détriment des familles, qui doivent payer des contributions records, du personnel, qui manque de temps pour faire son travail, ainsi que de la qualité qui pâtit d’une logique prônant les économies. Or, cette tâche, qui relève de l’ensemble de la société, devrait reposer sur un financement solidaire assuré par les collectivités publiques !

      Et finalement, la différence de salaire entre les hommes et les femmes s’est même creusée entre 2014 et 2018, au lieu de diminuer, surtout parce que les discriminations salariales se sont accentuées. Cela, bien que les femmes aient dépassé depuis longtemps les hommes en matière de formation, parce que la valeur des femmes et de leur travail reste moins reconnue ! 

      La Commission des femmes de l’USS demande pas conséquent instamment, deux années après la Grève des femmes
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  • Penser la place des femmes rurales des Suds dans la justice climatique

    La justice climatique, c’est penser l’#égalité de tous et de toutes face aux #changements_climatiques et à leurs effets. L’action des femmes en faveur de la justice climatique est au cœur d’une des Coalitions d’action du Forum Génération Egalité, dont la conclusion est attendue à Paris début juillet 2021. L’« action féministe pour le climat et la justice » cible notamment le milieu rural, et mentionne explicitement les enjeux liés à l’accès à la #terre et aux #droits_fonciers des femmes et des filles. En effet, dans les régions où l’#agriculture_familiale domine, ces dernières sont souvent très fortement exposées aux changements climatiques.

    Depuis une trentaine d’années, l’articulation entre les questions de #genre et d’égalité femmes-hommes, d’une part, et les questions environnementales, d’autre part, a gagné en importance dans les discussions internationales : références au rôle des femmes dans le développement durable lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, objectifs détaillés sur les femmes et l’environnement dans le Programme d’Action de Beijing en 1995, adoption d’un plan d’action genre pour la CCNUCC et les COP à Lima en 2014, etc. En ce qui concerne plus spécifiquement l’aide au développement, la prise en compte conjointe du « genre » et du « climat » fait désormais l’objet d’une attention croissante dans les stratégies et les financements des bailleurs de fonds, approche qui se répercute sur les politiques des pays récipiendaires de l’aide.

    Basé sur un travail de recherche portant sur l’articulation entre genre et adaptation aux changements climatiques dans l’aide publique au développement, réalisé à travers l’exemple du secteur agricole malien, cet article présente un état des lieux des principaux enjeux à l’intersection du genre, de l’agriculture familiale et des changements climatiques. Il analyse ensuite les réponses apportées par l’aide au développement, afin d’esquisser les principales priorités en termes de justice climatique pour les femmes rurales des Suds.

    Les femmes rurales maliennes en première ligne des changements climatiques

    Généralement présenté comme appartenant à la catégorie des PMA, les pays les moins avancés, ou, moins pire, à celles des pays en développement, le Mali, ancienne colonie française, est un pays continental sahélien d’Afrique de l’Ouest qui s’étend sur 1,24 million de km². Plus de la moitié de la population malienne, estimée à 19,6 millions d’habitant·e·s par la Banque mondiale en 2019, vit en milieu rural, et le secteur agricole mobilise 60 à 70% de la population active (Leyronas, Boche et Baudet, 2020). Malgré cela, la population malienne fait régulièrement face à l’insécurité alimentaire et la production agricole domestique ne permet pas de couvrir la totalité des besoins de la population. Adoptée en 2013, la Politique de Développement Agricole du Mali vise à répondre à ces besoins de manière durable, et est mise en œuvre en grande partie à travers des projets financés, pour la plupart, par l’aide publique au développement.

    Compte tenu de l’étendue du territoire national et de la diversité de l’organisation sociale, il existe au Mali une grande variété de systèmes agraires. A l’exception de la zone saharienne, au Nord du pays, ces systèmes agraires sont de type sahélo-soudaniens, c’est-à-dire définis par l’existence de systèmes de culture à jachère et élevage associé, et caractérisés par une saison sèche et une saison des pluies marquées (Dufumier, 2004). L’agriculture est essentiellement familiale, c’est-à-dire qu’elle repose sur l’interdépendance de la production agricole et de la cellule familiale, et absorbe une main d’œuvre familiale non salariée, notamment les femmes. Faible consommatrice d’intrants, cette agriculture dépend souvent fortement des ressources naturelles, et, par conséquent, est significativement impactée par les effets directs ou indirects des changements climatiques : sécheresses ou variations de la pluviométrie, invasions acridiennes, etc. Dans ce contexte, l’adaptation aux changements climatiques, en d’autres termes l’ajustement au climat actuel ou attendu et à ses conséquences (GIEC, 2014), est devenue un enjeu majeur pour l’agriculture et, plus globalement, le secteur primaire du Mali.

    A l’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, il règne au sein de la plupart des systèmes agraires maliens une division sexuée du travail agricole : selon leur genre, et parfois d’autres caractéristiques comme leur âge, les membres de la famille ont des responsabilités différenciées en termes de production, voire de tâches au sein des itinéraires techniques. Par exemple, dans les systèmes agraires soudano-sahéliens, on retrouve souvent le chef de famille à la tête de la production principale, céréales et/ou filière de rente, tandis que les femmes sont en charge des activités essentiellement destinées à la reproduction de la famille, comme le maraîchage et le petit élevage. En résultent des inégalités dans l’accès aux moyens de production (semences et autres intrants, outils et matériel agricole, etc.) et, de fait, des capacités à faire face aux effets des changements climatiques qui varient selon les personnes : c’est la vulnérabilité différenciée aux changements climatiques. L’analyse en termes de vulnérabilité aux changements climatiques différenciée selon le genre met en évidence des impacts négatifs de l’évolution du climat plus importants pour les femmes que pour les hommes. Au-delà des moyens de production, capital physique, les différences structurelles entre les femmes et les hommes en termes d’accès aux ressources telles que le capital humain, financier, social et politique (Goh, 2012) influent sur le niveau de vulnérabilité aux changement climatiques.

    Les solutions insatisfaisantes de l’aide publique au développement

    L’aide publique au développement, à travers le financement de projets, participe à la mise en œuvre de la politique agricole du Mali. Ces projets sont déterminés par un certain nombre d’engagements stratégiques, qui influencent l’intégration des enjeux de genre et d’égalité femmes-hommes, d’une part, et des enjeux d’adaptation aux changements climatiques, d’autre part. Il s’agit notamment des engagements internationaux pris par le Mali sur le genre et le climat, et des politiques et stratégies genre des organismes financeurs de l’aide au développement. On observe une prise en compte croissante des enjeux de genre et de climat dans les projets de développement agricole mis en œuvre au Mali, avec l’intégration transversale des enjeux de genre dans les projets (gender mainstreaming), et/ou la définition de projets dont l’objectif est justement l’autonomisation des femmes (women empowerment) et leur renforcement de capacités face aux enjeux climatiques. L’analyse permet ainsi d’identifier trois grands types de projets de développement agricole associant enjeux de genre et enjeux climatiques :

    Les projets dont l’objectif principal est de réduire les inégalités de genre en termes de vulnérabilités aux changements climatiques : renforcement de capacités et appui aux activités féminines, en particulier celles qui sont particulièrement exposées aux effets des changements climatiques ;
    Les projets dont l’objectif principal est la réduction des inégalités de genre dans le secteur agricole, notamment à travers l’autonomisation économique des femmes, et qui intègrent une dimension d’adaptation aux changements climatiques : appui aux activités et aux organisations professionnelles de femmes, avec une composante spécifique sur l’adaptation (sensibilisation aux enjeux, diffusion de nouvelles techniques, par exemple) ;
    Les projets qui visent d’abord l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques, et qui ont un impact secondaire en termes de genre et d’égalité femmes-hommes : par exemple, un projet visant à renforcer des services d’information météorologiques qui intégrerait des formations spécifiquement dédiées aux femmes.

    L’étude des résultats des projets révèle toutefois un certain nombre de limites, qui ne permettent pas de généraliser quant à la prise en compte conjointe des enjeux de genre et des enjeux climatiques dans les projets agricoles. En effet, les deux thématiques demeurent fortement cloisonnées. Généralement, les objectifs liés au genre et au climat ne sont pas intégrés dès la conception des projets et, lorsque c’est le cas, sont souvent traités séparément. Dans le document de Politique de développement agricole du Mali, le genre, comme le climat, n’apparaissent que ponctuellement et, de plus, que comme des « co-bénéfices » : si les projets ont des impacts positifs d’un point de vue environnemental et/ou social, tant mieux, mais leur prise en compte n’est pas présentée comme la condition sine qua non à un développement économique durable. En parallèle, dans la Politique Nationale Genre de 2011, l’agriculture, le développement rural et la préservation de l’environnement ne constituent pas des priorités pour le Mali, ces dernières se concentrant sur l’éducation et la santé, notamment maternelle et infantile. En résulte un manque de moyens dédiés aux enjeux agricoles et environnementaux au niveau du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille (MPFEF), en charge de la mise en œuvre de cette politique. Ce cloisonnement entre les thématiques ne permet pas de penser systématiquement la résilience des femmes rurales aux changements climatiques.

    Plus largement, ce sont les approches encouragées par l’aide au développement qui posent problème. D’une part, les approches projets, qui ont des impacts limités dans l’espace et dans le temps alors même qu’il s’agit de penser des changements structurels, que l’on s’intéresse aux rapports sociaux de sexe, à l’adaptation aux changements climatiques, à la vigueur de l’agriculture ou aux trois à la fois. D’autre part, une partie des approches des bailleurs de fonds en termes d’aide au développement se concentre sur des objectifs de croissance économique avant tout, qui ne permettent pas de s’adresser prioritairement aux enjeux environnementaux et sociaux.

    Repolitiser les approches genre et climat dans l’agriculture

    Ainsi, il apparaît indispensable de repenser les enjeux de genre et les enjeux climatiques et leur articulation, en particulier dans les interventions liées au secteur agricole. Tantôt « vulnérable », tantôt « agente de changement », la femme malienne est toujours présentée comme ayant trop d’enfants – une entrave certaine au bon développement économique de son pays (Traoré, 2018 ; Dorlin, 2017) – et peu impactée par les questions environnementales. D’après la littérature de l’aide, il n’existerait qu’une seule façon d’être femme au Mali, en témoigne l’usage récurrent du singulier. Uniformes, décontextualisées et déconnectées des pratiques locales, les approches genre portées par l’aide au développement participent à une institutionnalisation du genre, ignorant les contextes sociaux et politiques et dépolitisant le concept de genre (Cirstocea, Lacombe et Marteu, 2018). Or, la société malienne, à l’instar de toutes les sociétés humaines, n’est ni homogène ni figée. Le groupe « femmes rurales » ne fait pas exception. D’âges différents, instruites ou non, appartenant à différentes classes sociales ou communautés, mariées ou non, mères ou non, etc. : de fait, les femmes rurales maliennes ne sont pas toutes confrontées de la même manière aux changements climatiques et à leurs effets. Il est urgent de systématiser une perspective intersectionnelle dans l’analyse, afin de pouvoir mieux identifier la diversité des besoins rencontrés par les femmes rurales maliennes face aux changements climatiques (Gonda, 2019).

    Peut-être est-il aussi temps d’écouter réellement les premières concernées. En effet, l’étude de l’articulation des enjeux de genre et de climat dans la mise en œuvre de l’aide au développement révèle généralement un manque voire une absence de prise en compte de la parole des femmes rurales dans la définition des approches et programmes. Des approches imposées par le haut, qui font souvent fi de réalité locales et intègrent insuffisamment les organisations de base et leurs expériences dans les actions de développement agricole. D’après une étude conduite en 2016 par l’OCDE, seulement 2% des financements « climat » de l’aide publique au développement sensibles au genre étaient orientés vers les organisations de la société civile. Or, ce sont bien ces organisations, en particulier celles bénéficiant d’un ancrage local solide, qui accompagnent les femmes rurales vers une meilleure prise en compte de leurs besoins, notamment par le plaidoyer auprès d’institutions locales et nationales sur des thématiques telles que l’accès au foncier et aux moyens de production, le renforcement de capacités, le développement et la mise en œuvre d’activités agricoles résilientes aux changements climatiques et à leurs effets. L’urgence est donc de cibler prioritairement ce type d’organisations dans le déploiement de l’aide.

    Enfin, l’analyse de la prise en compte des enjeux de genre et de climat dans l’aide au développement plaide pour une refonte globale de cette dernière. Les retours d’expérience mettent en évidence l’efficacité limitée de l’approche par projets, qui constituent une réponse de court ou moyen terme à des transformations nécessaires sur le long terme. Il en va de même quant au périmètre géographique des interventions, souvent trop limité pour amorcer de véritables changements structurels. De plus, il importe aujourd’hui d’abandonner les schémas néolibéraux, basés prioritairement sur la création de richesse, qui orientent encore en grande partie l’aide au développement. Dans ces perspectives, l’égalité entre les femmes et les hommes constitue un moyen au service de la croissance économique, et non une fin en soi, et l’objectif économique prime sur la préservation de l’environnement. Dès lors, le concept de genre est dépolitisé et la promotion de l’intégration du genre peut même s’inscrire dans le paradigme néolibéral dominant. Afin que les femmes rurales soient au premier plan de la justice climatique, il convient donc de systématiser une approche par les droits, et de mettre de véritables moyens au service de celle-ci.

    Ainsi, en dépit d’ambitions significatives affichées en matière de genre et de climat, l’aide au développement parvient peu à répondre aux besoins réels des femmes rurales et à dépasser une vision souvent réductrice de l’organisation sociale du pays. Affichant des engagements forts et basés sur des partenariats entre, notamment, les Etats, la société civile, les organisations internationales et philanthropiques, espérons que le Forum Génération Egalité aboutisse sur un changement de paradigme en ce qui concerne la place des femmes rurales des Suds dans l’aide au développement.

    https://agrigenre.hypotheses.org/3374

    #femmes #femmes_rurales #Suds #justice_climatique #rural #Mali #APD #aide_au_développement #coopération_au_développement

  • Le handicap, enjeu de justice sociale

    Par Pierre-Yves Baudot et Emmanuelle Fillion

    https://aoc.media/analyse/2021/05/20/le-handicap-enjeu-de-justice-sociale/?loggedin=true

    À la demande d’AirFrance, d’Airbus et de la SNCF, ce mercredi 19 mai des activistes handicapé·es ont été condamné·es par un tribunal de Toulouse à des peines de prison avec sursis, des amendes et à verser des dommages et intérêts pour « entrave à la circulation » pour avoir occupé en 2018 des gares et des aéroports ne respectant pas leurs obligations en matière d’accessibilité. Face à un tel verdict, il est plus que temps de faire du handicap un « problème public », un vecteur de mobilisation majeur, qui devrait ébranler les organisations partisanes jusqu’alors sourdes à endosser cette cause politique.

    Deux événements ont récemment sorti la question du handicap des couloirs du ministère des Affaires sociales et confirmé ce que les mobilisations des Gilets jaunes, en réunissant une proportion importante de personnes handicapées, avaient déjà montré : le handicap est un enjeu de justice sociale, à l’intersection notamment des enjeux de genre, de race et d’inégalités sociales.

    Se saisissant de l’opportunité offerte depuis le mois de janvier 2020, une pétition demandant le réexamen des conditions d’éligibilité à l’allocation adulte handicap (AAH) a été déposée sur le site du Sénat [1]. Cette pétition a dépassé le seuil requis des 100 000 signatures (108 627) pour être inscrite à l’ordre du jour des échanges sénatoriaux. Contre l’avis de Sophie Cluzel, secrétaire d’État aux personnes handicapées, le Sénat a adopté une proposition de loi dans ce sens et l’a renvoyée vers l’Assemblée nationale qui devra trancher le 17 juin prochain.

    C’est d’abord la question posée qui importe : ce minimum social doit-il être calculé en fonction des revenus du conjoint, rendant ainsi dépendante la personne handicapée de ce dernier, ou faut-il individualiser cette prestation, pour en faire une ressource propre ?

    Cette question est celle, plus large, de la déconjugalisation des prestations sociales. Ceci explique peut-être que cette pétition ait rencontré un tel succès, bien au-delà du monde du handicap, alors qu’elle porte sur une allocation qui n’a jamais concerné que celles et ceux qui franchissent les portes d’une Maison départementale des personnes handicapées pour demander la reconnaissance administrative de leur incapacité à travailler.

    Des féministes – handicapées ou non – se sont alliées à cette mobilisation, indignées d’une mesure entraînant une dépendance conjugale, économique, relationnelle et psychologique, spécialement à risque pour les femmes qui sont les victimes des violences conjugales, et plus encore pour les femmes handicapées qui subissent davantage de violences sexuelles que les autres femmes.

    C’est ensuite la forme qui éveille l’attention : exceptionnellement, cette avancée législative n’est pas due au travail de négociations prudentes et autorégulées que les grandes associations gestionnaires assurent depuis les années 1950 avec les autorités publiques, mais à la mobilisation, sur les réseaux sociaux, de tout un ensemble de petits collectifs composés de personnes dont beaucoup n’avait jamais eu jusqu’ici une quelconque audience dans l’espace confiné des arènes décisionnelles.

    Le deuxième événement s’est déroulé au tribunal judiciaire de Toulouse. Le 23 mars dernier, 16 activistes handicapé·es étaient jugé·es pour « entrave à la circulation », à la demande d’AirFrance, d’Airbus et de la SNCF, pour avoir occupé en 2018 des gares et des aéroports ne respectant pas leurs obligations en matière d’accessibilité. Elles risquaient des peines de prison et 18 000 euros d’amende. Mais du procès d’activistes handicapé·es en lutte pour réclamer l’application de la loi, ce procès est devenu aussi celui de l’inaccessibilité de la Justice et, plus largement, du retard français en matière d’accessibilité de l’espace public.

    Ces mobilisations récentes construisent le handicap comme cause politique.

    Les difficultés ont commencé dès l’arrivée au tribunal : occupé par les forces de l’ordre et barré de marches, l’accès était doublement impossible aux militant·es. L’audience ne s’est pas mieux déroulée : une accusée malvoyante n’avait pu prendre connaissance du dossier, faute de transcription des pièces en braille. Le tribunal n’a pu entendre l’une des accusées, faute d’avoir prévu un·e interprète. Et lorsque l’audience s’est enfin achevée, tard dans la soirée, il n’y avait plus de transports adaptés pour que les personnes puissent rentrer chez elles…

    Les militant·es ont fini par occuper le tribunal pour avoir le droit d’en partir. Renouant avec une tradition militante, ces activistes ont fait du procès une tribune pour défendre leur cause. Le jugement a été rendu mercredi 19 mai. 15 des 16 prévenu·es ont été condamné·es à des peines de prison avec sursis, tou·tes à verser des dommages et intérêts et condamné·es à des amendes. Un appel a été interjeté.

    Ces mobilisations récentes construisent le handicap comme cause politique. Elles assument une conflictualité accrue et renouvelée avec les élu·es et l’administration. Les mouvements handicapés contestataires sont longtemps restés très marginaux en France, à la différence des pays anglo-américains où ils se sont inscrits très tôt dans la dynamique des luttes pour les droits, aux côtés des mouvements féministes, pacifistes, des mouvements de lutte pour les civils rights des Noirs Américains et des autres minorités racisées.

    Il y a 44 ans, les activistes handicapé·es, soutenu·es par Brad Lomax et des militants du Black Panther Party, occupaient un immeuble fédéral à San Francisco pour obtenir la mise en œuvre des dispositions prévues par le Rehabilitation Act de 1973 [2]. Les mobilisations des personnes handicapées affirment à nouveau, dans la continuité des revendications des années 1970, que la mise en accessibilité de la société est une question de justice sociale.

    Elles ne demandent ni la charité accordée à une population « à part », ni des réponses techniques et ponctuelles. Elles demandent une transformation des normes, tout autant architecturales que sociales, barrant l’accès complet de toutes et tous à la société. L’inclusion ne revient donc pas à concéder une place, mais consiste à transformer les règles, les usages et les principes en vertu desquels les places sont distribuées.

    Ces nouvelles formes d’engagement bousculent le compromis ambigu établi autour de la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Cette loi avait été présentée comme une rupture majeure : en faisant entrer le handicap dans le champ des politiques de lutte contre les discriminations, elle a suscité d’importants espoirs.

    Des évolutions notables ont été perceptibles. Mais des promesses demeurent non tenues : la convergence des politiques et des allocations dépendance et handicap est annoncée depuis 2004, et l’a été, encore une fois, par le gouvernement actuel qui a, comme ses prédécesseurs, annoncé un report du calendrier.

    Des renoncements éloquents ont aussi marqué ces dernières années : la mise en place des Agendas d’accessibilité programmée en 2016 (Ad’Ap) qui viennent entériner l’échec de l’obligation de mise en accessibilité prévue par la loi de 2005 pour 2015. L’échec s’est ensuite fait recul : la loi Elan de 2018 revient sur le principe de mise aux normes d’accessibilité de 100 % des logements neufs, pour la placer à seulement 20 %.

    L’inclusion ne revient pas à concéder une place, mais consiste à transformer les règles, les usages et les principes en vertu desquels les places sont distribuées.

    Ces reculs et ces renoncements ont des conséquences concrètes pour les personnes handicapées. Plus de 15 ans après l’adoption de la loi de 2005, elles subissent toujours de plein fouet certaines injustices : un taux de pauvreté massif, dix années d’espérance de vie en moins en moyenne, un taux de chômage double, qui dure en moyenne plus longtemps, un quart à peine des enfants en situation de handicap accédant à un niveau CM2…

    Encore les données statistiques ne disent-elles pas tout des situations ordinaires, multiples et répétées de marginalisation et de discriminations dont les personnes handicapées sont l’objet : dans l’emploi, l’éducation, mais aussi l’accès aux soins, à la culture, la liberté de déplacement, la participation à la vie politique… Marginalisation accrue depuis un an par la crise sanitaire.

    L’accroissement des inégalités et les reculs politiques suscitent des revendications et des formes d’engagement plus offensives, prenant leurs distances avec les échanges pacifiés entre administration, ministères et associations gestionnaires qui président aux destinées des politiques du handicap depuis le milieu des années 1950. Ces revendications prennent appui sur les engagements internationaux de la France, exigeant le respect des conventions internationales, comme la Convention Internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), signée en 2006 par l’ONU et ratifiée par la France en 2010.

    Dans ce contexte de mobilisations accrues, l’absence des partis de gauche est troublante. Certes, le « problème public » du handicap a été longtemps approprié par des associations et des acteurs de parents proches du catholicisme. Certes, le consensus entourant la loi du 11 février 2005 a pu freiner l’émergence de voix protestataires. Mais le renouveau des mouvements sociaux français autour de la question du handicap et le développement depuis 15 ans, en France, de recherches sur le handicap ont bousculé ce statu quo.

    Des questions ont émergé, comme celles des violences faites aux femmes handicapées, jusqu’à peu totalement ignorées de la statistique publique. Ces mouvements sociaux sont donc porteurs d’alternatives nouvelles. Celles-ci ne trouvent toutefois que peu ou pas d’écho politique dans les organisations politiques de gauche. La question avait pu être traitée au début des années 2000 et déboucher sur l’adoption de la loi de 2005 notamment parce qu’il existait, au sein de quelques organisations partisanes, des équipes thématiques pérennes portant ce sujet dans l’agenda du parti, puis parfois dans les ministères, quand elles parvenaient au pouvoir.

    À quelques rares exceptions près, la faiblesse de l’expertise sur le handicap dans les organisations politiques, leur difficulté – ou leur réticence – à le traiter d’un point de vue global et transversal ne peut manquer de surprendre. Non seulement parce que ce ne sont pas moins de 12 millions de Français qui sont concernés, mais aussi parce que le handicap est, en soi, un enjeu de justice et qu’il constitue à ce titre un point à partir duquel envisager des modalités nouvelles de protection sociale, d’organisation politique, de conditions de travail et d’égalité réelle.

    Alors que les élections présidentielles approchent, ces nouvelles mobilisations et revendications disent, qu’au-delà des appels parfois un peu incantatoires à l’inclusion et à la diversité, une autre politique (du handicap) est attendue.

    (NDLR : Pierre-Yves Baudot et Emmanuelle Fillion ont codirigé l’ouvrage Le handicap cause politique, récemment publié aux Presses Universitaires de France, dans la collection « La vie des idées ».)

    [1] Le Sénat permet de déposer une pétition ou de soutenir une pétition déjà publiée. Si plusieurs conditions sont réunies – dont le fait de réunir plus de 100000 signatures -, ces pétitions peuvent soutenir une demande d’inscription à l’ordre du jour d’un texte législatif ou de création d’une mission de contrôle sénatoriale.

    [2] L’excellent documentaire nommé aux Oscars, Crip Camp : a Disability Revolution, réalisé par Nicole Newnham et James LeBrecht (2020) relate cette histoire sur la base d’archives et d’interviews.

    Pierre-Yves Baudot

    Sociologue

    Emmanuelle Fillion

    Sociologue, Professeure de sociologie à l’EHESP et chercheuse au laboratoire ARENES

    #handicap #egalite #justice #droits_sociaux

  • Le rôle des femmes pendant la Commune
    Entretien avec Michèle Audin

    https://lavoiedujaguar.net/Le-role-des-femmes-pendant-la-Commune-Entretien-avec-Michele-Audin

    Michèle Audin, mathématicienne et écrivaine, a écrit plusieurs ouvrages sur la Commune de Paris et anime le blog macommunedeparis. Elle répond ici à quelques questions de la revue Courant alternatif.

    Il ne faut pas limiter le rôle des femmes aux barricades et à la guerre. Beaucoup d’entre elles se sont exprimées publiquement, notamment à l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés et dans plusieurs clubs, certainement elles ont parlé de leurs conditions de vie, de leurs désirs, et exprimé des revendications. J’en reparlerai… Il y a un biais dans ce que nous savons. Ce qui a été dit dans les clubs a peu (ou pas) été conservé, en particulier ce que les femmes ont dit. En effet, nous avons quelques écrits ou témoignages de femmes qui ont participé à la guerre et, surtout, nous avons les dossiers de conseils de guerre qui, forcément, concernent, pour beaucoup d’entre eux, des femmes arrêtées pendant la « semaine sanglante », donc des actrices de la guerre.

    Je vais dire quelques mots, d’elles et de la façon dont leur histoire est arrivée jusqu’à nous. Si ça ne vous ennuie pas, je vais omettre les moins inconnues, comme André Léo, Paule Minck et même Nathalie Le Mel, pour parler de quatre femmes peu connues (de trois d’entre elles, nous avons des textes).

    Victorine Brocher est maintenant moins inconnue, mais c’est assez récent, son livre était un peu oublié jusqu’à ce qu’un éditeur désireux de le faire connaître l’ait repris il y a quelques années. Elle l’avait d’ailleurs signé Victorine B... (et Brocher n’est que le nom de son deuxième mari). C’était une piqueuse de bottines, issue d’une famille de révolutionnaires de 1848. Assez motivée politiquement, elle a été membre de l’Association internationale des travailleurs et a participé au mouvement coopératif à la fin de l’Empire. Pendant le siège de Paris, puis pendant la Commune, elle s’est engagée comme cantinière. Pendant la Commune, son bataillon est celui des « Turcos de la Commune », qui est assez actif dans la guerre, notamment au fort d’Issy, qui défend Paris, dans la direction d’où arrivent les versaillais. Pendant la « semaine sanglante », elle réussit à se cacher, mais une autre femme est exécutée qui est « reconnue » comme elle, elle est donc réputée morte, c’est pourquoi elle intitule son livre Souvenirs d’une morte vivante. (...)

    #Michèle_Audin #Commune #femmes #Victorine_Brocher #Alix_Payen #Nathalie_Le_Mel #Association_internationale #féministes #égalité #Eugène_Varlin #Louise_Michel

  • Langage égalitaire : vers une rationalisation des procédés et des approches

    L’écriture inclusive, vaste sujet de polémique de ces dernières années, « péril mortel » pour certaines personnes, relève d’enjeux historiques et sociaux de plusieurs siècles. À partir d’une histoire de la #langue et des #femmes, l’historienne Éliane Viennot a étudié le phénomène de #masculinisation de la #langue_française, sous l’impulsion de l’#Académie_française, dès le 17e siècle. Le #langage n’est pas immuable, il se construit socialement selon des codes et au fil des siècles, il participe à l’#invisibilisation des femmes à travers un credo bien célèbre : « le masculin l’emporte sur le féminin. » Éliane Viennot propose des recommandations d’usage pour un #langage_égalitaire qui intègre les femmes et les hommes. Du #point_médian et des #accords jusqu’à la féminisation des #noms_de_métiers, ces usages interrogent les #représentations de #genre dans nos sociétés à travers l’écrit.

    https://journals.openedition.org/chrhc/14838

    #écriture_inclusive #histoire #égalité

  • La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles)

    Dans quelle galère sommes-nous allé•es pointer notre nez en nous lançant dans ces réflexions sur la race ? Complaisance à l’air du temps saturé de références au racisme, à la #racialisation des lectures du social, diront certain•es. Nécessaire effort épistémologique pour contribuer à donner du champ pour penser et déconstruire les représentations qui sous-tendent les violences racistes, pensons-nous.

    Moment saturé, on ne peut guère penser mieux… ou pire. Évidemment, nous n’avions pas anticipé l’ampleur des mobilisations contre les #violences_racistes de cet été aux États-Unis, mais nous connaissons leur enracinement dans la longue durée, l’acuité récente des mobilisations, que ce soit « #black_lives_matter » aux États-Unis ou les #mobilisations contre les #violences_policières qui accablent les plus vulnérables en France. L’enracinement aussi des #représentations_racialisées, structurant les fonctionnements sociaux à l’échelle du globe aujourd’hui, d’une façon qui apparaît de plus en plus insupportable en regard des proclamations solennelles d’#égalité_universelle du genre humain. Nous connaissons aussi l’extrême #violence qui cherche à discréditer les #protestations et la #révolte de celles et ceux qui s’expriment comme #minorité victime en tant que telle de #discriminations de races, accusé•es ici de « #terrorisme », là de « #communautarisme », de « #séparatisme », de vouloir dans tous les cas de figure mettre à mal « la » république1. Nous connaissons, associé à cet #antiracisme, l’accusation de #complot dit « #décolonial » ou « postcolonial », qui tente de faire des spécialistes des #colonisations, des #décolonisations et des #rapports_sociaux_racisés des vecteurs de menaces pour l’#unité_nationale, armant le mécontentement des militant•es2. Les propos haineux de celles et ceux qui dénoncent la #haine ne sont plus à lister : chaque jour apporte son lot de jugements aussi méprisants que menaçants. Nous ne donnerons pas de noms. Ils ont suffisamment de porte-voix. Jusqu’à la présidence de la République.

    3L’histoire vise à prendre du champ. Elle n’est pas hors sol, ni hors temps, nous savons cela aussi et tout dossier que nous construisons nous rappelle que nous faisons l’histoire d’une histoire.

    Chaque dossier d’une revue a aussi son histoire, plus ou moins longue, plus ou moins collective. Dans ce Mot de la rédaction, en septembre 2020, introduction d’un numéro polarisé sur « l’invention de la race », nous nous autorisons un peu d’auto-histoire. Les Cahiers cheminent depuis des années avec le souci de croiser l’analyse des différentes formes de domination et des outils théoriques comme politiques qui permettent leur mise en œuvre. Avant que le terme d’« #intersectionnalité » ne fasse vraiment sa place dans les études historiennes en France, l’#histoire_critique a signifié pour le collectif de rédaction des Cahiers la nécessité d’aborder les questions de l’#exploitation, de la #domination dans toutes leurs dimensions socio-économiques, symboliques, dont celles enracinées dans les appartenances de sexe, de genre, dans les #appartenances_de_race. Une recherche dans les numéros mis en ligne montre que le mot « race » apparaît dans plus d’une centaine de publications des Cahiers depuis 2000, exprimant le travail de #visibilisation de cet invisible de la #pensée_universaliste. Les dossiers ont traité d’esclavage, d’histoire coloniale, d’histoire de l’Afrique, d’histoire des États-Unis, de l’importance aussi des corps comme marqueurs d’identité : de multiples façons, nous avons fait lire une histoire dans laquelle le racisme, plus ou moins construit politiquement, légitimé idéologiquement, est un des moteurs des fonctionnements sociaux3. Pourtant, le terme d’ « intersectionnalité » apparaît peu et tard dans les Cahiers. Pour un concept proposé par Kimberlé Crenshaw dans les années 1990, nous mesurons aujourd’hui les distances réelles entre des cultures historiennes, et plus globalement sociopolitiques, entre monde anglophone et francophone, pour dire vite4. Effet d’écarts réels des fonctionnements sociaux, effets de la rareté des échanges, des voyages, des traductions comme le rappelait Catherine Coquery-Vidrovitch dans un entretien récent à propos des travaux des africanistes5, effet aussi des constructions idéologiques marquées profondément par un contexte de guerre froide, qui mettent à distance la société des États-Unis comme un autre irréductible. Nous mesurons le décalage entre nos usages des concepts et leur élaboration, souvent dans les luttes de 1968 et des années qui ont suivi. Aux États-Unis, mais aussi en France6. Ce n’est pas le lieu d’évoquer la formidable énergie de la pensée des années 1970, mais la créativité conceptuelle de ces années, notamment à travers l’anthropologie et la sociologie, est progressivement réinvestie dans les travaux historiens au fur et à mesure que les origines socioculturelles des historiens et historiennes se diversifient. L’internationalisation de nos références aux Cahiers s’est développée aussi, pas seulement du côté de l’Afrique, mais du chaudron étatsunien aussi. En 2005, nous avons pris l’initiative d’un dossier sur « L’Histoire de #France vue des États-Unis », dans lequel nous avons traduit et publié un auteur, trop rare en français, Tyler Stovall, alors professeur à l’université de Berkeley : bon connaisseur de l’histoire de France, il développait une analyse de l’historiographie française et de son difficile rapport à la race7. Ce regard extérieur, venant des États-Unis et critique de la tradition universaliste française, avait fait discuter. Le présent dossier s’inscrit donc dans un cheminement, qui est aussi celui de la société française, et dans une cohérence. Ce n’était pas un hasard si en 2017, nous avions répondu à l’interpellation des organisateurs des Rendez-vous de l’histoire de Blois, « Eurêka, inventer, découvrir, innover » en proposant une table ronde intitulée « Inventer la race ». Coordonnée par les deux responsables du présent dossier, David Hamelin et Sébastien Jahan, déjà auteurs de dossiers sur la question coloniale, cette table ronde avait fait salle comble, ce qui nous avait d’emblée convaincus de l’utilité de répondre une attente en préparant un dossier spécifique8. Le présent dossier est le fruit d’un travail qui, au cours de trois années, s’est avéré plus complexe que nous ne l’avions envisagé. Le propos a été précisé, se polarisant sur ce que nous avions voulu montrer dès la table-ronde de 2017 : le racisme tel que nous l’entendons aujourd’hui, basé sur des caractéristiques physiologiques, notamment la couleur de l’épiderme, n’a pas toujours existé. Il s’agit bien d’une « #invention », associée à l’expansion des Européens à travers le monde à l’époque moderne, par laquelle ils justifient leur #domination, mais associée aussi à une conception en termes de #développement, de #progrès de l’histoire humaine. Les historien•nes rassemblée•es ici montrent bien comment le racisme est enkysté dans la #modernité, notamment dans le développement des sciences du 19e siècle, et sa passion pour les #classifications. Histoire relativement courte donc, que celle de ce processus de #racialisation qui advient avec la grande idée neuve de l’égalité naturelle des humains. Pensées entées l’une dans l’autre et en même temps immédiatement en conflit, comme en témoignent des écrits dès le 17e siècle et, parmi d’autres actes, les créations des « #sociétés_des_amis_des_noirs » au 18e siècle. Conflit en cours encore aujourd’hui, avec une acuité renouvelée qui doit moins surprendre que la persistance des réalités de l’#inégalité.

    5Ce numéro 146 tisse de bien d’autres manières ce socle de notre présent. En proposant une synthèse documentée et ambitieuse des travaux en cours sur les renouvellements du projet social portés pour son temps et pour le nôtre par la révolution de 1848, conçue par Jérôme Lamy. En publiant une défense de l’#écriture_inclusive par Éliane Viennot et la présentation de son inscription dans le long combat des femmes par Héloïse Morel9. En suivant les analyses de la nouveauté des aspirations politiques qui s’expriment dans les « #têtes_de_cortège » étudiées par Hugo Melchior. En rappelant à travers expositions, films, romans de l’actualité, les violences de l’exploitation capitaliste du travail, les répressions féroces des forces socialistes, socialisantes, taxées de communistes en contexte de guerre froide, dans « les Cahiers recommandent ». En retrouvant Jack London et ses si suggestives évocations des appartenances de classes à travers le film « Martin Eden » de Pietro Marcello, et bien d’autres évocations, à travers livres, films, expositions, de ce social agi, modelé, remodelé par les luttes, les contradictions, plus ou moins explicites ou sourdes, plus ou moins violentes, qui font pour nous l’histoire vivante. Nouvelle étape de l’exploration du neuf inépuisable des configurations sociales (de) chaque numéro. Le prochain sera consacré à la fois à la puissance de l’Église catholique et aux normes sexuelles. Le suivant à un retour sur l’histoire du Parti communiste dans les moments où il fut neuf, il y a cent ans. À la suite, dans les méandres de ce social toujours en tension, inépuisable source de distance et de volonté de savoir. Pour tenter ensemble de maîtriser les fantômes du passé.

    https://journals.openedition.org/chrhc/14393

    #histoire #race #Europe #revue #racisme

    ping @cede @karine4

    • propre lien:

      https://taz.de/Neues-Buch-von-Sahra-Wagenknecht/!5764480

      Die US-Theoretikerin Nancy #Fraser hat in dem Bündnis von Neoliberalismus und Linksliberalen eine Voraussetzung für den Aufstieg des Rechtspopulismus identifiziert. Ein „dröhnender Dauerdiskurs über Vielfalt“, so Fraser, habe die Forderungen nach sozialer Gleichheit verdrängt. Die Linke müsse sich wieder sozialer Gerechtigkeit zuwenden, aber ohne Minderheitenrechte zu vergessen.

      Auch Sahra Wagenknecht treibt die Frage um, warum die gesellschaftliche Linke partout nicht mehrheitsfähig wird. Sie knüpft in ihrer Streitschrift „Die Selbstgerechten“ an Frasers Kritik an und radikalisiert sie bis zur Unkenntlichkeit. Denn bei ihr sind der giftige Neoliberalismus und der nur scheinbar menschenfreundliche Linksliberalismus fast das Gleiche.

      „Die linksliberale Erzählung ist nichts als eine aufgehübschte Neuverpackung der Botschaften des Neoliberalismus. So wurde aus Egoismus Selbstverwirklichung, aus Flexibilisierung Chancenvielfalt, aus Verantwortungslosigkeit gegenüber den Menschen im eigenen Land Weltbürgertum.“

      [...]

      –------------
      cf. aussi:

      Interview:
      Sahra Wagenknecht: «In einer Demokratie muss man zur Grundlage nehmen, was die Menschen wollen, und nicht, was einige hippe Weltbürger schön finden»

      https://www.nzz.ch/international/deutschland/sahra-wagenknecht-identitaetspolitik-will-ungleichheit-ld.1611631

      [...]

      Die linken Parteien verlieren mehr und mehr aus den Augen, für wen sie eigentlich da sein müssen. Wir sind keine Interessenvertretung gutsituierter Grossstadt-Akademiker, sondern müssen uns vor allem für die einsetzen, die sonst keine Stimme haben: die in schlecht bezahlten Service-Jobs arbeiten, oder auch für die klassische Mittelschicht, etwa Handwerker und Facharbeiter, die oft keinen akademischen Abschluss haben. Debatten über Denk- und Sprachverbote gehen an den Bedürfnissen der Menschen vorbei.

      [...]

      #Wagenknecht #Allemagne #dieLinke #gauche_modérée #centre-gauche #cancel_culture #néolibéralisme

    • Ein Gespräch mit Sahra Wagenknecht über Identitäten, Wir-Gefühle, soziale Benachteiligung, den Begriff „Heimat“ sowie Umweltpolitik und Fridays for Future (Teil 1)

      https://www.heise.de/tp/features/Sahra-Wagenknecht-Was-wir-einfordern-muessen-ist-echte-Gleichbehandlung-602819

      [...]

      Die Lifestyle-Linken par exellence sind natürlich die Grünen. Sie werden hauptsächlich von dem Milieu gewählt, in dem diese Botschaften ankommen: Eher gutsituierte, akademisch gebildete Großstädter, die in Vierteln wohnen, in denen schon die Mieten garantieren, dass man mit Ärmeren oder Zuwanderern, soweit es sich nicht um Hochqualifizierte handelt, persönlich kaum in Kontakt kommt - und also auch nicht mit den mit Armut und Zuwanderung verbundenen Problemen. Die Wähler der Grünen verdienen im Schnitt mittlerweile mehr als die der FDP. Das reale Leben bewegt sich für viele in einer Art Filterblase.

      Die Grünen sind erfolgreich, weil sie die Lebenswelt, die Interessen und die kosmopolitischen und individualistischen Werte dieses Milieus repräsentieren. Die Frage ist nur: Sollten Parteien, die sich als links verstehen, mit den Grünen vor allem um diese Wählerschaft konkurrieren? Oder sollten sie nicht eher versuchen, wieder die Stimme derjenigen zu sein, die es schwer haben, denen Bildungschancen vorenthalten werden, die um jedes bisschen Wohlstand kämpfen müssen und sich heute großenteils von niemandem mehr vertreten fühlen? Für diese Menschen da zu sein, war jedenfalls mal der Anspruch der Linken.

      [...]

      Identität ist eine wichtige Sache - jeder Mensch hat Identitäten; und zwar meistens nicht nur eine. Ich etwa verstehe mich als Saarländerin, weil ich hier lebe, aber natürlich auch als Bürgerin dieses Landes und als Europäerin. Die entscheidende Frage ist, ob man die gemeinsamen Identitäten in den Vordergrund stellt, oder die, die spalten und den Unterschied von der Mehrheitsgesellschaft betonen - ob man also die Abstammung und die sexuelle Orientierung hervorhebt oder das, was Belegschaften und auch die große Mehrheit der Bevölkerung eint: Die meisten Menschen müssen von ihrer Arbeit leben, profitieren von einem starken Sozialstaat, sind nicht reich. Aber sie haben deutsche oder nicht-deutsche Eltern, sind homo- oder heterosexuell.

      [...]

      #Verts #Gauche_du_lifestyle #identité

    • Stéfanie #Roza, https://seenthis.net/messages/912250 ,
      et Judith Basad font valoir des arguments très similaires:

      Identitätspolitik: „Schlechtes Gewissen einer Wohlstandselite“ 26. April 2021, Florian Rötzer

      Judith Basad über Ihr Buch „Schäm dich!“, die Kritik an der Identitäts-, Gender- und Antirassismus-Politik und die Weltsicht von Sprachaktivisten

      https://www.heise.de/tp/features/Identitaetspolitik-Schlechtes-Gewissen-einer-Wohlstandselite-6022674.html

      [...]

      Eine solche Form (....) hat mit Foucault oder Derrida nichts mehr zu tun, da diese Philosophen keine politischen Prämissen aus ihren Theorien abgeleitet haben. Auch die Poststrukturalisten, die die Grundlage für das Gendern und den ganzen Sprachaktivismus bilden, haben nie gefordert, dass die Sprache etwa in staatlichen Institutionen verändert werden muss, um eine gerechtere Gesellschaft zu erreichen. Letztendlich wird dieses postmoderne Cherry-Picking betrieben, um eine Ideologie durchzusetzen, die nur noch in Hautfarben, Binaritäten und Feindbildern denkt. Das ist meiner Meinung nach sehr gefährlich.

      Sie sagen auch, es seien Menschen aus einer bestimmten Schicht, die diese Theorien verfolgen und diese Ideologie durchsetzen wollen. Wie würden Sie diese Schicht beschreiben?

      Für die Rechten sind es vor allem die „linksversifften Grünen“, sie meinen damit relativ wohlhabende Menschen, die keine großen Probleme haben. Was treibt diese Menschen an?

      Judith Basad: Dahinter steckt ein religiöses Bedürfnis, das meiner Meinung nach mit einer Wohlstandsverwahrlosung einhergeht. Denn bei denjenigen, die in dieser Bewegung am lautesten sind – die etwa im Netz andere als Rassisten beschimpfen und Veranstaltungen sprengen – handelt es sich um eine Bildungselite, die gerne damit angibt, dass sie Foucault und Judith Butler verstanden haben.

      Diese Art von Aktivismus ist deswegen so erfolgreich, weil sich alles ums Weißsein dreht. Motto: Wie können „wir Weißen“ bessere Menschen werden? Für mich ist ziemlich offensichtlich, dass dahinter ein schlechtes Gewissen einer Wohlstandselite steckt, die behütet aufgewachsen ist und nun für diesen Wohlstand Reue empfindet.

      Wenn weiße Studenten sich demonstrativ im Fernsehen, in Artikeln oder auf Social Media für ihre Hautfarbe schämen, dann ist das nichts anderes als die Sehnsucht nach Unterwerfung, Buße und Läuterung – damit man der Welt zeigen kann, dass man jetzt zu den moralisch Guten gehört.

      [...]

    • Dialektik: Von Gleichheit, Perspektive und Aktion
      25. April 2021 Gerhard Mersmann

      https://neue-debatte.com/2021/04/25/dialektik-von-gleichheit-perspektive-und-aktion

      [...]

      Die Auswüchse, die das Treiben der Identitären, der Inquisitoren, der Sektierer zeitigen, sind grotesk und sie dokumentieren, in welcher Sackgasse sich Gemeinwesen wie Politik befinden. Gesellschaftlicher Fortschritt, wie er auch immer beschrieben werden mag, ist einer Paralyse gewichen, die an Selbstzerstörung nicht mehr zu überbieten ist.

      Es liegt auf der Hand, dass es einen Weg zurück nicht mehr geben kann, und es ist offensichtlich, dass es so nicht mehr weitergehen kann. Wer das vorschlägt und die inquisitorische Befindlichkeitsprogrammatik weiter vorantreiben will, bietet keine Option für alles, was ein Gemeinwesen ausmacht.

      Die Sprachvergewaltigung, die Verhunzung von Texten, die Kreation absurder Begriffe, alles wird weiter getrieben, ohne dass sich dadurch eine Perspektive erkennen ließe, die einen gesellschaftlichen Nutzen hätte.

      Gleichheit, Perspektive und Aktion

      Das Kernstück einer Gesellschaft, die in die Zukunft weist, muss das Prinzip der Gleichheit sein. Wird das aufgegeben, dann bleibt nach dem Aufräumen der umherliegenden Fleischfetzen der individuellen Befindlichkeit das Recht des Stärkeren, welches von der Spaltung begünstigt wird und Tür und Tor zur brutalen Herrschaft öffnet. Welches, bitte schön, von den vielen Opfern, wird sich dann noch dem widersetzen können?

      An ihren Taten sollt ihr sie messen, heißt es in einem der ältesten abendländischen Sätze. Doch welche Taten werden diejenigen vorweisen können, die ihre Identität als Anfang- und Endpunkt setzen?

      Die einzigen Taten, die in ihrem Journal stehen, weisen nicht in eine Richtung der Befreiung, sondern in die der Ranküne, der Vergeltung und der Zerstörung.

      Wer standhalten will, schrieb Theodor W. Adorno (1), einer der immer wieder Stigmatisierten, darf nicht verharren in leerem Entsetzen. Damit dokumentierte er sein Gespür für die Notwendigkeit der Gegenwehr, der aktiven Veränderung, der Gestaltung. Wer standhalten will, der muss sich seiner selbst bewusst sein, gewiss, der muss sich Verbündete suchen, und das geschieht auf dem Feld der Gemeinsamkeit.

      [...]

      #langue #égalité

  • Achieving Path-Dependent Equity for Global COVID-19 Vaccine Allocation — Anthony D. So, Joshua Woo (Med)
    https://www.cell.com/med/abstract/S2666-6340(21)00106-9

    Committing to global access for COVID-19 vaccines is key to avoiding a resurgence of the pandemic. However, the vaccine rollout continues to highlight longstanding inequities and agreements between countries and vaccine manufacturers that undermine a globally coordinated approach. The surest path out of this pandemic is one towards greater equity.