• La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification. De la #péréquation au yield management (1938-2012)

      Cet article analyse les conditions de production et de légitimation des systèmes de prix des billets de train en France, depuis la création de la SNCF en 1938. Initialement fondé sur le principe d’un tarif kilométrique uniforme, le système historique de péréquation est lentement abandonné au cours des décennies d’après-guerre, au profit d’une tarification indexée sur les coûts marginaux. Au tournant des années 1980-1990, ce paradigme est lui-même remplacé par un dispositif de tarification en temps réel – le yield management – visant à capter le maximum du surplus des consommateurs. Les transformations des modèles tarifaires à la SNCF, qui s’accompagnent d’une redéfinition de la notion éminemment polymorphe de service public ferroviaire, résultent du travail de quelques acteurs de premier plan. Ces « faiseurs de prix », qui mobilisent les instruments de la discipline économique et usent de leur capacité d’influence, agissent dans des contextes (politiques, sociaux, techniques et concurrentiels) particuliers, qui rendent possibles, nécessaires et légitimes les innovations qu’ils proposent.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

      #Jean_Finez

    • Noël : est-ce vraiment moins cher de réserver son train SNCF 3 mois à l’avance ?

      C’est un fait : les tarifs des trajets en train pour la période de Noël ont explosé entre octobre et fin décembre 2023. Nous avons suivi, semaine après semaine, leur évolution. Voici les résultats, parfois surprenants, de notre enquête.

      « Plus on réserve un train à l’avance, plus les prix sont bas. » La phrase de la SNCF semble logique. Mais est-elle vérifiée ? À l’approche des fêtes de Noël, nous avons décidé de nous lancer dans une petite enquête. Numerama a relevé les tarifs d’une vingtaine de trajets en train à travers la France, sur les douze dernières semaines, pour en mesurer l’évolution.

      Nous avions une question principale : est-ce vrai qu’il vaut mieux réserver son billet de train trois mois à l’avance, pour le payer moins cher ? Suivie d’une autre : comment les tarifs évoluent-ils à travers le temps, et à quel rythme les trains deviennent-ils complets ?

      Nous avons choisi arbitrairement dix allers-retours à travers la France. La date est toujours la même, pour simuler un voyage pour les fêtes de fin d’année : un aller le 22 décembre, un retour le 27 décembre. Nous avons choisi un train par jour et suivi l’évolution du tarif des billets chaque semaine, à compter du mercredi 4 octobre, soit la date de l’ouverture des ventes (qui avaient d’ailleurs mis en panne SNCF Connect).
      Prendre ses billets tôt pour Noël permet d’éviter le pire

      Après douze semaines de relevés et une agrégation des données, le premier constat est clair : les tarifs ont énormément augmenté sur cette période. Il est évident que, même s’il y a des exceptions, il reste très intéressant de prendre son billet le plus tôt possible. C’est d’ailleurs ce que la SNCF nous a confirmé, par mail : « Plus on réserve à l’avance, plus les prix sont bas. Le mieux est donc de réserver dès l’ouverture des ventes, ou alors dans les semaines qui suivent. »

      Sur ce graphique, nous avons matérialisé la hausse de tous les trajets confondus. À part une ou deux exceptions (en TER), tous les billets ont augmenté, parfois beaucoup. Certains trajets se sont retrouvés complets très vite — nous les avons matérialisés avec un petit rond barré sur le graphique ci-dessous.

      Les prix peuvent parfois varier du simple au double. Le trajet Nantes-Bordeaux, par exemple, est passé de 58 euros à 136 euros (dernières places en première classe), soit une augmentation de 164 %. Un Strasbourg-Paris a terminé à 153 euros, au lieu de 93 euros il y a trois mois.

      Des hausses de prix jusqu’à 150 %

      Au global, les TGV sont les trains qui subissent les plus grosses hausses à travers le temps, sauf quelques exceptions (Marseille-Nice n’a pas changé d’un iota au fil des 12 semaines, par exemple).

      Sur cette carte réalisée par l’équipe design de Numerama, Adèle Foehrenbacher et Claire Braikeh, on observe quels sont les trajets qui ont subi la plus forte hausse (en rouge foncé), par rapport à ceux qui n’ont pas beaucoup bougé sur 3 mois (en rose).

      Pour les retours de Noël sur la journée du 27 décembre, les trajets les plus onéreux sont les mêmes (Paris-Toulouse, Paris-Strasbourg, Nantes-Bordeaux).

      Certains billets sont moins chers quelques jours avant le départ

      Lorsque nous avons commencé cette enquête, nous nous sommes demandé s’il serait possible qu’un billet devienne moins cher à l’approche de la date du voyage, ce qui est plutôt contre-intuitif. Une occurrence est venue, sur la dernière semaine, être l’exception qui confirme la règle : le trajet Paris-La Rochelle (en jaune ci-dessous) est devenu, au dernier moment, moins cher à l’approche du voyage, par rapport au tarif d’il y a trois mois.

      Autre cas curieux : nous avons constaté au fil des semaines une variation à la baisse sur le trajet Nancy-Grenoble, avec une correspondance. « Ce phénomène est extrêmement rare », nous assure la SNCF. « Nancy-Grenoble n’est pas un train direct. Il se peut que l’un des deux trains se remplissent moins vite et que des petits prix aient été rajoutés à un moment donné », explique-t-on. Le voyage a fini par augmenter de nouveau, pour devenir complet deux semaines avant le départ.

      Le trajet n’est pourtant pas le seul exemple. Prenons le trajet en TER et Train NOMAD Caen-Le Havre. Le 4 octobre, le voyage revenait à 38,4 euros. Surprise ! Dès la semaine suivante, il est tombé à 18 euros, pour rester fixe pendant plusieurs mois. Jusqu’au 13 décembre, où le prix a re-grimpé jusqu’à 48 euros — l’horaire du train de départ ayant été modifié de quelques minutes. Ici, ce n’est pas la SNCF, mais les conseils régionaux qui valident les prix. Par mail, l’établissement régional des lignes normandes nous assure que « la baisse des prix 15 jours après l’ouverture des ventes est impossible ». C’est pourtant le constat que nous avons fait, dès une semaine après l’ouverture.

      Pourquoi de telles hausses ?

      Cela fait plusieurs années que la SNCF a commencé à modifier la manière dont elle décide des tarifs, selon le journaliste spécialisé Gilles Dansart. La compagnie aurait décidé de « faire payer beaucoup plus cher à mesure que l’on s’approche de la date de départ du train », alors qu’auparavant, elle se calquait sur la longueur des kilomètres parcourus pour étalonner ses prix, a-t-il analysé sur France Culture le 21 décembre.

      Contactée, la SNCF nous explique : « Les prix sont les mêmes que pour n’importe quelles dates. Il n’y a pas de prix spécifiques pour Noël. Ce qui fait évoluer les prix, c’est le taux de remplissage et la demande. À Noël les trains se remplissent plus vite et les paliers maximum peuvent être atteints plus rapidement. »

      Ces paliers sont un véritable enjeu, lorsque l’on voit que certains trajets se retrouvent complets très rapidement — le Paris-Toulouse du 22 décembre s’est en effet retrouvé complet, selon nos constats, en à peine une semaine, début octobre.

      En 10 ans, la SNCF a perdu 105 TGV, soit 30 000 sièges, a calculé récemment France 2 dans un reportage. « On n’arrivait plus à remplir les TGV, il y avait des taux d’occupation à moins de 60 % », a expliqué à leur micro Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs.

      Cette politique de financement de la SNCF ne va pas aller en s’arrangeant pour les voyageurs et voyageuses : l’entreprise a déjà entériné une augmentation du prix des TGV pour 2024, rappelle le Parisien.

      https://www.numerama.com/vroom/1593454-noel-est-ce-vraiment-moins-cher-de-reserver-son-train-3-mois-a-lav

    • Mais on sait que l’investissement sur l’infra était sous dimensionnée autour de 2005, donc voir monter les coûts de péages de l’infra n’a rien d’anormal.
      Nos voisins sont-ils sous le prix réel ? Alors il vont subir un effet boomerang plus tard (effet dette).

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • « En sociologie, la prise en compte du ressenti peut aider à identifier les inégalités les plus critiques », Nicolas Duvoux
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/20/en-sociologie-la-prise-en-compte-du-ressenti-peut-aider-a-identifier-les-ine

    La sociologie ne peut prétendre à la neutralité, puisqu’elle est une science étudiant la société au sein de laquelle elle émerge. Elle est prise dans les divisions et conflits sociaux, elle met au jour des formes de contrainte et de domination auxquelles elle ne peut rester indifférente. De quel côté penchons-nous ?, demandait à ses pairs le sociologue américain Howard Becker, dans un texte majeur (« Whose Side Are We on ? », Social Problems, 1967). Cependant, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la politique et aux choix collectifs qui relèvent du débat public. La contribution qu’elle peut apporter est de formuler un diagnostic aussi précis que possible sur les dynamiques sociales et la différenciation de leurs effets selon les groupes sociaux.

    L’inflation et la hausse des prix alimentaires très forte depuis l’année 2022 affectent beaucoup plus durement les ménages modestes. Ceux-ci consacrent en effet une part plus importante de leurs revenus à ce poste de consommation. Le relever revient à formuler un constat objectif. De même, la hausse des taux d’intérêt immobiliers exclut davantage de l’accès à la propriété les ménages sans apport (plutôt jeunes et de milieux populaires) que les autres. Il y va ainsi des évolutions de courte durée, mais aussi de celles de longue durée : le chômage touche plus fortement les moins qualifiés, les ouvriers et employés, même s’il n’épargne pas les cadres, notamment vieillissants ; la pauvreté touche davantage les jeunes, même si elle n’épargne pas les retraités.
    Formuler un diagnostic suppose d’éviter deux écueils qui se répondent et saturent un débat public fait d’oppositions, voire de polarisation, au détriment d’une compréhension de l’état de la société. La littérature du XIXe siècle – comme les sciences sociales avec lesquelles elle a alors partie liée – a souvent oscillé entre d’un côté une représentation misérabiliste du peuple, en soulignant la proximité des classes laborieuses et des classes dangereuses, et de l’autre une vision populiste qui exalte les vertus des classes populaires. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron l’ont montré dans un livre qui a fait date (Le Savant et le Populaire, Gallimard, 1989). De la même manière, le débat public semble aujourd’hui osciller entre un optimisme propre aux populations favorisées économiquement et un catastrophisme des élites culturelles.

    Cruel paradoxe

    Pouvoir envisager l’avenir de manière conquérante vous place du côté des classes aisées ou en ascension. Cette thèse a un enjeu politique évident : le rapport subjectif à l’avenir nous informe sur la position sociale occupée par un individu et non sur sa représentation de la société. Pour ne prendre qu’un exemple, sur la fracture entre les groupes d’âge, on n’est guère surpris qu’en pleine période inflationniste le regain de confiance en son avenir individuel soit le privilège quasi exclusif [d’un %] des seniors. Il faut être déjà âgé pour penser que l’on a un avenir, cruel paradoxe d’une société qui fait porter à sa jeunesse le poids de la pauvreté et de la précarité de l’emploi, au risque de susciter une révolte de masse.
    Peut-être est-ce un signe de l’intensité des tensions sociales, nombre d’essais soulignent le décalage entre la réalité d’une société où les inégalités sont relativement contenues et le pessimisme de la population. Les dépenses de protection sociale sont parmi les plus élevées du monde, sinon les plus élevées. En conséquence de ces dépenses, les Français jouissent d’un niveau d’éducation, d’égalité et d’une sécurité sociale presque sans équivalent. Ces faits sont avérés.

    Mais le diagnostic ne se borne pas à ce rappel : les données objectives qui dressent le portrait d’une France en « paradis » sont, dans un second temps, confrontées à l’enfer du « ressenti », du mal-être, du pessimisme radical exprimé par les Français, souvent dans des sondages. Ainsi, dans « L’état de la France vu par les Français 2023 » de l’institut Ipsos, il apparaît que « 70 % des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France ». Les tenants de la vision « optimiste », qui se fondent sur une critique du ressenti, tendent à disqualifier les revendications de redistribution et d’égalité.

    Or l’écart entre le « ressenti » et la réalité objective des inégalités peut être interprété de manière moins triviale et surtout moins conservatrice. Cet écart peut être travaillé et mis au service d’un diagnostic affiné de la situation sociale, un diagnostic qui conserve l’objectivité de la mesure tout en se rapprochant du ressenti.

    Une autre mesure de la pauvreté

    La notion de « dépenses contraintes » en porte la marque : ce sont les dépenses préengagées, qui plombent les capacités d’arbitrage des ménages, notamment populaires, du fait de la charge du logement. Entre 2001 et 2017, ces dépenses préengagées occupent une part croissante du budget, passant de 27 % à 32 %, selon France Stratégie. « Le poids des dépenses préengagées dans la dépense totale dépend d’abord du niveau de vie. Il est plus lourd dans la dépense totale des ménages pauvres que dans celle des ménages aisés, et l’écart a beaucoup augmenté entre 2001 (6 points d’écart) et 2017 (13 points d’écart). »
    Cette évolution et le renforcement des écarts placent de nombreux ménages – même s’ils ne sont pas statistiquement pauvres – en difficulté. La volonté de rapprocher « mesure objective » et « ressenti » permet de prendre une tout autre mesure de la pauvreté, qui double si l’on prend en compte le niveau de vie « arbitrable » , soit le revenu disponible après prise en compte des dépenses préengagées.

    De ce point de vue, l’équivalent du taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des personnes dont le revenu arbitrable par unité de consommation est inférieur à 60 % du niveau de vie arbitrable médian, s’établissait à 23 % en 2011, selon des travaux réalisés par Michèle Lelièvre et Nathan Rémila pour la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Ce chiffre atteint même 27 % si l’on prend en compte les dépenses peu compressibles, comme l’alimentation. Comparativement, le taux de pauvreté tel qu’on le définit traditionnellement se fixait en 2011 à 14,3 %. L’augmentation de la fréquentation des structures d’aide alimentaire témoigne des difficultés croissantes d’une part conséquente de la population.

    Le parti du catastrophisme

    L’optimisme empêche de penser les réalités dans toute leur violence et d’identifier les remèdes qui conviennent le mieux à ces maux. Le catastrophisme doit également être évité. Il a tendance à accuser exclusivement les super-riches dans la genèse des maux sociaux, en mettant en avant une explosion des inégalités démentie par les faits, si l’on exclut le patrimoine et la forte augmentation de la pauvreté dans la période post-Covid-19. En prenant le parti du catastrophisme, la sociologie, et avec elle la société, s’exonérerait d’un travail de fond.
    Un certain nombre de points soulignés par ceux qui critiquent le pessimisme restent vrais. La société française a connu une relative mais réelle démocratisation de l’accès à des positions privilégiées. Les postes d’encadrement n’ont cessé d’augmenter en proportion de la structure des emplois, une partie non négligeable de la population – y compris au sein des catégories populaires – a pu avoir accès à la propriété de sa résidence principale, a pu bénéficier ou anticipe une augmentation de son patrimoine. Les discours sur la précarisation ou l’appauvrissement généralisés masquent la pénalité spécifique subie par les groupes (jeunes, non ou peu qualifiés, membres des minorités discriminées, femmes soumises à des temps partiels subis, familles monoparentales) qui sont les plus affectés et qui servent, de fait, de variable d’ajustement au monde économique. Le catastrophisme ignore ou feint d’ignorer les ressources que les classes moyennes tirent du système éducatif public par exemple.

    Le catastrophisme nourrit, comme l’optimisme, une vision du monde social homogène, inapte à saisir les inégalités les plus critiques et les points de tension les plus saillants, ceux-là mêmes sur lesquels il faudrait, en priorité, porter l’action. La prise en compte du ressenti peut aider à les identifier et à guider le débat et les décideurs publics, à condition de ne pas entretenir de confusion sur le statut des informations produites, qui ne se substituent pas aux mesures objectives, mais peuvent aider à les rapprocher du sens vécu par les populations et ainsi à faire de la science un instrument de l’action.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, auteur de L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine (PUF, 272 pages, 23 euros).

    voir cette lecture des ressorts du vote populaire RN depuis les années 2000
    https://seenthis.net/messages/1027569

    #sociologie #inflation #alimentation #aide_alimentaire #dépenses_contraintes #revenu_arbitrable #revenu #pauvreté #chômage #jeunesse #femmes #mères_isolées #précarité #taux_de_pauvreté #patrimoine #inégalités #riches #classes_populaires

    • « Les inégalités sont perçues comme une agression, une forme de mépris », François Dubet - Propos recueillis par Gérard Courtois, publié le 12 mars 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/12/francois-dubet-les-inegalites-sont-percues-comme-une-agression-une-forme-de-

      Entretien. Le sociologue François Dubet, professeur émérite à l’université Bordeaux-II et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), vient de publier Le Temps des passions tristes. Inégalités et populisme (Seuil, 112 p., 11,80 €).

      Reprenant l’expression de Spinoza, vous estimez que la société est dominée par les « passions tristes ». Quelles sont-elles et comment se sont-elles imposées ?

      Comme beaucoup, je suis sensible à un air du temps porté sur la dénonciation, la haine, le #ressentiment, le sentiment d’être méprisé et la capacité de mépriser à son tour. Ce ne sont pas là seulement des #émotions personnelles : il s’agit aussi d’un #style_politique qui semble se répandre un peu partout. On peut sans doute expliquer ce climat dangereux de plusieurs manières, mais il me semble que la question des #inégalités y joue un rôle essentiel.

      Voulez-vous parler du creusement des inégalités ?

      Bien sûr. On observe une croissance des inégalités sociales, notamment une envolée des hyper riches qui pose des problèmes de maîtrise économique et fiscale essentiels. Mais je ne pense pas que l’ampleur des inégalités explique tout : je fais plutôt l’hypothèse que l’expérience des inégalités a profondément changé de nature. Pour le dire vite, tant que nous vivions dans une société industrielle relativement intégrée, les inégalités semblaient structurées par les #classes sociales : celles-ci offraient une représentation stable des inégalités, elles forgeaient des identités collectives et elles aspiraient à une réduction des écarts entre les classes [et, gare à la revanche ! à leur suppression]– c’est ce qu’on appelait le progrès social. Ce système organisait aussi les mouvements sociaux et plus encore la vie politique : la #gauche et la #droite représentaient grossièrement les classes sociales.

      Aujourd’hui, avec les mutations du capitalisme, les inégalités se transforment et se multiplient : chacun de nous est traversé par plusieurs inégalités qui ne se recouvrent pas forcément. Nous sommes inégaux « en tant que » – salariés ou précaires, diplômés ou non diplômés, femmes ou hommes, vivant en ville ou ailleurs, seul ou en famille, en fonction de nos origines… Alors que les plus riches et les plus pauvres concentrent et agrègent toutes les inégalités, la plupart des individus articulent des inégalités plus ou moins cohérentes et convergentes. Le thème de l’#exploitation de classe cède d’ailleurs progressivement le pas devant celui des #discriminations, qui ciblent des inégalités spécifiques.

      Pourquoi les inégalités multiples et individualisées sont-elles vécues plus difficilement que les inégalités de classes ?

      Dans les inégalités de classes, l’appartenance collective protégeait les individus d’un sentiment de mépris et leur donnait même une forme de fierté. Mais, surtout, ces inégalités étaient politiquement représentées autour d’un conflit social et de multiples organisations et mouvements sociaux. Dans une certaine mesure, aussi injustes soient-elles, ces inégalités ne menaçaient pas la dignité des individus. Mais quand les inégalités se multiplient et s’individualisent, quand elles cessent d’être politiquement interprétées et représentées, elles mettent en cause les individus eux-mêmes : ils se sentent abandonnés et méprisés de mille manières – par le prince, bien sûr, par les médias, évidemment, mais aussi par le regard des autres.

      Ce n’est donc pas simplement l’ampleur des inégalités sociales qui aurait changé, mais leur nature et leur perception ?
      Les inégalités multiples et individualisées deviennent une expérience intime qui est souvent vécue comme une remise en cause de soi, de sa valeur et de son identité : elles sont perçues comme une agression, une forme de #mépris. Dans une société qui fait de l’#égalité_des_chances et de l’#autonomie_individuelles ses valeurs cardinales, elles peuvent être vécues comme des échecs scolaires, professionnels, familiaux, dont on peut se sentir plus ou moins responsable.

      Dans ce régime des inégalités multiples, nous sommes conduits à nous comparer au plus près de nous, dans la consommation, le système scolaire, l’accès aux services… Ces jeux de comparaison invitent alors à accuser les plus riches, bien sûr, mais aussi les plus pauvres ou les étrangers qui « abuseraient » des aides sociales et ne « mériteraient » pas l’égalité. L’électorat de Donald Trump et de quelques autres ne pense pas autre chose.

      Internet favorise, dites-vous, ces passions tristes. De quelle manière ?

      Parce qu’Internet élargit l’accès à la parole publique, il constitue un progrès démocratique. Mais Internet transforme chacun d’entre nous en un mouvement social, qui est capable de témoigner pour lui-même de ses souffrances et de ses colères. Alors que les syndicats et les mouvements sociaux « refroidissaient » les colères pour les transformer en actions collectives organisées, #Internet abolit ces médiations. Les émotions et les opinions deviennent directement publiques : les colères, les solidarités, les haines et les paranoïas se déploient de la même manière. Les #indignations peuvent donc rester des indignations et ne jamais se transformer en revendications et en programmes politiques.

      La démultiplication des inégalités devrait renforcer les partis favorables à l’égalité sociale, qui sont historiquement les partis de gauche. Or, en France comme ailleurs, ce sont les populismes qui ont le vent en poupe. Comment expliquez-vous ce « transfert » ?

      La force de ce qu’on appelle les populismes consiste à construire des « banques de colères », agrégeant des problèmes et des expériences multiples derrière un appel nostalgique au #peuple unique, aux travailleurs, à la nation et à la souveraineté démocratique. Chacun peut y retrouver ses indignations. Mais il y a loin de cette capacité symbolique à une offre politique, car, une fois débarrassé de « l’oligarchie », le peuple n’est ni composé d’égaux ni dénué de conflits. D’ailleurs, aujourd’hui, les politiques populistes se déploient sur tout l’éventail des politiques économiques.

      Vous avez terminé « Le Temps des passions tristes » au moment où émergeait le mouvement des « gilets jaunes ». En quoi confirme-t-il ou modifie-t-il votre analyse ?

      Si j’ai anticipé la tonalité de ce mouvement, je n’en avais prévu ni la forme ni la durée. Il montre, pour l’essentiel, que les inégalités multiples engendrent une somme de colères individuelles et de sentiments de mépris qui ne trouvent pas d’expression #politique homogène, en dépit de beaucoup de démagogie. Dire que les « gilets jaunes » sont une nouvelle classe sociale ou qu’ils sont le peuple à eux tout seuls ne nous aide guère. Il faudra du temps, en France et ailleurs, pour qu’une offre idéologique et politique réponde à ces demandes de justice dispersées. Il faudra aussi beaucoup de courage et de constance pour comprendre les passions tristes sans se laisser envahir par elles.

      #populisme

  • #Edwy_Plenel : Israël-Palestine : la question morale

    Si le conflit israélo-palestinien enflamme le monde, c’est parce qu’il porte une question morale universelle : celle de l’égalité des droits. Que la légitimité internationale d’Israël s’accompagne de la négation des droits des Palestiniens n’a cessé de précipiter ce sommeil de la raison qui engendre des monstres. Seule cette lucidité politique est à même de défier la catastrophe en cours.

    LeLe sommeil de la raison produit des monstres. Avant de donner à voir, dans toute leur abomination, les désastres de la guerre (Los Desastres de la Guerra, 1810-1815), le peintre et graveur espagnol Francisco de Goya (1746-1828) avait intitulé ainsi l’une des gravures de sa série Los caprichos à la fin du XVIIIe siècle : El sueño de la razon produce monstruos. On y voit le peintre endormi tandis qu’une volée d’oiseaux nocturnes tourbillonne au-dessus de lui, symbolisant la folie et l’ignorance qui mènent l’humanité à sa perte.

    Nous vivons un moment semblable, d’obscurcissement et d’égarement. Spectateurs effarés, nous découvrons l’horreur des tueries de civils israéliens dans l’attaque terroriste du Hamas tandis que nous suivons l’hécatombe de civils palestiniens à Gaza sous les bombes de l’armée israélienne. Toutes ces vies humaines se valent, elles ont le même prix et le même coût, et nous nous refusons à cette escalade de la terreur où les crimes d’un camp justifieraient les crimes de l’autre. Mais nous nous sentons impuissants devant une catastrophe qui semble irrémédiable, écrite par avance tant ont été perdues, depuis si longtemps, les occasions de l’enrayer (pour mémoire mes alarmes de 2009, de 2010 et de 2014).

    Nous savons bien qu’il n’y a qu’une façon d’en sortir dans l’urgence : un cessez-le-feu immédiat sous contrôle des Nations unies afin de sauver les otages des deux bords, qui ouvrirait la voie à une solution politique dont la clé est la reconnaissance d’un État palestinien ayant lui-même reconnu l’État d’Israël. Mais, s’il peut arriver que d’un péril imminent naisse un salut improbable, cette issue semble un vœu pieux, faute de communauté internationale forte et unie pour l’imposer. Faute, surtout, de détermination des soutiens d’Israël, États-Unis au premier chef, pour freiner une volonté de vengeance qui ne fera qu’accélérer la course à l’abîme.

    Dès lors, comment échapper à un sentiment de sidération qu’aggrave le spectacle de désolation du débat politique et médiatique français ? À mille lieues de sa grandeur prétendue, la France officielle donne à voir son abaissement raciste, jetant la suspicion sur nos compatriotes musulmans et arabes, et son alignement impérialiste, rompant avec l’ancienne position équilibrée de sa diplomatie moyen-orientale. Indifférence aux oppressions et intolérance aux dissidences règnent sur cette médiocrité dont font les frais manifestations et expressions pro-palestiniennes, dans un climat maccarthyste qui distingue tristement notre pays des autres démocraties.

    Que faire ? Il importe déjà d’y voir clair. Ici, la responsabilité du journalisme, associant son devoir professionnel à son utilité sociale, est de trouer cette obscurité, en chassant les passions tristes et en s’éloignant des colères aveugles. Trouver son chemin, arriver à se repérer, réussir à ne pas s’égarer : autant d’impératifs vitaux par temps de propagande, que nous devons servir par une pratique aussi rigoureuse que sensible du métier. Elle suppose de résister au présent monstre de l’information en continu qui fonctionne à l’amnésie, perdant le fil de l’histoire, oubliant le passé qui la détermine, effaçant le contexte qui la conditionne (voir notre entretien-vidéo avec Bertrand Badie sur les mots et l’histoire du conflit).

    Mais il ne suffit pas de rendre compte. Il nous faut aussi échapper à la résignation qui guette, « cette accoutumance à la catastrophe dont le sentiment vague engourdit aujourd’hui tout désir d’action ». La formule est de l’historien Patrick Boucheron dans un récent libelle où il persiste, dans le sillage de Victor Hugo, à vouloir « étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait ». Secouant ce manteau de poussière dont le poids risque de nous paralyser, Le temps qui reste est une invitation inquiète à ne pas le perdre, ce temps, en refusant de se laisser prendre au piège de la catastrophe, tels des animaux saisis dans des phares, tétanisés et immobilisés par la conscience du péril.

    Car l’habitude, tissée de conformisme et de suivisme, est la meilleure alliée du pire en devenir. Voici donc, à l’instar de lucioles clignotant dans une nuit qui gagne, quelques repères qui nous guident pour affronter les désordres du monde et les folies des hommes. Quatre boussoles morales qui énoncent aussi ce à quoi nous refusons de nous habituer.
    1. Tout soutien inconditionnel est un aveuglement. Quel que soit le camp concerné. Quelle que soit la justesse de la cause.

    Aucun État, aucune nation, aucun peuple, et, partant, aucune armée, aucun parti, aucun mouvement, qui s’en réclame, ne saurait être soutenu inconditionnellement. Car, au-dessus d’eux, il y a une condition humaine universelle, dont découle un droit international sans frontières. Si, en 1948, l’année où est né l’État d’Israël, fut proclamée, à Paris, une Déclaration universelle des droits de l’homme, c’est pour cette raison même : s’ils ne rencontrent aucun frein, les États, les nations ou les peuples, peuvent devenir indifférents à l’humanité et, par conséquent, dangereux et criminels.

    Adoptée à Paris en 1948 par les cinquante-huit États alors représentés à l’Assemblée générale des Nations unies, la Déclaration de 1948 résulte de cette lucidité provoquée par la catastrophe européenne dont nationalisme et racisme furent les ressorts, conduisant au génocide des juifs d’Europe. Français, son rédacteur, René Cassin, Prix Nobel de la paix en 1968, s’était battu pour imposer, dans son intitulé, cette qualification d’« universelle » au lieu d’internationale : façon de signifier qu’un droit supérieur, celui de la communauté humaine, devait s’imposer aux États et aux nations dont ils se prévalent. Autrement dit de rappeler qu’aucun État, qu’aucune nation, qu’aucun peuple ne devrait se dérober, au prétexte de ses intérêts propres, à cette exigence de respect de l’égalité des droits.

    « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité », énonce l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Comme la française de 1789, la Déclaration de 1948 dessine l’horizon d’une promesse, toujours inaccomplie et inachevée, sans cesse en chantier et à l’œuvre face aux égoïsmes renaissants des États et au risque qu’ils cèdent aux idéologies de l’inégalité. De ce point de vue, l’ajout de la dignité, notion sensible, aux droits, critère juridique, n’est pas indifférent, tout comme sa position première dans l’énoncé : il s’agit non seulement de respecter d’autres humains, mais aussi de se respecter soi-même. En somme, de rester digne, de savoir se tenir, se retenir ou s’empêcher, afin de ne jamais céder à la haine de l’homme.

    Chèque en blanc accordé à ses dirigeants et à ses militaires, l’affirmation d’un « soutien inconditionnel » à l’État d’Israël dans sa riposte au Hamas tourne le dos à ces valeurs universelles. Elle prolonge ce mépris pour le droit international que l’on invoque volontiers face à l’agression russe en Ukraine mais que l’on dénie à la Palestine par l’absolu non-respect des résolutions onusiennes condamnant, depuis 1967, les annexions et colonisations israéliennes de territoires palestiniens.
    2. Jamais la fin ne saurait justifier les moyens. Seuls les moyens utilisés déterminent la fin recherchée.

    Depuis soixante-quinze ans, la Palestine pose au monde une question morale : celle de la fin et des moyens. La légitimité d’Israël ne saurait se fonder sur la négation des droits des Palestiniens jusqu’à la commission répétée de crimes de guerre. Mais la contestation de l’occupation et de la colonisation ne saurait tolérer la négation de l’humanité des Israéliens.

    En franchissant ce pas avec les massacres et prises d’otage de civils, le Hamas a fait plus que nuire à la cause qu’il dit servir : il l’a déshonorée. Dans la mémoire juive des persécutions européennes contre lesquelles s’est créé le mouvement sioniste à la fin du XIXe siècle, la terreur déchaînée par le Hamas sur des civils israéliens ne peut qu’évoquer les pogroms antisémites. Et le rappel de massacres commis en 1947-1948 par les composantes les plus extrémistes du sionisme, afin de faire fuir les Palestiniens, ne saurait en aucun cas lui servir d’excuses.

    La violence aveugle de l’oppresseur le discrédite, légitimant la résistance violente de l’opprimé. Jusqu’au processus de paix entamé en 1991, le mouvement national palestinien, alors sous la direction de Yasser Arafat et du Fath qui dominait l’Organisation de libération de la Palestine, a illustré cette règle éternelle des situations d’injustices où un peuple prétend en dominer un autre. Mais, par ses débats internes, son pluralisme assumé, son évolution revendiquée jusqu’à la reconnaissance de l’État d’Israël, il a fait sienne la conviction que la cause libératrice de l’opprimé exige une morale supérieure où sa riposte ne cède pas aux crimes reprochés à l’oppresseur.

    Il y a cinquante ans, en 1973, l’année de la guerre du Kippour dont le Hamas a choisi la date anniversaire pour son attaque sur Israël, un appel collectif d’intellectuels notables (parmi lesquels Edgar Morin, Laurent Schwartz, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet) rappelait ces « évidences morales et politiques fondamentales » : « Il n’y a pas de problème de la fin et des moyens. Les moyens font partie intégrante de la fin. Il en résulte que tout moyen qui ne s’orienterait pas en fonction de la fin recherchée doit être récusé au nom de la morale politique la plus élémentaire. Si nous voulons changer le monde, c’est aussi, et peut-être d’abord, par souci de moralité. […] Si nous condamnons certains procédés politiques, ce n’est pas seulement, ou pas toujours, parce qu’ils sont inefficaces (ils peuvent être efficaces à court terme), mais parce qu’ils sont immoraux et dégradants, et qu’ils compromettent la société de l’avenir. »

    Cette mise en garde vaut évidemment pour les deux camps. De 2023 à 2001, se risquer à comparer le 7-Octobre israélien au 11-Septembre états-unien, ce n’est pas seulement ignorer la question nationale palestinienne en souffrance, au prétexte d’une guerre de civilisation entre le bien occidental et le mal arabe, c’est surtout continuer de s’aveugler sur la suite. Le terrorisme faisant toujours la politique du pire, les désordres actuels du monde résultent de la riposte américaine, à la fois mensongère et criminelle, détruisant un pays, l’Irak, qui n’y était pour rien, tout en semant un discrédit universel par une violation généralisée des droits humains dont l’Occident paye encore le prix. Loin de détruire l’adversaire désigné, il en a fait surgir d’autres, d’Al-Qaïda à Daech, encore plus redoutables.
    3. Au cœur du conflit israélo-palestinien, la persistance de la question coloniale ensauvage le monde.

    Porté par le mouvement sioniste qui avait obtenu la création d’un foyer national juif en Palestine, la création de l’État d’Israël en 1948 a été unanimement approuvée par les puissances victorieuses du nazisme. L’incommensurabilité du crime contre l’humanité, jusqu’à l’extermination par le génocide, commis contre les juifs d’Europe, légitimait le nouvel État. Une faute abominable devait être réparée en offrant aux juifs du monde entier un refuge où ils puissent vivre dans la tranquillité et la sécurité, à l’abri des persécutions.

    Si, aujourd’hui, Israël est un des endroits du monde où les juifs vivent avec angoisse dans le sentiment inverse, c’est parce que la réparation du crime européen s’est accompagnée de l’injustice commise contre les Palestiniens. Ce faisant, l’Occident – cette réalité politique dont les États-Unis ont alors pris le leadership – a prolongé dans notre présent le ressort passé de la catastrophe européenne : le colonialisme. Se retournant contre l’Europe et ses peuples, après avoir accompagné sa projection sur le monde, le colonialisme fut l’argument impérial du nazisme, avec son cortège idéologique habituel de civilisations et d’identités supérieures à celles des peuples conquis, soumis ou exclus.

    La colonisation ne civilise pas, elle ensauvage. Le ressentiment nourri par l’humiliation des populations dépossédées s’accompagne de l’enfermement des colons dans une posture conquérante, d’indifférence et de repli. L’engrenage est aussi redoutable qu’infernal, offrant un terrain de jeu idéal aux identités closes où la communauté devient une tribu, la religion un absolu et l’origine un privilège. Dès lors, accepter le fait colonial, c’est attiser le foyer redoutable d’une guerre des civilisations qu’illustre la radicalisation parallèle des deux camps, le suprémacisme juif raciste de l’extrême droite israélienne faisant écho à l’idéologie islamique du Hamas et de ses alliés, dans la négation de la diversité de la société palestinienne.

    Dialoguant en 2011, dans Le Rescapé et l’Exilé, avec le regretté Stéphane Hessel, qui accompagna depuis l’ONU où il était diplomate la création de l’État juif en Palestine, Elias Sanbar rappelle cette origine d’un conflit qui ne cessera de s’aggraver tant qu’elle ne sera pas affrontée : « On ne peut certes pas refaire l’histoire, mais il est important de dire que ce conflit a commencé par une terrible injustice commise en Palestine pour en réparer une autre, née dans l’horreur des camps nazis. » Acteur des négociations de paix israélo-palestiniennes, il en tirait la conséquence que la seule solution est dans l’égalité des droits. Dans la réciprocité et la reconnaissance. L’envers de ce poison qu’est la concurrence des victimes. L’opposé de cette misère qu’est la condescendance du vainqueur.

    « Il faut affirmer, déclarait-il alors – et pense-t-il toujours –, que la concurrence dans le registre des malheurs est indécente, que les courses au record du nombre de morts sont littéralement obscènes. Chaque souffrance est unique, le fait que des juifs aient été exterminés n’enlève rien à la souffrance des Palestiniens, tout comme le fait que des Palestiniens aient souffert et continuent de souffrir n’enlève rien à l’horreur vécue par des juifs. Puis et surtout, la reconnaissance de la souffrance des autres ne délégitime jamais votre propre souffrance. Au contraire. »
    4. La solution du désastre ne peut être confiée à ses responsables israéliens dans l’indifférence au sort des Palestiniens.

    Le 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël, le quotidien Haaretz, qui sauve l’honneur de la démocratie israélienne, publiait un éditorial affirmant que cette énième guerre était « clairement imputable à une seule personne : Benyamin Nétanyahou », ce premier ministre qui a « établi un gouvernement d’annexion et de dépossession » et a « adopté une politique étrangère qui ignorait ouvertement l’existence et les droits des Palestiniens ».

    La droite et l’extrême droite israéliennes ont attisé l’incendie qu’elles prétendent aujourd’hui éteindre par l’extermination militaire du Hamas et l’expulsion des Palestiniens de Gaza. Ce n’est pas un Palestinien qui, en 1995, a assassiné Yitzhak Rabin, portant un coup d’arrêt fatal au processus de paix, mais un terroriste ultra-nationaliste israélien. C’est Israël qui, depuis, sous l’impulsion de Benyamin Nétanyahou, n’a cessé de jouer cyniquement avec les islamistes du Hamas pour diviser le camp palestinien et affaiblir sa composante laïque et pluraliste.

    À l’aune de ces vérités factuelles, largement documentées, notamment par le journaliste Charles Enderlin, la polémique française sur le prérequis que serait la qualification de terroriste du Hamas en tant qu’organisation – et pas seulement de ses actions dont on a souligné le caractère criminel – a quelque chose de surréel. En 2008-2009, faisant écho aux stratégies israéliennes, la présidence de Nicolas Sarkozy n’hésitait pas à défendre la nécessité de « parler » avec le Hamas dont le chef était même interviewé par Le Figaro pour inviter le chef de l’État français à « donner une impulsion vitale à la paix ».

    Comble de l’hypocrisie, le Qatar, financier avéré du Hamas avec la tolérance d’Israël, est un partenaire économique, financier, militaire, diplomatique, sportif, culturel, etc., qui est, ô combien, chez lui dans l’establishment français, tout comme d’ailleurs son rival émirati. Or c’est au Qatar que le Hamas tient sa représentation extérieure, avec un statut avoisinant celui d’une antenne diplomatique, digne d’un État en devenir.

    Si des actions du Hamas peuvent être qualifiées de terroristes, c’est s’aveugler volontairement que de ne pas prendre en considération son autre réalité, celle d’un mouvement politique avec une assise sociale. Que sa ligne idéologique et ses pratiques autoritaires en fassent l’adversaire d’une potentielle démocratie palestinienne, qui respecterait le pluralisme des communautés et la diversité des opinions, ne l’empêche pas d’être l’une des composantes, aujourd’hui devenue dominante, du nationalisme palestinien.

    La paix de demain ne se fera qu’entre ennemis d’hier. Et, surtout, qu’entre peuples qui ne sont pas assimilables à leurs dirigeants. Ce mensonge doublé d’hypocrisie sur la réalité du Hamas et son instrumentalisation par l’État d’Israël souligne l’illusion qui a volé en éclats depuis le 7 octobre. Israël et les États-Unis pensaient reléguer la question palestinienne en pariant sur les États arabes, leurs intérêts à courte vue et leur opportunisme à toute épreuve. Ce faisant, ils oubliaient les peuples qui ne sont pas dupes, s’informent et s’entraident. Grands absents de ces mécanos diplomatiques, où l’on prétend faire leur avenir à leur place, ils finissent toujours, un jour ou l’autre, par en déjouer les plans.

    Au spectacle des foules proclamant dans le monde leur solidarité avec la Palestine, y compris dans les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, comment ne pas penser à ces lignes de notre confrère Christophe Ayad qui accompagnent l’exposition de l’Institut du monde arabe « Ce que la Palestine apporte au monde » ? « C’est du monde tel qu’il va mal dont la Palestine nous parle, écrit-il. On l’observe, on la scrute, on l’encourage ou on lui fait la leçon, mais c’est elle qui nous regarde depuis l’avenir de notre humanité. La Palestine vit déjà à l’heure d’un monde aliéné, surveillé, encagé, ensauvagé, néolibéralisé. Les Palestiniens savent ce que c’est d’être un exilé sur sa propre terre. Apprenons d’eux ! »

    Face aux ombres qui, aujourd’hui, s’étendent, ces réflexions peuvent paraître optimistes. Pourtant, la leçon est déjà là, la seule qui vaille pour éviter le pire, soit cette guerre des monstres dont Benyamin Nétanyahou et le Hamas sont les protagonistes : il n’y aura jamais de paix par la puissance et la force. Devant les défis sans frontières qui nous assaillent, le crédo de la puissance est une impasse quand la conscience de la fragilité est, au contraire, une force.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/221023/israel-palestine-la-question-morale
    #7_octobre_2023 #Israël #Palestine #égalité_des_droits #Palestine #Israël #lucidité #à_lire #raison #obscurcissement #égarement #tueries #terrorisme #civils #Gaza #Hamas #armée_israélienne #terreur #crimes #impuissance #catastrophe #cessez-le-feu #otages #solution_politique #communauté_internationale #Etats-Unis #USA #vengeance #sidération #désolation #débat_politique #débat_médiatique #médias #France #suspicion #médiocrité #responsabilité #propagande #journalisme #amnésie #résignation #habitude #conformisme #suivisme #aveuglement #soutien_conditionnel #question_coloniale

  • Luttes féministes à travers le monde. Revendiquer l’égalité de genre depuis 1995

    Les #femmes, les filles, les minorités et diversités de genre du monde entier continuent à subir en 2021 des violations de leurs #droits_humains, et ce tout au long de leur vie. En dépit d’objectifs ambitieux que se sont fixés les États pour parvenir à l’#égalité_de_genre, leur réalisation n’a à ce jour jamais été réellement prioritaire.

    Les progrès réalisés au cours des dernières décennies l’ont essentiellement été grâce aux #mouvements_féministes, aux militant.es et aux penseur.ses. Aujourd’hui, la nouvelle génération de féministes innove et donne l’espoir de faire bouger les lignes par son inclusivité et la convergence des luttes qu’elle prône.

    Cet ouvrage intergénérationnel propose un aperçu pédagogique à la thématique de l’égalité de genre, des #luttes_féministes et des #droits_des_femmes, dans une perspective historique, pluridisciplinaire et transnationale. Ses objectifs sont multiples : informer et sensibiliser, puisque l’#égalité n’est pas acquise et que les retours en arrière sont possibles, et mobiliser en faisant comprendre que l’égalité est l’affaire de tous et de toutes.

    https://www.uga-editions.com/menu-principal/nos-collections-et-revues/nos-collections/carrefours-des-idees-/luttes-feministes-a-travers-le-monde-1161285.kjsp

    Quatrième conférence mondiale sur les femmes


    https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatri%C3%A8me_conf%C3%A9rence_mondiale_sur_les_femmes

    #féminisme #féminismes #livre #résistance #luttes #Pékin #Quatrième_conférence_mondiale_sur_les_femmes (#1995) #ONU #diplomatie_féministe #monde #socialisation_genrée #normes #stéréotypes_de_genre #économie #pouvoir #prise_de_décision #intersectionnalité #backlash #fondamentalisme #anti-genre #Génération_égalité #queer #LGBTI #féminisme_décolonial #écoféminisme #masculinité #PMA #GPA #travail_du_sexe #prostitution #trafic_d'êtres_humains #religion #transidentité #non-mixité #espace_public #rue #corps #écriture_inclusive #viols #culture_du_viol

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

    #complicité #Pierre_Tevanian #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #asile #déshumanisation #There_is_no_alternative (#TINA) #alternative #courage_politique #intelligence_collective #raison #réalisme #re-subjectivation #émotion #fantasmes #phobie #invasion #fantasmagorie #nationalisme #résidents_étrangers #nous_citoyen #racisme #xénophobie #impuissance #puissance #puissance_d’accueil #délit_de_solidarité #solidarité #extrême_droite #performativité #égalité #hospitalité #paniques_sociales #principe_d'égalité #double_peine #emplois_réservés #citoyenneté #hébergement #logement #pédagogie_politique #fictions #obscurantisme_d'Etat #droits_humains #égalité_de_traitement #lepénisation #débat_public #discrimination_institutionnelle #discriminations #déshumanisation #richesse #régularisation #sans-papiers #économie #morale #éthique #humanité #agentivité #potentialité_économique #valeurs
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    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • Coop ou pas coop de trouver une alternative à la grande distribution ?

    Un #magasin sans client, sans salarié, sans marge, sans contrôle, sans espace de pouvoir où la confiance règne vous y croyez ? Difficile, tant le modèle et les valeurs de la grande distribution, et plus largement capitalistes et bourgeoises ont façonnés nos habitus. Néanmoins, parmi nous certains cherchent l’alternative : supermarchés coopératifs, collaboratifs, épiceries participatives, citoyennes, etc. Des alternatives qui pourtant reprennent nombre des promesses de la grande distribution et de ses valeurs. Les épiceries “autogérées”, “libres” ou encore en “gestion directe” tranchent dans ce paysage. Lieux d’apprentissage de nouvelles habitudes, de remise en cause frontale du pouvoir pyramidal et pseudo-horizontal. Ce modèle sera évidemment à dépasser après la révolution, mais d’ici-là il fait figure de favori pour une #émancipation collective et individuelle.

    Le supermarché : une #utopie_capitaliste désirable pour les tenants de la croyance au mérite

    Le supermarché est le modèle hégémonique de #distribution_alimentaire. #Modèle apparu seulement en 1961 en région parisienne il s’est imposé en quelques décennies en colonisant nos vies, nos corps, nos désirs et nos paysages. Cette utopie capitaliste est devenue réalité à coup de #propagande mais également d’adhésion résonnant toujours avec les promesses de l’époque : travaille, obéis, consomme ; triptyque infernal où le 3e pilier permet l’acceptation voire l’adhésion aux deux autres à la mesure du mérite individuel fantasmé.

    Malgré le succès et l’hégémonie de ce modèle, il a parallèlement toujours suscité du rejet : son ambiance aseptisée et criarde, industrielle et déshumanisante, la relation de prédation sur les fournisseurs et les délocalisations qui en découlent, sa privatisation par les bourgeois, la volonté de manipuler pour faire acheter plus ou plus différenciant et cher, le greenwashing (le fait de servir de l’écologie de manière opportuniste pour des raisons commerciales), etc., tout ceci alimente les critiques et le rejet chez une frange de la population pour qui la recherche d’alternative devient motrice.

    C’est donc contre ce modèle que se (re)créent des #alternatives se réclamant d’une démarche plus démocratique, plus inclusive, ou de réappropriation par le citoyen… Or, ces alternatives se réalisent en partant du #modèle_dominant, jouent sur son terrain selon ses règles et finalement tendent à reproduire souvent coûte que coûte, parfois inconsciemment, les promesses et les côtés désirables du supermarché.
    Comme le dit Alain Accardo dans De Notre Servitude Involontaire “ce qu’il faut se résoudre à remettre en question – et c’est sans doute la pire difficulté dans la lutte contre le système capitaliste -, c’est l’#art_de_vivre qu’il a rendu possible et désirable aux yeux du plus grand nombre.”
    Le supermarché “coopératif”, l’épicerie participative : des pseudo alternatives au discours trompeur

    Un supermarché dit “coopératif” est… un supermarché ! Le projet est de reproduire la promesse mais en supprimant la part dévolue habituellement aux bourgeois : l’appellation “coopératif” fait référence à la structure juridique où les #salariés ont le #pouvoir et ne reversent pas de dividende à des actionnaires. Mais les salariés ont tendance à se comporter collectivement comme un bourgeois propriétaire d’un “moyen de production” et le recrutement est souvent affinitaire : un bourgeois à plusieurs. La valeur captée sur le #travail_bénévole est redistribuée essentiellement à quelques salariés. Dans ce type de supermarché, les consommateurs doivent être sociétaires et “donner” du temps pour faire tourner la boutique, en plus du travail salarié qui y a lieu. Cette “#coopération” ou “#participation” ou “#collaboration” c’est 3h de travail obligatoire tous les mois sous peine de sanctions (contrôles à l’entrée du magasin pour éventuellement vous en interdire l’accès). Ces heures obligatoires sont cyniquement là pour créer un attachement des #bénévoles au supermarché, comme l’explique aux futurs lanceurs de projet le fondateur de Park Slope Food le supermarché New-Yorkais qui a inspiré tous les autres. Dans le documentaire FoodCoop réalisé par le fondateur de la Louve pour promouvoir ce modèle :”Si vous demandez à quelqu’un l’une des choses les plus précieuses de sa vie, c’est-à-dire un peu de son temps sur terre (…), la connexion est établie.”

    L’autre spécificité de ce modèle est l’#assemblée_générale annuelle pour la #démocratie, guère mobilisatrice et non propice à la délibération collective. Pour information, La Louve en 2021 obtient, par voie électronique 449 participations à son AG pour plus de 4000 membres, soit 11%. Presque trois fois moins avant la mise en place de cette solution, en 2019 : 188 présents et représentés soit 4,7%. À Scopeli l’AG se tiendra en 2022 avec 208 sur 2600 membres, soit 8% et enfin à la Cagette sur 3200 membres actifs il y aura 143 présents et 119 représentés soit 8,2%

    Pour le reste, vous ne serez pas dépaysés, votre parcours ressemblera à celui dans un supermarché traditionnel. Bien loin des promesses de solidarité, de convivialité, de résistance qui n’ont su aboutir. Les militants voient de plus en plus clairement les impasses de ce modèle mais il fleurit néanmoins dans de nouvelles grandes villes, souvent récupéré comme plan de carrière par des entrepreneurs de l’#ESS qui y voient l’occasion de se créer un poste à terme ou de développer un business model autour de la vente de logiciel de gestion d’épicerie en utilisant ce souhait de milliers de gens de trouver une alternative à la grande distribution.

    #La_Louve, le premier supermarché de ce genre, a ouvert à Paris en 2016. Plus de 4000 membres, pour plus d’1,5 million d’euros d’investissement au départ, 3 années de lancement et 7,7 millions de chiffre d’affaires en 2021. À la création il revendiquait des produits moins chers, de fonctionner ensemble autrement, ne pas verser de dividende et de choisir ses produits. Cette dernière est toujours mise en avant sur la page d’accueil de leur site web : “Nous n’étions pas satisfaits de l’offre alimentaire qui nous était proposée, alors nous avons décidé de créer notre propre supermarché.” L’ambition est faible et le bilan moins flatteur encore : vous retrouverez la plupart des produits présents dans les grandes enseignes (loin derrière la spécificité d’une Biocoop, c’est pour dire…), à des #prix toujours relativement élevés (application d’un taux de 20% de marge).

    À plus petite échelle existent les épiceries “participatives”. La filiation avec le #supermarché_collaboratif est directe, avec d’une cinquantaine à quelques centaines de personnes. Elles ne peuvent généralement pas soutenir de #salariat et amènent des relations moins impersonnelles grâce à leur taille “plus humaine”. Pour autant, certaines épiceries sont des tremplins vers le modèle de supermarché et de création d’emploi pour les initiateurs. Il en existe donc avec salariés. Les marges, selon la motivation à la croissance varient entre 0 et 30%.

    #MonEpi, startup et marque leader sur un segment de marché qu’ils s’efforcent de créer, souhaite faire tourner son “modèle économique” en margeant sur les producteurs (marges arrières de 3% sur les producteurs qui font annuellement plus de 10 000 euros via la plateforme). Ce modèle très conforme aux idées du moment est largement subventionné et soutenu par des collectivités rurales ou d’autres acteurs de l’ESS et de la start-up nation comme Bouge ton Coq qui propose de partager vos données avec Airbnb lorsque vous souhaitez en savoir plus sur les épiceries, surfant sur la “transition” ou la “résilience”.

    Pour attirer le citoyen dynamique, on utilise un discours confus voire trompeur. Le fondateur de MonEpi vante volontiers un modèle “autogéré”, sans #hiérarchie, sans chef : “On a enlevé le pouvoir et le profit” . L’informatique serait, en plus d’être incontournable (“pour faire ce que l’on ne saurait pas faire autrement”), salvatrice car elle réduit les espaces de pouvoir en prenant les décisions complexes à la place des humains. Pourtant cette gestion informatisée met toutes les fonctions dans les mains de quelques sachant, le tout centralisé par la SAS MonEpi. De surcroit, ces épiceries se dotent généralement (et sont incitées à le faire via les modèles de statut fournis par MonEpi) d’une #organisation pyramidale où le simple membre “participe” obligatoirement à 2-3h de travail par mois tandis que la plupart des décisions sont prises par un bureau ou autre “comité de pilotage”, secondé par des commissions permanentes sur des sujets précis (hygiène, choix des produits, accès au local, etc.). Dans certains collectifs, le fait de participer à ces prises de décision dispense du travail obligatoire d’intendance qui incombe aux simples membres…

    Pour finir, nous pouvons nous demander si ces initiatives ne produisent pas des effets plus insidieux encore, comme la possibilité pour la sous-bourgeoisie qui se pense de gauche de se différencier à bon compte : un lieu d’entre-soi privilégié où on te vend, en plus de tes produits, de l’engagement citoyen bas de gamme, une sorte d’ubérisation de la BA citoyenne, où beaucoup semblent se satisfaire d’un énième avatar de la consom’action en se persuadant de lutter contre la grande distribution. De plus, bien que cela soit inconscient ou de bonne foi chez certains, nous observons dans les discours de nombre de ces initiatives ce que l’on pourrait appeler de l’#autogestion-washing, où les #inégalités_de_pouvoir sont masqués derrière des mots-clés et des slogans (Cf. “Le test de l’Autogestion” en fin d’article).

    L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Et on pourrait s’en contenter et même y adhérer faute de mieux. Mais ne peut-on pas s’interroger sur les raisons de poursuivre dans des voies qui ont clairement démontré leurs limites alors même qu’un modèle semble apporter des réponses ?

    L’épicerie autogérée et autogouvernée / libre : une #utopie_libertaire qui a fait ses preuves

    Parfois nommé épicerie autogérée, #coopérative_alimentaire_autogérée, #épicerie_libre ou encore #épicerie_en_gestion_directe, ce modèle de #commun rompt nettement avec nombre des logiques décrites précédemment. Il est hélas largement invisibilisé par la communication des modèles sus-nommés et paradoxalement par son caractère incroyable au sens premier du terme : ça n’est pas croyable, ça remet en question trop de pratiques culturelles, il est difficile d’en tirer un bénéfice personnel, c’est trop beau pour être vrai…Car de loin, cela ressemble à une épicerie, il y a bien des produits en rayon mais ce n’est pas un commerce, c’est un commun basé sur l’#égalité et la #confiance. L’autogestion dont il est question ici se rapproche de sa définition : la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés.

    Mais commençons par du concret ? À #Cocoricoop , épicerie autogérée à Villers-Cotterêts (02), toute personne qui le souhaite peut devenir membre, moyennant une participation libre aux frais annuels (en moyenne 45€ par foyer couvrant loyer, assurance, banque, électricité) et le pré-paiement de ses futures courses (le 1er versement est en général compris entre 50€ et 150€, montant qui est reporté au crédit d’une fiche individuelle de compte). À partir de là, chacun.e a accès aux clés, au local 24h/24 et 7 jours/7, à la trésorerie et peut passer commande seul ou à plusieurs. Les 120 foyers membres actuels peuvent venir faire leurs courses pendant et hors des permanences. Ces permanences sont tenues par d’autres membres, bénévolement, sans obligation. Sur place, des étagères de diverses formes et tailles, de récup ou construites sur place sont alignées contre les murs et plus ou moins généreusement remplies de produits. On y fait ses courses, pèse ses aliments si besoin puis on se dirige vers la caisse… Pour constater qu’il n’y en a pas. Il faut sortir une calculatrice et calculer soi-même le montant de ses courses. Puis, ouvrir le classeur contenant sa fiche personnelle de suivi et déduire ce montant de son solde (somme des pré-paiements moins somme des achats). Personne ne surveille par dessus son épaule, la confiance règne.

    Côté “courses”, c’est aussi simple que cela, mais on peut y ajouter tout un tas d’étapes, comme discuter, accueillir un nouveau membre, récupérer une débroussailleuse, participer à un atelier banderoles pour la prochaine manif (etc.). Qu’en est-il de l’organisation et l’approvisionnement ?

    Ce modèle de #commun dont la forme épicerie est le prétexte, cherche avant tout, à instituer fondamentalement et structurellement au sein d’un collectif les règles établissant une égalité politique réelle. Toutes les personnes ont le droit de décider et prendre toutes les initiatives qu’elles souhaitent. “#Chez_Louise” dans le Périgord (Les Salles-Lavauguyon, 87) ou encore à #Dionycoop (St-Denis, 93), comme dans toutes les épiceries libres, tout le monde peut, sans consultation ou délibération, décider d’une permanence, réorganiser le local, organiser une soirée, etc. Mieux encore, toute personne est de la même manière légitime pour passer commande au nom du collectif en engageant les fonds disponibles dans la trésorerie commune auprès de tout fournisseur ou distributeur de son choix. La trésorerie est constituée de la somme des dépôts de chaque membre. Les membres sont incités à laisser immobilisé sur leur fiche individuelle une partie de leurs dépôts. Au #Champ_Libre (Preuilly-Sur-Claise, 37), 85 membres disposent de dépôts moyens de 40-50€ permettant de remplir les étagères de 3500€ selon l’adage, “les dépôts font les stocks”. La personne qui passe la commande s’assure que les produits arrivent à bon port et peut faire appel pour cela au collectif.

    D’une manière générale, les décisions n’ont pas à être prises collectivement mais chacun.e peut solliciter des avis.

    Côté finances, à #Haricocoop (Soissons, 02), quelques règles de bonne gestion ont été instituées. Une #créditomancienne (personne qui lit dans les comptes bancaires) vérifie que le compte est toujours en positif et un “arroseur” paye les factures. La “crédito” n’a aucun droit de regard sur les prises de décision individuelle, elle peut seulement mettre en attente une commande si la trésorerie est insuffisante. Il n’y a pas de bon ou de mauvais arroseur : il voit une facture, il paye. Une autre personne enfin vérifie que chacun a payé une participation annuelle aux frais, sans juger du montant. Ces rôles et d’une manière générale, toute tâche, tournent, par tirage au sort, tous les ans afin d’éviter l’effet “fonction” et impliquer de nouvelles personnes.

    Tout repose donc sur les libres initiatives des membres, sans obligations : “ce qui sera fait sera fait, ce qui ne sera pas fait ne sera pas fait”. Ainsi, si des besoins apparaissent, toute personne peut se saisir de la chose et tenter d’y apporter une réponse. Le corolaire étant que si personne ne décide d’agir alors rien ne sera fait et les rayons pourraient être vides, le local fermé, les produits dans les cartons, (etc.). Il devient naturel d’accepter ces ‘manques’ s’il se produisent, comme conséquence de notre inaction collective et individuelle ou l’émanation de notre niveau d’exigence du moment.

    Toute personne peut décider et faire, mais… osera-t-elle ? L’épicerie libre ne cherche pas à proposer de beaux rayons, tous les produits, un maximum de membres et de chiffre d’affaires, contrairement à ce qui peut être mis en avant par d’autres initiatives. Certes cela peut se produire mais comme une simple conséquence, si la gestion directe et le commun sont bien institués ou que cela correspond au niveau d’exigence du groupe. C’est à l’aune du sentiment de #légitimité, que chacun s’empare du pouvoir de décider, de faire, d’expérimenter ou non, que se mesure selon nous, le succès d’une épicerie de ce type. La pierre angulaire de ces initiatives d’épiceries libres et autogouvernées repose sur la conscience et la volonté d’instituer un commun en le soulageant de tous les espaces de pouvoir que l’on rencontre habituellement, sans lequel l’émancipation s’avèrera mensongère ou élitiste. Une méfiance vis-à-vis de certains de nos réflexes culturels est de mise afin de “s’affranchir de deux fléaux également abominables : l’habitude d’obéir et le désir de commander.” (Manuel Gonzáles Prada) .

    L’autogestion, l’#autogouvernement, la gestion directe, est une pratique humaine qui a l’air utopique parce que marginalisée ou réprimée dans notre société : nous apprenons pendant toute notre vie à fonctionner de manière autoritaire, individualiste et capitaliste. Aussi, l’autogestion de l’épicerie ne pourra que bénéficier d’une vigilance de chaque instant de chacun et chacune et d’une modestie vis-à-vis de cette pratique collective et individuelle. Autrement, parce que les habitudes culturelles de domination/soumission reviennent au galop, le modèle risque de basculer vers l’épicerie participative par exemple. Il convient donc de se poser la question de “qu’est-ce qui en moi/nous a déjà été “acheté”, approprié par le système, et fait de moi/nous un complice qui s’ignore ?” ^9 (ACCARDO) et qui pourrait mettre à mal ce bien commun.

    S’affranchir de nos habitus capitalistes ne vient pas sans effort. Ce modèle-là ne fait pas mine de les ignorer, ni d’ignorer le pouvoir qu’ont les structures et les institutions pour conditionner nos comportements. C’est ainsi qu’il institue des “règles du jeu” particulières pour nous soutenir dans notre quête de #confiance_mutuelle et d’#égalité_politique. Elles se résument ainsi :

    Ce modèle d’épicerie libre diffère ainsi très largement des modèles que nous avons pu voir plus tôt. Là où la Louve cherche l’attachement via la contrainte, les épiceries autogérées cherchent l’#appropriation et l’émancipation par ses membres en leur donnant toutes les cartes. Nous soulignons ci-dessous quelques unes de ces différences majeures :

    Peut-on trouver une alternative vraiment anticapitaliste de distribution alimentaire ?

    Reste que quelque soit le modèle, il s’insère parfaitement dans la #société_de_consommation, parlementant avec les distributeurs et fournisseurs. Il ne remet pas en cause frontalement la logique de l’#économie_libérale qui a crée une séparation entre #consommateur et #producteur, qui donne une valeur comptable aux personnes et justifie les inégalités d’accès aux ressources sur l’échelle de la croyance au mérite. Il ne règle pas non plus par magie les oppressions systémiques.

    Ainsi, tout libertaire qu’il soit, ce modèle d’épicerie libre pourrait quand même n’être qu’un énième moyen de distinction sociale petit-bourgeois et ce, même si une épicerie de ce type a ouvert dans un des quartiers les plus défavorisés du département de l’Aisne (réservée aux personnes du quartier qui s’autogouvernent) et que ce modèle génère très peu de barrière à l’entrée (peu d’administratif, peu d’informatique,…).

    On pourrait aussi légitimement se poser la question de la priorité à créer ce type d’épicerie par rapport à toutes les choses militantes que l’on a besoin de mettre en place ou des luttes quotidiennes à mener. Mais nous avons besoin de lieux d’émancipation qui ne recréent pas sans cesse notre soumission aux logiques bourgeoises et à leurs intérêts et institutions. Une telle épicerie permet d’apprendre à mieux s’organiser collectivement en diminuant notre dépendance aux magasins capitalistes pour s’approvisionner (y compris sur le non alimentaire). C’est d’autant plus valable en période de grève puisqu’on a tendance à enrichir le supermarché à chaque barbecue ou pour approvisionner nos cantines et nos moyens de lutte.

    Au-delà de l’intérêt organisationnel, c’est un modèle de commun qui remet en question concrètement et quotidiennement les promesses et les croyances liées à la grande distribution. C’est très simple et très rapide à monter. Aucune raison de s’en priver d’ici la révolution !
    Le Test de l’Autogestion : un outil rapide et puissant pour tester les organisations qui s’en réclament

    À la manière du test de Bechdel qui permet en trois critères de mettre en lumière la sous-représentation des femmes et la sur-représentation des hommes dans des films, nous vous proposons un nouvel outil pour dénicher les embuscades tendues par l’autogestion-washing, en toute simplicité : “le test de l’Autogestion” :

    Les critères sont :

    - Pas d’AGs ;

    - Pas de salarié ;

    - Pas de gestion informatisée.

    Ces 3 critères ne sont pas respectés ? Le collectif ou l’organisme n’est pas autogéré.

    Il les coche tous ? C’est prometteur, vous tenez peut être là une initiative sans donneur d’ordre individuel ni collectif, humain comme machine ! Attention, le test de l’autogestion permet d’éliminer la plupart des faux prétendants au titre, mais il n’est pas une garantie à 100% d’un modèle autogéré, il faudra pousser l’analyse plus loin. Comme le test de Bechdel ne vous garantit pas un film respectant l’égalité femme-homme.

    Il faut parfois adapter les termes, peut être le collectif testé n’a pas d’Assemblée Générale mais est doté de Réunions de pilotage, n’a pas de salarié mais des services civiques, n’a pas de bureau mais des commissions/groupe de travail permanents, n’a pas de logiciel informatique de gestion mais les documents de gestion ne sont pas accessibles sur place ?
    Pour aller plus loin :

    Le collectif Cooplib fait un travail de documentation de ce modèle de commun et d’autogestion. Ses membres accompagnent de manière militante les personnes ou collectifs qui veulent se lancer (= gratuit).

    Sur Cooplib.fr, vous trouverez des informations et des documents plus détaillés :

    – La brochure Cocoricoop

    – Un modèle de Statuts associatif adapté à l’autogestion

    – La carte des épiceries autogérées

    – Le Référentiel (règles du jeu détaillées)

    – Le manuel d’autogestion appliqué aux épiceries est en cours d’édition et en précommande sur Hello Asso

    Ces outils sont adaptés à la situation particulière des épiceries mais ils sont transposables au moins en partie à la plupart de nos autres projets militants qui se voudraient vraiment autogérés (bar, librairie, laverie, cantine, camping,…). Pour des expérimentations plus techniques (ex : garage, ferme, festival,…), une montée en compétence des membres semble nécessaire.

    D’autres ressources :

    – Quelques capsules vidéos : http://fede-coop.org/faq-en-videos

    – “Les consommateurs ouvrent leur épiceries, quel modèle choisir pour votre ville ou votre village ?”, les éditions libertaires.

    https://www.frustrationmagazine.fr/coop-grande-distribution
    #alternative #grande_distribution #supermarchés #capitalisme #épiceries #auto-gestion #autogestion #gestion_directe #distribution_alimentaire

    sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/1014023

  • Moi, agricultrice

    Des années d’après-guerre à aujourd’hui, des #pionnières agricultrices vont mener un long combat de l’ombre pour passer de l’#invisibilité_sociale, d’un métier subi, à la reconnaissance pleine et entière de leur statut. Trop longtemps considérées « #sans_profession », sous la #tutelle juridique et économique de leurs époux, ces militantes de la première heure livrent le récit intime d’une conquête restée dans l’oubli de l’histoire de l’#émancipation_des_femmes. La nouvelle génération, héritière de cette lente marche vers l’égalité des droits, témoigne également, bien décidée à garantir les acquis gagnés de haute lutte par leurs mères et leurs grands-mères.

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64524_0

    –—

    Anne-Maire Crolais (à partir de la min 40’09) :

    « Les places, ça se gagne. Est-ce qu’on veut, nous, les femmes, en gagner ou pas ? Il faut le savoir, c’est tout. C’est simple. Un homme ne laissera jamais sa place. (...) Si on veut le pouvoir, on y va. »

    #femmes #vocation #agriculture #reconnaissance #émancipation #injustice_sociale #luttes #cohabitation #travail #agricultrices #Jeunesse_agricole_catholique (#JAC) #profession #identité_professionnelle #existence_sociale #paysannerie #mai_68 #paysannes #paysans-travailleurs #permis_de_conduire #histoire #féminisme #indépendance_financière #statut #droits_sociaux #droits #congé_maternité #clandestinité_sociale #patriarcat #égalité_des_droits #sexisme_ordinaire
    #film #film_documentaire #documentaire

  • INFO BLAST : Comment l’islamophobie est enseignée aux futurs profs
    11.01.2023 | Olivier-Jourdan Roulot - Anouk Milliot | Blast,
    https://www.blast-info.fr/articles/2023/info-blast-comment-lislamophobie-est-enseignee-aux-futurs-profs-ZtV6Ret5S

    (...) Les extraits litigieux se trouvent dans une sous-partie du cours dont l’intitulé donne la mesure : « Neutralité en matière religieuse ne signifie pas égalité de traitement entre les religions », annonce-t-on d’entrée. D’après ce texte, est-il d’abord indiqué, la « neutralité qui définit la laïcité » ne doit donc pas se traduire par un « traitement identique entre les religions » … Diable. Mais par quoi cette inégalité de traitement est-elle donc justifiée ? Par une volonté d’efficacité politique : « Une fois posés les objectifs politiques et les idéaux de vie en société, il apparaît que certaines religions entravent plus ou moins l’action politique ou menacent plus que d’autres le corps social », précise le texte. A ce titre, puisque nous voilà lancés, « si certaines religions sont plus dangereuses que d’autres, il n’y a aucune raison que l’Etat s’en tienne à une sorte d’égalité de traitement ». Mais de quel danger parle-t-on ? Le propos se précise dans le dernier paragraphe : « Si l’objectif est la préservation d’un art de vivre traditionnel et le maintien d’une certaine conception des rapports homme-femme, l’Islam, qui est une religion non traditionnelle en terre française, devra être combattu (sic) plus que le catholicisme ». (...)

    #INSPE - Institut national du professorat et de l’éducation

  • Le 16 décembre, lors d’une nouvelle audience, les avocats de Mumia Abu-Jamal vont tenter de mettre fin au déni de justice dont il est victime depuis plus de 40 ans.

    Ses soutiens doivent manifester à Philadelphie pour exiger sa libération immédiate et sans condition.

    L’enjeu est important car, le 19 octobre, la justice de #Pennsylvanie a dévoilé son intention de rejeter le droit d’appel pour un procès en révision de la condamnation de Mumia Abu-Jamal. Cela écarterait plusieurs des preuves de son innocence et entérinerait les entorses au droit commises à son encontre lors du procès de 1982.

    Militant de la cause des Noirs américains, ce journaliste a été injustement accusé en 1981 du meurtre d’un policier blanc dont il n’est pas l’auteur. La justice américaine persiste et signe et elle lui fait payer, comme elle l’a fait contre de nombreux militants noirs américains, d’avoir relevé la tête et lutté pour l’#égalité_des_droits.

    Le comité international de soutien, qui associe en France de nombreuses ­organisations, dont Lutte ouvrière, invite tous ceux que révolte le maintien en prison de Mumia, dans des conditions où même ses droits à des soins attentifs sont bafoués, à adresser un message à la juge Lucretia J. Clemons, en charge de l’ultime recours dont il dispose pour faire reconnaître son innocence.

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/12/14/liberte-pour-mumia-abu-jamal_452665.html

    Le site du Collectif #Libé­rons_Mumia propose une lettre en pdf à remplir à envoyer à la juge Clemons, souhaitant que celle-ci soit inondée de protestations du monde entier :
    https://www.mumiabujamal.com

    #Mumia_Abu-Jamal #prison #injustice #états-unis

  • « Tant qu’on sera dans un système capitaliste, il y aura du #patriarcat » – Entretien avec #Haude_Rivoal

    Haude Rivoal est l’autrice d’une enquête sociologique publiée en 2021 aux éditions La Dispute, La fabrique des masculinités au travail. Par un travail de terrain de plusieurs années au sein d’une entreprise de distribution de produits frais de 15 000 salariés, la sociologue cherche à comprendre comment se forgent les identités masculines au travail, dans un milieu professionnel qui se précarise (vite) et se féminise (lentement). Les travailleurs, majoritairement ouvriers, sont soumis comme dans tous les secteurs à l’intensification, à la rationalisation et à la flexibilisation du travail. Leur réponse aux injonctions du capitalisme et à la précarisation de leur statut, c’est entre autres un renforcement des pratiques viriles : solidarité accrue entre hommes, exclusion subtile (ou non) des femmes, déni de la souffrance… Pour s’adapter pleinement aux exigences du capitalisme et du patriarcat, il leur faut non seulement être de bons travailleurs, productifs, engagés et disciplinés, mais aussi des “hommes virils mais pas machos”. Pour éviter la mise à l’écart, adopter de nouveaux codes de masculinité est donc nécessaire – mais laborieux. Dans cette étude passionnante, Haude Rivoal met en lumière les mécanismes de la fabrique des masculinités au travail, au croisement des facteurs de genre, de classe et de race.

    Entretien par Eugénie P.

    Ton hypothèse de départ est originale, elle va à rebours des postulats féministes habituels : au lieu d’étudier ce qui freine les femmes au travail, tu préfères analyser comment les hommes gardent leur hégémonie au travail « malgré la déstabilisation des identités masculines au et par le travail ». Pourquoi as-tu choisi ce point de départ ?

    J’étais en contrat Cifre [contrat de thèse où le ou la doctorant.e est embauché.e par une entreprise qui bénéficie également de ses recherches, ndlr] dans l’entreprise où j’ai fait cette enquête. J’avais commencé à étudier les femmes, je voulais voir comment elles s’intégraient, trouvaient des stratégies pour s’adapter dans un univers masculin à 80%. Ce que je découvrais sur le terrain était assez similaire à toutes les enquêtes que j’avais pu lire : c’était les mêmes stratégies d’adaptation ou d’autocensure. J’ai été embauchée pour travailler sur l’égalité professionnelle, mais je n’arrivais pas à faire mon métier correctement, parce que je rencontrais beaucoup de résistances de la part de l’entreprise et de la part des hommes. Et comme je ne comprenais pas pourquoi on m’avait embauchée, je me suis dit que ça serait intéressant de poser la question des résistances des hommes, sachant que ce n’est pas beaucoup étudié par la littérature sociologique. J’ai changé un peu de sujet après le début de ma thèse, et c’est au moment où est sortie la traduction française des travaux de Raewyn Connell [Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, ndlr] : cet ouvrage m’a ouvert un espace intellectuel complètement fou ! Ça m’a beaucoup intéressée et je me suis engouffrée dans la question des masculinités.

    C’est donc la difficulté à faire ton travail qui a renversé ton point de vue, en fait ?

    Oui, la difficulté à faire le travail pour lequel j’ai été embauchée, qui consistait à mettre en place des politiques d’égalité professionnelle : je me rendais compte que non seulement je n’avais pas les moyens de les mettre en place, mais qu’en plus, tout le monde s’en foutait. Et je me suis rendue compte aussi que l’homme qui m’avait embauchée pour ce projet était lui-même extrêmement sexiste, et ne voyait pas l’existence des inégalités hommes-femmes, donc je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il m’avait embauchée. J’ai compris plus tard que les raisons de mon embauche était une défense de ses propres intérêts professionnels, j’y reviendrai. Ce n’est pas qu’il était aveugle face aux inégalités – il travaillait dans le transport routier depuis 40 ans, évidemment que les choses avaient changé -, mais j’avais beau lui expliquer que les discriminations étaient plus pernicieuses, il était persuadé qu’il ne restait plus grand-chose à faire sur l’égalité hommes-femmes.

    Comment se manifeste cette “déstabilisation des identités masculines au et par le travail”, cette supposée « crise de la virilité », que tu évoques au début de ton livre ?

    Je me suis rendue compte en interviewant les anciens et les nouveaux que rien qu’en l’espace d’une génération, il y avait beaucoup moins d’attachement à l’entreprise. Les jeunes générations avaient très vite compris que pour monter dans la hiérarchie, pour être mieux payé ou pour avoir plus de responsabilités, il ne suffisait pas juste d’être loyal à l’entreprise : il fallait la quitter et changer de boulot, tout simplement. Ce n’est pas du tout l’état d’esprit des anciens, dont beaucoup étaient des autodidactes qui avaient eu des carrières ascensionnelles. Il y avait énormément de turnover, et ça créait un sentiment d’instabilité permanent. Il n’y avait plus d’esprit de solidarité ; ils n’arrêtaient pas de dire “on est une grande famille” mais au final, l’esprit de famille ne parlait pas vraiment aux jeunes. Par ailleurs, dans les années 2010, une nouvelle activité a été introduite : la logistique. Il y a eu beaucoup d’enquêtes sur le sujet ! Beaucoup de médias ont parlé de l’activité logistique avec les préparateurs de commandes par exemple, une population majoritairement intérimaire, très précaire, qui ne reste pas longtemps… et du coup, beaucoup d’ouvriers qui avaient un espoir d’ascension sociale se sont retrouvés contrariés. Ce n’est pas exactement du déclassement, mais beaucoup se sont sentis coincés dans une précarité, et d’autant plus face à moi qui suis sociologue, ça faisait un peu violence parfois. Donc c’est à la fois le fait qu’il y ait beaucoup de turnover, et le fait qu’il n’y ait plus le même sentiment de famille et de protection que pouvait apporter l’entreprise, qui font qu’il y a une instabilité permanente pour ces hommes-là. Et comme on sait que l’identité des hommes se construit en grande partie par le travail, cette identité masculine était mise à mal : si elle ne se construit pas par le travail, par quoi elle se construit ?

    Ça interroge beaucoup le lien que tu évoques entre le capitalisme et le patriarcat : la précarisation et la flexibilisation du travail entraînent donc un renforcement des résistances des hommes ?

    Oui, carrément. Il y a beaucoup d’hommes, surtout dans les métiers ouvriers, qui tirent une certaine fierté du fait de faire un “métier d’hommes ». Et donc, face à la précarisation du travail, c’est un peu tout ce qu’il leur reste. Si on introduit des femmes dans ces métiers-là, qui peuvent faire le boulot dont ils étaient si fiers parce que précisément c’est un “métier d’hommes”, forcément ça crée des résistances très fortes. Quand l’identité des hommes est déstabilisée (soit par la précarisation du travail, soit par l’entrée des femmes), ça crée des résistances très fortes.

    Tu explores justement les différentes formes de résistance, qui mènent à des identités masculines diversifiées. L’injonction principale est difficile : il faut être un homme « masculin mais pas macho ». Ceux qui sont trop machos, un peu trop à l’ancienne, sont disqualifiés, et ceux qui sont pas assez masculins, pareil. C’est un équilibre très fin à tenir ! Quelles sont les incidences concrètes de ces disqualifications dans le travail, comment se retrouvent ces personnes-là dans le collectif ?

    Effectivement, il y a plein de manières d’être homme et il ne suffit pas d’être un homme pour être dominant, encore faut-il l’être “correctement”. Et ce “correctement” est presque impossible à atteindre, c’est vraiment un idéal assez difficile. Par exemple, on peut avoir des propos sexistes, mais quand c’est trop vulgaire, que ça va trop loin, là ça va être disqualifié, ça va être qualifié de “beauf”, et pire, ça va qualifier la personne de pas très sérieuse, de quelqu’un à qui on ne pourra pas trop faire confiance. L’incidence de cette disqualification, c’est que non seulement la personne sera un peu mise à l’écart, mais en plus, ce sera potentiellement quelqu’un à qui on ne donnera pas de responsabilités. Parce qu’un responsable doit être un meneur d’hommes, il faut qu’il soit une figure exemplaire, il doit pouvoir aller sur le terrain mais aussi avoir des qualités d’encadrement et des qualités intellectuelles. Donc un homme trop vulgaire, il va avoir une carrière qui ne va pas décoller, ou des promotions qui ne vont pas se faire.

    Quant à ceux qui ne sont “pas assez masculins », je n’en ai pas beaucoup rencontrés, ce qui est déjà une réponse en soi !

    Peut-on dire qu’il y a une “mise à l’écart” des travailleurs les moins qualifiés, qui n’ont pas intégré les nouveaux codes de la masculinité, au profit des cadres ?

    Non, c’est un phénomène que j’ai retrouvé aussi chez les cadres. Mais chez les cadres, le conflit est plutôt générationnel : il y avait les vieux autodidactes et les jeunes loups, et c’est la course à qui s’adapte le mieux aux transformations du monde du travail, qui vont extrêmement vite, en particulier dans la grande distribution. C’est une des raisons pour laquelle le directeur des RH m’a embauchée : il avait peur de ne pas être dans le coup ! L’égalité professionnelle était un sujet, non seulement parce qu’il y avait des obligations légales mais aussi parce que dans la société, ça commençait à bouger un peu à ce moment-là. Donc il s’est dit que c’est un sujet porteur et que potentiellement pour sa carrière à lui, ça pouvait être très bon. Ça explique qu’il y ait des cadres qui adhèrent à des projets d’entreprise avec lesquels ils ne sont pas forcément d’accord, mais juste parce qu’il y a un intérêt final un peu égoïste en termes d’évolution de carrière.

    On dit toujours que les jeunes générations sont plus ouvertes à l’égalité que les aînés, je pense que ce n’est pas tout à fait vrai ; les aînés ont à cœur de s’adapter, ils ont tellement peur d’être dépassés que parfois ils peuvent en faire plus que les jeunes. Et par ailleurs, les jeunes sont ouverts, par exemple sur l’équilibre vie pro et vie perso, mais il y a quand même des injonctions (qui, pour le coup, sont propres au travail) de présentéisme, de présentation de soi, d’un ethos viril à performer… qui font qu’ils sont dans des positions où ils n’ont pas d’autres choix que d’adopter certains comportements virilistes. Donc certes, ils sont plus pour l’égalité hommes-femmes, mais ils ne peuvent pas complètement l’incarner.

    L’une de tes hypothèses fortes, c’est que le patriarcat ingurgite et adapte à son avantage toutes les revendications sur la fin des discriminations pour se consolider. Est-ce qu’on peut progresser sur l’égalité professionnelle, et plus globalement les questions de genre, sans que le patriarcat s’en empare à son avantage ?

    Très clairement, tant qu’on sera dans un système capitaliste, on aura toujours du patriarcat, à mon sens. C’était une hypothèse, maintenant c’est une certitude ! J’ai fait une analogie avec l’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, pour dire que la domination masculine est pareille que le capitalisme, elle trouve toujours des moyens de se renouveler. En particulier, elle est tellement bien imbriquée dans le système capitaliste qui fonctionne avec les mêmes valeurs virilistes (on associe encore majoritairement la virilité aux hommes), que les hommes partent avec des avantages compétitifs par rapport aux femmes. Donc quand les femmes arrivent dans des positions de pouvoir, est-ce que c’est une bonne nouvelle qu’elles deviennent “des hommes comme les autres”, c’est-à-dire avec des pratiques de pouvoir et de domination ? Je ne suis pas sûre. C’est “l’égalité élitiste” : des femmes arrivent à des positions de dirigeantes, mais ça ne change rien en dessous, ça ne change pas le système sur lequel ça fonctionne, à savoir : un système de domination, de hiérarchies et de jeux de pouvoir.

    Donc selon toi, l’imbrication entre patriarcat et capitalisme est indissociable ?

    Absolument, pour une simple et bonne raison : le capitalisme fonctionne sur une partie du travail gratuit qui est assuré par les femmes à la maison. Sans ce travail gratuit, le système capitaliste ne tiendrait pas. [à ce sujet, voir par exemple les travaux de Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, ndlr]

    Ça pose la question des politiques d’égalité professionnelle en entreprise : sans remise en question du système capitaliste, elles sont destinées à être seulement du vernis marketing ? On ne peut pas faire de vrais progrès ?

    Je pense que non. D’ailleurs, beaucoup de gens m’ont dit que mon livre était déprimant pour ça. Je pense que les politiques d’égalité professionnelle ne marchent pas car elles ne font pas sens sur le terrain. Les gens ne voient pas l’intérêt, parce qu’ils fonctionnent essentiellement d’un point de vue rationnel et économique (donc le but est de faire du profit, que l’entreprise tourne et qu’éventuellement des emplois se créent, etc), et ils ne voient pas l’intérêt d’investir sur ce sujet, surtout dans les milieux masculins car il n’y a pas suffisamment de femmes pour investir sur le sujet. J’ai beau leur dire que justement, s’il n’y a pas de femmes c’est que ça veut dire quelque chose, ils ont toujours des contre-arguments très “logiques” : par exemple la force physique. Ils ne vont pas permettre aux femmes de trouver une place égale sur les postes qui requièrent de la force physique. Quand les femmes sont intégrées et qu’elles trouvent une place valorisante, ce qui est le cas dans certains endroits, c’est parce qu’elles sont valorisées pour leurs qualités dites “féminines”, d’écoute, d’empathie, mais elles n’atteindront jamais l’égalité car précisément, elles sont valorisées pour leur différence. Le problème n’est pas la différence, ce sont les inégalités qui en résultent. On peut se dire que c’est super que tout le monde soit différent, mais on vit dans un monde où il y a une hiérarchie de ces différences. Ces qualités (écoute, empathie) sont moins valorisées dans le monde du travail que le leadership, l’endurance…

    Ça ne nous rassure pas sur les politiques d’égalité professionnelle…

    Si les politiques d’égalité professionnelle marchaient vraiment, on ne parlerait peut-être plus de ce sujet ! Je pense que les entreprises n’ont pas intérêt à ce qu’elles marchent, parce que ça fonctionne bien comme ça pour elles. Ca peut prendre des formes très concrètes, par exemple les RH disaient clairement en amont des recrutements : ”on prend pas de femmes parce que physiquement elles ne tiennent pas”, “les environnement d’hommes sont plus dangereux pour elles”, “la nuit c’est pas un environnement propice au travail des femmes”… Tu as beau répondre que les femmes travaillent la nuit aussi, les infirmières par exemple… Il y a un tas d’arguments qui montrent la construction sociale qui s’est faite autour de certains métiers, de certaines qualités professionnelles attendues, qu’il faudrait déconstruire – même si c’est très difficile à déconstruire. Ça montre toute une rhétorique capitaliste, mais aussi sexiste, qui explique une mise à l’écart des femmes.

    On a l’impression d’une progression linéaire des femmes dans le monde du travail, que ça avance doucement mais lentement, mais je constate que certains secteurs et certains métiers se déféminisent. On observe des retours en arrière dans certains endroits, ce qui légitime encore plus le fait de faire des enquêtes. Ce n’est pas juste un retour de bâton des vieux mormons qui veulent interdire l’avortement, il y aussi des choses plus insidieuses, des résistances diverses et variées.

    En plus, l’intensification du travail est un risque à long terme pour les femmes. Par exemple, il y a plus de femmes qui font des burnout. Ce n’est pas parce qu’elles sont plus fragiles psychologiquement, contrairement à ce qu’on dit, mais c’est parce qu’elles assurent des doubles journées, donc elles sont plus sujettes au burnout. Les transformations du monde du travail sont donc un risque avéré pour l’emploi des femmes, ne serait-ce que parce que par exemple, les agences d’intérim trient en amont les candidats en fonction de la cadence. Il faut redoubler de vigilance là-dessus.

    Tu analyses les types de masculinité qui se façonnent en fonction des facteurs de classe et de race. On voit que ce ne sont pas les mêmes types d’identités masculines, certaines sont dévalorisées. Quelles en sont les grandes différences ?

    Je ne vais pas faire de généralités car ça dépend beaucoup des milieux. Ce que Raewyn Connell appelle la “masculinité hégémonique”, au sens culturel et non quantitatif (assez peu d’hommes l’incarnent), qui prendrait les traits d’un homme blanc, d’âge moyen, hétérosexuel, de classe moyenne supérieure. Par rapport à ce modèle, il y a des masculinités “non-hégémoniques”, “subalternes”, qui forment une hiérarchie entre elles. Malgré le fait que ces masculinités soient plurielles, il y a une solidarité au sein du groupe des hommes par rapport au groupe des femmes, et à l’intérieur du groupe des hommes, il y a une hiérarchie entre eux. Les masculinités qu’on appelle subalternes sont plutôt les masculinités racisées ou homosexuelles. Elles s’expriment sous le contrôle de la masculinité hégémonique. Elles sont appréciées pour certaines qualités qu’elles peuvent avoir : j’ai pu voir que les ouvriers racisés étaient appréciés pour leur endurance, mais qu’ils étaient aussi assez craints pour leur “indiscipline” supposée. En fait, les personnes “dévalorisées” par rapport à la masculinité hégémonique sont appréciées pour leurs différences, mais on va craindre des défauts qui reposent sur des stéréotypes qu’on leur prête. Par exemple, les personnes racisées pour leur supposée indiscipline, les personnes des classes populaires pour leur supposé mode de vie tourné vers l’excès, les femmes pour leurs supposés crêpages de chignon entre elles…. C’est à double tranchant. Les qualités pour lesquelles elles sont valorisées sont précisément ce qui rend l’égalité impossible. Ces qualités qu’on valorise chez elles renforcent les stéréotypes féminins.

    Tu montres que le rapport au corps est central dans le travail des hommes : il faut s’entretenir mais aussi s’engager physiquement dans le travail, quitte à prendre des risques. Il y a une stratégie de déni de la souffrance, de sous-déclaration du stress chez les travailleurs : pour diminuer la souffrance physique et psychologique au travail, il faut changer les conditions de travail mais aussi changer le rapport des hommes à leur corps ?

    Je pensais que oui, mais je suis un peu revenue sur cette idée. Effectivement, il y plein d’études qui montrent que les hommes prennent plus de risques. C’est par exemple ce que décrit Christophe Dejours [psychiatre français spécialisé dans la santé au travail, ndlr] sur le “collectif de défense virile”, qui consiste à se jeter à corps perdu dans le travail pour anesthésier la peur ou la souffrance. Ce n’est pas forcément ce que j’ai observé dans mes enquêtes : en tout cas auprès des ouvriers (qui, pour le coup, avaient engagé leur corps assez fortement dans le travail), non seulement parce qu’ils ont bien conscience que toute une vie de travail ne pourra pas supporter les prises de risque inconsidérées, mais aussi parce qu’aujourd’hui la souffrance est beaucoup plus médiatisée. Cette médiatisation agit comme si elle donnait une autorisation d’exprimer sa souffrance, et c’est souvent un moyen d’entrée pour les syndicats pour l’amélioration des conditions de travail et de la santé au travail. Donc il y a un rapport beaucoup moins manichéen que ce qu’on prête aux hommes sur la prise de risques et le rapport au corps.

    En termes d’émotions, là c’est moins évident : on parle de plus en plus de burnout, mais à la force physique s’est substituée une injonction à la force mentale, à prendre sur soi. Et si ça ne va pas, on va faire en sorte que les individus s’adaptent au monde du travail, mais on ne va jamais faire en sorte que le monde du travail s’adapte au corps et à l’esprit des individus. On va donner des sièges ergonomiques, des ergosquelettes, on va créer des formations gestes et postures, on va embaucher des psychologues pour que les gens tiennent au travail, sans s’interroger sur ce qui initialement a causé ces souffrances.

    D’ailleurs, ce qui est paradoxal, c’est que l’entreprise va mettre en place tous ces outils, mais qu’elle va presque encourager les prises de risque, parce qu’il y a des primes de productivité ! Plus on va vite (donc plus on prend des risques), plus on gagne d’argent. C’est d’ailleurs les intérimaires qui ont le plus d’accidents du travail, déjà parce qu’ils sont moins formés, mais aussi parce qu’ils ont envie de se faire un max d’argent car ils savent très bien qu’ils ne vont pas rester longtemps.

    Donc ce sont les valeurs du capitalisme et ses incidences économiques (les primes par exemple) qui forgent ce rapport masculin au travail ?

    Oui, mais aussi parce qu’il y a une émulation collective. La masculinité est une pratique collective. Il y a une volonté de prouver qu’on est capable par rapport à son voisin, qu’on va dépasser la souffrance même si on est fatigué, et qu’on peut compter sur lui, etc. J’ai pu observer ça à la fois chez les cadres dans ce qu’on appelle les “boys clubs”, et sur le terrain dans des pratiques de renforcement viril.

    Tu n’as pas observé de solidarité entre les femmes ?

    Assez peu, et c’est particulièrement vrai dans les milieux masculins : la sororité est une solidarité entre femmes qui est très difficile à obtenir. J’en ai fait l’expérience en tant que chercheuse mais aussi en tant que femme. Je me suis dit que j’allais trouver une solidarité de genre qui m’aiderait à aller sur le terrain, mais en fait pas du tout. C’est parce que les femmes ont elles-mêmes intériorisé tout un tas de stéréotypes féminins. C’est ce que Danièle Kergoat appelle “le syllogisme des femmes”, qui dit : “toutes les femmes sont jalouses. Moi je ne suis pas jalouse. Donc je ne suis pas une femme.” Il y a alors une impossibilité de création de la solidarité féminine, parce qu’elles ne veulent pas rentrer dans ces stéréotypes dégradants de chieuses, de nunuches, de cuculs… Les femmes sont assez peu nombreuses et assez vites jugées, en particulier sur leurs tenues : les jugements de valeur sont assez sévères ! Par exemple si une femme arrive avec un haut un peu décolleté, les autres femmes vont être plutôt dures envers elle, beaucoup plus que les hommes d’ailleurs. Elles mettent tellement d’efforts à se créer une crédibilité professionnelle que tout à coup, si une femme arrive en décolleté, on ne va parler que de ça.

    Toi en tant que femme dans l’entreprise, tu dis que tu as souvent été renvoyée à ton genre. Il y a une forme de rappel à l’ordre.

    Oui, quand on est peu nombreuses dans un univers masculin, la féminité fait irruption ! Quels que soient tes attributs, que tu sois féminine ou pas tant que ça, tu vas avoir une pression, une injonction tacite à contrôler tous les paramètres de ta féminité. Ce ne sont pas les hommes qui doivent contrôler leurs désirs ou leurs remarques, mais c’est aux femmes de contrôler ce qu’elles provoquent chez les hommes, et la perturbation qu’elles vont provoquer dans cet univers masculin, parce qu’elles y font irruption.

    Toujours rappeler les femmes à l’ordre, c’est une obsession sociale. Les polémiques sur les tenues des filles à l’école, sur les tenues des femmes musulmanes en sont des exemples… Cette volonté de contrôle des corps féminins est-elle aussi forte que les avancées féministes récentes ?

    C’est difficile à mesurer mais ce n’est pas impossible. S’il y a des mouvements masculinistes aussi forts au Canada par exemple, c’est peut-être que le mouvement féministe y est hyper fort. Ce n’est pas impossible de se dire qu’à chaque fois qu’il y a eu une vague d’avancées féministes, quelques années plus tard, il y a forcément un retour de bâton. Avec ce qui s’est passé avec #metoo, on dirait que le retour de bâton a commencé avec le verdict du procès Johnny Depp – Amber Heard, puis il y a eu la la décision de la Cour Constitutionnelle contre l’avortement aux Etats-Unis… On n’est pas sorties de l’auberge, on est en train de voir se réveiller un mouvement de fond qui était peut-être un peu dormant, mais qui est bien présent. L’article sur les masculinistes qui vient de sortir dans Le Monde est flippant, c’est vraiment des jeunes. En plus, ils sont bien organisés, et ils ont une rhétorique convaincante quand tu ne t’y connais pas trop.

    Les milieux de travail très féminisés sont-ils aussi sujets à l’absence de sororité et à la solidarité masculine dont tu fais état dans ton enquête ?

    En général, les hommes qui accèdent à ces milieux ont un ”ascenseur de verre” (contrairement aux femmes qui ont le “plafond de verre”) : c’est un accès plus rapide et plus facile à des postes à responsabilité, des postes de direction. C’est le cas par exemple du milieu de l’édition : il y a énormément de femmes qui y travaillent mais les hommes sont aux manettes. Le lien avec capitalisme et virilité se retrouve partout – les hommes partent avec un avantage dans le monde du travail capitaliste, souvent du simple fait qu’ils sont des hommes et qu’on leur prête plus volontiers d’hypothétiques qualités de leader.

    Dans quelle mesure peut-on étendre tes conclusions à d’autres milieux de travail ou d’autres secteurs d’activité ? Est-ce que tes conclusions sont spécifiques à la population majoritairement ouvrière et masculine, et au travail en proie à l’intensification, étudiés dans ta thèse ?

    J’ai pensé mon travail pour que ce soit généralisable à plein d’entreprises. J’ai pensé cette enquête comme étant symptomatique, ou en tout cas assez représentative de plein de tendances du monde du travail : l’intensification, l’informatisation à outrance… Ces tendances se retrouvent dans de nombreux secteurs. Je dis dans l’intro : “depuis l’entrepôt, on comprend tout.” Comme partout, il y a de la rationalisation, de l’intensification, et de la production flexible. A partir de là, on peut réfléchir aux liens entre masculinités et capitalisme. Les problématiques de violence, de harcèlement sortent dans tous les milieux, aucun milieu social n’est épargné, précisément parce qu’elles ont des racines communes.

    Comment peut-on abolir le capitalisme, le patriarcat et le colonialisme ?

    Je vois une piste de sortie, une perspective politique majeure qui est de miser sur la sororité. La sororité fonctionne différemment des boys clubs, c’est beaucoup plus horizontal et beaucoup moins hiérarchique. Il y a cette même notion d’entraide, mais elle est beaucoup plus inclusive. Ce sont des dominées qui se rassemblent et qui refusent d’être dominées parce qu’elles refusent de dominer. Il faut prendre exemple sur les hommes qui savent très bien se donner des coups de main quand il le faut, mais faisons-le à bon escient. C’est une solution hyper puissante.

    Ne pas dominer, quand on est dominante sur d’autres plans (quand on est blanche par exemple), ça revient à enrayer les différents systèmes de domination.

    Tout à fait. Les Pinçon-Charlot, on leur a beaucoup reproché d’avoir travaillé sur les dominants, et c’est le cas aussi pour les masculinités ! Il y a plusieurs types de critique : d’abord, il y a un soupçon de complaisance avec ses sujets d’étude, alors qu’il y a suffisamment de critique à l’égard de nos travaux pour éviter ce biais. Ensuite, on est souvent accusé.e.s de s’intéresser à des vestiges ou à des pratiques dépassés, parce que les groupes (hommes, ou bourgeois) sont en transformation ; en fait, les pratiques de domination se transforment, mais pas la domination ! Enfin, on peut nous reprocher de mettre en lumière des catégories “superflues”, alors qu’on devrait s’intéresser aux dominé.e.s… mais on a besoin de comprendre le fonctionnement des dominant.e.s pour déconstruire leur moyen de domination, et donner des armes à la sororité.

    https://www.frustrationmagazine.fr/entretien-rivoal
    #capitalisme #identité_masculine #travail #féminisation #précarisation #intensification #rationalisation #flexibilisation #pratiques_viriles #masculinité #codes #codes_de_masculinité #genre #classe #race #intersectionnalité #hommes #égalité_professionnelle #sexisme #discriminations #crise_de_la_virilité #turnover #instabilité #solidarité #logistique #ouvriers #ascension_sociale #déclassement #métier_d’hommes #résistance #disqualification #beauf #responsabilités #vulgarité #égalité_professionnelle #carrière #présentéisme #genre #domination_masculine #pouvoir #égalité_élitiste #hiérarchies #travail_gratuit #travail_domestique #force_physique #écoute #empathie #différence #leadership #rhétorique #endurance #déféminisation #intensification_du_travail #burnout #burn-out #cadence #masculinité_hégémonique #masculinités_subalternes #stéréotypes #indiscipline #corps #souffrance #stress #souffrance_physique #souffrance_psychique #conditions_de_travail #risques #santé_au_travail #émotions #force_mentale #primes #boys_clubs #renforcement_viril #sororité #syllogisme_des_femmes #solidarité_féminine #jugements_de_valeur #crédibilité_professionnelle #féminité #violence #harcèlement #entraide

  • Activision Blizzard workers walk out, protesting loss of abortion rights - The Washington Post
    https://www.washingtonpost.com/video-games/2022/07/21/activision-blizzard-roe-walkout

    Hundreds of Activision Blizzard employees are walking out Thursday in Texas, California, Minnesota and New York to protest the overturn of Roe v. Wade and demand protections. The current count, as of this writing, is 450 employees, in-person and online.

    The demands include a request for all workers to have the right to work remotely, and for workers living in “locations passing discriminatory legislation,” such as antiabortion laws, to be offered relocation assistance to a different state or country. Employees are also demanding the company sign a labor-neutrality agreement to respect the rights of workers to join a union; on Twitter, the workers’ group A Better ABK said the demand was necessitated by union-busting efforts on the part of Activision Blizzard.

    ABetterABK 💙 ABK Workers Alliance sur Twitter :
    https://twitter.com/ABetterABK/status/1544717283087757312

    In light of the recent attacks on the civil liberties of our employees, the employee-led Committee Against Sex and Gender Discrimination has scheduled a walk out action on July 21st, 2022 (1/17)

    Manifestation chez Activision-Blizzard-King pour l’accès à certains droits.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #activision_blizzard #a_better_abk #ressources_humaines #roe_v_wade #syndicalisme #revendication #droit #avortement #manifestation #travail_à_distance #télétravail #lgbt #assurance_santé #fabby_garza #rich_george #égalité_des_sexes #équité_des_sexes #équité #qa #raven_software #assurance_qualité #kate_anderson #alejandra_beatty #verily #alphabet #google

  • Nouveau gouvernement : qui est Pap Ndiaye, le ministre de l’Education nationale en rupture avec la ligne de Jean-Michel Blanquer ?
    https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-d-elisabeth-borne/nouveau-gouvernement-qui-est-pap-ndiaye-le-ministre-de-l-education-nati

    Sa nomination fait réagir la classe politique

    Dès vendredi, l’arrivée à l’Education nationale du frère de la Prix Goncourt 2019, Marie Ndiaye, qui avait signé en 2012 une tribune appelant à voter pour François Hollande, n’a pas manqué de faire réagir la classe politique.

    A l’extrême droite, on fustige cette nomination. C’est le cas notamment du porte-parole du Rassemblement national, Julien Odoul, qui dénonce sur Twitter « un militant immigrationniste pour rééduquer nos enfants au ’vivre-ensemble’ avec les migrants et déconstruire l’Histoire de France. Cette nomination dépasse les bornes de la provocation. »

    Du côté de La France insoumise (LFI), on salue cette nomination, même si on y voit une manœuvre politique. « Je suis stupéfait de cette nouvelle. Pour moi, Pap Ndiaye n’était pas du tout là-dedans. Ce qui est sûr, c’est qu’il fallait ’déblanquériser’ l’Education nationale », a réagi, auprès de l’AFP, le député LFI Alexis Corbière. Mais « ce coup médiatique, le seul de ce gouvernement terne, ne désamorcera pas la profonde colère dans l’Education nationale », estime le parlementaire.

    La « déblanquérisation » n’a pas l’heur de plaire à l’extrême-droite ... Mais bon, ils ne sont pas racistes du tout chez RN/FN.

    • https://twitter.com/JSvrdlin/status/1527730851886338049

      Beaucoup de gens de gauche se font la même réflexion ce soir. Pour y répondre il faudrait distinguer plusieurs choses qui semblent se s’emmêler. Tentons de le faire dans ce fil : 🧶⤵️1/
      M Pap Ndiaye, que j’avoue ne pas connaitre, semble être très apprécié pour ses travaux d’historien dont tout le monde n’arrête pas de souligner l’écart d’avec la pensée de M Blanquer. C’est d’ailleurs le sujet central sur les chaines d’info ce soir. 2/
      Mais de quel désaccord s’agit-il vraiment ? C’est au sujet du prétendu wokisme que les deux hommes semblent avoir un désaccord majeur. En effet, M Ndiaye parait être le portrait-robot du méchant intellectuel wokiste que M Blanquer n’a pas arrêté d’accuser de tous les maux. 3/
      Rappelez vous de la fameuse gangrène dans les universités françaises : 4/
      Frédérique Vidal et « l’islamo-gauchisme » à la fac : 5 minutes pour comprendre un débat explosif
      La ministre en charge de l’Enseignement supérieur a indiqué dimanche sur Cnews sa décision de demander une enquête au CNRS afin de distingue
      https://www.leparisien.fr/societe/frederique-vidal-et-lislamo-gauchisme-a-la-fac-5-minutes-pour-comprendre-
      Or, ce désaccord, je vais oser le qualifier de secondaire dans le cas qui se présente à nous. Je m’explique : 5/
      si M Ndiaye avait été nommé ministre de l’intérieur, à ce moment-là, son positionnement en tant qu’historien engagé sur le front du racisme aurait acquis une signification politique majeure. 6/
      Il aurait alors été en prise directe avec les discriminations raciales et les violences qui y sont attachées de la part des policiers. La violence systémique et le racisme systémique auraient alors été mis en débat et les décisions qu’aurait eu à prendre alors le ministre 7/
      auraient une importance cruciale. Or, M Ndiaye n’est "que" le ministre de l’Education. Et les maux dont souffre l’Education Nationale ne sont pas de même nature que ceux dont souffre la police (même si certains maux sont partagés). 8/
      Le problème principal de l’EN est son démantèlement, la création d’une EN à plusieurs vitesses, l’abandon des visées émancipatrices et l’assignation à résidence sociale des élèves issus des classes les plus pauvres. Je ne vais pas détailler ici la stratégie de choc néolibérale 9/
      mais je vous invite plutôt à lire par exemple ceci : 10/
      blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin…
      M Macron a explicité le 17 mars dernier comment il compte s’y prendre pour achever tout cela au cours de son 2nd quinquennat : 11/
      blogs.mediapart.fr/jadran-svrdlin…
      M Ndiaye est évidemment au courant du projet présidentiel au moment où il accepte ce poste. Et s’il l’accepte c’est qu’il ne voit pas d’incompatibilité majeure entre ses propres principes et le projet présidentiel. 12/
      D’ailleurs, les premiers mots du nouveau ministre ne laissent aucun doute. Voici ce qu’il dit lors de la passation des pouvoirs au 110 rue de Grenelle :

      "Je suis un pur produit de la méritocratie républicaine dont l’école est le pilier." 13/
      Donc, M Ndiaye peut tout à fait être progressiste dans sa discipline et être apprécié pour cela et être en phase avec la politique néolibérale la plus dure et mystificatrice. Se poser soi-même en tant qu’exemple de la méritocratie n’augure rien de bon. 14/
      Mener des travaux exemplaires en histoire, faire preuve d’une conscience de race et n’avoir aucune conscience de classe est une chose tout à fait possible. Suffit-il donc d’être progressiste dans un domaine précis pour être qualifié de penseur de gauche ? 15/
      Est-il possible même d’être considéré comme étant de gauche sans jamais s’inscrire dans la lutte des classes ?
      16/
      Une chose est sûre : les médias en font une caution de gauche, un anti-Blanquer, et essaient de façon tout à fait artificielle de faire monter la tension en cette période électorale. Ce fil tente donc de démontrer la vacuité de tout cela. 17/
      Selon moi, M Ndiaye est donc juste une preuve de plus que pour M Macron et le capitalisme en général le racisme et l’antiracisme sont juste des jouets, des instruments de diversion, des paravents qui cachent le lutte des classes qui est en train de déliter toute notre société 18/
      notamment au sein de l’Education Nationale. Je ne dis pas du tout que ce ne sont pas des sujets essentiels. Entendons-nous bien : je dis que le capital les considère et en use comme de vulgaires variables d’ajustement de l’opinion publique. 19/
      Ce que nous, gens véritablement de gauche, pouvons faire de mieux : c’est marcher sur nos deux pieds, bien en équilibre à l’intersection de toutes les luttes, qu’elles soient de classe, de race, de genre, écologiques ou pédagogiques ! 20/
      La classe dominante ne cesse et ne cessera de tenter de dénouer les liens entre toutes ces luttes en faignant accorder de temps à autre de l’aumône à l’une ou l’autre. Comme aujourd’hui, ce ne seront que des leurres. A nous d’être vigilants, lucides et déterminés à les combattre !

    • M Ndiaye est évidemment au courant du projet présidentiel au moment où il accepte ce poste. Et s’il l’accepte c’est qu’il ne voit pas d’incompatibilité majeure entre ses propres principes et le projet présidentiel.

      un coloré cultivé pour ce ministère clé c’est aussi un coup de mousse (qui fera pschit ?)pour amadouer la population des quartiers qui lorsqu’elle ne s’abstient pas - ce que le récent pourcentage des voix exprimées en faveur d’Union populaire a aidé à oublier et silencer - serait foutue de voter nouveau PS.

      #masque_noir #Pap_Ndiaye #dualité #macronisme #éducation

    • On pouvait se demander si, en échange de la vente de son nom et de son image, Pap Ndiaye avait au moins négocié quelques éléments :
      – nommer lui même son dircab
      – des moyens
      – une ou deux mesures progressistes

      La réponse est déjà là : non.

      Un ministre qui ne choisit pas son dircab est sous contrôle direct de l’Elysée. Non seulement il n’a aucun contrôle de son emploi du temps et est trainé de buffet en visite Potemkine, mais il est isolé du monde extérieur.

      Et là… un blanquérien.
      Jean-Marc Huart, un ex-"Dgesco" au coeur de l’affaire Avenir lycéen
      https://www.lexpress.fr/actualite/societe/avenir-lyceen-jean-marc-huart-un-dgesco-dans-l-ombre-de-jean-michel-blanque

      Jean-Marc Huart a été le premier Degesco de Blanquer et a été mouillé dans le détournement d’argent public au profit d’une association lycéenne fictive : Avenir Lycéen.
      Avenir lycéen : Jean-Marc Huart, le recteur de l’Académie Nancy-Metz dans la tourmente
      https://www.francebleu.fr/infos/education/avenir-lyceen-jean-marc-huart-le-recteur-de-l-academie-nancy-metz-dans-la

      @Pr_Logos

      https://twitter.com/Pr_Logos/status/1528644089922691073

    • dans quelle mesure Pap Ndiaye, travaux d’historien mis à part, n’est-il pas fondamentalement un macroniste pur jus question management. L’ethos autoritaire de petits chefs ne supportant pas la démocratie interne se retrouve souvent là où on ne l’attend pas.

      @babou_lou
      https://twitter.com/babou_lou/status/1528655161467494401

      Musée de l’immigration : habillage décolonial et répression antisyndicale
      https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Musee-de-l-immigration-habillage-decolonial-et-repressio

    • « Le chantier de l’égalité réelle doit être la grande mission de Pap Ndiaye »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/23/le-chantier-de-l-egalite-reelle-doit-etre-la-grande-mission-de-pap-ndiaye_61

      A l’école, tout le monde est attaché à l’égalité, mais personne n’y travaille vraiment, constate Louis-Georges Tin, ancien président du Conseil représentatif des associations noires, dans une tribune au « Monde », qui appelle à ce que le souci de l’inclusion soit désormais pris en considération à tous les niveaux.

      A peine nommé, Pap Ndiaye, le nouveau ministre de l’éducation, devra traiter un dossier prioritaire, sans doute le plus difficile : celui de l’égalité réelle. Depuis les travaux de Pierre Bourdieu, au moins, on sait à quel point l’école républicaine, au lieu d’assurer l’égalité, renforce les inégalités.
      Toutes les études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le confirment : le système scolaire français est l’un des plus inégalitaires en Europe. Le problème ne se trouve pas dans les principes, qui sont justes, mais dans leur application, qui est manifestement biaisée. Le sujet est d’autant plus difficile à régler que le pays vit dans le déni. La mythologie de l’école de la République empêche de voir ses failles de plus en plus béantes.

      Or ces inégalités croissantes ne sont pas seulement un problème de justice sociale ; elles nuisent aussi à la performance économique de la nation. Quand des jeunes sont exclus du système scolaire, c’est une perte pour eux, mais aussi pour l’ensemble de notre pays. Il faudrait d’ailleurs que les économistes chiffrent le coût financier de cette perte sèche, car il est absolument énorme.

      Confiance et respect

      Le problème, c’est que la lutte pour l’égalité est généralement un impensé. A l’école, tout le monde y est attaché, mais personne n’y travaille vraiment. Pour les professeurs, la priorité, c’est le programme de mathématiques, de français, d’histoire ou d’anglais, qu’on n’a jamais le temps d’achever à la fin de l’année. Or, comme le disait Léon Gambetta (1838-1882), « le but sacré de la République n’est pas de décréter des égaux, c’est d’en faire ».

      Quand des jeunes sont exclus du système scolaire, c’est une perte pour eux, mais aussi pour l’ensemble de notre pays
      Dans une classe de collège ou de lycée, si les petites filles sont harcelées par des garçons qui s’amusent à jouer les caïds, si les caïds de la classe sont victimes de l’exclusion sociale et raciale au quotidien, s’il y a un jeune homosexuel qui, vivant dans la peur panique d’être découvert, est maintenant en décrochage scolaire, si la jeune fille au fond de la salle n’ose pas dire qu’elle n’entend pas bien, car elle a peur des moqueries concernant son handicap, si formidable que soit le cours, il ne pourra pas être reçu.

      Par conséquent, l’enseignant, homme ou femme, doit d’abord avoir le souci de l’égalité et de l’inclusion, il doit créer activement les conditions de la confiance et du respect, qu’on ne peut pas considérer comme acquis au premier jour de la rentrée. Il faut d’abord travailler sur ces notions, et ensuite, le contenu pédagogique pourra être partagé – il n’en passera évidemment que mieux. Ce n’est pas du temps perdu, c’est au contraire un investissement très productif et très rentable pour le reste de l’année.

      En ce sens, le souci d’inclusion de la diversité ne saurait être un supplément d’âme, quelque chose qu’on évoquera peut-être en fin d’année, s’il reste un peu de temps. Au contraire, ce doit être un préalable à toute communication pédagogique. Et il doit être pris en considération à tous les niveaux : au niveau des enseignants, des parents, des instituts de formation, des inspecteurs, du rectorat, et bien sûr du ministère.

      Dénoncé par les racistes de service

      C’est dans cet état d’esprit général qu’il faut aborder la lutte pour l’égalité réelle, qui est aussi la lutte pour l’efficacité réelle. A partir de là, des mesures concrètes pourront être mises en œuvre, que ce soit sur la formation initiale et continue des enseignants, la réforme des programmes, la lutte contre les orientations scolaires discriminantes, la lutte contre l’apartheid scolaire, le mentorat généralisé dans les quartiers populaires et dans le monde rural, la mise en place d’une agence nationale pour les stages, etc.

      Tous ces sujets, Pap Ndiaye, le nouveau ministre, les connaît parfaitement bien. Il y a travaillé à l’époque où il était vice-président du conseil scientifique du Conseil représentatif des associations noires. Son expérience universitaire l’a préparé à la fonction qu’il occupe aujourd’hui.

      Issu du monde académique qu’il connaît parfaitement, intellectuel brillant et nuancé, il devra mettre en œuvre les convictions qu’il porte depuis longtemps. Principale surprise du nouveau gouvernement, il a été salué par le monde académique, dénoncé par les racistes de service, évidemment, mais il a fait naître un espoir dans tout le pays. Maintenant, c’est à lui de donner à la jeunesse française les moyens de la réussite, pour tous et pour toutes.

      Louis-Georges Tin(Ancien président du Conseil représentatif des associations noires/CRAN)

      Promouvoir une infime fraction par l’école (#égalité_des_chances), créer une bourgeoisie noire. (ceci n’est pas du macKinsey)

  • L’#Algérie sous #Vichy

    De l’été 1940 à l’été 1943, l’#Algérie_française se donne avec enthousiasme à la révolution nationale voulue par #Pétain. Ce dont de nombreux Européens d’Algérie rêvent depuis longtemps s’accomplit : rétablissement de l’#ordre_colonial, mise au pas des populations et abrogation du #décret_Crémieux qui, en 1870, avait fait des Juifs d’Algérie des citoyens français.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64265_0

    #WWII #seconde_guerre_mondiale #histoire #Juifs #antisémitisme #Maréchal_Pétain #collaborationnisme #impérialisme #France #Georges_Hardy #général_Weygand #Maxime_Weygand #Juifs_d'Algérie #déchéance_de_nationalité #licenciement #citoyenneté #exclusion_scolaire #Juifs_indigènes #catégorisation #Italiens_d'Algérie #indigènes #extrême_droite #Edouard_Drumont #Drumont #émeutes_antijuives #musulmans #Gabriel_Lambert #Messali_Hajj #assimilation #Ferhat_Abbas #égalité_par_le_bas #propagande #pauvreté #discriminations #typhus #Georges_Claude #confiscation_des_biens #aryanisation_économique #service_des_questions_juives #terres #camps #internement #camps_de_travail #camps_d'éloignement #indésirables #torture #Bedeau #chasse_aux_Juifs #service_d'ordre_de_la_légion (#SOL) #étoile_jaune #fascisme #oppression #résistance #José_Aboulker #Opération_Torch #général_Juin #Alphonse_Juin #François_Darlan #général_Giraud #unités_de_travail #Henri_Giraud #rafles #Fernand_Bonnier_de_la_Chappelle #Marcel_Peyrouton #débarquement #Etats-Unis #USA #spoliation #Jean_Monnet #Sidney_Chouraqui #armée_d'Afrique #camp_de_Bedeau #de_Gaulle #déshumanisation

    ping @postcolonial @isskein @karine4 @cede

  • Enquête sur l’écofascisme : comment l’extrême droite veut récupérer l’écologie
    https://reporterre.net/Enquete-sur-l-ecofascisme-comment-l-extreme-droite-veut-recuperer-l-ecol

    En 2016, un des pontes du survivalisme, Piero San Giorgio, déclarait que la véritable nature des Européens, « c’est d’être un Waffen SS, un lansquenet, un conquistador... ». Il ajoutait qu’« on fait en sorte que des gens qui n’auraient pas dû exister existent... on sauve les malades, les handicapés... c’est très bien, ça donne bonne conscience, mais c’est pas comme ça qu’on construit une civilisation, c’est comme ça qu’on la détruit ».

    Son livre Survivre à l’effondrement économique s’est très largement vendu et a été traduit en dix langues. Dans ses ouvrages, il théorise le concept de « base autonome durable » (BAD) comme moyen de survie. Selon lui, il faut acquérir des propriétés dans des zones rurales afin d’y établir des bases retranchées autosuffisantes tant au niveau alimentaire qu’énergétique, avec de quoi tenir une période difficile, pour participer à une guerre civile qu’il juge inéluctable.

    Piero San Giorgio organise avec le fasciste Alain Soral et son association Égalité et Réconciliation des stages de survie dans le sud de la France près de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Il a aussi assuré la promotion d’articles de survivalisme sur le site de commerce en ligne Prenons le maquis d’Alain Soral, dont il a été partenaire et actionnaire. Une affaire florissante. Alain Soral lui-même s’est installé à la campagne. Il a acheté à Ternant, dans la Nièvre, une ferme au lieu-dit La Souche. À l’extrême droite, plusieurs militants ont fait le choix d’un retour à la terre ou, du moins, d’une vie loin des métropoles. Ce repli à la campagne est vu comme une première étape, avant de repartir à la reconquête du territoire.

    #écofascisme

    • il me semble indispensable de rappeler que Reporterre contribue à sa façon au brouillage et à la confusion, en distillant depuis sa création des thèses conspis.

      je relève ici, sans confiance exagérée dans cette source
      http://forum.anarchiste.free.fr/viewtopic.php?f=12&t=9487

      - Le micro-parti fascisant La Dissidence et son leader Vincent Vauclin : reporterre.net/spip.php ?article2201
      – Etienne Chouard, à deux reprises (dont une des toutes premières interviews du site) : reporterre.net/spip.php ?article15 reporterre.net/spip.php ?article1651
      – ReOpen911 : reporterre.net/spip.php ?page=recherche&recherche=reopen
      – Michel Collon et ses amis : reporterre.net/spip.php ?page=recherche&recherche=collon
      – Le site rouge-brun Le Grand Soir, encore très récemment : reporterre.net/spip.php ?page=recherche&recherche=legrandsoir
      – Le complotiste Thierry Meyssan, qu’on ne présente plus : reporterre.net/spip.php ?article130
      – Une large collection d’indinaiseries : reporterre.net/spip.php ?page=recherche&recherche=indign%C3%A9s
      – Des leçons de morale productiviste de François Ruffin, tenancier de Fakir et qui promeut dans son journal la revue rouge-brune Bastille-République-Nations ou dans le dernier film de Pierre Carles les thèses de Jacques Cheminade ou de Nicolas Dupont-Aignan : reporterre.net/spip.php ?article2836
      – Des « analyses » complotistes sur le virus H1N1, la pire étant sans doute celle fournie par le climato-sceptique (sur un site écolo, bravo...) américain Frederick William Engdahl, collaborateur de Russia Today mais aussi de la revue d’extrême droite italienne Eurasia, analyse que Reporterre a été copier sur le site Oulala.net de René Balme et sur Mondialisation.ca de Michel Chossudowsky : reporterre.net/spip.php ?article549
      – Une promotion du numéro d’octobre 2012 de la revue pourtant d’ordinaire plus regardante Silence !, dans lequel on trouve une interview du compagnon de route des négationnistes Jean Bricmont, qui se voit donc par ricochet promu sur Reporterre : reporterre.net/spip.php ?article3282
      – etc.

      d’autre part un site ReOpen911 écrit

      Hervé Kempf a donné la parole à des membres de l’association sur Reporterre, « le quotidien de l’écologie »

      Reporterre semble avoir supprimé des pages. par exemple si je cherche « 911 », j’obtiens au mieux un honorable « Notre Dame des Landes : le mystère des 911 millions ». peut-être est-ce un retour à davantage de logique ? cela aurait pu faire l’objet dune article. je ne cherche pas davantage. cela relève sous cette forme d’une suspicion dont je n’apporte pas des preuves, sorry.

      mais il y a ce témoignage de Cabrioles que j’estime digne de confiance
      https://twitter.com/CabriolesDouze/status/1437096521670045696

      On demande, parcequ’à la Fête du Vent, Célia Izoard [de Reporterre] nous a parlé positivement des désinformateurs patentés Christian Vélot et Laurent Mucchieli, tout en nous soufflant qu’on ne pouvait plus parler de tout

      ça pue. Kempf a le droit d’apprendre, si ce n’est que ça. qu’ils balayent et aèrent chez eux, ce serait écolo.

      lire les MMS ne se fait pas sans préventions diverses, sinon, ce serait ballot. je pense qu’il faut qu’il en soit de même avec Reporterre, dans un registre tout à fait honteux.

      l’analogie avec le rapport de corruptions intellectuelles et politiques complémentaires pharma / vendeurs de santé par la nature et l’esprit (cf divers sens récents) peut aider.

      #Reporterre

    • Il est vrai que Gaspard d’Allens, l’auteur de

      et de Les Néo-Paysans et Bure, la bataille du nucléaire est un Confusionniste-Covidonégationniste, Complotiste et Conspirationniste bien connu ! :p
      #Gaspard-d’Allens

      Pour revenir à son enquête sur l’écofascisme :

      Cette vision correspond à ce que le philosophe Malcom Ferdinand désigne sous le nom « d’écologie de l’arche de Noé ». Par écofascisme, il faudrait entendre une politique désireuse de préserver les conditions de vie sur Terre, mais au profit exclusif d’une minorité, blanche de surcroît.

      « Embarquer sur l’arche de Noé, c’est d’abord acter d’un point de vue singulier, d’un ensemble de limites tant dans la charge que peut supporter la Terre que dans la capacité de son navire. Monter sur l’arche de Noé, c’est quitter la Terre et se protéger derrière un mur de colère. C’est adopter la survie de certains humains et non humains et légitimer le recours à la sélection violente de l’embarquement », écrivait le chercheur dans son livre Une écologie décoloniale .

    • Je ne trouve pas que l’extrême droite « récupère » l’écologie. Comme l’article l’évoque rapidement, il y a des racines (si je puis dire) écologistes assez profondes au sein de l’extrême droite. Bien entendu ce n’est pas l’écologie que je défends. Je pense que les écologistes de gauche ont tout intérêt à comprendre cette écologie d’extrême droite pour justement ne pas tomber dans ses travers, à savoir l’appel à la « Nature » qui serait au dessus de tout, le retour à une vie « sauvage » où les plus faibles n’auraient pas leur place... Bref, tout ce qui a fondé en partie l’idéologie du parti Nazi. Quand j’entends des écolos supposés de gauche défendre leur immunité naturelle contre le vaccin ou bien fustiger tout progrès scientifique (voire même la démarche scientifique en général), cela doit interpeller.

      Pour ce qui est de reporterre, je pense aussi que c’est assez confus, et le propre du confusionnisme @marielle c’est de publier des bons articles comme celui-ci (avec un auteur probablement irréprochable) en compagnie d’autres articles beaucoup plus problématiques. Rappelons que le fascisme, ça commence souvent par la confusion et l’incohérence.

    • Pour rebondir ce que dit @alexcorp, c’est notamment la mouvance aussi appelée #deep_ecology provenant des Etats-Unis et liée à un certain mouvement biorégionaliste, dont un des textes fondateurs est cet article de Diffenderfer & Birch (1994) :
      « Bioregionalism : a comparative study of the Adirondacks and the Sierra Nevada »

      https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08941929709381006

      –-> j’en avais touché un mot dans ma thèse :
      Linking up the Alps. How networks of local political actors build the pan-Alpine region
      https://www.peterlang.com/document/1053220

      Si quelqu’un·e est intérssé·e, je peux copier-coller le passage où je parle de cela...

      #biorégionalisme

    • oui, le filon sacralisation de « la nature » et de ses lois est bien là (voir la critique anthropologique de Marshall Sahlins : La nature humaine, https://seenthis.net/messages/141301), mais pas seulement

      La plupart des discours écologistes veulent se situer au-delà des vieux clivages politiques en énonçant les conditions de survie de la planète, mais ils court-circuitent ainsi la question du sujet politique : quelles forces combattantes, quelles formes de lutte peuvent faire de l’écologie la cause de tous et non celles d’experts s’en remettant au bon vouloir des maîtres du monde ? Jacques Rancière

      https://seenthis.net/messages/944724

      Accorder tant aux maîtres du monde comporte inévitablement son versant complotiste :

      Le complotisme fonctionne sur une conception de l’Etat assez banale, fondatrice de l’idéologie juridique et démocratique, mais qui est notre lot de tous les jours. Il y aurait d’une part le pouvoir d’Etat, de l’autre l’appareil d’Etat ou la « machine d’Etat » comme la désigne Marx. Le problème réside en ce que l’appareil d’Etat qui matérialise dans ses organes, leur division, leur organisation, leur hiérarchie, le pouvoir d’Etat d’une classe (et une seule) est à la fois organisation de la classe dominante (comme pouvoir d’Etat détenu par la fraction momentanément hégémonique de la classe dominante pour le compte de l’ensemble de cette classe) et organisation de toute la société sous la domination de cette classe. Mais, si d’un côté, l’Etat du mode de production capitaliste réalise complètement la fusion de ces deux fonctions2, de l’autre il devient la nécessité « naturelle » de toute reproduction sociale. Alors que ce sont leur division même et leur séparation fondamentale (réelle et idéologique) des rapports de production qui en font les organes d’un appareil d’Etat nécessairement appareil de classe (voir Marx, La Guerre civile en France), tous les organes de l’appareil d’Etat (armée, police, administration, tribunaux, parlement, bureaucratie, éducation, aide sociale, information, partis, syndicats, etc.) n’apparaissent plus que comme des instruments pliables à la volonté de ceux qui en sont les maîtres. De cette double fonction de l’appareil d’Etat (non pas deux fonctions, mais fonction double) comme dictature d’une classe et reproduction de toute la société naissent à la fois leur fusion et la neutralité des organes. Pour le complotiste, répondant par là à la pensée spontanée, ces organes sont neutres et non, dans leur existence même et leur forme, ceux d’une dictature de classe. En conséquence, s’ils ne fonctionnent pas « comme ils devraient », comme un « service public », comme un « bien commun », c’est qu’ils sont préemptés, détournés et pervertis par une clique, une caste. Le #complotiste est le #citoyen_idéal.

      Complotisme en général et pandémie en particulier
      https://dndf.org/?p=19292

    • Le fascisme, ça commence souvent par la confusion et l’incohérence.

      Ma définition du fascisme préférée, la voici :

      En quelques mois, ils [ les dignitaires démocrates-chrétiens ] sont devenus des masques funèbres. C’est vrai, ils continuent à étaler des sourires radieux d’une sincérité incroyable. Dans leurs pupilles se grumèle un vrai, un béat éclat de bonne humeur, quand ce n’est pas celui, goguenard, du mot d’esprit et de la rouerie. Ce qui, semble-t-il, plaît autant aux électeurs que le vrai bonheur. En outre, nos dignitaires continuent imperturbablement d’émettre leurs verbiages incompréhensibles où flottent les flatus vocis de leurs habituelles promesses stéréotypées.

      En réalité, toutes ces choses sont bel et bien des masques. Je suis certain que, si on les enlevait, on ne trouverait même pas un tas d’os ou de cendres : ce serait le rien, le vide.

      L’explication est simple : il y a, en réalité, aujourd’hui en Italie un dramatique vide du pouvoir. Mais c’est ceci qui compte : pas un vide du pouvoir législatif ou exécutif, pas un vide du pouvoir de direction, ni, enfin, un vide du pouvoir politique dans n’importe quel sens traditionnel ; un vide du pouvoir en soi.

      Il est probable qu’en effet le « vide » dont je parle soit déjà en train de se remplir, à travers une crise et un redressement qui ne peuvent pas ne pas ravager tout le pays. L’attente « morbide » d’un coup d’Etat en est, par exemple, un indice. Comme s’il s’agissait seulement de « remplacer » le groupe d’hommes qui nous a effroyablement gouvernés pendant trente ans, en menant l’Italie au désastre économique, écologique, urbaniste, anthropologique ! En réalité, le faux remplacement de ces « têtes de bois » par d’autres « têtes de bois » (non pas moins, mais encore plus funèbrement carnavalesques), réalisé par le renforcement artificiel du vieil appareil du pouvoir fasciste, ne servirait à rien (et qu’il soit clair que, dans un tel cas, la « troupe » serait, de par sa composition même, nazie). Le pouvoir réel, que depuis une dizaine d’années les « têtes de bois » ont servi sans se rendre compte de sa réalité – voilà quelque chose qui pourrait avoir déjà rempli le « vide » (en rendant également vaine la participation possible au gouvernement du grand pays communiste qui est né au cours de la dégradation de l’Italie : car il ne s’agit pas de « gouverner »). De ce « pouvoir réel », nous nous faisons des images abstraites et, au fond, apocalyptiques : nous ne savons pas quelles formes il prendrait pour directement remplacer les serviteurs qui l’ont pris pour une simple « modernisation » de techniques.

      Pier Paolo Pasolini

      http://www.amboilati.org/chantier/pier-paolo-pasiloni-la-disparition-des-lucioles
      https://seenthis.net/messages/885747

      Et ces masques funèbres du pouvoir du vide ne vous rappellent pas ces « têtes de bois » macronardes, fascisantes qui nous gouvernent aujourd’hui ! @alexcorp

      C’est vous qui êtes confus et non Reporterre !

      https://blogs.mediapart.fr/julien-schickel/blog/110517/au-pays-du-mensonge-deconcertant-rien-narrive-jamais

      Au pays du mensonge déconcertant, on a oublié que Pier Paolo Pasolini nous avait prévenu que « sous couleur de démocratie, de pluralité, de tolérance et de bien-être, les autorités politiques, inféodées aux pouvoirs marchands, ont édifié un système totalitaire sans pareil » et que « le centre s’est assimilé tout le pays… Une grande œuvre de normalisation parfaitement authentique et réelle est commencée et elle a imposé ses modèles : des modèles voulus par la nouvelle classe industrielle, qui ne se contente plus d’un « homme qui consomme » mais qui prétend par surcroît que d’autres idéologies que celle de la consommation sont inadmissibles. » On a oublié qu’il appelait cela, par défi, le nouveau fascisme.

      https://seenthis.net/messages/598174

      Pier Paolo Pasolini, un complotiste bien connu aussi !

    • @alexcorp se justifier parfois par le concept philosophique de « Nature » ne veut pas dire quoi que ce soit comme lien avec l’écologie. En l’occurrence, comme l’ont montré Jacques Ellul et d’autres, le nazisme est fondamentalement une idéologie industrialiste et technocratique. Donc ce n’est pas vraiment le bon exemple il me semble. (Les biorégionalistes là c’est plus mélangé, il y a assez vite eu à la fois des anars et des fachos il me semble.)

    • @rastapopoulos le nazisme est un patchwork extrêmement confus, avec une part fort d’ésotérisme et d’occultisme (qui a participé à son succès) et pendant qu’il y avait une forte industrie, essentiellement de guerre, il y avait aussi des champs en biodynamie (mis en place dans les camps...). Et le philosophe nazi le plus connu, Heidegger, était plutôt anti-technique.

    • Nous y voilà @alexcorp

      le nazisme est un patchwork extrêmement confus, avec une part fort d’ésotérisme et d’occultisme.

      J’avais reposté un long article de Stéphane François paru sur #laspirale : « Un fantasme historique : l’occultisme nazi » passé inaperçu par ici.
      https://laspirale.org/texte-612-stephane-francois-un-fantasme-historique-l-occultisme-nazi.html
      https://seenthis.net/messages/793112


      #occultisme #mysticisme #nazisme #écologisme #paganisme

    • @vanderling Loin de moi l’idée de fantasmer sur l’occultisme nazi. Je voulais surtout signaler les liens entre nazi et des théories fumeuses, du style de celles de l’anthroposophie (cf cet article par exemple https://www.monde-diplomatique.fr/2018/07/MALET/58830), qui proposent souvent un rapport à la « nature » (et à l’agriculture) assez... étonnant. Tout l’appareil nazi n’était pas dans cette dynamique, du reste l’article que tu postes parle bien du changement de paradigme quand Hess a été éjecté.

    • Dénoncer l’écofascisme c’est très bien ! Mais n’oublions pas de dénoncer aussi le #néofascisme car la politique de Macron n’est pas un rempart, C’est Déjà le fascisme !
      Alors discréditer Reporterre en le qualifiant de confusionniste, je dirais que c’est plutôt dérisoire, se battre contre tous les fascismes y compris celui de la Macronie c’est mieux !
      https://seenthis.net/messages/947672

      Dernières nouvelles du Président des flics


      La dernière loi sécuritaire du gouvernement et un coup d’œil dans le rétroviseur de ce quinquennat confirment qu’il est aussi (surtout ?) le Président des flics.

      Sinon les articles de Jean-Baptiste Malet sur le site du Diplo
      sont toujours excellents.
      Voir aussi Frugalité et marketing le système Pierre Rabhi
      https://seenthis.net/messages/722249

      Je rappelle aussi que Reporterre, ainsi que d’autres médias,
      soutient Nantes Révoltée sur le point d’être dissout par Darmanin.
      https://seenthis.net/messages/947660

    • le néofascisme s’alimente et s’alimentera de l’impérieuse nécessité de répondre à une pluie de phénomènes mortifères et destructeurs découlant de la crise écologique (modèle actuel le plus saillant : la pandémie) et ces réponses seront factices (greenwashing), nationalistes dune façon ou dune autre (voir le néodarwinisme quittait dire : de toute façons il ya trop de monde sur terre, que crèvent ces pesant « surnuméraires » inventés pour l’occasion) et fondamentalement capitalistes donc centralisatrices (autoritaires : le nucléaire est paradigmatique de la production pour la production, inévitablement centralisée, quand bien même elle s’annonce et se rêve aujourd’hui en réseau réticulaire de micros centrales), s’appuient et s’appuieront sur une naturalisation des questions sociales et environnementales (bye bye l’écologie sociale et l’écologie mentale). la loi de la nature et la souveraineté qu’il faut pour l’imposer, aussi contradictoire que cela puisse être dans un composé d’archaïsme et de modernité comme toute transformation radicale aussi progressive soit-elle, comme le nazisme primitiviste païen, voire animiste (un autre appel de la forêt pour déboucher sur la clairière de l’âme) et industrialisme forcené exaltant ce que l’industrie a fait de mieux à l’orée du court Vingtième siècle, la guerre (Junger avec Orages d’acier prépare le nazisme, et qu’il n’y souscrive pas ensuite est secondaire).

      le scientisme revêt plusieurs visages. le caractère scientifique de l’écologie en fait le support éventuel d’un gouvernement par des "experts s’en remettant au bon vouloir des maîtres du monde" (JR).

      Hervé Kempf (et ses ami.es), avec ses tweets QAnonnisés (la presse ne nous dit rien, vous me suivez ? "Il est déconcertant que la presse française ne dise quasiment rien de ce qui se passe à Ottawa depuis plusieurs jours". https://twitter.com/KEMPFHERVE/status/1488864939414593542) n’est qu’un épiphénomène, abject. mais il relève bien de ces simplifications (complotistes) qui font litière de toute capacité d’analyse émancipée, critique. ce n’est pas rien, il faut le considérer en tant que tel.

      ne pas lire Le Monde, nid d’agents des services (spécialement à l’international) et organe transgouvernemntal, ne pas lire Mediapart promoteur d’une République foncièrement antisociale et policière, quelque soient les bisounouseries sur les pauvres et les invisibles qui peuvent le meubler, ne pas lire le Monde diplo, organe d’un campisme acritique, ne pas lire Reporterre faisant chorus avec Arkana et QAnon, c’est pas la question. il est possible, généreusement, de dire que dans chacun de ces cas, le ver est dans le fruit, et croquer ce qui peut l’être pour un libre usage.

      #néofascime #écologie_politique

  • Depuis la réforme du lycée de Blanquer, la part de filles qui font des maths en terminale a chuté de 10 points – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/depuis-la-reforme-du-lycee-de-blanquer-la-part-de-filles-qui-font-des-mat

    Du temps de l’ancien système, les terminales S comptaient presque une moitié de filles, un taux qui a drastiquement diminué dans la nouvelle spécialité maths.
    […]
    Depuis la réforme, les lycéens choisissent trois spécialités en première et seulement deux en terminale. Ils doivent donc en abandonner une entre-temps et c’est souvent l’enseignement des maths qui en fait les frais. Il est donné la possibilité de garder les maths comme matière complémentaire optionnelle en terminale, mais de nombreux élèves ne le font pas. Aussi, l’année du bac, près de 40 % des lycéens ne font plus du tout de maths.

  • Former Blizzard Co-Lead Jen Oneal Says She Was Offered Equal Contract Only After Resigning - IGN
    https://www.ign.com/articles/blizzard-jen-oneal-mike-ybarra-equal-pay-after-resignation

    “When Mike and I were placed in the same co-lead role, we went into the role with our previous compensation, which was not equivalent. It remained that way for some time well after we made multiple rejected requests to change it to parity,” she wrote. It remains unclear as to why Activision Blizzard rejected those requests.

    She continued, “While the company informed me before I tendered my resignation that they were working on a new proposal, we were made equivalent offers only after I tendered that resignation.” (Emphasis Oneal’s)

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #blizzard #activision #activision-blizzard #bobby_kotick #jennifer_oneal #mike_ybarra #égalité #discrimination #harcèlement_sexuel #démission #égalité_salariale #ressources_humaines

  • Blizzard Co-Head Jennifer Oneal Resigned Due To Discrimination
    https://kotaku.com/blizzards-first-woman-co-head-resigned-due-to-being-tok-1848066667

    The email revealed that she had been sexually harassed at the company earlier in her career. It also revealed that she was allegedly being paid less than Ybarra. “I have been tokenized, marginalized, and discriminated against,” the WSJ says she wrote.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #blizzard #activision #activision-blizzard #bobby_kotick #jennifer_oneal #mike_ybarra #égalité #discrimination #harcèlement_sexuel #démission #égalité_salariale #ressources_humaines

  • La méritocratie à la française, un mythe sans mérite ?
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/la-meritocratie-a-la-francaise-un-mythe-sans-merite-6998649.php

    L’idée que chacun peut s’élever et réussir grâce à son travail et ses talents personnels est profondément ancrée dans notre imaginaire collectif. Pourtant cette “fiction nécessaire” ne fait que perpétuer les inégalités, s’alarment certains sociologues.

    « Si tu travailles à l’école, tu seras libre, tu auras le choix de ta vie », lui disait-il souvent quand elle était enfant. N’était-ce point la voix de la raison ? Aujourd’hui sociologue renommée, Annabelle Allouch porte un regard à la fois tendre et critique sur ce père, un Marocain qui avait posé ses valises dans la France des années 1970 avec la conviction que, dans ce pays, le labeur est récompensé à sa juste valeur. Peu importe le milieu social, la couleur de peau, la religion, dès lors que la détermination est totale. En cela le storiste de profession croyait si fort que sa -camionnette affichait fièrement « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». « Il ressemblait à tous ceux qui sont certains que le mérite est la meilleure solution (ou la moins mauvaise) pour organiser l’ordre social et que leur destin peut être modifié par leurs propres actions. » (Mérite, d’Annabelle Allouch, éd. Anamosa).

    La méritocratie est au cœur de notre imaginaire collectif. L’idée que les efforts, les sacrifices, la sueur versée permettent aux plus déterminés d’entre nous de tirer leur épingle du jeu nourrit le roman national depuis fort longtemps. Elle s’incarne pleinement sous la IIIe République dans la figure du boursier, cet élève issu des classes populaires, portée par les valeureux hussards noirs, qui à la force de sa volonté se hisse peu à peu tout en haut de l’échelle sociale. Et aujourd’hui, elle se niche partout. Dans les dispositifs d’ouverture sociale des grandes écoles comme dans la maxime « quand on veut, on peut » et son avatar macronien, « je traverse la rue et je vous trouve un travail » (une phrase prononcée le 15 septembre 2018 par Emmanuel Macron à un homme lui expliquant qu’il ne trouvait pas d’emploi dans le secteur de l’horticulture). Elle est même, note Annabelle Allouch, « dans les notes attribuées en ligne aux médecins ou aux livreurs », ces « formes de classement ordinaires des individus ».

    L’ascenseur est toujours en panne

    Mais si nous avons intériorisé ce discours méritocratique, y croyons-nous vraiment ? Bien sûr que non. Ou plutôt : l’immense majorité des Français a également assimilé les conclusions des travaux des recherches en sciences sociales, qui démontrent -depuis des lustres que les dés sont pipés, explique Annabelle Allouch dans Mérite, un essai aussi court que percutant (éd. Anamosa). Car, de toute évidence, les positions sociales sont distribuées en fonction de bien d’autres facteurs, à commencer par le milieu de naissance et les réseaux d’interconnaissance dont les familles disposent. Travailler dur ne garantit rien lorsqu’on naît pauvre. Non seulement notre système éducatif reproduit les inégalités, mais il les aggrave. « L’ascenseur social est en panne », selon la formule consacrée. Nous vivons dans un monde où les écarts de richesse se creusent toujours plus, la France comptant désormais quarante-trois milliardaires, « soit quatre fois plus qu’après la crise financière de 2008 », note l’association Oxfam, qui précise : « plus de la moitié d’entre eux ont hérité de leur fortune ». Tandis que, pendant la seule période pandémique récente, « un million de Français ont basculé dans la pauvreté ».

    Ainsi, deux convictions contradictoires cohabitent en chacun de nous. C’est ce paradoxe qu’explore brillamment Annabelle Allouch. Au fond, nous savons bien que l’égalité des chances est une fable. Nous nous racontons des histoires. « Le mérite fonctionne comme ce que le sociologue François Dubet appelle “une fiction nécessaire” : dans un temps d’incertitude économique, écologique et sanitaire, croire que notre seule volonté peut affecter notre trajectoire sociale nous permettrait de faire taire le sentiment anxiogène de notre propre impuissance face aux structures sociales. » Cela ne signifie pas, bien entendu, que notre monde est parfaitement figé et qu’il est impossible de s’extraire de sa condition. L’existence même des transfuges de classe prouvent le contraire, aujourd’hui comme hier. « La IIIe République a permis d’indéniables progrès pour les enfants du peuple par rapport à tous les régimes qui l’ont précédée », écrit ainsi le chercheur en sociologie Paul Pasquali dans Héritocratie, un ouvrage dense, érudit, remarquablement documenté (éd. La Découverte).

    Mais pour autant, et contrairement à une opinion très partagée, « elle ne constitue en rien un âge d’or méritocratique. Pour l’immense majorité d’entre eux, les études commençaient à 6 ans et cessaient vers 12 ou 13 ans, sanctionnées par un diplôme (le “certif” qu’obtenait moins de la moitié d’entre eux). Quelques rares miraculés (1 % d’une génération, en moyenne) poussaient encore quatre ans jusqu’au brevet pour devenir instituteur, contremaître ou employé de bureau. L’école du peuple, “pilier” de l’imaginaire républicain, avait beau être gratuite et obligatoire, elle restait bien à distance des lycées et collèges, fréquentés quasi exclusivement par les enfants de la bourgeoisie de 6 à 18 ans, entièrement payants jus-qu’aux années 1930. Les poursuites d’études au-delà de l’école élémentaire demeuraient l’apanage de la petite bourgeoisie, bien mieux armée que les ouvriers et les paysans […] Ces frontières de classe étaient redoublées par des frontières de genre tout aussi tranchées ». Autrement dit, le boursier d’antan, figure majeure de la méritocratie, était l’exception, non la règle. Pasquali rappelle d’ailleurs que cette réalité était déjà dénoncée en leur temps par nombre d’entre eux, à l’instar du philosophe Alain, pour qui « tout l’effort des pouvoirs publics devrait [être employé] à éclairer les masses par le dessous et par le dedans, au lieu de faire briller quelques pics superbes, quelques rois nés du peuple, et qui donnent un air de justice à l’inégalité ».

    Cloisons étanches

    Or voilà bien l’intérêt de la méritocratie pour ceux qui souhaitent que rien ne change : la croyance selon laquelle le mérite détermine la réussite constitue un puissant ciment social. Elle légitime les inégalités de revenu. Elle dissuade les plus bas salaires de s’insurger et les invite plutôt à s’en prendre à eux-mêmes. Faut-il en conclure que cette fable de la méritocratie est volontairement professée par une élite qui s’emploie ainsi à asseoir sa domination sur le reste de la société ? Sans évoquer un quelconque « complot de caste », Paul Pasquali décrit par le menu cent cinquante ans de batailles et de manœuvres des classes aisées, des lendemains de la Commune à Parcoursup, pour ériger des « cloisons étanches » au sein de l’enseignement supérieur, tenant ainsi à distance « le menu peuple ». À l’en croire, elles l’ont fait avec une remarquable efficacité. « Quelle que soit l’époque considérée, écrit-il, les grandes écoles ont toujours démontré une redoutable capacité à résister aux critiques et aux attaques, même les plus virulentes. »

    Le seul moment où cette hégémonie a bien failli s’effondrer, c’est au sortir de la Seconde Guerre mondiale. « Rarement les grandes écoles furent autant menacées et les élites aussi discréditées qu’à la Libération […] En juillet 1944, l’un des principaux journaux de la Résistance non communiste, Le Franc-Tireur, appelait ainsi à injecter du sang neuf dans les veines de l’État et de la classe dirigeante. » C’est-à-dire à réserver les postes clés de la République non point aux héritiers, mais à ceux qui avaient risqué leur vie pour la patrie. Le Franc-Tireur, qui poursuivait en s’enflammant, « Nous préférons aux hommes formés par les sciences politiques les hommes formés par le maquis »…

    “Il n’y a jamais eu d’âge d’or de la méritocratie.” Paul Pasquali, sociologue

    Des secousses ébranlèrent à nouveau la petite noblesse scolaire au cours des années 1960, « marquées par un élan réformateur peu commun en matière de politiques scolaires, alimenté par une forte poussée démographique mais aussi par la peur obsessionnelle, chez les élites et jusqu’au sommet de l’État, d’une submersion généralisée des universités ». Avec l’avènement du collège unique, à la fin des années 1970, puis l’arrivée la décennie suivante, dans l’enseignement supérieur, de nouveaux contingents d’étudiants — bénéficiaires de la politique des 80 % de réussite d’une classe d’âge au baccalauréat —, les universités ouvrent en grand leurs portes. Tandis que les grandes écoles les ferment autant que possible.

    « Les frontières se sont moins effacées que déplacées, agissant dans le supérieur sous d’autres formes », au demeurant aussi hermétiques que celles qui sous la IIIe République séparaient le primaire (ouvert aux classes populaires) du secondaire (le domaine réservé des plus aisés). Au tournant du siècle, les filières d’élite — à commencer par Sciences Po — assurent vouloir rétablir l’égalité des chances en accueillant en leur sein des « élèves méritants », en particulier issus des quartiers prioritaires, grâce à des « points bonus » ou la suppression de certaines épreuves de concours jugées discriminantes. Pour Paul Pasquali, ces dispositifs sont surtout « un aveu d’échec » et l’illustration la plus criante que « malgré deux décennies de mobilisations pour l’ouverture sociale et un arsenal de mesures ciblées (prépas spécifiques, voies d’entrée réservées, admissions parallèles, tutorat, mentorat, bourses, etc.), la plupart des écoles, notamment les plus cotées, peinent toujours à entrouvrir leurs portes aux enfants des classes populaires ».

    À ce point du récit, le lecteur se laissera peut-être gagner par la pensée désespérante que nous sommes prisonniers d’une sorte d’apartheid social implacable. « Dire que l’ascenseur social est un mythe ne signifie pas qu’il n’y a jamais eu, au cours de l’histoire, des formes d’émancipation collectives par l’école et la culture, ni a fortiori des périodes où les trajectoires sociales ascendantes étaient plus fréquentes qu’aujourd’hui, nuance Paul Pasquali. Il s’agit plutôt de rompre avec les illusions mémorielles qui piègent les débats […] L’idée d’un “autrefois” glorieux, ou plus chanceux, revient à évacuer l’histoire des luttes qui, tout au long du XXe siècle, ont dénoncé sans cesse les faux-semblants de l’élitisme républicain. » Cessons une fois pour toutes de fantasmer, dit Pasquali, « il n’y a jamais eu d’âge d’or de la méritocratie ». Certes, « pour les classes populaires, la reproduction sociale tend à diminuer sur le long terme. Mais elle demeure la règle ». Dès lors, interrogeons-nous vraiment : « Que vaut une méritocratie dans laquelle tout le mérite (ou du moins l’essentiel) revient aux héritiers ? »

    #méritocratie #héritocratie

  • Fuite de Twitch : seulement 3 femmes sur les 100 streameurs les mieux payés au monde
    https://www.numerama.com/pop-culture/745544-fuite-de-twitch-seulement-3-femmes-sur-les-100-streameurs-les-mieux

    La plateforme de streaming est victime d’une énorme fuite ce mercredi 6 octobre. Hormis le code source de Twitch, d’autres informations ont leaké, comme le chiffre d’affaires qu’ont touché les gros streameurs sur 3 ans. Et cette liste permet de relever un point important sur l’égalité femmes-hommes : il n’y a quasiment pas de femmes dans le classement.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #twitch #tv #fuite #sécurité #égalité_des_sexes #sexisme #palmarès #twitch_partners #discrimination #misogynie #invisibilisation

  • « Faire venir les terroristes permet de les surveiller »
    http://www.lessentiel.lu/fr/news/france/story/faire-venir-les-terroristes-permet-de-les-surveiller-31126939

    Une responsable écologiste en France s’est attiré nombre de remarques suite à ses déclarations. Selon elle, accueillir de potentiels terroristes n’a pas que des désavantages.

    Candidate à la primaire du parti écologiste en France, Sandrine Rousseau a suscité les moqueries après sa prise de position sur la crise afghane. Interrogée sur « BFMTV » sur la potentielle infiltration de terroristes sur le territoire français parmi des réfugiés afghans, elle a reconnu que le risque était « évident » avant de se laisser aller à une justification inattendue.

    « S’il y a vraiment des terroristes, le fait qu’il restent en Afghanistan ne les rend pas moins dangereux. Les avoir en France nous permettrait de les surveiller ». L’universitaire faisait référence à l’identification récente de cinq Afghans rapatriés chez nos voisins français et soupçonnés d’être en lien avec les talibans.

    Les propos de Sandrine Rousseau lui ont en tout cas valu une salve de critiques sur les réseaux sociaux : « Je veux bien arrêter de ricaner des perles de Sandrine Rousseau, mais faudrait qu’elle y mette un peu du sien », a notamment commenté l’éditorialiste Claude Weill. . . . .

    #Sandrine_Rousseau #EELV #bêtise

  • Non-violence with #Judith_Butler

    Judith Butler is one of the most important philosophers of our time. Their book “Gender trouble” left a long-lasting mark on queer and feminist theory, even though it took more than fifteen years to be translated into French. Its translation has indeed given rise to many misunderstandings, which Judith Butler finds amusing and interesting now, pushing them to explore the cultural resonances their theories find in various countries (05:20). In a global pandemic, these theories unfortunately have very concrete resonances: they had coined the concept of ‘grievable lives’ and are saddened to see it vividly illustrated by the current situation (13:13). Observing the governments using health safety to justify repressing their populations, they nonetheless believe in the force of non-violence and solidarity (25:34). Together with Lauren Bastide, Judith Butler is alarmed by the attacks on universities, especially on gender and postcolonial theory (35:40). For them, this backlash definitely is the embodiment of conservatives’ fear and their refusal to see the world change (32:00). They stay hopeful thanks to the feminist, queer and antiracist movements inventing new forms of mobilisations around the world (47:02) and the strength, always renewed, of their self-determination claims (39:30). If they acknowledge how important rest is in an activist’s life, they encourage to never abandon the idea, the utopia of radical equality until it is reached (51:52) and invite everyone to think about revolution as an ongoing movement to which it is possible to contribute everyday (57:17).

    https://podcasts.apple.com/ca/podcast/la-poudre/id1172772210?i=1000512502261
    #violence #non-violence #podcast #queer #grievable_lives #solidarité #Lauren_Bastide #université #résistance #mobilisation #activisme #égalité_radicale #révolution

    ping @isskein @karine4 @cede

  • La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles)

    Dans quelle galère sommes-nous allé•es pointer notre nez en nous lançant dans ces réflexions sur la race ? Complaisance à l’air du temps saturé de références au racisme, à la #racialisation des lectures du social, diront certain•es. Nécessaire effort épistémologique pour contribuer à donner du champ pour penser et déconstruire les représentations qui sous-tendent les violences racistes, pensons-nous.

    Moment saturé, on ne peut guère penser mieux… ou pire. Évidemment, nous n’avions pas anticipé l’ampleur des mobilisations contre les #violences_racistes de cet été aux États-Unis, mais nous connaissons leur enracinement dans la longue durée, l’acuité récente des mobilisations, que ce soit « #black_lives_matter » aux États-Unis ou les #mobilisations contre les #violences_policières qui accablent les plus vulnérables en France. L’enracinement aussi des #représentations_racialisées, structurant les fonctionnements sociaux à l’échelle du globe aujourd’hui, d’une façon qui apparaît de plus en plus insupportable en regard des proclamations solennelles d’#égalité_universelle du genre humain. Nous connaissons aussi l’extrême #violence qui cherche à discréditer les #protestations et la #révolte de celles et ceux qui s’expriment comme #minorité victime en tant que telle de #discriminations de races, accusé•es ici de « #terrorisme », là de « #communautarisme », de « #séparatisme », de vouloir dans tous les cas de figure mettre à mal « la » république1. Nous connaissons, associé à cet #antiracisme, l’accusation de #complot dit « #décolonial » ou « postcolonial », qui tente de faire des spécialistes des #colonisations, des #décolonisations et des #rapports_sociaux_racisés des vecteurs de menaces pour l’#unité_nationale, armant le mécontentement des militant•es2. Les propos haineux de celles et ceux qui dénoncent la #haine ne sont plus à lister : chaque jour apporte son lot de jugements aussi méprisants que menaçants. Nous ne donnerons pas de noms. Ils ont suffisamment de porte-voix. Jusqu’à la présidence de la République.

    3L’histoire vise à prendre du champ. Elle n’est pas hors sol, ni hors temps, nous savons cela aussi et tout dossier que nous construisons nous rappelle que nous faisons l’histoire d’une histoire.

    Chaque dossier d’une revue a aussi son histoire, plus ou moins longue, plus ou moins collective. Dans ce Mot de la rédaction, en septembre 2020, introduction d’un numéro polarisé sur « l’invention de la race », nous nous autorisons un peu d’auto-histoire. Les Cahiers cheminent depuis des années avec le souci de croiser l’analyse des différentes formes de domination et des outils théoriques comme politiques qui permettent leur mise en œuvre. Avant que le terme d’« #intersectionnalité » ne fasse vraiment sa place dans les études historiennes en France, l’#histoire_critique a signifié pour le collectif de rédaction des Cahiers la nécessité d’aborder les questions de l’#exploitation, de la #domination dans toutes leurs dimensions socio-économiques, symboliques, dont celles enracinées dans les appartenances de sexe, de genre, dans les #appartenances_de_race. Une recherche dans les numéros mis en ligne montre que le mot « race » apparaît dans plus d’une centaine de publications des Cahiers depuis 2000, exprimant le travail de #visibilisation de cet invisible de la #pensée_universaliste. Les dossiers ont traité d’esclavage, d’histoire coloniale, d’histoire de l’Afrique, d’histoire des États-Unis, de l’importance aussi des corps comme marqueurs d’identité : de multiples façons, nous avons fait lire une histoire dans laquelle le racisme, plus ou moins construit politiquement, légitimé idéologiquement, est un des moteurs des fonctionnements sociaux3. Pourtant, le terme d’ « intersectionnalité » apparaît peu et tard dans les Cahiers. Pour un concept proposé par Kimberlé Crenshaw dans les années 1990, nous mesurons aujourd’hui les distances réelles entre des cultures historiennes, et plus globalement sociopolitiques, entre monde anglophone et francophone, pour dire vite4. Effet d’écarts réels des fonctionnements sociaux, effets de la rareté des échanges, des voyages, des traductions comme le rappelait Catherine Coquery-Vidrovitch dans un entretien récent à propos des travaux des africanistes5, effet aussi des constructions idéologiques marquées profondément par un contexte de guerre froide, qui mettent à distance la société des États-Unis comme un autre irréductible. Nous mesurons le décalage entre nos usages des concepts et leur élaboration, souvent dans les luttes de 1968 et des années qui ont suivi. Aux États-Unis, mais aussi en France6. Ce n’est pas le lieu d’évoquer la formidable énergie de la pensée des années 1970, mais la créativité conceptuelle de ces années, notamment à travers l’anthropologie et la sociologie, est progressivement réinvestie dans les travaux historiens au fur et à mesure que les origines socioculturelles des historiens et historiennes se diversifient. L’internationalisation de nos références aux Cahiers s’est développée aussi, pas seulement du côté de l’Afrique, mais du chaudron étatsunien aussi. En 2005, nous avons pris l’initiative d’un dossier sur « L’Histoire de #France vue des États-Unis », dans lequel nous avons traduit et publié un auteur, trop rare en français, Tyler Stovall, alors professeur à l’université de Berkeley : bon connaisseur de l’histoire de France, il développait une analyse de l’historiographie française et de son difficile rapport à la race7. Ce regard extérieur, venant des États-Unis et critique de la tradition universaliste française, avait fait discuter. Le présent dossier s’inscrit donc dans un cheminement, qui est aussi celui de la société française, et dans une cohérence. Ce n’était pas un hasard si en 2017, nous avions répondu à l’interpellation des organisateurs des Rendez-vous de l’histoire de Blois, « Eurêka, inventer, découvrir, innover » en proposant une table ronde intitulée « Inventer la race ». Coordonnée par les deux responsables du présent dossier, David Hamelin et Sébastien Jahan, déjà auteurs de dossiers sur la question coloniale, cette table ronde avait fait salle comble, ce qui nous avait d’emblée convaincus de l’utilité de répondre une attente en préparant un dossier spécifique8. Le présent dossier est le fruit d’un travail qui, au cours de trois années, s’est avéré plus complexe que nous ne l’avions envisagé. Le propos a été précisé, se polarisant sur ce que nous avions voulu montrer dès la table-ronde de 2017 : le racisme tel que nous l’entendons aujourd’hui, basé sur des caractéristiques physiologiques, notamment la couleur de l’épiderme, n’a pas toujours existé. Il s’agit bien d’une « #invention », associée à l’expansion des Européens à travers le monde à l’époque moderne, par laquelle ils justifient leur #domination, mais associée aussi à une conception en termes de #développement, de #progrès de l’histoire humaine. Les historien•nes rassemblée•es ici montrent bien comment le racisme est enkysté dans la #modernité, notamment dans le développement des sciences du 19e siècle, et sa passion pour les #classifications. Histoire relativement courte donc, que celle de ce processus de #racialisation qui advient avec la grande idée neuve de l’égalité naturelle des humains. Pensées entées l’une dans l’autre et en même temps immédiatement en conflit, comme en témoignent des écrits dès le 17e siècle et, parmi d’autres actes, les créations des « #sociétés_des_amis_des_noirs » au 18e siècle. Conflit en cours encore aujourd’hui, avec une acuité renouvelée qui doit moins surprendre que la persistance des réalités de l’#inégalité.

    5Ce numéro 146 tisse de bien d’autres manières ce socle de notre présent. En proposant une synthèse documentée et ambitieuse des travaux en cours sur les renouvellements du projet social portés pour son temps et pour le nôtre par la révolution de 1848, conçue par Jérôme Lamy. En publiant une défense de l’#écriture_inclusive par Éliane Viennot et la présentation de son inscription dans le long combat des femmes par Héloïse Morel9. En suivant les analyses de la nouveauté des aspirations politiques qui s’expriment dans les « #têtes_de_cortège » étudiées par Hugo Melchior. En rappelant à travers expositions, films, romans de l’actualité, les violences de l’exploitation capitaliste du travail, les répressions féroces des forces socialistes, socialisantes, taxées de communistes en contexte de guerre froide, dans « les Cahiers recommandent ». En retrouvant Jack London et ses si suggestives évocations des appartenances de classes à travers le film « Martin Eden » de Pietro Marcello, et bien d’autres évocations, à travers livres, films, expositions, de ce social agi, modelé, remodelé par les luttes, les contradictions, plus ou moins explicites ou sourdes, plus ou moins violentes, qui font pour nous l’histoire vivante. Nouvelle étape de l’exploration du neuf inépuisable des configurations sociales (de) chaque numéro. Le prochain sera consacré à la fois à la puissance de l’Église catholique et aux normes sexuelles. Le suivant à un retour sur l’histoire du Parti communiste dans les moments où il fut neuf, il y a cent ans. À la suite, dans les méandres de ce social toujours en tension, inépuisable source de distance et de volonté de savoir. Pour tenter ensemble de maîtriser les fantômes du passé.

    https://journals.openedition.org/chrhc/14393

    #histoire #race #Europe #revue #racisme

    ping @cede @karine4

  • #Budget genré de #Lyon : pour l’#égalité réelle femmes/hommes

    Pour la première fois en #France, une ville de plus de 500 000 habitants va mettre en place un #budget_sensible_au_genre. La ville de Lyon, sous l’impulsion d’#Audrey_Henocque, première adjointe en charge des #finances, et #Florence_Delaunay, adjointe à l’égalité femmes-hommes, va en effet évaluer son budget selon la répartition de la #dépense_publique envers les bénéficiaires hommes et femmes.

    En 2021, les #lignes_budgétaires de cinq directions seront analysées : une mairie d’arrondissement, le musée des beaux-arts pour la culture, la direction des sports, la direction des espaces verts et la direction de la commande publique. En 2022, ce seront l’ensemble des lignes budgétaires qui seront étudiées.

    L’objectif est de prendre conscience des #déséquilibres éventuels, et d’y répondre par des #actions_correctives.

    Dès 2021, pour répondre aux déséquilibres déjà criants, la ville de Lyon met également en place des actions pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en accordant autant de #subvention à l’OL féminin qu’à l’équipe masculine, et en travaillant sur les #cours_d’écoles à la fois pour les végétaliser, mais aussi les rendre plus adaptées à la #mixité des jeux. Pour que chacun et chacune ait sa place dans l’#espace_public, et dans la société. Pour passer d’une égalité de droits, à une #égalité_réelle entre les femmes et les hommes.

    Recommandé par l’ONU Femmes et le Conseil de l’Europe, le budget sensible au genre est déjà en place à #Vienne, capitale de l’Autriche, depuis plus de 15 ans, mais aussi au #Canada, #Mexique, #Australie, #Japon, #Islande. Marlène Schiappa avait d’ailleurs promis sa mise en place au niveau du budget de l’État. En matière d’environnement comme en matière d’égalité femmes-hommes, il y a ceux qui parlent, et les écologistes qui font.

    https://www.eelv.fr/budget-genre-de-lyon-pour-legalite-reelle-femmes-hommes

    #genre #école #féminisation_de_la_politique

  • Femmes et espaces urbains – Une nouvelle place du 14-Juin pour commémorer la lutte pour l’égalité des droits

    La place située devant l’église Saint-Laurent, jusqu’ici dépourvue d’un nom officiel, a été baptisée « #Place_du_14-Juin » le 7 février 2021, jour anniversaire des 50 ans du droit de vote des femmes en Suisse. Située en plein centre-ville, devant le parvis de l’église Saint-Laurent, cette nouvelle #place permet à la Municipalité de commémorer la lutte pour l’égalité des droits, tout en s’inscrivant dans les mesures adoptées par la Municipalité pour accroître la #visibilité des femmes dans l’espace public.

    - Vidéo - Inauguration de la place du 14-Juin : https://www.youtube.com/watch?v=zYPjqi5gcW0&feature=youtu.be&ab_channel=CommuneLausanne


    - Communiqué du 07.02.2021 : webapps.lausanne.ch/apps/actualites/Next/serve.php ?id=10411
    - Site web : https://www.lausanne.ch/portrait/cohesion-sociale/egalite-et-diversite;jsessionid=730CF0B7F8FFEAA0531AD34BA01A6D28
    - Vidéo - Femmes et espaces urbains : les mesures de la Municipalité : https://www.youtube.com/watch?v=c7x_FYX_LZU&feature=youtu.be&ab_channel=CommuneLausanne

    - Vidéo - Ruth Dreifuss et Pamela Ohene-Nyako : interviews croisées : https://www.youtube.com/watch?v=VYvcHsAK26w&feature=youtu.be&ab_channel=CommuneLausanne

    http://webapps.lausanne.ch/apps/actualites/?actu_id=59060

    #Lausanne #toponymie #toponymie_politique #Suisse #femmes #égalité_des_droits #droit_de_vote #commémoration #visibilisation #espace_public #vidéo