• Pourquoi Donald Trump veut empêcher les Américains de voter par correspondance
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    À partir d’aujourd’hui, il lui reste cent jours. Soit un peu plus de trois mois pour faire oublier sa gestion désastreuse du Covid-19, qui lui a valu des critiques jusque dans son propre camp, alors que plus de 140.000 personnes sont mortes aux États-Unis depuis le début de la pandémie. Trois mois pour remonter dans les sondages, alors que 49,9% des Américains se déclarent prêts à voter pour le démocrate Joe Biden, contre 42% pour lui-même, selon le site Fivethirtyeight.com, qui compile les enquêtes disponibles. C’est peu de dire que Donald Trump traverse une mauvaise passe. Et si un sujet courrouce particulièrement le président sortant, en ces temps mouvementés, c’est bien le vote par correspondance que de plus en plus d’États envisagent de mettre en place si l’épidémie se poursuit.

    Depuis avril, le locataire de la Maison-Blanche multiplie les messages exaspérés sur ce thème et martèle, sans preuves, que celui-ci pourrait engendrer une fraude massive. Dernier en date, mardi, publié sur Facebook et Twitter : « _Le vote par correspondance, à moins d’être remis en cause par les tribunaux, va conduire à L’ÉLECTION LA PLUS CORROMPUE de l’histoire de notre Nation ! #ELECTIONTRUQUEE._ » Son post a conduit Facebook à y ajouter une note d’information, en l’occurrence un lien vers le site du gouvernement expliquant comment fonctionne le vote par courrier selon les États, comme l’avait déjà fait Twitter, fin mai, après une missive présidentielle de la même teneur.

    Un financement à trouver
    Si les esprits s’échauffent tant, c’est que ce mode de vote pourrait jouer un rôle crucial lors du scrutin du 3 novembre. « Donald Trump est convaincu, ce qui n’est pas totalement avéré, que le vote par correspondance serait défavorable aux Républicains », souligne Anne Deysine professeur émérite à l’université Paris Nanterre et auteur de l’ouvrage Les États-Unis et la démocratie, (éditions L’Harmattan, 2019). Peu d’Américains choisissaient jusqu’ici ce mode de scrutin, autorisé dans cinq États comme une procédure par défaut (comme dans l’Oregon ou dans l’État de Washington) et dans une trentaine d’autres via une demande dérogatoire. L’épidémie de coronavirus pourrait changer la donne : 65% des sondés pensent que le vote par courrier devrait pouvoir être utilisé sans conditions, selon une étude du Pew Research Center conduite mi-juin.

    Queues interminables sans respect des gestes barrière, comme dans le Wisconsin le 7 avril, où les électeurs votaient pour les primaires démocrates et pour élire un juge à la Cour suprême de l’État ; bureaux de vote supprimés ou maintenus avec des horaires raccourcis, ce qui pénalise les Américains travaillant loin de leur lieu de vie ; contrôles d’identité de plus en plus poussés lors du vote « physique »… La liste des avantages du vote par correspondance s’avère longue. D’où le projet de Donald Trump de le torpiller, d’abord financièrement.

    Plus de 4 milliards de dollars sont nécessaires à sa mise en place, des tonnes de papier utilisées pour imprimer bulletins et enveloppes, jusqu’aux machines à scanner. En faisant pression sur les Républicains, les Démocrates n’ont obtenu du Congrès que 400 millions de dollars. Un bon début, mais insuffisant. « Outre son opposition à une aide accordée par le Congrès, Donald Trump s’acharne sur le service postal fédéral, qu’il veut priver de tout financement, détaille Anne ­Deysine. Or, celui-ci est indispensable pour acheminer les bulletins vers les électeurs et ensuite assurer le retour vers les bureaux de vote. »

    Litige autour des résultats ?
    En parallèle, le président s’attache à saper la crédibilité du vote par correspondance et donc du scrutin – bien qu’il l’ait lui-même utilisé depuis la Maison-Blanche pour les primaires républicaines en mars… En jeu, rien de moins que la proclamation des résultats.

    Plusieurs actions en justice sont d’ailleurs en cours dans différents États pour savoir jusqu’à quand les bulletins de vote pourront être dépouillés. Le 3 novembre ou trois à quatre jours plus tard ? Une période de flottement que Trump pourrait utiliser à son profit. « Ses dénonciations régulières du vote par correspondance comme ’frauduleux’ préparent le terrain psychologique à son refus des résultats des élections en cas de défaite », assure Anne ­Deysine. Interrogé dimanche sur Fox News pour savoir s’il reconnaîtrait les résultats, justement, le chef de l’État a simplement répondu : « Je verrai ».