"Nous qui nous occupons plus ou moins de géographie..."
Elisée Reclus découvre l’imperfection de l’art cartographique et s’en ouvre avec émotion dans une lettre adressé à son collègue et ami Charles Perron. Et s’inquiète que son public risqued e « se faire les les plus fausses idées de la géographie ».
Question : en cartographie thématique, aujourd’hui, la situation est-elle très différente ? :)
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Ixelles, le 17 avril 1894
Mon cher ami,
Je dois aller prochainement rendre visite au directeur de la cartographie militaire de Belgique, et j’aurai l’occasion de lui parler de vos projets si intéressants pour la reproduction de cartes d’après des reliefs construits à l’échelle vraie avec fidélité topographique et la courbure exacte.
Plus je travaille et plus je m’aperçois qu’on a tort, absolument tort de faire de fausses représentations par cartes planes, copiées d’autres cartes planes sur lesquelles on ajoute le dessin du relief par divers procédés, plus ou moins ingénieux, plus ou moins fantaisistes.
Nous mêmes, qui nous occupons plus ou moins de géographie, nous sommes toujours trompés par les fausses représentations géographiques, quoique nous sachions en théorie la forme vraie de la courbure du relief. A plus forte raison ceux qui ne savent pas encore et qui apprennent avec confiance, sont-ils exposés à se faire les plus fausses idées de la géographie. Ils n’ont jamais dans l’esprit que les proportions inexactes. Ah ! Que de cartes à détruire, y compris les miennes !
Bien cordialement à vous et aux vôtres,
Elisée Reclus