• Le procès de la #mafia qui voulait régner sur la #Vallée_d’Aoste

    Avec la complicité d’élus valdôtains, une cellule mafieuse de la ’#Ndrangheta tissait son emprise sur la région alpine limitrophe de la Suisse. Les mafieux présumés et leurs affidés politiques vont comparaître devant la #justice.

    C’est un #procès retentissant, impliquant 14 membres présumés de la ’Ndrangheta et trois élus locaux, qui commencera le 12 décembre dans la Vallée d’Aoste. Les accusés doivent répondre du chef d’association mafieuse. Le 23 janvier, à l’issue d’une enquête lancée cinq ans plus tôt, les Valdôtains assistaient, médusés, à un coup de filet policier qui levait le voile sur la collusion entre la pègre calabraise et la politique locale. La plus petite région d’Italie se découvrait être une cible de choix pour la plus grande organisation criminelle du pays.

    Le but des mafieux était clair : prendre le contrôle du territoire. « Nous, les Calabrais, représentons un quart de la population valdôtaine », soit 32 000 habitants sur 125 000, se vantait le gérant d’une pizzeria d’Aoste mis sur écoute par le parquet qui le soupçonnait d’être un boss de la ’Ndrangheta. L’importante présence calabraise dans la Vallée d’Aoste avait une fonction de réservoir électoral, que la mafia a utilisé pour infiltrer la politique. Une tactique apprise après un précédent revers.

    Protéger leurs investissements

    En 2014 déjà, cinq mafieux avaient été condamnés pour extorsion, vol et tentative d’homicide. Des crimes en relation avec les affaires de la ’Ndrangheta dans l’immobilier, les jeux d’argent et la restauration. Pour protéger leurs investissements, les mafieux ont alors commencé à tisser leur toile autour de la politique valdôtaine. Les trois élus inculpés jeudi auraient bénéficié des bulletins de vote garantis par l’organisation. Deux d’entre eux étaient issus du premier parti de la région, l’Union valdôtaine, le puissant mouvement autonomiste érigé en défenseur du particularisme culturel et linguistique local.

    Les écoutes téléphoniques ont fait état d’échanges nourris entre les mafieux et les politiciens. Elue sans bannière politique, une conseillère municipale de Saint-Pierre, près d’Aoste, avait par exemple piloté l’attribution du service de transport scolaire à la société d’un homme proche de la ’Ndrangheta. En contrepartie, elle aurait obtenu que « les mafieux exercent des pressions sur les autres conseillers municipaux qui lui causaient des difficultés », explique la magistrate Silvia Salvadori, chargée de l’enquête judiciaire. Selon cette dernière, « les mafieux voulaient gouverner la Vallée d’Aoste ».

    La ’Ndrangheta entendait infiltrer tous les étages de la politique, législatifs et exécutifs, communaux et régionaux. Le maire de la ville d’Aoste, Fulvio Centoz, membre du Parti démocrate, a par exemple été approché, sans succès, par un boss mafieux. Cet épisode ainsi que l’arrestation d’un conseiller municipal pour ses liens présumés avec la pègre ont valu à la ville d’#Aoste un audit ministériel. La procédure, qui frappe aussi la commune de #Saint-Pierre, est susceptible d’aboutir à une mise sous tutelle du chef-lieu valdôtain pour #infiltration_mafieuse. Les enquêteurs ont aussi observé des contacts, apparemment infructueux, entre des mafieux présumés et l’ex-président de la région, #Augusto_Rollandin. Surnommé l’« #Empereur_Auguste », cet ex-homme fort de l’#Union_valdôtaine a influé, pendant plus d’un quart de siècle, sur la vie politique de la Vallée d’Aoste, avant de céder le pouvoir en 2017.

    « La fin du #déni »

    « Ce procès signe la fin du déni local à l’égard de la présence mafieuse », affirme Roberto Mancini, journaliste à Aoste et expert en criminalité mafieuse. Selon lui, l’élite politique et économique valdôtaine a trop longtemps refusé de regarder la réalité en face. « Comment la ’Ndrangheta a-t-elle réussi à percer aussi en profondeur dans le tissu social et politique ? Le procès devra répondre à cette question cruciale pour l’avenir de la région », espère Donatella Corti, présidente de la section valdôtaine de Libera, la plus importante ONG nationale antimafia. « Il devra aussi permettre de faire la lumière sur le réseau de complicités locales qui a permis aux clans de prospérer. » La Vallée d’Aoste pourra alors mesurer l’étendue de l’emprise mafieuse sur son territoire.

    « Une mise sous tutelle de la ville d’Aoste serait un tremblement de terre »

    Alors qu’il était en lice pour la mairie d’Aoste en 2015, Fulvio Centoz dîne avec des amis dans une pizzeria du quartier administratif de la ville. Le lieu est placé sur écoute par le parquet antimafia, qui tient le gérant calabrais de l’établissement dans son viseur. Ce dernier offre son « appui électoral », une proposition que le candidat décline instinctivement. Fulvio Centoz remportera plus tard la mairie. En janvier dernier, l’épisode fait l’objet d’une fuite dans la presse, au lendemain de l’arrestation d’un conseiller municipal d’Aoste pour ses accointances avec la ’Ndrangheta. Ces faits motivent un audit ministériel pour infiltration mafieuse. La Vallée d’Aoste est sous le choc : son chef-lieu risque d’être mis sous tutelle. Le ministre italien de l’Intérieur devrait rendre sa décision avant la fin de l’année.

    Si la ville d’Aoste devait être mise sous tutelle pour infiltration mafieuse, quelles en seraient les conséquences ?
    Fulvio Centoz : A mon sens, il n’y a pas d’éléments susceptibles d’aboutir à cette conclusion. Je suis confiant. Cela dit, une mise sous tutelle provoquerait un séisme dans toute la région, et au-delà. Elle aurait des répercussions politiques, favorisant la montée des extrêmes, mais aussi économiques, avec un impact négatif sur les investissements et le tourisme. La Vallée d’Aoste cesserait d’être ce paradis alpin, cette île de bonheur, qui a fait sa fortune. Ce dégât d’image serait probablement irréparable.

    Pourquoi n’avez-vous pas dénoncé l’épisode de la pizzeria aux autorités judiciaires ?

    Le gérant de l’établissement ne s’est jamais présenté comme étant un boss ou un émissaire de la ’Ndrangheta. Et rien ne me permettait à l’époque de le soupçonner, son nom n’ayant jamais fait son apparition dans la presse, ni dans les comptes rendus judiciaires connus du public. J’ai tiré la conclusion qu’il s’agissait d’un petit entrepreneur qui se vantait, comme tant d’autres, d’avoir une influence politique. Pour savoir si le gérant d’une pizzeria est un mafieux, il faudrait disposer du niveau d’information du parquet anti.

    Quelles leçons tirez-vous de cette mésaventure ?

    Le niveau d’alerte face à la menace d’infiltration mafieuse doit être relevé. L’an prochain auront lieu les élections communales en Vallée d’Aoste. Les candidats sont prévenus : la ’Ndrangheta cherchera à gagner leurs faveurs. Gare toutefois à ne pas céder aux amalgames. Tous les Calabrais ne sont pas mafieux ! J’ai toujours lancé cette mise en garde, on ne doit pas criminaliser toute une communauté.

    https://www.letemps.ch/monde/proces-mafia-voulait-regner-vallee-daoste
    #Italie

    • La désillusion, la dissipation du mirage, peut inciter les peuples à chercher des figures autoritaires, c’est aussi mon expérience de psychanalyste qui me l’apprend. Face à la nudité du père, on la recouvre du manteau de Noé du despotisme.

      Car nous vivons une période propice au dévoilement du mirage, nous sommes plus prêts que jamais à dire que l’Empereur est nu ; mais parallèlement, ce choix n’a jamais été aussi angoissant. Reconnaître que la place est vide est devenu d’autant plus difficile que nous avons coupé avec la tradition, et ne savons plus à quoi nous raccrocher. C’est le défi de la modernité que cette discordance des temps entre passé, présent et avenir. Comment entrer dans un avenir en intégrant le présent, quand nous n’avons plus de lien avec le passé, pas un passé momifié, empaillé, mais un passé raconté, un passé qui fait histoire ?

    • Je pense qu’il y a un équilibre à retrouver au sein de nos démocraties entre égalité et liberté, surtout lorsque la liberté n’est plus celle des Lumières mais celle de l’économisme. Le moyen de réconcilier ces deux notions n’est autre que la fraternité. Cette pensée est celle de Bergson, pour qui la fraternité doit être le fondement de la démocratie, justement parce qu’elle est, dit-il, la valeur républicaine qui « réconcilie ces deux sœurs ennemies » que sont la liberté et l’égalité. Nous sommes je crois à un carrefour de notre histoire : les humains ont besoin de justice et non de charité, qui est une forme d’oppression sociale disait Jaurès. Comment y parvenir ? Emmanuel Macron est prisonnier d’une vision saint-simonienne de l’histoire et du politique pour laquelle la société n’est rien d’autre qu’une société de production, pour laquelle le progrès social dérive du progrès technique, et pour laquelle la justice sociale n’est que le résidu de la réussite économique. Or, la mondialisation prouve qu’il n’en est rien, que les dictatures s’accommodent fort bien des économies de marché financiarisées. Emmanuel Macron s’est fait l’apôtre d’une théologie entrepreneuriale qui a déjà un peu partout dans le monde démontré ses limites. C’est celle des nouvelles élites coupées de la Démocratie et du peuple, cultivant un narcissisme de masse, peut-être aussi parce que la Démocratie s’est séparée d’elle-même.

  • Droit à l’abdication : l’empereur du #Japon n’est pas au bout de ses peines
    https://www.mediapart.fr/journal/international/090816/droit-l-abdication-l-empereur-du-japon-n-est-pas-au-bout-de-ses-peines

    L’empereur du Japon Akihito, 82 ans, souhaite abdiquer. La #droite_nationaliste du premier ministre #Shinzo_Abe ne l’entend pas de cette oreille. La pratique était pourtant courante dans l’histoire millénaire du « trône du chrysanthème ». Analyse.

    #International #abdication #Agence_de_la_Maison_Impériale #Asie #Constitution #Douglas_MacArthur #Empereur_Akihito #Hirohito #Naruhito #révisionnisme