Comment pourtant ne pas saisir ce qui est à l’œuvre dans la déclaration, le 25 juillet 1945, soit trois mois avant l’ouverture du procès, de Robert H. Jackson, procureur général des États-Unis et chargé par le président Truman de préparer le procès : « La manière dont l’Allemagne traite ses habitants ou dont tout autre pays traite ses habitants n’est pas plus notre affaire que ce n’est celle d’un autre gouvernement de s’interposer dans nos problèmes » ? Rétrospectivement, cela saute aux yeux. Le message est sans ambiguïté : la répression des crimes commis pour des raisons raciales par le Troisième Reich ne devait en aucun cas servir à remettre en question l’ordre racial qui prévalait au même moment aux États-Unis. C’est cette contrainte, disséquée par Guillaume Mouralis, qui est à l’origine de la définition « corsetée » du crime contre l’humanité adoptée en 1945 et qui est le point fort de son étude. Non que des auteurs américains ne l’aient pas relevée auparavant, ils sont d’ailleurs largement cités, mais parce que, sans doute grâce à sa position d’extériorité, Mouralis a un regard comparatif plus large – un peu à la manière, d’ailleurs, du documentaire filmique, sur le même sujet mais avec une autre approche, de Marcel Ophuls, The Memory of Justice (1976), auquel il est fait plusieurs fois référence. Les deux derniers chapitres du livre montrent l’usage qui a pu non sans mal être fait de Nuremberg par les mobilisations afro-américaines, puis par les militants contre la guerre au Vietnam, et ce en dépit de toutes les précautions de ses acteurs américains.
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