• Non-respect de la licence GPL: Orange condamné en appel - ZDNet
    https://www.zdnet.fr/blogs/l-esprit-libre/non-respect-de-la-licence-gpl-orange-condamne-en-appel-39964312.htm

    Open Source : La cour d’appel de Paris a condamné Orange à payer 650.000 euros à la société coopérative Entr’Ouvert pour ne pas avoir respecté la licence GNU GPL v2.

    #Logiciel_libre #Enclosure

  • Peregrine est sur le point de se crasher sur la Terre, et ses restes humains avec elle
    https://www.huffingtonpost.fr/science/article/peregrine-est-sur-le-point-de-se-crasher-sur-la-terre-et-ses-restes-h

    ESPACE - C’est la fin du voyage des passagers insolites de la mission Peregrine. Car si les restes humains présents sur la sonde espéraient continuer leur chemin vers l’infini, ils devront accepter un sort bien différent… Au fond de l’océan Pacifique, une fois rentrés dans l’atmosphère dans la nuit du 18 janvier.

    En effet, la sonde a qui décollé lundi 8 janvier en direction de la Lune est désormais de retour sur Terre. Si Peregrine n’a jamais pu atteindre son objectif, c’est à cause d’une « anomalie » parvenue peu après sa séparation d’avec la fusée Vulcan. Cet accident lui avait empêché d’accomplir une orientation stable faisant face au Soleil, nécessaire pour suivre sur sa route vers la Lune. La sonde a néanmoins continué le chemin le plus loin possible, jusqu’à atteindre la distance lunaire, avant de perdre le contrôle.

    Un ratage donc pour la société Astrobotic, chargée de construire l’alunisseur. La start-up, qui espérait devenir la première entreprise privée à réussir à se poser sur le satellite, n’a pas réalisé son objectif. Un échec complet ? Pas pour les amérindiens Navajos, qui s’étaient opposés à la mission dès le début, au nom de la désacralisation de la Lune par des restes humains.
    À jamais sous l’océan

    Update #20 for Peregrine Mission One : https://t.co/m6fQcPiedN pic.twitter.com/Ot9GU6ncsG
    — Astrobotic (@astrobotic) January 17, 2024

    Ce sont les invités d’honneur de « Tranquillity », un projet de la société Celestis, spécialisé dans les voyages spatiaux post-mortem. L’entreprise avait participé à cette mission pour envoyer dans l’espace les cendres de soixante-cinq humains et d’un chien répondant au doux nom d’Indica-Noodle, contenus dans des capsules. Les familles des passagers de Peregrine avaient dû débourser plus de 10 000 dollars (9 100 euros) par capsule.

    Mais la fin précoce de la mission fait réjouir au moins quelqu’un. L’initiative avait en effet suscité la colère des Amérindiens Navajos, car d’après eux les restes humains auraient profané le terrain sacré du satellite.

    Sur la sonde, figurait aussi (mais seulement sous forme de quelques brins d’ADN) d’autres passagers de haute gamme, qui finiront eux aussi parmi les poissons : les trois présidents américains George Washington, John F. Kennedy et Dwight D. Eisenhower et les créateurs de la célèbre série Star Trek. Ils devront finalement se contenter d’un enterrement en pleine mer.

    « Astrobotic a positionné le vaisseau spatial Peregrine pour garantir une rentrée sûre et contrôlée sur Terre au-dessus d’une zone isolée du Pacifique Sud », l’entreprise a-t-elle écrit dans un communiqué. Peregrine va donc finalement brûler en rentrant dans l’atmosphère de la Terre ce jeudi 18 janvier à 22 heures françaises. Dans les vagues du Pacifique tomberont en poussière instruments de mesure variés, matériel scientifique… Et passagers.

    #Espace #Communs #Enclosure

  • Navajo Nation president asks NASA to delay Moon launch over possible human remains
    https://www.knau.org/knau-and-arizona-news/2023-12-28/navajo-nation-president-asks-nasa-to-delay-moon-launch-over-possible-human-rem

    Envoyer des résidus de crémation sur la Lune !!! Mais combien d’idées farfelues, inutiles, malsaines peuvent naître dans l’esprit de gens avides d’argent ? (car l’entreprise est certainement payante, je dirais même rentable, tant les riches veulent laisser leur empreinte partout, quitte à détruire le commun).

    Navajo Nation President Buu Nygren has asked NASA to delay a scheduled launch to the Moon that could include cremated remains.

    Nygren says he recently learned of the Jan. 8 launch of the Vulcan Centaur carrying the Peregrine Mission One. The lander will carry some payloads from a company known to provide memorial services by shipping human cremated remains to the Moon.

    Nygren wants the launch delayed and the tribe consulted immediately. He noted the Moon is sacred to numerous Indigenous cultures and that depositing human remains on it is “tantamount to desecration.”

    NASA previously came under fire after the ashes of former geologist and planetary scientist Eugene Shoemaker were sent to the Moon in 1998.

    Then-Navajo Nation President Albert Hale said the action was a gross insensitivity to the beliefs of many Native Americans. NASA later apologized and promised to consult with tribes before authorizing any similar missions in the future.

    Nygren highlighted this commitment in his letter, as well as a 2021 memo signed by the Biden administration that pledged to consult the tribe on matters that impact them.

    “This memorandum reinforced the commitment to Executive Order 13175 of November 6, 2000,” President Nygren wrote. “Additionally, the Memorandum of Understanding Regarding Interagency Coordination and Collaboration for the Protection of Indigenous Sacred Sites, which you and several other members of the Administration signed in November 2021, further underscores the requirement for such consultation.”

    He added this explicitly recognizes that sacred sites can consist of “places that afford views of important areas of land, water, or of the sky and celestial bodies.”

    NASA has yet to respond.

    #Espace #Lune #Enclosure #Communs #Crémation #Connerie_humaine

  • Se promener dans les trois-quarts de la forêt française ? 135 € d’amende !
    https://lavoixrurale.info/se-promener-dans-les-trois-quarts-de-la-foret-francaise-135-e-damende

    Après un premier quinquennat qui a amputé les services publics de l’Écologie de nombre de ses effectifs (à l’ONF, dans les parcs naturels et jusqu’au ministère), après la COP15, où la France s’est distinguée par son acharnement à empêcher la protection des milieux marins, après un budget de l’État pour 2023 qui n’a alloué que la somme ridicule de 300 millions d’euros d’investissement pour la biodiversité, après la tentative (heureusement avortée) de réintroduire les néonicotinoïdes responsables de la disparition des insectes pollinisateurs, la macronie, avec l’aide de la droite, du RN, mais aussi du Parti socialiste, prive le pays du travail essentiel et bénévole de milliers de Français·es pour protéger la nature. Les groupes de France insoumise et EELV (les députés PC étaient absents), tiraillés entre l’urgence de restituer à la faune sauvage sa liberté de circulation et la dénonciation de cette mesure liberticide pour les humains, se sont abstenus.

    • On voit bien le retournement législatif  : seuls les chasseurs sont légitimes à se promener en forêt.

      Donc, s’ils tirent sur des gens qui n’ont pas le droit d’y être…

      Il faut comprendre que non seulement le gros du paysage est privé, mais surtout qu’il y a eu une guerre des chemins communaux pendant des décennies et qu’on l’a aussi perdue.

      Les agriculteurs se sont souvent arrogé le droit de clôturer des chemins publics «  parce que ça va chez moi  », puis de labourer ces mêmes chemins, ni vus, ni connus… Prend une bande de 1 à 2 m de large le long de ton champ et calcule la surface agraire supplémentaire, nette d’impôts.

      Je suis ravie de vivre à la lisière d’un parc naturel national (les régionaux ne sont pratiquement protégés en rien) et d’avoir de nouveau le droit de me promener dans la nature.

      Pour les chasseurs, c’est un chouia plus compliqué, puisque là aussi, ils ont obtenu des dérogations, sauf pour le cœur du parc… à toi de te démerder pour comprendre de quelle zone on parle.

      Chez nous, la zone pastorale aide beaucoup, parce qu’il est simple de comprendre qu’elle est totalement exclue des dérogations.

      Bon, après, si un troupeau libre stationne sur ton lacet de moyenne montagne, t’as plus qu’à prendre ton mal en patience. 🏔️

  • Ennui, infox et encyclopédie : un auteur chinois révèle la supercherie
    https://actualitte.com/article/106979/insolite/ennui-infox-et-encyclopedie-un-auteur-chinois-revele-la-supercherie

    « C’est l’Ennui ! - l’oeil chargé d’un pleur involontaire, Il rêve d’échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat. » Zhemao, femme au foyer chinoise, ne peut qu’abonder dans le sens de l’auteur des Petits poèmes en prose. Baudelaire conseillait d’être toujours ivre, afin de survivre à ce fardeau : de travail, de vin ou peu importe. La méthode de Zhemao, son nom d’utilisatrice, fut de produire sur l’encyclopédie Wikipédia des infox historiques...

    Publié le : 18/07/2022 à 16:15
    Hocine Bouhadjera

    Sa spécialité : falsifier l’histoire de la Grande Russie. Afin de franchir le contrôle des contenus publiés sur la version chinoise de la plateforme, la dame se faisait passer pour une universitaire, fille d’un diplomate chinois en poste en Russie, mariée à un Russe. Elle se targuait notamment de détenir un doctorat en Histoire mondiale de l’Université d’État de Moscou : prestige et légitimité.

    Récemment, elle avait partagé une pétition que son mari aurait signée pour protester contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie... En outre, elle utilisait quatre comptes alternatifs, afin de soutenir son escroquerie. En réalité, Zhemao ne parle ni anglais ni russe, et est une femme au foyer avec seulement un diplôme d’études secondaires.

    Une mine (d’informations) pas comme les autres

    En juin de cette année, le romancier chinois Yifan, tombe, dans ses recherches pour nourrir un futur texte, sur un article dédié à la mine d’argent de Kashin. Cette mine, découverte par des paysans russes en 1344 selon l’entrée, aurait été exploitée grâce au soutien de plus de 40.000 esclaves et affranchis. Outre cette dimension informative, le papier s’appliquait à décrire la composition géologique du sol, la structure de la mine et même le processus de raffinage...

    En réalité, tout n’était que le fruit de l’imagination de cette utilisatrice connue sous le nom de Zhemao. Les livres cités n’existaient tout simplement pas, quand les références en langue russe utilisées n’évoquaient pas ce que la Chinoise leur faisait dire. En tout, Yifan découvre 206 articles publiés à partir de 2019, certains sur des conflits entre anciens États slaves fantaisistes, souvent caractérisés par la richesse des détails exposés. 300 entrées auxquelles Zhemao avait apporté sa touche ont ensuite été étudiées par un groupe de wikipédiens et de bénévoles.

    « Le contenu qu’elle a écrit est de haute qualité et les entrées étaient interconnectées, créant un système qui se tenait en lui-même », explique John Yip, grand contributeur de Wikipédia, à VICE World News. Et d’ajouter : « Ses papiers semblaient complets, avec des citations appropriées, mais certaines étaient inventées, tandis que d’autres avaient des numéros de pages qui ne correspondaient pas ».

    Ce dernier conclut : « Zhemao a inventé une nouvelle façon de saper Wikipédia. » En effet, mêlant les faits à la fiction, la Chinoise a remis en cause les capacités de la plateforme participative à vérifier les informations et à repousser les acteurs malveillants du site.

    #Wikipédia #Enclosure #Communs

  • « Me voilà intégré à une équipe fantôme » : les extraits d’un récit d’infiltration dans l’équipe de Zemmour
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/17/me-voila-integre-a-une-equipe-fantome-les-extraits-d-un-recit-d-infiltration

    Je viens de rejoindre un nouveau groupe de travail nommé « WikiZédia ». J’avais repéré cette initiative début octobre [2021], sur le canal Telegram « Groupe de discussion », ouvert à 1 400 personnes. Un membre proposait de « Contribuer à Zemmour & Wikipédia : ajouter du contenu qui concerne Zemmour, compléter et rectifier si nécessaire. = > contacter @Choucroutegourmande ».

    Je contacte @Choucroutegourmande, le 10 novembre, lui signifie mon envie de contribuer, et me voilà intégré à WikiZédia. Une fois de plus, personne ne vérifie mon identité. Et là, c’est vertigineux : j’ai désormais accès à des stratégies et à des tactiques officieuses, non assumées publiquement.

    Gabriel ajoute ce qu’il a appris de son expérience : « Je le déplore, mais il est quasiment impossible de procéder à des ajouts qui paraissent partisans sans s’appuyer sur des articles de presse “mainstream” (malheureusement…). Il faut donc la jouer assez finement. D’ailleurs, à mes débuts, j’ai fait l’objet de sanctions (blocages) pour des modifications trop engagées. » (…)

    La page « consignes » rappelle les priorités : « Mettre à jour les pages “CSA” ; “Face à l’info” ; page “Liste des épisodes Face à l’info” ». Et créer ainsi, au sein de Wikipédia, une myriade de nouveaux liens concernant de près ou de loin Eric Zemmour. Ça a l’air compliqué, mais c’est pourtant très simple. Il s’agit d’un lobbying numérique qui s’évertue à contourner les règles imposées par Wikipédia.

    Je sollicite Jules, l’administrateur de Wikipédia avec qui je suis entré en contact [Jules, sans aucun lien avec l’équipe Zemmour, aide l’auteur à repérer les manœuvres de celle-ci sur Wikipédia], pour obtenir plus d’informations sur Gabriel, alias « Cheep ». Pour rappel, dans la discussion de la cellule WikiZédia, Gabriel s’est présenté comme « chargé de la page Wikipédia d’Eric Zemmour ». Jules se montre tout de suite choqué quand il apprend que « Cheep » fait partie de la cellule WikiZédia. Car « Cheep » n’est pas n’importe qui dans la communauté des « wikipédiens » : d’après les statistiques fournies par l’encyclopédie en ligne, il totalise, depuis 2006, près de 169 000 contributions, ce qui en fait le 64e contributeur de Wikipédia en langue française. Il s’agit donc d’un utilisateur extrêmement expérimenté, que la communauté nomme « Autopatrolled 35 », c’est-à-dire dont les modifications sur les pages sont considérées comme vérifiées automatiquement.
    Lire aussi Comment des militants d’Eric Zemmour gonflent artificiellement la présence de leur candidat sur Twitter

    Le 3 décembre 2021, à 00 h 05, Gabriel- « Cheep » intervient sur la page Wikipédia consacrée à Eric Zemmour. Il ajoute des portraits photo du maréchal Pétain et de Pierre Laval, chef du gouvernement sous le régime de Vichy. Sous les photos, « Cheep » rédige la légende suivante : « Philippe Pétain et Pierre Laval, dont la responsabilité dans la Shoah en France est sujette à débat. » Une affirmation totalement fausse.

    (…) Un autre utilisateur de Wikipédia (dont le pseudo est « Lefringant ») annule une première fois la modification mensongère de Gabriel- « Cheep », une minute seulement après sa publication. A 00 h 10, « Cheep » revient à la charge en indiquant « Images appropriées ». « Lefringant » annule de nouveau la modification en commentant : « L’image peut-être, la légende absolument pas ». « Cheep » passe en force en disant : « Il suffit de lire l’article sur Laval. » « Lefringant » annule de nouveau. Une administratrice de Wikipédia (dont le pseudo est « Bédévore ») intervient pour stopper la « guerre d’édition ». Elle immobilise cette page pendant vingt-quatre heures, sans la légende de « Cheep ».

    Le lendemain, plusieurs contributeurs expérimentés reprochent à Gabriel- « Cheep » ses modifications contraires à la neutralité de point de vue, l’un des principes fondateurs de Wikipédia. Un administrateur propose un blocage d’une semaine pour « Cheep ». Pour se défendre, « Cheep » demande à ce que l’on suppose sa bonne foi, autre règle fondamentale sur Wikipédia. Il écrit : « Pas de procès d’intention. Il s’agit de l’article consacré à Zemmour, donc il me semblait relativement évident que la légende concernait son avis sur le sujet. » En tant que contributeur expérimenté, il sait pourtant que sa légende ne présentait nullement un point de vue, mais une affirmation générale. Son ancienneté le sauve, il n’est pas bloqué. Sa modification est néanmoins masquée pour « contenu illégal ».

    #Wikipédia #Zemour #Faschosphère #Communs #Enclosures

  • Terres suisses d’outre-mer

    Les traders domiciliés en Suisse possèdent de gigantesques territoires agricoles à l’étranger qu’ils cultivent souvent sans égard pour les populations locales et la nature.

    Des superficies de plantations équivalentes à près de sept fois les terres arables de la Suisse. C’est ce que quatorze des principaux négociants en matières premières basés en Helvétie contrôlent dans des pays du Sud, comme le Brésil, le Cameroun et le Laos. C’est le résultat d’une nouvelle enquête de Public Eye, ONG qui surveille de près depuis 2011 le secteur des matières premières, dont la Suisse est devenue la première place mondiale depuis une quinzaine d’années1. Ainsi, des traders qui opèrent principalement depuis Genève ou Zoug tels que Cargill, Cofco ou LDC ont la haute main sur au moins 2,7 millions d’hectares dans 561 plantations de 24 pays. Canne à sucre, huile de palme, céréales, oléagineux et caoutchouc tiennent le haut du pavé.

    Cette mainmise s’accompagne souvent de violations des droits humains, d’atteintes à l’environnement et prive les populations locales de leurs moyens de subsistance. « La concurrence pour la terre entre les multinationales de l’agro-industrie et les communautés locales augmente alors que ces dernières ont un besoin vital de ces ressources », détaille Silvie Lang, responsable du dossier chez Public Eye. Un accaparement des terres (land grabbing) qui a explosé depuis la crise financière de 2008 et qui est aussi régulièrement dénoncé pour sa dimension néocoloniale (lire ci-après).

    En tant qu’hôte de ces géants de l’agronégoce, la Suisse aurait une responsabilité toute particulière pour réglementer leurs activités dans ce secteur à risque, mais elle n’en prendrait pas le chemin. Publiée il y a quinze jours, l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’application du contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables n’imposerait presque aucune obligation à ces dernières (lire ci-dessous).
    Dépossédés sans compensation

    Pourtant, expulsions de populations, déforestations illégales, dégâts environnementaux seraient légion autour des plantations contrôlées par les traders helvétiques. En coopération avec ses partenaires de la société civile locale, Public Eye a documenté dix cas problématiques dans neuf pays. Ils sont présentés sur une carte interactive constellée de petits drapeaux suisses où sont recensés de nombreux autres « territoires suisses d’outre-mer ».

    En Ouganda, les 4000 personnes expulsées de force il y a vingt ans pour faire place nette à une plantation de café aux mains du groupe allemand Neumann Kaffee (NKG) attendent toujours une indemnisation digne de ce nom. « La filiale suisse de NKG, qui gère non seulement le négoce de café vert mais aussi les plantations – y compris en Ouganda –, a une part de responsabilité à assumer », estime Public Eye.

    De même, 52 familles d’agricultrices et d’agriculteurs auraient perdu leurs moyens de subsistance sur le plateau du Boloven au Laos au bénéfice du trader Olam, qui dispose d’un de ses principaux départements de négoce en Suisse. Histoire similaire en Tanzanie, où nombre d’habitants assurent, selon l’association allemande Misereor, avoir été dépossédés de 2000 hectares par Olam qui cultive des caféiers sur leurs terres. En 2015, mille personnes œuvraient dans ces plantations dans des conditions de travail déplorables, privées d’accès à l’eau, à une nourriture décente, et exposées à l’épandage de pesticides dangereux, selon l’ONG.
    Une autorité de surveillance ?

    Au Brésil aussi, en plus de l’accaparement des terres, les pesticides posent des problèmes insolubles dans les plantations de canne à sucre. Le négociant Biosev, propriété jusqu’à peu du groupe suisse Louis Dreyfus, n’a toujours pas réparé les destructions environnementales occasionnées sur et autour de vastes étendues de terres qu’il exploitait illégalement dans la région de Lagoa da Prata.

    Au Cambodge, enfin, l’expulsion des autochtones qui a eu lieu en 2008 sous la responsabilité de Socfin pour y exploiter le caoutchouc n’aurait pas encore abouti à une réparation. Un processus de médiation entre la firme et les communautés, initié en 2017 et cofinancé par la Suisse, devait finalement permettre de trouver une solution à l’amiable. Mais « les personnes concernées sont insatisfaites de la procédure totalement opaque et globalement inutile », indique Public Eye, relayant les rapports de plusieurs autres ONG. Pain pour le prochain et Alliance Sud avaient pour leur part dénoncé en octobre les pratiques d’évasion fiscale agressive de Socfin au Cambodge à destination de Fribourg, qui privent ce pays de précieuses ressources3.

    Ce nouveau dossier donne toujours plus d’arguments à Public Eye pour réclamer une action déterminée des autorités fédérales. Les mannes financières apportées par les traders en Suisse entraîneraient une responsabilité correspondante : « Le Conseil fédéral reconnaît certes officiellement que le secteur des matières premières est confronté à des défis à prendre au sérieux, notamment en matière de droits humains, mais il continue de miser principalement sur la bonne volonté des entreprises à assumer leurs responsabilités. » Regrettant l’échec de l’initiative pour des multinationales responsables, l’ONG recommande à nouveau la création d’une autorité de surveillance du secteur des matières premières (Rohma), proposée en 2014 déjà. Celle-ci s’inspirerait de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), créée en 2009 sous la pression internationale.

    –-

    Un accaparement ralenti mais prometteur

    Le phénomène de l’accaparement des terres a fait grand bruit au début des années 2010. Après la crise financière de 2008, on avait assisté à une ruée sur ce nouvel investissement estimé plus sûr et prometteur pour les détenteurs et détentrices de grands capitaux. Le tumulte s’est ensuite calmé avec le tassement progressif du nombre de terres achetées depuis. Entre 2013 et 2020, indique le dernier rapport de l’initiative de monitoring Land Matrix, qui dispose d’une base de données étendue sur l’accaparement dans les pays à revenus bas et moyens, seuls 3 millions d’hectares supplémentaires ont été enregistrés, sur un total de 30 millions. Le grand bon avait été réalisé entre 2006 (6 millions d’hectares environ) à 2013 (27 millions).

    Différentes raisons expliquent ce ralentissement, selon Land Matrix. D’abord, l’envolée attendue des prix dans la décennie 2010 des produits alimentaires, des agrocarburants et du pétrole n’aurait pas atteint les niveaux espérés. D’autre part, alertés par la société civile, certains Etats ont pris de mesures : « Citons, notamment, les moratoires sur les terres dans d’importants pays cibles, la diminution du soutien aux biocarburants de première génération et les restrictions sur la vente de terres aux investisseurs étrangers, dans certains cas », explique l’initiative.

    Les prix repartent à la hausse

    Mais la vapeur pourrait s’inverser sitôt la crise du Covid-19 passée, craint Land Matrix, d’autant que les prix reprennent l’ascenseur. « Certains pays, dont l’Indonésie et l’Inde, ont déjà libéralisé leurs marchés fonciers afin d’attirer les investissements étrangers. » Le Brésil représente également une plateforme florissant en matière agro-industrielle et connaît des évolutions favorables à un possible boom de l’accaparement des terres, indique un rapport en voie de publication de l’Université fédérale rurale de Rio de Janeiro (nous y reviendrons dans une prochaine édition.)

    Cette situation inquiète la société civile, qui souligne les conséquences souvent désastreuses du phénomène pour les populations paysannes, les autochtones, l’environnement et le climat. Certaines ONG, cependant, se focalisent parfois uniquement sur les violations des droits humains qui accompagnent le processus, sans remettre en cause sur le fond les dynamiques néocoloniales de l’accaparement et l’expansion du capitalisme foncier basé sur l’expropriation des communautés locales, regrettent certains observateurs : « Nous observons aujourd’hui un véritable processus d’enclosure (clôture des parcelles provenant de la division des terrains) à l’échelle mondiale », observe Michel Merlet, ex-directeur de l’Association pour l’amélioration de la gouvernance de la terre, de l’eau et des ressources naturelles (AGTER) en France. « Tout comme en Angleterre avant et pendant la révolution industrielle, ce phénomène se traduit par la dépossession des populations rurales, le développement d’un prolétariat rural, de nouvelles modalités de gestion des pauvres, une foi aveugle dans le progrès. » Une logique qui s’oppose de front à la terre en tant que bien commun.

    –-

    La Suisse, carrefour du land grabbing ?

    Difficile de connaître l’importance relative de la Suisse dans l’accaparement de terres dans le monde. Pour l’heure, aucune étude exhaustive n’existe. Observons pour commencer que le chiffre de 2,7 millions d’hectares contrôlés par des traders suisses est très élevé comparé au total de 30 millions d’hectares de territoires agricoles recensés par Land Matrix dans le monde (qui n’incluent pas les traders basés en Suisse recensés par Public Eye). Un indicateur à considérer avec prudence toutefois, car cette base de données est probablement loin d’être exhaustive, selon plusieurs sources.

    D’autres acteurs helvétiques possèdent-ils ou louent-ils sur une longue durée des terres ? Firmes, fonds de pension, banques, assureurs disposent-ils de ce type d’actifs ? Land Matrix a recensé 6,3 millions d’hectares contrôlés via des investissements de firmes helvétiques, incluant des territoires forestiers cette fois, en plus des terres agricoles. A noter toutefois que 5,9 millions de ces 6,3 millions d’hectares se trouvent en Russie et concernent des concessions forestières, via la société Ilim, domiciliée en Suisse (les fonds pourraient provenir de Russie, ou d’ailleurs).

    Autres pays concernés : la Tanzanie, le Cameroun, la Sierra Leone, le Paraguay, l’Argentine, le Brésil, etc. En tout sont impliquées une quarantaine d’entreprises suisses, dont Nestlé, Louis Dreyfus, Chocolats Camille Bloch, Novartis et Addax Bioenergy SA.

    Aucune information, en revanche, sur les acteurs purement financiers : « Nos données n’incluent pas de banques ou de fonds de pension suisses. Nous ne savons pas s’ils sont impliqués dans ce type d’affaires. Leur investissement n’est pas transparent. Beaucoup passent par des paradis fiscaux ou des hubs financiers, comme Chypre, Singapour, Hong-Kong et les île Vierges », détaille Markus Giger, coresponsable de Land Matrix et chercheur au Centre pour le développement et l’environnement de l’université de Berne.

    L’opacité règne donc. On sait par ailleurs que le secteur financier helvétique cible par exemple des investissements dans l’agriculture, surtout là où il y a de fortes opportunités de profits, et les proposent ensuite sous forme de fonds. Les entreprises financées de cette manière peuvent elles-mêmes être impliquées dans l’accaparement de terres.

    En tant qu’une des principales places financières du monde, la Suisse joue indéniablement un rôle dans les transactions opérées sur nombre de ces terres. Après avoir enquêté sur l’accaparement et la financiarisation des terres au Brésil, le chercheur Junior Aleixo a pu le constater : « De nombreux acteurs impliqués dans l’achat ou la location de terres passent par des intermédiaires suisses ou possèdent des comptes dans des banques helvétiques parce que la Suisse dispose de législations peu regardantes et permet l’évasion fiscale », a confié au Courrier l’universitaire, membre du Groupe d’étude sur les changements sociaux, l’agronégoce et les politiques publiques (GEMAP) de l’Université fédérale rurale de Rio de Janeiro. Le gouvernement suisse lui-même voit d’un bon œil ces investissements sur le principe : « Le Conseil fédéral est d’avis que des investissements privés effectués avec circonspection dans l’agriculture ont des répercussions positives, à condition que les standards sociaux et écologiques soient respectés », avait-il répondu en 2011 à une interpellation de la conseillère nationale verte Maya Graf. Le gouvernement prône des normes et des codes de nature volontaire pour réglementer ce négoce et éviter la spoliation des communautés locales.

    https://lecourrier.ch/2021/12/16/terres-suisses-doutre-mer
    #traders #matières_premières #terres #accaparement_des_terres #Suisse #plantations #Cargill #Cofco #LDC #Canne_à_sucre #huile_de_palme #céréales #oléagineux #caoutchouc #multinationales #industries_agro-alimentaires #colonialisme #néo-colonialisme #agronégoce #dépossession #Neumann_Kaffee (#NKG) #Laos #Boloven #Olam #Tanzanie #Brésil #Biosev #Louis_Dreyfus #Lagoa_da_Prata #Cambodge #Socfin #biocarburants #enclosure #prolétariat_rural #opacité

    • Agricultural Commodity Traders in Switzerland. Benefitting from Misery?

      Switzerland is not only home to the world’s largest oil and mineral traders; it is also a significant trading hub for agricultural commodities such as coffee, cocoa, sugar, or grains. The majority of the globally significant agricultural traders are either based here or operate important trading branches in the country.

      The sector is highly concentrated with ever fewer powerful companies who also control the production and processing stages of the industry. In low-income countries, where many of the commodities traded by Swiss-based companies are produced, human rights violations are omnipresent, ranging from the lack of living wages and incomes, to forced and child labour as well as occupational health and safety hazards. Moreover, the risk of tax dodging and corruption has been shown to be particularly high within agricultural production and trade.

      Public Eye’s 2019 report Agricultural Commodity Traders in Switzerland – Benefitting from Misery? sheds light on the opaque sector of agricultural commodity trade and the human rights violations related to activities in this business and also highlights Switzerland’s refusal to regulate the sector in ways that could address these issues, and it outlines ways to tackle the challenges at hand.

      https://www.publiceye.ch/en/publications/detail/agricultural-commodity-traders-in-switzerland

      #rapport #Public_Eye

    • La culture de l’iniquité fiscale

      Le groupe agroalimentaire #Socfin transfère des bénéfices issus de la production de matières premières vers Fribourg, un canton suisse à faible fiscalité. Au détriment de la population vivant dans les zones concernées en Afrique et en Asie.

      La culture de l’#iniquité_fiscale

      Le groupe agroalimentaire luxembourgeois Socfin transfère des bénéfices issus de la production de matières premières vers #Fribourg, un canton suisse à faible fiscalité. Cette pratique d’#optimisation_fiscale agressive équivaut à l’expatriation de bénéfices au détriment de la population vivant dans les zones concernées en Afrique et en Asie. Pour la première fois, un rapport rédigé par Pain pour le prochain, Alliance Sud et le Réseau allemand pour la #justice_fiscale met en lumière les rouages de ce mécanisme. La Suisse porte elle aussi une part de #responsabilité dans ce phénomène, car la politique helvétique de #sous-enchère en matière d’imposition des entreprises représente l’un des piliers de ce système inique.

      La société Socfin, dont le siège se trouve au #Luxembourg, s’est vu octroyer dans dix pays d’Afrique et d’Asie des #concessions d’une superficie supérieure à 380 000 hectares, soit presque l’équivalent de la surface agricole de la Suisse. Dans ses 15 plantations, le groupe produit du caoutchouc et de l’huile de palme qu’il écoule ensuite sur le marché mondial. Si l’entreprise est dotée d’une structure complexe, il apparaît toutefois clairement qu’elle commercialise une grande partie de son caoutchouc par l’intermédiaire d’une filiale établie à Fribourg, à savoir #Sogescol_FR. Et c’est une autre filiale elle aussi basée à Fribourg, #Socfinco_FR, qui se charge d’administrer les plantations et de fournir des prestations aux autres sociétés du groupe.

      En 2020, Socfin a enregistré un bénéfice consolidé de 29,3 millions d’euros. Le rapport, qui procède à une analyse du bénéfice par employé·e dans les différents pays où opère Socfin, met en évidence la distribution particulièrement inégale de ces revenus. Ainsi, alors que le bénéfice par employé·e avoisinait 1600 euros dans les pays africains accueillant les activités de Socfin, il en va tout autrement au sein des filiales helvétiques du groupe, où ce chiffre a atteint 116 000 euros l’année dernière, soit un montant près de 70 fois supérieur. En Suisse, le bénéfice par employé·e a même en moyenne dépassé les 200 000 euros entre 2014 et 2020.

      À faible #fiscalité, bénéfices élevés
      Comment expliquer ces écarts dans la distribution des bénéfices à l’intérieur d’un même groupe ? Selon le rapport publié par Pain pour le prochain, Alliance Sud et le Réseau allemand pour la justice fiscale, la réponse est à trouver dans la fiscalité des pays accueillant les activités de Socfin. En effet, c’est là où les impôts sont le plus bas que le bénéfice par employé·e de l’entreprise est le plus élevé. Dans les pays africains où Socfin est active, le taux d’impôt varie ainsi de 25 à 33 %, contre moins de 14 % en Suisse. Il s’agit là d’un schéma classique de transfert de bénéfices entre filiales à des fins d’optimisation fiscale agressive.

      Cette pratique très répandue parmi les sociétés multinationales n’est pas forcément illégale, mais elle n’en demeure pas moins en tout état de cause inique, car elle prive les pays producteurs de l’hémisphère sud des recettes fiscales indispensables à leur développement et creuse de ce fait les inégalités mondiales. Chaque année, environ 80 milliards d’euros de bénéfices réalisés dans des pays en développement sont ainsi expatriés vers des territoires peu taxés comme la Suisse, ce qui représente bien plus que la moitié des enveloppes publiques annuelles allouées à la coopération au développement à l’échelle mondiale.

      Le transfert de bénéfices au sein de #multinationales est généralement difficile à appréhender pour l’opinion publique (en raison de l’opacité qui l’entoure) et pour les administrations fiscales (faute de volonté en ce sens ou de moyens suffisants). Dans le cas de Socfin, en revanche, les rapports financiers ventilés par zone publiés par la société livrent des informations sur la structure et l’objet des transactions entre filiales. Qu’elles portent sur le négoce, des prestations de conseil, des licences ou des services d’autre nature, les opérations intragroupe délocalisent en Suisse une grande partie des revenus générés en Afrique et en Asie. Et seul un examen approfondi réalisé par des administrations fiscales permettrait de vérifier si ces prix de transfert sont, ainsi que l’affirme Socfin, conformes aux règles édictées par l’OCDE en la matière.

      La Suisse doit faire œuvre de plus de transparence
      La réalité des plantations dans l’hémisphère sud représente le revers de la médaille des juteux bénéfices enregistrés en Suisse. En effet, Socfin dispose dans ces pays de concessions extrêmement avantageuses, mais n’offre pas une compensation suffisante à la population touchée, ne rétribue le dur labeur des ouvriers·ères que par de modiques salaires et n’honore pas totalement ses promesses d’investissements sociaux. En dépit de ce contexte particulièrement favorable, certaines exploitations du groupe, comme la plantation d’#hévéas de #LAC au #Liberia, n’en affichent pas moins des pertes persistantes – ce qui, selon le rapport, vient encore appuyer l’hypothèse de transfert de bénéfices de l’Afrique vers le paradis fiscal helvétique.

      Et cette pratique profite aujourd’hui considérablement à la Suisse, ces transactions générant près de 40 % des recettes de l’impôt sur les bénéfices des entreprises à l’échelon cantonal et fédéral. Afin de lutter contre les abus qui en découlent, il est impératif que notre pays améliore la transparence de sa politique fiscale et rende publics les #rulings, ces accords que les administrations fiscales concluent avec les sociétés. Il en va de même pour les rapports que les multinationales sont tenues de déposer en Suisse dans le cadre de la déclaration pays par pays de l’OCDE et dont l’accès est actuellement réservé aux administrations fiscales. Avant toute chose, il est primordial que la Suisse promeuve un régime international d’imposition des entreprises qui localise la taxation des bénéfices dans les pays où ils sont générés et non sur les territoires à faible fiscalité.

      Mobilisation à Fribourg
      Ce matin, Pain pour le prochain mène une action de mobilisation devant le siège de Sogescol et de Socfinco à Fribourg afin d’exhorter Socfin à cesser ses pratiques immorales de transfert de bénéfices et d’optimisation fiscale au sein de ses structures. Il importe en outre que le groupe réponde aux revendications des communautés locales, restitue les terres litigieuses et garantisse à tous les ouvriers·ères des plantations le versement de salaires décents.

      https://www.alliancesud.ch/fr/politique/politique-fiscale-et-financiere/politique-fiscale/la-culture-de-liniquite-fiscale

      Pour télécharger le rapport (synthèse en français) :
      https://www.alliancesud.ch/fr/file/88274/download?token=32SEeILA

  • #Marseille privatopia : les #enclaves_résidentielles à Marseille : logiques spatiales, formes et représentations

    Marseille : privatopia ?

    La forte multiplication des « #résidences_fermées_sécurisées » est une tendance observée dans les #villes européennes et françaises, après celles d’Amérique latine, des USA, d’Afrique du sud etc. En #France, elle a surtout été repérée et analysée en contextes péri-urbains (Ile de France, Côte d’Azur, banlieues de Toulouse et Montpellier). Partout où elle se développe, cette tendance est souvent attribuée aux inquiétudes des habitants pour la #sûreté, ou leur #qualité_de_vie, ainsi qu’à des #replis_sociaux, thèmes récurrents dans les médias et discours politiques. Elle est aussi liée au rôle d’une « offre » portée par les majors de l’immobilier. Mais elle est aussi soutenue indirectement, dans le contexte néolibéral, par des pouvoirs publics qui se déchargent ainsi de l’aménagement et de la gestion d’#espaces_de_proximité.

    Nous observons et analysons depuis 2007 cette prolifération des #fermetures à Marseille. Après un premier état des lieux (Dorier et al, 2010), nous avons mené une second #inventaire exhaustif en 2013-2014. Et depuis lors, nous menons une veille ciblée sur certains secteurs. Démarrée au début des années 90, la diffusion des #enclosures atteint des sommets à Marseille où elle n’a quasiment pas été régulée : des #marges et des #enclaves se construisent ainsi dès qu’on s’éloigne du centre historique (Dorier, Dario, 2016). Au point que la #fermeture des #espaces_résidentiels, de leurs #rues et espaces de plein air semble en train de devenir la norme (Dorier, Dario, 2018)

    Depuis 25 ans, Marseille n’a cessé de se cloisonner de plus en plus et ce processus est venu aggraver les #inégalités d’#accès_aux_équipements et aux « #aménités » urbaines. Le #parc bâti du centre ville paupérisé s’est dégradé jusqu’à l’effondrement et au risque de péril imminent de centaines d’immeubles, qui ont du être évacués en urgence depuis novembre 2018, comme on le voit sur la carte de droite (voir aussi page dédiée). Pendant ce temps, les quartiers du sud et de l’est, ainsi que les zones en rénovation, se sont transformées en mosaïques résidentielles clôturées, sous le double effet de la #promotion_immobilière et de ré-aménagements voulus par les associations de #copropriétaires. Ils dessinent des espaces pour classes moyennes à aisées, sous forme de #lotissements et d’#ensembles_immobiliers majoritairement fermés et sécurisés, chacun doté de ses propres espaces « communs » privés : parkings, voirie privée, jardins.

    Cette « #Privatopia » tourne d’abord le dos au centre historique, à ses ilots anciens décrépis où l’action publique s’est illustrée par son inefficience pendant des décennies. La fermeture se diffuse d’abord dans les zones favorisées, puis dans les périphéries ouvertes à l’urbanisation, enfin dans les zones de rénovation urbaine : la création de nouvelles résidences fermées est devenue un moyen pour valoriser des opérations immobilières et y attirer des classes moyennes, face aux copropriétés dégradées et aux ensembles HLM appauvris. Lorqu’un bailleur rénove un ensemble de logements sociaux, celui-ci est également « résidentialisé », même si, avec des années de recul sur cette pratique, on sait désormais que clôturer ne résoud pas les problèmes socio-économiques des quartiers, ni même les problèmes de sécurité. Au contraire, la fragmentation physique pourrait bien alimenter les tendances aux séparatismes sociaux en tous genres.

    D’après nos enquêtes, en dehors des formes d’entresoi spécifique de quartiers particulièrement aisés, comme la colline Périer, et ses « gated communities » surplombant la mer, la fermeture est d’abord fortement associée au « tout voiture » qui caractérise encore Marseille et à la concurrence pour le stationnement résidentiel : les premiers espaces à être clôturés sont les parkings. Elle est également liée à 25 années de désengagement croissant de la municipalité dans la gestion de proximité (propreté, entretien des espaces verts, sécurisation publique des rues) ainsi qu’un encouragement de l’urbanisation privée par des ventes de parcelles publiques ou des zones d’aménagement favorisant la promotion immobilière. La fermeture résidentielle traduit l’affirmation d’une économie résidentielle, le rôle des promoteurs, syndics, copropriétés étant crucial : la « sécurisation » (privée) est supposée faire augmenter la valeur marchande des biens immobiliers… Enfin, la fermeture traduit une accentuation des replis sociaux : à Marseille la clôture « a posteriori » de rues qui étaient auparavant ouvertes au passage représente 55% des cas observés.

    Certains espaces du 8ème, 9ème, 12ème , nord du 13ème arrondissements (Les Olives), caractéristiques de cette urbanisation privée, deviennent un assemblage désordonné de copropriétés et d’enclaves de moins en moins accessibles et traversantes. La fermeture se diffuse par mimétisme, les ensembles résidentiels forment des « agrégats », qui bloquent les circulations : une véritable situation de thrombose dans certains quartiers, anciens comme récents (les Olives, Ste Marthe). Le comble, c’est que dans ces quartiers, les plus favorisés, au cadre de vie « a priori » le plus agréable, les déplacements à pied ou en vélo tiennent désormais de l’exploit. Les détours imposés par les barrières qui enserrent chaque rue ou jardin privé de résidence obligent à prendre la voiture pour accompagner un enfant à l’école du coin, acheter le pain… La ville perd de plus en plus en cohérence, et, avec cette juxtaposition de résidences sécurisées certains quartier ressemblent plus à une mosaïque de co-propriétés qu’à… une ville. Cela a été mis en évidence et modélisé par la toute récente thèse de Julien Dario (2019), réalisée dans le cadre de ce projet.

    A Marseille, depuis 2007, nous avons opté pour une étude empirique, directe, sur le terrain. Nous pu ainsi vérifier l’hypothèse qu’aux initiatives spontanées de fermeture de rues et de lotissements a posteriori, longtemps après leur construction, s’ajoutent des stratégies nouvelles. Elles associent promotion privée et action publique, et sont destinées à faire évoluer le peuplement de quartiers de la ville, à travers la production de logement « de qualité » attirant des classes moyennes et supérieures. Promoteurs et décideurs semblent juger utile de les rassurer à travers la livraison d’ensembles qui sont quasiment tous fermés dès la construction … En 12 ans, de 2008 à 2020 une série d’études, de masters et thèses ont permis de décrire et quantifier ce processus, d’observer la progression d’une fragmentation urbaine qui s’accroît aux échelles fines et d’évaluer ses impacts.

    Nos études se sont focalisées sur les fermetures massives des aires privilégiées (Colline Périer, Littoral Sud, Nord-Est avec la technopole de Chateau Gombert), et la transformation résidentielle de certains territoires périphériques en zones d’investissements immobiliers rentables, attirant des classes moyennes et supérieures (Littoral Nord, Sainte Marthe, grand centre ville/Euromed, franges du parc National des Calanques comme la ZAC de la Jarre). les résidences fermées deviennent ainsi un outil de plus value foncière… et de recompositions urbaines, valorisant toutes les zones ayant un attrait environnemental, tout en en restreignant l’accès.

    La diffusion d’un modèle

    Notre méthodologie a permis de prendre la mesure du phénomène à l’échelle d’une ville entière, et sur la durée, ce qui n’a pas été réalisé ailleurs en France. A deux reprises (2008-2009 et 2013-2014), la commune entière a été arpentée, chaque ensemble résidentiel fermé a été géolocalisé dans un SIG, inventorié, décrit, photographié, afin d’établir un corpus exhaustif : 1001 résidences ou lotissements étaient enclos en 2009, plus de 1550 en 2014. L’ensemble des clôtures ont été datées à partir d’enquête directe ou par photo-interprétation. Cette démarche est relatée dans deux rapports de recherche (Dorier et al., 2010 et 2014), 13 masters et une thèse (Dario, 2019).

    Le recours au SIG (Système d’information géographique) a permis de tracer leur histoire, en croisant les localisations avec des images aériennes anciennes, le cadastre, la chronologie des programmes immobiliers. En 2011 et 2012, la première étude du LPED est actualisée à travers plusieurs mémoires d’étudiants sous la direction d’E.Dorier et S.Bridier. Ceux-ci observent une accélération des dynamiques d’enclosures dans les quartiers sud (Dario J. 2010, Toth P.2012), leur multiplication et leur diffusion dans les quartiers nord (Balasc et Dolo 2011, Dolo 2012, Robillard 2012). La propagation se fait beaucoup par mimétisme : plus de la moitié des ensembles fermés sont collés les uns aux autres, par grappes, transformant la physionomie et les usages possibles de l’espace urbain et développant des « marges » urbaines cloisonnées. On peut le vérifier, à travers l’exemple d’une marge Nord-Est de Marseille, sur les franges ville-espaces péri-urbains Les Olives : une juxtaposition désordonnée de lotissements fermés.

    Nous avons aussi beaucoup observé, recueilli de nombreux témoignages auprès de résidents, de riverains, de syndics, d’agences, de techniciens de l’urbanisme… Nous avons séjourné dans plusieurs de ces résidences. Nous poursuivons la veille sur certains contextes sensibles à haut potentiel spéculatif immobilier, comme la frange du massif des calanques ou sainte Marthe, ou encore des espaces où les fermetures sont conflictuelles. Par des analyses d’archives, des enquêtes fines sur des contextes urbains, des entretiens avec acteurs et habitants, des analyses de périmètres de la politique de la ville, le suivi de conflits de voisinages nous avons ensuite analysé les facteurs historiques et les impacts associés à cette dynamique d’enclosures, les inégalités sociales, les impacts sur la circulation, les inégalités environnementale (D.Rouquier 2013, J.Dario, 2019 et la thèse en cours de P. Toth, consacrée aux 8ème et 9ème arrondissements).

    Au final, on met à jour une dynamique de transition libérale, individualiste et sécuritaire, associée au règne de la voiture dans la ville (beaucoup de clôtures ont au départ pour justification le seul parking), qui freine d’autres évolutions souhaitables (transition écologique, inclusion sociale). Si le phénomène se banalise, on constate aussi une complexité territoriale du processus et son épaisseur historique. Dans des contextes de fortes recompositions urbaines (spatiales, foncières, sociales, démographiques), et dans les périmètres de nouvellement urbain, la fermeture d’espaces résidentiels est utilisée comme outil de diversification de l’habitat et de mixité sociale. Le processus n’a pas partout les mêmes motifs ni les mêmes impacts socio-environnementaux. D’où l’intérêt d’approches qualitatives par observations sensibles, entretiens avec des acteurs et habitants, dépouillements d’archives historiques (histoires de rues).

    Les quartiers sud

    En observant le facteur de proximité dans la diffusion, ainsi que le potentiel de valorisation immobilière des terrains vacants ou susceptibles de l’être, plusieurs scénarios de prospective ont été mis au point par Julien Dario pour anticiper l’évolution des espaces susceptibles d’être fermés, transmis à la Ville dans le cadre d’un contrat, comme aide à la décision (Dario 2011, 2014 et 2019). Dans les quartiers sud, on est frappé par la perspective de 53% de taux d’évolution spontané probable de la fermeture dans les 8ème et 9ème arrondissements, si aucune intervention publique ne vient réguler la tendance. Les surfaces touchées par les enclosures (résidences et périmètres d’entreprises) déjà localement très importantes pourraient y atteindre le tiers de la surface totale urbanisée. Des études de cas à échelle fine ont permis d’anticiper plusieurs conflits liés à ces processus (progressifs ou brutaux) en lien avec des dynamiques sociale locales.

    Les cas des lotissements « Coin Joli » et « Barry » (analysés ici par J.Dario entre 2011 et 2019) montrent comment certains dispositifs informels préfigurant l’enclosure sont mis en place progressivement, informellement, parfois subrepticement : enrochements, systèmes physiques fixes contraignants (plots métalliques) permettant encore le passage prudent de deux roues et piétons ; panneaux de sens interdit « privés » et informels apposés à l’extrémité de certaines rues. On passe d’une délimitation par panneautage à une fermeture symbolique et partielle, avant d’évoluer vers l’enclosure, qui peut être conflictuelle en privant de passage les riverains, en réduisant les perméabilités urbaines.

    Les quartiers nord : diffusion des ensembles résidentiels fermés dans les contextes de rénovation urbaine

    Un fait remarquable est la diffusion des enclaves résidentielles fermées au cœur et en bordure des zones urbaines sensibles (ZUS) telles qu’elles ont été définies par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Bénéficiant de la TVA réduite, les promoteurs sont incités à y produire une nouvelle offre de logement privée, afin de permettre une diversification et l’installation de classes moyennes. Mais les enclosures, supposées rassurer les candidats à l’accession à la propriété, et maintenir un niveau de prix élevé ne favorisent pas les relations sociales … et nos études montrent qu’en fait de « mixité », apparaissent de nouvelles formes de fragmentations et même de tensions résidentielles (Dorier et al, 2010, 2012), qui s’accompagnent, par ailleurs de formes d’évitement fonctionnel (Audren, 2015, Audren Baby-Collin, Dorier 2016 , Audren, Dorier, Rouquier, 2019). Le secteur du Plan d’Aou dans le 15ème arrondissement de Marseille, où la restructuration résidentielle est achevée a été analysé à l’aide d’étudiants (Balasc et Dolo 2011). Dans ce secteur cohabitent des zones de logements HLM en fin de réhabilitation, des lotissements anciens qui se sont fermés ou sont en cours de fermeture, des projets immobiliers récents, conçus sécurisés. La juxtaposition de ces différents types d’habitats aux profils sociaux différenciés engendre plus une fragmentation qu’une mixité Fonctionnelle, malgré la proximité. Les interrelations sont faibles entre les ensembles et les espaces. (Dorier, Berry-Chikahoui et Bridier, 2012)

    une crise des urbanités

    Tandis que cette transformation des espaces de copropriétés et rues privées de Marseille se poursuit, des pans entiers de vieux quartiers populaires se délabrent. En 2019, notre cartographie de ces ensembles résidentiels privés fermés ainsi que des HLM « résidentialisés » et enclos (dans les projets de rénovation urbaine) tranche avec la géographie des constructions déclarées en péril et brutalement évacuées de leurs habitants, suite à l’effondrement de deux immeubles vétustes du quartier Noailles, près du Vieux port de Marseille. Notre carte révèle des politiques de l’habitat à plusieurs vitesses, où des décennies de laisser-faire public face à la ville privée s’expriment d’un côté par la dégradation du bâti, et de l’autre par la multiplication de formes de repli et d’entre soi urbain ayant des impacts sur les circulations et sur l’accès aux équipements. A ce stade, des rééquilibrages publics sont indispensables. Quelques initiatives publiques pour maintenir des traverses piétonnières ont été lancées dans certains quartiers très touchés, elles sont compliques par les évolutions législatives (qui facilitent la clôture des espaces privés) ainsi que par la dévolution de la compétence en matière de voirie à la Métropole. Rétablir des accès et servitudes de passage pour les piétons est compliqué dans les espaces privés : il faut passer par une DUP, puis par l’achat d’une bande de terrain par la collectivité pour tracer un cheminement piétonnier. Des interventions seraient possibles dans certains cas où les clôtures ont été posées sur des rues non privées, ou hors de la légalité. Mais la collectovité ne s’auto-saisit pas des cas d’infraction. Les actions au cas par cas risquent de ne pas suffire à endiguer cette véritable crise d’urbanité.

    (observations menées conjointement à nos études sur le mal logement et des évacuations à Marseille).

    le projet ci-dessous a fait l’objet d’une exposition art-science, présentée à l’Espace Pouillon, campus centre Saint Charles de l’Université Marseille Privatopia 8-24 octobre 2020.

    Depuis 2014, une collaboration avec l’artiste peintre Anke Doberauer (photos et tableaux) a été rendue possible grâce à une résidence commune à la Fondation Camargo (2014). La jeune cinéaste Marie Noëlle Battaglia a également réalisé en 2020 un documentaire « En remontant les murs » inspiré par nos recherches, et en lien avec l’équipe (avant première le 18 octobre 2020, dans le cadre du festival Image de ville). Ces collaborations ont déjà donné lieu à des présentations croisées, comme celle du 3 avril 2019 organisée par le Goethe Institut à la Friche de la belle de mai, et pourraient déboucher sur une exposition et un ouvrage commun.

    Rapports de recherche-action :

    Dorier E. Dario J. Rouquier D. Bridier S. , (2014), Bilan scientifique de l’étude « Marseille, ville passante », Contrat de collaboration de recherche : « Développement urbain durable à Marseille » n°12/00718, 13 cartes, 18 croquis, 24 tableaux. juin 2014, 90 p.

    Dorier E. (dir), BERRY-CHIKHAOUI I., BRIDIER S., BABY-COLLIN V., AUDREN G., GARNIAUX J. (2010), La diffusion des ensembles résidentiels fermés à Marseille. Les urbanités d’une ville fragmentée, rapport de recherche au PUCA, Contrat de recherche D 0721 ( E.J. 07 00 905), 202 p, 35 cartes et croquis, 30 graphiques, 68 illustrations photographiques.

    Ces rapports ont donné lieu à de nombreuses restitutions publiques auprès des services de l’Urbanisme de la Ville, la Communauté urbaine, l’Agence d’Urbanisme (Agam), le département.

    Articles scientifiques :

    Dorier E. Dario J., 2018, « Gated communities in Marseille, urban fragmentation becoming the norm ? », L’Espace géographique, 2018/4 (Volume 47), p. 323-345. URL : https://www.cairn.info/journal-espace-geographique-2018-4-page-323.htm (traduction texte intégral ) texte intégral (ENG.) DORIER DARIO Espace geo anglais EG_474_0323

    Dorier E. Dario J., 2018, « Les espaces résidentiels fermés à Marseille, la fragmentation urbaine devient-elle une norme ? » l’Espace géographique, 2018-4 pp. 323-345.

    Dorier E., Dario J., 2016, « Des marges choisies et construites : les résidences fermées », in Grésillon E., Alexandre B., Sajaloli B. (cord.), 2016. La France des marges, Armand Colin, Paris, p. 213-224.

    Audren, G., Baby-Collin V. et Dorier, É. (2016) « Quelles mixités dans une ville fragmentée ? Dynamiques locales de l’espace scolaire marseillais. » in Lien social et politiques, n°77, Transformation sociale des quartiers urbains : mixité et nouveaux voisinages, p. 38-61 http://www.erudit.org/revue/lsp/2016/v/n77/1037901ar.pdf

    Audren, G., Dorier, É. et Rouquier, D., 2015, « Géographie de la fragmentation urbaine et territoire scolaire : effets des contextes locaux sur les pratiques scolaires à Marseille », Actes de colloque. Rennes, ESO, CREAD, Université de Rennes 2. Actes en ligne.

    Dorier E, Berry-Chickhaoui I, Bridier S ., 2012, Fermeture résidentielle et politiques urbaines, le cas marseillais. In Articulo– – Journal of Urban Research, n°8 (juillet 2012).

    Thèses

    Audren Gwenaelle (2015), Géographie de la fragmentation urbaine et territoires scolaires à Marseille, Université d’Aix Marseille, LPED. Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de V.Baby-Collin

    Dario Julien (2019) Géographie d’une ville fragmentée : morphogenèse, gouvernance des voies et impacts de la fermeture résidentielle à Marseille, Sous la dir. d’Elisabeth Dorier et de Sébastien Bridier. Telecharger ici la version complète. Cette thèse est lauréate du Grand prix de thèse sur la Ville 2020 PUCA/ APERAU/ Institut CDC pour la Recherche, Caisse des Dépôts

    Toth Palma (soutenance prévue 2021), Fragmentations versus urbanité(s) : vivre dans l’archipel des quartiers sud de Marseille Université d’Aix Marseille, LPED , Sous la direction de Elisabeth Dorier

    Posters scientifiques :

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Les Ensembles résidentiels fermés à Marseille, in SIG 2014, Conférence francophone ESRI, 1-2 octobre 2014 – http://www.esrifrance.fr/iso_album/15_marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E, 2014, Marseille, fragmentation spatiale, fermeture résidentielle, LPED – Aix-Marseille Université, poster scientifique, Festival international de géographie de Saint Dié, oct 2014. https://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_1_Marseille.pdf

    Dario J. Rouquier D. et Dorier E., 2014, Marseille, Voies fermées, Ville passante, LPED – Aix-Marseille Université, poster. http://www.reseau-canope.fr/fig-st-die/fileadmin/contenus/2014/conference_Elisabeth_Dorier_poster_LPED_2_Marseille.pdf

    Contributions presse et médias

    Dorier E. Dario J. Audren G. aout 2017, collaboration avec le journal MARSACTU. 5 contributions à la série « Petites histoires de résidences fermées », collaboration journal MARSACTU / LPED, aout 2017. https://marsactu.fr/dossier/serie-petites-histoires-de-residences-fermees

    Dorier E. et Dario J. 23 aout 2017, interview par B.Gilles, [Petites histoires de résidences fermées] Les beaux quartiers fermés de la colline Périer, interview pr B.Gilles, MARSACTU, https://marsactu.fr/residences-fermees-dorier

    Dorier E. Dario J. 30 janv. 2017, interview par L.Castelly, MARSACTU : https://marsactu.fr/discussion-ouverte-residences-fermees

    Dorier E. , et Dario.J. 20 mars 2014, interview in MARSACTU , société : 29% de logements sont situes en residences fermees à Marseille

    Dorier E. Dario J., 4 oct 2013, « Hautes clôtures à Marseille », in Libération, le libé des géographes. (1 p, 1 carte) http://www.liberation.fr/societe/2013/10/03/hautes-clotures-a-marseille_936834
    Dorier E. , 7 avril 2013, « Le phénomène des résidences fermées est plus important à Marseille qu’ailleurs », Marsactu, talk quartiers, archi et urbanisme, http://www.marsactu.fr/archi-et-urbanisme/le-phenomene-des-residences-fermees-est-plus-important-a-marseille-quailleu

    Dorier E. Dario J., 10 fev 2013, « Fermetures éclair » in revue Esprit de Babel, Fermetures éclair

    télévision

    M6, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED. Journal national, octobre 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=hDM

    FR3, 19/20, Résidences fermées à Marseille – étude du LPED, 24 mai 2013, https://www.youtube.com/watch?v=o-O

    FR 5 (minutes 38 à 50) : « En toute sécurité », documentaire de B.Evenou, http://www.france5.fr/emission/en-t

    podcast radio

    Collaboration entre chercheurs et cinéaste, janvier 2021 : https://ecoleanthropocene.universite-lyon.fr/documenter-la-geographie-sociale-grand-entretien-a

    Collaboration entre chercheurs et artiste peintre, octobre 2020 : Sonographies marseillaises – Radio Grenouille et Manifesta 13 « Ce monde qui nous inspire #4 Marseille ville privée ? »

    https://urbanicites.hypotheses.org/688

    #sécurisation #privatisation #espace_public #classes_sociales #urban_matter #géographie_urbaine #TRUST #master_TRUST #immobilier #foncier #rénovation_urbaine #urbanisme #fragmentation_physique #inégalités #tout_voiture #voiture #automobile #stationnement_résidentiel #parkings #proximité #promotion_immobilière #urbanisation_privée #détours #barrières #mosaïque #
    #cartographie #visualisation

  • The space tourism we were promised is finally here—sort of | MIT Technology Review
    https://www.technologyreview.com/2021/02/03/1017255/space-tourism-finally-here-sort-of-spacex-inspiration4/?truid=a497ecb44646822921c70e7e051f7f1a

    SpaceX weathered through the onset of the covid-19 pandemic last year to become the first private company to launch astronauts into space using a commercial spacecraft.

    It’s poised to build on that success with another huge milestone before 2021 is over. On Monday, the company announced plans to launch the first “all-civilian” mission into orbit by the end of the year. Called Inspiration4, the mission will take billionaire Jared Isaacman, a trained pilot and the CEO of digital payments company Shift4Payments, plus three others into low Earth orbit via a Crew Dragon vehicle for two to four days, possibly longer.

    Inspiration4 includes a charity element: Isaacman (the sole buyer of the mission and its “commander”) has donated $100 million to St. Jude Children’s Research Hospital, in Memphis, and is attempting to raise at least $100 million more from public donors. One seat is going to a “St. Jude ambassador” that’s already been chosen. But the two others are still up for grabs: one will be raffled off to someone who donates at least $10 to St. Jude, while the other will be a business entrepreneur chosen through a competition held by Shift4Payments.
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    “This is an important milestone towards enabling access to space for everyone,” SpaceX CEO Elon Musk told reporters on Monday. “It is only through missions like this that we’re able to bring the cost down over time and make space accessible to all."

    Inspiration4 marks SpaceX’s fourth scheduled private mission in the next few years. The other three include a collaboration with Axiom Space to use Crew Dragon to take four people for an eight-day stay aboard the International Space Station (now scheduled for no earlier than January 2022); another Crew Dragon mission into orbit later that year for four private citizens through tourism company Space Adventures; and Japanese billionaire Yusaku Maezawa’s #dearMoon mission around the moon in 2023 for himself plus seven to 10 others aboard the Starship spacecraft.

    SpaceX has never really billed itself as a space tourism company as aggressively as Blue Origin and Virgin Galactic have. While Crew Dragon goes all the way into low-Earth orbit, Virgin Galactic’s SpaceShipTwo and Blue Origin’s New Shepard vehicles just go into suborbital space, offering a taste of microgravity and a view of the Earth from high above for just a few minutes—but for way less money. And yet, in building a business that goes even farther, with higher launch costs and the need for more powerful rockets, SpaceX already has four more private missions on the books than any other company does.

    When Crew Dragon first took NASA astronauts into space last year, one of the biggest questions to come up was whether customers outside NASA would actually be interested in going.

    “A lot of people believe there is a market for space tourism,” says Howard McCurdy, a space policy expert at American University in Washington, DC. “But right now it’s at the very high end. As transportation capabilities improve, the hope is that the costs will come down. That begs the question of whether or not you can sustain a new space company on space tourism alone. I think that’s questionable.”

    So why has SpaceX’s expansion into the private mission scene gone so well so far? Part of it must be that it’s such an attractive brand to partner with at the moment. But even if a market does not materialize soon to make private missions a profitable venture, SpaceX doesn’t need to be concerned. It has plenty of other ways to make money.

    “I’m not sure Elon Musk cares much if he makes money through this business,” says McCurdy. “But he’s very good at leveraging and financing his operations.” SpaceX launches satellites for government and commercial customers around the world; it’s got contracts with NASA for taking cargo and astronauts alike to the space station; it’s ramping up progress with building out the Starlink constellation and should start offering internet services to customers some time this year.

    “It really reduces your risk when you can have multiple sources of revenue and business for an undertaking that’s based upon the single leap of rockets and space technologies,” says McCurdy. “The market for space tourism is not large enough to sustain a commercial space company. When combined with government contracts, private investments, and foreign sales it starts to become sustainable.”

    Space tourism, especially to low-Earth orbit, will still remain incredibly expensive for the foreseeable future. And that underscores the issue of equity. “If we’re going into space, who’s the ‘we’?” asks McCurdy. “Is it just the top 1% of the top 1%?”

    The lottery concept addresses this to some extent and offers opportunities to ordinary people, but it won’t be enough on its own. Space tourism, and the rest of the space industry, still needs a sustainable model that can invite more people to participate.

    For now, SpaceX appears to be leading the drive to popularize space tourism. And competitors don’t necessarily need to emulate SpaceX’s business model precisely in order to catch up. Robert Goehlich, a German-based space tourism expert at Embry-Riddle Aeronautical University, notes that space tourism itself is already multifaceted, encompassing suborbital flights, orbital flights, space station flights, space hotel flights, and moon flights. The market for one, such as cheaper suborbital flights, is not necessarily faced with the same constraints as the others.

    Still, there is no question this could be the year private missions become a reality. “We’ve waited a long time for space tourism,” says McCurdy. “We’re going to get a chance this year to see if it works as expected.”

    #Espace #Commercialisation #Tourisme #Enclosures

  • NASA will pay for moon rocks excavated by private companies | MIT Technology Review
    https://www.technologyreview.com/2020/09/10/1008310/nasa-pay-moon-rocks-lunar-samples-excavated-private-companies/?truid=a497ecb44646822921c70e7e051f7f1a

    Any commercial mission that can prove it has collected lunar samples stands to make up to $25,000.
    by

    Neel V. Patel

    NASA announced today that it was seeking proposals from private companies interested in collecting samples from the moon and making them available for purchase by the agency.

    The news: As part of the new initiative, one or more companies will launch a mission to the moon and collect between 50 and 500 grams of lunar regolith from the surface. If they can store the sample in a proper container and send pictures and data to NASA to prove the sample has been collected and can be brought to Earth safely, NASA will pay that company between $15,000 and $25,000.

    The company would receive 10% of its payment after its bid is selected by NASA, 10% after the mission launches, and the remaining 80% upon delivering the materials to NASA. The agency has yet to determine exactly how it will retrieve the sample, but the exchange would be expected to happen “in place” on the moon itself—meaning any participating company is only obligated to figure out how to get to the moon. NASA would retain sole ownership of the material upon transfer.

    NEWS: @NASA is buying lunar soil from a commercial provider! It’s time to establish the regulatory certainty to extract and trade space resources. More: https://t.co/B1F5bS6pEy pic.twitter.com/oWuGHnB8ev
    — Jim Bridenstine (@JimBridenstine) September 10, 2020

    The samples could be from anywhere on the surface of the moon, and could possess any rock, dust, or ice materials. The agency wants to complete these exchanges before 2024.

    What’s in it for NASA: There’s an extremely high demand for lunar material among scientists. Nearly all the lunar material currently in NASA’s possession was collected during the Apollo program. While the initiative itself will only bring a small amount to Earth compared with the hundreds of kilograms gathered during Apollo, this could be the first step in establishing a new pipeline for lunar samples, in which NASA buys from the private sector instead of devoting resources to building and launching missions for that purpose.

    In a blog post published today, NASA administrator Jim Bridenstine said the new initiative is part of the agency’s larger goal with the Artemis program to bolster private-sector participation in space exploration. The agency is already working with several launch providers under its Commercial Lunar Payload Services (CLPS) program to deliver nearly two dozen scientific and technological payloads to the moon in the run-up to a crewed landing by the end of 2024. The 2024 landing itself is slated to utilize hardware built by private companies, most notably the lunar lander for taking humans to the surface.
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    What’s in it for the company: $25,000 is paltry compensation for such a mission, so any companies that participate won’t be in this for money. Instead, it’s an incentive to test out new technologies, including those that could be later used to extract resources like water ice from the moon. The mission outlined in today’s announcement will only involve collecting and storing material from the surface, but that’s still something no private company has done before.

    Legal questions: Lastly, many of America’s larger lunar ambitions focus on establishing a moon mining industry and developing a marketplace that allows excavated resources to be bought and sold by different parties. Bridenstine alludes to these plans in his blog post, referencing President Trump’s April 2020 executive order that encourages the recovery and use of resources in outer space. That order was a follow-up to a law passed in 2015 outlining America’s position that US companies are allowed to own and sell resources they’ve extracted from extraterrestrial bodies. There’s still debate as to whether such policies conflict with the 1967 UN Outer Space Treaty.

    #Lune #Communs #Enclosure #Traité_espace #NASA

  • Les Etats-Unis posent leurs règles pour l’exploitation de la Lune
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/07/07/les-etats-unis-posent-leurs-regles-pour-l-exploitation-de-la-lune_6045417_16

    Excellent article de Pierre barthélémy qui mntre bien la lente marche pour l’enclosure de l’espace. C’est-à-dire empêcher l’espace de rester un commun de toute l’humanité et y imposer les règles de propriété, d’’extraction et même de délimitations territoriales sources de risques guerriers qui ont cours sur Terre. L’expansion de la « civilisation marchande, spectaculaire et guerrière » en route.

    EnquêteDonald Trump a donné le coup d’envoi de la « ruée vers l’or lunaire » au printemps, bousculant le statu quo international du droit spatial en arguant vouloir le moderniser.

    Apparue au plus fort de la pandémie de Covid-19, l’affaire est passée au second plan, voire inaperçue. Pourtant, au printemps, les Etats-Unis ont, en deux temps, bousculé le vieux consensus international sur l’exploitation et l’appropriation des ressources « extraterrestres », celles que l’on pourra tirer de la Lune et, à plus long terme, des astéroïdes.

    Premier temps, le 6 avril. Ce jour-là, Donald Trump signe un décret présidentiel visant à « encourager le soutien international pour la récupération et l’utilisation des ressources spatiales ». Qu’y a-t-il derrière cette formulation abstraite ? Le texte commence par dresser le constat que « l’incertitude concernant le droit de récupérer et d’utiliser les ressources spatiales, y compris l’extension du droit à la récupération et à l’utilisation commerciales des ressources lunaires, a découragé certaines entités commerciales de participer à cette entreprise ».

    Donald Trump décide donc de clarifier les choses en affirmant que « les Américains devraient avoir le droit de s’engager dans l’exploration commerciale, la récupération et l’utilisation des ressources dans l’espace extra-atmosphérique, conformément au droit applicable. L’espace extra-atmosphérique est un domaine de l’activité humaine unique sur le plan juridique et physique, et les Etats-Unis ne le considèrent pas comme un bien commun mondial ».
    Lire aussi La NASA rappelle ses objectifs : des astronautes sur la Lune en 2024, puis sur Mars en 2033

    Pour dire les choses de manière triviale, le locataire de la Maison Blanche donne, du haut de son poste de numéro un de la première puissance mondiale, le coup d’envoi de la ruée vers « l’or lunaire » – sachant que, dans un premier temps au moins, la plus importante des ressources de notre satellite sera l’eau, pour en extraire de l’hydrogène et de l’oxygène, fort utiles pour le Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G), la station spatiale que les Etats-Unis veulent mettre en orbite autour de la Lune d’ici à quelques années. A condition de pouvoir faire le voyage, tout un chacun aurait donc le droit de s’accaparer les ressources de Séléné.
    Primauté aux accords bilatéraux ?

    Le deuxième étage de cette « fusée » sur l’exploitation de la Lune est mis à feu quelques semaines plus tard par Jim Bridenstine, l’administrateur de la NASA. Le 15 mai, ce dernier présente une liste de dix grands principes pour un avenir dans l’espace « sûr, pacifique et prospère », qui doivent sous-tendre une série d’accords bilatéraux que l’agence spatiale américaine est chargée de négocier avec ses partenaires internationaux.

    La plupart de ces principes ne sont pas nouveaux : ils font déjà partie de la pratique et découlent du traité de l’espace de 1967, un texte élaboré sous l’égide de l’ONU, qui a posé les fondements juridiques de l’exploration spatiale. On retrouve ainsi l’idée que l’espace est un lieu de paix et de coopération entre nations et que les pays se doivent mutuelle assistance en cas de danger pour les astronautes.
    Donald Trump assistant au décollage de la fusée SpaceX vers la Station spatiale internationale, le 30 mai, à Cap Canaveral, en Floride.
    Donald Trump assistant au décollage de la fusée SpaceX vers la Station spatiale internationale, le 30 mai, à Cap Canaveral, en Floride. ALEX BRANDON / AP

    Certaines déclarations de vertu ont une coloration plus technique. Le texte de la NASA met ainsi en avant la notion d’« interopérabilité », c’est-à-dire l’idée que les matériels utilisés par les uns et les autres soient compatibles entre eux et répondent à des standards. Il est aussi demandé à ceux qui signeraient ces accords dits Artemis (du nom du programme lunaire américain de retour sur la Lune) d’enregistrer tous les objets envoyés dans l’espace, de renforcer l’action contre la prolifération des débris spatiaux en orbite autour de la Terre et de partager les données recueillies par les sondes scientifiques.

    Tout cela est bel et bon, mais deux des principes énoncés par Jim Bridenstine viennent bousculer le statu quo du droit spatial en voulant le moderniser.

    Le traité de l’espace a en effet été rédigé à une époque où aucun humain n’avait encore posé le pied sur un autre corps du Système solaire. Comme le fait remarquer Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des questions spatiales, « depuis plusieurs années, le département d’Etat américain fait passer l’idée générale selon laquelle le droit doit s’adapter aux nouvelles technologies », maintenant qu’Homo sapiens s’apprête à retourner sur la Lune et envisage notre satellite comme un avant-poste pour le voyage vers Mars.
    Premier pas vers la « propriété des terrains »

    Premier point abordé, l’appropriation des ressources lunaires par ceux qui les exploiteront. Le traité de 1967 étant relativement vague à ce sujet, les choses ont été précisées dans un second texte signé à l’ONU en 1979, l’accord régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres corps célestes, plus connu sous le nom de traité sur la Lune.

    Son article 11 prévoit notamment que « la Lune et ses ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l’humanité » et que « la surface et le sous-sol de la Lune ne peuvent être la propriété d’Etats, d’organisations internationales intergouvernementales ou non gouvernementales, d’organisations nationales, qu’elles aient ou non la personnalité morale, ou de personnes physiques ». Le texte va plus loin, en disant qu’en cas d’exploitation il faut « ménager une répartition équitable entre tous les Etats parties des avantages qui en résulteront, une attention spéciale étant accordée aux intérêts et aux besoins des pays en développement, ainsi qu’aux efforts des pays qui ont contribué, soit directement, soit indirectement, à l’exploration de la Lune ». Bref, partager.
    La trace du premier pas de Buzz Aldrin sur la Lune, lors de la mission d’Apollo-11, le 20 juillet 1969.
    La trace du premier pas de Buzz Aldrin sur la Lune, lors de la mission d’Apollo-11, le 20 juillet 1969. NASA

    La France a signé cet accord mais ne l’a jamais ratifié, pas plus qu’aucune grande puissance spatiale actuelle. Chef du service juridique de l’Agence spatiale européenne, Marco Ferrazzani constate que « le traité sur la Lune est de moins en moins pris en compte. Le président américain le dit clairement dans son décret du 6 avril. L’idée d’instaurer un régime partagé et multilatéral de la Lune comme cela existe pour l’Antarctique est rejetée ». Pour ce qui est des futures ressources extraites de notre satellite, « certains juristes américains établissent l’analogie avec le droit de la mer, explique Xavier Pasco : dans les eaux internationales, la mer n’est à personne, mais le poisson appartient à celui qui le pêche ».

    « Aller dans l’espace de façon plus routinière conduit à s’y projeter dans une logique presque territoriale », souligne Xavier Pasco

    Le second point sensible des accords Artemis est de nature territoriale. Dans la présentation de Jim Bridenstine, il est fait état de « zones de sécurité » entourant les installations lunaires des uns et des autres, zones qui seraient établies pour « prévenir des interférences nuisibles ». « En clair, cela signifie qu’on est installé, qu’on a ses investissements sur la surface de la Lune et qu’on veut être tranquille dans son périmètre, traduit, sous couvert d’anonymat, un spécialiste des politiques spatiales. C’est avant tout un positionnement géopolitique des Etats-Unis vis-à-vis de certaines puissances, mais cela peut aussi être vu comme un premier pas vers la propriété des terrains. » Un droit de propriété qui est fermement exclu en théorie. Pour sa part, Marco Ferrazzani reste prudent : « Ma méthode de juriste, c’est de lire les textes. Pour l’instant, on n’a qu’une annonce de la NASA avec des principes généraux sans plus de détails. Il faudra décliner ces principes dans de vraies dispositions juridiques pour savoir ce que la notion de zone de sécurité recouvre. »

    « On voit émerger aux Etats-Unis une vision de l’espace qui est presque géographique, analyse Xavier Pasco. Aller dans l’espace de façon plus routinière fait gonfler la surface et l’environnement terrestres. Cela conduit à s’y projeter dans une logique presque territoriale et on y a besoin d’une protection parce que le spatial est considéré comme une infrastructure d’intérêt vital. » Cette vision est déjà clairement à l’œuvre pour les satellites artificiels, ajoute le directeur de la FRS : « Les Américains estiment que si quelqu’un s’approche trop de leurs satellites, il est hostile. Cette idée pourrait d’ailleurs devenir la règle pour les grands pays spatiaux. Le projet d’établir des zones de sécurité sur la Lune semble prolonger cette logique. »
    Combinaison et vêtements conçus pour les cosmonautes soviétiques sur le projet USA/URSS Apollo-Soyouz, au centre de formation de la Cité de l’Espace, près de Moscou, en 2017.
    Combinaison et vêtements conçus pour les cosmonautes soviétiques sur le projet USA/URSS Apollo-Soyouz, au centre de formation de la Cité de l’Espace, près de Moscou, en 2017. NASA

    Il en est un qui n’a pas du tout apprécié le concept de zone de sécurité : Dmitri Rogozine, le directeur général de Roscosmos (l’agence spatiale russe), pas spécialement réputé pour faire dans la dentelle. Dans un Tweet publié une semaine avant que ne soit dévoilée officiellement la philosophie des accords Artemis, il comparait les plans lunaires des Etats-Unis à « une invasion », évoquant les interventions militaires américaines des années 2000 en Afghanistan et en Irak… Le 25 mai, à peine plus calme, il déclarait à l’agence de presse russe TASS : « Nous n’accepterons en aucun cas les tentatives de privatisation de la Lune. C’est illégal, c’est contraire au droit international. »
    La Chine exclue des accords

    Contrairement au traité de l’espace de 1967, élaboré sous l’ombrelle onusienne, les futurs accords Artemis ne seront pas empreints de multilatéralisme, lequel n’est pas du tout en odeur de sainteté à la Maison Blanche.

    « Alors que les Russes et les Chinois veulent promouvoir des traités internationaux juridiquement contraignants, les Américains préfèrent des arrangements politiques mettant en place une espèce de club dont les membres adhèrent à leur vision », explique Xavier Pasco. En signant toute une série d’accords bilatéraux avec des « like-minded countries » (des pays qui ont des vues similaires), ils envisagent une structure en roue de vélo dont ils constitueraient le moyeu et leurs alliés les rayons.

    La Chine sera de facto exclue de ces accords Artemis. En effet, depuis 2011, pour prévenir tout transfert de technologie avec l’empire du Milieu, le Congrès américain a interdit à la NASA « d’élaborer, de concevoir, de planifier, de promulguer, de mettre en œuvre ou d’exécuter une politique, un programme, un ordre ou un contrat bilatéral de quelque nature que ce soit » avec la Chine, à moins d’y être expressément autorisée par une loi.

    La situation est plus floue pour la Russie : celle-ci est partenaire des Etats-Unis depuis une vingtaine d’années dans la Station spatiale internationale (ISS) et elle est a priori désireuse de poursuivre la collaboration en participant à la construction du Lunar Orbital Platform-Gateway. Moscou pourrait donc en théorie se voir proposer de signer les accords Artemis, bien que les déclarations récentes de Dmitri Rogozine ne soient guère encourageantes sur le résultat d’éventuelles négociations.

    « Les États-Unis sont les chefs d’orchestre de toute l’activité d’exploration du Système solaire »

    Quid de l’Europe ? S’alignera-t-elle sur cette nouvelle vision du droit spatial ? « Les Etats-Unis conduisent vraiment le jeu dans l’approche intellectuelle et juridique de ce que doit être l’occupation de l’espace, souligne Xavier Pasco. Ils donnent le “la”, ils sont les chefs d’orchestre de toute l’activité d’exploration du Système solaire. Pour eux, les choses doivent se faire à leur manière et, pour l’instant, je ne note pas de réaction particulière de la part des Européens. » Ceux-ci sont d’ailleurs déjà bien engagés, via l’Agence spatiale européenne, dans le LOP-G.

    Directeur de la programmation, de l’international et de la qualité au Centre national d’études spatiales (CNES), Jean-Pascal Le Franc rappelle que « l’objectif à terme est de poser un Européen ou une Européenne sur le sol lunaire, et cela ne se fera qu’avec les Etats-Unis. Les Américains sont clairement leaders dans cette nouvelle aventure et nous avons intérêt à en être partie prenante, avec les Canadiens et les Japonais. Nous suivrons le mouvement, sauf si cela heurte des principes auxquels nous ne voulons pas déroger… » La France a été officiellement contactée par les Etats-Unis au sujet des accords Artemis. Les discussions juridiques vont pouvoir commencer.

    Pierre Barthélémy

    #Espace #Communs #Enclosure

  • « La propriété privée n’a absolument rien de naturel »
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-propriete-privee-na-absolument-rien-de-naturel

    C’est l’une des institutions les plus puissantes et les plus opaques de la modernité. Elle s’impose à tous et même en partie aux États, qui l’organisent mais ne peuvent y déroger que dans des circonstances limitées et codifiées. La propriété privée peut d’ailleurs être vue comme une forme de protection contre les dérives tyranniques ou autoritaires – c’est notamment une idée très implantée aux États-Unis. Mais cette même propriété privée est souvent présentée comme une évidence, comme quelque chose de naturel.

    Et pourtant… elle n’a absolument rien de naturel ! C’est une forme d’#appropriation qui a une histoire, qui n’est pas de toute éternité et qui est dépendante de nos codes sociaux, de nos valeurs et de nos usages. C’est vrai, plus généralement, des différentes formes de propriété : propriété publique, propriété commune, droits #collectifs... le monde de la propriété est vaste et complexe. Alors comment en sonder les mécanismes, les logiques profondes, les dimensions matérielles et écologiques ? Notamment avec cette idée du crash-test qui consiste à analyser ce qui se passe quand la propriété « percute » la survenue d’une #catastrophe, idée que nous avons cherché à développer dans un volume collectif codirigé avec mon collègue Marc Elie, Crash Testing Property2..

  • OneWeb : Mort ou vif ?
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/oneweb-mort-ou-vif-845429.html

    SpaceX sera-t-il le vautour de OneWeb ?

    Qui peut reprendre OneWeb, qui a annoncé vouloir se vendre au plus offrant ? Quel investisseur ou consortium d’investisseurs aura les reins solides pour poursuivre les lourds investissements lancés par les précédents actionnaires ? Et qui a intérêt à rependre OneWeb ? Au premier rang, il y a Elon Musk et SpaceX, qui verrait plutôt d’un bon œil la faillite pure et simple de son principal concurrent dans la fourniture de services internet à haut débit grâce à une couverture globale. SpaceX ne peut pas en tout cas se désintéresser du dossier OneWeb s’il suscitait réellement un intérêt de la part de nouveaux investisseurs. D’autant que son concurrent a obtenu les droits de fréquences contrairement à SpaceX avec la constellation Starlink, qui pourrait être composée de plus de 40.000 satellites (soit une constellation initiale de 12.000 satellites, complétée par 30.000 unités supplémentaires).

    OneWeb et SpaceX s’étaient livrés jusqu’ici à une féroce compétition pour attirer les investisseurs dans leur projet respectif. C’était d’ailleurs le nerf de la guerre pour ces deux constellations. Car, tout comme OneWeb, SpaceX semble aussi avoir quelques difficultés à financer son projet Starlink, bien masquées pour l’heure par ses activités de lancement financée par la dépense publique américaine (civile et militaire).

    #Espace #Privatisation #Enclosure #Communs

  • Comment la France va militariser sa doctrine dans l’espace
    https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/25/la-france-militarise-sa-politique-spatiale_5493327_3210.html

    Des armes nouvelles en orbite, un commandement unifié, un contrôle direct des militaires sur les satellites : la « stratégie spatiale de défense » détaillée par la ministre des armées, Florence Parly, jeudi 25 juillet, à Lyon, inscrit la France de façon décomplexée dans la nouvelle conflictualité qui se déploie dans l’espace. « Nous protégerons mieux nos satellites, y compris de manière active », avait déclaré le président Emmanuel Macron, le 13 juillet, en validant la nouvelle doctrine nationale.

    Oh la belle langue de béton (armé évidemment)

    La France dit agir dans le cadre du traité de l’espace de 1967, qui proscrit les armes de destruction massive. Il est qualifié de « totem » par l’entourage de la ministre. « Mais le traité n’exclut ni la légitime défense, ni la militarisation qui consiste à utiliser des satellites militaires, ni l’arsenalisation qui veut dire placer des armes en orbite », ajoute cette source. « L’actualisation de la doctrine française consiste en une arsenalisation. »

    Système de riposte

    « Unifié, verticalisé, lisible », le nouveau commandement militaire de l’espace sera créé le 1er septembre, à Toulouse, dans le giron de l’armée de l’air. La nouvelle doctrine expose un système de riposte à triple détente en cas d’attaque, assez flou pour être dissuasif :

    D’abord, « face à un geste inamical, la France se réserve le droit de prendre des mesures de rétorsion ».
    Au deuxième niveau, « en réponse à un fait illicite, elle peut prendre des contre-mesures dans l’unique objectif d’y mettre un terme », de façon « strictement nécessaire et proportionnée ».
    Enfin, « en cas d’agression armée dans l’espace, la France peut faire usage de son droit à la légitime défense ». Sous-entendu aller jusqu’à la destruction d’installations spatiales ou terrestres adverses.

    Le défi actuel est d’identifier les agressions menées « sous le seuil » de déclenchement d’un conflit, à l’instar de ce qui se passe dans le cyberespace. A la question de savoir comment Paris réagira demain à des actes tels que l’espionnage du satellite franco-italien Athena-Fidus par un engin russe, révélé par Mme Parly en 2018, le ministère répond : « Cela est classifié. » Il précise cependant que ses satellites de télécommunications militaires Syracuse seront bien dotés rapidement de caméras, « et demain de moyens d’autodéfense, comme des lasers de puissance pour éblouir, ou des mitrailleuses à même de casser les panneaux solaires d’un satellite à l’approche ». Un langage martial et dissuasif inédit.

    « Opérateurs de confiance »

    Cette stratégie contient une rupture politique. Les armées veulent acquérir « une autonomie pour mener des opérations spatiales militaires » sur leurs satellites, ce qui implique que « le ministère doit devenir opérateur spatial », annonce Mme Parly. Les armées sélectionneront par ailleurs des « opérateurs de confiance » parmi les acteurs privés du new space, qui lancent des milliers de satellites et se positionnent dans le traitement des données.

    La loi nationale sur les opérations spatiales de 2008, qui établit un régime d’autorisation préalable par l’autorité civile – le CNES – va être modifiée « dans les mois qui viennent ». « Avec le CNES ce sera toujours un travail d’équipe, mais le jour où nous aurons besoin de manœuvrer, il faut que ce soient les militaires qui agissent », justifie le ministère. En cas d’alerte, les délais actuels d’instruction et de décision sont trop longs, une dizaine d’heures pour prendre des mesures réactives, ont souligné, début 2019, les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille dans un rapport complet sur le sujet. « Une équipe de militaires sera bientôt auprès du CNES pour se former à la manœuvre des satellites », indique le ministère.

    #Espace #Guerre #Communs #Enclosures #Militarisation #Militarisme

  • #Commons and Contradictions: The #Political_Ecology of Elinor #Ostrom#ENTITLE blog – a collaborative writing project on Political Ecology

    Ostrom and her institutional economist collegues’ works are necessary to think a political ecology of the commons :

    Ostrom was not on the traditional left and didn’t research how capitalism, imperialism and allied structural forces shaped our society and environment. Indeed, we know that rather than commons failing because of lack of cooperation, they were often simply stolen and enclosed. Nonetheless, her detailed and open work provides huge intellectual stimulation and practical guidance to creating solutions that are democratic, diverse, equal and ecological. Finally, I would argue that politics, perhaps especially ecological politics, is about intervention and praxis, and in her defence of the commons, she made a very powerful intervention against all those who would argue, like Garrett Hardin, that the commoners should have their commons taken from them.

    https://entitleblog.org/2017/09/20/commons-and-contradictions-the-political-ecology-of-elinor-ostrom

    #enclosure #tragedy_of_the_commons #community_based_mangement #design_principles #García_López

  • « Dans l’espace, ceux qui arrivent après les explorateurs sont les commerçants »
    https://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2018/10/15/dans-l-espace-ceux-qui-arrivent-apres-les-explorateurs-sont-les-comm ?

    Certains entrepreneurs du NewSpace ont clairement l’ambition d’exploiter les ressources minières spatiales, ce qui va à l’encontre des traités internationaux sur l’espace qui stipulent que ces ressources ne peuvent faire l’objet d’une appropriation. Comment résoudre cette contradiction ?

    C’est l’enjeu principal – juridique, éthique, politique – de cette nouvelle phase. Quand les Etats-Unis en 2015 et le Luxembourg l’année suivante ont dit qu’ils accueillaient les entreprises voulant se lancer dans l’exploitation minière des corps extraterrestres et qu’ils les protégeaient légalement, cela a créé beaucoup de brouhaha dans la communauté juridique parce que cela remet en cause le principe de la non-appropriation de l’espace.

    Par exemple, la Lune a été déclarée patrimoine commun de l’humanité et personne ne peut l’exploiter pour en tirer un profit personnel. Depuis 2015, le Groupe de la Hague sur les ressources spatiales réunit un certain nombre d’acteurs étatiques, institutionnels, universitaires, privés, pour réfléchir à la question de la gouvernance spatiale. Ce qui est intéressant, c’est que, pour une fois, nous avons largement anticipé les problématiques du futur mais aussi que cela nous permet de réfléchir à notre manière de gérer ensemble les ressources communes, ce dont on a également besoin sur Terre…

    Quelle place laissera-t-on à la science sur les objets célestes s’ils sont avant tout considérés comme des ressources économiques ?

    Le risque de la disparition possible de la phase d’exploration scientifique existe effectivement. Celle-ci s’est faite jusqu’ici avec une ­attention portée à la protection et à la non-contamination des corps où nous envoyons des sondes. Or tout cela n’est pas le premier souci – et peut-être même pas un souci du tout – pour des entrepreneurs spatiaux. La question se pose aussi avec les projets de colonisation de Mars : faire débarquer des colons sur cette planète, même si ce n’est que pour quelques jours, c’est immédiatement « polluer » une zone assez étendue sur Mars ! Et donc complètement shunter l’exploration scientifique que ces colons pourraient mener. Qu’est-ce qui peut aujourd’hui empêcher une telle contamination massive, obliger à respecter une démarche scientifique ? Je crois qu’il n’y a rien. Les chercheurs s’imposent des codes de bonne conduite, comment contraindre les entrepreneurs privés de faire de même ?

    #Communs #Espace #Marchandisation #Enclosures

  • Copyright numérique : stériliser pour mieux tuer
    http://www.liberation.fr/debats/2018/09/09/copyright-numerique-steriliser-pour-mieux-tuer_1677568

    Par Eric Guichard

    Le 12 septembre, nos députés européens auront à se prononcer sur la directive relative au « droit d’auteur dans le marché unique numérique », que les Etats membres ont déjà validé. Dès le préambule du texte, le cadre est fixé : il est question d’œuvres, d’auteurs, de patrimoine. Le texte veut clarifier le « modèle économique » qui définira dans quelles conditions les « consommateurs » (le mot apparaît quatre fois dans l’introduction) pourront faire usage de ces œuvres.

    Le monde est ainsi découpé simplement : d’un côté, les artistes et les titulaires de droits d’auteurs, et parfois les structures et les institutions connexes (musées, universités, éditeurs) ; de l’autre, la grande masse des anonymes. La porosité entre les uns et les autres n’est pas de mise : le cas d’une personne écoutant des concerts sur Internet et publiant ses interprétations d’un prélude de Chopin n’est pas évoqué. Les médiateurs entre propriétaires (de droits, de licences) et locataires-utilisateurs sont les Etats, chargés de faire respecter la future loi, et les « prestataires de services en ligne » (les hébergeurs). Là encore, nulle place pour les auteurs-éditeurs de sites web altruistes, qui publient leurs analyses, leurs découvertes, leurs concerts de rock entre amis. On reste dans une logique traditionnelle où l’Etat et l’Union européenne régulent le fonctionnement d’industriels qui seraient laxistes en matière de propriété artistique ou intellectuelle.

    Une volée de récriminations
    Mais comment appliquer une telle loi ? Grâce à de gigantesques algorithmes. L’article 13 précise que les prestataires de services, en étroite coopération avec les titulaires de droits, développeront des techniques de reconnaissance des contenus. Les acteurs hors Facebook, Sacem ou équivalents seront censurés, donc éliminés du Web. Ulrich Kaiser, professeur de musique allemand, l’a vérifié. Il a mis en ligne quelques interprétations de son fait de morceaux de Schubert, tombé depuis longtemps dans le domaine public, et a vérifié comment le logiciel de vérification de droits d’auteur de YouTube (Content ID) réagissait. Il a vite reçu une volée de récriminations prétendant qu’il violait des droits d’auteur. Et ses arguments étaient systématiquement rejetés. En bref, pour qui n’est pas adossé à une agence de droits d’auteur, il y aura toujours un robot ou un digital worker payé au clic qui lui interdira toute publication, au motif qu’il copie une œuvre, même s’il a le droit pour lui. Belle inversion juridique où nous devons faire la preuve de notre innocence, quand sa présomption figure dans notre Constitution.

    Le second souci est que ces algorithmes coûtent très cher (de l’ordre de 50 millions d’euros), et sont évidemment très protégés par… le copyright. Nous sommes ici bien loin des logiciels libres façonnés par des poignées de bénévoles, et qui font vivre Internet. Et notre Union européenne, qui veut protéger les big industries du numérique et de la culture, ne réalise pas qu’elle se transforme en bourgeois de Calais, au seul bénéfice des Etats-Unis, puisqu’elle ne sait produire ces logiciels et bases de données associées.

    La peur du don
    Ainsi, du haut de Bruxelles, on ne fait pas que penser le contemporain avec des catégories obsolètes, aux dépens des citoyens et de leur créativité. On se trompe.

    Apparaît d’abord une étrange peur du don. Le don, ce phénomène social total, qui structure nos sociétés via l’échange, qui nourrit nos idées : celles-ci se confortent et s’affinent au contact d’autrui. Tenter de les censurer, d’en vérifier systématiquement l’authenticité, c’est aller contre l’éducation, contre le développement personnel : la science et la création se nourrissent d’emprunts, d’appropriations, de détournements.

    Ensuite, supposer que la technique va sauver ou protéger la culture relève de l’erreur. De tout temps technique et culture forment une tresse inséparable. Nos films sont faits avec des caméras, qui fonctionnent à l’électricité, désormais montés sur ordinateur. Nous appelons nos ponts (du Gard ou de Tancarville) des « ouvrages d’art ». Et avec l’informatique, nous prenons conscience de la dimension technique de l’écriture, qui nous sert autant à développer un raisonnement, à jeter les bases d’une nouvelle loi qu’à déguster un Rimbaud qui a peu profité de ses droits d’auteur. La grande majorité des productions informatiques relèvent de ces jeux d’écriture où copier, coller, emprunter, détourner, articulent recettes, banales applications et imagination.

    Façonner le monde
    Et enfin, l’idée qu’un algorithme puisse se substituer au jugement humain est erronée. Un algorithme est écrit par des humains, qui y injectent leur subjectivité, leurs représentations du monde, leurs valeurs morales, comme le montre le philosophe Andrew Feenberg. Il n’est pas neutre. Un algorithme l’est d’autant moins s’il appartient à une firme, qui va évidemment l’adapter à ses intérêts économiques. La chose est manifeste quand il s’appuie sur des bases de données massives pour produire du deep learning. C’est le principe même de l’apprentissage : si nous apprenons à des ordinateurs à modéliser le climat, nous ne pouvons leur confier des opérations chirurgicales sur des humains. Et l’idée que les machines puissent résoudre des problèmes moraux (liés au vol, à l’invention) signale avant tout une démission politique. La volonté de déléguer à ces machines des questions qui méritent d’être débattues par tous : démocratiquement.

    C’est toute la question du « numérique » : cette technique a plus que jamais le pouvoir de façonner le monde. Y compris politiquement. Avec les réseaux sociaux, nous ressentons, non pas son pouvoir, mais ses effets sur nos sociétés. L’histoire de l’écriture nous rappelle que ces effets sont lents, variés, particulièrement dépendants de ce que nous voulons qu’ils soient. Moins que jamais, la technique est éloignée de nous. Sauf si nous déléguons à quelques managers le formatage de nos sociétés par le biais de leurs chimères. Souvent, celles-ci se réduisent à quelques croyances, qui confinent à la numérologie. Il s’agit de projeter toute la complexité humaine, ses variations multidimensionnelles, sur une droite, où chacun.e d’entre nous serait évaluable. Avec une seule note entre 0 et 20.

    Le numérique, c’est politique. Ça se pratique aussi, ça s’apprend. Comme l’écriture. Ça se débat. Il est urgent de l’enseigner à toutes les générations, à tous les corps de métier ; d’en expérimenter les facettes actuelles, d’en inventer les futures. Les artistes, les historiens, les physiciennes usent tous de l’écriture. Il en est de même pour le « numérique ». Jeunes et vieux, Chinois, Français et Californiens prenons le temps de penser le numérique, au-delà de nos moules et frontières disciplinaires. La technique nous appartient. A nous tous d’en convaincre nos députés.

    Eric Guichard philosophe, responsable de l’Equipe réseaux, savoirs et territoires de l’ENS-Ulm, maître de conférences HDR à l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) , Nicolas Schabanel informaticien, directeur de recherches au CNRS, Laboratoire de l’informatique du parallélisme (LIP), ENS-Lyon, membre de l’Institut rhônalpin des systèmes complexes (IXXI)

    #droit_d’auteur #copyright #enclosures_numériques #privatisation

  • La carte des dispositifs anti-SDF à Montpellier – Montpellier journal
    http://www.montpellier-journal.fr/2016/04/la-carte-des-dispositifs-anti-sdf-a-montpellier.html

    Grilles, barres, pics métalliques, clous, bancs à arceaux… Si la ville n’a jamais été aussi sexy pour le chaland, elle ne dissimule pas son hostilité envers les mendiants, « punks à chien », clochards et autres occupants de l’espace public. Des dispositifs répandus à Montpellier, souvent camouflés sous les traits de l’ornement ou du design mais qui – pour peu qu’on y prête attention – trahissent la place donnée aux SDF et à la marchandisation du centre-ville. Pour mieux les repérer Montpellier journal a élaboré cette carte qui se veut collaborative. (870 mots)

    via @arno
    #Communs_urbains #Enclosures

  • Repenser l’enclosure de la connaissance (avec Bernard Stiegler et Amartya Sen) | Calimaq
    https://scinfolex.com/2017/11/25/repenser-lenclosure-de-la-connaissance-avec-bernard-stiegler-et-amartya-s

    J’ai eu la chance cette semaine de participer à l’événement « Action publique / Public en action / Controverse », organisé par la Cité du Design de Saint-Etienne dans le cadre de la semaine de l’innovation publique. La question des Communs y a été largement débattue, mais ce fut surtout l’occasion pour moi d’approfondir ma compréhension des liens entre les Communs et le design, ou plutôt, d’appréhender ce que l’approche par le design pouvait nous apporter pour la compréhension des Communs. Source : : : S.I.Lex : :

  • How a tax haven is leading the race to privatise space | News | The Guardian
    https://www.theguardian.com/news/2017/sep/15/luxembourg-tax-haven-privatise-space

    The nation of Luxembourg is one of Planetary Resources’ main boosters. The country’s pledge of €25m (£22.5m) – which includes both direct funding and state support for research and development – is just one element of its wildly ambitious campaign to become a terrestrial hub for the business of mining minerals, metals and other resources on celestial bodies. The tiny country enriched itself significantly over the past century by greasing the wheels of global finance; now, as companies such as Planetary Resources prepare for a cosmic land grab, Luxembourg wants to use its tiny terrestrial perch to help send capitalism into space.

    And the fledgling “NewSpace” industry – an umbrella term for commercial spaceflight, asteroid mining and other private ventures – has found eager supporters in the investor class. In April, Goldman Sachs sent a note to clients claiming that asteroid mining “could be more realistic than perceived”, thanks to the falling cost of launching rockets and the vast quantities of platinum sitting on space rocks, just waiting to be exploited.

    “[Mining asteroids] is not a new idea, but what’s new is state support of the idea,” says Chris Voorhees, the chief engineer of Planetary Resources. “Everyone thought it was inevitable but they weren’t sure when it would occur.” Now, he says, Luxembourg is “making it happen”.

    Loi du Luxembourg qui enterre l’idée de l’espace comme un commun

    And in July, the parliament passed its law – the first of its kind in Europe, and the most far-reaching in the world – asserting that if a Luxembourgish company launches a spacecraft that obtains water, silver, gold or any other valuable substance on a celestial body, the extracted materials will be considered the company’s legitimate private property by a legitimate sovereign nation.

    Une vieille histoire au Luxembourg

    Luxembourg’s first significant attempts at liberalisation began in the late 1920s and early 1930s. As radio grew popular, the grand duchy decided not to create a publicly funded radio service like its neighbours. Instead, it handed its airwaves to a private, commercial broadcasting company. That company – now known as RTL – became the first ad-supported commercial station to broadcast music, culture and entertainment programmes across Europe in multiple languages. “By handing the rights to a public good to a private company, the state commercialised, for the first time, its sovereign rights in a media context,” notes a 2000 book on Luxembourg’s economic history. The title of the book, published by a Luxembourgish bank, is, tellingly, The Fruits of National Sovereignty.

    Then, just three months before the stock market collapsed in 1929, Luxembourg’s parliament passed legislation exempting holding companies – that is, parent firms that exist solely to own parts of or control other companies – from paying corporation taxes. In the first five years after the law’s passing, 700 holding companies were established; in 1960, there were 1,200, and by the turn of the century, some 15,000 “letterbox” firms – one for every 18 citizens – were incorporated in Luxembourg. (In 2006, the European commission found that this exemption violated EU rules, so Luxembourg promptly created a new designation, the “family estate management company”, that complied with the country’s EU treaty obligations while offering many of the same money-saving advantages.)

    Crucially, Luxembourg never seemed to let an opportunity pass it by. Following its support for commercial radio 50 years prior, the country was the first in Europe to privatise satellite television. In 1985, the grand duchy granted a company called Société Européenne des Satellites (SES) the right to broadcast TV directly to viewers’ homes from a satellite positioned in space. “The big innovation is that this was a privatisation of space,” says Schmit, who served for 17 years on the SES board. “All the other operators were owned by governments through international agreements. This was the first commercial company that set out to use space for broadcasting.” When SES grew profitable, Luxembourg’s bet paid off: the tiny country became home to a telecoms giant, and, as an early investor, received a piece of the pie.

    In the early 2000s, Luxembourg pounced at the chance to court retailers such as Amazon and Apple with tax incentives. There were the perks the state was happy to publicise – the lowest VAT in Europe, for instance – and there were case-by-case deals with large companies that it kept rather quieter. The companies flocked in, but in the aftermath of the financial crisis, with awareness of wealth inequality growing and austerity measures bruising ordinary Europeans across the continent, Luxembourg could only keep these arrangements under wraps for so long.

    Les lois américaines et luxembourgeoises sur la propriété de ce qui est rapporté de l’espace. Ils ont décidé tout seuls, en vieux reste Wesphaliens

    Since the emergence of the NewSpace sector, individual countries have attempted to lend some clarity to eager entrepreneurs, reasoning that the prospect of private property in space will encourage hard work and innovation. The American Space Act, passed in 2015, is the first “finders, keepers” law that recognises ownership of space resources, but it only does so for companies owned by US citizens.

    In October 2015, Luxembourg commissioned a study on whether it could fill that legal void. The report, completed in 2016, noted that “while legal uncertainty remains, under the current legal and regulatory framework, space mining activities are (at least) not prohibited” and concluded that Luxembourg should pass legislation that gives miners the right to keep the extraterrestrial bounty they extract.

    Such a law was drafted shortly after the study’s completion, and on 1 August 2017, it went into effect. Luxembourg’s bill does not discriminate by nationality, or even by the location of a company’s headquarters. In fact, the law indicates the country’s willingness to serve as a sort of flag of convenience for spacecrafts, allowing them to play by one country’s futuristic rules in the absence of universal, binding agreements. Rick Tumlinson, of Deep Space Industries, another space exploration company in which Luxembourg has invested, told me that there was value in Luxembourg’s law because it saw no citizens and no borders: just one blue planet from high above.

    Zucman shares Schmitz’s view. “Adapting this strategy to the business of space conquest is what being an offshore financial centre means,” he says. “It’s not diversification. It’s just extending the logic of being a tax haven to new area.”

    Le mythe de “l’argent propre” au Luxembourg. Mourrir de rire

    His speech focused on the financial aspects of Luxembourg’s space race, and the country’s intention to get in on the ground floor of commercial space exploration. “Under the US Space Act, your capital has to be majority US capital,” he said, referring to US willingness to recognise property rights in space for its citizens. “We don’t really care where the money comes from in our country, as long as the money is clean.”

    #Luxembourg #Espace #Enclosure #Communs #Europe

  • The Last Nomads — Gilles Sabrié
    http://www.gsabrie.com/lastnomads/96gxyev5bwdrozf5rp9n96bfq62igc

    Un exemple actuel d’enclosure de la terre : attribuer des terrains aux nomades... pour limiter leur nomadisme. Ce qui ne se passe pas sans révoltes.

    Photographies (énormes !) par Gilles Sabrié.

    Fence in the grassland of the Sanjiangyuan reserve. Fencing has been one of the first government policy implemented to control nomadic populations. Prior to this policy, grasslands where communally managed by the nomads. Through fencing, each nomad family was allocated specific grazing area which was fenced with government subsidies, a first step in the sedentarization of mobile populations. Fencing has proved deeply unpopular, and led to an upsurge of local territorial conflicts over grazing rights, including major conflicts that have led to fatalities. Moreover, scientists argue that fencing off pastureland doesn’t curb soil erosion as grazing is part of the eco-system and contributes to the sustainability of the flora and fauna.

    #communs #enclosures #Chine

  • Le naming des stades, ça assure. | Money Time
    http://ecosport.blog.lemonde.fr/2017/07/14/le-naming-des-stades-ca-assure

    Dans son livre « La renaissance des communs », David Bollier insiste pour montrer comment ce nommage des stades est en réalité un empiètement sur les communs par des intérêt privés. Les fans, les villes, les équipes disparaissent derrière le sponsoring. Ce n’est certes pas nouveau pour joueurs et équipes... mais la démarche s’accentue pour les stades... qui sont pourtant en majeure partie payés par la collectivité et par les supporters.

    Après le MMArena, l’Allianz Riviera, le Matmut Atlantique, voilà donc le Groupama Stadium ! L’ex Stade des Lumières et ex Parc OL deviendra le 5 aout 2017, lors du premier match à domicile de la saison 2017-2018 de l’Olympique Lyonnais, le Groupama Stadium. Après 1 an et demi de négociations serrées (et de pistes abandonnées), Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais, est parvenu à ratifier un accord de naming avec les responsables de Groupama Rhône-Alpes Auvergne mercredi 12 juillet 2017. Pour un montant annuel compris entre 5 et 7 millions d’euros par an, l’assureur verra son nom accolé au stade théâtre des exploits du club lyonnais. Ce montant en fait le plus gros accord de naming pour un stade ou une arena en France.

    #Enclosure #Communs_urbains #Sport

  • L’exclusion forcée du marché comme enclosure des biens communs – – S.I.Lex –
    https://scinfolex.com/2017/05/29/lexclusion-forcee-du-marche-comme-enclosure-des-biens-communs

    Ce que je trouve intéressant avec cette histoire racontée dans Reporterre, mais plus largement avec la problématique des semences libres, c’est qu’elles illustrent bien les rapports complexes qu’entretiennent les biens communs et le marché. On considère en effet que les semences libres constituent un exemple-type de ressources assimilables à des « Communs ». Elles sont en effet parvenues jusqu’à nous par le biais d’un processus de transmission de génération en génération d’agriculteurs, qui ont conduit le processus de sélection et de croisement nécessaires pour développer les variétés et les adapter à leur milieu. Les variétés dites « anciennes », « paysannes » ou « traditionnelles » ne sont pas protégées par des droits de propriété intellectuelle : elles appartiennent au domaine public et sont donc à ce titre, librement reproductibles, ce qui en fait tout l’intérêt pour les agriculteurs, notamment pour se défaire de leur dépendance vis-à-vis des industries semencières.

    Comme ces semences appartiennent au domaine public, elles devraient aussi pouvoir faire l’objet, en tant qu’objets physiques, d’une libre commercialisation sur le marché. On voit bien que c’est une condition pour que des activités comme celles du « Potager d’un curieux » ou de Kokopelli puissent être durables et se développer. Même si ces structures adoptent généralement des formes associatives tournées vers la non-lucrativité ou la lucrativité limitée, elles ont besoin d’une connexion avec le marché, ne serait-ce que pour couvrir les coûts induits par la production et la distribution des semences. Or c’est précisément ce qui leur est aujourd’hui interdit théoriquement par la réglementation, qui s’est organisée pour exclure du marché les semences traditionnelles, via notamment les obligations d’enregistrement au catalogue officiel.

    On voit donc qu’ici, l’enclosure spécifique qui pèse sur les semences consiste en une exclusion forcée du marché, et c’est quelque part contre-intuitif, par rapport à l’idée générale que l’on peut se faire du phénomène d’enclosure des biens communs.

    Néanmoins, le cas des semences nous montre que la question des enclosures est beaucoup plus complexe. Pour bien saisir ce qui arrive aux semences, il faut en effet les appréhender de deux manières différentes : dans leur dimension immatérielle, à travers les variétés végétales que les semences expriment et dans leur dimension matérielle, à travers les objets physiques que sont les graines produites par les paysans. Les variétés végétales anciennes ne font pas (et n’ont jamais fait) l’objet de droits de propriété intellectuelle, à la différence des hybrides F1 produits par l’industrie semencière. A ce titre, ces variétés sont effectivement « dé-marchandisées », au sens où elles ne peuvent faire l’objet, en tant que telles, d’exclusivités soumises à autorisation et transaction. Mais les graines produites par les paysans constituent des objets physiques rivaux, qui font l’objet de droits de propriété et peuvent être legitimement vendus sur le marché. Sauf que la législation sur les semences a été organisée pour empêcher justement à ces semences d’accéder au marché et pouvoir faire l’objet d’une commercialisation, contrairement aux variétés propriétaires. L’enclosure du bien commun que constituent les semences traditionnelles n’a donc pas ici la même nature que celle qui a frappé les terres ou l’eau : elle consiste en une exclusion forcée du marché.

    Arriver à appréhender le phénomène des enclosures dans toute complexité est à mon sens important, notamment pour éviter des contresens sur la question des Communs. On dit parfois que les Communs constituent une troisième voie entre le Marché et l’Etat, mais cette manière de présenter les choses est trompeuse. Il vaudrait mieux dire que les Communs, avec l’Etat et le marché, constituent une manière pour les humains de prendre en charge des ressources. Ces trois pôles peuvent selon les moments de l’histoire avoir plus ou moins d’importance (aujourd’hui, nous traversons une période de domination écrasante des mécanismes du marché auto-régulé, se traduisant par une marginalisation des Communs et un affaiblissement de l’Etat). Mais les Communs sont toujours articulés à l’Etat et au marché : ils ne constituent jamais une sphère complètement autonome. Ils peuvent notamment avoir besoin de débouchés sur le marché pour exister et peser significativement dans les relations sociales. C’est ce que montre parfaitement l’exemple des semences libres.

    #communs #enclosures #semences