#enfermés_dehors

  • Il y a donc désormais les confiné.e.s et les non-confiné.e.s qui assurent leur vie quotidienne des premiers...

    « Il y a donc désormais les confiné.e.s et les non-confiné.e.s qui assurent leur vie quotidienne des premiers – qui apportent les denrées aux boutiques, qui rangent sur les étagères, nettoient, tiennent la caisse, les éboueurs, les postier.e.s, les livreurs (j’en ai vu 3 déjà depuis ce matin), les conductrices/conducteurs de transport, les femmes de ménage des hôtels et les serveuses/serveurs des hôtels (qui restent ouverts et assurent un room service), et tant d’autres. Classe, genre, âge, racialisation, santé traversent les deux groupes mais les non-confiné.e.s sont les plus exposé.e.s. Dans les éléments du confinement, il y a celles/ceux qui vivent dans 12m2 et celles/ceux dans 150m2, qui peuvent se faire livrer ou pas, qui ont de quoi s’abonner à des tas de sites de streaming ou pas, qui ont un grand débit pour assurer les cours à la maison ou pas, qui peuvent aider les enfants à faire les leçons ou pas, qui ont un ordinateur et une imprimante ou pas, qui sont totalement isolées ou pas, qui ont des papiers ou pas, qui sont financièrement à l’aise ou pas, les femmes et enfants qui vivent avec des compagnons violents, les femmes seules avec des enfants, bref, des milliers et milliers de situations noyées sous le discours d’#union_nationale dans un pays où les #inégalités, les violences d’état, le #racisme et le #sexisme organisent la #vie_sociale depuis des années. Les actes de #solidarité, nombreux, qui s’organisent et sont formidables ne doivent pas remplacer les responsabilités de l’état. (Je parle là de la #vie_quotidienne, pas du personnel médical et de toutes les personnes qui assurent la vie d’un hôpital – donc aussi celles/ceux qui nettoient, gardent, font l’administration…- évidemment très exposé).

    Le confinement est rendu possible grâce à toutes ces personnes invisibilisées et bien trop souvent mal payées et exploitées. »

    #Françoise_Vergès

    Texte publié le 17 mars 2020 sur la page « Faire lien en vivant le confinement » de l’association grenobloise Modus Operandi :
    https://www.modop.org/se-relier/#17mars

    #confinement #violence #non-confinés #confinés #travail #classes_sociales #invisibilité #invisibilisation #exploitation

    • Confinement révélateur

      « Il a été évident au premier jour du confinement qu’il exacerbait les #inégalités : certains seraient enfermés dans un espace de vie confortable et généreux, quand d’autres le seraient dans des appartements au contraire trop petits pour une famille entière toute une journée et sans possibilité de sortir, voire dans des lieux juste pas prévus pour y passer des journées entières, je pense aux centres d’hébergement du #dispositif_hivernal ; enfin d’autres seraient « #enfermés_dehors ».
      Après une semaine, ce confinement agit comme un révélateur de la #violence restée jusque-là invisible. Désormais, elle devient évidente :
      – des personnes vivent à la rue ; un genre d’indifférence s’était installée sur ces situations, et comme une habitude scandaleuse. Une fois tout le monde confiné « #chez_soi », seules les personnes qui n’ont pas de « chez soi » restent dans les rues, on ne voir plus qu’elles. On a rarement autant parlé d’elles dans les médias.
      Le confinement nous révèle cette anormalité de s’habituer et d’accepter que des personnes vivent dans la rue.
      – pour se nourrir, des personnes dépendent de manière régulière de #distributions_alimentaires organisées par les associations, grâce à des dons et du travail bénévole. Ces pratiques ont été mises hors-jeu au premier jour du confinement, créant le besoin urgent de palier ce manque et en imposant à de nouveaux acteurs de prendre en charge ce besoin, l’a mis sur le devant de la scène. Dans les centres de l’#hébergement_d’urgence, les personnes accueillies ont d’abord manqué de nourriture avant que de nouvelles pratiques puissent se mettre en place pour fournir cette #nourriture. Mais surtout, cette urgence-là a rendu criante combien notre société organise des #dépendances, là où une #autonomie des personnes pourrait trouver une place.
      – les personnels soignants dans les hôpitaux accumulent environ 18 mois de mobilisation pour dénoncer le manque de moyens, les pénuries, la logique néo-libérale qui détruit le service public de santé. S’ils et elles ont pu bénéficier épisodiquement d’une certaine couverture médiatique, rien n’y a changé. Cette épidémie rend insupportable le manque de masques, et d’autres matériels de protection, et dévoile au grand jour des modes de gestion des stocks à l’opposé des logiques médicales de prévention. Des personnes se sont mises à coudre des masques en tissu pour les personnes soignants… alors que le ministère avait fait le choix de réduire le nombre de masques stockés.
      – les inégalités sociales entre les #étudiants ont pu être évoquées l’automne dernier dans la presse au détour d’un événement dramatique ; le confinement en organisant une continuité pédagogique dépendante de moyens technologiques en ordinateurs et connexions Internet rend criante la fracture numérique. Des associations et le CROUS essaient d’y palier en distribuant ici des tablettes, là des portables… mais les exclus des réseaux restent exclus.

      Voici seulement quelques uns des exemples éloquents de ce confinement comme un révélateur de #ce_qui_déconne. Qu’avons-nous envie de faire de ces « révélations », maintenant qu’elles ont éclaté au grand jour ? Serons-nous capables de fermer à nouveau les yeux ? Et de continuer à bricoler pour les réparer avec les moyens imparfaits du bénévolat ? Ou bien voulons-nous profiter de cette aubaine que nous donne l’épidémie pour s’en saisir et chercher à transformer ces situations ?

      Aidez-nous à recenser de telles situations révélées au grand jour par la gestion de l’épidémie par le confinement, là où vous les observez, là où vous êtes, pour essayer de faire ensemble la première étape sous la forme d’un diagnostic le plus large possible de ces situations. »

      https://www.modop.org/se-relier/#27mars
      #SDF #vivre_à_la_rue