• Education nationale : en Normandie, alerte après une série de suicides parmi les personnels
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/26/education-nationale-en-normandie-alerte-apres-une-serie-de-suicides-parmi-le

    La situation est devenue assez préoccupante pour que les représentants des personnels de l’éducation nationale en Normandie décident d’envoyer un « signal d’alarme fort ». Dans un communiqué diffusé jeudi 23 janvier, les élus de la Fédération syndicale unitaire (FSU) de l’académie alertent sur une série de #suicides parmi les personnels, qui placent la région dans une situation « inédite » : elle en a dénombré neuf – et trois tentatives – depuis juin 2024. Il s’agit majoritairement d’#enseignants, mais des accompagnants d’élèves en situation de handicap [#AESH] ou des personnels de vie scolaire comptent également parmi les victimes.

    Le rectorat, qui a répondu aux questions du Monde et réagi par voie de communiqué, samedi matin, fait état de six suicides « portés à la connaissance de l’académie » durant « l’année scolaire » commencée en septembre 2023, dont deux ont eu lieu durant les vacances d’été.

    Selon nos informations, neuf personnels se sont pourtant bien donné la mort depuis juin 2024, cinq entre juin et août. Les cinq départements de l’académie sont concernés. Tous ces drames, notamment ceux survenus durant les congés d’été, n’ont cependant pas fait l’objet, au niveau départemental, de la réunion d’une formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail, comme cela peut être demandé, entre autres, pour les cas de suicides. Le rectorat affirme que six cas ont été examinés par cette instance ; la FSU n’en compte que cinq.

    [...]

    La FSU condamne plus largement le manque de transparence du rectorat sur ces drames et, selon elle, l’absence d’enquête dans la plupart des cas. « Nous ne présumons pas du lien qu’ont ces suicides avec le travail des agents, mais il existe justement des instances pour enquêter et lever les doutes qui, dans certains cas, sont réels : on ne cherche pas de coupable, simplement des mesures pour éviter que cela se reproduise », insiste Claire-Marie Feret. D’autant, souligne-t-elle, que « jamais les registres santé et sécurité au travail n’ont enregistré autant de signalements et d’appels à l’aide », témoignant d’un « état de leur mal-être » des personnels.

    • Après avoir donné du suicide une définition préalable, dont la prétention à la validité s’étend à toute société humaine (universalisme méthodologique), Durkheim fait l’effort de rendre son objet d’étude problématique. Il construit à cette fin l’énigme suivante : pourquoi si, comme on a coutume de le dire, le suicide est chose toute personnelle, les taux de suicide nationaux sont-ils à ce point prévisibles ? La réponse sera produite en trois temps. 1) Grâce à la méthode statistique des variations concomitantes, il s’agira, dans une première partie de l’ouvrage, d’éliminer une à une les explications du suicide qui, mobilisant des facteurs « extra-sociaux » (maladie mentale, alcoolisme, hérédité, température, imitation…), ne respectent pas le principe, édicté au chapitre 5 des Règles, selon lequel les faits sociaux (ici, le suicide) ne peuvent être expliqués que par d’autres faits sociaux . 2) Il s’agira, dans la seconde partie de l’ouvrage, en s’appuyant toujours sur des données statistiques, de déterminer les faits sociaux qui expliquent le suicide en tant que fait social et qui rendent prévisible les formes qu’il prend. Ces faits explicatifs et prédictifs sont d’une part, le degré atteint par la division du travail au sein de la société, dont dépend la prédominance des suicides dits « altruistes » ou celle, au contraire, de ceux dits « égoïstes » ; d’autre part, la gestion politico-juridique du progrès de la division du travail, dont dépend la prédominance des suicides dits « anomiques » ou celle, au contraire, de ceux dits « fatalistes ». 3) Il s’agira enfin, dans la dernière partie de l’ouvrage, de répondre à l’énigme de départ, en développant une théorie sociologique de l’intégration sociale, capable de lier le niveau du fait social sui generis (appréhendé via le taux de suicide) à celui des comportements individuels (appréhendé via ’attitude de tel ou tel individu à l’égard du suicide). Cette théorie a des implications politiques : elle permet à Durkheim d’une part, de nous dire pourquoi, en tant que modernes, nous devons vouloir lutter contre le suicide ; d’autre part, d’indiquer des solutions politiques pour faire baisser le taux de suicide national, à savoir : le renforcement de l’organisation des groupes professionnels, dans la mesure où ceux-ci, si du moins, ils sont organisés de manière à respecter (et même à accroître) l’autonomie de leurs membres, préservent ces derniers contre les suicides égoïstes et anomiques, typiques de la modernité.

      Le Suicide apparaît ainsi, bien plus que le monument positiviste à quoi, parfois, on a cherché à le réduire, un grand livre politique.

      https://www.youtube.com/watch?v=-yeq1rHuYRI&t=12s

  • Violences scolaires, des violences entre adultes ? | #Éric_Debarbieux
    https://theconversation.com/violences-scolaires-des-violences-entre-adultes-246541

    La relation aux élèves ne s’est pas détériorée et reste à un niveau positif, ce qui est d’ailleurs en accord avec les enquêtes nationales de #climat_scolaire auprès des élèves. Ainsi, dans nos enquêtes, 80 % des répondants en 2022 pensent que la relation entre enseignants et élèves est bonne ou plutôt bonne, contre 78 % en 2013. Le sentiment d’être respecté par les élèves reste très majoritaire (84,5 %), pour toutes les catégories de personnel.[…]

    Ce qui est le plus significatif dans cette enquête renouvelée à dix années d’intervalle est un véritable effondrement de la qualité des relations entre adultes, en lien avec une remise en cause très forte des hiérarchies, tant proche que lointaine.

    • La vraie exigence, c’est d’avoir un traitement sécuritaire associé à la pédagogie et au travail en équipe. Mais qui ne sont pas vus aujourd’hui comme des solutions.

      Justement, vous montrez que la fragilité des équipes éducatives est un vrai problème face à la #violence

      L’instabilité des équipes éducatives est le premier facteur de risque identifié face à la violence en milieu scolaire. Et elles le sont surtout en #éducation prioritaire. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a automatiquement plus de violence dans les établissements concernés. Il y a aussi une crise de recrutement, avec de plus en plus de contractuels qui ne restent pas à leur poste, sans compter que plus de la moitié des #enseignants veulent démissionner [ah ?]. Cela va poser des problèmes essentiels.

      Dans la vie de tous les jours, les personnels de l’éducation nationale sont moins victimes de leurs élèves que de la violence institutionnelle. Ce qui est spectaculaire dans les dernières enquêtes menées, c’est l’augmentation des conflits d’équipe, du #harcèlement moral ressenti par les personnels – y compris par les chefs d’établissement se sentant eux-mêmes harcelés par un certain nombre de professeurs. 78 % des professeurs dans le second degré, 74 % dans le premier degré, se sentent méprisés, non soutenus par la haute hiérarchie. Or, pour faire face au problème de la violence en milieu scolaire, il faut une action collective. Comment voulez-vous pouvoir y faire face efficacement quand le collectif est aussi défaillant ?

      https://www.liberation.fr/societe/education/linstabilite-des-equipes-educatives-est-le-premier-facteur-de-risque-face

  • Le syndicat enseignant SNALC invite un instructeur du RAID aux idées d’extrême droite pour parler violences à l’école- Rapports de Force
    https://rapportsdeforce.fr/analyse/le-syndicat-enseignant-snalc-invite-un-instructeur-du-raid-aux-idees

    Le 23 janvier, le SNALC Créteil organise une journée de formation autour du thème « Faire face à la violence ». Mais un communiqué signé par plusieurs syndicats de Seine-Saint-Denis s’émeut. Le SNALC a décidé d’inviter un ancien brigadier major […] L’article Le syndicat enseignant SNALC invite un (...) @Mediarezo Actualité / #Mediarezo

  • Des #enseignants mondialisés ?
    https://laviedesidees.fr/Des-enseignants-mondialises

    Suivant une perspective internationale, Xavier Dumay montre l’émergence d’un champ des politiques de régulation de la profession enseignante où cohabitent des agents publics et privés animés par des intérêts différents mais co-construisant les réformes liées au recrutement, à la formation et à la mobilité des personnels.

    #Société #marché_du_travail #mondialisation
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250108_enseignants.pdf

    • En France, bien qu’il existe des mécanismes qui favorisent l’homogénéisation, dans la formation initiale notamment, et bien que les politiques ne remettent pas en question de manière franche le statut d’emploi, on observe malgré tout un processus d’hétérogénéisation de la profession enseignante. La première raison tient à une dualisation croissante du marché de l’emploi, du fait du recours croissant aux #contractuel·les. En une dizaine d’années, leur part dans le total des enseignant·es du second degré est passée de 4 à 8 ou 9 %. Cela ne semble pas une évolution très marquée, mais elle l’est pourtant si l’on prend en compte la lenteur du renouvellement de la profession du fait de la longue durée des carrières. Lorsque l’on examine les seuls néo-recrutements, la part des contractuel·les atteint ainsi 25 à 30 % – avec cependant de grandes variations en fonction des académies et des disciplines.

      [...] Ensuite, le phénomène de dualisation du statut évoqué précédemment ne s’accompagne pas d’une ségrégation massive entre les enseignant·es contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, à savoir que les enseignant·es contractuel·les se concentreraient davantage dans les établissements défavorisés, dans l’enseignement professionnel et dans les académies peu attractives. On constate plutôt un phénomène de « démarginalisation », de banalisation des contractuel·les dans le système éducatif. Cela signifie qu’elles et ils se retrouvent dans tous les types d’établissements, tous les niveaux d’enseignement, presque toutes les disciplines, tout autant les disciplines générales que professionnelles. Je voudrais toutefois noter une exception importante, qui est celle de la présence accrue des enseignant·es contractuel·les dans les établissements du réseau d’éducation prioritaire. La dualisation rampante de la profession enseignante en France pose donc des enjeux à la fois en termes d’efficacité globale du système scolaire, au vu de la place croissante occupée par les enseignant·es contractuels dans l’ensemble du système scolaire, mais aussi des enjeux d’inégalités sociales d’éducation, étant donné leur ségrégation dans le segment spécifique des établissements du réseau d’éducation prioritaire.

  • #enseignants : le grand déclassement ?
    https://laviedesidees.fr/Enseignants-le-grand-declassement

    Le métier d’enseignant fait l’objet d’une forte perte d’attractivité, comme le montrent la baisse des candidatures aux concours de recrutement et la hausse des démissions. Ce nouvel ouvrage de la collection Puf/Vie des idées explore les multiples facteurs et les effets de ce déclin.

    #Société #déclassement

  • Les enseignants contractuels sont-ils des enseignants comme les autres ? | Célestine Lohier, mars 2024
    https://ceet.cnam.fr/publications/connaissance-de-l-emploi/les-enseignants-contractuels-sont-ils-des-enseignants-comme-les-autres--14

    Les #enseignants #contractuels, qui jouent un rôle essentiel pour compenser le manque de candidats qualifiés et pour répondre aux besoins spécifiques d’enseignement, présentent des caractéristiques sociodémographiques distinctes des titulaires. Plus jeunes et plus souvent d’origine étrangère, ces contractuels sont recrutés localement sur des emplois marqués par la #précarité. Ce portrait des enseignants contractuels témoigne de la coexistence de deux voies d’entrée dans le métier enseignant, l’une clairement plus favorable que l’autre. Le tableau ébauché ci-dessus invite entre autres à se poser la question du devenir de ces enseignants précaires. Bertrand Delhomme (2019) suit les trajectoires d’enseignants contractuels du second degré recrutés en 2010. Parmi ceux qui sont encore dans la fonction publique huit ans plus tard, la majorité a été titularisée (56 %) ou « CDIsé » (24 %), attestant que le statut de contractuel peut donc être une voie d’accès au statut de fonctionnaire. Mais près de la moitié des contractuels recrutés en 2010 ne sont plus enseignants huit ans plus tard, indiquant une déperdition élevée certainement à mettre en lien avec les conditions d’emploi défavorables que nous décrivons. Ces éléments posent la question de l’attractivité et de la pertinence, notamment sur le long terme, du recours aux contractuels comme solution au manque de candidats aux concours.

  • Le vieillissement de la population enseignante, un enjeu majeur de ressources humaines
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/10/le-vieillissement-de-la-population-enseignante-un-enjeu-majeur-de-ressources

    D’un côté, le bas de pyramide s’est atrophié du fait de la forte contraction des recrutements dans les années 2000-2010. A l’autre extrémité, la part des #enseignants plus âgés ne cesse d’augmenter sous l’effet des réformes des retraites qui ont affecté les enseignants de manière « plus marquée » que d’autres catégories de la fonction publique d’Etat. En cause : l’allongement, depuis 1980, de la durée d’études requise pour exercer le métier (cinq ans après le bac), qui repousse l’âge d’entrée dans la profession et donc l’âge de la retraite à taux plein – au moins 66 ans, désormais, avec 43 ans de cotisations requis. Dans le même temps, l’accès aux dispositifs de départ anticipé a été fortement réduit.

    Alors que 6 % des enseignants auront plus de 60 ans en 2025, ils seront 16 % en 2035, calcule ainsi la Cour des comptes. Plusieurs problèmes vont ainsi se poser au premier employeur de l’Etat. Un défi de recrutement, d’abord, pour remplacer les futurs retraités dans un moment de crise d’attractivité du métier dont les effets pourraient ainsi s’aggraver. Des enjeux d’accompagnement, ensuite, alors qu’« il est très difficile d’aménager [les] fin[s] de carrière [des enseignants] comme leur reconversion », remarquent les magistrats. Le rapport note que « le degré de préparation pour faire face à cette tendance irrépressible au moins dans la décennie future paraît très insuffisant ».

    [...]

    Selon un rapport de France Stratégie sur la fonction publique paru lundi 9 décembre, plus d’un enseignant sur deux déclare ne pas être en mesure de conserver son travail jusqu’à la retraite. « Ce chiffre place le métier parmi les 25 % de ceux enregistrant la situation la plus défavorable, bien loin de la grande majorité des autres métiers qualifiés », note l’organisme de réflexion rattaché à Matignon.

    Signe, selon les syndicats, que les dernières années peuvent être pénibles au point que certains préfèrent abréger, quitte à perdre de l’argent : le taux d’enseignants prenant leur #retraite avec une décote est plus important que parmi tous les autres corps de métier de l’éducation nationale. Ils étaient près de 37 % dans le premier degré en 2022, 32 % dans le second, contre 20 % en moyenne dans la fonction publique d’Etat.

    [...]

    Le vieillissement du corps enseignant pose des problématiques de #santé au travail dans une administration qui ne compte que 77 médecins pour 1,2 million d’agents. La forte hausse du
    nombre d’enseignants de plus de 50 ans, davantage sujets aux absences longues, aux maladies professionnelles et aux accidents du travail, laisse également présager des besoins de remplacement accrus dans les prochaines années.

  • Les troubles du comportement en #maternelle : Les usages professionnels d’une catégorisation jugée imparfaite | Rachel Gasparini, Agora débats/jeunesses, 2021/1
    https://shs.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2021-1-page-113

    Les #troubles_du_comportement se caractérisent par une imprévisibilité et une violence qui viennent déstabiliser les normes d’activité professionnelle des #enseignants. Ils représentent une difficulté importante du métier d’autant plus dans le contexte actuel d’exigence institutionnelle de « bienveillance » et de prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers, sans oublier l’objectif de traitement égalitaire de tous les élèves (Gasparini, 2018 et 2019) et les injonctions à la performance (Garnier, 2016). L’ensemble de ces prescriptions déontologiques comporte le risque d’un certain coût psychologique avec une culpabilité inhérente à l’impossibilité de concilier les normes contradictoires de « l’idéal du métier » (Dujarier, 2012). Les métiers à caractère relationnel engagent ainsi beaucoup plus les professionnels de première ligne dans un travail émotionnel et la gestion de leurs dissonances émotives (Hochschild, 2017 ; Jeantet, 2018) que les professionnels plus distants comme les cadres et les professions intermédiaires de l’éducation nationale, qui sont le relais des instructions officielles, ou bien comme les prescripteurs à distance que représentent les professionnels médico-psychologiques et sociaux. Dans leur gestion quotidienne des troubles du comportement, les professeurs des #écoles courent le risque de se sentir incompétents, remis en cause dans leur professionnalisme, voire épuisés par le stress occasionné. S’ils ne remettent pas en cause la norme morale dominante dans notre société concernant le devoir d’accueil des plus faibles, ils contestent les conditions d’application sans moyens de l’idéologie inclusive qui tend à invisibiliser les différences des élèves au détriment de la réalité des conditions difficiles d’exercice de leur profession (Zaffran, 2013), avec pour conséquence une tendance chez les enseignants à accroître un processus de désignation reposant sur la surestimation du nombre d’#enfants potentiellement concernés par les catégories médico-psychologiques.

    La problématique que nous nous posons ici est la suivante : comment expliquer que l’expression « troubles du comportement » circule aussi fréquemment dans les discours professionnels, alors même que ces derniers sont d’accord pour dire qu’elle est inadéquate, du fait des implicites erronés qu’elle comporte ? Ces implicites sont de trois ordres : une centration sur l’enfant et non pas sur le contexte d’expression du comportement, une explication simpliste ne rendant pas compte du caractère multifactoriel des causes (éducatif, social, clinique, scolaire), le poids d’un jugement normatif et moral.

    Trois hypothèses seront explorées. Premièrement, l’usage de cette expression est symptomatique de la « #médicalisation » et de la « #psychologisation » du champ pédagogique et des #difficultés_scolaires. Deuxièmement, le recours à cette expression permet aux enseignants de déléguer la prise en charge du « sale boulot » de gestion des comportements difficiles à d’autres professionnels. Sans exclure ces deux hypothèses qui se vérifient en partie dans nos résultats, nous voudrions en explorer une troisième : parler de troubles du comportement permet une certaine reconnaissance officielle des difficultés rencontrées par les enseignants et leur donne l’occasion de s’appuyer sur d’autres regards et savoirs professionnels pour orienter leur action pédagogique. Nous avons montré par ailleurs (Gasparini, 2018) combien la forme scolaire pouvait ainsi se trouver renforcée (par un travail de normalisation des conduites et de consolidation des compétences interactionnelles utiles en société), réaménagée (via des ruses pédagogiques, des arrangements pratiques) ou évacuée (avec une mise à l’écart de la classe ou une délégation à d’autres professionnels).

  • Derrière le rejet de la suppression de 4 000 postes d’enseignant, les limites d’un système scolaire en crise
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/17/derriere-le-rejet-de-la-suppression-de-4-000-postes-d-enseignant-les-limites

    L’#éducation nationale reste en outre fragilisée par les politiques de suppressions de postes massives opérées durant les années 2000, et notamment pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Si 54 000 postes ont été recréés durant le quinquennat Hollande, les pertes n’ont « jamais été compensées », rappelle l’historien Emilien Ruiz, auteur de Trop de fonctionnaires ? (Fayard, 2021). Alors que le nombre d’élèves dans le système scolaire est le même qu’au milieu des années 2000, « le nombre d’#enseignants reste inférieur de 32 000 à celui de 2007 », souligne le chercheur.

    Les effectifs d’enseignants spécialisés des réseaux d’aide [aux élèves en difficulté = #RASED] en primaire sont, par exemple, toujours inférieurs d’un tiers à ce qu’ils étaient dans les années 2000, alors même que l’augmentation considérable du nombre d’enfants en situation de #handicap ou à besoins particuliers a fait croître la demande. Dans le secondaire, les effectifs de 45 000 enseignants remplaçants en 2006 ont fondu à un peu plus de 20 000, dont seuls 9 000 sont encore des titulaires.

    « Après une période de baisse, les effectifs scolaires sont repartis à la hausse et ont absorbé en grande partie les créations de postes décidées sous François Hollande », explique Jean-Paul Delahaye, numéro 2 du ministère de l’éducation nationale entre 2012 et 2014. Cette décennie marque également le début de la grave crise de recrutement que traverse encore l’éducation nationale, qui a empêché de pourvoir tous les postes.

    De même, la chute du pouvoir d’achat des enseignants due au gel de la rémunération des fonctionnaires entre 2008 et 2022, exception faite de 2016 et 2017, n’a pas été rattrapée, notamment en milieu et fin de carrière. « Parmi les diverses causes à la chute du nombre de candidats aux concours figurent la dégradation des conditions de travail des enseignants et l’effondrement de leur pouvoir d’achat », estime Emilien Ruiz. Or, « la politique qui s’annonce, du point de vue des effectifs comme de leur rémunération, n’aura manifestement pas pour objectif d’inverser cette tendance inquiétante ». Le budget 2025 ne prévoit en effet pas de nouvelle revalorisation des enseignants. « L’absence de mesure de revalorisation est plus grave que les suppressions de postes à mon sens, car la prolétarisation de cette profession a des effets catastrophiques », estime l’ancien recteur Alain Boissinot.

  • Les professeurs des écoles et la psychologie - Les usages sociaux d’une science appliquée | #Stanislas_Morel, Sociétés contemporaines, 2012/1
    https://shs.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2012-1-page-133

    La mise en évidence du recours possible à d’autres schèmes explicatifs [des difficultés d’un élève] a le mérite de rompre avec l’apparente évidence de l’utilisation des schèmes psychologiques et oblige à s’interroger sur les raisons du choix de ce registre particulier. Un constat s’impose : les connaissances sociologiques permettent une compréhension de la situation de Rachid [élève de CM1 en difficulté scolaire] et de sa famille, mais elles ne débouchent, en revanche, sur aucune solution individuelle et immédiate. Si certains enseignants s’engagent au côté des parents pour les aider à améliorer leur situation matérielle (soutien pour des recherches d’appartement, aide pour obtenir des papiers, organisation de cours de langue), ce genre de réponses demeure isolé et s’effectue en marge du métier. Rappelons, par ailleurs, qu’il n’y a pas d’assistante sociale dans les #écoles primaires (sauf à Paris).

    À l’inverse, la réponse « psychologique » a l’avantage de permettre une forme d’intervention relativement directe sur l’environnement dans lequel évolue l’enfant sans pour autant sortir totalement des missions assignées à l’École en général et aux enseignants en particulier. Trouvant sa légitimité dans la souffrance psychique de l’enfant à l’école, l’intervention psychologique autorise les enseignants à entreprendre de changer son environnement familial, en préconisant, par exemple, le recours aux psychologues pour un travail de guidance familiale. Contrairement au caractère diffus des problèmes sociaux, l’entrée psychologique dans l’échec scolaire permet, par ailleurs, d’identifier des causes ciblées, voire des « responsables » (manque d’autorité du père dans le cas de Rachid), sur lesquels il est possible d’agir. Psychologisation rime alors avec responsabilisation d’un ou des parents, ces derniers passant du statut d’« agents » subissant les déterminismes sociaux à celui d’« acteurs » de la réussite ou de l’échec de leur(s) enfant(s). Le recours au registre psychologique induit enfin la délégation des « problèmes » aux spécialistes (en l’occurrence les « psys ») dont le métier est précisément d’apporter de l’aide aux enfants en difficulté et à leur famille. Si elle n’explique pas à elle seule l’utilisation de tel ou tel registre explicatif, la présence de praticiens à qui les enseignants peuvent déléguer les enfants en difficulté pèse néanmoins fortement sur le type de schèmes cognitifs qu’ils mobilisent. Ainsi, en l’état actuel des choses, l’usage de la psychologie permet aux enseignants d’agir sur des problèmes sur lesquels ils considèrent n’avoir que peu de prise. Il s’agit donc, chez certains enseignants au moins, d’une des modalités de production de la croyance en la possibilité d’action et de résolution (fût-elle partielle) des difficultés scolaires et, partant, de maintien de l’illusio professionnelle.

    #enseignants #psychologie #échec_scolaire

  • Des syndicats enseignants appellent à la grève dans les écoles maternelles et élémentaires le 10 septembre
    https://www.francetvinfo.fr/societe/education/des-syndicats-enseignants-appellent-a-la-greve-dans-les-ecoles-maternel

    Des syndicats enseignants, FSU-SNUipp, CGT éducation et Sud éducation, prévoient une journée de grève dans les #écoles maternelles et élémentaires le mardi 10 septembre, contre la généralisation des #évaluations_nationales dans toutes les classes de l’école élémentaire, a appris franceinfo, lundi 26 août, lors d’une conférence de presse de la FSU-SNUipp. Les trois syndicats appellent les professeurs des écoles à ne pas faire passer ces tests, car la grève aura lieu « pendant la passation des évaluations nationales », précise Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole de la FSU-SNUipp.

    • Les évaluations nationales des élèves ont à voir avec la volonté d’évaluer les enseignants eux-mêmes et de différencier leur rémunération.
      Article de 2022 :
      Paye au mérite : Histoire d’une obsession
      https://cafepedagogique.net/2022/04/04/paye-au-merite-histoire-dune-obsession

      C’est Sarkozy qui lance dès 2007 l’idée d’une rémunération des #enseignants basée sur les résultats des élèves. Révélée par Education & formations, une revue de la Depp (n°86-87), la lettre de mission de N Sarkozy à Xavier Darcos, en 2007, l’invite à mettre en place un dispositif en ce sens. « Nous voulons que la rémunération des enseignants corresponde mieux à l’importance de leur rôle pour la nation… Nous souhaitons que le #mérite soit reconnu, tant au niveau individuel que collectif. C’est possible tout en étant objectif », écrit N Sarkozy. « Nous souhaitons que vous mettiez en place un dispositif d’évaluation beaucoup plus conséquent de notre système éducatif. Celui-ci devra comprendre quatre volets : une évaluation systématique de tous les élèves tous les ans, afin de repérer immédiatement les élèves en difficulté et de pouvoir les aider ; une évaluation régulière des enseignants sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves ».

      En 2009 JM #Blanquer revient rue de Grenelle comme directeur de l’enseignement scolaire du ministre Chatel. C’est à lui que revient de mettre en place l’évaluation de fin d’année de Ce1. Ces évaluations sont élaborées par la #Dgesco (division de l’enseignement scolaire), et non par la Depp (division des études du ministère). Elles seront obligatoires pour tous les élèves jusqu’à l’alternance politique de 2012 avant de disparaitre. JM Blanquer s’implique beaucoup dans la réalisation de cette commande élyséenne au point qu’on parlera « d’évaluations Blanquer ». Au point aussi de créer une prime spéciale de 400€ pour les enseignants qui les font passer, soit un cout d’une quarantaine de millions.

      Dans ces évaluations on retrouve les deux objectifs de la lettre de mission de N Sarkozy. D’une part évaluer le niveau des élèves. D’autre part avoir une idée du mérite de l’enseignant à travers les résultats de ses élèves. Si l’évaluation avait été généralisée aux 4 [autres] niveaux [d’élémentaire], on aurait pu suivre les progrès des élèves et, en théorie, les lier à des enseignants précisément. Mais dans le discours public cet objectif n’apparait pas, ce qui n’empêche pas des enseignants de manifester des doutes.

    • Faut-il abandonner les évaluations nationales ? | Paul Devin
      https://blogs.mediapart.fr/paul-devin/blog/110924/faut-il-abandonner-les-evaluations-nationales

      Le premier but est de contraindre les contenus d’enseignement. [...] Plus efficacement que la transformation des programmes, qui aurait suscité bien des débats, les évaluations nationales ont donc permis, facilement et rapidement, de modeler l’activité enseignante sur une conception de l’apprentissage de la lecture que le ministre voulait défendre par choix idéologique personnel. [...]

      Le second but des évaluation nationales est de construire un modèle qui cherche à réduire l’acte enseignant à un couple d’actions : évaluation/remédiation. La première conséquence sera la contrainte méthodologique de l’enseignante ou de l’enseignant. Mais, au-delà, en proposant un exercice ciblé en réponse à la détection d’une compétence non acquise, l’idée est d’explorer l’automatisation de l’enseignement grâce à une intelligence artificielle capable d’apparier les erreurs diagnostiquées par l’évaluation avec des exercices correcteurs. [...]

      Le troisième but [consiste à] mettre en œuvre, tôt dans le cursus scolaire, une catégorisation qui permettrait la constitution des classes de niveau dès la 6ème et l’orientation précoce vers la formation professionnelle avant même la fin du collège.

  • Enseignement : les concours ne font pas le plein, la crise du recrutement se poursuit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/07/08/enseignement-les-concours-ne-font-pas-le-plein-la-crise-du-recrutement-se-po

    Selon les résultats définitifs publiés [opportunément le lendemain des élections] lundi 8 juillet par le ministère, 1 163 postes n’ont pas été pourvus dans le premier degré public (contre 1 227 en 2023), concentrés dans les académies en crise, Créteil, Versailles, Mayotte et la Guyane, qui sont désormais structurellement déficitaires. Dans les deux académies franciliennes, les plus grosses du pays, il manquait, à l’issue du concours externe, 48 % des postes à Versailles et 39 % à Créteil, des carences qui n’ont pu être que partiellement comblées par l’organisation de concours supplémentaires.

    Dans les vingt-sept autres académies, qui, elles, font le plein, le ministère a autorisé le recrutement sur listes complémentaires là où elles ont pu être constituées. « Recourir aux listes complémentaires démontre que, même dans les académies qui ne sont pas déficitaires, la situation est tendue », remarque Guislaine David, secrétaire général du SNuipp-FSU. Dans un communiqué publié début juin, le syndicat avait dénoncé une « érosion massive (…) imputable au gouvernement actuel ».

    Dans le second degré, l’agrégation, si elle continue à mieux recruter que les autres concours, voit son taux de couverture baisser (94 % contre 95,7 % en 2023). La situation s’améliore en revanche pour le #Capes externe public, principale voie de #recrutement des professeurs de collège et de lycée, mais 12,4 % des places, soit 635 postes, restent encore en souffrance, contre 17 % en 2023. Les différences sont nettes entre les matières qui pourvoient tous leurs postes, comme l’histoire-géographie ou les sciences de la vie et de la terre, et les disciplines en crise, au premier rang desquelles figurent les mathématiques (20 % de postes non pourvus), l’allemand (54,5 %), les lettres modernes (11 %) ou encore les lettres classiques (36 %).

    [...]

    La pénurie s’aggrave, en revanche, dans l’enseignement technique, où près d’un quart des places reste vacant au concours externe, contre moins de 15 % en 2023. Dans les lycées professionnels, le bilan s’améliore mais reste très problématique, avec 23 % de postes non pourvus (28 % en 2023). « Après deux sessions catastrophiques (…), la session 2024 du CAPLP n’est guère plus brillante », se désole le Snuep-FSU dans un communiqué.

    « Chaque année qui s’écoule vient aggraver le problème », pointe Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. Et les manques se cumulent. Selon la Cour des comptes, il aurait ainsi manqué plus de 5 500 enseignants sur la période 2017-2021, soit plus de 1 100 chaque année – des chiffres qui se sont largement aggravés depuis, notamment après le déplacement des concours à la fin du bac + 5 en 2022.

    [...]

    L’urgence est d’autant plus grande que, selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de 2022, 329 000 #enseignants doivent être recrutés d’ici à 2030 pour remplacer les départs en retraite. « Le mur approche », s’inquiète Sophie Vénétitay.

  • « Les stages de 2de risquent de renforcer les inégalités sociales »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/06/18/les-stages-de-2de-risquent-de-renforcer-les-inegalites-sociales_6241006_3224

    En septembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale, annonçait vouloir « reconquérir le mois de juin », souvent marqué par un fort taux d’absentéisme à l’école. Il propose alors, pour les élèves de 2de générale et technologique, un stage d’observation. Si les #entreprises sont « incitées » par le gouvernement à accueillir des stagiaires de 2de la dernière quinzaine du mois de juin, la circulaire reste floue quant à l’implication des équipes éducatives, des parents et quant à la mobilisation éventuelle d’associations dans sa mise en œuvre.

    Une possibilité supplémentaire de « découvrir le monde économique et professionnel » et de réfléchir à l’orientation, pour reprendre la circulaire, est a priori une bonne idée, mais est-ce possible à moyens constants et sans temps d’organisation dévolus sur l’ensemble des territoires ? C’est sans doute l’anticipation de la difficile mise en application de cette circulaire qui a conduit le Conseil supérieur de l’éducation, organe consultatif du ministère de l’éducation, à rejeter massivement le projet de texte le 16 novembre dernier.
    A quelques jours du début de la période de stage, des syndicats d’enseignants estiment à 25 % le nombre d’élèves ayant trouvé un stage, laissant penser qu’il ne suffit pas d’une plate-forme (1jeune1solution. gouv) pour mettre en relation les élèves et les potentiels lieux de stage.

    Les élèves se débrouillent seuls

    Des leçons sont à tirer du très inégalitaire #stage_de_3e. La grande difficulté pour trouver un stage de 3e que rencontrent les #collégiens dont les parents ne peuvent puiser dans leur réseau professionnel et personnel aurait dû conduire à organiser des moyens d’accompagner l’accès à ces stages d’observation en milieu professionnel, en particulier dans les établissements où les enfants de milieux populaires sont surreprésentés. Dans ces collèges, où la grande majorité des élèves se débrouillent seuls pour trouver un stage et sont contraints de multiplier les candidatures (CV, lettre de motivation), le stage de 3e est d’abord l’expérience de multiples refus, voire de discriminations raciale et territoriale.

    Une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’#éducation populaire de 2018 note que 30 % des élèves de collèges en réseau d’éducation prioritaire (REP) ont dû contacter cinq entreprises et plus (alors que c’est le cas de seulement 17 % des élèves des établissements hors REP). Conséquence de ce parcours du combattant : selon cette même enquête, dans le département des Yvelines, seuls 43 % des élèves d’établissements #REP font le stage de leur choix, contre 69 % dans les établissements hors REP.

    La nature des stages est également très connotée socialement, puisque ceux-ci sont réalisés dans une diversité de lieux et de domaines dans les établissements les plus favorisés, ce qui contraste avec l’homogénéité des stages dans les établissements les moins favorisés. Des différences qui s’accentuent encore davantage lorsque l’on ajoute à l’origine sociale la variable du genre. Les trois quarts des filles en #collège_REP réalisent leur stage dans le commerce, la grande distribution, l’enseignement, l’artisanat et en pharmacie.

    Tâches impensées

    Les moyens nécessaires à la mise en place de ces stages ne sont pas pensés et l’accompagnement invisibilisé. Pour les équipes éducatives, et plus encore celles des établissements en REP ou en zone rurale, les stages en 3e sont loin de se limiter à cinq jours dans l’année. L’organisation d’une semaine ou d’un forum des métiers, l’aide à la réalisation d’un CV, l’ouverture d’une boîte mail et l’inscription sur les plates-formes sont anticipées bien en amont des stages. Si, dans quelques établissements très privilégiés, les associations de parents (voire des clubs d’entrepreneurs) prennent en charge l’organisation de forums des métiers, la mise en relation des élèves avec des entreprises et l’organisation des oraux, dans la majorité des cas, ce sont les #enseignants qui accompagnent l’accès à ces stages, parfois soutenus par des associations.

    Pour permettre à des élèves en REP de trouver le stage de leur choix, l’association couple la mise à disposition d’une plate-forme à un accompagnement tout au long de l’année, qui commence parfois dès la 4e par des ateliers thématiques qui visent à décrypter les annonces publiées sur la plate-forme, oser postuler un stage, rédiger des éléments de motivation, échanger par mail avec les tuteurs… En amont des stages, l’association forme les entreprises à la rédaction d’annonces et d’objectifs de stage compréhensibles pour les élèves.

    Autant de tâches impensées mais essentielles à la réalisation des stages, qui s’ajoutent aux missions des équipes éducatives et qui ont facilement fait de déborder sur les heures de cours ou de rajouter du travail supplémentaire non rémunéré, puisqu’elles ne font pas l’objet de ressources supplémentaires pour les établissements scolaires. La charge de travail déléguée à l’équipe éducative, souvent au professeur de technologie qui parfois réduit ses heures de cours pour se consacrer au stage, est d’autant plus importante que l’établissement est socialement ségrégué, et que la part de stages pris en charge par le réseau familial est faible.

    Nouveau moyen de distinction

    Le risque est clair : le #stage_de_2de pourrait être un nouveau moyen de distinction profitant aux #lycéens les plus favorisés. Comme pour d’autres politiques éducatives, le gouvernement s’est ici hâté dans la mise en place d’une réforme en théorie intéressante, mais qui, en pratique, présente de nombreuses limites et ignore les retours d’expérience des acteurs de terrain sur des dispositifs similaires.

    Les possibilités pour tous les élèves de trouver un stage en même temps sont encore plus contraintes par la synchronicité des dates, qui correspondent également aux stages des lycéens professionnels pour beaucoup d’établissements. L’écueil du stage de 2de est d’être, encore davantage que pour le stage de 3e, un objet de distinction, à un an et demi des procédures d’admission pour les formations d’études supérieures, par Parcoursup.

    Expérience de #stage subi dans un secteur dévalorisé ou de stage prestigieux dans une structure internationale, service national universel ou mobilité européenne et internationale (deux dérogations possibles au stage) risquent de s’ajouter aux multiples étapes de la scolarité conduisant à la reproduction sociale.

    Aude Kerivel est sociologue et directrice du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques et des innovations (Leppi), Yassir Mamodbakar est étudiant en master à Sciences Po et stagiaire du Leppi et Chloé Michaud est économiste au Leppi.

    #SNU #école

  • Le #Maitron : #Dictionnaire_biographique du mouvement ouvrier et mouvement social

    Le site maitron-en-ligne reprend, parfois dans une version enrichie et avec de l’iconographie, la totalité des 225 709 notices publiées dans l’ensemble du Maitron, y compris les volumes spécialisés et les cédéroms.

    L’ensemble des notices correspondant aux cinq premières périodes du Maitron, de 1789 à 1968, y compris les notices inédites ou enrichies qui viendront s’y ajouter à l’avenir, sont en libre accès depuis le 5 décembre 2018.

    • La rubrique Dictionnaires reprend l’ensemble des dictionnaires spécialisés du Maitron récemment réalisés ou en cours de réalisation/réactualisation.

    Le Dictionnaire des #anarchistes - Le Dictionnaire biographique des #cheminots (#DBC) - Le Dictionnaire biographique des #enseignants et personnels de l’éducation (#DBE) - Le Dictionnaire biographique des #fusillés et #exécutés (#DBFE) - Le Dictionnaire biographique des #Gaziers-électriciens (#DBGE) - Le Dictionnaire biographique des militants du #Val-de-Marne (#DBMVM)

    Parmi les dictionnaires internationaux, on retrouvera notamment Le Dictionnaire du mouvement ouvrier en Grande-Bretagne et Irlande - Le Dictionnaire biographique du #Komintern (DBK) - Le Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis (La sociale en Amérique) - Les dictionnaires biographiques du mouvement ouvrier au Maghreb, en cours de chargement, et en particulier le Dictionnaire Algérie - Le Dictionnaire Chine - Le Dictionnaire Autriche - Le Dictionnaire biographique des mobilisations et contestations africaines, et le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en Belgique, en cours de constitution.

    S’ajoutent certaines entrées thématiques, telles que la navigation parmi les notices de femmes, ou pour des corpus importants, comme les Volontaires en Espagne républicaine.

    • La rubrique Périodes correspond au découpage chronologique traditionnel du Maitron, avec ses quatre premières périodes déjà publiées et la cinquième période (1940-1968). Toutes les notices de ce site sont donc reliées à une ou plusieurs périodes.

    • Pour chaque biographie, trois « Rebonds » vous sont proposés. Ils sont choisis aléatoirement parmi les notices présentant des similitudes chronologiques, géographiques et socioprofessionnelles. Ces rebonds varient à chaque visite ou à chaque affichage de la biographie.

    • Pour certains corpus, figure aussi une invitation à « Aller plus loin », vers des articles de présentation ou de synthèse. Ces contenus sont bien sûr amenés à s’enrichir et à se développer. Ils correspondent aussi à la rubrique « Explorer le Maitron » de la page d’accueil.

    • Un moteur de « recherche avancée » permet des recherches avec croisement des informations. Depuis le mois d’octobre 2019 le tri par département, et même par groupe de départements dans la limite de 5, est possible.

    https://maitron.fr

    #dictionnaire #fiches #figures #fiches #notices

    @dlatr a émis ici quelques difficultés techniques et d’organisation :
    https://seenthis.net/messages/1029782

    • #CAUSIMMI : #cause_immigrée

      La cause immigrée : mobilisations, organisations et militant.e.s dans la France des années 68 à nos jours (CAUSIMMI).

      Le projet CAUSIMMI vise à étudier la cause immigrée, des « années 68 » jusqu’à aujourd’hui, cause englobant l’ensemble des #mobilisations aspirant à l’égalité de droits et de traitement en France, entre nationaux et étrangers ou perçus comme tels, dans différents domaines : entrée et droit au séjour ; droit de vote, droit d’association et droits syndicaux ; travail ; logement ; santé ; police et justice ; administration et action publique ; ou encore culture.

      CAUSIMMI prend en considération l’ensemble des organisations ayant pris part à ces mobilisations : organisations constituées par des travailleurs et des étudiants étrangers dès les années 1960, que ce soit des comités de lutte centrés sur des thématiques précises ou bien des associations autonomes aux préoccupations plus larges et souvent structurées sur une base nationale, communautaire et politique ; associations de jeunes immigrés créées dans les années 1980 ; groupes de femmes immigrées nés à partir des années 1970 ; associations de solidarité avec les immigrés, qu’elles soient anciennes ou plus récentes ; associations de défense des droits de l’homme ou antiracistes engagées dans la cause immigrée ; collectifs de militant.e.s apparus à partir du début des années 1990 et se définissant à la fois comme des héritiers de l’immigration et des habitants de quartiers populaires ; groupes apparus après 2004 et se reconnaissant dans de nouvelles formes d’identifications collectives et ayant concouru à faire exister des concepts émergents autour des questions de racisation, de décolonialisme, d’intersectionnalité ou d’afroféminisme.

      De façon équivalente, CAUSIMMI prend en compte des organisations ne se concentrant pas sur la seule cause immigrée, mais qui ont pu en être actrices à divers degrés. À ce titre, sont donc inclus des militant.e.s appartenant à des partis politiques de gauche, et notamment PS, PC, PSU et Verts ; à des organisations d’extrême gauche, en particulier maoïstes, trotskyste, anarchiste, communistes libertaires, autonomes, ou encore antifascistes ; à des organisations s’inscrivant dans le champ du christianisme social ; ou encore à des syndicats dont l’action en faveur de la cause immigrée a souvent dépassé le domaine du travail.

      En recensant ces mobilisations et ces organisations, le projet CAUSIMMI constituera une base de données concernant les militant.e.s de la cause immigrée et produira environ 400 notices biographiques reprenant le modèle du MAITRON (le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social).

      Ce projet collectif s’appuie sur les sources laissées par des générations de chercheuses, chercheurs et militant.e.s spécialistes de la cause immigrée. Il ne pourra prendre en compte toute la diversité de cette cause qu’avec l’aide de contributrices et contributeurs s’engageant de façon ponctuelle ou régulière.

      L’équipe CAUSIMMI lance donc un appel à collaborations. Celles-ci pourront consister à écrire des notices biographiques ; proposer des listes d’organisations et de militant.e.s de la cause immigrée ; indiquer l’existence d’informations biographiques concernant ces militant.e.s dans tels ou tels travaux ou documents ; ou simplement faire des suggestions.

      https://maitron.fr/spip.php?article252819

  • La crise de recrutement des enseignants s’enkyste
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/05/15/la-crise-de-recrutement-des-enseignants-s-enkyste_6233368_3224.html

    Après 3 100 places non pourvues en 2023 et 4 000 en 2022, des postes d’#enseignants ne trouveront pas preneurs pour la rentrée 2024, obligeant le ministère à recourir à des #contractuels.

    Selon les premiers résultats d’admissibilité compilés par Le Monde avec le site de gestion des concours Cyclades, plusieurs centaines de postes sont d’ores et déjà vacants dans le premier degré et environ 90 dans le second, des chiffres qui devraient augmenter une fois les concours terminés, le nombre d’admis étant inférieur au nombre d’admissibles. La courbe n’arrive pas à s’inverser depuis la chute des inscriptions qui s’est opérée entre 2021 et 2022 avec le passage du concours en fin de deuxième année de master. Dans ce contexte tendu, le gouvernement mise sur une réforme de la formation et le déplacement en fin de licence des #concours pour y remédier dans les prochaines années.

    [...]

    Les résultats d’admissibilité viennent confirmer la crise systémique que traverse la profession. Comme les années précédentes, ils dessinent cependant un paysage bien différent d’une académie à l’autre ou d’une discipline à l’autre. Dans le premier degré, trois académies concentrent, année après année, les difficultés : la #Guyane, #Créteil et #Versailles. Les deux dernières académies ont, et de très loin, les besoins en #recrutement les plus élevés du pays. En 2024, l’académie de Créteil compte ainsi 733 admissibles pour 1 037 postes ; l’académie de Versailles 744 admissibles pour 1 230 postes ; et la Guyane 61 admissibles pour 152 postes. Les concours supplémentaires organisés depuis plusieurs années dans les académies franciliennes pour augmenter les viviers combleront seulement une partie de ces manques.

    En 2023, la direction générale des ressources humaines du ministère de l’#éducation nationale confiait au Monde qu’à partir de 1,5 admissible par poste la qualité du recrutement était « suffisante ». Vingt-trois académies sur 29 atteignent ce seuil cette année, un chiffre identique à l’année précédente. Sur le long terme, la tendance à la baisse est néanmoins éloquente. On compte ainsi 45 % d’admissibles en moins entre 2008 et 2024.

    [...]

    De l’aveu même du ministère de l’éducation nationale, trois disciplines « risquent de rester en difficulté » : l’espagnol, les mathématiques et les lettres modernes. Ainsi, malgré une augmentation du nombre d’admissibles par rapport à 2023, le Capes de mathématiques n’arrive qu’à un ratio de 1,2 admissible par poste, ce qui peut laisser présager des postes vacants à l’issue de la phase d’admission. Au #Capes de lettres modernes, les jurys auront face à eux seulement un peu plus d’un candidat pour un poste lors des oraux d’admission. La physique-chimie est également dans ce cas de figure.

    A l’heure de la mise en place du #choc_des_savoirs et de groupes en français et en mathématiques en 6e et en 5e pour prendre en charge l’hétérogénéité des élèves, les résultats d’admissibilité à ces Capes interrogent. Qui assurera cette mission si des postes sont laissés vacants ?

    [...]

    La modification du recrutement et de la formation risque, en outre, de ne constituer qu’une partie de la réponse au déficit d’attractivité. Dans les enquêtes menées auprès des étudiants, la faible rémunération, les conditions de travail ou encore la reconnaissance du métier sont des éléments bien plus décisifs dans le choix de rejoindre la profession que la place du concours ou le niveau de diplôme.

  • « Certes, l’on initie à l’école maternelle l’enfant à son rôle d’élève, mais cela ne doit pas se faire en oubliant les visées de socialisation au jugement individuel et critique » | entretien avec #Ghislain_Leroy
    https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=4344

    Du côté de l’#école #maternelle, j’ai pu montrer à ce titre de profondes évolutions curriculaires. Durant la période allant des années 1970 à nos jours, les objectifs de lire-écrire-compter gagnent très largement du terrain, qu’il s’agisse d’aborder ces apprentissages directement ou indirectement (par exemple, par la phonologie). Cela s’effectue au détriment d’autres objectifs, qui étaient jadis hautement légitimes, tels que le « vivre ensemble » ou encore « l’affectivité » (je reprends des catégories de textes officiels anciens de l’école maternelle). Dans mon ouvrage L’école maternelle de la performance enfantine, je montre que ces évolutions du #curriculum formel ont changé les pratiques effectives. Elles sont parfois plus scolarisantes encore que les pratiques prescrites par le curriculum officiel ; par exemple, quand on insère systématiquement des objectifs d’écriture (comme le graphisme) dans les activités d’arts plastiques, alors même que ce n’est pas demandé par les textes officiels les plus scolarisants, comme ceux de 2008. Les enseignants apparaissent alors, en un sens, plus royalistes que le roi ! C’est qu’ils ont intégré l’importance de la demande de « fondamentaux ».

    Deuxièmement, le curriculum n’est pas lié qu’à une priorisation de certains objectifs en termes de disciplines scolaires. Il valorise aussi certains comportements et en dévalorise d’autres. Cherche-t-on à ce que l’enfant fasse ce que l’adulte veut ? Qu’il soit concentré ? Qu’il obéisse ? Qu’il fasse preuve de créativité ? Qu’il s’affirme ? L’évolution scolarisante de l’école maternelle que j’ai évoquée ci-avant va aussi dans le sens d’attentes disciplinaires [comportementales] plus importantes entre 3 et 6 ans. Dans les années 1970, on cherchait à ce que l’enfant s’individualise par des expérimentations personnelles et propres. On valorisait aussi la figure d’un adulte attentif aux soins affectifs envers l’enfant. Dans les pratiques, les choses furent très variées, et ces objectifs éducatifs furent loin d’être mis en œuvre partout, mais c’est une tendance de l’époque.

    RG : Quels sont les effets ou les conséquences de cette évolution ?

    GL : Parce que l’on attend plus de résultats scolaires de l’école maternelle, on attend des #enfants plus précocement « #élèves » et la relation de #soins affectifs a très largement, du même coup, perdu en légitimité (il faut donner à voir l’image d’une école maternelle « école »). Cela pose parfois la question d’une maternelle contemporaine n’hésitant pas à être brutale dans la relation à l’enfant ; j’ai pu documenter des situations de #maltraitance_éducative, liée au climat de fortes attentes de résultats scolaires. Dans ce contexte, j’analyse dans plusieurs productions récentes le succès actuel de la notion d’#autonomie comme le signe d’une valorisation non plus d’un enfant simplement obéissant, mais d’un enfant appliquant de lui-même, avec zèle et enthousiasme, ce que l’on attend de lui. Il est particulièrement rallié au projet éducatif que l’on a pour lui, et l’idée d’un hiatus entre ce que l’on veut pour lui, et ce qu’il veut, s’évanouit. C’est surtout frappant dans certaines approches #Montessori qui doivent donc être analysées dans leurs dimensions disciplinaires latentes. Nombre d’acteurs éducatifs contemporains (#enseignants, mais aussi parents) n’envisagent plus que l’enfant puisse ne pas adhérer, en tant qu’individu, au projet éducatif que l’on forge pour lui. J’estime qu’il revient au sociologue de l’enfance d’exercer une vigilance critique vis-à-vis de ce type de « définitions sociales de l’enfant » actuellement en croissance, pour reprendre l’expression de Chamboredon.

    [...]

    RG : Vers quoi devrait, selon vous, tendre le curriculum de l’école maternelle dans le contexte actuel ?

    GL : Je reste assez convaincu que l’école maternelle devrait dialoguer davantage avec d’autres institutions préscolaires, dites « holistiques », qui se fixent des objectifs de développement de l’enfant qui ne sont pas que scolaires. Il ne s’agit évidemment pas pour autant de mettre de côté les objectifs de réduction des inégalités socioscolaires, mais de considérer que le suivi d’objectifs préparatoires à la suite de la scolarité et d’objectifs de développement plus globaux (que l’on peut éventuellement nommer socio-émotionnels) sont probablement plus complémentaires qu’opposés. Je ne souscris pas à l’idée selon laquelle la surscolarisation de l’école maternelle serait un remède à la lutte contre les inégalités sociales. Je crois à ce que je nomme une « professionnalité complexe » à l’école maternelle, capable d’être exigeante sur les ambitions d’apprentissages scolaires (en particulier pour les enfants ayant peu de dispositions scolaires), tout en étant capable de saisir également les vertus de moments moins directifs ; d’apprendre, progressivement, aux enfants à devenir des élèves, tout en étant sensible à leur développement socio-émotionnel plus général. Le lien adulte/enfant à l’école maternelle ne saurait se réduire à la relation enseignant/élève ; cela me paraît un appauvrissement considérable de ce que cette relation à l’enfant est, ou peut être, en réalité.

    Enfin, pour ajouter encore une strate à cette « professionnalité complexe » que j’appelle de mes vœux, j’aurais aussi tendance à dire qu’il serait nécessaire d’être à la fois capable de socialiser l’enfant avec les objectifs curriculaires actuels, mais aussi de lui apprendre, en un sens, à endosser de réelles postures critiques et personnelles. Je regrette à ce titre que les activités de « débats » par exemple (prônées notamment dans les programmes de l’école maternelle de 2002) se fassent plus rares. Certes, l’on initie à l’école maternelle l’enfant à son rôle d’élève, mais cela ne doit pas se faire en oubliant les visées de socialisation avec le jugement individuel et critique ; voilà une manière d’atteindre l’« autonomie » qui est probablement différente de l’usage aujourd’hui tout à fait galvaudé de cette notion évoquée plus haut. Mais peut-être que dire cela est de plus en plus subversif politiquement (alors que c’était une vision assez ordinaire il n’y a pas si longtemps), dans un contexte où, en réalité, on attend de plus en plus de normalisation précoce des enfants, c’est-à-dire de #disciplinarisation (projet social qui me semble au demeurant progresser bien au-delà des attentes envers l’enfance). Souhaite-t-on encore réellement que l’enfant soit socialisé à avoir de l’initiative personnelle ?

    #éducation

    • J’ajouterais deux éléments qui expliqueraient cette focalisation sur le « devenir élève » et les « apprentissages fondamentaux » en maternelle, en plus de la source institutionnelle directe du curriculum décrite par Ghislain Leroy (qui est prépondérante).

      Le premier c’est les évaluations nationales. Même si on y est opposé, tout le monde s’y est habitué, et sans qu’on y fasse trop attention l’école se met à tourner autour de ça. Les évaluations de début de CP en particulier sont très violentes pour les enfants, notamment parce qu’on les évalue sur beaucoup de choses, y compris des notions qu’ils n’ont jamais vues (parce qu’à mi-CP et début de CE1 on réévalue pour voir la progression). Les résultats sont compilés, des moyennes d’écoles sont faites à différents niveaux spatiaux, puis l’école élémentaire se réunit avec la maternelle du secteur pour en parler, c’est-à-dire parler des exercices où la note est en-dessous de la moyenne et fait salement ressortir l’école. C’est la maternelle qui est responsable des résultats de début de CP, et ici tu peux être sûr d’être à tous les coups perdants : si les résultats sont bons, on te sucre des moyens ; s’ils sont mauvais, on viendra te donner des leçons parce que ta pédagogie est nulle. Bref, pour ne pas être classé dans les écoles ou les profs nuls, tu as intérêt à ce que tes élèves aient des bons résultats en début de CP, donc à les préparer à la myriade de trucs que les évals demandent. Ce souci de réussir aux évals, c’est aussi bien sûr dans l’intérêt des élèves, parce que tu sais qu’à 15 jours de la rentrée, ils se tapent une semaine d’éval, et que ça ira mieux pour eux s’ils savent faire.

      En plus de ça, bien sûr, ces évaluations mettent en lumière les « attendus de fin de cycle », c’est-à-dire les compétences listées dans les programmes censées être acquises en fin de maternelle. Si les programmes disent bien que chacun apprend à son rythme, tu ne peux pas échapper à la nécessité de ces attendus si dès la rentrée de CP il y a l’éval. Ca sert vraiment à mettre la pression à tout le monde, ça dit : si tu ne travailles pas correctement en maternelle, tu vas le payer (et ça le dit à tout le monde, aux profs, aux enfants et aux parents).

      Le deuxième élément c’est une certaine évolution de notre identité professionnelle en contexte de crise du métier. Notre métier est sur la pente descendante (et ça ne va pas s’arranger), le salaire baisse par rapport à ce qu’il était, les conditions de travail sont plus difficiles, il y a pénurie de candidats, hausse des démissions, concurrence du privé, recours plus important aux contractuels embauchés en quelques minutes, etc. Notre fierté alors, c’est les « apprentissages », « faire entrer les élèves dans les apprentissages ». C’est ça qui nous distingue des autres professionnels de la petite enfance, c’est ça qu’on peut mettre en avant pour montrer notre importance dans le système, c’est ce qui prouve nos compétences tant dénigrées (souvenir d’un directeur en réunion de rentrée disant aux parents de petite section : ici c’est pas la crèche, c’est l’école, il y a des choses à apprendre, un programme, donc pas de doudou, pas de tétine, même pour la sieste - … l’angoisse).

      L’autre jour, on parlait des différences entre maternelle et élémentaire. Je disais qu’en maternelle, on pouvait laisser jouer les enfants librement dans la classe. Une collègue est partie d’un rire méprisant en s’exclament « Qu’est-ce que j’entends ?! ». Pour elle, c’est inconcevable de se mettre en retrait (ou d’admettre qu’elle le fait), de laisser les enfants hors de ses tableaux de progression hebdomadaires/mensuels/annuels des apprentissages. Sinon à quoi elle servirait ? Comment verrait-on ses compétences qui font que, non, son métier n’est pas de la garderie ? Cette fierté revendiquée à avancer à marche forcée dans les apprentissages dès la petite section est une façon de se distinguer alors que l’institution, la société, nos conditions de travail, nous renvoient une image de nous-mêmes peu flatteuse. En plus de l’effet sur les enfants, le risque c’est aussi que ça amène les collègues à se dénigrer mutuellement.

    • Bascule de la mission première de l’école maternelle

      Christophe Joigneaux, chercheur spécialiste de la maternelle, s’est attaché à décrypter les projets de programmes en français. Pour le chercheur, si ces projets sont dans la continuité des programmes précédents, on retrouve les mêmes évolutions, mais plus affirmées. « La scolarisation de l’école maternelle est de plus en plus affirmée. Pour la première fois, on parle de la discipline scolaire de « français ». Avant, on parlait plutôt de langage. On parle aussi de la grammaire pour la première fois ». La première référence aux mathématiques comme discipline dans des programmes de maternelle, c’était en 2021, rappelle-t-il. « Il y a une montée incessante de la mission historique de la maternelle, la mission propédeutique (préparer la réussite des apprentissages) en CP particulièrement, mais après aussi ». Le chercheur explique que ces projets sont centrés sur la préparation de la lecture avec le décodage. « C’est une bascule. Cette mission est première à l’exclusion de l’autre grande mission, le respect du développement et du rythme d’apprentissage de l’enfant ». Il relève aussi le nombre d’occurrences des mots enfants et élèves, 9 occurrences du mot enfant contre 53 du mot élève. « C’est assez significatif ».

      L’école maternelle est de plus en plus positionnée comme la première école du cursus scolaire avec une perte de son identité curriculaire selon Christian Joigneaux qui note la disparition du jeu libre et le fait que les coins jeux ne peuvent plus être fréquentés librement. « En gros, il faut se concentrer sur les compétences fondamentales, prédictives de la réussite en français. Peu de place est laissée à la spontanéité de l’enfant… »

      Le spécialiste relève aussi des « repères temporels très précis dans ces projets ». « Si cela peut répondre à des demandes d’enseignants par rapport aux derniers programmes où il n’y avait que des attendus de fin de cycle, cela laisse beaucoup moins de liberté, surtout celle de s’adapter aux rythmes des élèves – on peut aller trop vite pour certains et accroitre les inégalités ». Du côté des contenus, il les estime « très chargés et très prescriptifs ». « Comment adapter avec tout cet empilement ? Comment s’y prend l’enseignant pour caser tout ça ? Toutes les conditions sont réunies pour que les nouveaux programmes accroissent la défiance des enseignants vis-à-vis de l’institution ».

      « Les fondamentaux, sont-ils vraiment fondamentaux ? », questionne Christophe Joigneaux. « Ces projets montrent que l’on n’a pas appris du passé. En particulier des programmes de 2008 où il y avait un découpage très fort. Ça permet de mieux réussir au début CP mais pas au début du CE2. Ce qui était considéré comme prédicteur de la réussir, ne l’était qu’à court terme ».

      https://www.cafepedagogique.net/2024/05/29/ozp-la-maternelle-en-rep

  • « Il n’y a rien à attendre du corps enseignant » - Frustration Magazine
    https://www.frustrationmagazine.fr/corps-enseignant

    Prendre conscience que l’on n’est qu’un rouage dans cette grande machine à reproduction sociale constitue à mon sens un préalable pour questionner le rapport de l’enseignant aux élèves et à l’institution. Déconstruire l’idée rassurante selon laquelle nous serions au service de la réussite des élèves. Cesser de penser l’école comme un “sanctuaire”, c’est-à-dire comme un espace évoluant en dehors du régime capitaliste. Ne plus se leurrer quant à l’idée que les élèves sont triés en fonction de leur aptitude à se montrer dociles et maîtrisant les codes de la culture dominante. C’est ici qu’intervient la question de la laïcité, pensée comme le mode opératoire central de l’autorité.

    #éducation_nationale #reproduction_sociale #ségrégation #mépris_de_classe #corps_enseignant

    • À cela s’ajoutent les injonctions contradictoires que doivent subir ces adolescent-e-s. On leur martèle au quotidien l’idée que la liberté d’expression est sacrée lorsque dans le même temps tout propos non conforme à ce qu’attend l’institution est signalé à la direction et/ou au procureur. Dans mon collège, des enfants se sont ainsi retrouvés avec leurs parents au commissariat après des paroles formulées en classe. Ce qu’ont compris ces élèves, c’est que la laïcité sert de paravent à l’islamophobie de l’Etat et du service public de l’éducation. Dans le même temps, rien d’étonnant de constater qu’ils ont intériorisé une vision punitive et répressive de la laïcité. La novlangue de l’institution cache mal la fonction première de la laïcité, consistant à racialiser les problèmes sociaux et donc à appréhender ces élèves à partir de leur condition de racisés.

    • le “syndrome du bon élève” que j’ai pu observer chez une majorité d’enseignants : n’étant jamais sorti du système éducatif, ces derniers rejouent ce qu’ils ont vécu comme élève, en intériorisant les normes à respecter et en faisant ce qu’on attend d’eux. Beaucoup de profs ont donc des dispositions innées au conformisme et/ou à l’indifférence, tout en se vautrant dans le fatalisme et l’apitoiement. C’est, à mon sens, ce qui explique la dépolitisation d’une partie du corps enseignant et son incapacité à se mobiliser massivement. C’est ce qui explique aussi que la nature anti-démocratique des instances scolaires ne soit pas questionnée.

      j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen. ?!?

    • L’élève est libre d’exprimer son opposition à l’ordre dissident et il lui est interdit d’afficher son opposition à l’ordre dominant.

      Son éducation consiste à lui laver le cerveau pour qu’il réagisse instinctivement de cette manière.

    • j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen

      Pas surprenant : déjà en 2002, il m’avait été rapporté que certains « collègues » avaient voté Le Pen (père). Je ne connais pas le pourcentage national mais ces gens-là étaient en poste sur des ZEP (zones d’éducation prioritaire).

    • Mais ce positionnement de gauche [des votes des enseignants du public] est désormais de 50% environ si l’on intègre le vote pour les candidats d’extrêmegauche. La majorité des enseignants du public (52%) ont voté pour le centre-droit ou la droite en y incluant les 20% d’entre eux qui ont voté pour les candidats de la droite radicale [MLP+EZ+NDA], ce qui paraît peu par rapport aux 47% que cette droite réunit chez les policiers et militaires mais ce qui témoigne d’une évolution profonde du milieu enseignant qui, jusque-là, était resté un bastion de lutte contre l’extrême-droite.

      https://sciencespo.hal.science/hal-03790691

  • Budget 2023 : 1 milliard d’euros prévu pour la formation des enseignants n’a pas été dépensé (Cour des comptes)
    https://www.aefinfo.fr/depeche/710991

    Mais ce que démontre principalement le rapport est que « les mesures programmées en LFI [Loi de finances initiale] ont été sous-exécutées de 1,31 Md€ ». La raison principale ? « La sous-consommation des dépenses de formation, qui s’élève à 1 022,2 M€ », soit 62,5 % des crédits engagés à ce titre. Cette sous-consommation des crédits dédiés à la #formation [initiale et continue] est constatée depuis plusieurs années. Pis : depuis 2018, la part de ces crédits non consommés augmente chaque année, puisqu’elle était de 13 % en 2018 et donc de 62,5 % en 2023, « une envergure inédite », analyse la Cour.

    Pour 2023, le ministère explique à la Cour des comptes cette sous-consommation « par la baisse des effectifs de stagiaires en formation initiale, des abandons de lauréats en cours de formation ou encore l’impact de la réforme du concours mise en œuvre en 2022 qui limite aux seuls agents non titulaires d’un master Meef l’exercice à mi-temps lors de leur année de stage ».

    La Cour des comptes remarque par ailleurs que les crédits alloués pour la formation « ne concourent pas dans leur majorité à la formation des #enseignants, mais font office de réserve consommée sur d’autres postes de dépenses, remettant en cause la sincérité de cette inscription budgétaire ».

  • Mutations bloquées : Paris, département-prison pour les enseignants
    https://www.liberation.fr/societe/education/mutations-bloquees-paris-departement-prison-pour-les-enseignants-20240413

    Selon les chiffres du ministère de l’Education nationale transmis par les syndicats, dans le premier degré, 749 enseignants ont demandé à quitter Paris pour la rentrée scolaire 2023. Seules 65 demandes ont été satisfaites. Avec un taux de réussite de sortie d’à peine plus de 8,5%, Paris est devenu, pour beaucoup d’enseignants, un département-prison.

    Dans l’éducation nationale, les #mutations sont soumises à l’immuable système à points. Chaque année, selon le type d’établissement, l’ancienneté, la situation familiale et personnelle, un enseignant engrange un certain nombre de points, lui permettant ensuite de demander un changement de département. Dans le premier degré, « il faut un certain nombre de points pour sortir de son département mais aussi pour entrer dans le nouveau. Donc, selon les départements, le nombre de points nécessaire peut atteindre des sommets », précise Cécile Suel, secrétaire nationale du syndicat SE-Unsa, chargée du parcours professionnel. Exemple : pour quitter Paris à la rentrée 2023, il fallait minimum 874 points. Pour entrer dans le département de Seine-Maritime – que Marion vise – il en fallait 201. Sauf qu’après neuf ans d’enseignement, la jeune femme en a accumulés… 78. « Autant vous dire que je n’aurai jamais mon mouvement. Je sais que j’aurai #démissionné avant de l’avoir », partage-t-elle.

    A Paris, outre les convenances personnelles et les envies d’ailleurs de chacun, c’est le coût de la vie qui pousse les #enseignants outre-périphérique. Car le salaire de ces fonctionnaires (loin d’être mirobolant) est le même partout en France. « Enfin, on a quand même une prime dite d’habitation qui est de 56 euros par mois », s’étrangle Marion. Sauf qu’à Paris, « le prix des loyers n’est pas compatible avec le niveau de rémunération des professeurs des écoles. Ils ont le choix entre habiter dans une petite surface intra-muros ou aller s’installer à 1h30 et faire la route tous les matins et tous les soirs », abonde Cécile Suel.

    [...] Après vingt-cinq ans d’enseignement, Sonia s’est mise en #disponibilité de l’#éducation nationale. Accordée aux #fonctionnaires sous certaines conditions, cette situation temporaire d’arrêt de travail concernait 3% des agents en 2022-2023, selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, et fait perdre salaire et cotisations retraite pendant une durée déterminée. Après avoir posé ses valises à #Paris en 2012, Sonia aimerait gagner les Bouches-du-Rhône pour y rejoindre sa conjointe. Ses 360 points ne lui permettant pas de prétendre au département dans l’académie d’Aix-Marseille, se mettre en disponibilité tenait, selon elle, de l’unique horizon. « C’est un sacrifice, avec des risques : plus aucun salaire, la découverte des entretiens d’embauche à la chaîne… Mais c’est la seule solution que j’ai pour qu’on accepte mon mouvement », regrette-t-elle. En plus de lui permettre de rejoindre sa conjointe, être en disponibilité est aussi, selon elle, un moyen de faire pression et d’appuyer sa demande de mouvement.

    [...] Aujourd’hui, une des seules façons de voir sa disponibilité acceptée est de faire valoir les raisons familiales et se pacser avec son conjoint installé dans une autre ville, affirment les syndicats et les enseignantes interrogés. Un secret de polichinelle de l’éducation nationale : nombreux sont ceux à avoir recours à la pratique, non pas par engagement romantique mais pour accélérer sa carrière.

    [...] Si le pacs permet de demander un rapprochement de conjoint, il permet aussi et surtout de considérablement faire gonfler son pécule. [...] Dans le détail, à la signature du pacs, l’enseignant séparé de son conjoint récolte d’emblée 150 points. Il gagne ensuite 190 points la première année de séparation, 325 la deuxième, 475 la troisième, et 600 pour quatre ans et plus de séparation. Pour Pauline, après sept années dans la grisaille parisienne, le pari est enfin gagné : grâce à son pactole, la jeune femme fera sa rentrée 2024 dans le Sud, comme souhaité.

  • Près de 11 000 emplois supprimés à l’Education nationale
    https://www.cafepedagogique.net/2024/02/22/pres-de-11-000-emplois-supprimes-a-leducation-nationale

    Le décret annulant 10 milliards de dépenses est paru ce matin au Journal officiel. Contrairement à ce qui a été annoncé, les ministères ne sont pas traités à égalité. L’#Education nationale rend 692 millions, essentiellement des emplois. Ce sont 2620 postes d’#enseignants qui disparaissent dans le 1er degré public, 1740 dans le second degré public et 1760 postes dans le privé. Enfin l’équivalent de 4600 postes d’#AED et #AESH sont annulés. Il appartient maintenant à Nicole Belloubet et aux recteurs d’appliquer cette saignée dans les écoles et les établissements. Ces annulations de crédit rendent indispensable le report des réformes Attal.

    • Interrogé par le Café pédagogique, le ministère fait savoir que “les crédits de titre 2 annulés sont des crédits mis en réserve donc dont ne disposait pas le ministère. Ce sont des crédits “gelés” en début d’année pour faire face à des aléas. Les annuler n’a donc aucun impact sur les emplois. Cela n’aura aucun impact sur les annonces déjà faites concernant la rentrée scolaire ou sur le choc des savoirs“.

      Certes, ce ne sont pas des postes actifs qui sont supprimés comme a pu le laisser penser un premier article. Et il y a bien des crédits mis en réserve dans les ministères. Mais cela ne veut pas dire que le budget voté dépasse les besoins. En année normale, le ministère pioche dans ces réserves pour assurer la rentrée et la paye en fin d’année. S’il rend de l’argent en fin d’année, comme cela s’est vu encore en 2023, ce n’est pas 700 millions. Dans ce cas précis, le budget a été conçu en juillet et adopté à l’automne. C’est à dire bien avant la réforme couteuse du “choc des savoirs”. Celle-ci nécessite des moyens supplémentaires. Aussi, si les emplois correspondant aux 479 millions supprimés en titre 2 ne sont pas indispensables immédiatement, ils vont manquer à la rentrée pour la mise en place du “choc des savoirs”.

  • Pour l’inclusion scolaire, « il faut désormais investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/pour-l-inclusion-scolaire-il-faut-desormais-investir-massivement-dans-la-com

    Le 25 janvier, des enseignants se sont mis en grève pour demander l’arrêt de l’inclusion à l’école. En parallèle, des associations d’adultes handicapés se battent pour le respect de la charte de l’Organisation des Nations unies (ONU) par la France. Cette dernière exige l’arrêt de la ségrégation dans des établissements spécialisés. Par ailleurs, les réseaux sociaux sont emplis de témoignages de parents qui se battent pour l’effectivité des droits de leurs enfants à une scolarité dans leur école de quartier ou dans une structure spécialisée. Comment renouer le dialogue entre ces désirs inconciliables et permettre un droit réel à une scolarité de qualité, inclusive et en proximité pour tous ?
    Vice-présidente du département de la Loire-Atlantique chargée du handicap, siégeant aux conseils d’administration de collèges et professeure des écoles, j’ai la chance d’avoir un pied dans chaque monde : le médico-social et l’éducation nationale. Sur le terrain, en centre-ville comme en réseau d’éducation prioritaire (REP+) ou en milieu rural. C’est un poste d’observation privilégié des pratiques des uns et des autres.

    La situation kafkaïenne actuelle est, sans ambiguïté, issue de la loi de 2005 – qui voulait affirmer le droit à l’éducation pour tous les enfants. Cette loi n’a envisagé l’accès à l’école que sous l’angle du droit, sans penser les adaptations et moyens nécessaires qui permettraient de réussir ce défi.

    Au lieu de former les enseignants et de partir des besoins des enfants, c’est la politique d’insertion qui a été sollicitée en proposant des emplois précaires, mal payés et sans formation à des femmes en réinsertion. On a construit des rampes, créé des formulaires et des sigles : PPI (projet pédagogique individuel), PPS (projet personnalisé de scolarisation), GEVA-sco (guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation) sans jamais se poser la question de l’adaptation initiale des contenus. C’était à l’enfant de s’adapter, par des compensations, à la norme inchangée et inaccessible.

    Un succès pour de nombreux enfants

    Vingt ans après, l’inclusion des enfants en situation de handicap s’est massifiée, avec plus de 400 000 enfants scolarisés. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) représentent le deuxième contingent de l’Etat en matière d’effectifs, toujours précaires et peu formés, affectés à n’importe quels enfants. Ce sont donc les personnes les moins formées qui ont la charge des enfants avec le plus de besoins. Faute de #formation et de temps spécifique, les #enseignants ont réparti la difficulté dans toutes les classes. Elles comprennent chacune un à plusieurs élèves handicapés, sans bénéficier d’adaptation des programmes à cette hétérogénéité grandissante.

    Cette montée en puissance des AESH a été financée par un gel des structures spécialisées, et les listes d’attente ont enflé. Il y a en moyenne quatre ans d’attente, passés en classe ordinaire ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS). L’autonomie de ces enfants stagne alors ou régresse.

    C’est le tableau bien sombre d’un navire qui prend l’eau de partout. Malgré tout, pour de nombreux enfants, la scolarité inclusive est un succès. Nos enfants ont été sensibilisés à la différence. Ils trouvent normal que certains aient des aides humaines ou techniques pour accéder à l’école. Il y a désormais autant d’élèves en ULIS au collège qu’en primaire. Et de plus en plus d’entre eux poursuivent en CAP, en BTS ou à l’université.

    Il faut désormais changer de braquet, et se décider à investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques. La #maternelle est souvent l’âge du repérage des troubles du comportement, et l’élémentaire, celui des troubles « dys » – la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie ou la dysphasie. Ces particularités devraient être maîtrisées par chaque enseignant, avec une formation généralisée au handicap, initiale et continue. Ces professeurs ne doivent pas être seulement aptes à remplir un formulaire.

    Ils devraient pouvoir proposer des contenus accessibles à tous, disposer de #matériel_adapté et savoir l’utiliser, organiser les espaces de la classe pour réduire les sursollicitations sensorielles. Les programmes doivent être revus en prenant en compte l’hétérogénéité des classes : des enfants à besoins différents ne peuvent pas tous apprendre la même chose en même temps.

    La nécessité de prises en charge de proximité

    S’ils sont mis dans de bonnes conditions, les enfants avec des troubles prononcés ont toute leur place à l’école. L’exemple de nos voisins italiens et portugais le prouve. Encore faut-il décrire ces bonnes conditions. Elles commencent par de la stabilité affective et un nombre d’adultes formés renforcé.

    Plutôt que de répartir les moyens dans chaque classe, en saupoudrage, il faut concentrer les renforts pour plusieurs enfants. Pour cela, il faut créer des classes de cycle dans chaque école, où les enfants restent sur la durée du cycle avec les mêmes adultes, en mélangeant, sur la base du volontariat, élèves ordinaires et à besoins spécifiques. Les effectifs doivent y être limités à quinze élèves au maximum, avec la présence de deux professeurs en coenseignement, dont un spécialisé, et un AESH.
    Chaque circonscription devrait bénéficier d’une école avec une unité d’enseignement adaptée à l’autisme, ainsi que de dispositifs ULIS, afin de permettre des prises en charge médico-sociales de qualité en proximité, et arrêter de mettre les enfants dans des taxis pour rejoindre de lointains instituts médico-éducatifs.

    Au #collège, l’équipe de vie scolaire devrait comporter un éducateur spécialisé pour accompagner les jeunes hors des temps de classe. De même, il est nécessaire d’avoir une classe par division à effectifs restreints, un AESH spécifique et une salle de classe fixe pour éviter les angoisses liées aux changements de lieux toutes les heures.

    Sans révolutionner l’éducation nationale, ces mesures de bon sens, généralisées, permettraient de limiter la perte de repères et l’essoufflement des familles comme des professionnels face au challenge de l’inclusion. Ces mesures – un AESH faisant partie d’une équipe de classe dans une seule école, l’évolution de parcours pour les enseignants en cours de carrière par la spécialisation, la satisfaction de voir progresser les élèves avec des moyens concentrés sur les besoins… le tout en étant répartis en proximité sur le territoire – apaiseraient le climat scolaire et sécuriseraient des professions.

    Ombeline Accarion est par ailleurs vice-présidente EELV Personnes en situation de handicap et Autonomie de Loire-Atlantique.

    #école #élèves #ségrégation #AESH

  • De l’autorité des professeurs
    https://lundi.am/De-l-autorite-des-professeurs

    Alors qu’un mouvement de #grève dans l’#Éducation nationale est annoncée ce jeudi 1er février, des professeurs exemplaires nous ont adressés ces quelques remarques préliminaires sur l’air du temps, la condition professorale et le rapport sain et nécessaire qu’il s’agit de maintenir quant à l’autorité.

    Il arrive que les cordonniers soient les plus mal chaussés. De même, les professeurs, souvent très cultivés, prennent parfois des libertés avec le sens des mots.

    “You see in this world there’s two kinds of teachers my friend...”

    Ces messieurs qui nous gouvernent leur vendent à intervalles réguliers des promesses de “rétablissement de l’autorité”.
    Ces coups de mentons médiatiques se traduisent depuis quelques années par des dérives policières très concrètes
    une criminalisation de la jeunesse à faire pâlir une ordonnance de 45,
    l’abjecte individualisation croissante de l’échec,
    la multiplication d’alertes et de protocoles aussi insensés qu’anxiogènes,
    le signalement de comportements cryptoterroristes ...chez des enfants de 8 ans,
    le maréchaliste retour du sévice national universel et autres uniformes...

    Chers collègues, ceci n’a rien à voir avec l’autorité.
    C’est de l’autoritarisme. Et ça ne fonctionne pas. Enfin, c’est bien utile aux démagogues, mais cela nourrit copieusement la défiance qui éloigne les élèves (et leurs familles) de l’Institution Scolaire.

    L’autorité que nous défendons – car nous défendons l’autorité comme préalable utile à l’acte d’enseigner - n’est ni une lubie ni un nébuleux fantasme.

    Notre autorité est sécurité. Difficile de dire que nous adultes laissons un monde apaisé aux enfants. La planète étouffe. Les guerres font rage. Les fascismes suppurent. Têtus, nous refusons de laisser pénétrer ce climat dans nos classes. Laissons la peur à la porte. Nous ne souhaitons pas mentir à nos élèves, mais leur fournir des outils de construction d’un avenir. Leurs regards curieux, leurs sourires rassurés, confortent notre autorité. Leur fragilité et leur puissance nous obligent.

    Notre autorité est respect (et inversement).
    Comment exiger que des enfants respectent leurs professeurs quand leurs professeurs eux-mêmes ne se respectent plus ?
    Combien de couleuvres avalées,
    de mépris supporté,
    d’insultes endurées sans relever la tête ?
    Les professeurs qui réclament à grand cris – autour de la machine à café - le respect des élèves respectent-ils eux-mêmes leur hiérarchie, obséquieuse et soumise ? L’incompétence crasse flanquée d’idéologie rance des derniers ministres de l’éducation suffit à elle-seule à abolir l’amour propre de tout professeur qui n’aurait pas le courage de les dénoncer – et pas qu’autour de la machine à café.
    Bref, pour être respectés de vos “inférieurs”, messieurs les professeurs, commencez par vous faire respecter de vos “supérieurs”.

    Notre autorité est confiance. L’indispensable confiance de Pygmalion, sans laquelle rien ne peut efficacement s’enseigner. Mais aussi la confiance dans un avenir enviable que les adultes peuvent contribuer à construire mais dont ils en seront pas les acteurs.

    Notre autorité est exemplarité.
    Contre les retards, soyez ponctuels.
    Contre la “fainéantise”, mettez-vous au travail.
    Contre l’inculture, lisez, écoutez, échangez, vivez.
    Contre le “consumérisme”, consommez moins.
    Contre l’approximation, soyez rigoureux.
    Contre la sottise, usez d’esprit critique.
    Contre l’apathie, exercez votre puissance d’agir.
    Contre la résignation, cultivez la lutte.
    Contre les insultes et les violences, bannissez les insultes et les violences.
    Contre la bêtise et la lâcheté, donnez-l’exemple.
    Pour éviter que les enfants ne se flétrissent le cerveau devant des écrans, questionnez-en votre propre usage.
    Pour éviter l’outrage, combattez l’injustice.

    « L’enseignant, si suffisant, doit être conscient de son rôle et, surtout, de sa fonction : défendre un ordre des choses qui se fissure de toutes parts ou participer à l’invention de nouvelles solutions (ou solutions renouvelées) pour faire société. Entretenir un fatras de principes moisis ou cultiver un jardin d’idées nouvelles. Avec les parents … et les enfants, que nous avons tou.t.e.s été. »

    #profs #enseignants #école

  • « Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est la fin programmée du collège unique », Claude Lelièvre

    Invité à préciser ce qu’il entendait par « libéralisme avancé », le président de la République Valéry Giscard d’Estaing (« VGE ») déclarait, sur RTL, le 20 mai 1975 : « Il y a dans la pensée de gauche des éléments positifs importants dont je compte bien m’inspirer ; ce qui fait que, dans l’action libérale avancée, il y a beaucoup d’idées de gauche qui doivent être mises en œuvre. »

    Quelques-unes d’entre elles ont alors défrayé la chronique : création d’un secrétariat à la condition féminine, loi Veil sur l’IVG, abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, regroupement familial pour les immigrés, collège unique.

    On aurait pu penser qu’avec son antienne du « en même temps », la présidence d’Emmanuel Macron s’inscrirait dans cette filiation. On voit clairement qu’il n’en est rien. La loi Veil sur l’IVG a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés de gauche le 20 décembre 1974 et une minorité de parlementaires de droite.

    A contrario, la récente loi sur l’immigration a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés du Rassemblement national. Par ailleurs, Michelle Perrot, la grande spécialiste de l’histoire des femmes, a pu se dire « scandalisée » par les propos d’Emmanuel Macron concernant l’affaire Depardieu.

    Rupture avec la « tradition républicaine »

    La conception du « collège unique » est une version française de l’« école de base » suédoise (sociale-démocrate), de la « comprehensive school » (travailliste), de la « Gesamtschule » (sociale-démocrate). Dans le cadre du « libéralisme avancé », le collège unique a été voulu et porté personnellement par Valéry Giscard d’Estaing, mais a rencontré de nombreuses oppositions, en particulier dans son propre camp politique. Encore en octobre 1991, Alain Juppé (alors secrétaire général du RPR) proclamait qu’il fallait « casser le collège unique ». Mais, dans son livre paru en vue de la campagne présidentielle de 2017, il ne prônait plus que quelques aménagements.

    Marine Le Pen, elle, a proposé dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022 une arme de « destruction massive » afin d’en finir avec le collège unique : « Le diplôme national du brevet deviendra un examen d’orientation post-troisième. » L’ex-ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, a repris pour l’essentiel cette prescription en annonçant que le brevet serait désormais une condition nécessaire pour entrer en seconde (générale et/ou technologique ?), ce qu’il n’a jamais été jusque-là. Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est choisir sans appel que le collège doit être une propédeutique au lycée, et non pas la deuxième phase d’une instruction obligatoire (pour tous).

    C’est la fin programmée du collège unique et de son sens originel initié dans le cadre du libéralisme « avancé ». « VGE » avait été très net, en 2001 : « Le débat doit se concentrer sur cette question : quels savoirs donner à cet ensemble de jeunes qui constituent un acquis culturel commun ? On n’a guère avancé depuis vingt-cinq ans. Au lieu d’avoir rabattu tout l’enseignement des collèges vers l’enseignement général, les rapprochant des classes de la 6e à la 3e des lycées d’autrefois, en un peu dégradé, il aurait mieux valu en faire une nouvelle étape de la construction du cycle scolaire. »

    Le renoncement aux ambitions portées par le libéralisme « avancé » dans certains domaines peut parfois aller plus loin et rompre non seulement avec le « libéralisme avancé » mais même avec la simple « tradition républicaine ». On peut en prendre pour exemple significatif la volonté réitérée constamment ces derniers mois par l’ex-ministre de l’éducation nationale d’aller vers une forte « labellisation » ministérielle des manuels scolaires.

    Le choix des manuels scolaires, question vive

    La question du choix des manuels scolaires a été une question vive lors de l’instauration de l’école républicaine et laïque, sous la IIIe République. Le 6 novembre 1879, le directeur de l’enseignement primaire, Ferdinand Buisson, dans une note adressée à Jules Ferry, indique qu’« il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maîtres leurs instruments d’enseignement » et qu’« il n’y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu’ils préfèrent ».

    En conséquence, Jules Ferry signe, le 16 juin 1880, un arrêté qui fait largement appel au concours des maîtres et il souligne que « cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour accoutumer les enseignants à prendre eux-mêmes l’initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible ». Le 13 octobre 1881, une circulaire établit, pour les professeurs de collèges et lycées, des réunions mensuelles en leur confiant le choix des livres de classe.

    L’école républicaine instituée sous la IIIe République s’est ainsi distinguée nettement de ce qui l’a précédée et de ce qui l’a suivie dans ce domaine. Par exemple, François Guizot, ministre de l’instruction publique en 1833, a fait paraître des manuels scolaires officiels dans les cinq matières principales de l’école primaire. Et, dès l’arrivée de Philippe Pétain au pouvoir, un décret du 21 août 1940 a mis un terme à l’attitude libérale qui avait prévalu : ce décret ne traite plus de la liste « des livres propres à être mis en usage » mais de celle « des livres dont l’usage est exclusivement autorisé ».

    A la Libération, le 9 août 1944, une ordonnance annule « tous les actes relatifs à l’interdiction de livres scolaires ou instituant des commissions à l’effet d’interdire certains livres ».

    En miroir, on peut rappeler la réponse du ministre de l’éducation nationale Alain Savary à une question écrite de parlementaires en avril 1984 à propos d’un manuel incriminé : « Le ministre ne dispose pas du pouvoir d’injonction lui permettant de faire retirer ni même de faire amender un ouvrage. Il n’exerce aucun contrôle a priori sur le contenu des manuels scolaires et il n’a pas l’intention de modifier la politique traditionnellement suivie à cet égard. Il n’existe pas de manuels officiels, pas plus qu’il n’existe de manuels recommandés ou agréés par le ministère de l’éducation nationale. Il y a eu dans le passé des tentatives allant dans ce sens, avec risques de censure. »

    Oui, dans bien des domaines, on est désormais loin de l’horizon d’un certain libéralisme « avancé » qui se voulait « moderniste » : ce qui se profile, c’est presque sans fard un libéralisme « d’attardés » plus ou moins assumé.

    Claude Lelièvre est l’auteur de L’Ecole d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire (Odile Jacob, 2021).

    https://www.lemonde.fr/education/article/2024/01/16/faire-du-brevet-l-examen-de-l-entree-en-seconde-c-est-la-fin-programmee-du-c

    #école #BEPC #collège

    • « Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise une forme d’optimisation scolaire », Laurent Frajerman
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/16/si-le-recit-egalitaire-perdure-l-etat-organise-une-forme-d-optimisation-scol

      L’ancien ministre Gabriel Attal avait annoncé, en novembre 2023, avant sa nomination comme premier ministre le 9 janvier, un important train de mesures pour réformer l’éducation nationale, incluant d’aborder la « question du tabou du #redoublement » et de créer des #groupes_de_niveau au collège. Au regard des enquêtes internationales, personne ne conteste plus la baisse du niveau des #élèves français, même de ceux qui figurent parmi les meilleurs.

      L’ex-ministre en avait conclu que l’#enseignement doit se montrer plus exigeant, ce qui correspond à un sentiment très majoritaire. Outre les menaces qu’elles font peser sur la liberté pédagogique, on peut douter que les mesures soient à la hauteur de l’enjeu. Toutefois, ces critiques ne peuvent dissimuler que cela fait plus de dix ans que la dynamique positive qui a démocratisé l’école française a disparu. La panne du modèle actuel, miné par la #ségrégation_sociale et des cures d’#austérité à répétition, impose des changements. Tout l’enjeu étant de savoir si c’est pour revenir aux années 1950 ou pour relancer sa démocratisation.

      Les politiques éducatives menées depuis le général de Gaulle œuvraient pour la scolarisation de tous les élèves du même âge dans une structure identique, dans l’objectif de leur délivrer le même enseignement. En conséquence, les classes ont été marquées par une hétérogénéité croissante, avec son corollaire : une baisse d’exigence, afin de faciliter l’accès de tous les élèves aux anciennes filières élitistes.

      Avec succès, puisque l’#accès_aux_études a été considérablement élargi. Cela s’accompagne du passage presque automatique en classe supérieure. A la fin des années 1960, le redoublement constituait la règle : un tiers des élèves redoublait la classe de CP, contre 1,3 % aujourd’hui. En 2021, seulement 12 % des élèves arrivaient en seconde avec du retard. Devenu résiduel, le redoublement a changé de nature, ne concernant plus que des élèves en forte difficulté, qu’elle soit structurelle ou conjoncturelle.

      Classes moyennes supérieures

      Les enseignants affichent leur scepticisme. Ils ne considèrent pas le redoublement comme une recette miracle, car il peut générer ennui et découragement. Toutefois, ils se trouvent démunis devant l’écart grandissant entre les meilleurs élèves, qu’il faut stimuler, et ceux qui cumulent les difficultés de compréhension. Ils constatent que plus les années de scolarité passent, plus l’échec s’enkyste, moins la notion de travail scolaire ne revêt de sens, générant quelquefois une attitude perturbatrice.

      Gabriel Attal en a tiré d’ailleurs argument pour dénoncer l’absurdité de cette situation et la souffrance qu’elle génère pour les élèves. Nombre d’enseignants vivent une situation d’autant plus ingérable que, paradoxalement, si l’affichage est homogène, le rêve de l’école commune s’éloigne.

      Jusque-là, la sociologie de l’éducation dénonçait les limites de cette politique de massification. Les inégalités sociales étant structurelles, le système est d’abord soumis aux effets de la #ségrégation-spatiale. Quoi de commun entre un collège en éducation prioritaire et un autre situé en centre-ville d’une métropole ?

      Quatre types d’école cohabitent, donc : l’#école_publique normale, celle en #éducation_prioritaire, l’école publique élitiste, et l’#école_privée. Aujourd’hui, avec le développement d’un #marché_scolaire, nous vivons une nouvelle phase. L’Etat aggrave la fracture existante en créant des établissements dérogatoires et de nouvelles #filières_élitistes sélectionnant par les langues, critère socialement discriminant. Pire, il subventionne massivement sa propre concurrence, l’enseignement privé.

      Le privé accueille de plus en plus d’élèves des milieux favorisés, au détriment de la mixité sociale. Les difficultés se concentrent alors dans l’école publique « normale ». Seule à supporter réellement les contraintes de la démocratisation, celle-ci n’en est que plus répulsive pour les classes moyennes et supérieures, générant un terrible cercle vicieux. Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise en réalité une forme d’#optimisation_scolaire au détriment de ceux qui n’ont pas d’échappatoire.

      Depuis une quinzaine d’années, les enquêtes internationales nous alertent sur l’aggravation du poids des #inégalités_sociales dans les résultats scolaires. Ce constat est dissimulé par l’invisibilisation de la #compétition. D’un côté, les notes ont été remplacées par les compétences, de l’autre, elles connaissent une inflation qui, malheureusement, ne reflète pas une hausse du niveau réel. En 2022, 59 % des bacheliers ont obtenu une mention. Ils étaient moins de 25 % en 1997… Le flou qui en résulte bénéficie aux familles les plus informées sur la règle du jeu, ou capables de payer coachs et cours particuliers.

      Politique éducative « discount »

      Le second vice de fabrication de la démocratisation scolaire est son caractère « discount ». Par exemple, l’argent économisé par la quasi-suppression du redoublement n’a guère été réinvesti dans des dispositifs permettant d’épauler les élèves en difficulté. Autrefois, les enseignants encadraient les élèves dans leurs exercices et l’apprentissage du cours en dehors des heures de classe. Aujourd’hui, ce type de travail est généralement confié à des étudiants bénévoles ou à des animateurs ou surveillants peu qualifiés. Même dans le dispositif « Devoirs faits » en collège, la présence d’enseignants est optionnelle.

      De nombreux choix proviennent de la #rationalisation_budgétaire : chasse aux options, suppression progressive des dédoublements de classe. Par exemple, en 2010, un élève de 1re L avait obligatoirement six heures de cours en demi-groupe (en français, langues, éducation civique, mathématiques et sciences). Aujourd’hui, les établissements ont toujours la latitude de créer de tels groupes, mais en prenant dans une enveloppe globale qui se réduit d’année en année et sans qu’un nombre maximum d’élèves ne soit prévu.
      Le pouvoir d’achat des #enseignants a baissé d’environ 20 %, source d’économie massive sur les salaires. Les effets commencent seulement à en être perçus : crise du recrutement, hausse exponentielle des démissions et professeurs en place démotivés par le déclassement de leur métier. Les promoteurs de cette politique leur préfèrent des enseignants précaires et sous-qualifiés, sommés de suivre les injonctions pédagogiques du moment. Remarquons que ces #contractuels sont nettement plus nombreux dans les établissements difficiles de l’enseignement public…

      Depuis 2002, les gouvernements de droite et de centre droit suppriment des postes d’enseignant. Malgré le redressement opéré sous François Hollande, le solde reste négatif, avec moins 36 500 postes. Le second degré a été particulièrement affecté, avec un solde de moins 54 700 postes, au nom de la priorité au primaire. Un maillon essentiel de la chaîne éducative a donc été fragilisé, alors que c’est le lieu de maturation des contradictions du système. Quel sens cela a-t-il d’habituer un élève de REP + à des classes de quinze élèves pour, devenu adolescent, le mettre dans une classe de vingt-cinq au collège ? Ces politiques de ciblage, censées produire des résultats visibles à un moindre coût, créent souvent inégalités et incohérences.

      Aujourd’hui, la France dépense 1 point de moins du PIB pour l’éducation qu’en 1995. Si on appliquait aujourd’hui les ratios en usage à l’époque, le budget consacré à l’avenir du pays augmenterait de 24 milliards d’euros, dont 15,5 milliards d’euros dépensés par l’Etat. Ce sous-investissement chronique se paie par la crise de notre #système_scolaire. Un débat sans arguments d’autorité s’impose donc, sous peine que les idéaux généreux et les politiques cyniques aboutissent définitivement à une école à plusieurs vitesses, dans laquelle les #classes_populaires seront assignées à un enseignement public dégradé.

      Laurent Fajermann est professeur agrégé d’histoire au lycée Lamartine, sociologue, chercheur associé au Centre de recherches sur les liens sociaux, du CNRS

    • Philippe Mangeot (philippe.duke ) sur Instagram :

      Lecture effarée du rapport de l’enquête administrative de l’Inspection générale sur le collège Stanislas, que publie dans son intégralité @mediapart. Toutes les informations qui circulaient sur les pratiques de cet établissement privé sous contrat sont corroborées et objectivées : contournement de la loi et de Parcoursup, pédagogie brutale et assumée comme telle, programmes non respectés, enseignement sexiste et homophobe..

      À ce stade, le scandale n’est pas seulement que la ministre de l’Éducation nationale ait choisi d’y inscrire ses enfants, contournant l’enseignement public au profit d’une école privée où se cultive l’entre-soi. Il est que le ministère dirigé à l’époque par Gabriel Attal a mis ce rapport sous le boisseau depuis qu’il lui a été rendu en juillet dernier, refusant de le rendre public.

      Mais il est également que cette institution privée, qui viole en toute impunité le contrat qui la lie à l’État, est mieux dotée, sur fonds publics, que la quasi-totalité des établissements scolaires publics de Paris, comme l’a révélé en janvier dernier une enquête de @lemondefr. L’argent public favorise Stanislas, c’est-à-dire les familles les plus fortunées : les « trois petits garçons » de Madame Oudéa-Castéra ont coûté plus cher à l’État.que les élèves du public.

      L’anagramme de Stanislas dit une vérité : la complaïisäncé : des pouvoirs publics à l’égard d’un établissement qui devrait n’avoir aucune place dans « l’École de la République », comme dit la ministre, nous salit tous et toutes.

  • La si dérangeante réalité des handicapéEs…
    https://www.questionsdeclasses.org/la-si-derangeante-realite-des-handicapees

    Depuis 2 semaines, le Twitter de l’éduc que je suis semble fortement secoué par une campagne menée par le CUSE, dont je fais partie, ses alliéEs et les personnes handicapées, qui militent pour la scolarisation de touTEs les élèves – notamment handicapéEs – dans l’école publique.

    Le CUSE (Collectif une seule école), le CLHEE (collectif luttes et handicap pour l’égalité et l’émancipation) et handi-social ont dénoncé les appels validistes pour une grève et une manifestation nationales pour dire « non à une inclusion systématique et forcée » et les demandes de plusieurs autres organisations syndicales à ouvrir des places en #IME, alors que ce sont des lieux dénoncés par l’ONU comme des lieux de ségrégation et de maltraitance régulière des enfants handicapéEs, qui n’y suivent quasiment aucun enseignement et restent donc en marge de l’école.
    [...]

    – « je connais quelqu’unE qui travaille dans le handicap » (IME, dispositif #Ulis, etc.)

    Variante : « nous, on connaît la réalité du terrain ».

    Changement pour adopter une posture non validiste : personne ne peut savoir à la place des personnes handicapées ce dont elles ont besoin et ce qu’elles souhaitent. Ni les professionnelLe ni même les proches.

    Il est indispensable d’écouter la parole des handicapéEs qui sont alléEs dans ces structures, et non des professionnelLEs qui parlent à leur place, font à leur place et adoptent par là des postures d’emprise et de domination.

    – « leur place est en IME, avec des professionnels spécialisés et formés pour ça ».

    Variante : « je ne suis pas sûre qu’il y ait de l’intérêt à ce que ces handicapéEs soient à l’école »

    Là encore, on décide, du haut de notre validisme et à leur place, où doivent « être placéEs » les handicapéEs. Et ceci, sans savoir ce qui se passe en IME (et pour cause, peu de communication vers l’extérieur de la part de ces établissements, mais les handicapéEs en parlent et dénoncent les maltraitances et le manque d’enseignements).

    – « on n’a pas choisi d’enseigner à des handicapéEs »

    Propos extrêmement dérangeant, qui voudrait que l’on choisisse à qui l’on enseigne… Aujourd’hui les valides, demain les élèves sans difficultés, ensuite les personnes blanches, et ensuite les garçons ?

    Posture non validiste : on a choisi d’enseigner, et d’enseigner à touTEs les jeunes.

    – « les handicapéEs sont un danger pour les autres » (systématiquement sont sortis des témoignages qui associent sans honte #handicap et violence, qui ne forment en aucun cas l’ordinaire des handicapéEs à l’école).

    Variante : « les handicapéEs font (tout le temps) des crises ».

    Non, la violence ou la « crise » n’est pas une caractéristique inhérente au handicap. On peut écouter les témoignages d’handicapéEs expliquant pourquoi elles/ils ont eu des accès de violence : c’est la maltraitance, l’absence de prise en compte de leurs besoins et de leur sensibilité, qui ont conduit à ces moments de violence.

    – « les autistes sont ingérables ».

    Jugement de valeur, jugement tranché et essentialisant, qui réduit l’enfant, l’élève, à son #autisme. Non, un enfant n’est pas ingérable en soi. Ce sont les conditions d’accueil qui ne lui sont pas favorables, c’est l’institution qui ne sait pas s’adapter pour l’accueillir.

    #école #école_inclusive #enseignants #grève #profs_réacs

    • @Some_Writer_Cat
      https://twitter.com/Some_Writer_Cat/status/1744032292551446912

      Dites vous que le chef de service dun IMPRO (IME pour ado en gros) m’a hurlé dessus jusqu’à ce que je fasse une crise autistique parce que je voulais respecter ma convention de stage et m’a enfoncé en disant qu’il trouvait ça ahurissant qu’on m’ait laissé à l’école au lieu de m’envoyer en IME et qu’il en revenait pas que je sois en L3 et pas en ESAT.
      Imaginez maintenant comment ce type traité les ados de son IMPRO.
      Une collègue de L3 nous a aussi rapporté que dans son grand IME parisien, pointure en ABA, il y avait une salle de punition pour les enfants désobéissant et qu’on leur faisait faire des exercice du type « faire des maths pendant 1 heures sans secouer les mains (comportement inadaptés tout ça) et si les mains secouent zou on recommence à 0 jusqu’à ce que le jeune y arrive ».
      Des exercices pour briser les jeunes et proche de la torture maid bon, les IME c’est bien hein.
      Une autre collègue rapportaient que dans son IME, il fallait montrer 0 émotions devant les enfants et être le plus robotique possible, parce que les émotions perturbent les autistes.
      Mais encore une fois, les IME c’est cool.

      #IMPRO -> #ESAT

    • @MrKeatingreboot
      https://twitter.com/MrKeatingreboot/status/1743927891044245731

      Quand la lutte de #FO consiste à demander des places en institution, que c’est le projet de @gouvernementFR
      (des centaines d’ouvertures d’IME prévus), une idéologie partagée avec l’ED & au bénéfice des asso’ patronales qui gèrent les IME, peut-être qu’on se trompe de camp. 🤔
      Quand bien même on se foutrait du droit des enfants handiEs, des travailleureuses medico-sociales organisent-iels une journée de grève pour revendiquer la baisse des effectifs dans les classes !?
      Même sur le plan strictement syndical, aucun sens : des #AESH vont perdre leur taf !

    • Une grève contre l’inclusion ou pour les droits des élèves en situation de handicap ?
      https://www.cafepedagogique.net/2024/01/18/une-greve-contre-linclusion-ou-pour-les-droits-des-eleves-en-situat

      Si la FSU, CGT Éduc’action, et Sud #éducation appellent à une grève unitaire le 1er février prochain, la Fnec FP-FO – signataire de l’appel à la grève à cette date, a aussi déposé un préavis de grève pour le 25 janvier. « Face aux propos inadmissibles et méprisants de la ministre, la FNEC FP-FO appelle les personnels à être en grève et à manifester sous les fenêtres de Mme Oudéa-Castéra jeudi 25 janvier pour défendre l’École publique, pour revendiquer la création de postes nécessaires, en particulier dans les établissements sociaux et médico-sociaux, pour exiger un vrai statut et un vrai salaire pour les AESH » écrit le syndicat dans un communiqué.

      Loin d’être une mobilisation initiée par les propos de la ministre sur la scolarité de ses enfants dans un établissement privé, le choix de la date coïncide avec un appel à la grève datant du 12 janvier dernier. Une mobilisation prévue contre « l’inclusion systématique et les problèmes qu’elle pose » explique Frédéric Volle, secrétaire général. « Tous les élèves qui peuvent être accueillis à l’école doivent l’être dans de bonnes conditions, avec des AESH. Nous demandons aussi que les élèves qui bénéficient d’une notification MDPH pour effectuer leur scolarité dans des établissements spécialisés puissent trouver une place. Attal avait reconnu qu’il manquait 23 000 postes dans ces établissements. On bafoue les droits de ces élèves ». Un appel à la grève qui suscite émoi et indignation chez de nombreuses parents et personnalités dont l’un des membres du Conseil national consultatif des personnels handicapés, Florian Deygas. Frédéric Volle se défend d’être contre l’inclusion des élèves en situation de handicap. Selon lui, cette grève, c’est au contraire l’occasion « de rappeler et de réaffirmer les droits de ces enfants à bénéficier d’une scolarité adaptées à leurs besoins ».

      #FO

      edit
      Ecole inclusive : alertes sur un système qui craque
      https://seenthis.net/messages/1040363

  • L’Assemblée nationale lance une mission sur la formation et le recrutement des professeurs
    https://www.aefinfo.fr/depeche/702173-l-assemblee-nationale-lance-une-mission-sur-la-formation-et-le-recrut

    La commission de l’éducation de l’Assemblée nationale vient de lancer une mission d’information sur « le recrutement et la formation du personnel enseignant dans les collèges et lycées publics ». Elle est présidée par Roger Chudeau (#RN, Loir-et-Cher) et la rapporteure est Cécile Rilhac (Renaissance, Val-d’Oise).

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Chudeau

    Dans les mois qui suivent son élection, il présente trois propositions de loi, toutes en rapport avec l’#éducation : l’une visant à instaurer l’#uniforme_obligatoire pour les élèves à l’école primaire et au collège, une autre pour faciliter l’école à la maison, et la dernière visant à interdire le port du voile par les femmes qui accompagnent des sorties ou des voyages scolaires.

    dans sa biblio : comment faire de l’école publique un rempart contre l’islamisme ?

    « C’était très violent » : les syndicats de profs, attaqués par Renaissance et le RN, claquent la porte d’une commission parlementaire
    https://www.liberation.fr/checknews/cetait-tres-violent-les-syndicats-de-profs-attaques-par-renaissance-et-le

    [Chudeau]« Je pense que cette table ronde est un échec, les propos tenus rendent inopérante ce type de réunion. Je pense que nos hôtes n’ont pas compris où ils sont ni à qui ils s’adressent. Que madame de la FSU vous vous permettiez de nous faire une leçon de respect et de démocratie, est à la fois ridicule et totalement déplacé. Monsieur du Snalc qui ironise sur l’absentéisme des députés est totalement ridicule et déplacé. Donc si vous voulez que l’année prochaine on se retrouve, ce qui n’est pas forcément certain, j’aimerais que vous vous mettiez au niveau, et que vous baissiez d’un ton. »

    #école #enseignants de #en_Marche à #mettre_au_pas