• Baisse de motivation des étudiants, interactions « au point mort » avec les enseignants : le ras-le-bol des cours en ligne
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/06/16/cours-sans-visages-silence-d-outre-tombe-dans-l-enseignement-superieur-le-ra

    Privés des ressorts habituels de captation de l’attention, de nombreux professeurs ont senti le lien avec leurs classes s’effriter, tandis que la motivation des étudiants s’érodait. « Les deux sont intimement connectés », abonde Mael Virat, chercheur en psychologie de l’éducation et auteur de Quand les profs aiment les élèves (Odile Jacob, 2019). Selon lui, l’engagement scolaire et l’apprentissage dépendent directement du lien développé avec l’enseignant, figure d’attachement pour le jeune. A l’instar des élèves plus jeunes, les étudiants expriment un besoin d’attentions particulières et de proximité avec leurs enseignants. « Ils attendent d’eux qu’ils les portent en tant qu’individus, et pas seulement comme apprenants », précise Mael Virat.

    Sauf qu’en ligne les sourires, les traits d’humour, les digressions et anecdotes personnelles tendent à disparaître. « Or, loin d’être accessoires, ces éléments contribuent à construire du lien et de l’implication scolaire », souligne le chercheur, qui y voit une des raisons du taux de décrochage important au sein des formations proposées en ligne. Ainsi, les MOOC, ces cours gratuits en ligne, sont suivis jusqu’au bout en moyenne par seulement 10 % des personnes inscrites.

    Avec la distance, c’est la « partie humaine » de la profession d’enseignant qui s’évapore, juge Frédéric Brossard, professeur de maths à Intégrale, prépa privée parisienne. Il avait pris l’habitude d’arriver plus tôt dans la salle de classe et de rester quelques minutes à la fin, pour « discuter de tout et de rien » avec les élèves qui en ressentiraient le besoin. Mais depuis le confinement, le cours a perdu de sa saveur. « Il dure pile poil le temps imparti, autour d’un tableau virtuel, sans visages sur l’écran », raconte l’enseignant, pour qui cela n’a rien d’une solution viable.

    Le jeune ne se rend pas à l’université dans la seule quête de savoirs, il y recherche également « une mosaïque de modèles identificatoires », dans laquelle il va s’inscrire ou qu’il rejettera. « Tous les temps interstitiels, qui peuvent paraître inutiles, vont nourrir ce processus identificatoire, ajoute-t-elle. Il se concrétise notamment autour de la figure d’enseignants qui, par leurs qualités personnelles, incarneront la discipline ou le métier visé. »

    Où trouver, dans les visioconférences, ce « brin de désordre », cette « touche de rêverie », qui s’immisce habituellement dans les salles de classe ? « Contrairement au cours en ligne, celui en présentiel est fait d’un contexte bien particulier : l’ambiance, la température de l’amphi, les bruits parasites, la voix du prof… Cela va constituer l’espace propice à l’apprentissage : c’est la mémoire contextuelle, analyse Dominique Monchablon. La présence de l’enseignant et sa mise en scène, qu’elle soit charmante ou antipathique, contribuent à l’apprentissage. »

    #Education #Confinement #Enseignement_distance