• L’hyperstress au travail, fruit du « s’adapter sans cesse », Nicolas Santolaria
    https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2017/12/11/le-travail-c-est-pas-la-sante_5227722_4497916.html

    Après le burn-out, le bore-out ou la maladie de tako-tsubo, l’#entreprise semble avoir créé une nouvelle pathologie : l’hyperstress.

    Selon une étude menée entre 2013 et 2017 par le cabinet Stimulus (sic) , 24 % des #salariés français seraient dans un état d’« hyperstress ». Lorsqu’on tombe pour la première fois sur ces chiffres, on se dit : tiens, ils ont trouvé une nouvelle maladie corporate ! En effet, si l’on ne sait plus très bien où en est la production industrielle de l’Hexagone, une chose est sûre : notre pays usine des pathologies professionnelles à la chaîne avec autant de ferveur que des robots mixeurs durant les « trente glorieuses ».
    Un rapport publié en 2008 par l’Organisation mondiale de la #santé plaçait même la France à la troisième place des pays recensant le plus grand nombre de #dépressions liées au #travail. Burn-out, bore-out, brown-out, tako-tsubo, la litanie terminologique des misères induites par l’activité professionnelle n’a cessé de s’étendre ces dernières années, sans réussir à endiguer la propagation d’un mal-être généralisé et protéiforme. Avec 24 % d’hyperstressés, l’entreprise française semble s’orienter vers une situation où le normal et le pathologique pourraient à terme fusionner, pour accoucher d’une véritable patho-normalité.

    « Comment ça va, ce matin ?, vous demanderait alors votre collègue, dans ce contexte où le malaise psychique serait devenu aussi courant que le rhume en hiver.
    − Je reviens tout juste de burn-out et, comme le patron m’a interdit d’aller aux toilettes pendant mes heures de service malgré mon problème de prostate, je sens monter un léger hyperstress. Mais c’est tout à fait supportable. »

    Dans ce monde où la culture de la lutte a progressivement laissé place à une culture victimaire, l’hyper­stress, dernier barreau sur l’échelle de la mesure du stress psychologique, touche prioritairement les secteurs de la santé humaine et des actions sociales, des arts, spectacles et activités récréatives, et des services. Affectant fortement les femmes et les plus de 50 ans , ce stress, si élevé qu’il en devient dommageable pour la santé, est induit par un sentiment d’inadaptation cognitive aux exigences de l’époque. Il faut « s’adapter sans cesse » et traiter des informations « nombreuses et complexes », alors même que l’autonomie et la reconnaissance font défaut.

    Comparativement au #stress, qui conduisait à se ronger les ongles, on peut se demander si l’hyperstress ne pourrait pas déboucher sur le fait de se dévorer carrément le bout des doigts, en une inquiétante pulsion cannibale appliquée à soi-même. Supposition fantasque, mais qui fait écho au dernier ouvrage du philosophe allemand Anselm Jappe, La Société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction (La Découverte, 248 p., 22 €), où le mythe grec d’Erysichthon est remis au goût du jour. Puni pour un outrage à la nature, ce roi écocide fut condamné à connaître une faim insatiable qui le conduisit, après avoir englouti tout ce qui se trouvait autour de lui, à arracher ses membres et à se nourrir de son propre corps. Soit un devenir à la fois problématique, funeste, et franchement hyperstressant…

    #capitalisme #barrière_hémato-encéphalique

  • Syndicalisme et gilets jaunes - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Syndicalisme-et-gilets-jaunes.html

    Le 6 décembre, une intersyndicale rédige un communiqué qui se résume à l’ouverture de négociations et à la condamnation des violences. Le lendemain, Philippe Martinez estime qu’une « convergence des luttes est impossible au niveau national », tout en continuant de rappeler que « quand on livre des migrants à la police, ce ne sont pas les valeurs de la #CGT » [3], et appelle à une journée de grève sept jours plus tard, un vendredi, en marge des mobilisations des #gilets_jaunes prévus le samedi. Si aujourd’hui « gilets jaunes » et confédérations manifestent tant de méfiance réciproque, c’est que les syndicalistes n’apparaissent plus comme des porte-paroles des problématiques matérielles, ni même de l’exploitation salariale. À l’inverse, les gilets jaunes sont soupçonnés d’un amateurisme problématique dans ses formes comme dans ses revendications, accusés d’avoir déserté les rangs syndicaux, de se mobiliser trop tard et « hors cadre ».

    Un #syndicalisme qui s’éloigne des aspirations salariales

    Cette incapacité des confédérations syndicales à se joindre à l’un des plus grands mouvements sociaux depuis Mai 68 met bien en lumière l’affaiblissement qui frappe le syndicalisme hexagonal. Avec 8% en moyenne de la population salariale syndiquée, la France est le pays qui a connu le déclin le plus rapide et le plus brutal depuis trente ans en Occident [4]. L’étiologie du déclin syndical français est bien documentée par les sociologues et les politistes : disparition de bastions ouvriers, hausse du #chômage, #précarisation de l’emploi, tertiarisation de l’activité, etc. [5]

    Les organisations syndicales sont confrontées à des transformations majeures de l’économie auxquelles est venue s’ajouter une complexification substantielle du travail de représentation. Les élus du personnel et les militants syndicaux doivent désormais siéger dans un nombre croissant d’instances, dans et hors des entreprises [6]. En ce sens, à mesure que les règles juridiques et économiques gagnaient en subtilité dérogatoire, les militants syndicaux ont été happés par la nécessité d’intensifier leur formation, s’éloignant géographiquement et socialement, des bases qu’ils étaient censés représenter [7]. La question de la #représentativité n’a fait qu’accentuer la déconnexion entre les organisations syndicales et les salariés : par les prérogatives qu’elles permettent, les élections professionnelles sont devenues des enjeux essentiels des confédérations syndicales qui concentrent désormais une partie substantielle de leurs préoccupations et de leurs mobilisations militantes. Enfin, depuis une dizaine d’années, le monde syndical rencontre une série de transformations majeures qui l’emporte dans une course effrénée à l’adaptation de nouveaux dispositifs de régulation du #travail et de l’#emploi : loi de représentativité syndicale en 2008, Loi Rebsamen en 2015, Loi El Khomri en 2016, ordonnances Macron en 2017, les syndicats passent désormais une partie substantielle de leur temps à s’adapter à un cadre normatif qui n’a de cesse de réduire leurs marges de manœuvre.

    Dans le même temps, leur voix et leur expertise en matière d’action publique semblent définitivement exclues de la fabrique des réformes sectorielles (dans l’énergie, le travail ou encore les transports) depuis la fin des années 1990 [8]. Désormais, le pouvoir syndical est morcelé à la faveur de la négociation d’entreprise qui met en concurrence les salariés entre eux. Depuis son arrivée au pouvoir, E. Macron n’a fait que contribuer à exacerber cette déconnexion par la mise en place des Comités sociaux et économiques (CSE) qui prévoient de transformer les syndicalistes en managers sociaux [9].

    Les gilets jaunes, substitut des luttes au travail ?

    Le mouvement des Gilets Jaunes met donc bien en lumière ici un symptôme de ces différentes transformations du syndicalisme : sous l’effet de la professionnalisation du travail syndical, les responsables syndicaux semblent désormais en décalage par rapport à des aspirations pourtant proches du cœur de leur travail revendicatif, défendues par nombre de travailleurs pauvres, de retraités modestes ou de jeunes intérimaires qui composent les rangs des Gilets jaunes [10]. Le caractère extra-professionnel de cette #mobilisation éclaire un autre aspect de la situation de faiblesse dans laquelle sont placés désormais les syndicats : foyer historique de la contestation, le monde du travail ne semble désormais plus en mesure de mobiliser suffisamment pour obtenir des conquêtes sociales élémentaires comme des hausses générales de #salaire. Ce combat déserte le lieu de travail, à mesure que l’#entreprise se complexifie (sous-traitance, éclatement des statuts d’emploi, éloignement des centres de décision, distance sociale des nouvelles générations de cadres) et se fait désormais sur des ronds-points, des péages d’autoroute, aux abords des villes. Quand ce mouvement se décide à manifester sur Paris, les centrales syndicales peinent à sortir de leurs cortèges habituels [11], conduisant à l’invisibilité mentionnée plus haut.

    La conflictualité professionnelle en France est pourtant loin d’être anecdotique : des recherches montrent une résurgence de la contestation au travail depuis la fin des années 1990 qui s’accentue tout au long des années 2000 [12], faisant de la France l’un des pays les plus conflictuels du continent européen [13]. En dépit de leur déclin respectif et commun, l’industrie et les syndicats demeurent ainsi les principaux secteurs et acteurs des mobilisations professionnelles en ce début de millénaire. Pour autant, cette tendance globale à la hausse cache des disparités qui permettent de formuler des hypothèses d’un glissement de la conflictualité professionnelle hors de l’entreprise, dont les gilets jaunes seraient une des illustrations. Bien qu’on observe une hausse continue de la conflictualité sur la période, celle-ci ne parvient jamais à rassembler autant de participants qu’autrefois, et réunit principalement des salariés du secteur public lors de journées de grandes mobilisations [14]. Le nombre de Journées Individuelles Non Travaillées dans le secteur privé a ainsi nettement baissé, passant de plus de trois millions dans les années 1970 à un nombre variant de 250000 à 500000 durant la décennie 1990 et 2000, tandis que les mobilisations ont été écourtées : les cessations du travail inférieures à deux jours augmentent tandis que celles qui leur sont supérieures diminuent, les salariés privilégiant des formats de lutte plus indirects, comme le #débrayage, la pétition, la #grève_perlée ou celle du zèle.

    En fait, la conflictualité contemporaine du travail est autant le produit de la tertiarisation de l’économie que de la #segmentation progressive du marché du travail et de la précarisation des conditions d’emploi [15] qui semblent caractériser nombre de gilets jaunes [16]. Les conditions de mobilisations au travail se sont dégradées à mesure que l’emploi se transformait et se raréfiait, rendant l’implication dans la lutte de plus en plus coûteuse, aussi bien à titre collectif qu’individuel, en particulier pour les salariés dont les revenus sont les plus bas : ces derniers préfèrent souvent « la débrouillardise » au syndicalisme pour s’informer ou se défendre [17]. Le recours aux Prudhommes concerne ainsi près de 94% d’individus « ordinaires » et vise dans 8 cas sur 10 à contester le motif de la rupture [18]. Enfin, cette inertie doit surtout s’apprécier à l’aune de la création des ruptures conventionnelles qui connaît une croissance ininterrompue depuis leur apparition en 2008. Or ces contrats sont moins le résultat d’une conciliation « à l’amiable » que bien souvent un « exit » financier et institutionnel d’une multitude de situations conflictuelles [19]. En en complexifiant le recours aux prudhommes et en complexifiant le recours à cette juridiction, les ordonnances Macron finissent par étouffer les dernières voies possibles de justice au travail [20]. En occupant les ronds-points, les gilets jaunes continueraient-ils la lutte professionnelle par « d’autres moyens » ?

    Une convergence impossible ?

    Les rares données d’enquête disponibles à ce jour tendent, malgré leur inévitable fragilité, à corroborer cette hypothèse : parmi les gilets jaunes rencontrés par les sociologues, près d’un sur deux (44%) a déjà participé à une #grève, un taux particulièrement élevé quand on sait que seul un tiers des Français déclare avoir engagé une telle démarche au cours de leur carrière professionnelle (« Les salariés et la grève », Sondage BVA daté du 18 avril 2018.). [...]

    #revenu

    • Toulouse. Les ouvriers de Carrefour supply chain en grève et des gilets jaunes en soutien
      http://www.revolutionpermanente.fr/Toulouse-Les-ouvriers-de-Carrefour-supply-chain-en-greve-et-des

      Face à une nouvelle preuve de mépris de Carrefour qui refuse aux #ouvriers une prime, ceux-ci ont décidé de se mettre en #grève, rejoints par des gilets jaunes venus en soutien sur le piquet pour bloquer les livraisons.

      Ce n’est pas la première fois que les #Gilets_Jaunes se rendent sur le site de Logidis, à Colomiers, filiale et centre d’achat de Carrefour. En effet, depuis le début du mouvement, le site a déjà été bloqué à plusieurs reprises contre le géant de la #grande_distribution, qui licencie les salariés par milliers, et reçoit des millions de CICE.

      Cette fois-ci néanmoins, le contexte est différent, car ce sont les ouvriers qui ont décidé de se mettre en grève « #contre_la_vie_chère, pour l’augmentation des #salaires et la préservation de nos emplois », selon la CGT. En effet, alors que le gouvernement, pour calmer la colère sociale, en a appelé à quelques primes exceptionnelles que pourraient verser les employeurs, la direction de Carrefour a tout bonnement refusé d’en accorder à ses salariés.

      Carrefour supply chain à Colomiers ce sont près de 350 salariés, dont plus de la moitié en intérim, avec des contrats en 3x8, dépassant à peine le SMIC, malgré l’ancienneté de certains ouvriers qui y travaillent depuis plus de 30 ans et qui ne touchent pas plus de 1400 euros. Et des patrons qui refusent même d’accorder de quoi finir l’année plus sereinement.

  • Economie solidaire : Jean-Marc Borello, l’homme qui fait du social un business, Isabelle Rey-Lefebvre et Denis Cosnard, Le Monde (qui lâche son canasson)

    Ce proche d’Emmanuel #Macron préside aux destinées du groupe SOS d’économie solidaire dont le chiffre d’affaires frôle le milliard d’euros.


    Jean Marc Borello à son arrivée pour une réunion avec les candidats du mouvement « En marche ! », à Paris, le 13 mai 2017.

    Et un #hôpital de plus ! Le neuvième à tomber dans l’escarcelle de SOS. Le groupe français d’économie sociale a annoncé, début novembre, la reprise du centre médical La Source, à Saint-Léger-les-Mélèzes (Hautes-Alpes). Au même moment, à Marseille, il a été choisi par la ville pour restaurer et exploiter durant quarante ans le fort d’Entrecasteaux, un site militaire du XVIIe siècle fermé depuis des années. Dans un ou deux ans, il devrait être transformé en lieu d’innovation culturelle. A la clé, 300 emplois, notamment pour des jeunes en difficulté.

    C’est encore le Groupe SOS qui a été désigné, en septembre, par le gouvernement pour prendre en charge des personnes radicalisées, notamment celles de retour de Syrie. Objectif : les sortir de leur parcours extrémiste et les réinsérer. Un centre a ouvert à Paris fin septembre, un deuxième est prévu à Marseille.

    Plus discrètement, SOS a été retenu par le groupe parlementaire La République en marche (#LRM) pour apprendre à une partie de ses députés à s’exprimer dans les médias. Et dans quelques jours, il devrait reprendre Les Brigades vertes, une grosse association de Dardilly (Rhône) chargée d’aider des personnes au revenu de solidarité active (RSA) à trouver un avenir, elle-même en grand péril.

    Un hôpital à redresser, un monument historique à restaurer, des islamistes radicalisés à remettre dans le droit chemin, des élus à former, des réfugiés à héberger… De mois en mois, SOS n’en finit pas de remporter les appels d’offres les plus divers, et de grandir, grandir.

    Au total, le groupe associatif affirme employer à présent près de 18 000 salariés dans 500 établissements, et table, pour 2018, sur un chiffre d’affaires de 948 millions d’euros. Le cap du milliard est en vue. « Cela fera une croissance de 10 % à 15 %, comme les années précédentes », évalue Jean-Marc Borello, installé dans son bureau du 11e arrondissement de Paris. En France, jamais une entreprise de l’économie sociale et solidaire n’avait atteint pareille taille.

    Association milliardaire

    Soudain, le patron de 60 ans se lève et ouvre la fenêtre, histoire de fumer une cigarette en mesurant le chemin accompli depuis la création des premières associations fondatrices de SOS, en #1984. « La valeur liquidative du groupe est désormais voisine de 1 milliard d’euros, notamment parce que notre “truc associatif” est propriétaire de ses murs, glisse-t-il avec satisfaction. Cela veut dire que, si demain on arrêtait tout, on se retrouverait avec 1 milliard. Mais qu’est-ce qu’on en ferait ? »

    Une association milliardaire ! Joli succès pour cet ancien éducateur spécialisé, devenu gestionnaire de boîtes de nuit aux côtés de Régine, puis figure de proue de l’économie sociale, et désormais l’un des #patrons les plus proches d’Emmanuel Macron. Après l’avoir eu comme élève à Sciences Po, le dirigeant de SOS s’est mis à son service durant la campagne présidentielle. Dans la foulée, deux anciens du groupe, Pacôme Rupin et Aurélien Taché, ont été élus à l’Assemblée.

    Quatre mois après l’élection, le président-fondateur lui-même s’est vu confier par le gouvernement une mission sur « l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion ». Membre du bureau exécutif de LRM, l’homme fort de SOS préside aujourd’hui la commission chargée de choisir les candidats pour les élections européennes, un poste de confiance. Dans certaines réunions, « il arrive que M. Borello surplombe les ministres, leur coupe la parole », constate Louis Gallois, ancien patron de la SNCF et actuel président de la Fédération des acteurs de la solidarité.

    Mais ce succès ne va pas sans susciter des critiques. M. Borello s’est vu qualifier de « Bernard Tapie », d’« industriel du social ». Certains l’accusent de reproduire dans le monde associatif les logiques prédatrices du capitalisme classique. Et d’avoir constitué, avec SOS, un petit empire géré de façon clanique.

    Pouvoir concentré

    De fait, l’association est verrouillée. Pas de bénévoles, pas d’adhérents hormis une centaine de membres triés sur le volet : magistrats, hauts fonctionnaires, professeurs de médecine qui doivent être parrainés par les trente membres du conseil d’administration… qu’ils ont élus. Le circuit est ainsi bouclé, ce qu’admet le patron. « Bien sûr, il ne suffit pas de payer sa cotisation pour entrer : il faut avoir rendu des services éminents ou être ancien responsable des associations passées dans le groupe. » Le conseil, réuni trois ou quatre fois l’an, a d’ailleurs un rôle mineur, affirme un administrateur des premiers jours.

    « Cette absence de contrôle démocratique, de contre-pouvoir, pose problème dans un domaine comme l’action sociale », juge Patrick Doutreligne, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. M. Borello se défend : « C’est une association de gestion, elle reste fermée et à l’abri d’une OPA associative. »

    En pratique, le pouvoir paraît concentré entre les mains du président et de quelques dirigeants, liés pour certains d’entre eux par des relations affectives ou familiales. « Oui, il y a autour de Jean-Marc une forme de cour, dont j’ai fait partie, et qui bénéficie parfois de privilèges, notamment d’appartements rachetés au groupe », reconnaît, un peu gêné, un ancien responsable.

    Un château avec piscine et kangourous dans le parc

    Le patron se déplace en voiture avec chauffeur. Il passe des week-ends dans une propriété du groupe, Les Tournelles, à Hautefeuille (Seine-et-Marne), un château avec piscine, jacuzzi, salle de projection, et même des kangourous dans le parc.
    Des signes qui passent mal dans le milieu de l’action sociale et qui contrastent avec le sort des salariés de base. « En fin d’année 2017, j’ai voulu remercier mon équipe qui s’est démenée pour remettre sur pied notre accueil, témoigne une directrice. La hiérarchie a royalement proposé une prime humiliante de 50 euros... »

    Et puis, il y a la façon dont Jean-Marc Borello se comporte avec certains hommes. La scène s’est répétée à de nombreuses reprises. « C’est une sorte de tradition », racontent des habitués. Lors des grandes fêtes qui ponctuent la vie du groupe, M. Borello ouvre le bal sur Gigi L’Amoroso, de Dalida. Lorsque résonnent les premières notes de piano et de mandoline, le patron de SOS choisit dans l’assemblée un des membres du personnel, un beau jeune homme en général, l’entraîne sur la piste et danse avec lui. Quand la chanson s’arrête, il embrasse son partenaire. Parfois sur la bouche.
    « Moi, il m’a même roulé une pelle en public, par surprise, alors que je n’avais rien demandé », témoigne un de ceux passés entre ses bras, encore sidéré. « Il a essayé, mais j’ai tourné la tête à temps pour éviter son baiser », confie un autre. « Comme ses habitudes sont connues dans le groupe, les garçons qui ne veulent pas être pris pour cible sortent de la salle à ce moment-là, ajoutent trois anciens cadres. Mais tous ne sont pas avertis. »

    « Je ne force personne »
    Des baisers ? Jean-Marc Borello assume. « Cela peut choquer, mais nous savons d’où nous venons, c’est-à-dire d’Arcat, du Kiosque, des premières associations de lutte contre le sida. » Du baiser sur la bouche conçu comme un acte militant, et de la fête antidote à la mort. En revanche, il dément tout harcèlement. « Je ne force personne, se défend-il. Cette maison a été fondée sur la protection des plus faibles, et nous avons des procédures très rigoureuses contre ce genre de choses. » Aucune plainte n’a d’ailleurs été déposée.

    « Tous les garçons ne sont pas consentants, corrige un de ceux qui ont assisté à ce type de scène. Mais comment voulez-vous qu’ils se rebellent ? Ils ont face à eux le patron du groupe, un homme imposant, charismatique, qui pourrait être leur père. Le pape de l’économie sociale et solidaire ! S’ils veulent faire carrière dans le secteur, ils n’ont aucun intérêt à ruer dans les brancards. »
    « Je me suis senti agressé, mais je ne voulais pas être à l’origine d’une crise dans notre petit milieu », confirme un des hommes concernés, qui souhaite rester anonyme, comme les neuf témoins qui nous ont décrit ces situations. Et puis, autour d’eux, personne ne semble choqué. « Tu connais Jean-Marc, il est comme ça, avec ses excès… »

    Quant à la stratégie tous azimuts du groupe, elle peut dérouter, elle aussi. Le patron assume. « Certains groupes veulent se concentrer sur leur “core business”. Nous, on en a soixante, de corps, et quand on en a marre, on en change ! », s’exclame-t-il en riant.

    « Dans le domaine social au sens large »

    Aux centres de soin pour les drogués ou les personnes handicapées, aux maisons pour les enfants de la Ddass, se sont ajoutés au fil des ans des hôpitaux, des crèches, des maisons de retraite, des chantiers d’insertion, des boutiques de produits équitables, deux journaux (Respect Mag, Up le mag), une radio (Raje), une agence de média training, un restaurant à Saint-Denis, ou encore le Pavillon Elysée, un lieu de réception ultrachic qui vient de rouvrir après un an de travaux, en bas des Champs-Elysées.

    Derrière cet empilement, il y a une logique, plaide M. Borello : « inventer la société de demain » en multipliant les initiatives « dans le domaine social au sens large ».
    De même, l’ex-patron du Palace revendique l’efficacité économique. « Dans de nombreux secteurs, nous sommes en concurrence directe avec le privé, par exemple dans les maisons de retraite, et on ne peut pas se louper », souligne-t-il. A ses yeux, gagner de l’argent est la clé pour continuer à assurer ses missions au profit d’un public toujours plus large.

    Pour y parvenir, le groupe emploie une méthode bien rodée. D’abord, il dépense moins que d’autres pour payer son personnel, même si les écarts de salaires, initialement limités de 1 à 4, vont désormais de 1 à 15, en comptant certains chirurgiens. « Comme on donne du sens à leur job, on attire les meilleurs élèves des meilleures écoles, sourit le président du directoire. Ils viennent ici travailler plus et gagner moins ! »
    Ensuite, parmi toutes les structures mal en point qui frappent à la porte, il ne reprend que celles qui bénéficient de #subventions sûres ou, surtout, disposent d’un #patrimoine_immobilier. « C’est le critère numéro un », assurent des anciens. Une fois dans le giron du groupe, les structures font l’objet d’une reprise en main vigoureuse. Les dirigeants sont remplacés par de jeunes diplômés des meilleures écoles.

    Gestion par courriel
    Pour Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’avenir, association qui prône une agriculture biologique, cela s’est bien passé, même s’il a dû lâcher la direction : « Nous avons longuement réfléchi avant d’adhérer à SOS, nous avons eu toutes les réponses à nos questions et, surtout, des moyens financiers pour un tour de France qui a permis de développer le concept », raconte-t-il.
    Une autre association de producteurs, Bio Normandie, a, elle, renoncé au mariage malgré une mauvaise passe financière : « Nous avons tout de suite senti que la seule chose qui intéressait les émissaires de SOS était notre réseau de producteurs et transformateurs, bâti en vingt ans d’activité, mais pas notre fonctionnement ni nos valeurs, et que nous y perdrions notre identité », confie Grégory Tierce, responsable du pôle production.
    Pour l’association bordelaise Mana, spécialisée dans les soins aux réfugiés les plus traumatisés, l’intégration, depuis juillet 2017, se révèle douloureuse. Les traducteurs du bulgare, du roumain, de l’albanais, de l’afghan, qui viennent à l’appui des médecins lors de consultations, ont été priés, pour certains, de devenir #auto-entrepreneurs, d’accepter des #missions facturées à la minute, sans prise en charge de leurs déplacements, sans rétribution si le rendez-vous est annulé, sans protection s’ils doivent se rendre dans des squats où peuvent sévir tuberculose, gale et rougeole… La gestion se passe désormais par courriel et plate-forme informatique, sans contacts humains, ce qui heurte ces travailleurs sociaux très impliqués dans leur tâche.

    Economies d’échelle
    Face aux tensions, Guy Sebbah, le directeur de SOS Solidarités est venu de Paris fin octobre en réunion de crise pour « écouter les salariés », constitués en collectif. Quatre jours plus tard, celle qui avait pris la parole au nom des autres, la psychologue Zineb Mantrach, était remerciée et son contrat non renouvelé à quatre jours de son échéance : « J’ai dû interrompre toutes mes séances et ateliers qui s’adressent à des réfugiés en grande souffrance, traumatisés par des viols, des tortures. »

    Durant notre entretien, elle reçoit un texto : « J’ai besoin de vous. Quand revenez-vous ? », demande une ancienne patiente, enceinte à la suite d’un viol. « Je reçois plein de messages de ce type », explique en pleurant la psychologue.
    Autre levier, le groupe joue la carte des économies d’échelle, en particulier au niveau des achats. A Douai (Nord), où SOS a repris en 2015 un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « on a pu économiser 70 000 euros par an grâce aux tarifs négociés par le groupe », relate ainsi M. Borello. La même mécanique devrait permettre d’améliorer les comptes des quatre #Ehpad que la SNCF doit transférer à SOS au 1er janvier.

    Groupe SOS : un trésor immobilier évalué à 500 millions d’euros , Isabelle Rey-Lefebvre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/05/groupe-sos-un-tresor-immobilier-evalue-a-500-millions-d-euros_5392949_3224.h

    Groupe SOS : un trésor immobilier évalué à 500 millions d’euros
    Certains dirigeants de SOS ont pu racheter au groupe des appartements à des prix très avantageux.

    Depuis une trentaine d’années, le Groupe SOS s’est constitué un petit empire #immobilier évalué à 500 millions d’euros. Il repose sur un portefeuille hétéroclite de 455 #logements_sociaux et très sociaux principalement situés à Paris, 26 commerces, deux garages, des châteaux, des bureaux à Metz, Marseille et Casablanca, et 48 structures du type résidences sociales, crèches, maisons-relais, foyers de jeunes travailleurs… Tout est logé dans Alterna, filiale à statut coopératif de SOS, dirigée par Frédéric Bailly. « Centraliser l’immobilier permet de mutualiser des compétences pour réaliser des travaux, et de mieux convaincre les banques de nous accorder des prêts », explique Jean-Marc Borello, président du directoire du groupe.

    Un trésor dont les dirigeants de SOS ont parfois su profiter. C’est ainsi qu’un bel immeuble en pierre de taille, au cœur de Paris, destiné initialement à du logement très social, s’est ainsi retrouvé pour moitié la propriété d’Eric Teboul, alors gérant d’Alterna. En juin 2004 et juin 2006, en pleine flambée des prix, il y a acquis cinq appartements pour 2 500 et 3 000 euros le mètre carré, bien en dessous des prix de marché. Guy Sebbah, directeur de SOS Solidarités, y a, lui, acheté, en 2004, un appartement de 74 mètres carrés au prix de 157 000 euros, qu’il a revendu 710 000 euros en 2015. Frédéric Bailly, l’actuel gérant d’Alterna, a pu bénéficier en 2004, dans le même immeuble, d’un appartement de 47 mètres carrés achetés 2 143 euros le mètre carré. A l’époque, le prix moyen dans l’arrondissement s’établissait à 4 910 euros. Une opération similaire a porté sur un appartement d’un immeuble du 18e arrondissement, vendu au directeur de la communication de SOS, Nicolas Froissard.

    « Risque de conflit d’intérêts »

    L’Agence nationale de contrôle du logement social, qui a étudié l’affaire, relève : « En décidant de vendre à des personnes travaillant au sein du Groupe SOS, Alliance Immobilière [ancien nom d’Alterna] a écarté des acheteurs offrant un meilleur prix. Ceci illustre le risque de conflit d’intérêts d’autant que deux de ces ventes se sont traduites par une moins-value pour Alliance Immobilière. » Le groupe se défend en affirmant avoir respecté la valeur donnée par l’administration des Domaines.

    D’où vient le patrimoine d’Alterna ? Il a grandi au fil des acquisitions réalisées pour mener à bien les projets sociaux et financées par d’abondantes subventions (36,1 millions d’euros en 2017), mais aussi de l’intégration d’associations. En rejoignant SOS, elles lui transfèrent leurs actifs, terrains, bâtiments, etc. C’est le cas, par exemple, des Œuvres sociales d’Ormesson et de Villiers, vieille fondation datant du XIXe siècle destinée à l’origine au soin des tuberculeux, à la tête de deux établissements dans le Val-de-Marne, dont une maison d’accueil de 50 places pour personnes lourdement handicapées à Ormesson-sur-Marne.

    La fondation a rejoint SOS en 2010 et son patrimoine immobilier, évalué à 6,5 millions d’euros, a été transféré à Alterna en juillet 2015 : « Très vite, nous avons senti l’intérêt du Groupe SOS pour ce terrain, en plein centre-ville, raconte Jean-Luc Lefeuvre, président du conseil de la vie sociale de l’établissement. Depuis qu’il a mis la main sur cette propriété sans débourser un sou, le président de SOS qui nous avait promis de la maintenir et la réhabiliter veut transférer l’établissement à Villiers, dans un nouveau bâtiment, et vendre le terrain de d’Ormesson, un parc de trois hectares, mitoyen de la mairie ». M. Borello se défend : « Nous discutons avec la maire de l’utilisation future de ce terrain, dont la vente financerait tout juste la construction d’un nouveau bâtiment à Villiers. »

    Mélange des genres

    Alterna vend aussi beaucoup de biens dont elle n’a plus l’usage. Elle a ainsi, entre 2015 et 2017, cédé dix immeubles à la régie immobilière de la ville de Paris, dégageant de belles plus-values, par exemple de 5,4 millions d’euros rien qu’avec les deux immeubles et trois appartements vendus en 2017. Grâce à ces gains et malgré une exploitation déficitaire, les comptes d’Alterna sont bénéficiaires, d’environ 2 millions d’euros en 2017, pour un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros.

    Cela permet à la société de transférer, chaque année, entre 1 et 2 millions d’euros à des entités du groupe à statut commercial, telles que le Comptoir de l’innovation, la société d’événementiel Event It, des incubateurs d’entreprises, la société de BTP Exigences ou encore la société holding SOS Participations.
    Ce mélange des genres a le don d’irriter les contrôleurs de l’Ancols qui, dans leurs rapports de 2003, 2011 et 2016, critiquent ces mouvements de fonds et l’absence de comptabilités séparées sans, toutefois, les sanctionner : « L’activité de logement social, qui bénéficie d’aides publiques sous forme de subventions et d’exemptions fiscales, ne doit pas permettre le soutien d’autres activités même s’il s’agit de l’intérêt général », jugeaient-ils en 2011. « Il faut bien aider au démarrage de ces entreprises d’insertion », justifie M. Borello.

    Isabelle Rey-Lefebvre

    Jean-Marc Borello, l’atout social d’Emmanuel Macron , Patrick Roger, le 17 janvier 2017

    Le président de SOS, numéro un de l’économie sociale et solidaire, est l’un des neuf délégués nationaux du candidat d’En marche !

    Le siège du groupe SOS ne paye pas de mine. Niché au fond d’un passage du quartier de la République, à Paris (11e), à deux pas du Cirque d’hiver, le lieu n’a rien à voir avec ces luxueux bureaux d’affaires dont le clinquant et le tape-à-l’œil font office de carte de visite. Le hall d’accueil a des allures de ruche affairée. C’est le cœur névralgique d’un géant de l’économie sociale et solidaire, qui regroupe plus de 400 établissements, emploie 15 000 salariés et devrait franchir en 2017 le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires.

    A peine son visiteur lui a-t-il été annoncé que le président fondateur, Jean-Marc Borello, surgit, la main tendue, la poignée de main ferme. Il revient tout juste d’un déplacement à Mayotte, où le groupe gère trois établissements, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance. En jean et chemise, ce « grand patron » à la carrure de rugbyman et à l’accent méridional, né en 1957 à Gardanne (Bouches-du-Rhône), ne colle pas aux canons du genre.

    Depuis la fin octobre 2016, Emmanuel Macron en a fait un des neuf délégués nationaux de son mouvement, En marche !, de même que Catherine Barbaroux, la présidente de l’Adie, première association de microcrédit en France. Ce sont ainsi deux des principaux acteurs de l’économie sociale et solidaire, connus pour leurs engagements de longue date aux côtés des exclus et leur enracinement à gauche, qui figurent dans le cercle rapproché des « ambassadeurs » du mouvement.

    « Je suis irréductiblement de gauche »

    Voilà qui ne cadre guère avec le cliché abondamment reproduit de l’ex-banquier d’affaires de chez Rothschild, estampillé libéral et voué aux gémonies par une partie de la gauche. C’est pourtant une des facettes méconnues du personnage, qui en nourrissent la complexité. « Bien avant En marche !, j’ai amené Emmanuel voir ce qui se passait dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, il y a quinze ans déjà », raconte Jean-Marc Borello, qui l’a eu comme élève à Sciences Po, où l’ancien éducateur spécialisé prodiguait des enseignements.
    Les deux hommes se sont revus lorsque Emmanuel Macron est devenu ministre de l’économie, en août 2014. Le président du groupe SOS avait préalablement pas mal travaillé sur l’élaboration de la loi de juillet 2014 avec Benoît Hamon, lorsque celui-ci était ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. Ils ont alors recommencé à travailler ensemble. Et le voilà à présent intégré dans l’équipe d’En marche !
    « Macron, c’est un vrai bénéfice pour amener les jeunes à réinvestir le débat politique. C’est franchement une belle histoire, s’enthousiasme Jean-Marc Borello. C’est formidable de repartir sur une aventure comme ça. »

    Il avoue avoir toujours à affronter le scepticisme d’une partie de son entourage, notamment parmi ceux qui ont suivi sa trajectoire depuis qu’il intervenait à la fin des années 1970 auprès de jeunes délinquants en région parisienne, aux Ulis (Essonne), avant d’intégrer, après l’arrivée de la gauche au pouvoir, en #1981, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies.

    « Je suis irréductiblement de gauche et je suis trop vieux pour changer, se défend-il. Mais on ne pourra pas faire face aux besoins de solidarité, qui sont immenses, si on ne crée pas au préalable de la richesse. » Cette vision, il la développe dans un ouvrage à paraître le 19 janvier, au titre en forme d’oxymore, Pour un capitalisme d’intérêt général (Débats publics, 193 p., 18 euros).

    « Aller voir tout ce qui fonctionne très bien »

    Quel peut être le rôle de ces délégués nationaux issus de l’économie sociale et solidaire dans l’élaboration du projet d’Emmanuel Macron, outre le fait qu’ils disposent d’un important réseau ? « Notre domaine d’intervention, c’est la #lutte_contre_les_exclusions, comment gérer les politiques publiques autour de l’exclusion, du logement, etc., explique Jean-Marc Borello. Je fais remonter les propositions et les demandes du secteur. Il y a des groupes qui travaillent sur le logement, la grande exclusion, l’immigration, le droit d’asile… » Il n’ira pas, toutefois, jusqu’à lever le voile sur ce qui pourrait irriguer les engagements du candidat Macron, que ce dernier devrait présenter le 4 février à Lyon.
    « Nous sommes dans l’idée d’aller voir tout ce qui fonctionne très bien et qu’on n’a jamais été foutu de développer à l’échelle nationale, comment, avec toutes ces initiatives qui ont fait leurs preuves sur le terrain, monter des dispositifs ambitieux, comment faire pour desserrer l’étau administratif et réglementaire pour permettre aux gens d’innover », reprend le patron de SOS.

    Il cite en exemple l’expérience de Cuisine mode d’emploi(s), créée par le chef Thierry Marx pour permettre à des jeunes sans qualification ou à des chômeurs de longue durée d’intégrer les métiers de la restauration. Ou encore celle de Mozaïk RH, fondée par Saïd Hammouche pour aider les jeunes diplômés des quartiers défavorisés à intégrer le monde de l’entreprise.

    Mauvaise polémique
    Et, quand Emmanuel Macron se déplace dans le Pas-de-Calais, rencontre des acteurs locaux intervenant dans le domaine de l’habitat social ou de la précarité, décrit les conséquences sanitaires de la paupérisation de certains territoires, il parle en connaissance de cause, nourri précisément par ces expériences de terrain. Il décrit une réalité qui perdure et, même, va en s’aggravant. Cela lui a valu un tombereau de critiques. Une bien mauvaise polémique, en fait : cette réalité, les acteurs de l’économie sociale et de la prévention ne la connaissent que trop bien.

    « Il y a un vrai mouvement mondial autour de l’entrepreneuriat social, 40 % des sortants de grandes écoles veulent travailler dans l’économie sociale , assure Jean-Marc Borello. Là-dessus, Emmanuel Macron est absolument convaincu. » Ses propositions dans ce domaine pourraient contribuer à rééquilibrer l’image et le corpus programmatique du candidat d’En marche ! Et aussi exercer un réel pouvoir de séduction auprès d’une partie de l’électorat jeune – et moins jeune – à la recherche de nouveaux modes d’engagement.

    #histoire #socialisme #Borello

    • Jean-Marc Borello : itinéraire d’un patron, du milieu de la nuit à la macronie, Laure Bretton et Gurvan Kristanadjaja

      Le fondateur du groupe SOS assiste à une réunion à l’ELysée, le 12 décembre. Photo Bruno Lévy. Divergence
      https://medias.liberation.fr/photo/1181893-le-president-de-la-republique-m-emmanuel-macron-reaoit-une

      Avant de construire son empire, Jean-Marc Borello s’est engagé contre le sida. Celui qui a toujours flirté avec la politique est décrit comme un personnage fascinant.

      Colosse culminant à près de deux mètres, voix rocailleuse et accent marseillais, Jean-Marc Borello, 61 ans, est un #patron déroutant. En trente ans, l’ancien éducateur de rue est devenu le pape - laïc - de l’économie sociale et solidaire (#ESS), un secteur passé à la postérité depuis que François Hollande lui a dédié un ministère, niché au cœur de la forteresse de Bercy. Depuis, toutes les formules superlatives ont été tentées pour décrire Jean-Marc Borello, sorti de l’ombre associative pour devenir un acteur politico-économique majeur. « Bill Gates de l’ESS » quand on veut être gentil. « Bernard Tapie du #social », quand on a quelques doutes sur le bonhomme quand même. Chez Borello, les cheveux mi-longs ont cédé la place à une coupe en brosse grisonnante avec raie sur le côté, le blouson en cuir a été remplacé par un costard. Comme un dernier îlot de résistance au conformisme bourgeois, la cravate se fait rare. Parti d’un engagement militant et personnel - lutter contre les toxicomanies et le sida - il a construit un petit empire comptant aujourd’hui plus de 17 000 personnes . Homme d’affaires accompli, le patron du groupe SOS tranche par une familiarité devenue marque de fabrique. « Jean-Marc », lance-t-il simplement en tendant la main quand on le rencontre.

      A l’origine, rien ne prédestine Jean-Marc Borello à être un homme de pouvoir. Né en 1957 d’un père militaire et d’une mère ouvrière à Aix-en-Provence, il grandit à Gardanne. Pensionnaire et délégué de classe, il se fait renvoyer. Meneur d’hommes mais pas dans les clous. En 1982, sa vision de l’éducation de jeunes en détresse le fait remarquer : il entre à la Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies (Mildeca), nommé par le gouvernement #Mauroy. Le compagnonnage socialiste ne fait que commencer. Deux ans plus tard, il fonde sa propre association, SOS drogue international. [...]

      Depuis trente ans, Jean-Marc Borello a toujours flirté avec la politique. D’abord à Marseille en 1981. Mitterandiste, il entre au cabinet de Gaston Defferre, maireemblématique. Entre 1984 et 1986, il est chef de cabinet de Gilles Trigano, alors délégué aux nouvelles formations auprès du Premier ministre Laurent Fabius. Gravitant dans la galaxie #socialiste parisienne, Jean-Marc Borello rencontre #Bertrand_Delanoë puis #Anne_Hidalgo. SOS coche toutes les cases pour la gauche : le groupe s’occupe de publics défavorisés, s’investit dans l’insertion professionnelle.

      #Harcèlement_sexuel : « Je ne voulais pas de ce baiser mais Borello a le bras long » , Laure Bretton et Gurvan Kristanadjaja —
      https://www.liberation.fr/france/2018/12/20/harcelement-sexuel-je-ne-voulais-pas-de-ce-baiser-mais-borello-a-le-bras-

      Pilier de la #macronie, figure du milieu de l’économie sociale et solidaire ne cachant pas son homosexualité, le président du groupe SOS est accusé de harcèlement et d’#agressions_sexuelles dans son #entreprise. Il se défend en invoquant la « culture du groupe ». « Libération » a recueilli le témoignage d’anciens employés décrivant les comportements déplacés de leur patron, au vu et au su de tous.

      L’idée venait d’en haut, le timing était parfait. Juste avant la journée de lutte contre les violences sexistes et sexuelles du 25 novembre, les milliers de collaborateurs du groupe SOS, géant français de l’économie sociale et solidaire, ont reçu une invitation de leur direction. L’idée ? S’engager personnellement contre le harcèlement et les agressions, notamment homophobes. Depuis trente ans, la lutte contre les inégalités et la solidarité font l’ADN du groupe SOS. Le défi ? Poster sur les réseaux sociaux des photos d’un baiser entre salariés - homme-homme, femme-femme, femme-homme - accompagnées du hashtag #FraternitéChallenge. « Chaque agression est une agression de trop. Il n’est pas question ni de capituler ni de nous y habituer », souligne la newsletter envoyée par le service communication. La direction montre l’exemple, joignant deux clichés d’hommes s’embrassant sur la bouche. Sur l’une des images, le porte-parole LGBT du groupe dépose un baiser sur les lèvres du président du directoire, Jean-Marc Borello. « La liberté c’est le droit. L’égalité, c’est le fait. La fraternité c’est le devoir », souligne le grand patron dans un tweet lançant l’opération. [...]

      Ce qui fait tiquer dans ce #FraternitéChallenge apparu fin novembre, c’est qu’il coïncide avec les avancées d’une enquête que Libération a entamée au début de l’été : plusieurs anciens #salariés accusent Jean-Marc Borello de faits relevant, selon le code pénal, de harcèlement, d’atteintes ou d’agressions sexuelles. Si elle correspond à la raison d’être du groupe SOS, cette campagne de communication virale ressemble aussi à un début de contre-attaque médiatique : fournir des images d’embrassades volontaires pour noyer d’autres gestes non consentis.

      [... ]La scène est devenue un classique des soirées SOS. Du genre que l’on ressasse à la machine à café le lendemain.

      Ce soir de septembre il y a quatre ans, le choix de Borello se porte sur Antoine (1), 22 ans, qui termine un #stage à SOS : « Il m’a invité à danser, en insistant. Il ne voulait pas me lâcher. Je savais ce qui pouvait arriver. On était près du bar, il y avait plein de monde autour. J’ai essayé de résister. Il savait très bien ce qu’il faisait puisque quand il m’a lâché, il a dit à la cantonade : "T’as mis la langue en plus, coquine". » Sauf qu’Antoine ne voulait pas de ce baiser et que personne n’a bronché autour de lui, même si certains des convives ont pu faire des photos de la scène, que Libération s’est procurées. « J’ai assisté au baiser d’Antoine ce soir-là. Nous savions tous que ce n’était pas consenti. Ce genre de comportements était régulier de la part de Jean-Marc Borello », souligne un invité de la soirée baptisée « I love 1984 ».

    • Muriel Pénicaud et Jean-Marc Borello : coup de foudre en macronie
      https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Muriel-Penicaud-et-Jean-Marc-Borello-coup-de-foudre-en-macronie-1642582#

      Ils se sont découverts en juin 2017. Jean-Marc Borello, l’un des fondateurs d’En marche !, tutoie le président de la République depuis Sciences po, quand il lui enseignait les questions sociales pendant la préparation à l’Ena. Muriel Pénicaud vient d’être nommée ministre du Travail. Elle lui commande un rapport sur l’inclusion et l’avenir des emplois aidés. Il accepte : « On m’avait demandé vingt fois, vingt fois j’avais refusé. Là, au lieu de caler une armoire, il a été entièrement appliqué, même ce qui impliquait de modifier la loi. » (...)
      L’AMITIÉ EN POLITIQUE
      Muriel Pénicaud et Jean-Marc Borello : coup de foudre en macronie
      Paris Match | Publié le 19/08/2019 à 12h53
      Anne-Sophie Lechevallier
      Jean-Marc Borello et Muriel Pénicaud le 19 juillet sur le quai d’Orsay, à Paris. Jean-Marc Borello et Muriel Pénicaud le 19 juillet sur le quai d’Orsay, à Paris.
      Frédéric Lafargue / Paris Match
      La ministre du Travail et le président du groupe SOS, un des fondateurs d’En marche !, se sont rencontrés grâce au chef de l’Etat et ne se quittent plus.

      « On est des amis de trente ans qui se connaissent depuis deux ans », s’exclame Muriel Pénicaud, 64 ans. « A partir du moment où on s’est croisés, on a rattrapé le temps perdu », complète Jean-Marc Borello, 61 ans. Ces deux-là auraient pu se rencontrer des milliers de fois durant leurs quarante années de vie professionnelle. Il a fallu attendre Emmanuel Macron. « Nos styles sont très compatibles. Nous sommes libres, définitivement, irréductiblement libres. Et profondément attachés à Emmanuel Macron », constatent-ils, l’un complétant la phrase de l’autre.

      Ils se sont découverts en juin 2017. Jean-Marc Borello, l’un des fondateurs d’En marche !, tutoie le président de la République depuis Sciences po, quand il lui enseignait les questions sociales pendant la préparation à l’Ena. Muriel Pénicaud vient d’être nommée ministre du Travail. Elle lui commande un rapport sur l’inclusion et l’avenir des emplois aidés. Il accepte : « On m’avait demandé vingt fois, vingt fois j’avais refusé. Là, au lieu de caler une armoire, il a été entièrement appliqué, même ce qui impliquait de modifier la loi. »

      Série d’été :L’amitié en politique, version haute fidélité entre Hollande et Sapin

      Un soir, lors d’un dîner organisé chez leur ami commun le chef Thierry Marx, ils se sont raconté leurs vies. Elles ont plus d’un point commun. La ministre du Travail et le président du groupe SOS partagent des « parcours atypiques, loin des chemins académiques ». Pas de grandes écoles. Un engagement précoce pour les jeunes en difficulté (lui comme éducateur, elle dans les missions locales d’insertion). Quelques mois passés dans les cabinets socialistes époque Mitterrand (celui de Martine Aubry pour l’une, de Gaston Defferre pour l’autre). Plusieurs années à la tête d’entreprises (DRH de Danone notamment pour elle et, pour lui, gérant des établissements du groupe Régine, puis fondateur du géant de l’économie sociale et solidaire SOS). Une carte au syndicat, une autre au PS… qu’ils ont chacun gardée six mois. Elle avait 20 ans et est partie quand elle a constaté la place qui était alors réservée aux femmes. Lui, parce que Bertrand Delanoë se présentait à la Mairie de Paris : « Cela m’a ennuyé, profondément, il y avait trop de règles, je n’étais pas fait pour un parti ! »

      "La patience n’est pas notre qualité principale"

      Ils se parlent presque chaque jour, dès six heures du matin. Elle : « Nous sommes sparring partners. La patience n’est pas notre qualité principale. Disons qu’on ne se modère pas du tout l’un l’autre : on s’amplifie, on en rajoute. » Les brunchs du dimanche deviennent des moments de travail « au bout de trois minutes ». Rarement, ils invitent un troisième convive. De toute façon, « on ennuierait le monde entier, se marre Borello, ou alors il en faudrait un troisième passionné par l’entreprise, l’insertion et la réussite du quinquennat ». Ils s’amusent de leur âge, de leur amitié récente (« une amitié politique, ça a l’air d’un oxymore, mais ça peut exister ») et de la politique. « Un monde, considère-t-il, terriblement violent, injuste, pas passionnant, qui rend fou et dont il faut être capable de s’extraire. » Devenue « icône » des Jeunes avec Macron (Les Jam !) depuis qu’elle a posé pour Match en position de tai-chi dans le jardin de l’hôtel du Châtelet, elle a créé avec Jean-Marc Borello et Philippe Grangeon (qui a rejoint l’Elysée) le club des « Vam », Les Vieux avec Macron. « Cent vingt ans d’expérience professionnelle à nous trois ! Cela nous permet d’échanger nos vues sur la société. »

    • ça m’a fait tiquer aussi @colporteur

      Article qui détaille ses démêlées avec la justice dont sa direction du Palace de l’infect Bergé + un extrait wikipedia

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/11/jean-marc-borello-un-patron-sans-but-lucratif_1205675_3234.html

      Jean-Marc Borello est dans les années 1990 administrateur de l’institut des Tournelles, association de protection de l’#enfance. Alors que le directeur de l’institut est soupçonné de viol sur un mineur, Jean-Marc Borello le défend à la barre, convaincu de l’impossibilité d’« histoires de pédophilie » dans cette institution. Le directeur sera condamné à douze ans de prison en 2004.

    • @touti la page que tu indiques (pas wikipedia) exige un login...
      mais voilà l’article

      Jean-Marc Borello : un patron sans but lucratif , 11 juin 2009

      Il fut éducateur spécialisé et homme d’affaires dans le show-biz. Il use aujourd’hui de ses compétences multiples pour développer Groupe SOS, une entreprise en forte croissance qui oeuvre dans le social.

      Carrure de rugbyman, accent chantant du sud de la France, Jean-Marc Borello sait repérer les occasions, foncer et transformer tous ses essais. Tout en jouant collectif. Jeudi 4 juin, il était l’une des vedettes du colloque Entrepreneurs d’avenir, à l’Assemblée nationale. Son Groupe SOS connaît un développement digne des start-up de la belle époque de la Silicon Valley. De 300 salariés fin 2001, il est passé à 2 500 aujourd’hui. Les jeunes les plus diplômés rêvent de se faire embaucher chez lui.

      L’innovation est au coeur de sa réussite. Alors que la crise affecte la plupart des secteurs d’activité, elle est pour lui un accélérateur. « Nous risquons de passer de 25 % à 35 % de croissance », dit-il sans ostentation, dans les vastes combles d’un immeuble du 11e arrondissement, siège du Groupe SOS. A la différence des autres entrepreneurs, Jean-Marc Borello, 52 ans, a choisi le secteur social. Or la crise réduit, certes, le pouvoir d’achat des consommateurs, mais pas « les besoins fondamentaux » des habitants les plus démunis, cibles du Groupe SOS. Des toxicomanes, des sans-abri, des jeunes sans diplôme et sans emploi, sans papiers parfois. Des détenus malades, qui n’ont nulle part où aller quand ils sortent de prison.

      Plutôt que de maximiser le profit pour ses actionnaires, il maximise le service rendu. Le Groupe appartient à des associations sans but lucratif. Lui-même se contente d’un train de vie modeste, disent ses proches. Quand il est devenu salarié du Groupe SOS, il a divisé son salaire par sept.

      C’était en 1998. Avant, il dirigeait bénévolement SOS Drogue international, une association créée en 1984 avec Régine Choukroun, connue pour ses boîtes de nuit, ses restaurants et ses hôtels. Parallèlement, pour gagner sa vie, il dirige le Groupe Régine. Il reprend, à ce titre, le Pavillon Ledoyen, un grand restaurant situé sur les Champs-Elysées, à Paris. Cette expérience s’avère un excellent moyen d’apprendre la direction d’entreprise. Sur le tas et en potassant le « Que sais-je ? » sur les sociétés commerciales, explique-t-il. « Régine n’y comprenait rien non plus. On avait tout pour réussir ! », s’amuse-t-il. « J’étais sur deux univers border line : les exclus et le show-biz », ajoute-t-il, soucieux de donner une certaine cohérence à un parcours des plus atypiques.

      Sa formation d’éducateur spécialisé ne l’avait pas préparé à la gestion d’entreprises. Mais, au lycée d’Aix-en-Provence, ce fils d’un père « militaire de carrière » et d’une mère « catholique, cheftaine scoute et ouvrière » avait développé ses talents d’organisateur. « Pensionnaire, j’ai été renvoyé pour avoir organisé une grève. J’étais de toute façon chef de classe, forcément en première ligne des comités d’action lycéens et tout le temps en bagarre contre le modèle établi », raconte-t-il dans le livre-entretien SOS contre toute attente (Rue de l’Echiquier, 160 p., 14 euros).

      Educateur, Jean-Marc Borello s’intéresse aux cas extrêmes, et en particulier à un jeune déclaré « inassumable en milieu carcéral ». Ses résultats le font remarquer. En 1982, il est nommé chargé de mission à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Il y apprend comment fonctionne l’administration, ses besoins et ses rouages, comment s’y tissent des relations à haut niveau, rencontre Régine, venue offrir ses services et ses moyens pour aider les toxicomanes. Elle lui propose, quelques années plus tard, en 1986, de l’embaucher, alors que la droite revient au pouvoir et qu’il sait ses jours comptés dans un gouvernement de gauche. Mais, dix ans plus tard, en 1996, il écope de six mois de prison avec sursis, en tant que président du Palace. Un réseau de jeunes vendait de l’ecstasy dans son établissement. Le Palace est fermé. Le Groupe Régine ne s’en remet pas.

      C’est l’occasion pour Jean-Marc Borello de se consacrer à plein-temps au Groupe SOS et de l’ouvrir à tous les secteurs de l’économie sociale. Il crée des sociétés d’insertion : un traiteur éthique, un restaurant, L’Usine, une société de location de voitures avec chauffeur, entre autres. « Il casse le stéréotype du demandeur d’emploi perdu pour la société en employant des personnes en insertion dans un groupe événementiel haut de gamme », apprécie Adèle Haentjens, responsable de la Fondation d’entreprise de la Société générale. Il remporte des appels d’offres face à d’autres associations, mais aussi à des groupes privés ayant pignon sur rue.

      Ses sociétés d’insertion se financent à 95 %. En revanche, les associations de service public vivent à 80 % de contrats avec l’administration ou les collectivités locales. Pas de la générosité du public : « La charité, j’exècre », explique Jean-Marc Borello. « C’est une tête chercheuse, toujours en avance », estime-t-on dans l’entourage de Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. « Il donne de son temps pour aider les autres entrepreneurs sociaux à réussir », constate Arnaud Mourot, de l’organisation internationale Ashoka.

      En revanche, les associations plus traditionnelles critiquent « ses visées hégémoniques ». Les rumeurs circulent. « En 2001, quand j’ai dit que je rejoignais SOS, on m’a dit de me méfier, que j’allais chez le Bernard Tapie du social », raconte Guy Sebbah, médecin, délégué général Ile-de-France du Groupe SOS. « Le personnage alimente tous les fantasmes. C’est la soutane qui s’émeut des paillettes », résume un bon connaisseur du milieu associatif.

      Les inspections administratives de ses associations se multiplient. Sans que jamais aucune irrégularité n’ait pu être constatée. « Depuis quinze ans que j’entends parler de lui, je n’ai jamais douté de sa profonde honnêteté. C’est un être profondément altruiste », affirme avec force Alain Régnier, préfet et délégué général pour la coordination de l’hébergement des sans-abri auprès du premier ministre.
      Le professionnalisme de ses équipes incite élus et administrations à leur confier de plus en plus de missions. A droite comme à gauche. « Ce n’est pas la politique qui l’intéresse, mais ce qu’on peut en faire », analyse Guy Sebbah. Jean-Marc Borello dit néanmoins qu’il s’engagerait bien à nouveau, mais seulement pour « un sarkozyste de gauche » ! Autre provocation.

      Sans attendre cet événement improbable, il continue d’ouvrir de nouvelles pistes. Comme la création d’une holding pour reprendre des PME en difficulté et les transformer en entreprises d’insertion. Pour maintenir l’emploi, le moyen de lutter le plus efficace contre l’exclusion.

    • Jean-Marc Borello: «Le scandale Orpea est impossible chez Groupe SOS»
      https://www.challenges.fr/politique/borello-le-scandale-orpea-est-impossible-chez-sos_799170

      Le président du Groupe SOS, leader européen de l’économie sociale, publie Mon Bonheur c’est les autres (Débats Publics éd.). Ce patron atypique, natif d’Aix-en-Provence, grande gueule et grand ami d’Emmanuel Macron, y retrace son parcours et son engagement.

    • #Marseille, le labo social de Macron (avec Borello comme ingénieur)
      https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/lopa-risquee-de-macron-sur-marseille-1384528

      Un homme-clef joue les hôtes de service ce soir-là. C’est Jean-Marc Borello, l’influent président-fondateur du groupe SOS, un poids lourd de l’économie solidaire. Très présent à Marseille, son groupe a signé un bail emphytéotique de quarante ans avec la municipalité pour faire de la citadelle un espace culturel et le « plus beau rooftop de la ville » d’ici à 2024.
      Macroniste de la première heure, Borello est délégué général adjoint du mouvement En Marche. A ce titre, il a participé à la sélection des candidats aux élections législatives de juin 2017. « Borello est le grand protecteur de Payan », souffle un élu marseillais, ce qu’écarte, toutefois, le maire de la ville d’un revers de main. Même si son groupe ne brille pas toujours par la transparence, l’homme a de l’entregent à revendre et l’oreille d’Emmanuel Macron. Au début des années 2000, il a été son prof à Sciences po, où il était maître de conférences sur les affaires sociales dans la préparation à l’ENA. « Indépendamment de son intelligence brillante, Emmanuel Macron se singularisait par son souci de vérifier, de connaître, de comprendre », se souvient-il.
      Quant à Borello et Payan, ils se connaissent depuis l’époque du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), où ils croisaient William Elman, un Marseillais directeur du cabinet d’Elisabeth Moreno à l’Egalité entre les femmes et les hommes, ou Maxance Barré, l’actuel conseiller politique du président et ancien patron du MJS de la Vienne.

      #culture #économie_solidaire

    • Campagne présidentielle : Jean-Marc Borello, le Bernard Tapie de Macron (dans un canard faf)
      https://lemediaen442.fr/campagne-presidentielle-jean-marc-borello-le-bernard-tapie-de-macron

      Marché des transports à Marseille : c’est cadeau !

      Le 2 septembre 2021, Macron, en pleine campagne électorale non déclarée, met sur la table un milliard pour développer les transports à Marseille. Et hop ! le 15 septembre 2021, Wimoov (Groupe SOS) inaugure sa plateforme marseillaise pour « répondre aux besoins de mobilité des publics les plus fragiles », comme l’indique son directeur régional. Une manière, selon lui, d’accompagner une insertion professionnelle et sociale.

      Parmi les philanthropes partenaires de Wimoov, figurent AGR2 La Mondiale, BNP, Total, divers ministères, GMF, Norauto…

      à rapprocher de la ligne de bus privé vers des quartiers sud financée publiquement

  • Émission « Libre à vous ! » sur radio Cause Commune (4 décembre 2018)
    https://www.april.org/emission-libre-a-vous-sur-radio-cause-commune-4-decembre-2018

    Début : 4 Décembre 2018 - 15:30Fin : 4 Décembre 2018 - 17:00

    Écouter le podcast

    >

    La septième émission Libre à vous ! de l’April sera diffusée en direct sur radio Cause Commune sur la bande FM en région parisienne (93.1) et sur le site web de la radio, mardi 4 décembre 2018 de 15 h 30 à 17 h 00.

    S’abonner au podcast

    Les ambitions de l’émission Libre à vous !

    La radio Cause commune a commencé à émettre fin 2017 sur la bande FM en région parisienne (93.1) et sur Internet. Sur le site de la radio on lit : « Radio associative et citoyenne, les missions de Cause Commune sont de fédérer toutes les initiatives autour du partage et de l’échange de savoirs, de cultures et de techniques ».

    Nous avons alors proposé de tenir une émission April intitulée Libre à vous ! — l’émission (...)

    #Institutions #Administrations_et_collectivités #Entreprise #Sensibilisation #Associations #Libre_à_vous_ ! #Libre_en_Fête

  • Jean-Michel Blanquer veut sensibiliser les jeunes à la création d’entreprise (Le Figaro)
    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/18/20002-20181118ARTFIG00125-jean-michel-blanquer-veut-sensibiliser-les-jeunes

    C’est dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, lieu emblématique de l’éducation que 600 jeunes de 16 à 20 ans seront rassemblés ce lundi après-midi pour la deuxième édition de l’opération « Raconte-moi l’entreprise ». Initiée par l’organisation patronale CroissancePlus et la Fondation Croissance Responsable, cette manifestation est organisée dans le cadre de la semaine Écoles-Entreprises afin de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat. Après le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, l’an dernier, c’est Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, qui ouvrira la séance.

    #éducation #entreprises

    On en parlait ici : https://seenthis.net/messages/732666

  • #Lecteurs, vous suivez #Mondes_Sociaux. Vous estimez comme nous que les recherches en #Sciences_humaines_et_sociales doivent être mieux partagées dans le monde académique et surtout au-delà ? Dans ce cas, pourquoi ne deviendriez-vous pas #contributeurs de Mondes Sociaux, #magazine numérique multidisciplinaire et multithématique ?

    https://sms.hypotheses.org/15123

    #SHS, #histoire, #sociologie, #économie, #sciences_politiques, #information, #communication, #gestion, #géographie, #écrire, #contribuer, #diffuser, #savoir, #partager, #film, #documentaire, #entreprise, #recherche, #diffusion, #etc.

  • « La domination au travail est beaucoup plus dure qu’avant » | L’Echo
    https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/la-domination-au-travail-est-beaucoup-plus-dure-qu-avant/10060958.html
    https://images.lecho.be/view?iid=dc:134266160&context=ONLINE&ratio=16/9&width=640&u=1540186800000

    Psychiatre et psychanalyste, Christophe Dejours est professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM, Paris), titulaire de la chaire Psychanalyse-Santé-Travail et directeur de recherche à l’Université Paris V. Auteur d’une œuvre abondante sur le monde du travail et les pathologies associées, il dénonce l’avènement des « gestionnaires » dans les années 1980, qui a, dit-il, eu des effets catastrophiques sur la qualité du travail et les pathologies qui en découlent. « En entreprise, si l’exigence de performance devient insoutenable, le risque d’effondrement collectif existe », prévient-il.

    Vous êtes un spécialiste des rapports entre l’homme et le travail. Et notamment de la psychodynamique du travail. De quoi s’agit-il ?

    C’est une discipline née de la rencontre entre la psychopathologie du travail et l’ergonomie. Elle cherche à comprendre comment les travailleurs parviennent à maintenir intègre leur santé mentale malgré une organisation du travail souvent nuisible… On a ainsi découvert que la normalité est le résultat d’un compromis entre, d’un côté, des contraintes délétères pour le psychisme – qui peuvent conduire à la maladie mentale – et, de l’autre, la construction de stratégies de défense.

    #travail #emploi #entreprise #souffrance_au_travail

  • Grégoire Chamayou : « Pour se défendre, le néolibéralisme a fait refluer le trop-plein de démocratie » - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/09/gregoire-chamayou-pour-se-defendre-le-neoliberalisme-a-fait-refluer-le-tr

    Confrontés à l’activisme des années 70 puis aux exigences éthiques des consommateurs, penseurs libéraux et directions d’entreprises ont mis au point des guides de management et des théories politiques pour défendre le capitalisme contesté. En disséquant ces discours, le philosophe dresse une brillante saga du libéralisme autoritaire.

    Dans sa Théorie du drone, parue il y a cinq ans aux éditions la Fabrique, le philosophe Grégoire Chamayou se penchait sur les enjeux éthiques de cette nouvelle arme de guerre. Avec la Société ingouvernable, une généalogie du libéralisme autoritaire (la Fabrique encore), il prend à nouveau de la hauteur pour dresser une saga du néolibéralisme « par en haut », du point de vue ceux qui ont défendu les intérêts du monde des affaires, aux Etats-Unis, à partir des années 70 : dirigeants d’entreprise, lobbyistes, théoriciens comme Milton Friedman et Friedrich Hayek… Chamayou a analysé les interviews des uns, les manuels de management des autres, les comptes rendus des assemblées générales, les textes de Prix Nobel comme les récits de briseurs de syndicats… « Une littérature grise, dit-il, qui n’est pas publiée en librairie. Les zones grises, aussi, des discours des économistes. Des textes disparates à considérer comme les éléments d’un même ensemble pratique. » Au terme de ce brillant panorama, la Société ingouvernable dresse un constat : le #néolibéralisme dans lequel nous évoluons n’a rien de naturel ni de pur. C’est un système chancelant qui s’est construit à hue et à dia, de manière pragmatique, en réaction à de multiples crises d’une société jamais totalement « gouvernable ».

    Politiquement autoritaires et économiquement libéraux, les gouvernements de Trump ou d’Orbán nous semblent des aberrations. Vous dites à l’inverse qu’ils n’ont rien de contradictoires, pourquoi ?

    On se fait souvent une idée fausse du néolibéralisme comme « phobie d’Etat », anti-étatisme unilatéral. L’actualité montre à l’inverse une nouvelle fois que libéralisme économique et autoritarisme politique peuvent s’unir : le conseiller économique de Bolsonaro, Paulo Guedes, est un « Chicago boy », un ultralibéral formé à l’École de Chicago, qui a enseigné au Chili sous Pinochet. La formule de « libéralisme autoritaire » a été employée dès 1933 par un juriste antifasciste, Hermann Heller, à propos d’un discours de Carl Schmitt face à une assemblée de patrons allemands. Schmitt y défendait un Etat extrêmement fort face aux revendications sociales mais renonçant à son autorité en matière économique. « Un Etat fort pour une économie saine », résumait-il. Cinquante ans plus tard, en pleine dictature Pinochet, le théoricien néolibéral Friedrich Hayek, qui a beaucoup lu Carl Schmitt, confie à un journal chilien : « Personnellement, je préfère un dictateur libéral à un gouvernement démocratique sans libéralisme. » Mais le libéralisme autoritaire a de multiples variantes. Thatcher, elle aussi, vise « un Etat fort pour une économie libre ». En pratique, cela suppose, à des degrés divers, de marginaliser la sphère parlementaire, restreindre les libertés syndicales, éroder les garanties judiciaires… A côté de ce renforcement de l’Etat, on limite, de manière paradoxale, son champ d’intervention. C’est le concept de libéralisme autoritaire : faible avec les forts et fort avec les faibles.

    Vous faites remonter cette forme abâtardie du libéralisme aux années 70, quand le monde des affaires doit réagir à une série de crises qui menacent le système…

    Au milieu des années 70, on pense assister à une crise de gouvernabilité. Dans un rapport de la Trilatérale (1), le néoconservateur Samuel Huntington s’inquiète d’un « déferlement démocratique ». A gauche, Michel Foucault écrit que l’ensemble des procédés par lesquels on conduit les hommes sont remis en question. Non seulement on se révolte partout, mais les techniques de gouvernement sont elles-mêmes en crise. L’Etat-providence qui devait avoir un effet pacificateur a mis le feu aux poudres. Avec le quasi-plein-emploi, les travailleurs ont un rapport de force favorable. Des activistes mettent en cause les pratiques des multinationales et l’État lui-même semble hors de contrôle… Les intellectuels conservateurs s’y résignent : « Il va falloir intervenir. » La « main invisible » ne réglera pas le problème toute seule… Dans ce livre, j’étudie comment ces stratégies se sont élaborées, ce qui ne veut pas dire qu’il y aurait quelque chose comme un « comité central de la classe capitaliste » qui tirerait les ficelles. Au contraire, ce que montrent les documents - articles d’économistes, mais aussi discours de PDG, guides de management… -, ce sont des formulations contradictoires, des réactions pragmatiques à chaque conflit qui surgit. Une pensée qui se cherche en colmatant les brèches.

    Comment le monde de l’entreprise va-t-il réagir à la remise en cause de l’entreprise qui émerge dans la société civile ?

    Le #management était habitué à gérer les conflits avec ses salariés. Il va devoir apprendre à répondre à des assauts externes. En 1970, l’activiste de la New Left mobilisée contre la guerre du Vietnam, Staughton Lynd, pose cette question : pourquoi continuons-nous à manifester à Washington comme si c’était là que se jouait la guerre du Vietnam ? Puisqu’elle est le produit d’un complexe militaro-industriel, il faut attaquer les grandes entreprises de l’armement, envahir les assemblées générales d’actionnaires. Les directions de ces entreprises sont d’abord démunies : des guides pratiques rédigés à l’attention des PDG leur conseillent de surtout rester cool en cas de débordements, on monte des sessions d’entraînement où les salariés jouent le rôle des activistes et soumettent les dirigeants à tous les outrages. « Ça a été l’une des épreuves les plus dures pour le PDG »,témoigne une secrétaire de direction dans l’un des documents que j’ai étudié. Et sans doute un moment jouissif pour les salariés…

    Nestlé, confronté, de 1977 à 1984, à un boycott international qui l’accuse de « tuer les bébés » avec son lait infantile vendu dans les pays du tiers-monde, opte vite pour une autre parade, laquelle ?

    La #multinationale recrute un conseiller en relations publiques venu du renseignement militaire, Rafael Pagan. La différence entre les activistes et vous, dit-il à Nestlé, c’est que les activistes, eux, savent qu’ils font de la politique. Avec sa cellule de crise, Pagan va s’appuyer sur la pensée de Clausewitz : priver l’adversaire de sa force morale. Il classe les militants en plusieurs profils : il faut isoler les « radicaux », avec lesquels il n’y a rien à faire, rééduquer les « idéalistes », sincères mais crédules. La tactique psychologique principale, c’est de les mettre en porte-à-faux, leur montrer qu’alors même ils croient défendre une cause juste, ils font du tort à d’autres groupes. Quant aux « réalistes », on parvient facilement à les coopter, à échanger un accord contre de la gloire ou de l’argent.

    Les années 80 voient émerger les discours sur la « responsabilité sociale » des entreprises. Le dialogue devient une arme dans la panoplie des firmes. Pourquoi ?

    Cela ne figure pas dans l’histoire officielle de la « responsabilité sociale des entreprises », mais une des premières publications sur le sujet a été parrainée aux Etats-Unis par Edward Bernays, l’auteur du fameux Propaganda. Or son modèle - fabriquer du consentement de manière verticale vers un public malléable, a trouvé ses limites. Bien sûr on continuera de faire de la pub, mais il faut recourir à des tactiques plus fines. C’est l’éloge d’une nouvelle idole : la communication dialogique, qu’on oppose à la manipulation. On vante la « coproduction de sens », la « communication éthique », « l’empathie entre les parties prenantes »… Un discours pseudo-philosophique qui masque une stratégie plus offensive. Lorsque Pagan dialogue avec les activistes de #Nestlé, il ne s’agit pas de négocier, c’est une ruse. Le dialogue permet de priver les militants d’une de leurs ressources les plus précieuses, la publicisation du conflit, puisqu’il doit être mené à huis clos. Il épuise l’adversaire dans d’interminables pourparlers, et en posant le consensus comme norme absolue, il permet de disqualifier ceux qui refusent le dialogue comme des irresponsables.

    En parallèle de ces tactiques pragmatiques mises en places par les firmes, les grands théoriciens du néolibéralisme, eux, vont mener une contre-offensive intellectuelle visant à « dépolitiser » l’entreprise afin de la faire échapper aux critiques des activistes.

    Dans les années 60, la pensée « managérialiste » admettait que la firme était un « gouvernement privé », un lieu de pouvoir, qu’il fallait bien tenter de légitimer : c’est notamment le rôle des discours sur la « responsabilité sociale » des entreprises ou le « managérialisme éthique ». Mais à partir des années 70 et 80, les théoriciens néolibéraux vont considérer qu’il est très dangereux de reconnaître ces rapports de pouvoir et de tenter de les justifier. C’est le cas de Milton Friedman qui critique ainsi le « greenwashing » naissant : « Peu de choses me soulèvent davantage l’estomac que de regarder ces spots télévisés qui voudraient nous faire croire que leur seule raison d’être est la préservation de l’environnement. » Pour ces économistes, il faut au contraire inventer une doctrine de l’entreprise qui la dépolitise. Pour cela, dans les années 70, les penseurs des « nouvelles théories de la firme » vont tâcher de déréaliser l’entreprise, dénier les rapports de force qui la constituent et la présenter comme une pure fiction juridique, un simple nœud de contrats. Aujourd’hui, dans les manuels d’économie, on présente ces thèses comme des doctrines neutres. Leurs auteurs, pourtant, les ont explicitement conçues comme des armes intellectuelles pour la défense d’un capitalisme contesté.

    Après les salariés, après les activistes, les néolibéraux s’attaquent à l’Etat lui-même, devenu « ingouvernable ». Comment s’y prennent-ils ?

    Face à l’inflation des revendications, on assiste à ce que Hayek appelle une « crise de gouvernite aiguë » de l’Etat. Ça régule, ça intervient… Comment faire refluer les demandes sociales, le trop-plein de démocratie ? Des économistes de l’université de Saint-Andrews, en Ecosse, proposent une nouvelle stratégie : la micropolitique de la privatisation. Cessons de nous focaliser sur la bataille des idées, disent-ils : conquérir les cœurs et les esprits ne suffit pas à changer les pratiques. C’est l’inverse : il faut changer pas à pas les comportements, et le reste suivra. Ouvrir progressivement les services publics à la concurrence, plutôt que privatiser brutalement, permet de dépolitiser la demande : tandis que l’usager insatisfait se retournait contre les pouvoirs publics, le client mécontent change de crémerie. Une fois la libéralisation actée, ce sont les individus eux-mêmes par leurs microchoix de consommateurs, qui deviennent les moteurs du changement. Le chef de file de ce courant, Madsen Pirie, cite l’exemple de la #dérégulation, par une Thatcher fraîchement élue, en 1980, du transport interurbain par bus - amorce pour la privatisation des chemins de fer britanniques…

    Votre livre approche l’entreprise par la philosophie. Pourquoi dites-vous que cette discipline tente trop rarement de saisir cet objet ?

    En philosophie, on a des théories de la souveraineté politique qui remontent au XVIIe siècle, mais peu de traités sur l’entreprise. Quand la philosophie intègre la question à ses enseignements, c’est trop souvent en reprenant les discours indigents produits dans les business schools. Il serait temps au contraire de développer des philosophies critiques de l’entreprise. Ce livre est un travail en ce sens, une enquête sur des catégories centrales de la pensée économique et managériale dominante. A la crise de gouvernabilité a répondu un contre-mouvement, une grande réaction où se sont inventés des nouveaux arts de gouverner, encore actifs aujourd’hui. Alors même que ces procédés de pouvoir nous sont appliqués en permanence, nous connaissons mal leur origine et leurs ressorts fondamentaux. Or, je crois que vendre la mèche, exposer leurs stratégies peut contribuer à mieux les contrer. Ce qui a été fait, on peut le défaire. Encore faut-il en connaître l’histoire.

    (1) Créée en 1973, la Commission trilatérale réunit des centaines de personnalités du monde des affaires et de la politique favorables à la globalisation économique.
    Sonya Faure

    Lien déjà cité par ailleurs mais sans l’interview en entier.

    #chamayou #capitalisme #entreprise #libéralisme #autoritarisme #état #privatisation

  • Grégoire Chamayou : « Pour se défendre, le néolibéralisme a fait refluer le trop-plein de démocratie » - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/09/gregoire-chamayou-pour-se-defendre-le-neoliberalisme-a-fait-refluer-le-tr

    Confrontés à l’activisme des années 70 puis aux exigences éthiques des consommateurs, penseurs libéraux et directions d’entreprises ont mis au point des guides de management et des théories politiques pour défendre le capitalisme contesté. En disséquant ces discours, le philosophe dresse une brillante saga du libéralisme autoritaire.

    (...) Chamayou a analysé les interviews des uns, les manuels de management des autres, les comptes rendus des assemblées générales, les textes de Prix Nobel comme les récits de briseurs de syndicats… « Une littérature grise, dit-il, qui n’est pas publiée en librairie. Les zones grises, aussi, des discours des économistes. Des textes disparates à considérer comme les éléments d’un même ensemble pratique. » Au terme de ce brillant panorama, la Société ingouvernable dresse un constat : le néolibéralisme dans lequel nous évoluons n’a rien de naturel ni de pur. C’est un système chancelant qui s’est construit à hue et à dia, de manière pragmatique, en réaction à de multiples crises d’une société jamais totalement « gouvernable ».

    #livre #néolibéralisme #management #gouvernementalité

  • L’Éducation Nationale et l’“esprit Start-Up” : vers une nation de (micro-)entrepreneurs !

    Au niveau du Ministère
    Le Ministère a inauguré en juin dernier le 110 bis, le lab d’innovation de l’éducation nationale, un « programme d’innovation de l’éducation nationale ».

    Source : 110 bis : programme de l’inauguration du lab d’innovation de l’éducation nationale (Ministère de l’Éducation nationale)
    http://www.education.gouv.fr/110bislab/cid131006/110-bis-programme-de-l-inauguration-du-lab-d-innovation-de-l-educatio

    Dans sa description, par une sorte de retournement absurde du en même temps, le "lieu" se défend cependant d’être un simple incubateur de startups tout en avouant l’être quand même :

    Le 110 bis, c’est :
    – un « bis-lieu » : il fait partie intégrante du ministère de l’Éducation nationale mais on y fait autrement ;
    – un écosystème apprenant : les acteurs qui gravitent autour s’enrichissent mutuellement et nourrissent le 110 bis de leurs productions ;
    – un cadre neutre d’échanges horizontaux : les échanges se font dans un esprit d’ouverture et de bienveillance, toutes les idées peuvent y être exprimées ;
    – un commun : tous les usagers et partenaires du 110 bis sont à la fois dépositaires et bénéficiaires des ressources et des services du 110 bis.
    Le 110 bis, ce n’est pas :
    – un espace pour faire des réunions dans un cadre moderne mais un ensemble de ressources facilitant le travail collaboratif ;
    – une vitrine dédiée au numérique et aux nouvelles technologies : les innovations sociales, organisationnelles, de services, etc. y ont aussi toute leur place ;
    – un objet figé répondant à une description unique mais une gamme de ressources et services (compétences, équipements, financements, etc.) en constante évolution ;
    – un « fablab », un laboratoire de recherche, un incubateur, un accélérateur de startups, un espace de coworking, etc. mais sans doute un peu tout ça à la fois.
    Source : Bienvenue au 110 bis, le lab d’innovation de l’éducation nationale (Ministère de l’Éducation nationale)
    http://www.education.gouv.fr/110bislab/pid37871/bienvenue-au-110-bis-le-lab-d-innovation-de-l-education-nationale.htm

    Pour les enseignant·e·s
    Connaissiez-vous le site beta.gouv.fr ? Il a tout - jusqu’au nom - du canular, mais semble réel. Ce site porte start-ups et incubateurs, définis ainsi sous le vocable de produits :

    Le portefeuille de Startup d’État
    Une Startup d’État est un service public sans personnalité juridique propre, constituée d’une petite équipe totalement autonome.
    Elle est financée par une administration porteuse qui lui garantit un espace de liberté pour innover.
    Elle naît de l’identification d’un problème rencontré par les citoyens comme par les agents publics, qu’elle se donne pour objectif de résoudre grâce à un service numérique.
    66 Startups d’État incubées dans 6 incubateurs, 21 sorties d’incubation, dont 9 abandonnées.
    Source : https://beta.gouv.fr/startups

    Or, l’une des startups d’État concerne le dispositif des CP dédoublés, dispositif phare du Ministre et du gouvernement en terme d’éducation. Son objectif est de « Faciliter le passage en classe à 12 pour les enseignants et maximiser la valeur de ce dispositif pour les élèves ». A priori, il s’agit d’une banque de ressources pédagogiques, pour la plupart assez classiques sous forme de tutos vidéos produits par les enseignant·e·s eux·elles-mêmes, adossée à un compte Twitter (ou l’inverse ?).

    Source : Classes à 12 (Startup d’État)
    https://beta.gouv.fr/startup/classes12.html

    Et surtout… pour les élèves

    Des événements et des dispositifs doivent permettre aux enseignant·e·s de diffuser l’esprit Start’Up auprès des élèves du second degré. Ainsi l’opération “Option Startup” (octobre 2018) est présentée comme suit :

    Option Startup est l’événement de la rentrée à destination des collégiens et lycéens. […] [Il] permettra à plus de 15 000 jeunes partout en France de découvrir avec leurs enseignants des lieux d’innovation, des startups, des profils d’entrepreneurs et des métiers, peu, voire pas connus à fort potentiel de recrutement.
    Durant 4 jours, les classes sont invitées à se rendre avec leurs enseignants, dans l’un des 300 sites d’innovation et startups participants (incubateurs, startups, pépinières d’entreprises, accélérateurs, fablabs, espace de coworking, tiers lieux) pour vivre au travers de rencontres interactives, de démonstrations et d’ateliers pratiques, 600 programmes de découverte autour de 24 thématiques.
    Source : https://www.optionstartup.fr/presentation

    En suivant ces événements, le dispositif Start’up Lycée peut se déployer (cf. http://www.startuplycee.fr). L’équivalent pour les collégiens semblent avoir été envisagé (cf. http://cache.media.education.gouv.fr/file/Decouvrir_le_monde_socio_eco/05/2/Fiche_action_StartUp-College,_Startup-Lycee_Presentation_), mais ne semble pas encore exister concrètement.

    Dans le même esprit, il semblerait que les lycéen·ne·s, notamment des voies technologiques et professionnelles, soient engagé·e·s à donner à la vie lycéenne la forme de micro-entreprises, là où le modèle était jusqu’à maintenant celui du club ou de l’association. Des collègues en témoignent, quelques traces peuvent être trouvées sur des sites institutionnels locaux (établissements, académies), mais étonnamment je n’ai trouvé aucun document officiel cadrant ce volontarisme ministériel.
    Le plupart des créations de micro-entreprises lycéennes semblent être reliées au programme “Entreprendre pour apprendre (EPA France)”.
    Cf. http://www.entreprendre-pour-apprendre.fr

    Tout cela est à rapprocher de la montée en puissance depuis plus de 20 ans d’opérations, de fondations et d’initiatives ministérielles visant à “rapprocher l’école de l’entreprise”.
    Exemples :
    – un dispositif : « Faites de l’entreprise » proposé par une antenne régionale de la CGPME
    http://www.ac-lyon.fr/cid94555/-faites-de-l-entreprise-rapprocher-l-ecole-et-l-entreprise.html
    – des opérations de sensibilisation : “Semaine École-Entreprise” (novembre 2018)
    http://www.education.gouv.fr/cid56498/semaine-ecole-entreprise.html
    – des ressources ministérielles : “Éducation - Économie : rapprocher l’École et le monde économique”
    http://www.education.gouv.fr/pid30800/education-economie-rapprocher-ecole-monde-economique.html
    – la mise en place d’un conseil ad-hoc : “Le conseil national éducation-économie”
    http://www.cnee.fr
    – Un Centre d’Etudes et de Recherches sur les Partenariats avec les Entreprises et les Professions (Cerpep) proposant aux enseignant·e·s de courts stages en entreprise
    http://eduscol.education.fr/pid31533/le-cerpep-c%C5%93ur-relation-education-economie.html
    – Etc.

    Difficile de ne pas faire le lien avec les réformes en cours de l’enseignement des Sciences Économiques et Sociales :

    Adieu classes sociales et enjeux contemporains ! Reçue par le Conseil supérieur des programmes, l’Association des professeurs de SES (Apses) a du se contenter d’une présentation orale des futurs programmes. Les nouveaux programmes opèrent un net recadrage des contenus enseignés dans le sens d’un renforcement de la micro-économie et de la nette séparation entre économie et sociologie, bloquant tous débats de société.
    Source : Les nouveaux programmes aseptisés de SES dévoilés par l’Apses (Le Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/10/09102018Article636746666141069559.aspx

    #éducation #économie #SES #entreprise #startup

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    Première représentation de « Laurenzaccio » à Saint-Louis (68)
    À 14 heures des élèves des collèges et lycées de Saint-Louis (68) sont venus écouter et voir le clown Laurent raconter son histoire de « Laurenzaccio »...
    https://www.silencecommunity.com/blog/view/47027/premiere-representation-de-« laurenzaccio »-a-saint-louis-68

    #alsace #HautRhin #GrandEst #clown #création #décor #spectacle #musset #sand #gonzalez #pillavoine #barrisol #partenariat #entreprise

    • C’est plus fort que lui. Chaque fois qu’il tente une opération pour reconquérir un électorat déçu par ses réformes, Macron se saborde lui-même en sortant une petite phrase qui fait tout tomber à l’eau. Chassez le naturel, il revient au galop.

      Après le jeune horticulture qui devrait « traverser la rue » pour trouver un travail, c’est maintenant au tour des retraités de recevoir la leçon par Macron. En visite à Colombey-les-Deux-Églises, le président a été interpellé par un groupe de retraités au sujet de la baisse de leur pouvoir d’achat.

      Visiblement agacé par la colère des retraités qui l’a contraint à faire marche arrière, Macron leur a rappelé que le pays se porterait bien mieux s’ils arrêtaient de se plaindre : « Vous savez, tout à l’heure, le petit-fils du Général (de Gaulle) m’a dit, en me faisant visiter la Boisserie : “On pouvait parler (avec lui) très librement (mais) la seule chose qu’on n’avait pas le droit de faire, c’était de se plaindre ". Et bien je trouve que c’était une bonne pratique qu’avait le Général. » avant d’ajouter : « le pays se tiendrait autrement s’il était comme ça. »

      Puis le président de continuer avec sa philosophie du dimanche, expliquant combien il fait bon vivre en France sous Macron : « Écoutez, on vit de plus en plus vieux dans notre pays en bonne santé. (...) Vous avez travaillé, et vous avez payé la retraite de ceux qui étaient avant vous et qui vivaient moins longtemps. (...) Non, (votre retraite) ne diminue pas, ce n’est pas vrai, elle ne diminue pas ».

      Bel enfumage typique de Macron. Car aux dernière nouvelles sous Macron les retraités vivent de moins en moins bien. Le pouvoir d’achat des retraités n’a eu de cesse de diminuer : après la hausse de 1,7 points de la CSG, les retraités subiront un quasi-gel de leurs pensions de retraite. Et avec une croissance économique en berne, nul doute que le gouvernement cherchera comme il peut à économiser sur le dos des plus modestes. A cela s’ajoute l’incertitude qui pèse sur l’avenir des retraités quant au contenu de la réforme de retraites, chantier phare du quinquennat Macron.

      Plus récemment encore, selon l’OFCE, un institut d’études économiques, on apprenait que la baisse du pouvoir d’achat des retraités devrait atteindre 200€ en 2019 puis 400€ par an d’ici 2020.

      Autant de coups qui ont fait dégringoler la cote de Macron parmi les retraités. Selon le baromètre de l’institut Elabe, publié le 6 septembre, 72 % des retraités déclarent ne pas avoir confiance dans le chef de l’État, alors qu’ils étaient 44 % en janvier et 35 % lors de son élection.

      Avec cette nouvelle « macronade », Macron pourrait finir de s’attirer la colère des millions de retraités qui avaient encore un tant soit peu confiance en son action. Une - nouvelle – erreur décisive, quand on sait que les retraités sont un électorat-clé pour Macron. Plus mobilisés en moyenne aux élections, leur soutien est indispensable à l’approche des élections européennes et surtout des municipales de 2020.

    • Et si c’était « voulu » ?? Quand un super riche, Warren Buffet, a dit que sa classe do avait gagné contre la classe dominée, il savait bien ce qu’il disait, et les politiciens n’hésitent plus à faire comprendre « au peuple » qu’il n’est pas plus qu’un sorte de variable d’ajustement dans la production des richesses dont il n’est pas censé profiter LUI ...Décomplexé depuis l’ère Sarkozy, les « oligarques » riches, montrent leur façon de voir et point barre.

    • Selon une enquête réalisée par « Institut IFOP ( Institut Français d’Opinion Publique) , seulement 31% des Français disent qu’ils sont satisfaits des choix politiques par le président français. Raillé, Macron a surpris tout le monde, mettant en place une stratégie sans précédent pour un politicien : demander de l’aide. Lors d’un discours à Saint-Pierre, il a déclaré : "J’ai besoin de vous, journalistes, de la population, élus pour expliquer l’action de l’exécutif. Aidez-moi. "Il a ajouté  :" Dans mon estomac, je ressens la même impatience que 66 millions de Français. " En réalité, ce n’est pas à eux qu’ils parlent depuis des mois, mais à un public plus large : la course aux Européens de 2019 a commencé, sa bouée de sauvetage.

      https://thevision.com/politica/macron-sinistra-europea
      http://www.secoloditalia.it/2018/09/macron-in-caduta-libera-nei-sondaggi-aiutatemi-non-mi-lasciate-solo
      https://www.humanite.fr/blogs/le-macronisme-nest-pas-en-crise-cest-son-mode-de-fonctionnement-661690
      #macronite_aigüe

    • Ça me fait penser à ce passage extrait de
      « Christine Delphy - Le Partage des tâches ménagères (audio) - humour »
      https://youtu.be/rqOGC-VgAzg?t=823

      Ce qu’il faut voir, c’est pas sa situation à soi, son emploi à soi, ce qu’il faut voir c’est l’ensemble, n’est-ce pas ? Ce qu’il faut voir, c’est que l’ #entreprise_France gagne.

      Conférence déjà signalée par @mad_meg :
      https://www.youtube.com/watch?v=rqOGC-VgAzg

      « Enregistré en 1992, c’est une conférence de #Christine_Delphy sur le partage des tâches ménagères, mais pas seulement. » , d’après la publication initiale(?) de cette vidéo sur Dailymotion, en 2010, https://www.dailymotion.com/video/xcwid8

  • A propos de la grève à la Commune - CDN d’Aubervilliers, CIP-IDF http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=9037

    Un conflit entre l’équipe de la Commune d’Aubervilliers et sa direction a donné l’occasion de diverses prises de positions publiques que nous publions ci-dessous.

    Deux de ces tribunes soutiennent la direction : celle de M. Badiou et celle de M. Tackels. Une soutient les gréviste, elle est signée par M. Neveux.

    Une manifestation de soutien aux grévistes aura lieu ce mercredi 3 octobre entre 18h et 20h30 devant le bâtiment du théâtre. [1]

    Le contenu des tribunes de M. Tackels et de M. Badiou est suffisemment préoccupant pour nous inciter à rappeler certains points qui ne sont pas des détails.

    Le droit de grève est indiscutable, et sa remise en cause est inadmissible. Quelles que soient leurs raisons pour le faire, les salariés d’un Centre Dramatique National jouissent de ce droit à l’instar de n’importe quel salarié. Contrairement à ce qu’écrit M. Tackels, les grèves de 2003 ne furent pas une répétition de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Elles furent un événement décisif qui permit d’établir un rapport de force dont jouissent tous les intermittents depuis lors.

    Nous sommes fiers de nous être mis en grève en 2003, de l’avoir refait en 2014. Et nous sommes prêts à le refaire en 2018 et 2019 et après, si les droits des chômeurs, précaires, intermittents et permanents devaient être à nouveau mis en cause.

    L’actuelle directrice de La Commune, Marie-Josée Malis, doit le savoir, puisqu’elle était gréviste en 2014 au festival d’Avignon. Ni sa nomination à la direction d’un CDN, ni son élection à la présidence du Syndéac (Syndicats des directeurs de théâtres publics) n’ont pu nettoyer sa mémoire de combien la grève est difficile à décider, mais vitale à organiser et à tenir.

    Dans une autre tribune, M. Badiou, dénonçant le travail de sape d’une partie de l’équipe du théâtre opposée à la direction, appelle à ce que le CDN d’Aubervilliers devienne « plus homogène encore à son goût du travail, de l’art théâtral et de l’amitié politique. ». Nous n’avons pas la même conception ni du travail, ni de la démocratie, ni du théâtre : si un directeur de théâtre est encarté dans quelque parti, tous les artistes, techniciens, personnels administratifs doivent-ils lui emboîter le pas dans ses convictions ?

    Le dialogue ne se fait pas qu’entre amis, heureusement, le travail non plus, c’est une évidence. Nier cette vérité, c’est penser qu’on est libre de licencier, ou d’obliger autrui à se taire ou se démettre.

    Le droit de grève, le droit du travail, les droits syndicaux, c’est - entre autres choses - ce que nous sommes nombreux à défendre et à avoir défendu dans des collectifs ou dans les têtes de cortèges contre la loi Travail et son monde.

    #théâtre #entreprise #grève

  • #bullshit_job : Les cinq grandes familles de «jobs à la con» Quentin Périnel - 1 Aout 2018 - Le Figaro
    http://www.lefigaro.fr/decideurs/vie-bureau/2018/09/01/33008-20180901ARTFIG00020-les-cinq-grandes-familles-de-jobs-a-la-con.php

    Dans un livre qui paraît en cette rentrée, l’anthropologue américain #David_Graeber étaie la notion de « bullshit job » qui l’a fait connaître en 2013. Un regard critique et cynique sur la vie de bureau contemporaine.

    Lorsqu’un article fait autant de bruit dans le monde entier, c’est forcément que son auteur a visé juste. Lorsque l’anthropologue américain et militant anarchiste David Graeber - qui a animé en mars dernier une grande et passionnante conférence au Collège de France https://www.college-de-france.fr/site/evenements-culturels/Grande-conference-David-Graeber-version-originale.htm - publie, en 2013, un article intitulé « Le phénomène des jobs à la con » dans le magazine Strike !, il ne s’attendait pas à provoquer un tel émoi : des dizaines de reprises médiatiques, des traductions dans toutes les langues du monde... « Bullshit Job » : un emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflu ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence. Telle est sa définition du concept.

    Cinq années plus tard, le chercheur américain a étayé encore davantage sa réflexion, et publie un livre - traduit aux éditions Les liens qui libèrent - qui porte le nom du phénomène. « À tous ceux qui préfèrent être utiles à quelque chose », écrit-il en première page en guise de dédicace. Dans son essai d’environ 400 pages, l’auteur dresse notamment une typologie desdits « #jobs_à_la_con », qu’il classe en cinq grandes familles représentatives, selon lui, du monde du #travail contemporain.

    • Les larbins. Les jobs de #larbins, explique-t-il, sont ceux qui ont pour seul but - ou comme but essentiel - de permettre à quelqu’un d’autre de paraître ou de se sentir important. En bref : d’aider quelqu’un à briller et à le tirer vers le haut tout en restant dans l’ombre. « Oui, il existe encore des boulots de domestiques à l’ancienne, de type féodal, soutient David Graeber. À travers l’Histoire, les riches et les puissants ont eu tendance à s’entourer de serviteurs, de clients, de #flagorneurs et autres #laquais. » Exemple ? Jack explique qu’il était démarcheur téléphonique chargé de vendre des actions à des clients, de la part d’un courtier. « L’idée était que, aux yeux du client potentiel, le courtier aurait l’air plus compétent et plus professionnel si l’on sous-entendait qu’il était trop occupé à faire du fric pour pouvoir passer les coups de fil lui-même, précise-t-il. Mon poste n’avait donc strictement aucune utilité, si ce n’est de faire croire à mon supérieur immédiat qu’il était un gros bonnet et d’en convaincre les autres. »

    • Les porte-flingue. Naturellement, le terme n’est pas à prendre au premier degré. Il s’agit d’une appellation métaphorique pour désigner ceux dont le travail a été créé par d’autres et comporte une composante agressive. « Un pays n’a besoin d’une armée que parce que les autres pays en ont une », explique Graeber. Un exemple qui vaut aussi, selon lui, pour les #lobbyistes, les #experts en relations publiques, les #télévendeurs ou les #avocats_d_affaires. « L’université d’Oxford a-t-elle réellement besoin d’employer une douzaine d’experts en #relations_publiques, au bas mot, pour convaincre le monde de son excellence ?, questionne-t-il. Il me semble au contraire qu’il faudrait au moins autant d’attachés de presse et des années d’efforts pour détruire sa réputation d’excellence, et je me demande même s’ils y parviendraient. »

    • Les rafistoleurs. Ou bricoleurs professionnels. Qui sont les #rafistoleurs ? Ceux dont le job n’a d’autre raison d’être que les pépins ou anomalies qui enrayent une organisation : ils sont là pour régler des problèmes qui ne devraient pas exister. Le terme est notamment employé dans l’industrie du logiciel, mais il peut être d’application plus générale. « Les premiers exemples de rafistoleurs auxquels on pense, ce sont des subalternes dont le boulot est de réparer les dégâts causés par des #supérieurs_hiérarchiques négligents ou incompétents », lit-on dans le livre Bullshit Jobs. « Une fois, j’ai travaillé dans une PME comme « testeuse », témoigne une employée. J’étais chargée de relire et corriger les rapports écrits par leur chercheur/statisticien star. »

    • Les cocheurs de case. Pour qu’une organisation puisse exister et que tout le monde sache qu’elle existe, il faut des #cocheurs_de_case. Il s’agit d’employés dont la seule principale raison d’agir est de permettre à une organisation de prétendre faire quelque chose qu’en réalité elle ne fait pas. Voilà une bonne définition de la réunionnite : des réunions sans cesse, pour le principe, et sans intérêt apparent ni aucune décision de prise. Graeber explique que dans la majorité des cas, les cocheurs de case sont tout à fait conscients que leur job n’aide en rien la réalisation du but affiché. Pire encore : il lui nuit, puisqu’il détourne du temps et des ressources. « L’essentiel de mon travail consistait à interviewer les résidents afin de noter leurs préférences personnelles dans un formulaire « loisirs », explique ainsi Betsy, qui était chargée de coordonner les activités de détente dans une maison de repos. (...) Les résidents savaient très bien que c’était du pipeau et que personne ne se souciait de leurs préférences. » Le temps que Betsy passait à remplir ces formulaires était précisément du temps qu’elle ne passait pas à les divertir !

    * • Les petits chefs. *C’est peut-être le profil le plus connu... et le plus haï aussi. Les petits-chefs se divisent en deux sous-catégories. Ceux du premier type n’ont qu’une fonction : assigner ou déléguer des tâches à d’autres. Ils peuvent être considérés comme le reflet inversé des larbins : ils sont tout aussi superflus, mais au lieu d’être les subordonnés, ce sont les supérieurs. Si cette première catégorie est inutile, la seconde est nuisible : il s’agit des petits chefs dont l’essentiel du travail consiste à créer des #tâches_inutiles qu’ils confient à leurs subalternes, ou même de créer de toutes pièces des « jobs à la con. » « Il est très difficile de recueillir des témoignages de petits chefs », observe Graeber. Logique : il est difficile d’admettre être chef et d’avoir un job inutile. « J’ai dix personnes qui travaillent pour moi, mais pour autant que je puisse en juger, toutes sont capables de faire le boulot sans qu’on les surveille, constate Ben, manager intermédiaire dans une entreprise. Mon seul rôle, c’est de leur distribuer les tâches - notez que ceux qui conçoivent ces tâches pourraient parfaitement les leur confier directement. » Ben va même encore plus loin dans sa lucidité quant à son travail : « J’ajoute que bien souvent, les tâches en question sont produites par des managers qui ont eux-mêmes des jobs à la con ; du coup, j’ai un job à la con à double-titre. »

    #entreprise #management #hiérarchie

  • Areva, Axa, Saint-Gobain, Havas, Veolia... Les grandes entreprises toujours aussi présentes au cœur du pouvoir @observatoiremultinat
    http://multinationales.org/Areva-Axa-Saint-Gobain-Havas-Veolia-Les-grandes-entreprises-toujour

    La démission de Nicolas Hulot du ministère de l’Écologie a mis au centre du débat public français la question du pouvoir des #lobbies. Au-delà des lobbies les plus visibles, comme celui des chasseurs, qui aiment à se mettre en scène, la capture de la politique par les intérêts privés s’effectue aussi sous des formes plus discrètes, mais peut-être beaucoup plus dangereuses pour la démocratie, comme les #pantouflages et #conflits_d’intérêts, la destruction de l’expertise indépendante, ou encore l’imprégnation idéologique de la haute fonction publique. Une question abordée dans la partie 8 du « Véritable bilan annuel des grandes entreprises françaises » que nous avons publié juste avant l’été : « Que font les grandes #entreprises_françaises à notre démocratie ? » Nous en publions ci-dessous un extrait, sur les nombreux liens entre le gouvernement actuel et ses conseillers et les groupes du #CAC40.


    illustration : Art Young - The Masses
    https://www.marxists.org/subject/art/visual_arts/satire/pub/masses/index.htm

  • Quand un #fromage qui porte le nom d’une commune, participe à l’organisation socio-économique d’un #territoire, tout en faisant le succès d’une #marque qui a contribué à l’imposer dans l’imaginaire collectif.

    http://sms.hypotheses.org/5549

    #Roquefort, #Société, #fromage, #histoire, #territoire, #développement, #marque, #stratégie, #entreprise, #imaginaire, #pratique, #cave, #frigorifique, #affinage, #produit, #cave, #saison

  • Créer un grand service public de l’eau : une vraie réforme que ne fera pas Emmanuel Macron...
    http://reformeraujourdhui.blogspot.com/2018/08/creer-un-grand-service-public-de-leau.html

    L’eau se situe aujourd’hui à la convergence d’enjeux économiques, sociaux, territoriaux et environnementaux qui sont indissociables. A l’échelle mondiale, la pénurie et la dégradation de la qualité de l’eau affectent plus de deux milliards d’êtres humains et provoquent plus de 30 000 morts chaque jour. Si la France n’est pas touchée heureusement par ce désastre, le quasi-monopole exercé par quelques opérateurs privés depuis près d’un demi-siècle sur un service public essentiel est de plus en plus contesté en raison de multiples dérives… La délégation du service public de l’eau (DSP) et de l’assainissement confiée à des #entreprises privées a placé la France dans une situation singulière car 11 800 services de l’eau et de l’assainissement restent encore aujourd’hui délégués au secteur privé. Au problème de la (...)

    #distribution #eau #gestion #prix