• Du GUD à l’A69 : Bernard Carayon, ou la droite béton - Observatoire des multinationales
    https://multinationales.org/fr/enquetes/faf40/du-gud-a-l-a69-bernard-carayon-ou-la-droite-beton

    Qui est #Bernard_Carayon, en première ligne pour défendre le projet de l’A69 et insulter ses opposants ? Du #GUD à Pierre Fabre, du secret des affaires à l’union des droites, portrait d’un politicien brut de décoffrage, comme un poisson dans l’eau dans le cloaque #politique et médiatique d’aujourd’hui.

    Dans la famille Carayon de Lagayé, je demande le fils Guilhem
    https://seenthis.net/messages/1055610
    à propos du sergent #Woessner_Géraldine contemptrice de l’islamo-gauchisme et des féminonazies comme ce fieffé B. Carayon [deSouche].
    présentation sur son journal Le Point.

    Géraldine Woessner a commencé sa carrière en 2001, dans la presse parlementaire. #Journaliste_politique, elle travaille pour Radio France, et participe en 2005 à la création de BFM TV. Elle couvre l’Elysée quelques années, avant de s’expatrier au Canada, où elle travaille pour différents médias (AFP, Arte, BFMTV, M6, Le Parisien, JDD, TSR, RTBF...), puis au Etats-Unis où elle devient la correspondante permanente d’Europe 1, et du Parisien. Après l’élection de Donald Trump, la radio #Europe1 l’accueille pour une chronique de fact-checking quotidienne. Elle rejoint Le Point en 2019, où elle couvre les sujets crispants, à la croisée des sciences et de la politique - énergie, agriculture, santé environnementale, extrêmes politiques... Elle est depuis 2022 rédactrice en chef du pôle Environnement. Prix Varenne des jeunes journalistes radio, elle est l’auteure de plusieurs livres.

    #A69 #environnement

  • Benoît Ferrari, des rivières et des gommes

    Les #particules issues de l’#abrasion des #pneus représentent 90% des #microplastiques rejetés dans l’environnement en Suisse. Benoît Ferrari cherche à évaluer la #dangerosité de cette #pollution pour l’#environnement.

    Quand on pense pollution automobile, on songe, d’abord et surtout, aux gaz d’échappement et à leurs conséquences néfastes sur le climat de la planète. Mais on oublie souvent que même la plus « verte » des voitures est équipée de pneus et qu’en roulant, ceux-ci libèrent dans la nature une quantité impressionnante de #particules_fines composées non seulement de caoutchouc mais aussi de nombreux additifs et autres #produits_chimiques au potentiel toxique élevé. Selon le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa), l’abrasion des pneus représenterait ainsi une part estimée à 90% des microplastiques rejetés dans l’environnement en Suisse, chaque habitant-e du pays produisant en moyenne 1,4 kg d’usure de pneu par an. Mieux comprendre les mécanismes de cette pollution insidieuse, évaluer précisément sa dangerosité et tenter d’en juguler les effets, c’est l’objectif que poursuit Benoît Ferrari au sein du Centre suisse d’écotoxicologie appliquée (Centre Ecotox). Ancien du Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau, le chercheur était de retour à Genève dans le cadre d’une conférence – « Plastiques dans le Léman. Overdose ? » – donnée au Campus Biotech. Entretien.

    Campus : Comme toutes les particules fines, celles libérées par l’usure des pneus sont difficiles à détecter. Comment a-t-on pris conscience de l’ampleur du problème ?
    Benoît Ferrari : L’intérêt des chercheurs à travailler sur le possible impact des résidus de pneus sur l’environnement a été grandement stimulé par un article paru dans la revue Science à la fin de l’année 2020. Il se trouve que depuis les années 1980, le saumon argenté (ou coho) est régulièrement victime d’hécatombes dans certains cours d’eau du nord-ouest des États-Unis. Or, après une dizaine d’années de recherche, les auteurs de cet article sont parvenus à démontrer que la cause première de ces pics de mortalité était une substance chimique appelée #6PPD-quinone, une molécule produite par l’oxydation d’un anti-ozonant utilisé dans la production des pneus afin de ralentir leur vieillissement.

    Comment expliquer que le saumon kéta, par exemple, qui fréquente pourtant les mêmes rivières, ne soit pas touché par cette pollution ?
    La question n’est pas définitivement tranchée. Il y a beaucoup de recherches en cours sur le sujet. Le comportement bizarre des saumons argentés avant qu’ils ne meurent semble indiquer que la 6PPD-quinone s’attaque au système nerveux. En laboratoire, il a d’ailleurs été démontré que lorsqu’on expose des cellules du cerveau d’une truite arc-en-ciel, qui fait également partie de la famille des salmonidés, à cette substance, on constate des toxicités aiguës, même à des niveaux de pollution extrêmement faibles alors que l’impact est quasiment nul sur les cellules intestinales ou des cellules de branchies.

    Face à ces révélations, l’industrie du pneu a-t-elle tenté de réfuter la mise en cause de la 6PPD-quinone ou d’allumer des contre-feux, à l’image de ce qu’ont pu faire les fabricants de tabac ou de produits phytosanitaires par le passé ?
    Je dirais qu’il y a eu une prise de conscience réelle et une volonté sincère de faire avancer les choses. Depuis, les fabricants font des efforts importants pour innover tant sur le matériau lui-même que sur les #additifs utilisés. Le Tyre Industry Project, qui est un consortium regroupant les dix acteurs les plus importants du secteur, contribue par ailleurs au financement de nombreux laboratoires de recherche indépendants travaillant sur le sujet, dont celui du Centre Ecotox.

    Comment les particules de pneus se propagent-elles dans l’environnement ?
    Quand un véhicule est en mouvement, le contact entre le pneu et le sol génère une #friction qui arrache à la surface du pneu de petites particules. Les plus légères peuvent rester en suspension dans l’air et être disséminées par le vent. Les autres se déposent sur l’asphalte où elles sont susceptibles de se mélanger à toutes sortes d’éléments : poussières, fragments d’asphalte, résidus d’huile, gaz d’échappement, produits du freinage et autres déchets divers. En cas de fortes averses, ces particules de nature très hétérogène vont être entraînées soit dans les assainissements qui se trouvent sur le bord des routes et éventuellement vers des stations d’épuration, soit directement dans les sols et les cours d’eau.

    Quels sont les objectifs du projet que vous menez depuis 2019 au sein du Centre Ecotox, en collaboration avec l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies aquatiques (Eawag) et l’EPFL ?
    Quand vous observez une particule issue de l’usure de pneus au microscope électronique, vous voyez une sorte de boudin de caoutchouc flanqué de nombreuses incrustations liées à ce que la particule a récupéré lors de la friction sur la route. C’est assez joli à regarder, mais on ne sait pas toujours à quoi on a affaire. Et déterminer exactement la composition de ces particules et leurs effets sur l’environnement est un défi de taille.

    Pourquoi ?
    Étant donné leur taille, il est très difficile de récolter ces particules in situ. En laboratoire, nous travaillons donc sur des sortes de proxys fabriqués artificiellement à partir de différentes marques de pneus de voitures, de poids lourds de motos ou autres véhicules légers. Pour y parvenir, la couche supérieure de la bande de roulement est découpée en petits morceaux de 1 cm3 à l’aide de ciseaux industriels et d’une machine à jet d’eau, puis broyée par cryogénie afin d’obtenir des particules proches de ce qu’on peut retrouver dans l’environnement. Aujourd’hui, on dispose de mélanges spécifiques au continent européen et au continent américain.

    Quelle est l’étape suivante ?
    Afin d’évaluer la dangerosité potentielle de ce type de pollution, nous cherchons à reconstituer le comportement de ces particules une fois qu’elles se retrouvent dans l’environnement. L’idée est de comprendre comment elles évoluent au contact de l’air, de l’eau ou d’autres substances chimiques, ce qui se produit lorsqu’elles sont ingérées par des organismes et comment ces substances se transmettent d’une espèce à l’autre tout au long de la chaîne alimentaire. Est-ce que la #contamination est directe ou est-ce que certaines substances contenues dans ces particules sont libérées par la digestion avant d’être accumulées par les organismes et transmises à d’autres espèces ?

    Comment procédez-vous pour y parvenir ?
    Nous testons aussi bien les micro-organismes qui constituent le biofilm que des invertébrés comme les larves d’insectes et les gastéropodes ou différentes espèces de poissons. Un des aspects novateurs de ce projet tient d’ailleurs au fait que plutôt que de sacrifier des poissons extraits du milieu naturel pour réaliser nos expérimentations, nous travaillons sur des cultures cellulaires de différents types de tissus que nous exposons à nos échantillons de particules de pneu.

    Avec quels résultats ?
    On observe effectivement un certain nombre d’effets, mais à l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour trancher définitivement la question de la dangerosité de ces particules de pneu pour l’environnement et, par extension, pour l’être humain. Notamment parce que les effets observés correspondent à des concentrations de particules qui sont supérieures à ce qu’on pourrait trouver dans la nature. Nous avons donc encore besoin d’accumuler un certain nombre de données avant de pouvoir préciser nos conclusions.

    A-t-on une idée précise du degré de contamination d’un lac comme le Léman par ces particules de pneus ?
    Là encore, nous manquons de données pour avoir une idée claire de la situation. Mais la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (Cipel) procède tous les dix ans à une campagne d’échantillonnage visant à dresser un état des lieux de la contamination des sédiments. Dans le cadre de notre projet, nous allons profiter de la prochaine campagne de mesures, qui est imminente, pour quantifier le niveau de concentration des particules d’usure de pneus et des différentes substances caractéristiques de celles-ci dans le Léman et nous devrions avoir une réponse d’ici à la fin de l’année. On sait par ailleurs que les concentrations mesurées de ces substances relarguées par les particules près des déversoirs d’orage ou des conduites qui drainent les eaux de pluie peuvent atteindre quelques centaines de nanogrammes par litre au moment d’événements pluvieux, ce qui n’est pas négligeable. On en retrouve également à des concentrations de l’ordre de quelques centaines de nanogramme spar gramme dans les sédiments de surface. Par ailleurs, des concentrations élevées de particules de l’ordre du gramme par kilogramme, ont été relevées dans certains sols proches des routes. Ces niveaux de concentration requièrent toute notre attention.

    De ce point de vue, le développement des #voitures_électriques n’est pas forcément une bonne nouvelle dans la mesure où elles sont globalement plus lourdes que les véhicules équipés d’un moteur à explosion...
    Le #poids est en effet un facteur qui augmente l’usure des pneus. Mais ce n’est pas le seul. La largeur des pneus a aussi un impact, de même que la manière de conduire. Une vitesse excessive, une conduite agressive ou des freinages brusques sont aussi des éléments qui favorisent le relâchement de particules de pneus dans l’environnement.

    Est-il imaginable de développer des pneus qui soient moins toxiques du point de vue écologique ?
    L’équation n’est pas simple à résoudre dans la mesure où les contraintes sont importantes. Pour remplir sa fonction d’un point de vue sécuritaire, le pneu d’un véhicule doit, d’une part, être assez solide pour résister au poids de celui-ci, qui a plutôt tendance à augmenter. D’autre part, pour accrocher à l’asphalte, il est impératif que le pneu exerce une certaine friction sur la route. Cela étant, il y a sans doute une marge de progression importante sur la qualité du matériau lui-même et sur les additifs utilisés actuellement dans le processus de fabrication.

    Existe-t-il d’autres leviers pour tenter de juguler le problème ?
    Sur le plan technique, on commence à voir apparaître des systèmes qui permettent de piéger les particules au moment où elles se détachent du pneu. Le principe consiste à fixer sur le châssis du véhicule un appareil capable de suivre la trajectoire probable des particules et de les capter à l’aide d’un dispositif électromagnétique, un peu à la manière d’un papier tue-mouches. C’est une solution intéressante mais qui, pour l’heure, est encore en phase de test.

    Faudrait-il une législation plus sévère en la matière ?
    On peut en effet adapter la législation pour réglementer l’usage de certains additifs comme cela a été fait pour la 6PPD dans certaines régions des États-Unis. Il est aussi envisageable d’exiger une plus grande transparence sur les éléments qui entrent dans la fabrication des pneus, ce qui a d’ailleurs été évoqué récemment au sein de l’Union européenne. C’est un bon moyen pour pousser les fabricants à anticiper des problèmes dans le futur et donc à améliorer les procédures. Mais il y a aussi probablement un effort à faire en matière d’assainissement des routes.

    C’est-à-dire ?
    Au-delà du problème lié aux particules de pneus, les routes drainent une quantité considérable de polluants. Plusieurs solutions sont envisageables pour en réduire l’impact sur l’environnement. En Suisse, certains cantons travaillent par exemple sur de nouveaux types d’asphalte capables de récupérer directement les eaux de pluie par absorption. Le système d’évacuation et de traitement des eaux de chaussée (Setec) dont nous disposons actuellement peut par ailleurs sans doute être optimisé afin de mieux récupérer les eaux de pluie. Enfin, dans un pays qui se targue de disposer de stations d’épuration très opérationnelles, on ne sait pas encore exactement dans quelle mesure ces installations sont capables de bloquer ou de diminuer l’impact de ce type de microparticules. Heureusement, il y a de nombreux travaux de recherche en cours sur la question, ce qui devrait permettre d’y voir plus clair dans un avenir proche.

    https://www.unige.ch/campus/161/invite

  • #Droit_de_l’environnement : entre espoirs et reculs

    Alors que le débat autour de l’autorisation du chantier de l’A69 bat son plein, des chercheuses expliquent en quoi le droit de l’environnement motive de plus en plus d’actions citoyennes en justice et comment il peut constituer l’une des réponses à l’urgence écologique.

    L’A69 verra-t-elle le jour ? On ne sait pas encore comment se terminera ce feuilleton juridico-politique autour du projet d’autoroute de 50 km destiné à relier Toulouse à Castres. Il illustre en tout cas la difficulté du droit de l’environnement, pourtant en plein essor, à s’imposer.

    Le 27 février 2025, sept ans après la déclaration d’utilité publique, le tribunal administratif de Toulouse (à la demande des associations de défense de l’environnement qui dénonçaient la destruction illégale de 169 espèces protégées animales et végétales) a ordonné l’arrêt immédiat des travaux de l’A691. Le tribunal a jugé infondée « la raison impérative d’intérêt public majeur » ayant motivé une autorisation préfectorale de déroger au droit de l’environnement, alors même que le juge des référés avait à plusieurs reprises rejeté la demande de suspension des travaux en cours.

    Saluée comme « historique » par les défenseurs de l’environnement, la victoire des opposants à l’A69 devait marquer un tournant. Mais, le 24 mars, le ministre en charge des Transports, Philippe Tabarot, soutenu par une large partie des élus des départements concernés, faisait appel de la décision. Et, le 3 juin, la cour administrative de Toulouse autorisait la reprise du chantier2… en attendant que le Conseil d’État donne son avis, en 2026 !

    Sans se soucier de ce calendrier judiciaire, une proposition de loi dite « de validation3 » a été déposée à l’initiative de Jean Terlier, député Ensemble pour la République du Tarn, qui reviendrait à légaliser de fait cette autoroute…

    Le débat autour de l’A69 est un exemple parmi d’autres. Car il ne se passe plus un mois sans qu’un nouveau contentieux en justice lié à la dégradation accélérée de l’environnement ne surgisse dans l’actualité – internationale ou locale.
    L’espoir d’une jurisprudence

    En mars 2025 encore, tandis que les associations Bloom et Foodwatch assignaient le groupe Carrefour devant le tribunal de Paris pour « manquement au devoir de vigilance » dans sa filière thonière4, s’est ouvert en Allemagne le procès intenté par un agriculteur péruvien, soutenu par l’ONG Germanwatch, à l’un des plus gros producteurs d’énergie du pays, RWE. Le conglomérat, pourtant, n’opère pas au Pérou. Mais il compte parmi les plus gros émetteurs européens de gaz à effet de serre (GES). Saúl Luciano Lliuya lui réclame 17 000 €, soit 0,47 % (la contribution de RWE aux émissions mondiales de GES) du coût des aménagements nécessaires pour préserver sa maison, et des dizaines de milliers d’euros en plus pour les conséquences de la fonte des glaciers andins.

    Au bout de 10 ans et après enquête sur place, un tribunal allemand a certes rejeté la demande du paysan péruvien, mais, dans le même temps, a reconnu la responsabilité civile des entreprises pour des dommages climatiques résultant de leurs émissions passées de gaz à effet de serre, quel que soit le lieu de leur survenance. Les émetteurs de GES pourraient être obligés de prendre des mesures pour prévenir les dégradations et, en cas de refus, être condamnés à les réparer proportionnellement à leur part dans les émissions.

    Cette décision fera sans doute jurisprudence, ouvrant la voie à cette justice climatique mondiale que les ONG et les pays du Sud réclament aux entreprises, mais aussi aux États les plus riches et les plus polluants.
    De la marginalité à la maturité

    Discipline en plein essor que les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à vouloir étudier, le droit de l’environnement, seul, s’est jusqu’à présent révélé assez impuissant à enrayer la dégradation accélérée de la nature. Même s’il se diffuse au sein d’autres branches du droit (tel le droit commercial), il doit composer avec les intérêts protégés par ces dernières, dont les activités sont largement susceptibles de porter atteinte à l’environnement.

    Chercheuse en droit international de l’environnement et du climat, Marion Lemoine-Schonne5 reconnaît que son efficacité demeure donc en deçà des urgences. Elle ne l’estime pas moins fondamental : « D’abord, sans le droit international de l’environnement, la situation serait encore pire. Il joue un rôle référentiel et incitatif très important pour les décideurs. Ensuite, la force du droit, c’est de dire ce qui doit être. Quand bien même il est insuffisamment respecté, cela ne grève en rien son effet levier sur les plans sociopolitiques. » Selon elle, la multiplication des contentieux, de plus en plus souvent tranchés en faveur des défenseurs de la nature, fait fonction d’« accélérateur » d’un droit de l’environnement passé depuis les années 1980 « de la marginalité à la maturité ».

    Comme la chercheuse l’a résumé dans un livre collectif6, les premiers textes destinés à protéger la santé humaine des effets de la pollution sont adoptés au XIXe siècle. Le droit de l’environnement se construit d’abord à l’échelle internationale, avec les premières conventions multinationales de protection de grands espaces naturels, dans les années 1930, puis les accords multilatéraux cherchant deux décennies plus tard à prévenir les ravages dus à l’intensification de l’activité industrielle.

    En 1972, la déclaration onusienne de Stockholm7 fait de l’environnement une priorité mondiale indissociable des droits humains, à penser en articulation avec le développement économique et le bien-être des populations. Elle pose ainsi les fondations du droit de l’environnement. Vingt ans plus tard, lors du sommet de Rio, en 1992, la prise de conscience des changements globaux qui menacent directement la survie de l’humanité débouche sur trois conventions-cadres8 majeures concernant les changements climatiques, la désertification et la biodiversité.
    Obliger les États à coopérer

    « Depuis, précise Marion Lemoine-Schonne, le droit de l’environnement se construit tous azimuts, en lien étroit avec les évolutions des connaissances scientifiques. Nous savons que les processus de dégradation sont profondément connectés et interdépendants (climat, biodiversité, océans, pollution chimique, etc.) et qu’il est vain de lutter en silo contre les sources de pollution. Au nombre de neuf, les ”limites planétaires“ à ne pas dépasser sans compromettre gravement la stabilité de la biosphère9 sont désormais intégrées dans le droit de l’environnement. Les États sont obligés de les prendre en compte. Et cela permet à un nombre croissant de citoyens de saisir la justice sur une grande diversité de sujets. »

    En outre, le débat sur la reconnaissance de certains droits aux éléments naturels (rivières, forêts ou sols) a vu émerger dans un petit nombre de pays un véritable droit de la nature, qui reste marginal, mais n’en influence pas moins tout le champ juridique.
    La justice européenne à l’œuvre

    Une vitalité attestée aussi par Alexandra Langlais10 et Magali Dreyfus11, chercheuses au CNRS, spécialistes respectivement des droits européen et français. Ces derniers temps, à l’échelle de l’Europe, précise Alexandra Langlais, c’est plutôt devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) que ces plaintes citoyennes sont déposées, au nom notamment du « droit à la vie ». Ont ainsi eu gain de cause, en janvier 2025, des habitants des environs de Naples qui dénonçaient l’inaction de l’État italien face à la multiplication des cancers causés par les dépôts mafieux de déchets toxiques, et qui avaient été déboutés par toutes les juridictions de leur pays12.

    Alexandra Langlais cite également une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a pris de court différents États membres, dont la France, en annulant une dérogation qu’ils tenaient pour acquise autorisant l’usage en plein champ de produits néonicotinoïdes. « Alors que la Commission avait elle-même laissé passer ces manquements répétés à son propre règlement d’exécution, la décision de la CJUE est venue rappeler que le droit européen prime sur celui des États membres », commente la juriste.

    En France aussi, la réglementation environnementale, largement issue du droit européen, n’a cessé de s’étoffer pour pénétrer d’autres branches du droit, et notamment celui de l’aménagement et de l’urbanisme. « Les acteurs publics ou privés ne peuvent plus ignorer son existence, précise Magali Dreyfus. Tenter de passer outre comporte un réel risque financier, comme l’atteste la réaction des acteurs économiques à la suite de l’arrêt du chantier de l’A69. De même, quand le Conseil d’État ou une autre juridiction rend un arrêt, le gouvernement doit s’y conformer. Mais le rapport de force global continue de favoriser l’économie au détriment de l’environnement. D’autant plus qu’aller en justice exige des ressources importantes. »
    Le contre-pouvoir des juges

    Les actions en justice intentées contre des États ou de grands groupes privés en raison de l’insuffisance de leur effort contre le changement climatique dans le respect de l’Accord de Paris sont en constante augmentation. Et sont les plus emblématiques de l’évolution du droit de l’environnement, estiment les trois chercheuses. On ne compte plus le nombre de contentieux devant des juridictions nationales ou internationales.

    Par exemple, en France, à la suite d’une requête de la commune de Grande-Synthe (Nord), le Conseil d’État (la plus haute juridiction administrative) a enjoint en 2024 au gouvernement de prendre toutes les mesures permettant d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre13. En 2021, L’Affaire du siècle, une coalition d’ONG14, voit reconnaître la « responsabilité pour carence fautive de l’État français du fait du non-respect de la trajectoire de lutte contre le changement climatique qu’il s’était fixé »15. Considérant que la condamnation n’a pas été exécutée, elle relance même une action fin 2024.

    Autre jurisprudence, celle rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à la suite d’une plainte de l’association suisse Aînées pour la protection du climat. Parce que les conséquences du réchauffement touchent davantage les personnes âgées, en particulier les femmes, la requête introduite porte sur le fait que la Suisse ne remplit pas son devoir de protection qui découle du « droit à la vie » et du « droit au respect de la vie privée et familiale ». En avril 2024, la CEDH a reconnu la responsabilité particulière de la Suisse dans l’aggravation du préjudice causé aux membres de cette association en matière de droits humains et a rappelé le « droit à un environnement sain »16.
    « On ouvre des brèches »

    « Parfois, on perd pour des questions de procédure, mais le fait que le procès ait lieu constitue déjà une forme de victoire, commente Alexandra Langlais. Notamment parce qu’on ouvre des brèches pour ceux qui suivront, et qui connaîtront les failles à éviter, les ouvertures possibles. »

    Dans un récent rapport17, le Grantham Institute on Climate Change and the Environment, à Londres, qui recense plus de 200 contentieux climatiques à travers le monde pour la seule année 2023, prévoyait que les « grands-mères suisses » ouvriraient la voie à de nouveaux litiges. Avec raison, puisqu’en avril 2025, 14 citoyens français, soutenus par 3 ONG, ont demandé à l’État français de renforcer sa politique d’adaptation au changement climatique.

    « En estimant que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme s’applique au climat et que les citoyens sont donc en droit d’agir en justice, les juges européens ont franchi un pas très important, analyse Marion Lemoine-Schonne. Très attendu, l’avis que la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, saisie par la Colombie pour statuer sur l’effet irréversible et systémique du changement climatique quant au devenir de l’espèce humaine comme espèce vivant parmi les autres espèces, peut aussi à l’avenir influencer fortement le droit. »
    Dialogue entre juges

    Surtout, rappelle Marion Lemoine-Schonne, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye doit rendre courant 2025 un avis consultatif précisant le contenu des obligations juridiques internationales étatiques en matière de protection climatique et les sanctions que peuvent encourir les États.

    De façon générale, conclut-elle, « on constate un dialogue entre juges des différents pays, mais aussi une influence certaine entre les juges internationaux, européens et nationaux, notamment parce qu’ils se fondent tous sur les mêmes documents scientifiques, comme les rapports du Giec et l’Accord de Paris. Les États-Unis ont été les premiers à montrer le recours démocratique qu’offrait le recours en justice. Aujourd’hui, les juges européens sont devenus des contre-pouvoirs prépondérants pour rappeler les États à leurs obligations. Le droit international garde une portée limitée, puisqu’il est négocié et mis en œuvre par les États eux-mêmes – et donc conditionné à leur volonté. Le contexte politique américain, entre autres, constitue un cas d’école en termes de dérégulation climatique. »

    Magali Dreyfus, elle, pointe une autre limite : « Toute victoire arrive toujours un peu trop tard, puisque le mal est déjà fait. L’A69 constitue un cas exemplaire, la décision étant intervenue alors que les destructions d’habitats, d’arbres et de terres agricoles étaient déjà accomplies, et les GES pour la construction, émis. »
    Les États-Unis se retirent à nouveau de l’Accord de Paris

    Comme promis, le président Trump a engagé pour la deuxième fois le retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat, conclu en 2015. Peu après, Lee Zeldin, représentant de New York climatosceptique nommé à la tête de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), annonçait l’abrogation imminente des « entraves » limitant la croissance économique, à commencer par des mesures destinées à réduire drastiquement les émissions de CO2.

    Il est néanmoins trop tôt pour préjuger des conséquences à long terme des coups de force et intimidations de la nouvelle administration, estime Marion Lemoine-Schonne, car « l’édifice du droit du climat, qui avait déjà bien résisté au premier retrait américain de l’Accord de Paris, n’a cessé de se solidifier depuis ».

    Ce nouveau retrait entraîne par exemple l’arrêt de toutes les subventions états-uniennes aux instances des Nations unies œuvrant pour l’environnement – soit un quart de budget en moins pour le climat, concède la chercheuse. « Mais il n’y aura pas forcément d’effet d’entraînement sur les autres États. L’Accord de Paris, qu’on dénonçait comme peu contraignant, a tenu bon autour d’une logique de progressivité des engagements. On peut imaginer que les tensions géopolitiques actuelles conduisent certains États, comme les grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Mexique, à réaffirmer leurs engagements climatiques pour renforcer leur position dans d’autres enceintes diplomatiques. »
    « Vents politiques contraires »

    Certes, l’objectif le plus ambitieux de l’Accord, celui de maintenir l’augmentation globale de la température terrestre au-dessous de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, a d’ores et déjà été dépassé. Mais, affirme la chercheuse, la « « flexibilité » du texte lui permet pour l’instant de résister aux chocs. Reste que des « vents politiques contraires » soufflent aussi en Europe. Et, comme ses consœurs, Marion Lemoine-Schonne reconnaît que « la menace de détricoter ce que l’on pouvait croire acquis n’a jamais été aussi forte ».

    Ce « détricotage » a largement débuté pour le Pacte vert européen, le plan présenté en 2019 par la Commission européenne pour décarboner l’économie de l’Union européenne d’ici à 2050, déplore Alexandra Langlais : « Il s’agissait d’une avancée extraordinaire. Outre cette promesse de neutralité carbone, le plan englobait les enjeux de pollution et de biodiversité, dans une perspective de transition équitable qui devait se traduire rapidement dans des textes juridiques. Et c’est là que ça a déraillé. »

    Par exemple, détaille-t-elle, un projet de règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides est devenu encore moins contraignant que la directive européenne préexistante. Les députés qui le soutenaient ont dû ainsi se résigner à voter contre, fin 2023. « Quant au règlement européen censé mettre en place un système d’alimentation durable, il n’a même pas vu le jour… »
    Reculs en série sur la Politique agricole commune

    Cet affaiblissement du Pacte vert, conséquence aussi de la colère des agriculteurs qui a secoué l’Europe entre 2022 et 2024, inverse une tendance de fond, poursuit la chercheuse : « Depuis que la Politique agricole commune (Pac) a été adoptée, en 1962, cette politique s’est construite en prenant de plus en plus en compte la nécessité de préserver l’environnement. C’est la première fois qu’elle recule, et c’est complètement fou quand on connaît le prix à payer – y compris pour le secteur agricole – si l’on n’agit pas. »

    En France, le principe de non-régression, introduit dans le Code de l’environnement par la loi Biodiversité de 2016, interdit théoriquement tout retour en arrière, précise Magali Dreyfus. Mais elle rappelle que le modèle d’agriculture intensive continue de faire obstacle à tout progrès décisif en la matière : « Alors que les agriculteurs sont les premières victimes de ce système, et qu’en changer représente un défi immense, le syndicat majoritaire, sous couvert d’un besoin de simplification, continue de désigner le droit de l’environnement comme la source de leurs problèmes. Il y a là quelque chose d’irrationnel. »
    Glyphosate : nouvelle action en justice

    Emblématique de ces tensions, l’autorisation du glyphosate (herbicide reconnu comme « cancérogène probable », dont Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à proscrire l’usage « au plus tard dans trois ans ») a été renouvelée pour 10 ans, fin 2023, par la Commission européenne, à l’issue d’un vote crucial des Vingt-Sept lors duquel la France a choisi de s’abstenir.

    La justice viendra-t-elle une fois encore au secours de ceux qui dénoncent les ravages du glyphosate sur l’environnement ? Fin 2024, plusieurs associations ont déposé une plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre ce renouvellement.

    La recrudescence des actions en justice est proportionnelle à la montée des « vents contraires ». Raison de plus pour travailler à renforcer le droit de l’environnement à toutes les échelles. « Il reste absolument indispensable, a fortiori aujourd’hui, à l’heure où une désinformation croissante travaille à brouiller la prise en compte des connaissances scientifiques sur les enjeux de transition socio-écologique et climatique, conclut Marion Lemoine. La gravité des changements à l’œuvre, dont nous avons maintenant toutes les preuves scientifiques, ainsi que le coût de l’inaction nous obligent à nous emparer de tous les moyens juridiques disponibles pour conserver les acquis du droit de l’environnement et continuer à le protéger, pour la santé et le bien-être humain des générations actuelles et futures. »

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/droit-de-lenvironnement-entre-espoirs-et-reculs

    #environnement #justice #A69 #France #jurisprudence #Saúl_Luciano_Lliuya #Allemagne #Cour_européenne_des_droits_de_l’Homme (#CEDH) #droit_à_la_vie #Cour_de_justice_de_l’Union_européenne (#CJUE) #aménagement #urbanisme #contre-pouvoir #Accord_de_Paris #climat #changement_climatique #pollution
    #ressources_pédagogiques #agriculture #agriculture_intensive #Glyphosate #santé #santé_publique

    • Un monde commun. Les savoirs des sciences humaines et sociales

      Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l’art, économie, sciences politiques, droit, archéologie… : les disciplines couvertes par les #sciences_humaines_et_sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d’analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l’ont habité, l’habitent et l’habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire « #monde_commun », pour reprendre la formule de Hannah Arendt ?

      L’ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l’Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d’outils permettant aux lecteurs de penser, d’habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs.
      Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/un-monde-commun
      #livre

  • ARTE 28 minutes : « dans le milieu scientifique il y a aussi du MILITANTISME » (La Science c’est le MAL)
    Invité du jour : Damien GREFFIN, vice-président de la FNSEA.

    (à partir de 16’10)
    https://www.arte.tv/fr/videos/119476-194-A/28-minutes

    (Hasard du calendrier ? Le cours du plomb s’est apprécié de 1,81% depuis le 22 mai).

    #lobbying #biosolutions #techno-solutionnisme #agroindustrie #productivisme #environnement #écosystèmes (préservations des)

  • Pollution plastique 5 000 canards se sont jetés à l’eau ce dimanche à Namur : « L’année prochaine on en prévoit 10 000 »

    Ce dimanche 18 mai, la Sambre a couiné. Elle en a vu passer des navires, des kayaks, des péniches amoureuses du ralenti, mais jamais une pareille basse-cour flottante : 5 000 canards jaunes se sont jetés à l’eau depuis le pont de l’Évêché, dans un tourbillon aquatique parfaitement organisé. Canamurois, premier du nom, événement mi-fou, mi-fondé, entièrement dédié à la course… de canards en plastique.

    Organisée par les Rotary Namur Val Mosan et Confluent, les volatiles . . . .


    La suite : https://www.lavenir.net/regions/namur/2025/05/18/5-000-canards-se-sont-jetes-a-leau-ce-dimanche-a-namur-lannee-prochaine-on-en-prevoit-10-000-DB6ES7HEX5F25J3KBFGCY3YNIE/?cx_testId=30&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=2#cxrecs_s

     #plastique #pollution #déchets #environnement #rotary #rotary club #eau #bêtise #conneries #Belgique

  • À #Kobané, l’#eau et la #nature au cœur de la #guerre en #Syrie

    Dix ans après les combats contre l’État islamique, la ville kurde de Kobané tente difficilement de se reconstruire. L’agriculture est à la peine, et une partie de l’eau reste captée par le #conflit.

    Un chant s’élève dans l’immensité bleue de l’#Euphrate, bordée de #montagnes arides. Sur sa barque de pêcheur, Armanj, jeune lycéen kurde de 17 ans, chante une romance désespérée entre deux amants séparés par la guerre, au rythme du clapotis des rames. Avec son cousin Mohammad, il #pêche dans le #fleuve mythique depuis son enfance, afin de s’assurer un revenu. Mais la #guerre_civile syrienne et le #réchauffement_climatique ont chamboulé le quotidien de #Boraz, leur paisible village syrien bordé de champs, d’arbres fruitiers et de fleurs situé à une heure de Kobané.

    « J’ai perdu mon père, mon frère et ma mère à la guerre ; il ne me reste que ma sœur. Je pêche pour qu’on puisse survivre », témoigne Mohammad, 17 ans lui aussi, en montrant ses prises du jour. « Le problème, c’est que le niveau de l’#eau a tellement baissé que les #poissons locaux, comme les #carpes, sont devenus rares ou ont été remplacés par de nouvelles espèces étranges », soupire Armanj.

    L’Euphrate contrôlée

    Les autorités et habitants du nord-est syrien, le #Rojava, accusent la #Turquie de faire de la rétention avec leurs #barrages construits en amont, dans le cadre de leur guerre contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), à majorité kurde.

    « La Turquie retient beaucoup l’eau de l’Euphrate. D’une part pour sa propre #agriculture, qui souffre aussi de la #sécheresse, mais aussi pour essayer d’étouffer l’#économie_agricole dans les parties de la Syrie contrôlées par les Kurdes », explique Peter Schwartzstein, journaliste et chercheur au Centre pour la sécurité et le climat.

    « On se sent comme des pions dans un jeu politique. On a peur, on vit sous les bombardements et les menaces des forces proturques, qui peuvent nous tirer dessus depuis l’autre côté de la rivière », témoigne Armanj. L’#Armée_nationale_syrienne (#ANS), une milice affiliée à Ankara, la capitale turque, a pris le contrôle de la rive ouest de l’Euphrate fin décembre lors d’une offensive surprise contre les FDS à Manbij, plus à l’ouest.

    Depuis treize ans, la guerre civile syrienne a considérablement affecté cette vaste plaine agricole, le grenier du Moyen-Orient et lieu de naissance de l’agriculture dans le Croissant fertile, il y a plus de 10 000 ans. « À cause des substances toxiques causées par les #bombardements et les #munitions, je vois comment la nature change, les plantes faiblissent et les rendements diminuent », soupire Najah Hussein Abroush, agricultrice à Boraz.

    Elle prend une poignée de terre, asséchée, qui s’effrite entre ses doigts. « Avant, le #blé m’arrivait jusqu’à la taille en cette saison, maintenant, il n’y a que des pousses de quelques centimètres. On récolte deux fois moins de fruits qu’avant dans les #vergers, et sommes devenus dépendants des #pesticides et des #graines_hybrides de mauvaise qualité », ajoute-t-elle.

    Comme les stations de pompage d’eau sur les berges de l’Euphrate ont été bombardées pendant la guerre, Najah doit utiliser l’#eau_saline des #puits_souterrains. Et en raison des combats récents aux abords de l’Euphrate, la région est assiégée et elle ne peut plus acheter de #semences ou de matériel à l’extérieur.

    À l’unisson avec les autres agriculteurs interrogés à Boraz, elle peint l’image d’un paradis terrestre déchu, poussant nombre d’habitants à abandonner leurs champs et à fuir.

    Kobané, ville martyre de nouveau assiégée

    C’est que Kobané et sa périphérie ont été en première ligne de nombreuses batailles. Assiégée par l’État islamique (EI) entre septembre 2014 et janvier 2015, la ville porte toujours les stigmates de cette bataille féroce, durant laquelles des centaines de soldats et habitants kurdes sont morts. Afin de la reconstruire, d’importants projets immobiliers et environnementaux ont vu le jour, menés par l’Administration autonomique et démocratique du nord-est syrien (#Daanes) et la société civile.

    « L’#environnement de Kobané a été extrêmement affecté par la guerre, nous essayons de soutenir nos agriculteurs et de restaurer la #biodiversité en reboisant des forêts, des parcs et en installant des pépinières, par exemple », explique Aref Bali, coprésident de l’autorité environnementale de Kobané, lui-même originaire de Boraz.

    Las, ces projets ont été mis en pause à cause des bombardements turcs. « Ils ont systématiquement attaqué nos infrastructures publiques, même quand nous ne faisions que planter de la verdure sur un rond-point », commente-t-il.

    Reporterre a pu visiter une #pépinière municipale, dont le but est de fournir agriculteurs et espaces publics de plantes et de semences. Des avions de chasse et un drone turc passaient alors au-dessus de la ville, créant une sensation d’étouffement et de #siège.

    Pire encore : à cause d’une frappe turque sur le #barrage_hydroélectrique de #Tichrine, situé à une heure de Kobané, toute la région a été plongée dans le noir depuis octobre 2023 — l’électricité était revenue quelques jours avant notre visite. « Pendant ce temps, les habitants ont dû utiliser des générateurs à diesel extrêmement polluants, affectant la santé publique », ajoute Aref Bali. De nombreux #générateurs restent en place malgré le retour de l’électricité, crachant une fumée noire toxique.

    Le barrage de Tichrine, nerf de la guerre

    Le barrage de Tichrine, tenu par les FDS depuis 2013, est devenu la dernière ligne de front de la guerre syrienne. Lors de l’offensive surprise de l’ANS, les troupes proturques ont été repoussées. Menacé d’une attaque aérienne, le barrage a vu affluer des centaines de civils kurdes venus protester. Des #drones ont bombardé leur convoi en janvier dernier, tuant une vingtaine de personnes, un acte que Human Rights Watch qualifie de crime de guerre attribué à la Turquie.

    Quand Reporterre s’est rendu au barrage fin avril, les voitures calcinées par les bombes côtoyaient encore des graffitis célébrant la résistance populaire kurde et les combattants des YPG (Unités de protection du peuple kurde) tombés dans les combats.

    Des centaines de civils s’y trouvaient encore, dont un groupe de femmes venues de Girke Lege, une ville kurde à 400 km. « Nous sommes venues volontairement, malgré le danger, pour s’opposer à la guerre. Pour résister pacifiquement et aussi empêcher la Turquie de détruire encore une fois le barrage et l’Euphrate, qui est l’artère vitale de tous les peuples de la région », a témoigné Sharifa, fonctionnaire de 51 ans, avant d’entonner avec ses amies des chansons de résistance kurdes et arabes.

    Depuis, un accord a été trouvé entre le nouveau gouvernement syrien d’Ahmed al-Charaa, l’ASN et les FDS, permettant aux civils de rentrer chez eux et de stationner des troupes gouvernementales et étasuniennes aux abords du barrage. De quoi stabiliser un peu la région.

    « Le barrage de Tichrine et l’Euphrate sont un pilier de l’économie syrienne, autant pour l’#irrigation de l’agriculture que pour l’électricité. Il faut un accord sérieux pour permettre aux agriculteurs de rebâtir le secteur et le ramener au niveau d’avant-guerre, commente Peter Schwartzstein. Il faudrait des investissements énormes et une vraie volonté de respecter l’accord. Mais à ce stade, il pourrait s’agir d’un vœu pieux. » Les habitants de la région restent également méfiants, habitués aux sales coups du destin.

    https://reporterre.net/A-Kobane-l-eau-et-la-nature-au-coeur-de-la-guerre-en-Syrie

  • Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • #Sénégal : à la rencontre de #pêcheurs désespérés de plus en plus tentés par la migration illégale

    Un rapport de l’Environmental Justice Foundation (EJF) rappelle qu’au Sénégal, la #surpêche ainsi que la #pêche_illégale provoquent une forte diminution des quantités de poissons dans l’eau. Les pêcheurs, qui ont donc moins de #travail, sont de plus en plus tentés par l’immigration irrégulière vers l’archipel espagnol des #Canaries. Témoignages.

    Sur le quai de #Ngor, en ce début d’après-midi, Moustapha Mbengue, pêcheur de 56 ans, ne cache pas sa colère. « Les jeunes sont découragés ! Tu vois les #pirogues là, elles sont toutes là. Il n’y en a qu’une qui est partie », souffle-t-il.

    Celle qui est partie rentre quasiment sans poisson. La faute, selon Moustapha, aux navires étrangers, principalement chinois et européens, qui viennent pêcher dans les eaux sénégalaises.

    « Dans les années 1970-1980, il y avait beaucoup de #poissons. Mais depuis que ces bateaux sont arrivés ici, il n’y a plus rien du tout, ils ont tout cassé. Parce que les gros bateaux qui sont là, ils ramassent tous les poissons. Si tu pars travailler en mer, tu dépenses 20 000 francs CFA [environ 30 euros, ndlr] et tu ne gagnes même pas 5 000 francs CFA [environ 7 euros, ndlr], c’est catastrophique ».

    Résultat : faute de pouvoir vivre de la pêche, certains Sénégalais préfèrent tenter leur chance ailleurs, en prenant une pirogue vers l’archipel espagnol des Canaries. C’est ce que rappelle l’Environmental Justice Foundation (EJF) dans un rapport publié mardi 13 mai intitulé « ’La mer a été vendue’ : la crise de la pêche au Sénégal entraîne une migration forcée vers l’Europe ».

    Rencontré sur une autre plage, au nord de Dakar, Faroua a déjà tenté deux fois de rejoindre l’Europe par la mer. Malgré les risques, ce pêcheur de 32 ans estime ne pas avoir le choix. « Ça nous inquiète, mais on part comme ça. Si on est morts, on est morts. Si on vit, on vit. C’est à gagner ou à perdre. Parce qu’au Sénégal, même si tu travailles, tu ne gagnes pas bien ta vie. C’est pour cela qu’on tente d’aller en Europe : pour gagner notre vie. »

    Selon l’ONG espagnole Caminando fronteras, au moins 9 757 personnes sont mortes en voulant gagner les îles Canaries par l’océan Atlantique l’année dernière.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64523/senegal--a-la-rencontre-de-pecheurs-desesperes-de-plus-en-plus-tentes-
    #route_atlantique #migrations #émigration #réfugiés #mort #vie #îles_Canaries
    ping @6donie

    • « La mer a été vendue » : la crise de la pêche au Sénégal entraîne une #migration_forcée vers l’Europe


      https://www.youtube.com/watch?v=TPJZocqsp-s

      Un nouveau rapport (https://ejfoundation.org/reports/the-deadly-route-to-europe) ainsi qu’un film de l’#Environmental_Justice_Foundation (EJF) révèlent les impacts directs et profonds de la surpêche et de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) sur le secteur de la pêche au Sénégal. Le déclin des populations de poissons qui en résulte entraîne une augmentation des migrations forcées vers l’Europe par la plus meurtrière des routes migratoires de la planète, qui a fait plus de 3 000 morts rien qu’en 2023.

      Se basant sur des recherches approfondies et des entretiens menés par EJF au Sénégal ainsi qu’aux îles Canaries, l’enquête met en lumière les impacts environnementaux et socio-économiques croissants de l’augmentation de la pêche industrielle par les flottes étrangères. Ce rapport met en lumière les défis auxquels une nation dont l’économie et la sécurité alimentaire dépendent de la pêche artisanale, déclare EJF.

      Le secteur de la pêche au Sénégal emploie environ 3 % de la main-d’œuvre du pays et constitue une source essentielle de protéines (7,9 % de l’apport total de la population). Les pêcheurs artisanaux sont confrontés à des menaces croissantes, en particulier des méthodes de pêche destructrices telles que le chalutage de fond. La situation s’est gravement détériorée en raison de la surpêche et de la pêche illégale perpétrées par les flottes industrielles européennes et chinoises. Ces flottes, qui opèrent souvent dans le cadre d’accords de coentreprise opaques, épuisent les populations de poissons et contribuent à l’insécurité alimentaire.

      Le poisson capturé par les flottes industrielles est essentiellement exporté vers les marchés étrangers, principalement l’Union européenne, mais aussi de plus en plus vers la Chine. Cette situation a gravement affecté les moyens de subsistance des communautés côtières et contribué à l’augmentation de la pauvreté, faisant de la migration une des seules solutions de survie pour de nombreuses familles.

      En 2024, 63 970 personnes en migration sont entrées en Espagne de manière irrégulière, soit plus du double du chiffre de 2022. Une grande partie d’entre elles ont atteint les îles Canaries, où cette proportion a augmenté de 200 % entre 2022 et 2024.

      Steve Trent, PDG et fondateur de l’Environmental Justice Foundation, a déclaré : « Ce secteur essentiel, qui constitue l’épine dorsale socio-économique des communautés côtières du Sénégal, est en crise. Les petits pêcheurs sont confrontés à la concurrence écrasante des navires industriels, ce qui entraîne une détérioration des conditions de vie, une diminution de la sécurité alimentaire et la perte des moyens de subsistance. Les conséquences sont considérables et contribuent à l’augmentation alarmante du nombre de décès de personnes migrantes en mer. Les autorités européennes peuvent et doivent mettre fin à cette situation dès maintenant et rendre les pêcheries sénégalaises au peuple sénégalais. »

      Le film d’EJF retrace l’histoire d’un jeune pêcheur sénégalais contraint d’entreprendre le périlleux voyage vers Tenerife et de son père, resté de l’autre côté de l’Atlantique, dans leur communauté de pêcheurs. Derrière chaque vie perdue en mer lors de ce voyage se cache une histoire semblable à celle d’Abdou. Dans le film, il raconte : « Certaines personnes avaient le même rêve et le même but que moi, mais elles ne sont jamais arrivées. »

      Alors que les conditions au Sénégal continuent de se détériorer et que les emplois sur lesquels les gens comptent depuis des générations disparaissent de façon alarmante, on s’attend à ce que de plus en plus de Sénégalais risquent ce dangereux voyage à la recherche de meilleures opportunités.

      Karim Sall, président d’AGIRE, une organisation sénégalaise opérant dans l’aire marine protégée de Joal-Fadiouth, a déclaré : « Je suis très en colère lorsque [les pays étrangers] se plaignent de l’immigration, car ce sont eux les vrais pirates, ce qu’ils ont fait est pire que l’immigration clandestine. Nous risquons notre vie pour partir, mais eux ils viennent ici pour voler notre poisson. C’est du vol. Ils pillent nos ressources pour nourrir leurs propres habitants pendant que nous souffrons. »

      Le rapport présente des recommandations clés pour mettre fin à la crise de la pêche au Sénégal et réduire la nécessité d’émigrer. Ces recommandations s’adressent au gouvernement sénégalais, à l’Union européenne ainsi qu’aux entités de pêche industrielle opérant dans les eaux sénégalaises, en les exhortant à renforcer la gouvernance et la transparence afin de soutenir les pêcheries nationales et les communautés qui en dépendent.

      https://ejfoundation.org/news-media/la-mer-a-%C3%A9t%C3%A9-vendue-la-crise-de-la-p%C3%AAche-au-s%C3%A9n%C3
      #film #vidéo

  • Data Ecofeminism

    #Generative_Artificial_Intelligence (#GenAI) is driving significant environmental impacts. The rapid development and deployment of increasingly larger algorithmic models capable of analysing vast amounts of data are contributing to rising carbon emissions, water withdrawal, and waste generation. Generative models often consume substantially more energy than traditional models, with major tech firms increasingly turning to nuclear power to sustain these systems — an approach that could have profound environmental consequences.
    This paper introduces seven data ecofeminist principles delineating a pathway for developing technological alternatives of eco-societal transformations within the AI research context. Rooted in #data_feminism and ecofeminist frameworks, which interrogate about the historical and social construction of epistemologies underlying the hegemonic development of science and technology that disrupt communities and nature, these principles emphasise the integration of social and environmental justice within a critical AI agenda. The paper calls for an urgent reassessment of the GenAI innovation race, advocating for ecofeminist algorithmic and infrastructural projects that prioritise and respect life, the people, and the planet.

    https://arxiv.org/abs/2502.11086
    #données #écoféminisme #article_scientifique #IA #AI #intelligence_artificielle #écologie #environnement #féminisme #algorithmes #énergie #technologie #justice_sociale #justice_environnementale

    ping @fil

  • Pollution : Le Luxembourg balance 20 000 canards en plastique en France.

    Les volatiles en plastique ont pu compter sur le soutien de la foule de spectateurs à nouveau présente pour la course caritative organisée par la Table Ronde Luxembourg.
    . . . . .
    Et toi, surtout ne demande pas ton ticket de caisse au supermarché afin de vérifier ton compte.

    #pollution #pollutions #environnement #eau #plastique #déchets #bêtise #conneries #ue
    Source : https://www.lessentiel.lu/fr/video/tradition-20-000-canards-dans-l-alzette-pour-la-duck-race-2025-103332951

  • #Montréal rivières

    Montréal Rivières propose une réflexion poétique sur notre relation avec l’#environnement_urbain et les #cours_d'eau souvent méconnus qui traversent la #ville. Dans le cadre de l’exploration des rivières enfouies de Montréal, Myriam Boucher, Antonin Gougeon-Moisan, Simon Chioini et Gabriel·le Caux se sont réunis pour créer une série de compositions musicales. Leur démarche repose sur l’utilisation d’enregistrements de terrain du ruisseau #Provost, situé près de la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Les enregistrements ont été réalisés le 26 janvier 2024, lors d’une journée de pluie et de grêle. À travers une approche collaborative, les artistes ont transformé les sons naturels du #ruisseau en une #expérience_sonore, construite autour des murmures de l’eau et des sons environnants qui se fondent dans des paysages sonores.

    https://lfo-lab.bandcamp.com/album/montr-al-rivi-res


    #son #audio #eau #rivière #création_sonore #paysage_sonore

  • Triple dose de #Kiyoshi_Kurosawa au Max Linder Panorama
    https://www.journaldujapon.com/2025/04/18/triple-dose-de-kiyoshi-kurosawa-au-max-linder-panorama

    Effectivement j’avais 40 ans lorsque j’ai réalisé Cure, mais avant ça j’avais réalisé une bonne dizaine de films plus commerciaux et si on ajoute à ça tous les films que j’ai autoproduit lorsque j’étais étudiant, en fait on peut dire que j’avais déjà réalisé beaucoup de films, mais c’était vraiment des films très peu connus qui n’ont été vus que par un petit groupe de japonais cinéphiles et on peut dire que Cure est le premier film qui a été visionné en dehors du Japon. Donc il est normal qu’ à vos yeux Cure soit considéré comme mon premier film mais en réalité, j’avais réalisé de nombreux films très mineurs avant ça.

    Mais c’est vrai qu’ensuite, de Cure jusqu’à aujourd’hui, j’ai vraiment réalisé toutes sortes de films, donc pas seulement des films d’horreur, mais aussi des films à suspense et souvent on me demande mais pourquoi vous touchez à autant de genres ? J’ai tendance à me braquer un peu quand on me demande ça. J’ai envie de dire : mais qu’est-ce qu’il y a de mal à faire ça ? En fait c’est tout simplement que j’aime le cinéma, j’aime toutes sortes de formes de cinéma et j’ai envie à mon tour d’en réaliser de très différentes. Donc c’est une raison aussi simple que ça.

    Après à mesure que que je vous parle, ça me fait penser que ce qui me convient le mieux, plutôt que de me dire “voilà, je veux réaliser ce genre de film”, c’est quand on me propose de réaliser tel type de film et à ce moment-là, si je m’en estime capable, en général cela fonctionne bien. J’ai l’impression que si l’on ne recherche que des films qu’on a soi-même envie de réaliser et que ça ne marche pas, on a tendance à être un peu bloqué, mais si on part du principe de rester ouvert et si l’on se sent capable de se lancer dans les projets qui nous sont proposés, cela permet de rester dans une dynamique où on va continuer à faire des films. Donc voilà, je fonctionne un petit peu sous cette forme de logique.

    Je tiens quand même à dire, et c’est une chose importante, c’est que pour certains réalisateurs cette méthode peut ne pas fonctionner, c’est-à-dire que si on ne réalise que des films pour lesquels on a un producteur qui nous a dit : oui, ça, je sens que tu peux le faire et je t’autorise, je te donne les moyens de le réaliser, certains réalisateurs peuvent se retrouver contraint à ne réaliser que des films qu’ils n’avaient à la base pas envie de réaliser et à force de faire ça, on peut perdre l’envie même de faire des films.

    #film #réalisation #nécessité_créative #envie

  • a remarqué que depuis que sa petite promenade quotidienne nécessite l’usage d’un déambulateur les automobilistes (la seule espèce animale parvenant à être pire que Sapiens Sapiens) respectent plus facilement la distance de sécurité et la frôlent nettement moins que lorsqu’elle était davantage ingambe et se baladait sans.

    Qu’en déduire ? Fastoche : qu’en fait ces engeances ont moins peur d’écrabouiller des vioques que de rayer la carrosserie de leur bagnole.

    #EnvoyezMoiToutÇaCasserDesCaillouxEnSibérie.

    • « Confier n’importe quel véhicule à roues à quelqu’un·e fait automatiquement baisser son quotient intellectuel de quatre-vingts points. Les femmes se retrouvent avec très peu, les non-binaires avec zéro et les hommes finissent tous en négatif. » (© Nicole G., dictateuse, fin IIᵉ – début IIIᵉ après Robespierre)

  • Visualisez les 380 sites industriels qui rejettent l’essentiel des PFAS en France
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2025/04/01/visualisez-les-380-sites-industriels-qui-rejettent-l-essentiel-des-pfas-en-f

    Enquête« Le Monde » révèle la liste des principaux émetteurs français de « polluants éternels ». Ces sites industriels rejettent dans l’eau des PFAS à des niveaux qui inquiètent les experts.

    C’est un enjeu crucial de la lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Voire son point de départ : identifier les sites industriels qui émettent ces composés chimiques indestructibles dans l’environnement et associés à de nombreuses maladies.

    Jusqu’à récemment, personne n’avait de visibilité sur la présence de PFAS dans les rejets industriels – pas même les services de l’Etat. Ce n’est qu’en juin 2023 que le ministère de la transition écologique a imposé aux sites industriels les plus sensibles, regroupés dans la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), d’analyser les PFAS dans leurs rejets aqueux.

    Grâce à ces tests, le gouvernement a commencé à recenser, au cours des derniers mois, une liste de sites « prioritaires » du point de vue du risque que représentent les PFAS, sans toutefois consentir à la rendre publique. Après avoir eu accès aux critères de sélection du ministère, détaillés dans notre méthodologie, Le Monde a pu reconstituer, à partir de données publiques, une liste de près de 300 sites préoccupants.

    #Pollution #Environnement #PFAS #Pesticides

  • L’#IA générative a le potentiel de détruire la planète (mais pas comme vous le pensez)

    Le risque premier avec l’#intelligence_artificielle n’est pas qu’elle s’attaque aux humains comme dans un scénario de science-fiction. Mais plutôt qu’elle participe à détruire notre #environnement en contribuant au #réchauffement_climatique.

    La course à l’intelligence artificielle (IA) s’intensifie. Le 9 février, veille du sommet de l’IA à Paris, Emmanuel Macron promettait 109 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans cette technologie pour les années à venir. Il entend concurrencer les États-Unis sur ce terrain, en faisant référence au programme « #Stargate » promis par Donald Trump, qui prévoit des dépenses de 500 milliards de dollars (484 milliards d’euros) dans l’IA aux États-Unis.

    Des deux côtés de l’Atlantique, ces centaines de milliards seront principalement investis dans la construction de nouveaux #centres_de_données pour entraîner puis faire fonctionner les outils d’intelligence artificielle. Pourtant, les #impacts_environnementaux de ces « #data_centers », mis de côté dans ce sprint à l’IA, présentent un danger réel pour notre planète.

    « Plus grand est le modèle, mieux c’est »

    L’ouverture au public de l’agent conversationnel d’#OpenAI, #ChatGPT, en novembre 2022 a marqué un tournant dans les usages de l’intelligence artificielle. Depuis, des dizaines d’#IA_génératives sont accessibles avec la capacité de résoudre des problèmes variés, allant de la rédaction d’un email professionnel à des suggestions de recette de tartes, en passant par des lignes de code informatique.

    Ces #grands_modèles_de_langage (en anglais, « #Large_language_models », ou #LLM), avec un grand nombre de paramètres, se sont développés ces dernières années, comme #Gemini de #Google, #Le_Chat de l’entreprise française #MistralAI ou #Grok de X. D’autres modèles permettent de créer de toutes pièces des images – on pense à #Dall-E ou #Midjourney –, des vidéos ou des chansons.

    Si leur utilisation est gratuite (bien que des versions payantes existent), le prix est payé non seulement par les utilisateurs dont les #données_personnelles sont captées, mais aussi par les populations les plus vulnérables au changement climatique. Avec leurs dizaines voire centaines de milliards de paramètres et des terabytes de #données pour les alimenter, faire tourner les systèmes d’IA générative demande beaucoup de #puissance_de_calcul de #serveurs, situés dans des centres de données. Donc beaucoup d’#électricité.

    Ces chiffres ne font qu’augmenter à mesure que les modèles se perfectionnent. « Aujourd’hui, l’idée dominante dans l’industrie des modèles génératifs est : "Plus grand est le modèle, mieux c’est" », résument les chercheurs Paul Caillon et Alexandre Allauzen dans The Conversation. Malgré un manque de transparence des entreprises, la consommation d’électricité de leurs modèles et leur impact climatique ont fait l’objet d’estimations par nombre de chercheurs et institutions.
    Combien consomme une requête ChatGPT ?

    On sait déjà que la version de ChatGPT sortie en mars 2023, #GPT-4, a demandé plus de puissance de calcul que la précédente. Le Conseil économique et social (Cese), dans un avis de septembre 2024, cite OpenAI et explique : entraîner la troisième version de son modèle de langage a demandé l’équivalent de l’énergie consommée par 120 foyers américains. La version suivante a multiplié par 40 cette consommation, avoisinant la consommation de 5000 foyers.

    Selon une étude, début 2023, une requête ChatGPT consommait environ 2,9 Wh d’électricité, soit presque dix fois plus qu’une simple recherche Google (0,3 Wh). D’autres études estiment l’#impact_carbone d’une requête à ChatGPT autour de 4 à 5 grammes d’équivalent CO2.

    Produire une #image, c’est pire. La startup #HuggingFace, à l’origine de l’#IA_Bloom, a été l’une des premières à estimer les #émissions_de_gaz_à_effet_de_serre de ces modèles. Dans une étude co-écrite avec l’Université états-unienne de Carnegie-Mellon, elle montre que la génération d’image est de loin la plus polluante des requêtes formulées à une IA générative (l’étude ne prend pas en compte les vidéos).

    Pour donner un ordre d’idée, générer 1000 images correspondrait à conduire environ 7 kilomètres avec une voiture essence. En comparaison, 1000 textes générés équivalent à moins d’un 1 mètre parcouru avec un même véhicule. Mais leur utilisation massive rend cet impact non négligeable. Selon le PDG d’OpenAI Sam Altman,, à la fin de l’année 2024, plus d’un milliard de requêtes étaient envoyées à ChatGPT par jour.

    En janvier 2023, soit quelques mois après qu’elle a été rendue accessible au public, ChatGPT avait accumulé 100 millions d’utilisateurs. Selon une estimation de Data for Good, rien que ce mois-là, l’utilisation de ChatGPT aurait pollué à hauteur de 10 113 tonnes équivalent CO2 – soit environ 5700 allers-retours en avion entre Paris et New York.

    En décembre 2024, selon son PDG, le service avait atteint les 300 millions d’utilisateurs… par semaine. Et ce, avec une version bien plus performante – donc bien plus polluante – que la précédente.

    De plus en plus de personnes utilisent l’IA au quotidien, et pour de plus en plus de tâches. Installés dans nos smartphones, accessibles en ligne ou même intégrés dans les frigos haut de gamme, les outils d’intelligence artificielle sont presque partout.

    Une explosion de la consommation d’électricité

    Selon l’Agence internationale de l’énergie, les centres de données représenteraient aujourd’hui environ 1 % de la consommation d’électricité mondiale. Mais cette consommation risque d’augmenter avec les usages croissants et le développement de nouveaux modèles d’IA. Selon l’agence, la consommation des centres de données pour l’IA et les #cryptomonnaies a dépassé 460 TWh en 2022. C’est autant que la consommation de la France. D’ici l’année prochaine, selon les scénarios, cette demande en électricité pourrait augmenter de 35 % (160 TWh en plus) à 130 % (590 TWh) ! « Soit l’équivalent d’au moins une Suède et au maximum une Allemagne » de plus dans le monde en quelques années.

    Une autre étude de l’ONG Beyond Fossils Fuels est encore plus alarmiste : « Au cours des six prochaines années, l’explosion de la demande en énergie des centres de données dans l’UE [Union européenne] pourrait entraîner une hausse de 121 millions de tonnes des émissions de CO2, soit presque l’équivalent des émissions totales de toutes les centrales électriques au gaz d’Italie, d’Allemagne et du Royaume-Uni en 2024 combinées » écrit l’ONG en février 2025.

    Les grandes entreprises de la tech cherchent à faire oublier leurs promesses écologiques. Selon le Financial Times, dans un article d’août 2024, les Gafam tentent de remettre en cause les règles de « zéro carbone net » qui leur permettent de compenser leurs émissions de CO2 par le financement d’énergies renouvelables (des règles déjà critiquées pour leur mode de calcul qui dissimule une grande partie de l’impact carbone réel de leurs consommation d’électricité).

    « Ces géants de la technologie sont sur le point de devenir les plus gros consommateurs d’énergie de demain, dans leur course au développement d’une intelligence artificielle énergivore », écrit le média britannique. Les émissions de gaz à effet de serre de Google augmentent par exemple de 13% par an (selon des chiffres de 2023). Une hausse notamment portée par l’augmentation de la consommation d’énergie de ses centres de données. Les émissions de Microsoft ont bondi de 29 % entre 2020 et 2023.

    Des investissements massifs aux dépens des populations

    Les chefs d’État des États-Unis comme de la France ont pourtant annoncé des investissements massifs dans l’IA pour les années à venir. L’Union européenne, par la voix d’Ursula von der Leyen, a également annoncé un investissement de 200 milliards en partenariat avec de grands groupes.

    Dans les trois cas, ces centaines de milliards d’euros sur la table serviront majoritairement à construire des centres de données pour permettre l’entraînement puis l’utilisation de ces technologies. En France, en amont du sommet de l’IA, le fonds canadien Brookfield a annoncé investir 15 milliards d’euros dans la construction de centres de données, tandis que les Émirats arabes unis ont mis entre 30 et 50 milliards sur la table pour la construction d’un centre de données géant.

    Il est peu probable que cette consommation d’électricité massive ne se fasse pas au détriment des populations. En Irlande, les centres de données monopolisent une part grandissante de l’électricité du pays, ils représentent aujourd’hui plus de 20 % de sa consommation. Cette situation crée des tensions avec les habitants, qui voient leurs factures augmenter alors que la consommation des ménages n’augmente pas.
    Des engagements « durables » non contraignants

    Aux États-Unis, raconte un article de Vert, Microsoft va rouvrir le premier réacteur de la centrale nucléaire de Three Mile Island, site d’un accident en 1979 qui avait irradié toute cette partie de la Pennsylvanie et traumatisé les habitants. Les géants de la Tech – Google, Amazon et Microsoft en tête – cherchent également à investir dans les « petits réacteurs modulaires » nucléaires, en cours de développement, pour alimenter leurs centres de données, ce qui pose la question de la sûreté d’une multitude de petites installations nucléaires face au risque d’accidents. Autre conséquence : le retour en grâce du charbon, fortement émetteur en gaz à effet de serre. Dans l’État de Géorgie, la promesse faite il y a trois ans de fermer toutes ses centrales à charbon a été abandonnée pour répondre au pic de demande d’électricité créé par les centres de données.

    Face à ces risques pour les populations locales comme pour celles les plus vulnérables au changement climatique dans le monde entier, les actions semblent faibles. Une déclaration d’intention a été signée à l’issue du sommet de l’IA, notamment avec l’Inde et la Chine. Il prévoit entre autres la création d’un observatoire de l’impact énergétique de l’IA, sous la responsabilité de l’Agence internationale de l’énergie. Il planifie également la création d’une « coalition pour l’IA durable » avec de grandes entreprises du secteur.

    Ces engagements en matière d’intelligence artificielle signés par les États et les entreprises présentes ne sont pas contraignants, et ne sont pas tournés vers l’action immédiate. De plus, ni le Royaume-Uni ni les États-Unis, qui concentre un tiers des centres de données du monde, n’ont signé ce texte.

    https://basta.media/l-ia-generative-a-le-potentiel-de-detruire-la-planete-mais-pas-comme-vous-l

    #environnement #climat #changement_climatique #pollution #visualisation #infographie

    • Se contenter de « calculer » la consommation énergétique directe de l’IA, c’est omettre de « calculer » ses effets induits, ses conséquences systémiques, puisque « grâce » à l’IA, on peut faire plus de croissance générale. Sans même parler des effets rebonds tous azimuts... Par exemple, on peut utiliser l’IA pour produire un article de blog. Cette utilisation d’IA consomme une unité d’énergie mais elle a aussi permis d’augmenter le volume de contenu qui lui même consomme de l’énergie sur les serveurs.

  • Des puces et des luttes
    https://www.curseurs.be/numeros/numero-4/article/des-puces-et-des-luttes-13

    « De l’eau pas des puces ! ». Derrière cette revendication, le collectif StopMicro, implanté dans les environs de Grenoble (France), lutte contre les projets d’extension des usines de microélectroniques de Soitec et STMicroelectronics. L’Union européenne en quête d’une « souveraineté technologique » multiplie les projets industriels et miniers. Face aux conséquences environnementales de tels projets, les populations s’organisent.
    À l’automne 2022, quelques mois après l’annonce (...) #Numéro_4

  • « La population n’aura plus son mot à dire » : le gouvernement veut supprimer la consultation publique sur les projets industriels
    https://vert.eco/articles/la-population-naura-plus-son-mot-a-dire-le-gouvernement-veut-supprimer-la-cons

    Signe de l’importance de cette mobilisation ô combien symbolique : c’est la première #grève de la Commission nationale du débat public (#CNDP), en trente ans d’existence. Cette autorité indépendante veille à la participation du public sur l’élaboration des projets ayant un impact sur l’#environnement. Elle accompagne la mise en œuvre de projets pour assurer que le public est informé de leurs implications et puisse exprimer son avis, et garantit que les responsables répondent aux interrogations du public.

    Le gouvernement a pour projet de réformer la CNDP depuis plus d’un an, dans l’idée de gagner du temps sur la mise en place de projets pour accélérer la réindustrialisation de la France. Concrètement, cette réforme viendrait supprimer les projets industriels de la liste du Code de l’environnement qui régit les infrastructures concernées par le débat public obligatoire. Mine de lithium, usine de batteries, projets de reconversion de centrales à charbon… un ensemble considérable d’établissements ne seraient plus assujettis au #débat_public, pourtant essentiel pour améliorer les infrastructures et réduire leurs impacts. « Les projets industriels représentent une part importante de l’activité de la CNDP, et sans doute l’une des parts les plus emblématiques car ils sont très localisés dans un territoire, et font partie des débats publics qui mobilisent le plus la population », détaille Florent Guignard, salarié gréviste de la CNDP, auprès de Vert.

    #écologie

  • #Tanzania’s #marine_reserves offer long-term #benefits to #communities, study finds

    https://news.mongabay.com/2025/03/tanzanias-marine-reserves-offer-long-term-benefits-to-communities-stu

    #Marine_protected_areas in #Tanzania boosted living standards in nearby communities over a span of nearly 20 years, a recent study in Conservation Letters found.

    Near #MPAs, living standards improved, and there was a shift away from agricultural work, said study author #Julia_Girard, a Ph.D. student in #environmental_economics at the #University_of_Montpellier, France.

    How marine reserves fare in conservation and community development is an important question for Tanzania, where 20% of the population is heavily dependent on #fisheries for #food and #income.

    The country established five multiuse MPAs in the 1990s, which allow fishing with additional rules designed to promote sustainability. Scientists have identified MPAs where regulated fishing activity is permitted as powerful tools to help Tanzania and other nations protect 30% of their #oceans by 2030 without denying fishers their livelihoods.

    To see how these MPAs have impacted local development, the research team surveyed 840 households in 24 #villages in 2021, asking questions about employment, fishing history, standard of living, and perceptions about the marine reserves. They then compared the data with the results of a similar survey conducted in 2003. This is one of just a few studies documenting the #long-term_impacts of #multiuse_MPAs on #local_development.

  • En #Algérie, la France coloniale a aussi détruit la #nature

    L’accaparement colonial de la terre en Algérie a détruit des modes d’organisation et de gestion de la terre en commun. Le développement des monocultures et d’une agriculture d’exportation a aussi bouleversé l’environnement.

    Après avoir été suspendu de RTL début mars pour avoir évoqué les massacres français en Algérie au XIXe siècle, Jean-Michel Apathie a décidé de quitter la station. En pleine surenchère du ministre Bruno Retailleau avec l’Algérie et face à une extrême droite qui clame les bienfaits de la colonisation, le flot de réactions hostiles aux propos de l’éditorialiste rappelle que nombre de Français ne connaissent pas l’ampleur des crimes coloniaux commis par la France en Algérie.

    Face aux tentatives de révisionnisme historique, Reporterre s’est intéressé à un pan méconnu de la colonisation française en Algérie : ses dégâts sur la nature. À l’aube de la colonisation, le socle de la société algérienne reposait sur la paysannerie, l’agriculture était la principale source de richesse et rythmait la vie des populations qui alternait entre le travail de la terre et les transhumances saisonnières. Mais de 1830 jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, l’accaparement des terres par les colons a complètement bouleversé cet équilibre.

    « L’arrivée des colons en Algérie signe l’accaparement des ressources environnementales et celle du foncier. C’était une pratique d’expropriation sans explication, sans excuse et avec une grande brutalité. Pour les Algériens, c’est un monde qui s’effondre littéralement », relate Antonin Plarier, maître de conférence à l’université Lyon 3 et spécialiste de l’histoire environnementale des sociétés coloniales.

    Au total, d’après ses calculs, plus d’1,2 million d’hectares ont été transférés aux Européens entre 1830 et 1917 : soit l’équivalent de 1 000 fois la superficie de Paris, et trois fois celle de la Belgique.

    Pour réquisitionner des terres algériennes, la France a développé un arsenal juridique légalisant un paradoxe : celui d’une société qui défendait le droit à la propriété et d’une colonisation qui foulait au pied celle des Algériens. L’administration coloniale pouvait ainsi s’emparer de n’importe quelle propriété algérienne, qu’elle soit celle d’un individu comme d’une tribu entière.
    Détruire la paysannerie pour « soumettre le pays »

    La doctrine coloniale et militaire se lit à travers les écrits du maréchal Bugeaud, le militaire qui a permis d’étendre la conquête de l’Algérie. Voici notamment ce que précise cette violente figure de la colonisation, spécialiste des enfumades (pratique consistant à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte en allumant devant l’entrée des feux) : « J’y ai réfléchi bien longtemps, en me levant, en me couchant ; eh bien ! Je n’ai pu découvrir d’autre moyen de soumettre le pays que de saisir l’intérêt agricole ». Il faut donc empêcher les populations « de semer, de récolter, de pâturer », pour les priver des moyens d’existence, souligne l’historien Hosni Kitouni, chercheur en histoire à l’université d’Exeter.

    En filigrane, il s’agissait de punir tous ceux qui tentaient de se révolter, et de dissuader ceux qui en avaient l’intention. En 1838, l’ordonnance royale du maréchal Bugeaud indiquait que toute tribu s’insurgeant contre la domination française pouvait voir ses terres séquestrées. Cette politique monta encore d’un cran en 1871 à la suite d’une insurrection initiée contre la puissance coloniale.

    Cette « tempête des spoliations », selon l’expression d’Hosni Kitouni, a non seulement dispersé les populations, contraintes d’abandonner leurs maisons, leurs cultures, leur bétail, mais a également entraîné leur paupérisation, voire pire, leur famine, puis leur mort. En parallèle, la violence des razzias, ces opérations militaires menées dans des campements, a détruit les habitations et les récoltes. Les arbres fruitiers étaient rasés dans les zones de guerre.
    Spoliation de l’eau et des forêts

    « Devenus des paysans sans terre, sans bétail, sans abris, n’ayant que la force de leurs bras à vendre, ils vont alimenter la masse des candidats à toutes les servitudes », écrit Hosni Kitouni. D’anciens propriétaires algériens sont alors parfois revenus sur leurs terres louer leur force de travail aux colons français. « Des paysans algériens vont revenir cultiver la terre, fournir les semences, et les instruments agraires, en échange de quoi ils vont pouvoir récupérer un ou deux cinquièmes de la récolte, le reste revenant au propriétaire », raconte à Reporterre Antonin Plarier.

    Au-delà des terres, la colonisation s’est emparée des communs que sont les forêts et l’eau. Au XIXe siècle, plusieurs opérations de maîtrise des cours d’eau ont fleuri, toujours dans le but d’irriguer les terres des colons. Dans les années 1860, un projet de barrage a vu le jour dans le département d’Oran. Antonin Plarier pointe ainsi ce qui tient de l’évidence : « Lorsqu’une source en eau est maîtrisée, elle l’est uniquement au bénéfice des colons, et donc au détriment des agriculteurs algériens qui en sont de fait dépossédés. »

    La question de l’eau a entraîné plusieurs conflits, tout comme celle des forêts. Dès les années 1830, l’imposition du Code forestier par les colons a restreint peu à peu aux Algériens l’artisanat, le passage du bétail, le ramassage du bois de chauffe, et la coupe de bois pour les diverses constructions.

    Résultat : entre un tiers et la moitié des ressources économiques de la paysannerie algérienne a été menacée par ce nouveau cadre légal, estime Antonin Plarier. Il faut dire que l’administration coloniale y a très vite vu un filon : l’exploitation des forêts en vue de leur commercialisation.

    Dans la montagne de Beni Khalfoun, dans la vallée de l’Isser, l’administration octroya par exemple une concession d’environ 1 000 hectares de chênes-lièges, un bois cher et prisé pour la fabrication de bouchons, à un exploitant français. Difficile de donner un chiffre précis, mais cet accaparement de ressources essentielles n’a pas été sans conséquences sur l’écosystème algérien.

    « C’est toute une série d’éléments liés à la colonisation qui vont contribuer à dégrader l’environnement algérien. En asséchant les sols via la déforestation, l’État colonial a par exemple favorisé l’érosion des sols », dit l’historienne Hélène Blais, professeure d’histoire contemporaine à l’ENS et autrice de L’empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux.
    Monocultures et rentabilité

    En Algérie, comme ailleurs, la colonisation s’est accompagnée de l’introduction de nouvelles espèces jugées plus rentables, et d’un bouleversement dans les pratiques agricoles tournées vers une pratique intensive et exportatrice correspondant davantage aux besoins de la métropole.

    Ce qui fait dire à Alain Ruscio, historien spécialiste de la période coloniale, que « la totalité de l’écosystème algérien a été affectée par la colonisation » : « Au fur et à mesure que l’armée française considérait qu’une région était complètement contrôlée, des monocultures étaient rapidement mises en place. D’où aussi la construction de routes servant à acheminer ces marchandises vers la France », nous explique-t-il.

    C’est l’exemple de la vigne et de sa vinification, qui priva une partie de la population d’un accès à la culture de céréales, et entraîna la disparition de terres en jachères — qui fournissaient des pâturages jusqu’ici essentiels pour le bétail des paysans algériens. Mais aussi de l’introduction massive de l’eucalyptus, cette plante endémique d’Australie, dès les années 1860 pour tenter d’assainir les zones humides dans lesquelles le paludisme décimait des colons.

    « Des millions d’arbres ont ainsi été plantés. Dans certains endroits, cela a asséché plus qu’il était nécessaire, au détriment d’autres espèces endémiques qui ont été abattues ou abandonnées dans ce cadre », analyse Hélène Blais. L’historienne a également observé des tentatives d’introduction de moutons mérinos, apporté pour sa laine prisée en Europe.
    Chasses coloniales

    Sans oublier les chasses coloniales qui attiraient des Français originaires de tout l’Hexagone venus traquer hyènes, panthères, lions et autres animaux sauvages. Considérés comme des animaux nuisibles, leurs têtes furent mises à prix via une circulaire du général Bugeaud de 1844 offrant une récompense pour tout animal tué « proportionné à la puissance de chaque bête ». D’après les recherches d’Hosni Kitouni, rien qu’en 1860, ce ne furent pas moins de 61 panthères et 38 lions qui avaient été abattus. Si bien qu’à la fin du XIXe siècle, le plus gros de la faune sauvage avait disparu. Le dernier lion fut abattu en 1958.

    « L’ordre colonial s’accommode peu avec la différence biologique, écologique, humaine qui résiste à sa domination, conclut l’historien auprès de Reporterre. D’où la politique de mise en ordre à force de violence et de juridictions d’exception, empêchant la société autochtone de se développer à son rythme selon ses lois naturelles. »

    Au-delà des crimes commis sur les Algériens, peu d’historiens se sont jusqu’ici emparés des destructions des écosystèmes. L’ampleur d’un éventuel écocide lié à la colonisation française reste à quantifier et est un angle de mort de la recherche.

    https://reporterre.net/En-Algerie-la-France-coloniale-a-aussi-detruit-la-nature
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  • La Cour suprême italienne annule la condamnation du Suisse Stephan Schmidheiny dans le dossier de l’amiante RTS - Julie Liardet avec ats

    La Cour de cassation italienne a annulé vendredi la condamnation de Stephan Schmidheiny pour homicide involontaire dans le dossier des victimes de l’amiante. Les avocats de l’homme d’affaires estiment qu’un nouveau procès en appel est peu probable, le cas atteignant la limite de la prescription le 25 avril 2025.

    Le milliardaire suisse avait été condamné en première instance à quatre ans de prison, une peine réduite à un an et huit mois de prison en appel. Il était poursuivi pour la mort d’un employé de la fabrique de Cavagnolo (Piémont) du groupe italien Eternit S.p.a. L’homme était décédé en 2008 d’une maladie liée, selon l’accusation, à une exposition à l’amiante pendant 27 ans.
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    Le groupe Eternit SEG, dirigé par Stephan Schmidheiny, avait été le plus grand actionnaire puis l’actionnaire principal de l’entreprise Eternit Italia de 1973 à la faillite du groupe transalpin en 1986. La défense de Stephan Schmidheiny assure que l’industriel n’a jamais siégé au conseil d’administration de l’entreprise italienne et n’a jamais eu de responsabilité directe dans la gestion de la société.

    C’est la troisième fois que la plus haute instance judiciaire italienne annule une condamnation de Stephan Schmidheiny, ajoutent les avocats. Un procès en appel est actuellement encore en cours à Turin pour la mort d’employés dans l’usine de Casale Monferrato, près de la cité piémontaise.

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    Source : https://www.rts.ch/info/monde/2025/article/amiante-la-cour-supreme-italienne-annule-la-condamnation-de-schmidheiny-28830163

  • Glacier meltdown risks food and water supply of 2 billion people, says UN | Glaciers | The Guardian
    Fiona Harvey Environment editor

    https://www.theguardian.com/environment/2025/mar/20/glacier-meltdown-risks-food-and-water-supply-of-2bn-people-says-un

    Glacier meltdown risks food and water supply of 2 billion people, says UN

    Unesco report highlights ‘unprecedented’ glacier loss driven by climate crisis, threatening ecosystems, agriculture and water sources

    Retreating glaciers threaten the food and water supply of 2 billion people around the world, the UN has warned, as current “unprecedented” rates of melting will have unpredictable consequences.

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    Voir aussi :

    Isbreer smelter i rekordfart – nå slår FN alarm

    Ikke bare et spørsmål om miljømessig, økonomisk og samfunnsmessig nødvendighet. Det er et spørsmål om overlevelse, sier WMO-sjef Celeste Saulo.

    https://www.nrk.no/klima/isbreer-smelter-i-rekordfart-_-na-slar-fn-alarm-1.17345780

    #glaciers
    #environnement
    #climat