• Covid-19 : les circonstances de #contamination chez les Français restent mystérieuses, voici pourquoi | Le HuffPost, 16/10/2020
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/covid-19-les-circonstance-de-contamination-chez-les-francais-sont-enc

    (...) les lieux des #clusters identifiés suite à ce #traçage “ne peuvent en aucun cas être considérés comme représentatifs des lieux de contamination en général” , alerte Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France. SPF le rappelle, les clusters ne servent qu’à analyser le niveau de “criticité des différents secteurs ”. En clair, de voir que dans un Ehpad, le risque de transmission et le risque de forme grave de Covid-19 sont plus élevés que dans les crèches. 

    “Il n’est pas surprenant de retrouver un nombre brut de clusters plus élevé dans les entreprises ou milieux scolaires, mais si vous le rapportez au nombre d’entreprises et d’établissements scolaires, la proportion par milieu sera beaucoup plus faible” , estime Patrick Rolland, coordonnateur interrégional chez Santé publique France, à l’origine du système de traçage des clusters développé par SPF.

    Enquête sur les contaminations

    De plus, le traçage de contact en général est à bout de souffle et débordé face à l’explosion des contaminations. Surtout, il n’est lui non plus pas très représentatif. On voit par exemple que seules 2,8 personnes-contacts sont identifiées par cas confirmé de Covid-19. En parallèle, 73% des personnes diagnostiquées positives par PCR n’étaient pas référencées comme cas contact. En clair, le traçage de contact passe à côté de 7 personnes sur 10.

    Pourquoi ? Les cas confirmés cachent-ils les personnes qu’elles ont pu voir dans le cadre privé ? Les contaminations sont elles majoritairement intraçables, car elles proviennent d’inconnus (transports en commun, lieux publics, bars et restaurants, etc.) ? Le système est-il simplement débordé ? Ici, impossible de le savoir, parce qu’encore une fois, nous ne savons pas comment les Français se contaminent. 

    “Les plateformes de traçage de contact ont pour vocation de contacter les personnes identifiées et ne peuvent pas enquêter sur les circonstances fines de contamination” , explique Daniel Lévy-Bruhl. Mais justement, SPF s’est associé à l’Institut Pasteur pour essayer d’en savoir plus.

    Une étude épidémiologique va bientôt démarrer sur un échantillon important de cas où on va investiguer les circonstances de contaminations ”, précise l’épidémiologiste. Si tout se passe bien, les résultats devraient être connus “dans les mois qui viennent”. À défaut de permettre de mieux gérer la deuxième vague, cela permettra peut-être de prévenir la troisième.

    #épidémiologie #enquête_épidémiologique #covid-19 #criminels #sans-vergogne #terrifiant

    • Clusters et chaînes de contamination, extrait de Corona virus update - Une traduction du podcast de Christian Drosten (NDR Info)
      https://inf-covid.blogspot.com/2020/10/allemagne-barrington-cluster-source.html
      Allemagne, Barrington, cluster-source, immunité, étude indienne, mutation D614G. Podcast #60 du 13 octobre 2020
      L’Allemagne va connaître la même évolution que le reste de l’Europe

      [...]
      La chose décisive est, et il faudrait vraiment le répéter encore et encore, car tout le monde ne l’a pas encore intégré, nous avons besoin de deux mesures combinées. Donc les règles AHA, c’est bien, mais je trouve cette formule presque un peu trop simple. Donc les règles AHA - distanciation, hygiène, masques grand public - c’est certainement une mesure généralement efficace et dont tout le monde se souvient. Et c’est bien. Mais nous avons besoin de quelque chose de plus, à savoir une mesure contre les clusters. C’est la règle de base pour ces maladies qui se propagent avec une sur-dispersion. Nous avons besoin de deux mesures à l’échelle de la société. La première est une mesure que tout le monde suit et qui n’a pas besoin d’être très intrusive, ni à être très efficace pour la propagation du virus. Elle doit être efficace à 20%. C’est certainement la combinaison de la distance, de l’hygiène et des masques. Quelque chose qui s’applique à tout le monde, qui s’applique dans toute la société, qui n’est pas drastique. Et puis, nous avons également besoin d’une mesure spécifique, qui prenne effet partout où des clusters apparaissent.

      Et c’est encore une faiblesse en Allemagne pour le moment, et aussi dans le système de reporting, et pas seulement en Allemagne. L’orientation spécifique de l’enregistrement des cas, l’enregistrement de l’activité infectieuse sur le cluster source, c’est-à-dire la question : Où avez-vous été infecté ? Nous sommes toujours très axés sur la poursuite des cas. En d’autres termes, nous demandons : ce patient qui a été infecté ici, qui aurait-il pu infecter, à la fois ces derniers jours, avec qui il était en contact, et aussi à l’avenir, il doit rester chez lui pour qu’il n’infecte plus personne.

      Mais le moment où nous remarquons cette infection est en fait un moment où la contagiosité est pratiquement terminée. Et les quelques personnes qu’il aurait pu infecter au cours des derniers jours ne sont pas à l’origine du processus d’infection, mais ce qui est vraiment à l’origine du processus d’infection, c’est le cluster source où il a contracté son infection. Car cette infection se propage par grappes. Même si les autorités sanitaires disent qu’il y a un processus d’infection de plus en plus diffus, on ne peut plus reconstituer les chaînes de contamination, alors ce n’est pas une description de la réalité de la propagation du virus, mais une description de l’impression qu’on a dans les services de santé car les gens ne peuvent pas dire où ils ont probablement été infectés il y a sept à dix jours.

      Nous avons cela avec d’autres rhumes également. Nous n’avons tout simplement pas cette mémoire. Nous ne pouvons pas nous souvenir dans quelles situations particulières, dangereuses, nous étions il y a sept à dix jours. Le problème, cependant, est que cette situation dangereuse dans laquelle nous avons été infectés il y a sept à dix jours est toujours là. Ce cluster couve toujours. Et sans que personne ne le sache, sans que les cas aient été signalés jusqu’à présent, nous avons ici un cluster source qui frémit. Nous sommes maintenant à ce moment où les remontées de chaînes deviennent de plus en plus difficiles, où les autorités sanitaires disent les unes après les autres : "Nous n’y arrivons plus, Bundeswehr, venez nous aider !" Nous voyons cela dans les médias maintenant. C’est maintenant le moment où cette méthode de travail sur les clusters source doit être mise en œuvre. Parce qu’en ce moment, d’après les statistiques, nous avons l’impression que cela vient des fêtes de famille, des ménages. Cela ne vient pas des situations de travail, des transports en commun, etc.

      Martini : D’aller au restaurant.

      Drosten : Exactement. Tous ces éléments ne figurent pas dans les statistiques des rapports pour le moment. Les autorités sanitaires disent que ce sont avant tout les situations privées, les fêtes de famille, la maison. Mais regardons maintenant de près ces statistiques de reporting. Et ce que nous constatons, c’est que plus de la moitié de toutes les nouvelles infection ne peuvent pas être résolues. [...] les chaînes de contamination reconstructibles sont minoritaires. [...] Les gens ne peuvent pas dire où ils se sont infectés. D’où cette proposition, que je fais depuis des semaines, que chaque citoyen tienne un journal des situations de cluster. Chaque soir, par exemple, vous pouvez écrire sur votre smartphone, dans votre bloc-notes ou sur n’importe quel morceau de papier, là où vous ne vous êtes pas sentis très à l’aise. Alors aujourd’hui, j’étais dans une situation où j’avais le sentiment qu’il y avait trop de monde, dans une pièce fermée, trop près les uns des autres, même si la plupart portaient des masques. En faisant cela, deux choses se produisent. Premièrement, [...] les gens pourraient se souvenir davantage et dire où ils ont été infectés. Les autorités sanitaires pourraient alors être en mesure d’identifier encore mieux les clusters source. Le suivi des cas serait amélioré. Le deuxième effet est que [chacun] réaliserait plus clairement qu’il se trouve régulièrement dans de telles situations et [qu’en y étant plus sensibilisé, il les évite à l’avenir].
      [Si je vais au restaurant] Est-ce que je m’en souviendrai dans dix jours ?

      Martini : Probablement pas.

      Drosten : Sérieusement. Donc si j’ai soudainement de la fièvre, [...] je dirais : « Je ne peux pas dire. » Ou je dirais aussi : « Eh bien, probablement à la maison, parce que mon conjoint a aussi de la fièvre. Donc, je me suis contaminé à la maison. » Mais je suis aussi allé manger avec mon conjoint, mais comme je ne l’ai pas noté, je ne m’en souviens pas. Je ne veux pas seulement me concentrer sur les restaurants. Il s’agit aussi d’autres situations, de situations quotidiennes, nombreuses dans le secteur du sport, dans le secteur des loisirs, mais aussi la vie professionnelle. Ces lacunes dans les listes seraient ainsi comblées. Par exemple dans la vie professionnelle, il y avait telle réunion [exceptionnelle], et il y avait 30 personnes dans la salle. Tous étaient assis à distance et portaient des masques. […] C’est quelque chose que nous pouvons tous faire. On ne peut pas simplement rester passifs et se dire que le département de la santé clarifiera tout ça si je tombe malade à un moment donné. [...]

      Martini : Cela voudrait dire que si nous notions ces contacts, nous serions un peu plus loin.

      Drosten : Alors nous serions certainement tous un peu plus impliqués. [...] Nous serions alors plus loin dans le processus de connaissance et d’évitement. Je pense que l’accent est mis ici sur l’évitement. Parce que les politiciens ne peuvent pas régler chaque petite situation de la vie quotidienne - de préférence séparément pour chaque Land- mais à un moment donné, la société doit passer à un mode de participation active.

      [...]
      Etude indienne sur les chaînes de contamination

      Martini : Si nous regardons de plus près une autre histoire qui nous intéresse encore et encore. En ce moment, il y a les vacances d’automne dans certains Länder, mais ensuite l’école reprend. Les chaînes de contamination. Nous en avons beaucoup parlé : les enfants sont-ils dangereux pour les générations plus âgées ? Oui ou non ? [...] Il y a maintenant des études qui examinent de plus près les modes de transmission. Une étude qui a évalué très précisément un ensemble de données en Inde. Qu’est-ce qui en est ressorti exactement ?

      Drosten : Oui, c’est aussi une étude [publiée] dans « Science ». C’est une étude intéressante car elle a été réalisée en Inde. Dans un pays où il n’est pas si facile de parvenir à un lockdown. [...] Il est donc probable que durant la période d’évaluation, qui était la première vague là-bas, nous aurons un aperçu de la propagation naturelle de ce virus […] L’étude a été menée dans l’Andhra Pradesh et le Tamil Nadu, deux États de l’Inde qui ont des systèmes de santé relativement bons, où la recherche des contacts a été effectuée avec beaucoup de personnel. Ici, bien sûr, à nouveau en fonction des symptômes. Autrement dit, si un cas survient dans un ménage, il s’agit du premier cas symptomatique. Ce qui s’est passé auparavant ne peut être dit. Mais lorsqu’un cas symptomatique survient, on a généralement tenté de tester tous les membres du ménage en laboratoire dans les 5 à 14 jours suivant le contact avec le cas index. De nombreux cas ont été examinés, du moins dans les statistiques. Il y a eu 263.000 cas index au Tamil Nadu et 172.000 dans l’Andhra Pradesh avec des infections principalement identifiées au Sras-2. Et ils avaient un total de plus de trois millions de contacts, dont chacun était inscrit sur des listes. Vous devez imaginer cela. Il s’agit d’un système de notification massif dans ces pays avec un grand nombre d’employés.

      L’étude s’est maintenant concentrée sur 575.000 contacts sur un total de près de 85.000 cas index, avec une documentation épidémiologique complète et des résultats de laboratoire. Un véritable chef-d’œuvre de l’épidémiologie de terrain [...] C’est juste intéressant ce qui en ressort. Par exemple, on peut souligner que le nombre de contacts par cas index (la première personne infectée) est de 7,3 en moyenne. C’est vraiment beaucoup, vous pouvez voir comment la société et les ménages y sont structurés différemment. Il s’agit d’une taille de ménage complètement différente de la nôtre. 0,2 % de tous les cas index avaient plus de 80 contacts. Ce sont de très grands cercles de contact qui ont été suivis ici. Il est également intéressant de souligner que dans le même temps, un peu plus de 70% de tous les cas index n’avaient aucun cas de contact positif dans la région. En d’autres termes, avec ces grands réseaux de contacts, chez 70% d’entre eux on n’a trouvé aucune infection dans les contacts. Cela souligne encore plus à quel point nous avons un effet de sur-dispersion avec cette maladie. À quel point, en Inde, cette maladie se propage en clusters, dans des événements de grande diffusion. Cela continuera d’être le cas en Allemagne. Cette maladie se propage par grappes, ce qui peut également être vu en Inde.

      Martini : Cela signifie que ce que nous pouvons apprendre ou voir pour nous de cette étude indienne est l’histoire du cluster. Faut-il vraiment accorder plus d’attention aux clusters ?

      Drosten : C’est certainement un message très important. Avec cette observation d’un processus d’infection peut-être plus naturel, incontrôlé, nous obtenons cette impression écrasante de la propagation par grappes. Et il y a aussi un contrôle interne intéressant dans les données. Dans cette situation, nous voyons un taux d’attaque secondaire de 11 %, c’est-à-dire combien sont infectés à partir d’un cas index confirmé. C’est la valeur que nous observons également dans nos contacts à haut risque, 15 minutes de contact en face à face. Et nous voyons 5 % pour des contacts à faible risque. Tout cela est très similaire aux nôtres. C’est pourquoi nous devons continuer à espérer que nous verrons également un comportement de propagation par clusters. C’est certainement l’un des messages les plus importants de cette étude. Et l’autre message très important est, tout simplement, que nous pouvons dire que la prévalence de cette maladie se situe principalement dans la même tranche d’âge. Donc, si vous regardez qui a infecté qui ici, [...] les groupes d’âge s’infectent les uns avec les autres parce qu’ils ont beaucoup de contacts sociaux les uns avec les autres.

      #épidémiologie_de_terrain #Great_Barrington_Déclaration

  • Comment vont fonctionner les « brigades sanitaires » anti-coronavirus ?
    https://www.zinfos974.com/Comment-vont-fonctionner-les-brigades-sanitaires-anti-coronavirus_a154023
    https://www.youtube.com/watch?v=1rXPqWW3cD4&feature=share

    Pourquoi ces brigades ?

    Les « brigades sanitaires », dont la création a été annoncée mardi par le Premier ministre, seront chargées d’enquêter sur l’entourage des malades pour repérer les personnes potentiellement contaminées et les inviter à se faire tester.

    Il s’agira de « brigades d’anges gardiens, parce qu’elles vont venir au contact des malades et des personnes potentiellement malades, pour assurer leur propre protection », a expliqué samedi le ministre de la Santé Olivier Véran.

    Le dispositif, déjà testé par certains hôpitaux de l’AP-HP, vise à identifier le plus grand nombre possible de personnes infectées, qu’elles soient symptomatiques ou asymptomatiques. L’objectif final est de « casser » les chaînes de contamination.

    Qui va y participer ?

    Les brigades seront composées principalement de salariés de l’Assurance maladie. Des employés de Centres communaux d’action sociale (CCAS), de conseils départementaux ou d’organismes comme la Croix-Rouge pourraient également les intégrer.

    Au total, 3 à 4.000 personnes seront mobilisées. « Nous aurons 2.500 collaborateurs supplémentaires prêts à venir immédiatement en renfort si nécessaire », a toutefois assuré le directeur de l’Assurance maladie, Nicolas Revel, au journal Les Échos.

    Les « brigades sanitaires » seront par ailleurs intégrées dans un dispositif plus large, impliquant notamment le personnel de santé et les services municipaux. Selon Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, 30.000 personnes au total pourraient être mobilisées.

  • Coronavirus : avec les équipes mobiles chargées de casser les chaînes de contagion jusqu’au sein des familles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/23/coronavirus-avec-les-equipes-mobiles-chargees-de-casser-les-chaines-de-conta


    RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »

    REPORTAGE « Le Monde » a suivi une équipe de la Pitié-Salpêtriêre qui intervient au domicile de personnes potentiellement contaminantes pour les tester et leur proposer des solutions d’isolement.

    Lorsque Mme L. a vu débarquer dans son salon Hélène, Camille et Jean-François dans leurs « pyjamas bleus » d’hôpital, surblouses, gants et masques sur le visage, elle ne s’est pas vraiment détendue. Hors de question que sa petite famille (quatre enfants) se fasse tester au Covid-19. Et surtout pas elle.

    « Je déteste l’hôpital, les prises de sang… Alors qu’on me fasse un prélèvement dans la narine, ce qu’il y a de plus délicat, quelle angoisse ! » Déjà, elle n’avait « pas dormi de la nuit » après avoir appris de son mari qu’il avait vu récemment son oncle et sa tante, et que tous les deux étaient contaminés. « Notre fils aîné s’est mis à pleurer et a crié : “Papa, si tu as ramené ça à la maison... !” » Pour en avoir le cœur net, le père a appelé le centre « Covisan » de la Pitié-Salpêtrière, dans le 13e arrondissement à Paris.

    Covisan, c’est le dispositif qu’expérimente l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à partir de quatre sites pilotes. Lancé mercredi 15 avril à la Pitié-Salpêtrière, il est désormais également testé à Bichat (18e) et Louis-Mourier à Colombes (Hauts-de-Seine), et depuis le 22 avril à Avicenne à Bobigny. Robert-Debré (19e) et l’Hôtel-Dieu (4e) doivent le rejoindre en fin de semaine.

    Si les résultats sont jugés probants, il sera étendu à l’ensemble de l’Ile-de-France et a vocation à essaimer partout dans le pays. Il préfigure une nouvelle stratégie face à la pandémie. Les mesures de distanciation sociale et de confinement ont atteint leur limite pour endiguer la progression de l’épidémie. Il s’agit désormais de casser les chaînes de transmission en identifiant et en isolant les personnes potentiellement contaminantes – et dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation – jusqu’au sein des familles. Une façon de préparer le déconfinement du 11 mai en évitant une deuxième flambée.

    Hélène, Camille et Jean-François ont « mis la musique des Experts » les premiers jours où ils ont pris la Zoé électrique pour partir en mission. Ils forment le rouage essentiel du dispositif : les équipes mobiles qui interviennent à domicile.

    Résultats communiqués en vingt-quatre heures

    A la Pitié-Salpêtrière, trois équipes constituées de trios enchaînent les visites de 10 heures à 20 heures. Tous sont bénévoles. Camille, cadre dans l’industrie pharmaceutique, s’est inscrite à la réserve sanitaire. Jean-François, « en télétravail très amenuisé dans l’informatique » , a fait ses classes de secouriste à la Croix-Rouge. Hélène est interne en gynécologie. Elle a reçu une formation express pour pratiquer le dépistage du Covid-19 avec un écouvillon. Le lendemain, c’était son baptême du feu chez Mme L. « Finalement, ça s’est très bien passé, on a pu prélever toute la famille. J’ai juste eu du mal à aller jusqu’au fond des fosses nasales de l’un des plus jeunes car elles n’étaient pas encore complètement formées. » Les résultats seront communiqués dans vingt-quatre heures.

    « Surtout, vous n’oublierez pas de m’appeler, ça me déstressera ! » , lance la mère de famille. Après trois quarts d’heure de discussion, elle a retrouvé le sourire et même donné son feu vert pour se faire dépister. « Ce n’était pas si terrible » , concède-t-elle.

    Mme L. a également accepté de porter un masque désormais ( « Ça m’oppresse, mais s’il faut le faire, je le ferai » ) pour aller faire les courses. Après chaque visite, l’équipe laisse deux « kits » par foyer comprenant gel hydroalcoolique et quatorze masques chirurgicaux. De quoi « tenir » théoriquement pendant une semaine. « Doit-on rester en quarantaine en attendant les résultats ? » , s’inquiète cette assistante d’éducation au chômage partiel. « Non, il vous suffit de limiter les sorties et de respecter les gestes barrières », rassure Jean-François.

    Le trio a pris le temps de bien montrer comment se laver les mains, porter un masque, désinfecter les poignées de portes et les interrupteurs, insister sur l’importance d’aérer l’appartement ou de laver le linge à 60 °C, et tant pis pour les économies d’énergie. A la fin de l’entretien, le fils aîné glisse tout de même qu’il tousse un peu le soir, dans son lit, depuis quelques jours. Rien d’inquiétant pour l’équipe. Aucun autre symptôme n’a été associé. « A priori, il n’y a pas de personne à risque qui nécessite un isolement » , juge Camille, qui, le dimanche précédent, était intervenue chez l’oncle et la tante malades.

    « Cinq personnes dans un studio sans fenêtre »

    Par précaution, et sans présumer des résultats des tests, l’équipe explique les possibilités qui s’offrent à la famille : s’isoler à domicile (ce que permet dans leur cas le nombre suffisant de pièces) ou à l’hôtel. Le groupe Accor a mis à disposition trois établissements aux portes de Paris et se dit prêt à en ouvrir 300 dans toute la France. « Si par malheur mon mari est positif, je préfère qu’il aille à l’hôtel car le petit dernier est toujours collé à son père et ce sera la crise de nerfs si on doit l’empêcher d’aller le voir dans sa chambre » , prévient Mme L.

    Depuis le début de l’expérimentation, très peu de personnes ont fait le choix de l’hôtel. Un ressortissant cambodgien vivant avec ses parents de 73 ans a accepté d’être exfiltré. « Il se plaignait de courbatures et était inquiet pour ses parents qui ne respectaient pas les gestes barrières » , explique Lila, une autre bénévole. Selon le protocole retenu, il devra rester sept jours dans sa chambre, dont deux sans présenter de symptômes, avant de pouvoir retourner chez lui. Au gré de leurs visites, les équipes découvrent des situations qui nécessiteraient un isolement en dehors du domicile familial mais ils se heurtent aux réalités sociales.

    « On a eu le cas d’une famille de cinq personnes vivant dans un studio sans fenêtre , raconte Carole qui fait équipe avec Lila. Un des membres a été hospitalisé et tout le monde se repasse le virus. On a proposé d’isoler la maman mais on nous a opposé un grand “non : qui va faire à manger ?” ! On ne peut pas les forcer, c’est du volontariat. »

    L’équipe doit adapter sa stratégie. Elle considère que le foyer est « condamné » et essaie désormais de « protéger l’extérieur » . Un des fils a été testé positif mais continue à travailler « plus ou moins légalement » . Le médecin traitant de la famille a été contacté pour qu’il tente de le convaincre de cesser.

    « Un problème de transmission hallucinant »

    La médecine de ville est un maillon essentiel à la réussite et à la généralisation de l’expérience. Les généralistes seront précieux pour assurer le suivi des malades après le passage des équipes mobiles. Pour l’heure, certains commencent à adresser leurs patients au centre Covisan. D’autres arrivent par les urgences ou après avoir appelé le SAMU.

    Aurore Sousa, elle, a été identifiée à partir d’un patient passé par la Pitié-Salpêtrière. Elle est venue en voisine. Elle est gardienne d’un immeuble dans le 13e arrondissement. « J’ai reçu un appel hier me demandant de me présenter car j’aurais travaillé avec quelqu’un qui a le coronavirus » , dit Mme Sousa, 53 ans, « pas inquiète » et « en forme » . L’équipe qui n’est pas en visite l’installe dans la « salle d’entretien ».

    « De la toux ? Non.

    – De la fièvre ? Non.

    – Pas de diarrhées ? Non.

    – Pas de perte d’odorat ? Je n’en ai jamais trop eu. Mais si quelqu’un sent mauvais ça me dérange. »

    Mme Sousa est ce que les professionnels du Covid-19 appellent une personne « contact ». Elle a été en relation avec un propriétaire malade. La gardienne lui monte le courrier et les courses mais reste toujours sur le palier, assure-t-elle. Elle est arrivée avec un masque, qu’elle porte à l’envers et qui ne lui protège pas le nez. On lui montre comment l’ajuster correctement avant de lui suggérer un dépistage, qu’elle accepte ( « Ça me rassurera même si je pense que je n’ai rien » ). Pas la peine, en revanche, de lui proposer un hôtel pour un éventuel isolement, Mme Sousa habite avec son mari un pavillon en banlieue de 230 m2 qu’elle désinfecte « à fond à la Javel » . Elle repartira quand même avec son kit de gel hydroalcoolique.

    Parfois, les équipes Covisan sont aussi confrontées à des problématiques qui les dépassent. Ils ont identifié deux clusters dans des foyers sociaux ou de travailleurs. « Il y a un problème de transmission hallucinant avec des cas positifs qui cohabitent dans une chambre avec des migrants. On n’a pas la force d’intervention » , expliquent les bénévoles. Le relais a été passé à l’Agence régionale de santé et aux organisations humanitaires.

    « On a trois mois de retard »

    « Idéalement, il faudrait avoir 500 équipes déployées juste sur Paris pour parvenir à casser la chaîne des transmissions et étouffer le virus » , estime Jean-Sébastien Molitor. Veste kaki, jean et barbe de baroudeur, il détonne dans le centre Covisan, installé à l’entrée de la Salpêtrière. Avec l’ONG Solidarités international, M. Molitor est intervenu en Afrique sur le front Ebola et en Haïti contre le choléra. Il met aujourd’hui son expérience au service de Covisan.

    Depuis le début de l’expérimentation, une centaine de personnes sont suivies sur l’ensemble des sites pilotes dont une très grande majorité par les équipes de la Salpêtrière.

    « On a trois mois de retard , déplorent Hélène et Camille. Si on avait déployé cette stratégie dès le début de l’épidémie, comme l’ont fait certains pays, on aurait payé un tribut beaucoup moins lourd. Mais on manquait de masques, de gels et de tests. Et aujourd’hui, encore, on ne peut laisser que deux kits par foyer. »

    #Covisan #dépistage #medecine_de_ville #hôpital_hors_les_murs #isolement

    • La réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital : Coronavirus : « Pour déconfiner sans provoquer une deuxième vague, une approche centrée sur le patient » , Renaud Piarroux, Bruno Riou, Profs de médecine
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/27/coronavirus-pour-deconfiner-sans-provoquer-une-deuxieme-vague-une-approche-c

      Les professeurs Renaud Piarroux et Bruno Riou décrivent, dans une tribune au « Monde », la stratégie qu’ils prônent pour une sortie maîtrisée du confinement : détection, analyse, et proposition de solutions individuelles, sans contraindre les patients.

      Tribune. Le confinement a permis de ralentir la propagation du virus et ainsi d’éviter que les services de réanimation ne se trouvent débordés. Pour permettre d’aborder la période du déconfinement sans courir le risque d’une deuxième vague de l’épidémie, nous proposons une approche centrée sur le patient pour enrayer la propagation du virus dans son entourage. Cette approche, dont la mise en œuvre a débuté, implique des médecins généralistes, des services d’urgence, mais aussi des équipes mobiles, des pharmaciens, des services d’aide à la personne, des travailleurs sociaux, des collectivités locales, des volontaires d’ONG et de la Croix-Rouge et des structures hôtelières pour isoler les patients.

      La stratégie que nous proposons ne s’oppose pas aux mesures générales déjà prises (mesures barrières, distanciation sociale, confinement généralisé), mais elle les potentialise, permettant à terme de lever progressivement le confinement tout en limitant la propagation du virus. Elle est basée sur trois piliers essentiels : détecter, analyser, répondre.

      Il s’agit d’abord de détecter les patients, mais aussi les porteurs sains, puisqu’ils contribuent à la propagation du virus. La généralisation des tests diagnostiques au niveau de l’ensemble de la population n’est pas réaliste : même si tous les Français pouvaient être dépistés, cela prendrait trop de temps et ne nous donnerait qu’une image transitoire de la situation, une personne négative un jour pouvant être positive le lendemain. En revanche, la trajectoire de soins des patients peut guider cette stratégie de dépistage : il y a de fortes chances que le sujet symptomatique interagisse avec le système de soins, appelant le 15, se rendant à une pharmacie, à un cabinet médical ou dans un service d’urgence.

      Cartographier la transmission

      Une fois le diagnostic effectué, il est possible d’aborder avec le patient les mesures à prendre pour protéger son entourage. Les acteurs du système de soins deviennent alors des sentinelles, permettant d’accéder à un premier maillon des chaînes de transmission. L’important est ensuite d’emporter l’adhésion du patient et d’enclencher avec lui l’intervention d’équipes d’investigation et de réponse, permettant la recherche active de cas. Les sujets contacts des patients positifs, y compris ceux qui sont asymptomatiques, sont avertis de la possibilité d’être porteurs et diffuseurs de virus ou de le devenir rapidement. Ils doivent être testés. Avec eux, on peut envisager les mesures pour éviter toute propagation.

      Des équipes travaillent à des applications informatiques qui, grâce aux données de géo-localisation des téléphones, pourraient faciliter la recherche des sujets contacts lors d’une consultation médicale. Cela constituerait une sorte de complément à un interrogatoire médical classique. Un autre type d’application pourrait servir à prévenir un utilisateur lorsqu’il a été mis en présence d’une personne infectée. L’alerte donnée par l’application aurait alors pour but d’inciter les personnes à se faire détecter. Les limites de cette approche ne doivent pas être ignorées : l’utilisation de l’application étant basée sur le volontariat, si une personne omet de se déclarer positive, il ne sera pas possible de l’identifier, sans parler de tous ceux qui ne possèdent pas de téléphone portable. Comme cette application d’alerte est prévue pour être utilisée de manière anonyme et en l’absence de géolocalisation, elle ne sera pas utilisable à des fins de surveillance épidémiologique.

      Les éléments de la trajectoire de soins des patients pourraient être mis à profit pour cartographier dans le détail l’intensité de la transmission sur notre territoire. Identifier un quartier, une rue, un immeuble, où le nombre de cas est anormalement élevé (« hotspots ») permettrait de lancer une investigation ciblée et de déterminer les mesures appropriées. Les adresses et la connaissance des déplacements des personnes sont à la base de l’épidémiologie. Aucune intervention ciblée ne peut être envisagée en leur absence.

      Prise en compte du contexte

      L’interrogatoire des patients, le traçage de leurs contacts, l’établissement de cartes précises et quotidiennes de la détection des cas, l’identification des lieux fréquentés et les investigations de terrain sont autant d’outils qui peuvent permettre d’identifier les zones où l’épidémie persiste et de suivre les chaînes de transmission. Ces analyses doivent se faire au niveau local et général, car les solutions sont parfois locales, parfois plus générales. Elles nécessitent de l’expérience et des échanges entre les différents niveaux, des bases de données et des scripts informatiques pour en tirer les informations essentielles, modéliser l’évolution épidémique, anticiper les résultats attendus des interventions.

      Là encore, des solutions informatiques plus complexes, avec ou sans intelligence artificielle, ont été proposées. Il ne faut pas les écarter si elles rendent des services mais les outils informatiques ne peuvent remplacer le travail d’épidémiologistes qui engrangent les données, échangent avec le terrain, et s’y rendent lorsque c’est nécessaire.

      La surveillance épidémiologique n’a de sens que si elle est suivie d’actions. Il y a autant de modalités de réponse que de situations : on n’intervient pas de la même manière dans un hôpital, un établissement pour personnes âgées, un foyer d’immigrés, sur un bateau ou au domicile d’un patient. Même dans ce dernier cas, la réponse doit être adaptée au contexte. Selon le quartier, la composante sociale sera particulièrement importante, nécessitant l’intervention de travailleurs sociaux, de l’hospitalisation à domicile, d’associations de quartier, d’acteurs humanitaires, de services municipaux, de leaders communautaires. Dans d’autres cas, il s’agira surtout d’aider la famille à organiser son confinement, et un relogement dans un hôtel doit pouvoir être proposé. Il s’agit de proposer et en aucun cas de contraindre, d’emporter l’adhésion du patient et de sa famille autour d’un objectif simple : les protéger et leur éviter de tomber malades, d’être hospitalisés.

      Des équipes multidisciplinaires et mobiles

      Les équipes mobiles que nous mettons en place à l’AP-HP s’inscrivent dans cette stratégie. Elles sont là pour établir un plan de confinement avec les familles qui le souhaitent, effectuer des prélèvements pour détecter la présence de cas secondaires au sein du foyer. Elles sont composées au minimum d’un binôme associant une personne possédant une compétence dans le domaine social et une autre dans celui des soins (infirmier, médecin, pharmacien biologiste, interne, externe). Il ne s’agit pas de la seule modalité de réponse, des visites pouvant aussi être organisées par des travailleurs sociaux, des organisations humanitaires. L’activation de la réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital. Les médecins de ville, le SAMU, les services des mairies, des départements, des régions et de l’Etat, la Croix-Rouge sont partie prenante, enclenchant une réponse, l’accompagnant ou assurant des services supports pour la rendre effective (aide pour faire les courses, solutions d’hébergement).

      Ces équipes mobiles font le lien entre le système de soins et le cadre de vie du patient et s’inscrivent dans la relation thérapeutique. Elles sont une source inestimable de renseignements sur le contexte de la transmission du virus. Il s’agit d’aider le patient à protéger ses proches, un objectif qu’il peut volontiers comprendre. Cette relation de confiance doit pouvoir s’opérer, y compris pour des patients en situation irrégulière, ou pour d’autres, amenés, par nécessité, à enfreindre les règles du confinement. Il s’agit d’expliquer, de faciliter, d’aider, de convaincre, jamais de contraindre. Sinon, bon nombre de patients nous échapperont.

      Lutter contre la transmission du Covid-19 est un sujet complexe qui implique la mise en œuvre d’approches multiples et complémentaires. Il est important que tous les acteurs impliqués puissent se retrouver autour d’une table – ou, confinement oblige, autour d’une conférence téléphonique – afin d’échanger sur leurs pratiques, de partager des informations, de se répartir le travail, bref, de se coordonner. Une stratégie commune, pour atteindre un objectif partagé, un système d’information opérationnel et une coordination : il n’y a là rien de nouveau, mais c’est d’autant plus nécessaire que la crise est grave et que la solution est complexe.

      À rapprocher d’un texte plus ambitieux : Une nouvelle définition politique du soin (U.S.A) car explicitement #médecine_sociale ≠ pontes APHP
      https://seenthis.net/messages/848403

      #patient #relation_thérapeutique #trajectoire_de_soins #épidémiologie_de_terrain #multidisciplinarité

    • Covisans, Coronavirus : « Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles », pour empêcher un rebond de l’épidémie, Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, propos recueillis par Paul Benkimoun et Chloé Hecketsweiler, 2 mai 2020
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/02/coronavirus-avec-covisan-nous-formons-des-centaines-d-equipes-mobiles-pour-l

      Pour le professeur Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, promoteur du dispositif, le traçage et l’isolement des malades devraient faire ralentir la circulation du virus.

      Epidémiologiste de terrain et chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, le professeur Renaud Piarroux est le promoteur de Covisan, un réseau d’équipes mobiles à Paris et en Ile-de-France destiné à aider les personnes atteintes par le Covid-19 à se confiner. Il estime qu’une fois développé, ce dispositif permettrait de faire face à une reprise de l’épidémie.

      Comment anticipez-vous l’évolution de l’épidémie de SARS-CoV-2 dans les semaines qui viennent et en particulier à partir de la sortie progressive du confinement ?

      L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) travaille sur une modélisation des admissions à venir de patients atteints d’un Covid-19 dans les services de réanimation de nos hôpitaux. Elle est basée sur la version la plus récente du modèle de Simon Cauchemez de l’Institut Pasteur. Cette modélisation envisage l’évolution ultérieure de ces admissions jusqu’à la fin juin selon différentes hypothèses sur la circulation du virus.

      De plus de 2 500 au début avril, le nombre de patients hospitalisés en réanimation en Ile-de-France se situerait le 21 mai autour de 559, dont 256 dans des hôpitaux de l’AP-HP. Il s’agit d’un « point bas », établi dix jours après le début du déconfinement soit l’intervalle moyen entre la contamination et l’admission en réanimation.

      En partant de l’hypothèse d’un nombre de reproduction [le nombre moyen de contaminations à partir d’un même individu infecté] de 1,2, cette courbe descendante se poursuivrait, avant de s’infléchir légèrement à la hausse pour atteindre 497 patients en réanimations en Ile-de-France au 30 juin. Ce chiffre s’élèverait à 1 139 avec un nombre de reproduction à 1,5, sachant qu’il atteignait 3,5 au début de l’épidémie.

      A mon avis, l’évolution pourrait même être encore meilleure, avec un taux de reproduction autour de 1, si nous parvenons à généraliser le dispositif Covisan [d’accompagnement des patients pour les aider à se confiner], que nous testons actuellement dans différentes zones de l’Ile-de-France.

      Avez-vous travaillé sur des scénarios plus pessimistes ?

      Les modèles incluent toujours des hypothèses d’une absence de mesures ou d’un retour à la situation qui préexistait au moment de l’instauration du confinement. On peut cependant écarter cette éventualité, qui prendrait la forme d’un rebond de l’épidémie en juin avec un retour à un niveau presque aussi élevé que celui du début avril.

      Il n’y a aucune raison pour que l’épidémie se développe de la même manière qu’en mars. Les comportements de la population ont évolué par rapport à cette époque où beaucoup de gens ne percevaient pas bien le danger que le Covid-19 représentait.

      Comment vous préparez-vous face à l’éventualité d’une seconde vague de l’épidémie ?

      Nous devons nous mettre dans des conditions nous permettant de sentir venir une éventuelle nouvelle vague. Si nous parvenons à maintenir un nombre de reproduction ne dépassant pas 1,5, la montée du nombre des hospitalisations et des admissions en réanimation sera lente. Le plus probable est que le mois de mai et le début juin soient un peu plus calmes pour les services hospitaliers, en particulier en réanimation.

      Après cela, l’épidémie reprendra-t-elle ? Cela dépendra de ce que nous ferons pour l’éviter. En pratique, cela signifie détecter les cas possibles d’infection, tester et isoler les sujets infectés et retracer leurs contacts qu’il faudra aussi tester et isoler s’ils sont positifs.

      C’est le travail des équipes mobiles – terme que je préfère à celui, plus militaire, de « brigades » –, qui doivent joindre ces personnes avant qu’elles ne transmettent le virus.
      L’objectif d’un déconfinement progressif est de rester avec un nombre de reproduction inférieur à 1. Qu’est-ce que cela implique ?

      Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles. Tous les jours, je présente le dispositif Covisan à un amphi d’une centaine de volontaires qui viennent se former pour intégrer ces équipes. Ce sont des étudiants en médecine et en soins infirmiers, mais aussi des stewards et des hôtesses de l’air, des membres d’associations…

      Nous formons des centaines d’équipes mobiles pour l’Ile-de-France, mais la formation en quelques jours aux tâches qu’ils auront à accomplir ne suffit pas. Ils doivent être encadrés par des personnes plus chevronnées, et équipés, véhiculés, soutenus. Le défi est d’être opérationnel en quelques jours.

      Quelle est actuellement la force de frappe de ces équipes mobiles ?

      Nous avons déjà formé plus de 500 personnes. Une trentaine nous a rejoints à l’hôpital de la Pitié ; d’autres ont été dispatchés sur une dizaine d’autres sites hospitaliers de l’AP-HP. Je souhaite que le dispositif s’étende au plus vite. Ce travail se développe aussi en ville à Aubervilliers, Pantin et Bondy, ainsi que dans plusieurs arrondissements de Paris avec l’implication forte des médecins généralistes et des services municipaux.

      Les patients inscrits sur le site de télésuivi Covidom seront aussi contactés. Nous espérons disposer d’un maillage assez serré d’ici au milieu de la semaine prochaine, afin de rater de moins en moins de patients atteints du Covid-19.

      Quel est le principal enjeu à vos yeux ?

      C’est de former des équipes qui sachent parler aux patients et à leurs proches, capables de gagner la confiance de personnes parfois traumatisées par l’épidémie, ou en situation de grande précarité ou sans papiers, et avec elles de voir comment protéger et dépister leurs proches, leur entourage.
      Il s’agit tout autant d’aider les patients et leur famille que de casser les chaînes de transmission. L’un ne doit pas aller sans l’autre.

      Où les personnes que rencontrent les équipes mobiles seront-elles testées ?

      Elles pourront être testées n’importe où, y compris à l’occasion de visites à domicile, où le prélèvement peut être effectué. Les analyses seront ensuite réalisées soit sur une plate-forme à l’hôpital Broussais, soit dans d’autres centres.

      Nous n’attendons pas les résultats pour isoler les personnes pour lesquelles il existe une suspicion de Covid-19. Elles ont consulté un médecin qui a posé un diagnostic, les a orientées vers le Covisan, évalué s’il y a lieu d’hospitaliser le malade ce qui, dans la très grande majorité des cas n’apparaît pas nécessaire.

      A chaque fois que possible, le médecin de ville doit être dans la boucle. C’est plus simple là où les médecins se sont organisés comme dans les communes et arrondissements parisiens que j’ai cités précédemment.

      Que nous apprennent les statistiques de décès sur la surmortalité liée au Covid-19 ?

      En nous servant des données de l’Insee, nous établissons des graphiques sur la mortalité en population générale toutes les semaines. Nous sommes toujours dans une période de surmortalité, mais cela va mieux.
      Depuis le 1er mars, plus de 24 000 décès liés au Covid-19 ont été à déplorer dans les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais il ne semble pas y avoir eu beaucoup de décès au domicile, à la différence par exemple de ce qui s’est produit à New York.

      En dehors des décès liés au Covid-19, il y a probablement des morts supplémentaires par rapport à 2019 et 2018, avec plus de décès dus à des infarctus ou des AVC [accidents vasculaires cérébraux], mais aussi moins dans les accidents de la route.

      Finalement, comment voyez-vous les mois à venir ?

      Nous connaîtrons deux moments critiques : juin-juillet, pour les effets du déconfinement, et octobre-novembre, période de réémergence des épidémies de virus respiratoires, avec notamment la grippe saisonnière. Nous devons anticiper afin de proposer une réponse pour éviter que la situation ne dérape.

      Les épidémiologistes sont pour une fois d’accord entre eux : la catastrophe envisagée n’a pas eu lieu grâce au confinement. Pour l’instant, il faut en profiter pour récupérer et permettre à notre système de soins de reconstituer ses forces.

      Edit
      Comment vont fonctionner les « brigades sanitaires » anti-coronavirus ? 3 Mai 2020
      https://www.zinfos974.com/Comment-vont-fonctionner-les-brigades-sanitaires-anti-coronavirus_a154023

      #épidémiologie_de_terrain #équipes_mobiles #médecins_généralistes #patients #détecter #tester #isoler #Covidom

  • Coronavirus en France : « En matière de prévention, nous ne sommes pas à la hauteur de l’épidémie »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/11/en-matiere-de-prevention-nous-ne-sommes-pas-a-la-hauteur-de-l-epidemie_60363
    Rare photo de résistance opiniâtre face aux aérosols projetés par des plantes vertes

    Pour l’ancien directeur général de la santé William Dab, le gouvernement fait peser, avec le confinement, l’ensemble des efforts de prévention sur la population.

    Professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), où il était il y a peu titulaire de la chaire Hygiène et sécurité, William Dab est médecin et épidémiologiste. De 2003 à 2005, il a été directeur général de la santé et avait démissionné en raison de désaccords sur la politique de santé publique avec le ministre de la santé d’alors, Philippe Douste-Blazy. Il livre une analyse critique de la réponse française au Covid-19.

    Quelle est votre appréciation de la situation sanitaire de l’épidémie de Covid-19 ?

    Un premier élément à prendre en compte est qu’actuellement nous avons un décompte de la morbidité et de la mortalité directement liée au virus. En fait, nous aurons aussi à déplorer des répercussions sur la santé à moyen terme qu’on peut appeler indirectes parce que ce n’est pas le virus qui sera en cause, mais les complications chez les patients souffrant de maladies cardiaques, pulmonaires, rénales, etc. Ces complications ont deux origines. Le Covid-19, qui entraîne un alitement, qui est un facteur de risque important chez les personnes âgées. Et le fait que le suivi des malades chroniques est moins bon parce que le système de soins est saturé par l’épidémie. Il faut donc s’attendre au total à plusieurs dizaines de milliers de décès directement et indirectement liés à l’épidémie.

    Et sur l’évolution de l’épidémie ?

    Je suis frappé par le fait qu’après quatre semaines de confinement, la courbe épidémique n’est que ralentie. Nous restons avec un flux important de malades chaque jour. Trois raisons peuvent expliquer cela. D’abord le #confinement n’est qu’imparfaitement respecté. En particulier, ceux qui continuent de travailler et qui prennent les transports en commun peuvent se contaminer, alors que le port du masque n’est pas généralisé. Ensuite, on peut se demander s’il n’y a pas une transmission aérienne du virus et pas seulement par les gouttelettes. Cette question est débattue, notamment cette semaine dans la revue Nature. Enfin, et cela me semble très grave, on laisse retourner chez elles des personnes contagieuses à la sortie de l’hôpital ou du cabinet du médecin parce qu’elles n’ont pas besoin de soins. Elles peuvent alors contaminer leurs proches. Comment l’éviter quand on vit dans un petit appartement ?

    Que faudrait-il faire ?

    Cela fait des jours que plusieurs instances, dont le conseil scientifique du gouvernement, recommandent de mettre ces personnes, de même que leurs contacts, en isolement dans des hôtels (qui sont vides) ou des lieux fermés analogues. La maire de Paris le demande aussi, mais il ne se passe rien.
    De façon générale, dans les mesures adoptées, il y a un mélange d’excellence et de médiocrité. L’excellence, ce sont les soins. Des centaines de vie ont été sauvées par l’héroïsme des soignants et des aidants, ainsi que par un effort sans précédent qui a permis de doubler nos capacités de réanimation et de désengorger les hôpitaux saturés. C’est vraiment remarquable.
    En revanche, en matière de prévention, nous ne sommes pas à la hauteur de l’épidémie.

    Pourquoi ?

    La seule mesure de prévention est en réalité le confinement généralisé assorti de recommandations d’hygiène. Autrement dit, on fait peser sur la population la totalité des efforts de prévention. Ça ne peut pas marcher et le coût humain est effrayant avec un cortège d’inégalités sociales qui s’aggravent. Réalise-t-on bien ce que cela représente pour une famille avec disons deux enfants qui vit dans 50 m² avec les deux parents en télétravail et les enfants qui doivent faire l’école à la maison ? Si l’effort de prévention est partagé, cela peut tenir encore quelque temps, mais, s’il ne se passe rien d’autre, il y aura des mouvements de révolte. Or l’adhésion du public est une condition pour casser l’épidémie. Le macromanagement ne suffit pas. Il faut une capacité de micromanagement.
    Je considère que nous entrons dans une période où le confinement aura plus d’inconvénients (économiques, psychologiques, familiaux, médicaux) que de bénéfices.

    Que peut-on faire d’autre ?

    D’abord de l’épidémiologie de terrain. Comment se fait-il que ce soient des épidémiologistes britanniques qui ont estimé la proportion de Français infectés ? Comment lutter contre une épidémie sans connaître son étendue ? Des enquêtes par sondages hebdomadaires par téléphone ou Internet permettraient de suivre son évolution. C’est facile à réaliser. Ce n’est pas complètement fiable, mais c’est mieux d’être dans le brouillard que dans le noir absolu. En attendant que des tests sérologiques soient déployés à grande échelle, même avec des imperfections, ce type d’enquête par sondage répétés nous donnerait une tendance sur l’évolution de la prévalence de l’infection.

    De même, il faut comprendre pourquoi on a encore tant de nouveaux malades. Où ont-ils été contaminés ? On ne peut pas enquêter sur tous les cas, mais, là encore, une procédure d’échantillonnage suffirait à fournir des indications sur les circonstances de l’infection. Dans les CHU, de nombreuses études cliniques sur d’autres thèmes que le Covid-19 sont actuellement suspendues. Les professionnels de santé qui les réalisent sur le terrain et ont un savoir-faire pourraient être mobilisés à cette fin.
    Autre exemple, il y a des dizaines de milliers de patients qui prennent quotidiennement de l’hydroxychloroquine pour des maladies rhumatismales. Cela fait plus de deux mois qu’il y a un débat sur ce traitement. Pourquoi ne sait-on pas si ces patients sont moins atteints par le coronavirus que les autres ? Nous avons des bases de données accessibles pour faire ce travail et une agence du médicament pour le faire.

    Ensuite, on ne dit pas clairement à la population quand les masques et les tests arriveront. Si on ne le sait pas, il faut le dire. Aucun déconfinement n’est envisageable sans ces outils. De même, quand les soignants seront-ils enfin correctement protégés ? On n’entend pas la réponse.
    Enfin, il faut un commandement unifié et moins de bureaucratie.

    Que voulez-vous dire ?

    Je vais vous donner un exemple personnel. Dès le début de l’alerte, je me suis inscrit à la réserve sanitaire. Il y a une semaine, je reçois un message me demandant si je suis prêt à appuyer au plan épidémiologique une ARS [agence régionale de santé] dans un département d’outre-mer. Je réponds immédiatement que je suis volontaire et que je libère tout mon agenda jusqu’à fin juin. Au bout de six jours, pas de réponse. Je fais savoir que je trouve cela anormal en situation d’urgence. Je reçois alors comme réponse que mon dossier administratif n’est pas complet. Il manque la copie de mon diplôme de docteur en médecine (qui est à mon bureau, donc inaccessible) et un certificat d’aptitude médicale. Je n’aurai pas l’odieuse pensée de déranger un confrère surchargé pour qu’il atteste que je suis apte à faire de l’épidémiologie ! Le président de la République a déclaré la guerre, mais les services continuent de fonctionner comme en temps de paix.

    En 1917, la première chose qu’a faite Georges Clemenceau en devenant président du Conseil et ministre de la guerre, c’est de se débarrasser des bureaucrates sans valeur ajoutée, voire à valeur négative. Ensuite, il a obtenu des Alliés un commandement unifié. On multiplie les instances, les conseils, les comités qui font de leur mieux, mais il n’y a pas le souci des détails, ils n’ont pas de rôle opérationnel. Quand Clemenceau visitait le front au péril de sa vie, ce n’était pas seulement pour soutenir le moral des troupes. C’était aussi pour vérifier que l’intendance suivait.
    Pour gagner contre une épidémie, il faut trois conditions : la surveillance, la réactivité et un commandement resserré qui fait un lien opérationnel entre la doctrine et le terrain.

    Etes-vous pessimiste ?

    Oui, au moment où nous nous parlons. Non, si les principes de base de la lutte contre les épidémies sont enfin mis en œuvre de toute urgence en s’affranchissant des contraintes administratives que le gouvernement a désormais les outils juridiques de lever.
    Cette situation illustre jusqu’à la caricature la faiblesse de la santé publique française. On mise tout sur les soins sans réaliser que la prévention est un investissement très rentable. Chaque fois que l’on dépense 100 euros dans le domaine de la santé, 96 % vont aux soins et 4 % à la prévention organisée. C’est cela que nous payons, comme nous payons l’incurie de la gestion de l’amiante – 100 000 décès cumulés.
    Tous les soirs à 20 heures, nous applaudissons nos soignants. Je me demande si nous ne devrions pas siffler tous les midis les carences de la prévention de terrain jusqu’à ce qu’elle devienne efficace.

    Illétrisme d’en haut : à se demander quel usage peut bien faire pour son propre compte la classe dominante de ses organes : "l’urgence absolue de créer des structures de prise en charge des patients peu symptomatiques", écrivait le 27 mars LE journaliste santé de Le Monde, Franck Nouchi
    https://seenthis.net/messages/835151

    #bureaucratie (s) #prévention #hygiène #épidémiologie_de_terrain #recherche #réserve_sanitaire #structures_post_hospitalières