#erwan_seznec

  • #Palestine au #Collège_de_France : la protestation de #François_Héran

    _Titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France, François Héran rend publique la lettre qu’il a adressée à son administrateur, Thomas Römer, à propos de l’#annulation du #colloque sur la Palestine de son collègue #Henry_Laurens._

    Paris, 9 novembre 2025

    Lettre à #Thomas_Römer,
    administrateur du Collège de France

    Cher Thomas,

    Malgré mon nouveau statut de retraité, tu as bien voulu m’inclure parmi les destinataires de ton message sur l’annulation du colloque de notre collègue Henry Laurens. Je t’en remercie.

    En lisant ton message envoyé à la presse, je découvre que, loin d’être l’apanage du #wokisme, la #cancel_culture peut aussi inspirer l’administration du Collège. Il fallait du courage pour donner des leçons d’#objectivité et d’#intégrité_scientifique à Henry Laurens, qui compte seulement à son actif quelques dizaines d’ouvrages sur la question d’Orient et les affaires de Palestine. Notre collègue, à l’évidence, ne maîtrise pas les enjeux du débat dans un domaine aussi brûlant.

    Il était bon de rappeler aussi qu’en la matière, les partis pris d’un hebdomadaire bien connu pour son traitement rigoureux des faits ont plus de #légitimité qu’un professeur occupant sa chaire depuis vingt-deux ans. On se demande comment ce dernier a osé inviter à son colloque un ancien chef de la diplomatie de l’UE ou un ancien premier ministre, aux côtés d’intervenants capables d’exprimer un large éventail de savoirs et d’opinions, alors qu’il était si simple d’inviter uniquement des intervenants validés par la #Licra.

    Ton message me suggère qu’une révision du règlement intérieur du Collège s’impose de toute urgence :

    Les professeurs qui souhaitent traiter de questions d’#actualité dans des colloques, des cours ou des séminaires risquant de donner lieu à #controverses, devront désormais soumettre la liste des participants à l’autorisation de l’administrateur.

    1. Ils devront également s’assurer de l’assentiment du ministre de la Recherche. Si l’on objecte que la détention d’un doctorat d’informatique ne donne aucune légitimité à intervenir dans des questions de science politique ou d’orientalisme (selon le principe de la séparation des ordres posé en d’autres temps par Pascal), on rappellera dûment aux professeur-es qu’il n’y a pas de plus haute autorité qu’un tweet ministériel.
    2. Le recrutement des professeur-es sera désormais soumis au tribunal de l’opinion publique et médiatique, selon une procédure à déterminer.
    3. Le règlement intérieur proclamera dans son préambule que la notion d’« #engagement », jadis inhérente au libre exercice de la recherche, est désormais désuète. Elle sera donc bannie du Collège. Il faudra effacer de la mémoire de notre institution toute référence aux grands intellectuels, littéraires ou scientifiques, qui se sont aventurés à sortir de la « #neutralité » telle qu’elle est strictement définie dans ton message et dans celui du ministre. On veillera aussi à tenir compte de cet impératif dans la préparation du 500e anniversaire de la fondation du Collège.

    Ces modifications du règlement contribueront, je n’en doute pas, à défendre le Collège. La fable se trompe : mieux vaut la prospérité du Chien que l’indépendance du Loup.

    En te renouvelant, cher Thomas, mes meilleures salutations,

    In dubio pro libertate
    François Héran*

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    Post Scriptum : l’argumentaire du colloque

    Ayant choisi de rendre publique ma lettre à l’administrateur du Collège de France, j’ajoute l’argumentaire du colloque, qui a été transmis à l’ensemble des professeurs. Comme à l’accoutumée chez Henry Laurens, c’est de la science historique de haut niveau, précise et rigoureuse. Pas une ligne, pas un mot, qui justifie le soupçon d’antisémitisme.

    Avec l’ouverture de la « question d’Orient » dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la Palestine, qui dispose du statut particulier de Terre sainte, devient le lieu névralgique des relations internationales européennes. Durant les décennies qui précèdent la Grande Guerre, les luttes d’influence entre les puissances européennes se multiplient, chacune se présentant comme la protectrice d’une communauté religieuse. Alors que la France et la Russie étendent respectivement leur influence sur les catholiques et les orthodoxes, les Anglais se présentent comme les protecteurs des juifs en Palestine. C’est dans ce cadre que s’inscrit le mouvement sioniste.

    Si la France se voit reconnaître une primauté d’influence à l’issue des guerres balkaniques, les Britanniques profiteront de l’alliance nouée avec le mouvement sioniste lors de la Première Guerre mondiale pour s’arroger un mandat sur la Palestine. La période du mandat britannique est essentielle pour la mise en place des acteurs contemporains que sont le mouvement national palestinien et le mouvement sioniste. Pris dans une double obligation entre les uns et les autres, les Britanniques sont dans l’incapacité de trouver une solution politique satisfaisante pour les deux parties, que ce soit un État palestinien unitaire, une division en cantons ou un partage territorial. Ils doivent ainsi faire face à une révolte palestinienne, puis à une révolte juive. Non sans arrière-pensées, ils délèguent le dossier à l’ONU qui, avec le vote du plan de partage de novembre 1947, provoque une guerre entre Arabes et sionistes, puis, après le 15 mai 1948, une guerre israélo-arabe.

    Dans ce conflit de longue durée, les Européens s’identifient largement à l’État d’Israël. Dans les années 1950 et 1960, la France et l’Allemagne lui fournissent les armements qu’il demande, mais la priorité pour l’État hébreu est d’obtenir l’aide militaire américaine, qui ne devient substantielle qu’après la guerre de juin 1967.Après cette guerre, les « discussions à quatre » voient un rapprochement des positions de la Grande-Bretagne et de la France sur la nécessité d’un retrait des territoires occupés contre une reconnaissance de l’État d’Israël, mais la question de la prise en compte du facteur palestinien reste ouverte.

    S’ouvre ainsi un dialogue euro-arabe. Ce dernier mènera à la résolution de Strasbourg de 1975, appelant Israël à se retirer des territoires palestiniens occupés et à reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien, puis à une nouvelle déclaration en 1977 appelant à la création d’une patrie pour le peuple palestinien, et marquant pour la première fois l’opposition européenne à la construction de colonies israéliennes dans les territoires occupés. L’étape la plus importante demeure la déclaration de Venise du 13 juin 1980, qui parle de solution juste et préconise l’intégration de l’OLP dans les discussions de paix.

    Deux niveaux d’action sont à considérer. Le premier est celui de la politique propre à chaque État, le second est celui de l’action collective de la Communauté, devenue Union européenne, le tout étant pris dans le jeu complexe des relations transatlantiques. De fait, la présence de l’Union est forte dans le domaine économique, aussi bien par le traité d’association UE-Israël, qui fait de l’État hébreu le premier partenaire commercial de l’Union, que par le financement des institutions palestiniennes à partir du processus d’Oslo. Néanmoins, l’Europe n’est que simple observatrice des négociations du processus d’Oslo, et si le « quartet » des années 2000 lui reconnaît un rôle, c’est dans un cadre impuissant à faire accepter une solution politique satisfaisante.

    L’Europe est ainsi prise entre le poids de son héritage colonial et impérial, son identification culturelle avec Israël, la charge représentée par sa culpabilité dans la destruction des juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale, l’importance de ses relations économiques, technologiques et scientifiques avec l’État hébreu, la montée de l’indignation d’une partie de son opinion publique, marquée par l’accusation d’apartheid et aujourd’hui de génocide dans la guerre de Gaza.

    La question est de savoir si les États européens vont, dans leur grande majorité, reconnaître l’État palestinien et exercer des pressions envers l’État hébreu, en particulier dans le domaine de l’économie, ou s’il s’agit là plutôt de faux-semblants destinés à masquer une impuissance, voireune adhésion, liées à leurs héritages historiques et à leurs engagements géopolitiques. Il n’en reste pas moins que l’Europe, dans sa globalité, est un des grands théâtres d’affrontements du conflit israélo-palestinien, en particulier dans les opinions publiques. En un sens, c’est une bonne part de l’identité européenne qui est en jeu, aussi bien dans l’interprétation de son passé que dans la définition de son identité à venir.

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    Adage juridique latin : Dans le doute, pour la liberté
    *
    François Héran explique l’immigration à Bruno Retailleau

    https://blogs.mediapart.fr/francois-heran/blog/101125/palestine-au-college-de-france-la-protestation-de-francois-heran-0

    #censure #France

    • Annulation d’un colloque sur la Palestine : lettre du conseil académique de « #Jewish_Voice_for_Peace »

      Plus de 120 universitaires représentant le Conseil académique de l’organisation américaine Jewish Voice for Peace expriment leur #inquiétude et leur #indignation face à l’#annulation par le Collège de France du colloque « Palestine et Europe ». « Lorsqu’une institution aussi prestigieuse se laisse contraindre à censurer des activités universitaires, elle risque de perdre son #indépendance et son intégrité académiques, mais elle crée également un précédent inquiétant. »

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      À Thomas Römer, administrateur du Collège de France
      et Philippe Baptiste, Ministre de l’Enseignement supérieur
      Le 10 novembre 2025

      Le Conseil académique de Jewish Voice for Peace* écrit pour exprimer son inquiétude et son indignation face à l’annulation par le Collège de France du colloque « Palestine et Europe », sur la base d’#attaques_médiatiques infondées et de #pressions exercées par le ministère français de l’Éducation.

      Nous comprenons que l’annulation du symposium, prévu depuis plusieurs mois, n’est intervenue qu’après la publication d’un article dans l’hebdomadaire conservateur français #Le_Point, le 7 novembre, qualifiant à tort le symposium de promoteur de l’#antisémitisme, ce qui a incité le ministre de l’Enseignement supérieur, #Philippe_Baptiste, à l’annuler, ce qu’il a fait. De plus, la justification fournie pour cette décision recherchait le recours à l’excuse fallacieuse de « garantir la rigueur scientifique », bien qu’aucune preuve n’ait été fournie à l’appui de cette affirmation. En effet, comme cela s’est déjà produit auparavant, cette justification s’avère être un bouclier pour commettre une #injustice, en censurant de manière injuste la #recherche_scientifique légitime et les conférences consacrées à sa diffusion.

      En tant que plus de 120 universitaires issus de diverses disciplines représentant le Conseil académique de Jewish Voice for Peace*, nous représentons un large éventail de domaines académiques liés aux études juives et l’histoire de l’antisémitisme, y compris les études sur le génocide. Nous nous opposons à toute forme d’antisémitisme, comme nous nous opposons à toutes les formes de racisme. Nous rejetons également tous les efforts visant à utiliser l’ accusation d’antisémitisme à des fins de censure ou pour supprimer des points de vue sur Israël et la Palestine qui devraient être entendus et discutés. L’accusation d’antisémitisme doit être réservée à toutes les occasions où elle est véritablement méritée. Mais l’utilisation fallacieuse et spécieuse de cette accusation pour mettre fin à des travaux universitaires légitimes et à un débat ouvert non seulement sape sa force morale, mais sert les objectifs de la censure. Au contraire, nous vous exhortons à défendre les principes largement partagés de la #liberté:universitaire : la publication et la diffusion des travaux universitaires, la libre recherche dans les #universités et le #débat_public dans les sociétés démocratiques.

      Nous connaissons bien les travaux universitaires des participants cités dans le projet de symposium et attestons de la grande qualité de leurs recherches universitaires et de leurs présentations publiques : leurs publications répondent aux normes les plus élevées en matière de #rigueur_académique, d’ #impartialité et d’#érudition. Il n’y a aucune preuve d’antisémitisme dans le programme qui a été publié, et toute allégation contraire repose sur une fausse représentation de ces universitaires et de leurs travaux. Les participants sont issus de certaines des plus prestigieuses universités d’Europe, où leurs travaux universitaires ont été entièrement examinés et approuvés. Le programme du symposium reflète à juste titre l’état actuel des discussions universitaires et des débats publics sur #Gaza et #Israël/#Palestine de manière plus générale. Nous vous exhortons à ne pas supprimer les discussions universitaires sur des questions d’#intérêt_public, même lorsque les passions s’exacerbent. Seul un engagement en faveur d’une vie intellectuelle ouverte et fondée sur des preuves peut permettre de replacer ces questions dans leur juste perspective et servir à la fois les objectifs universitaires et un débat public éclairé.

      Nous attirons votre attention sur les calomnies proférées par la LICRA, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Non seulement cette organisation mène une campagne diffamatoire contre le symposium , mais elle est depuis longtemps considérée comme un groupe dont la crédibilité scientifique est très limitée, concentrant ses efforts sur des campagnes visant à attiser les peurs et à enflammer la haine anti-arabe/musulmane/palestinienne. Le ministère de l’Enseignement supérieur et le Collège de France ne devraient pas se laisser influencer par un groupe dont les références scientifiques sont manifestement faibles et dont les objectifs sont polémiques, diffamatoires et incendiaires, sapant ainsi les critères mêmes des normes intellectuelles appliquées dans les universités françaises les plus prestigieuses. De plus, les établissements d’enseignement ont l’obligation, en période de tensions politiques exacerbées, d’acquérir et de diffuser des connaissances, de prendre en considération un large éventail de points de vue et de créer les conditions propices à un débat et à un jugement publics éclairés. Le #colloque que vous avez annulé proposait précisément cela.

      Lorsqu’une institution aussi prestigieuse que le Collège de France se laisse contraindre à censurer des activités universitaires, elle risque non seulement de perdre son #indépendance et son intégrité académiques, mais elle crée également un précédent inquiétant pour les universités qui luttent pour maintenir leurs normes internes et leurs procédures d’autogestion en ces temps de plus en plus autoritaires.

      Soyons clairs : la décision d’annuler cet événement important est un acte de censure, qui permet aux propos arbitraires et incendiaires circulant dans les médias de servir de base à une décision qui aurait dû être, et qui devrait être aujourd’hui, selon toute norme raisonnable, de soutenir le symposium et ses objectifs. Lorsque des sujets « sensibles » sont ouvertement abordés et débattus par le public, les points de vue scientifiques peuvent être affinés et diverses perspectives peuvent être ouvertement discutées et débattues. La communauté universitaire internationale s’est traditionnellement appuyée sur le Collège de France pour maintenir ces normes, malgré les demandes croissantes des groupes politiques et des responsables gouvernementaux. C’est ni plus ni moins que son #autonomie très admirée qui est en jeu, une autonomie qui a inspiré les collèges et les universités du monde entier. Nous appelons donc le Collège de France à maintenir ses principes les plus élevés et à revenir sur sa décision, afin de permettre au symposium de se dérouler avec son programme publié et important.

      Nous demandons également au ministère français de l’Enseignement supérieur de revoir le processus qui a conduit à une décision aussi malavisée, privilégiant une opinion publique incendiaire et mensongère au détriment de critères scientifiques. Cette décision aurait dû refléter l’autonomie de l’université. Le refus de modifier le jugement scientifique ou professionnel en réponse à une intervention extérieure aurait défendu cette autonomie et reflété à la fois les normes scientifiques du Collège et son attachement à la liberté académique et à la liberté de recherche.

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      *Le Conseil académique de Jewish Voice for Peace est un réseau de chercheurs qui se consacrent à la promotion de la vision et des valeurs de JVP https://www.jewishvoiceforpeace.org. Forts de notre engagement commun en faveur des valeurs juives progressistes et de la libération de la Palestine, nous organisons des actions de solidarité avec la lutte pour la liberté du peuple palestinien dans les milieux éducatifs et universitaires. Nous mettons à profit nos compétences en tant que chercheurs, éducateurs et écrivains pour développer une analyse critique de la censure contemporaine sur la Palestine. Nous nous opposons à l’utilisation de l’accusation d’antisémitisme pour censurer ou criminaliser les discours critiques à l’égard du traitement réservé aux Palestiniens par l’État d’Israël. Nous défendons les droits du travail, la liberté académique et les droits d’association dans l’enseignement supérieur et confirmons les valeurs fondamentales de Jewish Voice for Peace.

      https://blogs.mediapart.fr/jewish-voice-peace-conseil-academique/blog/111125/annulation-dun-colloque-sur-la-palestine-lettre-du-conseil-academiqu
      #ESR #recherche #science #enseignement_supérieur

    • Comment le Collège de France en est venu à annuler un colloque scientifique sur la Palestine

      La décision de suspendre l’événement, prise le 9 novembre par l’administrateur de l’établissement, crée un précédent. Des universitaires dénoncent le rôle joué par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui aurait contribué à faire du colloque un « #événement_politique ».

      Pourquoi un colloque universitaire consacré à la Palestine a-t-il été annulé au Collège de France ? La question est posée après la décision prise par l’administrateur de l’établissement de déprogrammer un événement intitulé « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », qui devait se tenir les 13 et 14 novembre, coorganisé par l’historien Henry Laurens et le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep Paris).

      Les motivations ayant conduit à cette décision radicale – du jamais-vu depuis le Second Empire, quand le cours d’Ernest Renan fut « suspendu jusqu’à nouvel ordre » par l’empereur Napoléon III, le 26 février 1862 – interpellent dans leur enchaînement. A en croire Thomas Römer, l’administrateur du Collège de France, elle s’est imposée « en réaction à la polémique entourant la tenue » de l’événement.

      La « polémique » a démarré avec un article du Point, publié le 7 novembre. Sous le titre « Un colloque propalestinien à haut risque », le média formule l’hypothèse de « deux journées à tendance pro-Hamas ». La liste des intervenants « ne laiss[ant] aucune place au doute », « le colloque sera propalestinien, antisioniste et décolonial », décrète l’hebdomadaire. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), interrogée, y voit même un cas d’« entrisme pur et simple ».

      « Foire antisioniste »

      Dès sa parution, l’article est posté sur X par la Licra, qui annonce « saisir » le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, car il s’agit d’un « colloque antisioniste » et d’un « dévoiement » du Collège de France. Le 8 novembre, sur Europe 1, la vice-présidente de la ligue, l’avocate Galina Elbaz, décrit les intervenants comme des « personnalités très sulfureuses qui ont toutes eu des prises de position qui flirtaient avec l’#apologie_du_terrorisme ». Une « #foire_antisioniste » où se seraient retrouvés « défenseurs du #Hamas, militants de #BDS [Boycott Désinvestissement Sanctions], éditorialistes d’#Al-Jazira », insiste la Licra.

      Ces accusations, qui insistent sur le financement du #Carep par des fonds qataris et l’accusent d’œuvrer en sous-main pour les #Frères_musulmans, indignent Salam Kawakibi, le directeur exécutif du centre de recherche. « Nous ne sommes ni des agents du Qatar ni des Frères musulmans, déclare-t-il. Nous sommes financés par un fonds privé, et nous dépendons de l’#Arab_Center_for_Policy_Studies, le plus prestigieux think tank arabe basé à Doha et qui compte des antennes à Washington, Beyrouth, Amman, Tunis, Madrid et Paris. » Le fondateur du centre, Azmi Bishara, vient plutôt de la gauche laïque. Le conseil d’orientation du Carep Paris est dirigé par Denis Bauchard, un diplomate respecté à la retraite, ayant été ambassadeur, notamment en Jordanie et au Canada.

      Le Carep a également été accusé par Le JDD d’avoir choisi à dessein le 13 novembre, qui coïncide avec le 10e anniversaire des attentats du Bataclan et des terrasses, à Paris, et du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-saint-Denis). La date a en réalité été proposée par l’administration du Collège de France.

      Dans un communiqué annonçant l’annulation de l’événement, dimanche 9 novembre, Thomas Römer a tenu à rappeler la « stricte neutralité de l’établissement au regard des questions de nature politique ou idéologique ». En tant que « responsable de la sécurité des biens et des personnes, ainsi que de la sérénité des événements », il explique par ailleurs n’avoir d’autre choix que de renoncer « face à la polémique, mais aussi aux risques qui se manifestent autour de ce colloque ».

      Le Collège de France a indiqué au Monde, mardi 11 novembre, que le colloque « ne contrevenait pas aux règles générales en matière de #liberté_académique », mais a souligné que « la question de la pluralité des analyses a été publiquement mise en cause par différents acteurs », ce qui aurait suffi à compromettre la tenue de l’événement. « La violence des mises en cause sur les réseaux sociaux nous a fait craindre des risques liés à d’éventuels débordements aux abords et au sein de l’amphithéâtre », ajoute-t-on.

      Henry Laurens, coorganisateur du colloque au titre du Collège de France, est l’historien français le plus reconnu sur le Proche-Orient. Contacté par Le Monde, il a souhaité s’en tenir à son « devoir de réserve et aux strictes règles de la collégialité ». Des proches le disent très affecté par les accusations d’antisémitisme portées par plusieurs polémistes. Une source interne au Collège de France estime que « l’annulation du colloque est désastreuse : elle a causé plus de bruit et de dommages que n’en aurait causé sa tenue ».
      « Tout cela est assez emblématique de ce qui se passe dans le monde académique avec des approches très orientées, un regard très militant sur la question du Proche-Orient », juge, à l’inverse, Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des juifs de France, qui se félicite que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche se soit « largement fait écho du fait que cela dépassait le cadre usuel pour la #recherche_publique ». Dès l’annonce de l’#annulation du colloque, dans un tweet, le ministre, Philippe Baptiste, a en effet salué une « décision responsable d’une institution qui doit symboliser l’excellence du savoir (…) et, pour cela, être le lieu du débat dans toute sa #pluralité, ouvert à tous les courants de pensée ».

      « Je doute que vous soyez en mesure de garantir un débat »

      M. Baptiste n’a pas été un simple spectateur dans cette affaire. Au lendemain de la publication de l’article du Point, il a adressé une lettre à l’administrateur du Collège de France, que Le Monde s’est procurée. Dès les premières lignes, M. Baptiste considère que ce colloque fait l’objet d’une « vive #polémique ». « Sans préjuger des propos qui seront effectivement tenus, je ne peux que constater, à la lecture du programme, un parti pris sur un sujet délicat et fortement polémique », acte-t-il. Avant de mettre en garde M. Römer : « Au vu de ce programme, je doute que vous soyez en mesure de garantir un débat où le pluralisme des idées puisse pleinement s’exprimer. »
      Conscient que son statut de ministre « dans un Etat de droit » lui interdit d’empêcher la tenue d’une manifestation scientifique, Philippe Baptiste poursuit d’une phrase sibylline : « C’est mon rôle de le faire respecter [le code de l’éducation et le principe de liberté académique], et ce y compris dans le contexte de ce colloque, bien que je sois personnellement en profond désaccord avec l’angle retenu par celui-ci. »

      L’entourage du ministre assure au Monde que « c’est la décision exclusive du Collège de France que de choisir d’annuler le colloque » et qu’il n’y a eu « aucune pression » exercée par M. Baptiste. « Un événement comme celui-ci, avec la visibilité qu’il avait acquise au fil des jours, était porteur de risques de troubles à l’ordre public », justifie-t-on sans préciser sous quelle forme auraient pu avoir lieu ces troubles. C’est par « un écosystème de chercheurs, dont certains se sont émus du programme », ajoute-t-on, que le ministre a été informé, le 6 novembre, de la tenue de ce colloque.

      Selon nos informations, un groupe d’universitaires appelé « réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme », structure fédérative associant huit universités et des associations dont la Licra, a produit de nombreux échanges entre les 8 et 10 novembre. Dans cette boucle qui compte des dizaines de membres de sensibilité plutôt pro-israélienne, on affirme que « certains collègues ont lâché la rampe et ne font plus aucune distinction entre leur expertise scientifique et leur #militantisme », qu’ils ont « pris l’habitude de se servir de leurs diplômes et de l’autorité morale qui en émane pour faire passer ce qui est tout bonnement de l’ordre de la #propagande [propalestinienne] ».

      On y évoque aussi la nécessité de prendre des « mesures coercitives pour les faire rentrer dans le cadre ». Enfin, on y raille le débat de clôture du colloque du Carep, qui prévoyait des prises de parole de l’ancien chef de la diplomatie française Dominique de Villepin, de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, et de l’ex-haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell.

      « Accablant »

      Historienne et politiste, directrice de recherche au CNRS, Stéphanie Latte Abdallah devait intervenir au cours de l’une des tables rondes sur « Le sionisme comme projet européen d’expansion coloniale ». Elle confie être « choquée » par cette annulation et balaie tout caractère univoque dans les exposés prévus. « Il s’agit d’un colloque qui a un sujet scientifique, la Palestine et l’Europe, et des intervenants qui sont les meilleurs spécialistes de cette question, explique-t-elle. Les choix scientifiques relèvent des libertés académiques et non de la décision d’un ministre. En revanche, quand un colloque clairement politique est organisé au Sénat, le 10 novembre, par l’organisation israélienne #Elnet, financée par le gouvernement de Nétanyahou, cela ne semble poser de problème à personne. » Un autre intervenant, qui préfère garder l’anonymat, ironise : « Faudra-t-il aussi, à chaque colloque sur Israël, inviter un chercheur présentant le point de vue palestinien ? »

      Quant au panel de clôture, « il était bien séparé de la dimension purement scientifique », précise Mme Latte Abdallah. « Faire intervenir Dominique de Villepin, Josep Borrell et Francesca Albanese était un acte conclusif politico-diplomatique, centré sur des questions de #droit_international par des figures qui le portent, en plein génocide, dans un contexte où il nous oblige plus encore », décrit-elle en soulignant que « tout se passe comme si, au lieu de faire respecter le droit international, il était au contraire devenu une cible et quelque chose de dangereux ».

      Parmi les universitaires, plusieurs dénoncent une censure. D’après le politiste Fabien Jobard, directeur de recherches au CNRS et membre de l’Observatoire des atteintes à la liberté académique, « tout cela est vraiment accablant ». « Le ministre a dérogé au principe de respect de la liberté académique, et il le sait. Dans un même courrier, le ministre dit qu’il est le garant de la liberté académique, mais qu’il se garde d’agir pour la garantir. »

      Alors que le colloque était programmé depuis plusieurs mois, les organisateurs s’étonnent d’un tel revirement. « Sous couvert de garantir la #scientificité, le ministre justifie ainsi une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première : protéger la liberté académique », écrivent dans un communiqué, le 10 novembre, les responsables de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe du Collège de France et le Carep.

      Appel à la démission

      Cette annulation va « créer un précédent dangereux : il suffira désormais d’un article polémique ou d’un tweet ministériel pour censurer un colloque jugé “sensible”. Accuser ces chercheurs d’antisémitisme ou de militantisme revient à disqualifier sans fondement leurs travaux, pourtant validés par leurs pairs et publiés dans les revues scientifiques les plus prestigieuses, alertent-ils. La recherche n’a pas vocation à être équilibrée politiquement : elle doit reposer sur la compétence, la méthode et la probité intellectuelle. »

      « C’est le ministre qui a transformé ce colloque en événement politique, et c’est une première, observe l’une des intervenantes, qui souhaite taire son nom. Cela brouille toute possibilité d’une réflexion scientifique, équitable et compréhensive. On voit monter ce côté trumpiste, c’est comme une restriction de notre périmètre de recherche, alors même qu’il y a une énorme incompréhension du conflit et un manque de culture générale et de connaissance de l’histoire. »

      L’association France Universités, qui réunit les chefs d’établissement, indique avoir découvert « avec stupeur » cette annulation. Dans un communiqué daté du 10 novembre, elle exprime son incompréhension et une « vive inquiétude » à l’égard des libertés académiques. Près d’un millier de chercheurs, enseignants, étudiants ont signé une pétition dénonçant « la volonté délibérée d’empêcher la recherche académique sur Israël-Palestine, dès lors qu’elle contrevient aux cadres intellectuels portés par les soutiens à la politique israélienne », qu’ils jugent « extrêmement préoccupante ». Demandant une « réponse à la hauteur des enjeux », ils appellent à la démission de Philippe Baptiste.

      https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/11/11/comment-le-college-de-france-en-est-venu-a-annuler-un-colloque-scientifique-

    • Annulation du colloque « La Palestine et l’Europe » au Collège de France : « Cette interdiction ouvre la voie à une ère de censure institutionnelle »

      Dans une tribune au « Monde », un collectif de plus de 300 universitaires, parmi lesquels Jean-François Bayart, Judith Butler et Pierre-Cyrille Hautcœur, s’élève contre l’annulation de l’événement. Ils y voient une « atteinte sans précédent à la liberté académique ».

      N ous, membres de la communauté scientifique, chercheurs, enseignants, étudiants et citoyens attachés à l’indépendance du savoir, exprimons notre profonde inquiétude face à l’annulation du colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », initialement prévu au Collège de France.
      Cette décision, prise à la suite d’un article polémique et de pressions directes exercées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, constitue une atteinte sans précédent à la liberté académique en France. Sous prétexte de garantir l’intégrité scientifique, le ministère a légitimé une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première : protéger l’indépendance des universitaires et la pluralité des approches scientifiques.

      Issus d’universités prestigieuses telles que l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), la School of Oriental and African Studies de Londres, l’université d’Amsterdam, l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et le Centre national de la recherche scientifique, à Paris, ou la Queen Mary University of London, les intervenants ont été injustement discrédités, sur la base d’amalgames et d’accusations infondées. Leur compétence, leur rigueur et la reconnaissance internationale de leurs travaux ne sauraient être effacées par des campagnes de dénigrement.
      Des principes mis en péril
      La recherche n’a pas vocation à plaire ni à se conformer à un « équilibre politique » dicté par le pouvoir. Elle repose sur la méthode, la critique, le débat argumenté, des principes aujourd’hui mis en péril. En confondant évaluation scientifique et contrôle idéologique, cette interdiction ouvre la voie à une ère de censure institutionnelle, où des calomnies médiatiques suffiraient à bâillonner la réflexion universitaire.

      Nous refusons que la France suive cette pente. Nous refusons que le Collège de France devienne le réceptacle d’une telle dérive. Nous affirmons que la mission des universités et des institutions de recherche n’est pas de conforter le pouvoir, mais d’éclairer la société.
      Nous appelons le Collège de France à revenir sur sa décision et à garantir la tenue de ce colloque dans le respect de la liberté intellectuelle. Nous appelons le ministère à honorer son devoir de protection de la recherche, non à en devenir le censeur. Et nous appelons la communauté scientifique tout entière, en France et en Europe, à défendre fermement le principe fondateur de toute science : le droit de penser librement.
      ¶Parmi les signataires : Michel Agier, anthropologue, directeur d’études EHESS ; Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po ; Frédéric Bauden, professeur à l’université de Liège ; Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID (Genève) ; Sophie Bessis, historienne ; Karim Emile Bitar, enseignant à Sciences Po ; Judith Butler, professeure distinguée à l’université de Californie ; Bernard Chazelle, professeur à Princeton ; Delphine Dulong, professeure à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; François Héran, professeur honoraire au Collège de France ; Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS ; Michel Kaplan, président honoraire de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Catherine Mayeur-Jaouen, professeure d’histoire contemporaine à Sorbonne Université ; Maurice Sartre, professeur honoraire à l’université de Tours. Liste complète des signataires à retrouver ici : https://docs.google.com/document/d/1p3GSo7mWGeE_0kWoqF_PcYMicwkzm9wK/edit

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/11/11/interdiction-du-colloque-la-palestine-et-l-europe-au-college-de-france-cette

    • Colloque annulé au Collège de France : les manœuvres d’universitaires pro-Israël

      L’interdiction du colloque « Palestine et Europe » qui devait se tenir au Collège de France les 13 et 14 novembre suscite de nombreuses réactions. Entre stupéfaction et dénégation, le temple du savoir vacille. Comment une telle décision, portant une si grave atteinte à la liberté académique et d’enseignement a-t-elle été prise ? Le Collège de France et son administrateur ont fait l’objet de pressions orchestrées notamment par un collectif d’avocats, en coordination avec un réseau de chercheurs, le #RRA (#Réseau_de_recherche_sur_le_racisme_et_l’antisémitisme), qui a largement échangé par courriels pour parvenir à ses fins. Nous avons pu consulter ces échanges, dont la lecture révèle une entreprise coordonnée de délégitimation, de délation et d’influence.

      « Nous avons adressé un courrier à l’administrateur du Collège de France, plus copie au ministre de l’Enseignement, hier par e-mail. J’imagine que notre courrier et toutes les autres initiatives ont permis cette annulation. Bravo à tous. #Déborah_Journo »

      Par ce mail triomphal, l’avocate Déborah Journo s’enorgueillit d’avoir contribué à l’annulation du colloque « La Palestine et l’Europe », coorganisé par l’historien Henry Laurens et le Centre arabe de recherches et d’études de Paris (Carep Paris), qui devait se dérouler au Collège de France les 13 et 14 novembre et qui vient d’être déprogrammé par Thomas Römer - l’administrateur de ce prestigieux établissement.

      Le message de l’avocate est adressé à une centaine d’universitaires, regroupés sous le nom de RRA, Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme. Cette structure a été créée en 2019 et a son siège et sa direction à l’université de Picardie. Elle se présente comme un « dispositif contractuel » regroupant « des unités de recherche rattachées à différents partenaires » publics et privés. La plaquette énumère : « Universités, CNRS, associations, institutions publiques ou privées. » Ce RRA se propose de fédérer « les unités de recherche et laboratoires », de renforcer « les synergies » et d’organiser des colloques. Sa direction revendique environ 500 membres, qui communiquent beaucoup entre eux.

      Dans la boucle de mails, des membres du réseau jubilent après l’interdiction du colloque du Collège de France :

      « Je ne boude pas le plaisir de voir ce colloque annulé », lâche une chercheuse (#Danielle_Delmaire, de l’université de Lille).

      « Bravo... j’ose espérer que cela puisse nous servir au sein de nos établissements pour faire jurisprudence. Vaillamment », ajoute une autre, tout aussi satisfaite (#Véronique_Benzaken, Paris-Saclay).

      D’autres encore espèrent que la punition fera office d’avertissement : « L’idée d’inviter des politiques dans un colloque académique – fût-il orienté, malfaisant et non pluraliste – tentera moins de personnes. » (#Paul_Audi, Paris-Descartes).
      Lobby

      Pour bien comprendre ce qui se joue dans ces échanges, il faut remonter au 7 novembre dernier.

      Ce jour-là, l’hebdomadaire Le Point publie un article de son rédacteur en chef #Erwan_Seznec dénonçant la tenue, « au Collège de France », de ce que ce magazine appelle un « colloque propalestinien à haut risque », qui « réunira », selon Seznec, « des personnalités aux positions radicales ».

      L’article provoque une nouvelle panique morale dans le monde politique et médiatique, mais aussi universitaire : au sein du groupe RRA, on perçoit le colloque comme « un autre signe du basculement progressif dans la légitimation et la banalisation des actions antijuives sous couvert d’antiracisme et d’anticolonialisme » - dixit le politologue retraité Pierre-André Taguieff.

      Ce samedi 8 novembre, l’avocate Déborah Journo explique aux universitaires du RRA qu’elle écrit au ministre de l’enseignement pour « dénoncer ce colloque au sein d’un établissement public sous sa tutelle ». Le colloque est annulé et, deux jours plus tard, l’avocate se félicite de l’efficacité de son action.

      Déborah Journo est avocate, elle déclare sur LinkedIn « consacrer l’essentiel de [son] activité à des actions de lobbying auprès du gouvernement, des institutions, des ONG ». Elle est également signataire d’une tribune publiée en août dernier, et sobrement titrée : « Non, il n’y a pas de génocide à Gaza. » Après le 7-Octobre, elle a fondé l’association Actions Avocats, qui mène des actions de lobbying ou des actes juridiques notamment pour défendre « toutes les victimes du racisme, de l’antisémitisme et du terrorisme ».

      Le Collège de France, temple du savoir et de la rigueur scientifique, aurait-il été influencé par l’action de l’avocate lobbyiste ? C’est en tout cas ce dont se targue l’intéressée.

      Rappelons qu’officiellement, c’est au nom de la « sérénité des débats » et du « respect de l’intégrité scientifique » que le colloque qui devait se tenir les 13 et 14 novembre a été annulé par l’administrateur du Collège de France Thomas Römer.

      Pour le chercheur à l’origine du colloque, Henry Laurens, c’est bien « la question de la liberté académique qui est en jeu ». Il exprime des réserves quant à la possibilité de pouvoir encore l’exercer à l’avenir : « Il y a déjà un colloque qui est prévu sur Gaza avec mon collègue Didier Fassin. Au mois de décembre, on verra pour ce colloque-là. »

      #Dénigrement

      Les membres du groupe d’universitaires constitué autour de RRA tiennent des propos dénigrants et calomniateurs à l’égard de leurs collègues investis dans les études autour de la Palestine. Paul Audi écrit par exemple :

      « Personnellement je crois ces gens capables de tout. Il y a un an j’ai fait une émission de radio face à Henry Laurens, et je l’ai vu accumuler des contre-vérités et des mensonges en s’abritant derrière son “autorité”. C’était ahurissant. Ce professeur n’est pas autre chose qu’un militant. »

      Le sérieux méthodologique des enseignants et chercheurs ainsi incriminés est sans cesse remis en cause. Ils sont accusés d’être avant tout des militants, au mieux négligents sur le plan scientifique, au pire antisémites. « De Didier Fassin à Henry Laurens et quelques autres, académo-militants qui occupent le terrain, le Collège de France est en passe de devenir le Collège de la France antijuive », écrit très sérieusement #Pierre-André_Taguieff.

      « Il ne faut pas se tromper de sujet. Il faut avoir balayé le programme de ce colloque […] pour mesurer à quel point il n’a rien à voir avec le périmètre académique et pourquoi il s’agit effectivement d’un meeting », estime quant à lui l’historien Emmanuel Debono.

      Délation, fichage, calomnies : la chasse est ouverte

      Dans ce climat d’insultes et de dénigrement, certains échanges entre universitaires les mieux gradés laissent apparaître une véritable #chasse_aux_sorcières visant les chercheurs travaillant sur les questions palestiniennes, au-delà du seul cas du colloque au Collège de France.

      Le samedi 8 novembre 2025, le directeur de Sciences Po Strasbourg, Emmanuel Droit, s’inquiète de l’invitation, dans son IEP, de la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah. Ne pouvant, dit-il, « pas faire grand-chose en interne », il écrit à son réseau afin d’obtenir des informations qui lui serviraient à prévenir la présidence de l’université de Strasbourg contre cette historienne et anthropologue : « Que savez-vous à propos de Stéphanie Latte-Abdallah ? [...] Si jamais vous avez des infos sur cette chercheuse du CNRS me permettant d’alerter la présidence de l’Unistra, je vous en serai reconnaissant. »

      Les réponses aux relents nauséabonds ne tardent pas : « Clairement militante pro-palestinienne étant elle-même d’origine palestinienne Tte sa production universitaire est là-dessus Ses interventions aussi » (#Régine_Waintrater, Paris-Cité).

      La qualité de chercheuse de Stéphanie Latte Abdallah est également attaquée dans ce climat calomniateur qui règne dans le groupe RRA : « Elle fait toutes ces déclarations douteuses dans les médias, clairement pas scientifiques, a-historiques et non vérifiées », écrit #Évelyne_Chayes (CNRS).

      Enfin l’initiateur de cette traque, #Emmanuel_Droit, répond : « Merci oui en faisant des recherches, je viens de voir qu’elle n’a que le mot génocide à la bouche.... »

      Un informateur confie à Blast que ces personnes, importantes au sein de la hiérarchie du monde universitaire, exercent une influence considérable, capable de museler les voix contestataires : « Ils ont beaucoup de pouvoir. Ils ont beaucoup de moyens d’intimider les autres. Donc, il y a beaucoup de gens qui se taisent par #peur. » De plus, « ils ne veulent pas que tout ce qui est relatif à la reconnaissance du génocide puisse être audible », analyse une autre source.

      Un autre encore nous indique que « sous une apparence et des valeurs républicaines et de laïcité, il se joue beaucoup d’ostracisme et un double discours qui s’est envenimé après le 7 octobre en soutenant Israël mais sans jamais le revendiquer vraiment ».

      Dans une autre boucle de mails, un historien propose de constituer, avec l’aide du réseau RRA, des fiches sur les intervenants du colloque annulé sur la Palestine : « Je souhaite constituer un petit groupe de volontaires pour travailler sur l’épluchage des bios de ces intervenants. Il faut du pédigrée et du verbatim, et constituer la revue de presse accablante que cet aréopage mérite. Merci de me contacter si vous souhaitez réfléchir et mettre en œuvre, rapidement, ce travail de salubrité publique. Bien à vous, Emmanuel Debono. »

      Connivences politiques

      Plusieurs membres du RRA se félicitent en outre d’avoir influencé la position de ministres dans une décision aussi sensible que celle de l’annulation du colloque prévu au Collège de France.

      L’une de ces membres, #Déborah_Levy, écrit ainsi le 9 novembre : « Les ministres Aurore Bergé et Philippe Baptiste, prévenus depuis jeudi dernier (les alertes que vous faites remonter ici sont donc précieuses), ont demandé à l’administrateur du Collège de France d’annuler ce colloque, eu égard au risque élevé de trouble à l’ordre public et afin de garantir la sécurité des personnes. »

      À plusieurs reprises, les liens de proximité et de courtoisie entre ces universitaires et l’exécutif apparaissent au fil des échanges. Le 1er novembre, #Isabelle_de_Mecquenem (université de Champagne-Ardenne) évoque ainsi « une invitation à échanger avec le ministre de l’Enseignement supérieur », avant de préciser que la rencontre n’aura finalement pas lieu en raison de « l’instabilité politique ».

      À la lecture des échanges, une inquiétude sourde de voir leur #responsabilité engagée dans la décision d’interdire le colloque apparaît chez certains membres du RRA : « Chers amis, Aucun d’entre nous n’est responsable de l’annulation du colloque. A ma connaissance, en tout cas, nous n’avons pas demandé une telle chose. Comme beaucoup d’autres, nous avons fait état de notre effarement devant la programmation d’un meeting politique au Collège de France, où il ne faisait aucun doute que les échanges “scientifiques“ annoncés étaient de la poudre aux yeux. Albanese ? Villepin ? Peut-être en invitée surprise aurions-nous vu monter à la tribune Rima Hassan… »

      On retiendra de cette histoire qu’un colloque organisé avec et par des personnalités et des scientifiques confirmés et respectés, tels que Salam Kawakibi - directeur du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris - ou encore Henry Laurens, a pu être interdit entre autres sous la pression d’un #lobbying d’universitaires aux positions ouvertement favorables au gouvernement d’Israël.

      D’autre part, cet événement confirme la volonté d’empêcher la tenue de manifestations scientifiques consacrées à l’histoire de la Palestine, lorsqu’elles ne sont pas agréées par les milieux pro-israéliens. Plus grave encore, les participants font l’objet de manigances et malveillances susceptibles d’affecter leur carrière universitaire.

      La LDH, (Ligue des droits de l’Homme) dans un communiqué publié hier soir, résumait la situation en ces termes : « Cette décision interroge sur l’exercice de la liberté académique et la nécessaire diffusion auprès des citoyens du travail scientifique. (...) Les chercheurs doivent pouvoir librement, indépendamment de toutes pressions directes ou indirectes, organiser des événements scientifiques sur le thème, sous le format et les modalités qui leur paraissent appropriés. »

      Contactée ce mardi 11 novembre au sujet de l’implication du RRA dans l’annulation du colloque, #Céline_Masson, la directrice de la structure universitaire, n’a pas souhaité répondre à nos questions : elle a tenu à préciser que le RRA n’avait aucun lien avec l’annulation du colloque.

      https://www.blast-info.fr/articles/2025/colloque-annule-au-college-de-france-les-manoeuvres-duniversitaires-pro-i

  • Wikipédia:Lettre ouverte : non à l’intimidation des contributeurs bénévoles — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Lettre_ouverte_:_non_%C3%A0_l%27intimidation_des_contri

    Samedi 15 février, après avoir contribué à l’article de #Wikipédia consacré au journal #Le_Point, FredD, #contributeur bénévole de Wikipédia depuis 18 ans, auteur de plus de 30 000 modifications, a eu la très désagréable surprise de recevoir un courriel envoyé depuis l’adresse professionnelle d’#Erwan_Seznec, journaliste au #Point, qui comportait notamment les propos suivants : « Nous allons faire un article sur vous, sur notre site, en donnant votre identité, votre fonction, en sollicitant une réaction officielle de [l’employeur supposé de FredD]. » Le même #journaliste a également obtenu le numéro de téléphone personnel de FredD et l’a contacté par ce biais.

  • Dans leur brûlot contre l’écologie politique, Woessner et Seznec se prennent les pieds dans le tapis
    https://splann.org/seznec-woessner-les-illusionnistes

    Dans Les Illusionnistes, publié cet automne, #Géraldine_Woessner et #Erwan_Seznec dénoncent les « conséquences, sous-estimées, [...] parfois loufoques, mais trop souvent dramatiques », de l’écologie politique. « Splann ! » a lu le livre. Et décerne haut la main, le premier « Splâne d’or » aux journalistes du Point. L’article Dans leur brûlot contre l’écologie politique, Woessner et Seznec se prennent les pieds dans le tapis est apparu en premier sur Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne.

    #La_vie_de_« Splann !_ » #Splâne_d'or