• A Los Angeles, le couvre-feu est levé mais la garde nationale reste déployée dans l’attente d’une décision de justice
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/18/a-los-angeles-le-couvre-feu-est-leve-dans-l-attente-d-une-decision-de-justic

    A Los Angeles, le couvre-feu est levé mais la garde nationale reste déployée dans l’attente d’une décision de justice
    Le calme est revenu dans la mégapole californienne, tandis que le gouverneur de Californie tente de reprendre le contrôle de la garde nationale envoyée par Donald Trump face aux manifestants contestant sa politique migratoire.
    Le Monde avec AFP
    Le couvre-feu instauré dans le centre-ville de Los Angeles aura duré une semaine. La maire de la mégapole californienne, Karen Bass, a décidé, mardi 17 juin, de lever cette mesure exceptionnelle lancée le 10 juin pour mettre fin aux violences et aux dégradations constatées lors de manifestations contre la politique de Donald Trump. L’indignation d’une partie de la population était née d’une vague d’interpellations musclées de sans-papiers par la police de l’immigration (ICE).
    Le président américain a alors accusé les autorités locales démocrates d’avoir perdu le contrôle de la ville, et a envoyé 4 000 soldats de la garde nationale de Californie, ainsi que 700 militaires des marines. Une décision largement dénoncée par les responsables locaux, qui ont accusé Donald Trump d’instrumentaliser la situation.
    Malgré des images spectaculaires de voitures de taxis sans chauffeur incendiés, des pillages et des heurts avec la police, les incidents se sont concentrés sur quelques rues du centre-ville. Le couvre-feu nocturne décidé par la maire démocrate couvrait à peine 13 km² de cette ville tentaculaire. Cette mesure « a largement contribué à protéger les magasins, les restaurants, les entreprises et les communautés résidentielles contre les malfaiteurs qui se moquent du sort de la communauté immigrée », a estimé la démocrate mardi, en annonçant sa levée.
    Depuis ce week-end, où la marche « No Kings » (« Pas de rois ») a vu des milliers de personnes protester dans le calme, la tension est largement retombée à Los Angeles. Mardi, le centre-ville était peuplé de passants circulant au milieu de nombreux commerces encore barricadés et parfois recouverts de graffitis. Mais la maire s’est dite prête « à réinstaurer » un couvre-feu si besoin.
    En intensifiant son offensive anti-immigration à Los Angeles, Donald Trump s’est attaqué à la Californie, Etat sanctuaire pour les sans-papiers, avec une importante population immigrée. Son déploiement de la garde nationale, sans le consentement du gouverneur de l’Etat – qui a aussi autorité sur ce corps militaire – est une première depuis 1965 aux Etats-Unis.
    Le gouverneur, Gavin Newsom, a dénoncé une manœuvre autoritaire et lancé une procédure judiciaire pour en récupérer le contrôle. La semaine dernière, un juge fédéral lui a donné raison, en estimant ce déploiement illégal et que la violence constatée, limitée à quelques quartiers, est « bien loin » de la « rébellion » invoquée par le gouvernement fédéral. Mais l’exécution de sa décision a immédiatement été repoussée, le temps qu’une cour d’appel de San Francisco puisse examiner l’appel du ministère de la justice.
    Une trentaine de personnes poursuivies
    Lors d’une audience devant la cour mardi, le représentant du ministère, Brett Shumate, a affirmé que les « membres de la garde nationale sont essentiels » à Los Angeles. Leur mission est de « protéger les bâtiments fédéraux contre de nouvelles violations et des émeutes violentes impliquant des feux d’artifice, des cocktails Molotov et des morceaux de béton lancés sur les agents » de la police de l’immigration, a-t-il insisté, en rappelant qu’ils n’ont « pas de mission de maintien de l’ordre ».
    De son côté, le représentant de la Californie, Samuel Harbourt, a déclaré que les forces de l’ordre locales « font leur travail » et gèrent la situation. La police de Los Angeles a effectué près de 600 arrestations depuis le début des manifestations et, mardi, le procureur local a annoncé des poursuites contre une trentaine de personnes.Dans ces conditions, le déploiement de la garde nationale est une « mesure extrême » et injustifiée, selon M. Harbourt. Elle risque « d’aggraver encore les tensions et le risque de violence dans la ville de Los Angeles ». Attendue dans les prochains jours, la décision de la cour d’appel sera scrutée de près. L’affaire aura des conséquences importantes sur le pouvoir d’un président américain pour utiliser l’armée sur le sol national, et pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême, à majorité conservatrice. « Je suis convaincu que le bon sens prévaudra ici », a estimé, mardi, M. Newsom, dans un communiqué en marge de l’audience. « L’armée américaine a sa place sur le champ de bataille, pas dans les rues américaines », a ajouté le gouverneur démocrate.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#ICE#politiquemigratoire#immigration#droit#sante#californie

  • « Fière d’avoir la peau brune » : à Los Angeles, le sursaut de solidarité de la jeunesse latino
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/15/fiere-d-etre-brune-a-los-angeles-le-sursaut-de-solidarite-de-la-jeunesse-lat

    « Fière d’avoir la peau brune » : à Los Angeles, le sursaut de solidarité de la jeunesse latino
    Par Corine Lesnes (Los Angeles, envoyée spéciale)
    Les jeunes latinos ont montré samedi 14 juin à Los Angeles qu’ils n’avaient pas peur de descendre dans la rue pour défendre leur communauté. Donald Trump est prévenu. « Tu t’attaques à la mauvaise génération », lançait une pancarte brandie par une étudiante d’ascendance mexicaine, dans le rassemblement organisé dans la deuxième ville du pays.
    Dans tout le pays, la « No Kings day » (« la journée sans roi »), a dépassé les attentes. Le groupe 50501, l’un des organisateurs, a estimé le nombre des manifestants à 11 millions dans plus de 2000 localités. A Los Angeles, quelque 20 000 personnes se sont pressées dans Downtown, le centre-ville, entre la mairie et le Centre de détention fédéral où sont conduits les sans papiers arrêtés depuis le 6 juin. Une autre Amérique existe. Au premier rang, celle des jeunes issus de l’immigration.
    Les jeunes sont venus en force. En groupe, avec banderoles et drapeaux, dans une atmosphère pleine d’énergie et de klaxons. L’un porte le jersey de l’équipe mexicaine de foot. Un autre sa planche de surf, barrée d’une inscription réclamant le départ de la police de l’immigration du paysage de Los Angeles, et celui de Trump, de Washington.La génération L.A est dans la rue, par solidarité. Au nom des parents, des grands-parents, et de tous ceux qui n’ont pas, comme elle, la chance d’être protégés par leur passeport américain. « Les jeunes manifestent pour défendre les droits de leurs parents, explique un étudiant d’origine péruvienne. Pour nous, c’est très personnel. »
    Angie Larroque, une patissière de 34 ans, est « fière d’avoir été élevée par des immigrants ». Elle rend hommage à leur parcours. « Pour que ce qu’ils ont enduré ne soit pas oublié. » Hector explique qu’il essaie de « donner une voix » à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Ceux que les raids de l’ICE, la police de l’immigration, ont contraint à se terrer chez eux, qui ne vont plus au travail et envoient les enfants faire les courses à leur place.
    Selon une étude de 2020 de l’Université de Californie du Sud, la ville compterait près de 900 000 immigrés sans papiers, dont beaucoup installés aux Etats-Unis depuis plus de dix ans. Près d’une personne sur cinq vit dans une famille dont un membre au moins est en situation irrégulière.
    Assis sur l’herbe, dans le Parc Gloria Molina, l’espace vert au pied de la mairie, nommé d’après la première latina conseillère municipale de la ville, trois filles et un garçon venus de la localité de Pomona, mettent la dernière touche de feutre à leurs pancartes. L’une s’inquiète de la détresse américaine. « Can we fix our nation’s broken heart ? » (« Pouvons-nous réparer le cœur brisé de notre nation ? »), titre d’une chanson de Stevie Wonder. « Il y a toujours eu des expulsions. Mais il faut que cela soit fait dans la dignité », plaide Derrick, 28 ans, en masters de sociologie.
    Nicole (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), 23 ans, explique pourquoi certains membres de sa famille sont toujours en situation irrégulière, après plus de vingt ans aux Etats-Unis. « Cela prend des années pour obtenir une régularisation. Il faut payer un avocat. » Ses parents ont investi d’abord dans leur maison et, elle leur en est « reconnaissante », dans son éducation. Régulièrement, les élus du Congrès promettent d’ouvrir « une voie vers la citoyenneté » aux plus de 11 millions de sans papiers mais la réforme n’a jamais été adoptée. On en est plus loin que jamais. « Les gens sont arrêtés alors qu’ils sont au palais de justice pour leur convocation », s’indigne Jessica, 23 ans.
    En s’en prenant aux migrants, Donald Trump s’attaque à une ville dont 36 % des habitants sont nés hors des Etats-Unis. Où « tous les pays du monde, tous sans exception » sont représentés, affirmait vendredi la maire, Karen Bass, en plaidant une nouvelle fois pour l’arrêt des raids indiscriminés menés par la police de l’immigration.
    Dans le comté de Los Angeles, plus de 2 millions d’habitants ont moins de 25 ans. Face à des discours qui les ostracisent, les jeunes latinos ne craignent pas de revendiquer leur identité. Ils sont Américains, la peur a changé de camp. Une fille affiche sur son T-shirt sa « fierté d’avoir la peau brune ». Une autre vante son « héritage mexicain ». Charlie Mejia, instructeur de boxe dans un club de fitness, porte haut son affiche en lettres majuscules : « Ça se prononce Los Angeles », une manière de rappeler où l’administration Trump est venue semer le chaos : dans une ville qui porte la mémoire mexicaine dans ses noms de rues, sa culture, et considère que les hommes n’ont jamais traversé une frontière. « C’est la frontière qui les a traversés », comme l’écrit le journaliste Enrique Acevedo, dans le Washington Post.
    Tous les drapeaux sont de sortie, à commencer par le mexicain, qui donne de l’urticaire aux républicains. Une bannière qui se veut le signe de la résistance à « l’effacement » souhaité par la droite et propagé par les généralisations venimeuses de Donald Trump – qui dès 2016 qualifiait les Mexicains de « violeurs ». « Non, à la stigmatisation de toute une population, s’indigne Mark Gonzalez, membre de l’assemblée de Californie. D’accord, nous sommes dans la construction, dans la restauration. Mais nous sommes aussi médecins, professeurs et élus politiques », disait-il au lendemain de l’humiliation infligée à Alex Padilla, le premier latino à représenter la Californie au Sénat, expulsé manu militari d’une conférence de presse tenue par Kristi Noem, la secrétaire à la sécurité intérieure.
    La surprise, c’est la présence en nombre de drapeaux américains. Il est vrai que ce 14 juin est dit « flag day », la célébration annuelle de la bannière étoilée et que les organisateurs en ont distribué à la foule. Il y a d’autres drapeaux, encore. Le Salvadorien, bleu et blanc, tout comme le Nicaraguayen. Un grand costaud porte même les bannières de Guam et de Samoa sur une perche. « On ne pouvait pas ne pas venir manifester », dit Jeremy le surfeur. C’est l’identité de Los Angeles qui est attaquée.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#californie#ICE#politiquemigratoire#expulsion#latino#sante

  • Manifestation à New York contre la politique migratoire de Trump
    https://www.dakaractu.com/Manifestation-a-New-York-contre-la-politique-migratoire-de-Trump_a262249.

    Manifestation à New York contre la politique migratoire de Trump
    « Pas de haine, pas de peur, les immigrants sont les bienvenus ». Quelques milliers de personnes ont marché mardi en début de soirée dans les rues de New York pour protester contre la politique migratoire de Donald Trump, selon une équipe de l’AFP sur place.
    Les manifestants, incluant de nombreux jeunes, se sont réunis au Foley Square, une place près de tribunaux d’où des migrants ont été arrêtés vendredi dernier par les forces de l’ordre, pour marcher dans le sud de Manhattan. « ICE, hors de New York », pouvait-on lire sur de nombreuses affiches en référence à la police fédérale de l’immigration qui multiplie les arrestations de migrants ou demandeurs d’asile ces dernières semaines aux Etats-Unis, prélude par ailleurs à des heurts musclés à Los Angeles.
    « Je suis ici pour défendre ceux qui ne peuvent pas faire entendre leur voix ici », a expliqué à l’AFP une femme dans la vingtaine née aux Etats-Unis d’une mère mexicaine sans statut officiel. « Franchement, ce pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans les immigrés. Je suis ici pour eux », a-t-elle ajouté en requérant l’anonymat.
    « La peur est là au quotidien, dès le premier jour où ils sont venus ici et ont traversé la frontière. Chaque jour, quand ils vont travailler, ils ont peur d’être arrêtés et que la moindre petite chose puisse entraîner leur expulsion », a-t-elle poursuivi.
    Plusieurs manifestants avaient le visage couvert afin de ne pas être identifiés et subir de possibles représailles, tandis que d’autres affichaient des drapeaux palestiniens. « Je suis ici pour défendre l’immigration, m’opposer au ICE et soutenir la Palestine libre. Toutes ces luttes sont liées entre elles », a dit à ce propos Cara, 23 ans.
    « J’ai peur pour les miens. Je ne veux pas vivre dans une société où j’ai peur pour la santé de ma famille ou d’autres familles », a raconté Jacqueline, une Américaine de 23 ans d’origine mexicaine.
    La situation dans la première ville américaine est jusqu’à présent plus calme qu’à Los Angeles où ont lieu depuis vendredi des affrontements entre forces de l’ordre et des manifestants opposés aux expulsions musclées de sans-papiers.
    Le président américain Donald Trump a déployé à Los Angeles des milliers de soldats, dont 700 Marines, des militaires d’active, contre l’avis des autorités californiennes qui estiment que la situation est sous contrôle. « New York sera toujours un lieu de manifestation pacifique, mais nous n’allons pas tolérer la violence et l’anarchie », a déclaré mardi le maire de la ville, Eric Adams qui a dit compter non pas sur l’armée mais la police locale, le NYPD, qui est « parée à toute éventualité ».

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#newyork#expulsion#droit#sante#ICE

  • A Los Angeles, les habitants sans papiers terrifiés par les rafles : « Je pensais qu’ils cherchaient les criminels »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/11/a-los-angeles-la-peur-des-rafles-je-pensais-qu-ils-cherchaient-les-criminels

    A Los Angeles, les habitants sans papiers terrifiés par les rafles : « Je pensais qu’ils cherchaient les criminels »
    Par Corine Lesnes (Los Angeles, envoyée spéciale)
    Elle est prostrée, sur un banc de Grand Park, à l’écart de la manifestation. Noemi Ciau est sans nouvelles de son mari depuis déjà plus de vingt-quatre heures. Jesus Cruz a été arrêté, dimanche 8 juin, à la station de lavage auto de Westchester, près de l’aéroport de Los Angeles, où il travaillait depuis dix ans. Elle n’a pas encore prévenu le dernier de leurs quatre enfants. Sur la pancarte que quelqu’un a donnée à la mère de famille, il est écrit que la police de l’immigration (ICE) n’est pas la bienvenue à Los Angeles, ville de près de 4 millions d’habitants, dont une moitié de Latino-Américains, et que « nul être humain n’est illégal ». Elle porte le panneau, à l’envers, mécaniquement, tête baissée. « Je voudrais juste savoir où ils l’ont emmené », murmure-t-elle.
    Jesus Cruz, 51 ans, vivait à Los Angeles depuis trente ans. Il était environ 15 heures, dimanche, quand un véhicule banalisé a déposé les agents de l’immigration à la station de lavage. Sept employés ont été emmenés. Noemi Ciau n’ignorait pas que le gouvernement de Donald Trump avait décidé de s’en prendre aux sans-papiers. Elle n’avait jamais vraiment eu de craintes pour son mari, malgré son absence de papiers en règle. Elle pensait que la police « cherchait les criminels ». Ce même dimanche, Arturo Vasquez, 48 ans, faisait laver sa voiture dans un autre car wash, à Culver City. Il n’y travaillait pas, il n’était qu’un client. Il a été arrêté devant ses enfants. Avant d’être menotté, il a demandé à l’un de ses fils, Brian, 16 ans, de lui promettre de s’occuper de son frère et de leur mère. Deux jours plus tard, la famille ne savait toujours pas où il était détenu.
    Au cinquième jour des raids de la police de l’immigration dans l’agglomération de Los Angeles, le scénario est devenu familier. Des habitants, établis de longue date dans une ville qui se fait une fierté de sa diversité, sont brusquement séparés de leur famille, victimes d’un système qui a toléré leur présence pendant des décennies sans parvenir à une régularisation de leur situation, faute de consensus des responsables politiques.
    Sans prévenir, l’ICE débarque à l’endroit ciblé, parfois dans des véhiculés banalisés, pour éviter que sa présence soit immédiatement relayée sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, elle s’est attaquée aux stations de lavage de voitures, confirme Flor Rodriguez, du Clean Car Wash Worker Center, une association qui lutte contre l’exploitation des quelque 10 000 carwasheros de Los Angeles.
    La police de l’immigration est aussi intervenue dans une bibliothèque à Whittier, dans le sud-est de la ville, et dans des entreprises. La chaîne de magasins de bricolage Home Depot est l’une de ses cibles. Les journaliers ont l’habitude de s’y regrouper pour trouver du travail. Selon The Wall Street Journal, c’est Stephen Miller, architecte de la politique d’expulsion de Donald Trump, qui leur a conseillé de viser cet établissement populaire parmi les ouvriers de la construction.
    La Coalition for Humane Immigrant Rights a recensé des opérations dans une maison de retraite, une boutique de donuts ou la fabrique de vêtements Ambiance. A l’école élémentaire Gratts Learning Academy, dans le quartier de Westlake du centre de Los Angeles, la rumeur a couru d’une rafle imminente, des véhicules de police ayant été aperçus sur un parking voisin. Les parents se sont dispersés, les enfants sont restés désemparés. La population est terrifiée, s’est désolée Karen Bass, la maire démocrate de Los Angeles : « Les gens ne savent pas s’ils doivent aller travailler, aller à l’école. » Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a dénoncé, lui aussi, la cruauté des rafles. « Ils ont arrêté des cuisiniers, des couturières, des laveurs de vaisselle. Ils traumatisent nos communautés, s’est-il indigné. Cela semble être [leur] but. »
    La maire de Los Angeles, Karen Bass, lors d’un rassemblement organisé contre les raids de la police de l’immigration à Grand Park, Los Angeles, le 10 juin 2025.
    La police a annoncé que 45 personnes avaient été arrêtées dans la journée de dimanche. Lundi, cinq raids ont eu lieu. Les ONG de défense des migrants estiment à une centaine le nombre d’interpellations depuis le 6 juin. Un bilan plutôt maigre, compte tenu des moyens déployés. Lundi, le Pentagone a chiffré à 134 millions de dollars (117 millions d’euros) le coût du déploiement des 700 marines dépêchés de la base de Twentynine Palms, dans le désert californien.
    La Californie a été le premier Etat à se déclarer en totalité « sanctuaire » pour les migrants, un terme correspondant à une politique de protection codifiée par la loi sur les valeurs californiennes de 2017. Elle limite la coopération entre forces locales et agences fédérales pour les expulsions, sauf pour crimes graves. Les migrants en situation irrégulière se sont habitués à une réelle impunité concernant leur situation administrative. Ils paient des impôts, leurs enfants sont, pour la plupart, américains.
    Les descentes de police ont créé un choc encore plus important qu’ailleurs, comme en témoigne l’ampleur de la mobilisation pour faire reculer la police. Lundi, la municipalité de Glendale, au nord de Los Angeles, a préféré résilier un contrat qui la liait depuis dix-huit ans avec l’ICE pour héberger des migrants en attente d’expulsion. Les responsables scolaires ont, eux, annoncé qu’ils allaient protéger les écoles à l’approche des cérémonies de fin d’année.
    Grâce aux réseaux sociaux, les images circulent ; choquantes, comme celle d’une future mère bousculée par un policier ; déchirantes, comme celles montrant des mères de famille refusant de toutes leurs forces de monter dans les véhicules policiers. A chaque fois, le contraste est saisissant entre les migrants, désarmés, en tee-shirt, robe, sandales, et les agents de l’ICE en tenue de combat. La mission a changé, a dénoncé Karen Bass. « Au début, il était question de criminels violents, de trafiquants de drogue. Je ne sais pas comment ça peut coller avec ces images que l’on voit maintenant de gens courant sur les parkings de Home Depot. »
    Au début de sa campagne d’expulsion, la Maison Blanche estimait avoir marqué des points dans l’opinion en montrant des « criminels » menottés par-delà leurs tatouages, accusés d’être membres de gangs vénézuéliens. Aujourd’hui, elle risque d’en perdre avec ses rafles organisées devant les établissements scolaires et les magasins de bricolage.

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  • A Los Angeles, les syndicats en première ligne pour défendre les migrants
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/10/a-los-angeles-les-syndicats-en-premiere-ligne-pour-defendre-les-migrants_661

    A Los Angeles, les syndicats en première ligne pour défendre les migrants
    Par Corine Lesnes (Los Angeles, envoyée spéciale)
    Dans le centre de Los Angeles, la mobilisation semble chaque jour monter davantage contre les raids de la police de l’immigration et le déploiement de la garde nationale. « C’est notre ville, ce sont nos rues, explique Elizabeth Strater, vice-présidente du syndicat des ouvriers agricoles United Farm Workers. On ne va pas laisser faire sans réagir. » Les syndicalistes manifestaient, lundi 9 juin, aux pieds de la mairie de Los Angeles, sous les jacarandas de Grand Park. Ils étaient plus d’un millier, aux couleurs de leurs organisations respectives. Violet pour les membres de l’Union internationale des employés des services (SEIU), le puissant syndicat des services. Jaune pour celui des travailleurs de l’alimentation et du commerce. Dans la foule, les panneaux hostiles au « dictateur qui kidnappe les papas et les mamans » ou à la United States Immigration and Customs Enforcement (ICE), la police de l’immigration. « Arrêtez les raids ! », « Nous sommes tous des migrants ».
    Principale revendication : obtenir la libération de David Huerta, le chef du SEIU pour la Californie, une figure importante de la scène californienne. Agé de 58 ans, ancien agent d’entretien, le syndicaliste a été arrêté, vendredi, devant l’entrepôt d’une entreprise de vêtements soupçonnée d’employer des immigrés en situation irrégulière, où la police était venue perquisitionner. La justice lui reproche d’avoir fait obstruction à l’opération. Une vidéo le montre poussé à terre par un agent. Il a été légèrement blessé.
    L’administration Trump ignorait-elle qui il était ? A-t-elle voulu montrer, une nouvelle fois, que « nul n’est au-dessus de la loi fédérale » ? L’incarcération de M. Huerta a contribué au déclenchement des protestations désormais quotidiennes devant le centre de détention, dans Downtown LA. Elle a aussi suscité l’émotion des élus nationaux. En même temps qu’à Los Angeles, des manifestations ont eu lieu, lundi, à Washington, à Boston et à San Francisco pour réclamer sa libération.
    En début d’après-midi, David Huerta a été remis en liberté sous caution, mais il reste poursuivi pour complot empêchant l’action de la police fédérale. Un agent en civil a affirmé l’avoir vu consulter son téléphone et envoyer des messages, alors que des manifestants essayaient de tourner en rond devant la grille pour perturber les entrées. Pour Elizabeth Strater, il n’est pas surprenant que la mobilisation soit importante. « En Californie, on ne s’attaque pas au mouvement ouvrier », dit-elle. Les syndicats sont un facteur important d’intégration pour les Latinos. Ils offrent des bourses d’études aux enfants, des aides judiciaires, voire des possibilités de régularisation aux sans-papiers. « Est-ce que Trump se rend compte que les membres de la garde nationale qu’il a mobilisés sont, eux aussi, les enfants d’agents d’entretien ou d’ouvriers agricoles ? », interroge la responsable.
    Le Golden State est aussi l’Etat qui compte le plus grand nombre de personnes en situation irrégulière, notamment dans la Vallée centrale, où plus de la moitié des travailleurs agricoles sont sans statut légal. Mme Strater se moque des propos des partisans du président, qui prétendent « libérer » la Californie de ses « criminels » sans papiers. « Un Américain sur trente-cinq habite dans le comté de Los Angeles, souligne-t-elle. Et ils veulent nous libérer ? Mais l’Amérique, c’est nous ! »

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#californie#politiquemigratoire#travailleurmigrant#syndicat#sante#migrationirreguliere#integration

  • Après les opérations contre les migrants à Los Angeles, le Mexique s’inquiète du sort de ses ressortissants
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/10/politique-migratoire-de-donald-trump-le-mexique-s-inquiete-du-sort-de-ses-re

    Après les opérations contre les migrants à Los Angeles, le Mexique s’inquiète du sort de ses ressortissants
    Par Anne Vigna (Mexico, correspondante)
    Lundi 9 juin, la conférence de presse quotidienne de la présidente mexicaine a exceptionnellement commencé par la lecture d’un communiqué sur les « événements de Los Angeles », comme les a qualifiés Claudia Sheinbaum : « Les Mexicains qui vivent aux Etats-Unis sont des travailleurs honnêtes ; la majorité a la citoyenneté américaine ou une résidence légale. Nous lançons donc un appel respectueux mais très ferme aux autorités américaines pour qu’ils soient traités dignement. »
    Le ministre des affaires étrangères, Juan Ramon de la Fuente, a ensuite pris la parole pour donner des chiffres : 42 Mexicains ont été arrêtés depuis le 6 juin à Los Angeles. « Sur les 40 millions de Mexicains qui vivent aux Etats-Unis, seuls 4,9 millions sont illégaux et 95 % de ces clandestins vivent dans ce pays depuis plus de cinq ans. » En rappelant ces données, le gouvernement mexicain entend d’abord répondre au président américain, Donald Trump, qui évoque sans cesse « une invasion par des criminels venus de l’étranger ».
    Il cherche aussi à rassurer la population, inquiète face aux images violentes de Los Angeles, présentée au Mexique comme « la deuxième plus grande ville mexicaine au monde après Mexico » en raison de ses 3,8 millions de descendants. Tout le week-end, les photos des manifestants détenus et les opérations de la police migratoire américaine ont alimenté les commentaires sur le racisme dont font l’objet les Latinos aux Etats-Unis.
    Le Mexique avait préparé depuis février des installations à la frontière pour recevoir des migrants refoulés par les Etats-Unis, jusqu’à présent bien peu utilisées. Depuis les manifestations à Los Angeles, les Mexicains ont désormais le sentiment que les expulsions de masse vont commencer. « Nous sommes à un tournant, le plus difficile, le plus complexe, le plus violent. Pas à cause des manifestations mais de l’appareil d’Etat, qui (…) cherche à réaliser l’un des rêves de Trump : celui de la déportation massive », a déclaré Tonatiuh Guillén, ancien commissaire de l’Institut national de migration, au site Aristegui noticias. Comme de nombreux éditorialistes, ce sociologue de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM) craint l’adoption du prochain budget aux Etats-Unis : « Donald Trump veut donner à la police migratoire les moyens d’intervenir partout : aller chercher les personnes chez elles, sur les lieux de travail, dans les écoles, les églises. Il n’y a pas de limite. »
    Si elles deviennent massives, ces expulsions auront des conséquences économiques quasi immédiates au Mexique : les « remesas », les envois de devises des migrants, ont atteint un nouveau record en 2024 : 64,5 milliards de dollars (56,5 milliards d’euros) en 2024, soit 4 % du produit intérieur brut, selon la Banque du Mexique. Cet argent est souvent indispensable pour les familles les plus démunies : les dix Etats les plus pauvres du pays en reçoivent plus de la moitié.Le gouvernement mexicain a condamné les violences des manifestations du week-end, mais le parti au pouvoir, Morena, avait organisé un rassemblement mardi, devant l’ambassade des Etats-Unis à Mexico. Dans la soirée de lundi, celle-ci a finalement été repoussée « à une date ultérieure ». Plus tôt dans la journée, des manifestants ont brûlé des drapeaux américains et une effigie de Donald Trump devant les grilles de l’ambassade. Le rassemblement avait été convoqué par le slogan « Personne n’est illégal sur une terre volée ». Une allusion au fait que la Californie faisait partie du territoire mexicain jusqu’en 1846 et que nombre de Mexicains la considèrent toujours comme leur terre.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#mexique#politiquemigratoiore#expulsion#californie#sante

  • Comment Donald Trump exploite les heurts à Los Angeles pour durcir sa politique migratoire
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/09/comment-donald-trump-exploite-les-tensions-a-los-angeles-pour-durcir-sa-poli

    Comment Donald Trump exploite les heurts à Los Angeles pour durcir sa politique migratoire
    Piotr Smolar
    Une surréaction calculée et préméditée, juridiquement contestable, aux conséquences imprévisibles : ainsi se résume le recours à la garde nationale par Donald Trump, dans la soirée du 7 juin, face à des scènes de violences urbaines très localisées, apparues dans deux villes de l’agglomération de Los Angeles (Californie). Cette décision controversée, qui permet au président de court-circuiter le gouverneur démocrate, Gavin Newsom, a entraîné, dès dimanche, le déploiement sur place de 300 premiers soldats pour protéger de façon préventive des bâtiments fédéraux.
    Plusieurs rassemblements, d’abord pacifiques, puis émaillés de quelques heurts, ont eu lieu en ville et sur l’autoroute 101 dans une atmosphère de tension accrue. Le récit recherché par la Maison Blanche était posé : l’ordre fédéral contre le chaos, la traque des clandestins étant contrariée par des élus démocrates laxistes et des émeutiers extrémistes. « Ils crachent, on frappe », a résumé Donald Trump. La formule lapidaire voulait marquer une sévérité. Elle disait aussi, en creux, à quel point la menace réelle était grossie, dans la chambre d’écho des réseaux sociaux, malgré les images spectaculaires de taxis Waymo sans chauffeur incendiés et couverts de graffitis.
    La veille, des affrontements avaient eu lieu dans deux villes situées en périphérie de Los Angeles, Paramount et Compton, en raison de la multiplication des opérations coup de poing menées par les policiers de l’ICE, l’agence chargée du contrôle des frontières et de l’immigration. Une loi de 1878, le Posse Comitatus Act, interdit, en principe, l’utilisation de soldats sur le plan intérieur, pour des missions dévolues à la police. Mais une exception antérieure existe, l’Insurrection Act (1807). Si la loi fédérale ne peut plus être appliquée dans la pratique, en raison d’un défi sécuritaire et politique grave lancé à l’autorité du gouvernement, alors l’intervention de l’armée peut se justifier. Or rien, dans les événements de ces derniers jours à Los Angeles, ne relève de ce cadre d’exception.
    Pour l’heure, Donald Trump s’est gardé d’invoquer ce texte de 1807. Mais il n’excluait pas de faire appel aux marines, dont un bataillon de 700 hommes était mobilisé lundi. Quelle serait la barre qualificative ? « La barre sera ce que j’en pense, a répondu le président. Si nous voyons un danger pour notre pays et nos citoyens, nous serons très, très forts en termes de loi et d’ordre. »
    La préméditation de Donald Trump et de ses conseillers ne fait aucun doute. Dès avril 2024, dans un entretien au magazine Time, le candidat républicain de l’époque justifiait la mobilisation de la garde nationale contre l’immigration illégale, aux frontières comme à l’intérieur du pays. Ce serait illégal en vertu du Posse Comitatus Act, rétorquaient les journalistes. « Eh bien, ce ne sont pas des civils, lâchait Donald Trump, au sujet des clandestins. Ce sont des gens qui ne sont pas légalement dans notre pays. Une invasion comme aucun pays n’en a probablement vu un jour. » Dimanche, le président ne disait pas autre chose du déploiement ordonné, dans un message sur Truth Social. L’objectif : « Libérer Los Angeles de l’invasion des migrants. »
    Le milliardaire n’a pas toujours manifesté le même entrain pour défendre l’intégrité du pays et ses institutions. Le 6 janvier 2021, alors que des milliers de manifestants donnaient l’assaut au bâtiment du Capitole pour empêcher la certification de l’élection présidentielle, Donald Trump, assis devant la télévision à la Maison Blanche, n’avait pas demandé l’intervention de la garde nationale. Il en avait ensuite tenu pour responsable la speaker démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, élue de Californie. En revanche, l’ancien secrétaire à la défense, Mark Esper, avait raconté dans ses mémoires que Donald Trump, en 2020, s’était enquis auprès de l’état-major s’il était possible de tirer dans les jambes des manifestants, lors des protestations ayant suivi la mort de George Floyd.
    Depuis des jours, à Los Angeles, la pression de la police fédérale ne cessait de monter, avec des interpellations de clandestins en plein jour. Paramount est une cité ouvrière essentiellement peuplée de migrants hispaniques, employés notamment dans l’industrie hôtelière et la restauration. Samedi matin, en face d’un magasin de bricolage Home Depot, des agents de l’ICE ont été signalés, provoquant assez vite un rassemblement. Les réseaux sociaux ont diffusé la nouvelle à grande vitesse, tandis que les incidents débutaient : grenades assourdissantes et gaz lacrymogène du côté de la police, jets de pierre et d’autres objets du côté des manifestants. Une voiture a été incendiée et du matériel urbain détérioré.
    Le décret présidentiel de Donald Trump prévoit le déploiement de 2 000 membres de la garde nationale de Californie pendant au moins soixante jours. Les juristes s’interrogent sur la marge de manœuvre des effectifs rassemblés à Los Angeles. Ont-ils le droit de répondre à des émeutiers ? De les interpeller ? Le message est clair : les autorités passent à une nouvelle phase dans la confrontation avec les villes dites « sanctuaires », gouvernées par des démocrates, accusées de faire obstruction aux interpellations fédérales. Fin avril, Donald Trump a demandé à son administration de préparer la liste des Etats ou des villes se mettant en travers de son chemin répressif. Renouant avec une très ancienne thématique de son premier mandat, il a promis que les fonds alloués à ces supposés « sanctuaires » – un terme ne correspondant à aucune réalité objective en droit – seraient coupés, ouvrant ainsi un nouveau front en justice.
    Publié ce week-end, un sondage CBS News/YouGov révélait que 54 % de la population américaine soutient la campagne d’expulsion menée par l’administration. Mais le périmètre de cette campagne n’est jamais clairement défini par les autorités. Il fut d’abord question des criminels clandestins endurcis, cible prioritaire. Mais il semble à présent ne plus y avoir de graduation, pour remplir l’objectif de 3 000 expulsés par jour, fixé par l’administration américaine. Dès lors, cette question est devenue particulièrement polarisée. Selon ce même sondage, 82 % des démocrates et 51 % des indépendants désapprouvent la ligne suivie, applaudie, en revanche, par 93 % des républicains.
    Dans un message sur son réseau Truth Social, dans la nuit de samedi à dimanche, Donald Trump félicitait déjà les soldats de la garde nationale pour leur intervention, alors même qu’ils n’étaient pas encore déployés. « Ces manifestations d’extrême gauche, par des instigateurs et des fauteurs de troubles souvent payés, ne seront pas tolérées, écrivait le président. Par ailleurs, à partir de maintenant, on ne sera plus autorisé à porter des masques lors de manifestations. »
    Cette escalade tombe particulièrement bien sur un plan politique pour Donald Trump, qui a subi l’onde de choc de sa séparation avec Elon Musk. Cette crise sécuritaire attisée permet aussi de mettre la pression sur les sénateurs républicains qui traînent les pieds, au sujet du « Big Beautiful Bill ». Ce train de dépenses essentiel pour la Maison Blanche, renforçant, entre autres, les moyens de la sécurité intérieure, a passé l’épreuve de la Chambre des représentants. Mais un nombre menaçant de sénateurs conservateurs pensent, comme Elon Musk, que ce projet de loi est bien trop dépensier. A la lumière des événements de Los Angeles, l’exécutif leur demandera de choisir : être du côté de l’ordre ou du côté des émeutiers. Du président ou des élus extrémistes et laxistes.
    L’appel à l’armée pour une mission de maintien de l’ordre n’a guère de sens, sauf si l’on tient compte de la logique choisie par l’administration Trump en matière migratoire, le cœur de cette crise. Cette logique repose sur une militarisation partielle de cette politique, pour organiser la plus vaste campagne d’expulsion de clandestins de l’histoire américaine, conformément à la promesse de campagne de Donald Trump, qui parle, sans justification, de 21 millions de clandestins dans le pays.
    Pour cela, la Maison Blanche a d’abord privilégié des symboles, comme l’utilisation très onéreuse d’appareils militaires pour mener des vols de reconduite. Elle a aussi annoncé l’utilisation – très limitée à ce jour – de la base de Guantanamo (Cuba), symbole funeste de la lutte antiterroriste sans fin, comme centre de rétention. Elle a également appuyé sa campagne sur un texte très poussiéreux, l’Alien Enemies Act (1798). Celui-ci donne au gouvernement le droit d’expulser, sans recours aucun, les ressortissants d’un pays en guerre avec les Etats-Unis ou fomentant une invasion dans ce pays. Sa dernière utilisation remonte à la seconde guerre mondiale, lorsque des dizaines de milliers de Japonais avaient été emprisonnés sans procès.
    La maire Karen Bass a promis que Los Angeles continuerait de se tenir aux côtés de tous ceux qui « appellent notre ville leur maison ». Elle a dénoncé une « escalade chaotique », décidée par la Maison Blanche, diffusant la « peur » au sein de la population. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a, pour sa part, mis en cause la « fabrication d’une crise », en estimant que Donald Trump « espère plus de chaos pour pouvoir justifier plus de répression, plus de peur et plus de contrôle ». Le gouverneur a appelé les citoyens en colère à ne pas employer la violence et à s’exprimer pacifiquement.
    Mais l’administration Trump n’a pas fini d’exploiter ces événements, à la fois pour punir les élus démocrates et la Californie en général, et pour l’exemple. Dans le Wisconsin, la juge Hannah Dugan, du comté de Milwaukee, a été arrêtée et poursuivie pour avoir permis à un sans-papiers de se dérober à son interpellation par des agents de l’immigration, à l’intérieur même de l’enceinte du tribunal. Le 9 mai, c’est le maire de Newark (New Jersey), Ras Baraka, qui avait été interpellé devant le centre de rétention de Delaney Hall, alors qu’il demandait à connaître les conditions de détention de migrants arrêtés. Le piège est classique dans le trumpisme comme dans tout mouvement autoritaire. La contestation de la ligne suivie est, par définition, illégitime. Et répréhensible.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#californie#detention#ICE#expulsion#droit#sante

  • A Porto Rico, « territoire sanctuaire » pour les immigrés, la politique répressive de Donald Trump met à mal la coexistence
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/09/a-porto-rico-territoire-sanctuaire-pour-les-immigres-la-politique-repressive

    A Porto Rico, « territoire sanctuaire » pour les immigrés, la politique répressive de Donald Trump met à mal la coexistence
    Par Jean-Michel Hauteville (San Juan (Porto Rico), envoyé spécial)
    Depuis le début du mandat de Donald Trump, plus de 500 migrants ont été arrêtés dans cette île des Caraïbes sous souveraineté américaine. Une situation inédite sur ce territoire hispanophone, traditionnellement bienveillant envers les sans-papiers venus d’Amérique latine.
    Malgré la quiétude apparente, les habitués ne s’y trompent pas : depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la peur rôde autour de cette petite esplanade triangulaire, agrémentée d’arbres et de sculptures, située au cœur du Barrio Obrero (« quartier ouvrier ») de la capitale portoricaine. Ce secteur populaire du district de Santurce est emblématique de la longue tradition d’immigration en provenance des pays voisins des Caraïbes et d’Amérique latine sur cette île hispanophone. Peuplée de 3,2 millions d’habitants, cette dernière se trouve sous souveraineté américaine, avec le statut ambigu d’« Etat libre associé ». Et ici plus qu’ailleurs, sur ce territoire grand comme la Corse, le durcissement de la politique migratoire de Washington s’est brutalement fait ressentir.
    « La vie a changé ici. Il n’y a plus d’ambiance », grimace Filès, un demandeur d’asile haïtien de 40 ans, attablé avec son ami Eriel, 37 ans. Originaires de Jacmel, ville du sud d’Haïti, les deux hommes n’ont pas souhaité révéler leur identité complète. Arrivés à Porto Rico début 2024, au terme d’une périlleuse traversée d’une journée en yole depuis les rivages de la République dominicaine, où ils ont laissé leur compagne et leurs enfants, ils travaillent désormais sur les chantiers de San Juan, à l’instar d’un grand nombre d’immigrés. Eriel acquiesce en désignant les tables vides autour de lui. « Avant, il y avait beaucoup plus d’animation, des stands de nourriture, de la musique », se remémore le trentenaire.
    Moins d’une semaine après l’investiture de Donald Trump, et la signature, dans la foulée, par le président américain, d’un décret anti-immigration, les premières arrestations ont bouleversé le quotidien paisible du Barrio Obrero. Le 26 janvier, en pleine journée, des agents fédéraux américains en uniforme ont effectué une descente aux abords de la placita (« petite place ») Barcelo. « C’était choquant : ils sont venus près d’ici avec des véhicules militaires », témoigne José Rodriguez, résident bien connu dans le quartier et président du Comité dominicain des droits humains, une organisation de défense des droits des migrants à San Juan. « Ils ont défoncé les portes des appartements des familles d’immigrés dominicains. Sans mandat d’un juge », s’afflige l’athlétique militant de 62 ans, rencontré sur l’esplanade.
    Lors de cette première opération, quelque 47 personnes ont été arrêtées, selon un bilan des autorités fédérales américaines communiqué par les médias locaux. Ces immigrés, placés en détention à la prison fédérale de Guaynabo, en banlieue de San Juan, « n’avaient pas de statut migratoire [régularisé] sur le territoire des Etats-Unis » et « avaient commis des délits à Porto Rico », avait assuré le soir même, lors d’une interview télévisée, Rebecca
    Pourtant, les jours suivants, les sites d’information ont relayé plusieurs témoignages contredisant ces affirmations : deux frères haïtiens en situation régulière et sans histoires, libérés de prison au bout de trois jours de calvaire ; un quinquagénaire dominicain, titulaire d’un titre de résident permanent, arrêté avant d’avoir eu le temps de montrer ses papiers ; une mère de famille dominicaine en cours de naturalisation, dont les proches sont restés sans nouvelles pendant plusieurs semaines…« La majorité des personnes détenues n’ont pas de casier judiciaire, ni de procédure en cours devant les tribunaux », dénonce Alvaro Nuñez, avocat spécialiste des questions migratoires, venu saluer son ami José Rodriguez. Les autorités ont « agi de manière indiscriminée, avec des conséquences sur des personnes qui travaillent, qui ont toute leur vie ici », s’offusque l’avocat.
    Depuis janvier, les redadas (« coups de filet ») menées par les agences fédérales américaines à Porto Rico, dont celle chargée de la surveillance des frontières et de l’immigration (ICE), se sont multipliées sur l’île des Grandes Antilles. Quelque 552 personnes ont d’ores et déjà été arrêtées depuis le début de l’année, selon le décompte officiel arrêté au 5 juin, révélé par le média en ligne Centro de Periodismo Investigativo. C’est cinq fois plus que durant toute l’année 2024. Ces immigrés sont « majoritairement de nationalité dominicaine et haïtienne, mais aussi mexicaine et vénézuélienne », avait précisé Rebecca Gonzalez-Ramos fin mai. Le 30 mars, une intervention d’ICE dans la localité de Toa Baja a tourné au drame : un ressortissant dominicain de 52 ans est tombé du toit d’un immeuble où il s’était caché. Hospitalisé, le malheureux a fini par succomber à ses blessures, le 4 mai.
    Lors de la plus récente opération de grande envergure, le 8 mai, pas moins de 53 ouvriers, parmi lesquels sept femmes, tous de nationalité dominicaine, étaient arrêtés sur le chantier de l’hôtel La Concha Renaissance, établissement quatre étoiles situé aux abords de la célèbre plage de Condado. A cette date, les autorités fédérales américaines indiquaient avoir arrêté 67 immigrés accusés de délits « graves », soit moins de 20 % du total des sans-papiers détenus.
    La prison de Guaynabo étant désormais saturée, les services de lutte contre l’immigration « ont renvoyé en République dominicaine 28 ouvriers de La Concha. Il y en a vingt à Miami, d’autres à San Antonio, au Texas, et d’autres ont été relâchés », énumère José Rodriguez. « On les met où on trouve de la place. Du coup, il y a des familles qui ont été séparées », s’émeut le militant des droits des personnes immigrées. « La pratique habituelle du gouvernement des Etats-Unis, c’est de transférer hors de Porto Rico quasiment tous les migrants arrêtés », confirme Annette Martinez-Orabona, directrice exécutive de l’ACLU Porto Rico, la branche locale de l’Union américaine pour les libertés civiles, organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits humains. « Après leur arrestation, ils peuvent rester sur l’île entre vingt-quatre et soixante-dix-huit heures, puis sont transférés » sur le continent, poursuit cette avocate.
    Ce brusque tour de vis migratoire va à l’encontre de la tradition de bienveillance envers les immigrés clandestins – en particulier les hispanophones d’Amérique latine – qui a longtemps prévalu sur cette terre métissée, ancienne colonie espagnole annexée par les Etats-Unis en 1898. « Porto Rico était perçu comme un territoire sanctuaire », assure Fermin Arraiza Navas, le directeur juridique d’ACLU Porto Rico. « Notre politique, c’est de traiter [les étrangers] comme nos semblables, quelle que soit leur nationalité », poursuit l’affable avocat. « A plus forte raison quand on a un fort lien linguistique et culturel, comme avec nos frères de la République dominicaine. »
    Ainsi, le gouvernement portoricain a créé un permis de conduire spécial pour les étrangers en situation irrégulière. Ceux-ci seraient, selon l’ONG, « entre 150 000 et 200 000 sur toute l’île ». Au bout d’une année de présence sur le territoire, les sans-papiers peuvent faire la demande de cette précieuse licencia, qui leur permet d’acquérir un véhicule ou d’ouvrir un compte en banque. Mais ce dispositif généreux s’est retourné contre ses bénéficiaires. « Ça a permis de ficher les gens », déplore M. Arraiza : dans plusieurs cas, les agents fédéraux ont utilisé ces permis pour retrouver leurs détenteurs. Ce spécialiste des droits civiques fustige la passivité de la gouverneure de Porto Rico, Jenniffer Gonzalez Colon, arrivée au pouvoir début janvier et ouvertement favorable au nouveau président. « Elle fait tout ce que lui demande le gouvernement des Etats-Unis, ce que lui dit le président Trump, pour éviter de perdre des financements fédéraux, regrette M. Arraiza. Cela met en situation de grande précarité la communauté dominicaine et les personnes migrantes. »
    En effet, de nombreux sans-papiers, terrorisés, se cloîtrent chez eux, selon les organisations locales. L’absentéisme est monté en flèche dans les écoles, mais aussi au travail, dans les secteurs qui recourent à la main-d’œuvre immigrée. « Le bâtiment est l’un des secteurs les plus touchés, tout comme la restauration », constate Luis Pizarro Otero, le président de la chambre de commerce de Porto Rico, qui plaide auprès du gouvernement fédéral pour des « solutions migratoires pour les emplois saisonniers ». Face à cette vague de répression inédite, au Barrio Obrero, la solidarité s’organise. Comme chaque lundi midi, plusieurs dizaines de personnes défavorisées – portoricaines ou étrangères – reçoivent un repas gratuit au sous-sol, chaleureusement décoré, de l’église méthodiste Saint-Paul, tout près de la place Barcelo. Une enceinte diffuse des hymnes évangéliques enjoués. « Cette église est un lieu sûr, un sanctuaire, et le restera », dit, sur un air d’évidence, la pasteure Nilka Marrero Garcia, qui dénonce sans ambages les méthodes de « profilage racial » des agents fédéraux. « Lorsqu’il y a des descentes de la “migra”, on s’enferme, ici, avec dix, douze personnes, pendant des heures », confie la révérende de 72 ans. Son regard bleu gris s’emplit d’une infinie compassion. « On a de la nourriture, de l’eau. On éteint les lumières, et on attend. »
    Grâce à la participation d’une douzaine de bénévoles, la paroisse apporte un soutien précieux aux immigrés en détresse. « Dans le domaine de l’assistance juridique, on a suivi 48 dossiers depuis janvier », souligne la pasteure. La congrégation a également fourni « 350 sacs de courses et 2 500 repas chauds » aux personnes qui n’osent plus sortir.D’autres acteurs locaux ont mis l’accent sur l’information des habitants du quartier quant à leurs droits. « On a expliqué aux gens la différence entre les types de mandat : pour entrer chez vous, les agents de l’ICE doivent avoir un mandat bien précis », relate la journaliste et poétesse Ana Castillo Muñoz, dans un bar branché du district voisin de Rio Piedras. « Après la première descente, on a fait tout un travail de terrain », poursuit cette fille d’immigrés dominicains de 35 ans, originaire du Barrio Obrero, ses longs rajouts noués en un chignon à la mode.
    Aux yeux de l’autrice du recueil Corona de flores (EDP University, 2021, non traduit), la situation des migrants à Porto Rico n’est pas près de s’améliorer. « Je pense que les politiques migratoires de Trump resteront tout aussi agressives. Donc nous devons nous organiser, éduquer les gens, nous soutenir les uns les autres », exhorte Ana Castillo Muñoz, qui conclut avec défiance : « L’Etat ne fera rien pour préserver le “sanctuaire” à Porto Rico, étant donné notre statut colonial. Le sanctuaire portoricain, c’est au peuple de le défendre. »

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#portorico#politiquemigratoire#ICE#expulsion#caraibes#sante#droit

  • Manifestations anti-expulsions : Trump déploie les militaires à Los Angeles
    https://www.dakaractu.com/Manifestations-anti-expulsions-Trump-deploie-les-militaires-a-Los-Angeles

    Manifestations anti-expulsions : Trump déploie les militaires à Los Angeles
    Donald Trump a ordonné l’envoi des militaires de la Garde nationale à Los Angeles après deux jours de manifestations parfois violentes contre les expulsions d’immigrés, un déploiement rare, attendu dimanche contre l’avis du gouverneur démocrate de Californie.
    Le gouvernement de Washington dénonce « l’anarchie » à Los Angeles, tandis que les autorités locales parlent d’une décision « incendiaire » de Donald Trump. Elle intervient après deux jours de manifestations et d’incidents provoqués par des manifestants opposés aux expulsions de migrants, principalement latino-américains, dans cette ville où vit une forte population de même origine. « Nous devons défendre notre peuple » a déclaré à l’AFP une femme, refusant de donner son nom, dont les parents sont des immigrés.
    Un photographe de l’AFP a vu des incendies, des tirs de feux d’artifice lors d’affrontements, ou encore un manifestant tenant un drapeau mexicain devant une voiture calcinée sur laquelle avait été inscrit un slogan contre l’agence fédérale Immigration and Customs Enforcement (ICE). Samedi, le président américain républicain, dont un des principaux objectifs politiques est de réduire fortement l’importante immigration aux Etats-Unis, a décidé « le déploiement de 2.000 gardes nationaux pour remédier à l’anarchie qu’on a laissé prospérer », a annoncé la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt, traitant les dirigeants californiens démocrates d’"incapables".
    Le gouverneur régional Gavin Newsom, a pour sa part dénoncé une initiative « délibérément incendiaire » qui « ne fera qu’aggraver les tensions ».Le président Trump a salué dimanche sur Truth Social le « fantastique travail » de la Garde, même si le déploiement effectif de cette force de réserve n’a pas encore été constaté sur place par l’AFP.
    La maire de Los Angeles a par ailleurs dit sur X que la Garde n’était pas encore déployée."Tout le monde a le droit de manifester pacifiquement, mais soyons clairs : la violence et la destruction sont inacceptables, et les responsables devront rendre des comptes", a-t-elle par ailleurs prévenu sur X.
    Une telle décision de déploiement de la Garde nationale est très rare. Force armée de réserve, elle a été récemment principalement mobilisée lors de catastrophes naturelles, comme lors des mégafeux à Los Angeles début 2025. Elle est aussi occasionnellement déployée en cas de troubles civils, mais presque toujours avec l’accord des autorités locales. Sa dernière intervention en Californie pour des troubles civils remonte à 2020, à la suite des violentes émeutes provoquées par la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier à Los Angeles.
    Donald Trump avait prévenu dès samedi que « si le gouverneur de Californie (...) et la maire de Los Angeles (...) ne peuvent pas faire leur travail, ce que tout le monde sait, alors le gouvernement fédéral interviendra et résoudra le problème », dont le foyer est le quartier de Paramount. Les raids de la police sont « une injustice », et les personnes arrêtées « des êtres humains comme des autres », a dénoncé auprès de l’AFP Fernando Delgado, 24 ans, un habitant.
    Les manifestations ont commencé après que des membres de l’ICE s’étaient rassemblés samedi près d’un grand magasin de bricolage, où des travailleurs viennent traditionnellement proposer leurs services pour la journée. Des manifestants ont jeté des objets sur les forces de l’ordre et tenté d’empêcher un autocar de quitter les lieux. Les agents les ont repoussés à l’aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Des manifestants s’en sont également pris à un car de l’US Marshals Service qui sortait d’une autoroute voisine, conduisant les autorités à fermer les bretelles d’accès.
    « Nous épluchons les vidéos pour identifier les auteurs. Vous amenez le chaos, on apporte les menottes », a répliqué sur X le directeur adjoint de la police fédérale (FBI), Dan Bongino. « L’administration Trump applique une politique de tolérance zéro à l’égard des comportements criminels et de la violence, en particulier lorsque cette violence vise des agents des forces de l’ordre qui tentent de faire leur travail », a également martelé Mme Leavitt. Le ministre de la Défense, Pete Hegseth, a menacé de faire aussi appel à l’armée régulière basée non loin. Si nécessaire, les « Marines de Camp Pendleton seront également mobilisés. Ils sont déjà en état d’alerte », a-t-il déclaré sur les médias sociaux.
    Une déclaration à portée symbolique, selon la professeure de droit Jessica Levinson, relevant que l’engagement de militaires américain à des fins domestiques est restreint légalement en absence d’insurrection. « Quant à la Garde nationale, elle ne pourra rien faire de plus que de fournir un soutien logistique et en personnel ».

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#ICE#expulsion#gardenationale#losangeles#sante

  • A Los Angeles, de nouvelles manifestations émaillées de heurts après le déploiement de la garde nationale par Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/08/a-los-angeles-la-garde-nationale-arrive-au-troisieme-jour-de-manifestations-

    A Los Angeles, de nouvelles manifestations émaillées de heurts après le déploiement de la garde nationale par Donald Trump
    Le Monde avec AP et AFP
    Des affrontements ont opposé, dimanche 8 juin, à Los Angeles les forces de sécurité aux manifestants contre la politique migratoire de Donald Trump. Plusieurs dizaines de protestataires bloquaient, dimanche après-midi, une autoroute de la mégapole californienne dans un face-à-face tendu avec les forces de l’ordre, qui ont procédé à quelques arrestations et fait usage de gaz lacrymogènes, y compris contre des journalistes. Au moins trois voitures ont été incendiées et deux autres vandalisées.
    La garde nationale avait commencé, dimanche, à se déployer dans la deuxième plus grande ville américaine, après deux jours de manifestations contre les opérations menées par la police de l’immigration (ICE). Le président américain avait ordonné l’envoi de troupes fédérales, samedi, sans avoir été sollicité sur ce point par le gouverneur démocrate de l’Etat, Gavin Newsom – une initiative extrêmement rare.
    Dimanche en fin d’après-midi, l’essentiel de la manifestation était terminé, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse, mais des affrontements étaient encore en cours entre quelques dizaines de protestataires et les forces de sécurité. A l’exception de heurts au niveau d’un centre de détention entre protestataires et agents fédéraux du ministère de la sécurité intérieure, les affrontements ont tous impliqué les forces de l’ordre locales.
    La police de Los Angeles a annoncé, dans la nuit, que le centre-ville avait été déclaré zone de rassemblement interdit. Une zone du quartier d’affaires, Civic Center, a aussi été déclarée zone interdite de rassemblement. « Vous avez des gens violents et nous n’allons pas les laisser s’en sortir », a déclaré le président américain à des journalistes, dimanche. « Nous aurons un retour à l’ordre », a-t-il promis, disant, en outre, envisager l’envoi de troupes ailleurs. « Nous n’allons pas laisser ce genre de choses arriver à notre pays. » « Ç’a l’air d’aller vraiment mal à L. A. ENVOYEZ LA TROUPE !!! », a posté Donald Trump, lundi matin, sur son réseau, Truth Social, lançant aussi : « ARRETEZ LES GENS MASQUÉS, MAINTENANT. »
    Dénonçant la prétendue « anarchie » en cours à Los Angeles, Donald Trump avait ordonné, samedi, le déploiement de 2 000 membres de cette force armée de réserve, principalement mobilisée lors de catastrophes naturelles. Une décision qualifiée de « délibérément incendiaire » par M. Newsom, qui a prévenu qu’elle ne ferait « qu’aggraver les tensions ».
    Le gouverneur démocrate a annoncé, dimanche sur X, avoir « officiellement demandé à l’administration Trump d’annuler son déploiement illégal de troupes dans le comté de Los Angeles et de les remettre sous [son] commandement ». « Nous n’avions aucun problème avant l’intervention de Trump. Il s’agit d’une grave atteinte à la souveraineté de l’Etat […]. Annulez cet ordre. Restituez le contrôle à la Californie », a-t-il ajouté. Environ 300 gardes nationaux ont été positionnés dans la ville, a annoncé, dimanche matin, le commandement militaire.
    Ce déploiement survient après deux journées de manifestations marquées par des heurts et des violences dans la mégapole californienne, où réside une importante communauté hispanique, alors que des habitants tentaient de s’interposer face aux arrestations musclées de travailleurs immigrés menées par la police fédérale de l’immigration. Un important leader syndical, qui protestait contre les agissements de l’ICE, a été arrêté vendredi, et blessé lors de son interpellation, suscitant l’indignation.De son côté, la police de San Francisco a annoncé avoir interpellé, dimanche en fin de journée, une soixantaine de personnes lors de heurts avec des manifestants opposés à la politique américaine de lutte contre l’immigration.
    Trente-cinq ressortissants mexicains ont été arrêtés au cours des récentes opérations, a annoncé, dimanche, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, appelant les Etats-Unis à les traiter avec dignité. Ce sont « des hommes et des femmes honnêtes qui sont allés chercher une vie meilleure […] Ce ne sont pas des criminels », a-t-elle insisté, lors d’un discours public.E voquant une « invasion » des Etats-Unis par des « criminels venus de l’étranger », Donald Trump a érigé la lutte contre l’immigration clandestine en priorité absolue et communique abondamment sur les arrestations et les expulsions d’immigrés. Menées jusque dans des tribunaux du pays, ces dernières ont plongé dans la terreur des millions d’immigrés sans statut légal.
    A Los Angeles, d’importantes opérations, vendredi et samedi, des agents de l’ICE, parfois en civil, ont donné lieu à des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. A Paramount, dans le sud de l’agglomération, les affrontements ont été violents, samedi. Selon le directeur adjoint de la police fédérale, Dan Bongino, plusieurs personnes ont été arrêtées, ainsi qu’à New York, lors de manifestations similaires.Interrogée, dimanche matin, par une télévision locale, la maire de Los Angeles, Karen Bass, a fait état d’« actes de vandalisme » dans la nuit, mais a assuré que la situation était sous contrôle. Tout en condamnant les violences, elle a regretté la décision de Donald Trump d’envoyer la garde nationale. « Pour moi, ce n’est que de la politique », a-t-elle fustigé.
    Les gouverneurs démocrates américains ont dénoncé, dimanche, le déploiement des soldats de la garde nationale à Los Angeles. « La décision du président Trump est un abus de pouvoir alarmant », ont-ils déclaré, dans un communiqué commun. « Il est important que nous respections l’autorité exécutive des gouverneurs de notre pays pour gérer leurs gardes nationaux », ont-ils ajouté, insistant sur leur soutien à Gavin Newsom.Le gouvernement fédéral est engagé dans un bras de fer avec la Californie, bastion de l’opposition progressiste et « Etat sanctuaire » protégeant les migrants. Ce mouvement consiste, notamment, à limiter les informations que les autorités locales partagent avec les autorités fédérales. Dans certains cas, les polices locales ont pour interdiction d’interpeller un immigré en situation irrégulière sur la seule base de son statut migratoire. Los Angeles a adopté ce statut en novembre 2024, dans la foulée de l’élection de Donald Trump, s’engageant à ne pas utiliser les ressources de la municipalité contre les personnes immigrées. Une politique dénoncée par l’administration Trump, qui souhaite priver de subventions fédérales les villes sanctuaires – décision invalidée en justice. Donald Trump « espère du chaos pour pouvoir justifier plus de répression, plus de peur, plus de contrôle », a accusé, dimanche sur X, Gavin Newsom, appelant au calme.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#ICE#politiquemigratoire#etatsancuaire#villesanctuaire#droit#sante

  • En Afrique, le « travel ban » à géométrie variable de Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/06/06/en-afrique-le-travel-ban-a-geometrie-variable-de-donald-trump_6610817_3212.h

    En Afrique, le « travel ban » à géométrie variable de Donald Trump
    Par Christophe Châtelot
    A Kinshasa et Brazzaville, les capitales des deux Congos qui se font face sur les rives opposées du fleuve éponyme, on doit se demander à partir de quels critères Donald Trump a établi sa liste de 12 pays – dont sept en Afrique – soumis à son nouveau travel ban, principe interdisant l’accès au territoire américain.
    La République démocratique du Congo (RDC) échappe à cette fermeture alors que son voisin, le Congo-Brazzaville, est frappé d’interdiction. A compter du 9 juin, plus aucun visa ne sera délivré aux ressortissants de ce pays, comme à ceux des autres Etats bannis : Afghanistan, Birmanie, Haïti, Iran, Yémen, Tchad, Guinée équatoriale, Erythrée, Libye, Somalie et Soudan. Le Burundi, la Sierra Leone et le Togo figurent sur une deuxième liste de « suspension partielle ».
    Dans un communiqué publié mercredi 4 juin, la Maison Blanche justifie sa décision en termes réglementaires. Elle se base sur la proportion de visa overstay, autrement dit les détenteurs de visas de type B1/B2 (affaires ou tourisme) ou F, M, J (études, échanges scolaires…) arrivés par avion ou bateau et qui sont demeurés sur le territoire américain après l’échéance du délai légal de leur séjour. Le Congo-Brazzaville affiche des taux de 29,63 % et de 35,14 %, respectivement, pour le premier et le deuxième groupe de visas. Des proportions « inacceptables » pour Washington.
    La RDC, quant à elle, échappe au couperet de l’administration américaine. Pourtant, plus d’un étudiant sur deux (les visas F, M, J) prolonge illégalement son séjour aux Etats-Unis, selon les données contenues dans le rapport daté du 5 août 2024 du Service des douanes et de la protection des frontières des Etats-Unis (CBP), chargé notamment de la lutte contre l’immigration illégale. La note « explicative » de la Maison Blanche ne précise pas, évidemment, si les négociations actuelles menées avec Kinshasa pour accéder aux minerais stratégiques rares dont le pays regorge expliquent cette mansuétude.
    La lecture du rapport des douanes, qui a servi de base de référence, montre que la décision américaine s’applique quasiment mécaniquement aux pays qui affichent le plus haut taux de visa overstay – sans tenir compte des valeurs absolues. Le Burundi se retrouve ainsi inscrit sur la deuxième liste à cause de 24 étudiants restés trop longtemps sur le sol américain après y être entrés légalement. Dans cette même situation, il y a 7 081 étudiants indiens, plus 12 882 touristes ou hommes d’affaires originaires du même pays. Mais compte tenu du nombre total d’Indiens entrés aux Etats-Unis, la proportion est moindre que pour le Burundi. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
    Ce travel ban n’est pas une surprise. Lorsqu’il a pris ses fonctions, le 20 janvier, Donald Trump a publié un décret demandant au département d’Etat d’identifier les pays pour lesquels « les informations relatives à l’examen et au filtrage sont si insuffisantes qu’elles justifient une suspension partielle ou totale de l’admission des ressortissants de ces pays ». Durant sa campagne, il avait également promis de « restaurer » le travel ban qu’il avait imposé à plusieurs pays – la plupart musulmans – durant son premier mandat (2017-2021).
    Le président américain estime que les cas de visa overstay constituent un « danger extrême ». Mais les chiffres contenus dans le rapport des douanes soulèvent des questions sur les cibles touchées. Les sept pays africains sanctionnés ne représentent ainsi que 0,5 % des quelque 314 110 cas enregistrés sur douze mois de mai 2023 à mai 2024. Sur une vidéo mise en ligne sur le réseau social X, Donald Trump a également évoqué l’attaque à Boulder (Colorado), survenue dimanche, pour justifier sa décision. Ce jour-là, un Egyptien entré légalement en 2022, mais dont le visa avait expiré depuis des mois, a lancé des engins incendiaires sur des participants à une marche hebdomadaire en soutien aux otages israéliens retenus depuis le 7 octobre 2023 par le Hamas dans la bande de Gaza. L’attentat a fait au moins 12 blessés.
    Quelque 2 700 Egyptiens sont en visa overstay. « Nous ne laisserons pas entrer dans notre pays les gens qui veulent nous faire du mal », a averti Donald Trump. L’Egypte échappe toutefois au travel ban, destiné également à « combattre le terrorisme par des normes de sécurité fondées sur le bon sens ». La Libye et la Somalie – ainsi que Cuba – sont en revanche épinglées comme des Etats soutenant le terrorisme.
    Amnesty International ne partage pas les mêmes valeurs normatives de « bon sens ». L’organisation de défense des droits humains juge que « la nouvelle interdiction de voyager est discriminatoire, raciste et carrément cruelle ». Tous les pays africains listés sont, à l’exception de la Sierra Leone, sous le joug de pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux. Certains sont ravagés, tel le Soudan, par la guerre. Mais ce n’est pas au nom de la défense des valeurs démocratiques ou humanistes que les Etats sont sanctionnés.
    En termes mesurés, l’Union africaine (UA) s’est dite « préoccupée par le possible impact négatif de telles mesures sur les relations interpersonnelles, les échanges éducatifs, les échanges commerciaux et plus largement les relations diplomatiques soigneusement entretenues depuis des décennies ».
    Parmi les pays « bannis », le Tchad, accusé de « mépris flagrant des lois américaines sur l’immigration », a été le plus prompt à réagir. Le président, Mahamat Idriss Deby, a averti sur sa page Facebook avoir « instruit le gouvernement à agir conformément aux principes de réciprocité et suspendre l’octroi de visas aux citoyens américains ». « Le Tchad n’a ni avion à offrir, ni des milliards de dollars à donner, mais le Tchad a sa dignité et sa fierté », a-t-il ajouté, en référence aux cadeaux donnés par certains Etats à Donald Trump pour le convaincre d’abaisser les nouveaux taux de douane exorbitants.
    Le président américain a quant à lui averti que « de nouveaux pays peuvent être ajoutés [à la liste des travel ban”] au fur et à mesure que des menaces émergent dans le monde ».

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#travelban#visas#afrique#droit#sante

  • Kilmar Abrego Garcia, immigré salvadorien au cœur d’une bataille entre la justice fédérale et l’administration Trump, est rentré aux Etats-Unis
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/06/kilmar-abrego-garcia-immigre-salvadorien-au-c-ur-d-une-bataille-entre-la-jus

    Kilmar Abrego Garcia, immigré salvadorien au cœur d’une bataille entre la justice fédérale et l’administration Trump, est rentré aux Etats-Unis
    Le Monde avec AFP
    Un immigré salvadorien expulsé « par erreur », mais que l’administration Trump se disait dans l’incapacité de ramener, a été reconduit, vendredi 6 juin, du Salvador aux Etats-Unis, où il est désormais inculpé de trafic de migrants, a annoncé la ministre de la justice, Pam Bondi.
    Le cas de Kilmar Abrego Garcia, habitant de l’Etat du Maryland marié à une Américaine, cristallise depuis près de trois mois l’opposition entre la justice fédérale, dont la Cour suprême, et l’exécutif, accusé d’obstruction vis-à-vis des tribunaux qui contrarient sa politique d’expulsions massives.
    Il fait partie des plus de 250 hommes expulsés le 15 mars vers le Salvador, la plupart pour appartenance présumée au gang vénézuélien Tren de Aragua, déclaré « organisation terroriste » par Washington. Ils ont été incarcérés dans une prison de haute sécurité connue pour la dureté de ses conditions de détention.
    L’administration Trump a ensuite reconnu en justice une « erreur administrative » concernant Kilmar Abrego Garcia puisqu’un arrêté d’expulsion à son encontre vers le Salvador avait été définitivement annulé en 2019. Elle l’accuse cependant, malgré son absence de casier judiciaire, d’appartenir au gang salvadorien MS-13, également classé « terroriste » par les Etats-Unis en février.
    Mme Bondi a remercié le président salvadorien, Nayib Bukele. « Notre gouvernement a soumis au Salvador un mandat d’arrêt et ils ont accepté de le renvoyer dans notre pays », a-t-elle ajouté. S’il est reconnu coupable, Kilmar Abrego Garcia purgera sa peine aux Etats-Unis avant d’être expulsé vers le Salvador, a expliqué la ministre.
    Lors d’une rencontre à la Maison Blanche en avril, le président, Donald Trump, et son homologue salvadorien s’étaient pourtant déclarés dans l’incapacité de remédier à cette situation. M. Bukele a assuré vendredi sur X qu’il n’avait pas changé de position. « Mais nous travaillons avec l’administration Trump et s’ils demandent le retour d’un membre de gang pour faire face à la justice, bien sûr, nous n’allons pas refuser », a-t-il fait valoir.
    La Maison Blanche, après avoir juré depuis des mois que Kilmar Abrego Garcia ne remettrait jamais les pieds aux Etats-Unis, soutenait vendredi que son retour n’avait rien à voir avec son expulsion, niant qu’il se soit agi à l’origine d’une « erreur ».
    « Le gouvernement a fait disparaître Kilmar dans une prison étrangère en violation d’une décision de justice. Maintenant, après des mois de temporisation et de secret, il le ramène non pas pour corriger son erreur mais pour le poursuivre pénalement », a déploré lors d’une conférence de presse l’un de ses avocats, Simon Sandoval-Moshenberg. « Il se défendra vigoureusement des accusations portées contre lui », a déclaré l’avocat, disant vouloir rencontrer son client « dès que possible ».
    « Ce dossier concerne plus qu’un seul homme », a insisté Ama Frimpong, directrice juridique de l’organisation de défense des immigrés CASA. « Il s’agit de savoir si le gouvernement peut nous faire disparaître et nous réduire au silence, nous le peuple, braver des décisions de justice et utiliser des processus secrets pour ne pas avoir à rendre de comptes », a-t-elle expliqué.
    « Pendant des mois, l’administration Trump a bafoué l’autorité de la Cour suprême et notre Constitution », a pour sa part réagi dans un communiqué le sénateur démocrate Chris Van Hollen, qui avait pu rencontrer brièvement Kilmar Abrego Garcia en avril au Salvador. « Aujourd’hui, il semble qu’elle se soit enfin rendue à nos exigences de respecter les décisions de justice et les droits de se défendre accordés à quiconque aux Etats-Unis », s’est-il félicité. Donald Trump a érigé la lutte contre l’immigration clandestine en priorité absolue, évoquant une « invasion » des Etats-Unis par des « criminels venus de l’étranger » et communiquant abondamment sur les expulsions d’immigrés. Mais son programme d’expulsions massives a été contrecarré ou freiné par de multiples décisions de justice, notamment au motif que les personnes visées devaient pouvoir faire valoir leurs droits.

    #covid-19#migrant#migration#etatsunis#salvador#expulsion#politiquemigratoire#droit#sante

  • A Harvard, les futurs étudiants étrangers privés de visas par Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/05/a-harvard-les-futurs-etudiants-etrangers-prives-de-visas-par-donald-trump_66

    A Harvard, les futurs étudiants étrangers privés de visas par Donald Trump
    Le Monde avec AFP
    Donald Trump poursuit son offensive contre les prestigieuses universités américaines. Mercredi 4 juin, il a annoncé interdire l’entrée aux Etats-Unis des étudiants étrangers devant intégrer Harvard. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le président républicain mène la charge contre des universités qu’il accuse de propager une idéologie « woke », terme utilisé de manière péjorative par les conservateurs pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme un excès de militantisme en faveur notamment des minorités.
    « Je suis arrivé à la conclusion qu’il est nécessaire de restreindre l’entrée aux ressortissants étrangers qui cherchent à venir aux Etats-Unis pour participer, exclusivement ou en grande partie, à un programme d’études de l’université Harvard », a déclaré Donald Trump dans un communiqué publié mercredi. Cette mesure, dont le gouvernement avait déjà menacé Harvard, s’applique immédiatement à l’encontre des « étrangers qui entrent ou tentent d’entrer aux Etats-Unis pour commencer à participer » à des programmes de l’université. Elle doit rester en vigueur pour six mois, sauf si elle est prolongée.
    Les étudiants étrangers actuellement inscrits à Harvard, l’université la plus ancienne des Etats-Unis et l’une des mieux classées au monde, feront, eux, l’objet d’un examen et pourraient voir leurs visas « révoqués », selon le texte. Un porte-parole de Harvard a dénoncé une « mesure de représailles illégale » prise « en violation » du premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d’expression. « Harvard continuera à protéger ses étudiants étrangers », a-t-il ajouté.
    La plus ancienne université américaine s’est particulièrement attiré les foudres de l’administration Trump qui lui a retiré quelque 2,7 milliards de dollars en subventions fédérales, notamment pour la recherche en santé. Le gouvernement avait déjà menacé de retirer à Harvard sa certification SEVIS (Student and Exchange Visitor), le principal système par lequel les étudiants étrangers sont autorisés à étudier aux Etats-Unis.
    Cette mesure survient le même jour que la menace par le gouvernement de retirer à l’université Columbia son accréditation. Grand soutien d’Israël, Donald Trump accuse Columbia, comme Harvard, de ne pas avoir suffisamment protégé des étudiants juifs pendant les manifestations étudiantes contre la guerre dévastatrice d’Israël dans la bande de Gaza.
    Au cours des dernières semaines, la direction de Harvard avait assuré avoir pris des mesures pour s’assurer que ses étudiants et son personnel juifs ou israéliens ne se sentent ni exclus, ni intimidés sur le campus, tout en défendant le principe de la liberté académique et les droits des étudiants étrangers. Cette position a valu au président de l’université, Alan Garber, un concert d’applaudissements lors de la cérémonie de remise des diplômes la semaine dernière. A l’inverse, la présidente de Columbia avait été huée, lors d’une cérémonie similaire, par des étudiants qui lui reprochent de ne pas avoir agi pour empêcher l’arrestation de Mahmoud Khalil, figure du mouvement propalestinien arrêté dans une résidence de l’université et placé dans un centre de détention fédéral en Louisiane d’où il risque l’expulsion.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#politiquemigratoire#visas#etudiantetranger#droit#sante

  • Donald Trump, en difficulté sur son budget, renoue avec le « travel ban » et s’attaque à nouveau à Harvard
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/05/donald-trump-en-difficulte-sur-son-budget-renoue-avec-le-travel-ban-et-s-att

    Donald Trump, en difficulté sur son budget, renoue avec le « travel ban » et s’attaque à nouveau à Harvard
    Par Piotr Smolar (Washington, correspondant)
    La figure de l’étranger apparaît, plus que jamais, au cœur du second mandat de Donald Trump. Il est le repoussoir, la menace et la proie à traquer. Dans un décret attendu, publié mercredi 4 juin, le président américain renoue avec le « travel ban », l’interdiction d’entrée aux Etats-Unis, qu’il avait déjà pratiquée en janvier 2017. Cette fois, douze pays sont visés : l’Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale, l’Erythrée, Haïti, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Sept autres sont concernés par des restrictions partielles : le Burundi, Cuba, le Laos, la Sierra Leone, le Togo, le Turkmenistan et le Venezuela. Ces interdictions et restrictions entreront en vigueur le 9 juin.
    « Nous ne laisserons pas ce qui s’est passé en Europe arriver en Amérique. » C’est ainsi que Donald Trump a justifié cette mesure, par une allusion méprisante aux alliés des Etats-Unis. Dans une brève allocution vidéo, il a expliqué qu’il avait demandé au département d’Etat, dès son retour à la Maison Blanche, de composer une liste des pays problématiques. Les critères retenus sont la présence massive de terroristes, une coopération insuffisante en matière de visas, une quantité importante de ressortissants dépassant le délai prévu de leur séjour aux Etats-Unis. « La liste est sujette à révision », a expliqué Donald Trump. Les pays consentant des efforts pourraient en être retirés, d’autres ajoutés.
    Une nouvelle fois, l’administration américaine entretient une confusion entre immigration légale et illégale, sans-papiers et criminels. Donald Trump et ses proches ne cessent de répéter un chiffre qu’aucune étude sérieuse ne confirme : la présence de 21 millions de sans-papiers aux Etats-Unis. Le décret présidentiel détaille les manquements attribués à chaque pays visé, par manque de coopération ou Etat central inefficace. Dans le cas d’Haïti, il est fait mention de l’arrivée de « centaines de milliers » de ressortissants pendant le mandat de Joe Biden. « Cet afflux porte atteinte aux communautés américaines en créant des risques aigus de taux en hausse de dépassement du séjour, d’établissement de réseaux criminels et d’autres menaces à la sécurité nationale », précise le texte.
    Selon le décret, ce « travel ban » répondrait à plusieurs objectifs : protéger les citoyens contre des terroristes prétendant s’infiltrer parmi eux ; viser ceux qui menacent la sécurité nationale, propagent une « idéologie de haine » ou cherchent à exploiter la législation migratoire. A sa troisième version, lors du premier mandat Trump, un texte similaire avait été validé par la Cour suprême, en juin 2018. A l’époque, la plupart des pays visés – cinq sur sept – étaient à majorité musulmane. Tandis qu’un chaos total avait été constaté dans les points d’entrée sur le territoire, notamment les aéroports, une féroce contestation politique et judiciaire s’était développée au fil des mois, dénonçant notamment les propos antimusulmans et xénophobes de Donald Trump. Mais le président de la Cour suprême, John Roberts, avait conclu, avec quatre autres juges, que la question migratoire se trouvait au cœur des prérogatives de l’exécutif. Devenu président, Joe Biden avait mis un terme au « travel ban ». Donald Trump reprend donc son initiative d’origine, en l’amplifiant.
    « Les dix-neuf pays concernés par ce nouveau ban représentent près de 475 millions de personnes », note, dans un communiqué, l’organisation American Immigration Council. « Ces interdictions de voyager ne font rien pour nous rendre plus sûrs ou plus prospères, note son directeur, Jeremy Robbins. Ils portent atteinte à notre économie et punissent de façon indiscriminée les immigrants qui, par ailleurs, satisfont les critères pour venir légalement aux Etats-Unis. » Selon ce responsable, les dégâts pour l’économie du pays pourraient se révéler importants. Du côté des démocrates, de nombreuses voix s’élevaient, mercredi soir, pour dénoncer une diversion de la Maison Blanche, qui mise sur un sujet identitaire confortant sa base et électrisant l’opinion publique.
    Cette nouvelle initiative intervient alors que l’administration est confrontée à deux difficultés majeures dans sa politique migratoire : financière et judiciaire. Elle attend avec impatience le passage définitif au Congrès de son train de dépenses appelé « Big Beautiful Bill » (BBB), très dispendieux sur le plan fiscal, qui accorde aussi des moyens considérables aux forces de la sécurité intérieure. Mais, après le vote à la Chambre des représentants, le sort du projet de loi au Sénat demeure incertain. Elon Musk, pourtant allié précieux de Donald Trump depuis la campagne, appelle publiquement les républicains à « tuer » le BBB. Il ouvre ainsi la voie à une montée de la contestation, chez les conservateurs trouvant ce texte trop coûteux.
    Sur le plan judiciaire, la bataille est féroce dans des dizaines de juridictions et jusqu’à la Cour suprême, pour débattre de la légalité des mesures expéditives prises par l’administration, méprisant le droit au recours des clandestins arrêtés. Mercredi, un juge du Colorado a suspendu l’expulsion vers l’Egypte de la famille d’un homme coupable d’une agression antisémite au cocktail Molotov, lors d’un rassemblement de soutien à Israël dans la ville de Boulder, blessant 15 personnes. « Arrêtez le coup d’Etat judiciaire », a réagi, sur le réseau X, le chef adjoint de l’administration présidentielle, Stephen Miller, chargé du dossier migratoire.
    Dans son message vidéo, Donald Trump a également mentionné cette attaque dans le Colorado, nouvelle étape de son affrontement avec les juges fédéraux. « La récente attaque terroriste à Boulder a mis en évidence les dangers extrêmes posés à notre pays par l’entrée d’étrangers qui ne sont pas correctement passés au crible, ainsi que par ceux qui entrent ici comme visiteurs temporaires et restent au-delà de leur visa, a dit le président américain. Nous ne voulons pas d’eux. » Pourtant, l’Egypte ne figure pas sur la liste des pays visés par le texte, alors que l’agresseur de Boulder est un ressortissant du pays. Le Caire bénéficie-t-il d’un traitement de faveur en raison de son rôle essentiel dans le dossier Gaza ? Ses services secrets demeurent, avec le Qatar, l’un des seuls interlocuteurs du Hamas dans le territoire palestinien.
    En cette même soirée, un autre décret présidentiel a une nouvelle fois pris pour cible l’université Harvard, symbole absolu pour Donald Trump de la reproduction d’élites libérales hostiles à sa personne. Il a décidé d’interdire l’entrée aux Etats-Unis aux étudiants et visiteurs désireux d’y travailler dans le cadre d’un programme spécifique de visas. Cette mesure est valable pour six mois, délai renouvelable. Il revient au secrétaire d’Etat, Marco Rubio, de statuer sur le sort des étudiants déjà présents sur le sol américain. En outre, des exceptions pourraient être accordées à des étudiants étrangers dont la venue correspondrait à « l’intérêt national » des Etats-Unis.
    Dans une confusion extraordinaire, le texte fait à la fois mention d’un risque d’espionnage industriel, de captation de secrets technologiques sous couvert de visas étudiants – en visant nommément la Chine –, de questions d’ordre public et enfin d’une discrimination à l’admission, pratiquée par Harvard. Sur le premier point, note le décret, Harvard aurait reçu, depuis dix ans, plus de 150 millions de dollars (plus de 131 millions d’euros) de fonds en provenance de Chine, dans le cadre de programmes de formation et de coopération qui profiteraient à la sécurité de ce rival.
    « Les taux de criminalité à l’université Harvard – dont ceux pour les actes violents – ont augmenté de façon drastique ces dernières années, note le décret. Harvard a échoué à répondre sur un plan disciplinaire à au moins certaines catégories de conduites illicites sur le campus. » Cette mesure punitive est une rétorsion pour un supposé manque de coopération, selon la Maison Blanche. L’université refuserait de communiquer au département de la sécurité intérieure les informations personnelles et les dossiers disciplinaires des étudiants impliqués dans des activités illégales. Selon le décret, Harvard aurait fourni des informations, très incomplètes, sur seulement trois étudiants. Ce refus de coopérer compromettrait « la sécurité nationale » des Etats-Unis.
    Enfin, le dernier reproche retenu concerne la composition des effectifs étudiants, qui ne représenteraient pas assez la diversité d’opinion. Invité d’une conférence à Washington mardi, le vice-président, J. D. Vance, a prétendu que, sans doute, 95 % des étudiants de Harvard avaient voté pour Kamala Harris. Il a comparé cela à un pays : la Corée du Nord.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#travelban#visas#etudiantetranger#sante#droit

  • Aux Etats-Unis, la Cour suprême autorise la révocation du statut légal de plus de 500 000 immigrés
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/31/aux-etats-unis-la-cour-supreme-autorise-la-revocation-du-statut-legal-de-plu

    Aux Etats-Unis, la Cour suprême autorise la révocation du statut légal de plus de 500 000 immigrés
    Le Monde avec AFP
    La Cour suprême des Etats-Unis a donné provisoirement son aval, vendredi 30 mai, à la politique d’expulsions massives de Donald Trump en l’autorisant à révoquer le statut légal d’immigrés vénézuéliens, cubains, nicaraguayens et haïtiens. Le statut accordé par l’administration Biden a permis à quelque 532 000 d’entre eux de s’installer aux Etats-Unis.
    En mars, la secrétaire à la sécurité intérieure, Kristi Noem, a mis fin à un programme spécial institué sous le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Joe Biden. Il autorisait les ressortissants de ces quatre nationalités à résider aux Etats-Unis pour deux ans en raison de la situation des droits humains dans leurs pays respectifs. Mais une juge fédérale de Boston, dans le nord-est du pays, avait suspendu le 14 avril la décision de l’administration Trump. La Cour suprême à majorité conservatrice, saisie en urgence par l’administration Trump, lève vendredi cette suspension, le temps qu’une cour d’appel se prononce sur le fond.
    La Cour ne motive pas cet arrêt mais une des trois juges progressistes – sur neuf juges au total – Ketanji Brown Jackson, exprime son profond désaccord, reprochant à ses collègues de la majorité d’avoir « loupé leur analyse » de l’opportunité de suspendre la décision des juridictions inférieures. Elle leur reproche de « sous-estimer les conséquences dévastatrices d’autoriser le gouvernement à bouleverser radicalement la vie et les moyens de subsistance de près d’un demi-million d’étrangers pendant que leurs recours légaux sont en cours », dans un avis écrit auquel se joint une autre juge progressiste, Sonia Sotomayor.
    Adelys Ferro, directrice du Venezuelan American Caucus, une organisation de soutien à la communauté vénézuélienne, déplore dans un communiqué que « l’intention de cette administration ait toujours été de pousser les gens dans la clandestinité pour pouvoir justifier leur expulsion, sans tenir compte du fait qu’ils sont entrés par des voies légales ».La juge de première instance avait considéré en avril que l’administration Trump avait interprété la loi de manière erronée en appliquant une procédure d’expulsion accélérée visant les étrangers entrés illégalement dans le pays aux immigrés protégés par des programmes gouvernementaux. Le 19 mai, la Cour suprême avait également autorisé le gouvernement à révoquer provisoirement le statut de protection temporaire qui lui interdisait d’expulser quelque 350 000 Vénézuéliens.
    La secrétaire à la sécurité intérieure a en effet annulé une prolongation de dix-huit mois de ce statut pour les Vénézuéliens, en raison du caractère jugé « autoritaire » du régime de Nicolas Maduro, décidée par son prédécesseur démocrate Alejandro Mayorkas, et qui devait entrer en vigueur début avril.
    Donald Trump a érigé la lutte contre l’immigration clandestine en priorité absolue, évoquant une « invasion » des Etats-Unis par des « criminels venus de l’étranger » et communiquant abondamment sur les expulsions d’immigrés. Mais son programme d’expulsions massives a été contrecarré ou freiné par de multiples décisions de justice, y compris de la part de la Cour suprême, notamment au motif que les personnes visées devaient pouvoir faire valoir leurs droits. Son gouvernement accuse systématiquement les magistrats qui s’opposent à ses décisions d’« empiéter » sur les prérogatives du pouvoir exécutif

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#venezuela#cuba#nicaragua#haiti#droit#sante#politiquemigratoire

  • La fin du rêve américain des étudiants chinois
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/01/la-fin-du-reve-americain-des-etudiants-chinois_6609769_3210.html

    La fin du rêve américain des étudiants chinois
    Par Harold Thibault (Pékin, correspondant)
    Difficile de faire parcours plus brillant que celui de Duo Yi, 24 ans. Après une licence en relations internationales obtenue avec les honneurs à l’université de Pékin, la plus prestigieuse de Chine, la jeune femme a poursuivi un master à Oxford, au Royaume-Uni, grâce à une bourse destinée aux étudiants les plus doués. Elle a souhaité aller encore plus loin et a postulé pour un doctorat à la Kennedy School de Harvard, aux Etats-Unis, le top mondial en sciences politiques. « C’était le programme de mes rêves. J’étais extrêmement heureuse quand j’ai appris que j’étais admise », dit-elle au Monde.
    Duo Yi a reçu son visa il y a quelques semaines, mais elle n’est pas sûre qu’il soit encore valable, et se demande désormais, vu l’hostilité affichée par l’administration américaine à l’égard des étudiants chinois, s’il lui sera possible d’étudier sereinement aux Etats-Unis. Deux annonces successives ont compliqué ses plans. D’abord la bataille engagée par Donald Trump contre l’accueil d’étudiants étrangers à Harvard, qui, même si le président américain est contredit par des juges, laisse l’étudiante dans la crainte d’un environnement très incertain. Puis, les déclarations du secrétaire d’Etat et conseiller à la sécurité nationale, Marco Rubio, qui, mercredi 28 mai, a dit vouloir « révoquer activement les visas pour les étudiants chinois, notamment ceux ayant des liens avec le Parti communiste chinois ou étudiant dans des filières sensibles ».
    Le parti unique compte près de 100 millions de membres dans toutes les strates sociales de la population. Quel sera alors le niveau de lien inacceptable, et quelles seront les matières trop sensibles ? Washington a annoncé vouloir étudier rigoureusement chaque dossier. Des agences privées qui, à Pékin ou à Shanghaï, aident les étudiants à constituer habilement leur candidature et à rédiger leur lettre de motivation pour les universités américaines ont conseillé à certains d’entre eux d’effacer le contenu de leurs réseaux sociaux et de ne pas se faire remarquer.
    Duo Yi s’interroge, elle pourrait faire une année de césure. « Bien sûr, Harvard reste attrayant, mais je risque d’y vivre avec un fort sentiment d’insécurité, les choses sont devenues imprévisibles. Comment ferai-je, si mon visa est annulé du jour au lendemain ou ma bourse supprimée une fois que je suis là-bas ? », se demande la jeune femme.Malgré le choc géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine, la fascination que suscitent les universités américaines faisait partie des facteurs d’apaisement ; elles tissaient un lien. En 2024, 277 000 Chinois ont étudié dans des universités aux Etats-Unis, ce qui en faisait la deuxième population estudiantine après les Indiens, en baisse par rapport au pic de 370 000 en 2019.
    Dans une société chinoise culturellement fortement focalisée sur l’éducation, mais qui se caractérise aussi par sa masse démographique, un passage d’une année ou deux par une institution américaine est une manière de se démarquer, y compris au sommet de l’élite. Xi Mingze, la fille du président Xi Jinping, a étudié la psychologie et l’anglais à Harvard en 2010 sous un nom d’emprunt. Malgré les tensions croissantes entre les deux puissances, Xi Jinping lui-même a raconté à plusieurs reprises comment un bref séjour dans l’Iowa pour observer le modèle agricole américain, alors qu’il n’était encore qu’un officiel de rang modeste, a nourri chez lui une sympathie pour le peuple américain.
    Mais rien ne va plus entre les deux géants, et la paranoïa limite les échanges humains. La réalité des cas d’espionnage chinois sur le sol américain est bien établie, comme celui de ces cinq étudiants chinois de l’université du Michigan mis en cause pour avoir observé de trop près un exercice militaire mêlant soldats américains et taïwanais, à Camp Grayling, en août 2023. La nouvelle administration américaine considère que la menace sécuritaire l’emporte sur les vertus de la présence d’étudiants chinois pour le rayonnement des idées et de l’image des Etats-Unis en Chine. Le chef de la diplomatie, Marco Rubio, en particulier est considéré comme un faucon qui ne s’inquiète pas seulement de la menace économique ou militaire que représente la Chine, mais est viscéralement opposé à son régime politique et à ses violations des droits de l’homme.
    Les contrôles renforcés sont un élément de contentieux supplémentaire. Depuis le début de l’année 2024, la Chine dénonce les interrogatoires subis par certains étudiants ou visiteurs chinois à leur arrivée dans les aéroports américains, tandis que le FBI a placé en août 2024 des affichettes dans les aéroports de New York prévenant quiconque serait empêché de quitter le territoire une fois en Chine d’en informer au plus vite la police fédérale américaine. La Sécurité d’Etat, le renseignement chinois, met quant à elle en garde les étudiants chinois sur son compte WeChat contre les étrangers qui, sous couvert de relation amoureuse, pourraient être des agents de pays hostiles chargés de les recruter.
    Les recommandations faites aux voyageurs ont été mises à jour de part et d’autre. Depuis novembre 2024, le département d’Etat invite les citoyens américains à « faire preuve d’une attention croissante lors de leurs déplacements en Chine » du fait du risque de détention arbitraire. Le ministère du tourisme chinois appelle depuis le 9 avril ses ressortissants à « pleinement évaluer les risques » avant de se rendre aux Etats-Unis. De fait, alors que le nombre de vols entre la Chine et l’Europe ou le reste de l’Asie est remonté à plus de 80 % du niveau d’avant la pandémie de Covid-19, ceux vers les Etats-Unis n’atteignaient que 20 % du niveau de 2019, d’après des chiffres de la plateforme spécialisée Cirium, en 2024. L’inquiétude des Chinois pour leur pouvoir d’achat ne favorise pas les voyages les plus lointains, tandis que le contexte politique est dissuasif : la Chine a accéléré ces dernières années une politique imposant non seulement aux officiels de haut rang mais aussi aux simples fonctionnaires de remettre leur passeport à leur unité de travail, par souci sécuritaire.
    Les annonces de Marco Rubio s’ajoutent à ce contexte, et suscitent une certaine panique chez les jeunes Chinois déjà présents aux Etats-Unis. « Cela a créé une vague d’anxiété. Les étudiants chinois sont confrontés au risque d’une remise en cause de leur diplôme, et beaucoup s’interrogent déjà sur leur choix des Etats-Unis, se tournant vers le Royaume-Uni, le Canada ou l’Australie, constate Pierre Huguet, le patron de H&C, une société d’accompagnement dans les parcours d’admission dont le siège se trouve à Boston. C’est à la fois triste et sans précédent. »
    La Chine, de son côté, espère attirer à elle davantage de chercheurs et d’étudiants chinois qui avaient opté pour le cadre libre des campus américains. Le journal singapourien Lianhe Zaobao a déjà dénombré une vingtaine de professeurs de renom dans des domaines scientifiques ayant choisi de revenir en Chine depuis 2024, notamment du fait du climat de suspicion régnant aux Etats-Unis. C’est le cas de la mathématicienne Chen Min, qui a quitté l’université Purdue (Indiana) pour un institut situé à Ningbo, ou de Lin Huaxin, qui, après trente ans à l’université de l’Oregon, a accepté l’offre d’un nouveau centre de recherche fondamentale lancé par la municipalité de Shanghaï et l’université locale de Fudan.
    Lundi 26 mai, en réaction aux mesures de restrictions prises contre Harvard, le bureau de l’éducation de Hongkong a invité « toutes les universités de Hongkong à introduire des mesures de facilitation pour les personnes éligibles [à leurs programmes] afin de sauvegarder les intérêts légitimes des étudiants et des universitaires et d’attirer les meilleurs talents ». C’est oublier que beaucoup d’étudiants avaient choisi les Etats-Unis pour fuir l’emprise croissante du Parti communiste sur les campus chinois ou la reprise en main de Hongkong.

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  • Des migrants expulsés des Etats-Unis vers le Soudan du Sud, pays qui n’est pas le leur, en attente à Djibouti
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    Des migrants expulsés des Etats-Unis vers le Soudan du Sud, pays qui n’est pas le leur, en attente à Djibouti
    Par Mathilde Boussion et Florence Miettaux (Juba, correspondance)
    Est-il possible d’envoyer sans leur consentement des migrants illégaux vers un pays au bord de la guerre civile qui n’est pas le leur ? Affirmatif, soutient la nouvelle administration américaine, alors que sept étrangers, condamnés pour divers crimes aux Etats-Unis, sont détenus à Djibouti après la suspension par un juge fédéral de leur expulsion vers le Soudan du Sud. Furieux, le gouvernement a saisi la Cour suprême le 27 mai. L’affaire, explique-t-il, menace la « sécurité nationale » des Etats-Unis, ainsi que sa politique étrangère en Afrique.
    Les migrants expulsés figurent parmi « les pires des pires » des individus en situation irrégulière aux Etats-Unis, insiste Washington. Condamnés pour meurtre, cambriolage à main armée ou encore viol, ils sont ressortissants du Laos, de Cuba, de Birmanie, du Mexique et du Vietnam. Face à la difficulté de les renvoyer chez eux, l’administration Trump a donc adopté une stratégie alternative et radicale : les expédier vers des pays tiers.
    C’est ainsi que le 20 mai, les sept hommes, ainsi qu’un Sud-soudanais, ont embarqué en toute discrétion pour le Soudan du Sud. Mais dès le lendemain, un juge fédéral ordonnait la suspension de la procédure. Il estime que le gouvernement américain n’a pas laissé une « opportunité significative » aux migrants d’exprimer d’éventuelles craintes de subir des tortures au Soudan du Sud. Un pays dans lequel le département d’Etat américain déconseille à ses ressortissants de se rendre « en raison de la criminalité, des enlèvements et des conflits armés ».
    Devenu indépendant en 2011, le Soudan du Sud a connu une guerre civile de 2013 à 2018 qui a fait 400 000 morts et l’ONU craint le retour d’un conflit à grande échelle. Depuis 2025, les tensions entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar, placé en résidence surveillée, ont viré à l’affrontement ouvert entre leurs forces armées. D’après l’ONU, plus de 130 000 personnes ont été déplacées par les combats. En dépit de ce contexte, les migrants ont été placés dans un avion vers cette destination moins de 24 heures après avoir été notifiés de leur expulsion. « J’avais rendez-vous avec mon client le matin où il a été expulsé, je n’ai jamais pu lui parler, explique Jacqueline Brown, avocate de l’un de ces hommes. Jusqu’ici, personne n’avait mentionné le fait d’envoyer qui que ce soit au Soudan du Sud, c’est sorti de nulle part. » Son client, qui parle « à peine » anglais, a refusé de signer sa notification d’expulsion.
    Intervenue pendant le transfert, l’injonction du juge Murphy a obligé les Etats-Unis à détenir les migrants sur leur base militaire à Djibouti. Une installation « ni conçue, ni équipée pour détenir de tels criminels », préviennent les autorités américaines, qui dénoncent dans leur recours un « bourbier diplomatique et logistique ». Théoriquement, celles-ci doivent désormais laisser dix jours aux expulsés pour leur permettre d’exprimer d’éventuelles craintes sur leur destination. Mais depuis le départ des migrants, aucun avocat travaillant sur l’affaire n’a pu communiquer avec son client, explique Me Brown.
    Parmi les arguments avancés devant la Cour suprême pour demander la levée de l’injonction du juge Brian Murphy, Washington assure que la suspension des expulsions cause un préjudice « important et irréparable » à la politique étrangère américaine, alors que celle-ci peine à trouver des pays disposés à accepter des étrangers. D’ores et déjà, assurent les autorités, l’imbroglio a « fait dérailler [ses] efforts pour rebâtir sans bruit une relation de travail constructive » avec le Soudan du Sud. « En trois mois, ils ont déjà détruit les relations avec plusieurs pays. Je ne vois pas pourquoi ils seraient plus inquiets de leurs liens avec le Soudan du Sud qu’avec l’Union européenne », ironise Jacqueline Brown, qui estime que les préoccupations diplomatiques affichées par l’administration Trump visent à masquer « un assaut en règle contre la Constitution ».
    Pour obtenir l’accord du Soudan du Sud, les Etats-Unis semblent s’être engouffrés dans une brèche ouverte début avril. S’indignant du refus des autorités sud-soudanaises d’accueillir un migrant présenté comme l’un de leur ressortissant, le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, avait annoncé la suspension des visas pour tous les Sud-Soudanais. Juba, qui assurait que l’homme était en réalité Congolais, avait fini par céder, sans pour autant obtenir la levée de la mesure.
    Les autorités sud-soudanaises n’ont pas donné suite aux sollicitations du Monde. Mais à Juba, la directrice du Centre for Inclusive Governance, Peace and Justice, Jackline Nasiwa, s’interroge sur le choix porté sur le Soudan du Sud : « Le contexte sud-soudanais est fragile, les systèmes pénitentiaire et judiciaire sont faibles. Où allons-nous les placer ? Nous sommes également très inquiets car certains de ces hommes ont été condamnés pour violences sexuelles et sexistes. Le Soudan du Sud est-il un pays où n’importe quel auteur de ces violences peut être envoyé ? »
    Inquiet de voir son pays devenir le « dépotoir » des Etats-Unis, Edmund Yakani, directeur de la Community Empowerment for Progress Organization (CEPO), une autre organisation de la société civile du pays, s’interroge sur les contours de l’accord passé entre Juba et Washington. Il appelle le gouvernement sud-soudanais à faire preuve de transparence en dévoilant les « raisons qui motivent l’accueil de criminels ».
    Dans une déclaration datée du 23 mai, le secrétaire d’Etat américain avait déjà averti : « il est pratiquement certain que l’injonction du tribunal entraînera un retard ou une réduction significative des efforts humanitaires » des Etats-Unis dans le pays. L’expulsion de non-ressortissants vers le Soudan du Sud constitue pourtant une violation de la Convention contre la torture, souligne Nyagoah Tut Pur, spécialiste du pays au sein de Human Rights Watch (HRW).
    « Cette dernière, rappelle-t-elle, interdit à un Etat de renvoyer des personnes vers un pays où elles sont exposées à un risque réel de persécution, de torture, de traitements inhumains ou dégradants, ou de menaces de mort en raison d’un conflit armé ou de violences généralisées. » Or, HRW a prouvé l’existence de bombardements aériens dans des zones peuplées, « ce qui pourrait constituer des crimes de guerre », et constaté « des conditions déplorables dans les centres de détention ».
    Rien qui ne semble embarrasser les Etats-Unis. Dans leur recours déposé auprès de la Cour suprême, les autorités américaines expliquent en effet qu’elles envoient des immigrés illégaux dans un pays tiers à la seule condition que ce dernier ait « fourni des assurances diplomatiques selon lesquelles les étrangers expulsés des Etats-Unis ne seront ni persécutés ni torturés ». Une fois cette assurance obtenue, « une évaluation individualisée supplémentaire ne sert à rien », jugent-elles.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#djibouti#soudandusud#expulsion#politiquemigratoire#sante

  • A Harvard, l’inquiétude des étudiants étrangers, cibles de Donald Trump
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    A Harvard, l’inquiétude des étudiants étrangers, cibles de Donald Trump
    Par Nicolas Chapuis (Cambridge (Massachusetts) envoyé spécial)
    « Vous auriez mérité d’avoir ici une star, une légende, un prix Nobel, ou qui sait, le pape lui-même… Peut -être l’année prochaine ? » Un rire parcourt la foule de milliers de personnes réunies, jeudi 29 mai, sur la pelouse de Harvard. Abraham Verghese n’a pas la notoriété de ses illustres prédécesseurs – Barack Obama, Angela Merkel, Tom Hanks, Mark Zuckerberg, ou encore Steven Spielberg – choisis pour prononcer le grand discours annuel de remise des diplômes de la célèbre université.
    Mais en cette année 2025, marquée par les attaques de l’administration Trump contre le campus, qui de mieux pour remplir ce rôle qu’un médecin, professeur à Stanford, écrivain, né en Ethiopie de parents indiens, et arrivé en Amérique dans les années 1980 avec le statut d’étudiant étranger. « Quand des immigrés et d’autres personnes présentes légalement dans ce pays, y compris vos nombreux étudiants étrangers, s’inquiètent d’être arrêtés à tort, voire expulsés, il est peut-être approprié que vous entendiez la voix d’un immigré comme moi. »
    Depuis mardi, l’université Harvard vit au rythme des cérémonies du Commencement, le rituel de fin d’études dont les origines remontent au XVIIe siècle. Elles ont débuté par un défilé des quelque 9 000 étudiants diplômés. Beaucoup ont revêtu, en plus de la toge et de la toque noires, des étoles aux couleurs de leurs pays d’origine et l’on mesure, à la vue de cette foule bariolée, ce que signifie pour l’université la perte potentielle de ses étudiants étrangers.
    La légèreté ambiante dans les rues de Cambridge, la banlieue universitaire de Boston (Massachusetts), ferait presque oublier que l’établissement le plus prestigieux des Etats-Unis est engagé dans une lutte sans pitié avec Donald Trump. Le 22 mai, Kristi Noem, la secrétaire à la sécurité intérieure, avait annoncé l’annulation de l’accréditation de la plus ancienne université du pays au programme de visas « Student and exchange visitor », soit la possibilité d’accueillir des élèves du monde entier. La mesure a été suspendue temporairement par un juge.
    Le gouvernement a donc coupé le robinet en amont, avec une décision qui touche désormais l’ensemble des universités : la suspension des rendez-vous dans les ambassades pour tous les étudiants étrangers, officiellement pour revoir les procédés d’attribution des visas, qui devraient désormais passer par un contrôle strict des réseaux sociaux des postulants.
    Donald Trump a justifié l’offensive, mercredi, dans le bureau Ovale : « Harvard doit mieux se comporter. Harvard traite notre pays avec beaucoup d’irrespect. Et tout ce qu’ils font c’est de s’enfoncer encore et encore. » L’institution avait déjà été visée au portefeuille : en deux mois, l’administration a menacé d’annuler des fonds en faveur de l’université à hauteur de 2 milliards de dollars (1,76 milliard d’euros), de supprimer son exemption fiscale et de revoir tous les contrats fédéraux dont elle bénéficie. Au point que le Wall Street Journal a posé dans un éditorial critique, la seule question qui vaille désormais : « Est-ce que Trump essaie de détruire Harvard ? »
    « Cela n’a aucun sens »
    Qu’a donc fait l’université pour mériter l’ire présidentielle ? Pour l’ensemble des étudiants rencontrés sur place, il semble évident que la lutte contre l’antisémitisme sur le campus, l’argument brandi par l’administration, est un prétexte. Lors d’un rassemblement organisé en faveur des étudiants étrangers, mardi, Jacob Miller, kippa sur la tête, fraîchement diplômé, est le premier à s’exprimer devant quelque 200 personnes : « Soyons clairs : ça n’a rien à voir avec le combat contre l’antisémitisme. L’antisémitisme est un vrai problème, c’est un problème à Harvard, c’est un problème dans le pays, mais ces politiques ne feront rien pour combattre cette haine d’un autre âge. A la place, elles sont destinées à nous diviser. Je suis donc ici aujourd’hui pour vous dire que la communauté juive rejette cette version du gouvernement. » Eylam, étudiant israélien, qui doit poursuivre un cursus à Columbia (New York) l’année prochaine, s’inquiète pour sa femme, élève à Harvard (...) Car c’est le paradoxe de cette affaire des visas : les étudiants de l’Etat hébreu sont également visés par la mesure prise au nom de la lutte contre l’antisémitisme.
    Les attaques de Donald Trump ont temporairement ressoudé les rangs dans une université bousculée par les manifestations liées aux massacres du 7 octobre 2023 et à la guerre meurtrière à Gaza. La plupart des personnes rencontrées conviennent que des dérapages antisémites ont effectivement eu lieu lors des manifestations de soutien aux Palestiniens. Le président de l’université, Alan Garber, nommé en août 2024 pour répondre à la crise, a lancé un groupe de travail sur l’antisémitisme. Les conclusions livrées en avril faisaient état de témoignages d’étudiants juifs s’étant sentis « ciblés et rejetés en raison de leur identité ». Elles ont été accompagnées d’un message d’excuse de la direction, qui s’est engagée à réviser ses processus d’admission.
    Insuffisant pour l’administration Trump, qui demande désormais tous les documents concernant les étudiants qui auraient commis des délits ou même simplement participé à des manifestations. Elle réclame également un audit pour déterminer le positionnement idéologique des étudiants et du personnel de l’université. Harvard est accusée d’être un foyer de militantisme en faveur des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), honnies par le nouveau pouvoir.
    L’université a fourni quelques documents mais a rejeté l’essentiel des requêtes. La plupart des étudiants incitent leur direction à tenir bon, dénonçant une chasse aux immigrés, une attaque en règle contre la liberté de parole, et la fin de la liberté académique.
    Un autocollant « Sans nos étudiants internationaux, Harvard n’est pas Harvard » lors de la 374ᵉ cérémonie de remise des diplômes de l’université, à Cambridge (Massachusetts), le 29 mai 2025.
    « Le talent de Donald Trump, c’est de soulever des problèmes existants pour imposer ensuite ses politiques autoritaires, estime Nicolas Barral, 37 ans, étudiant français en master des affaires publiques à la Harvard Kennedy School. Il y a eu quelques actes antisémites, il y a un problème de diversité de points de vue, d’autocensure sur certains sujets… Tout cela est vrai. Mais la bascule dans l’autre sens est un vrai risque, avec la dépolitisation de sujets éminemment politiques, ce qui empêche un quelconque progrès. » Il raconte le cours de ce professeur sur les questions environnementales qui, au lendemain de l’élection, a refusé, par crainte des polémiques, d’aborder les conséquences du mandat de Donald Trump. « On a un président dont le slogan est “Drill, baby drill !” (Fore, bébé, fore) et on ne peut pas en parler dans un cours sur les politiques climatiques. »
    Les mesures de l’administration Trump, qui, selon lui, « attaquent les fondements de la démocratie et de l’Etat de droit », ont conforté le Français dans son choix de ne pas poursuivre son parcours aux Etats-Unis. Combien sont-ils, ces étudiants qui vont renoncer à postuler ? Contactée par Le Monde, la direction de l’université n’a pas souhaité commenter la situation, mais les dégâts causés sont déjà immenses.Le choix d’utiliser les étudiants étrangers pour faire pression sur Harvard ne doit rien au hasard et s’inscrit dans un cadre plus large de politiques hostiles à l’égard des immigrés. Marco Rubio, le secrétaire d’Etat, a annoncé mercredi qu’ils allaient commencer à « révoquer agressivement des visas d’étudiants chinois ». Pour Donald Trump, les élèves venus d’autres pays sont perçus comme de potentiels « fauteurs de troubles, proches des fous de la gauche radicale ».Les principaux concernés par la décision ne sont pas présents à Harvard en cette fin de mois de mai. Les cours sont finis depuis trois semaines et les étudiants étrangers pas encore diplômés sont pour la plupart rentrés dans leur pays d’origine. Aujourd’hui, ils ne savent pas s’ils seront autorisés à revenir sur le territoire à la prochaine rentrée ou s’il leur faut chercher une autre solution. Même dilemme pour ceux qui viennent d’être acceptés dans la prestigieuse université. Avec des frais annuels globaux estimés entre 80 000 et 100 000 dollars par étudiant, l’enjeu financier est majeur, tant pour l’université que pour les étudiants.
    L’impact pour l’économie est également sensible. Nombreux sont les diplômés à poursuivre leur cursus via une procédure destinée à leur permettre de travailler dans des entreprises situées aux Etats-Unis, en bénéficiant d’une extension du visa étudiant. Un moyen de capter à coût réduit les meilleurs profils venus du monde entier. Tous ces étudiants risquent désormais de quitter les Etats-Unis pour d’autres rivages. Un nouveau coup porté au soft power du pays.
    Jeudi, au moment même où Abraham Verghese dissertait sur le rêve américain malmené, une juge de Boston rendait pour la deuxième fois une décision favorable à l’université, prolongeant sa capacité à accueillir des étudiants étrangers. Un camouflet pour Trump et un répit, de courte durée, pour Harvard.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#harvard#etudiantetranger#visas#politiquemigratoire#sante

  • Etats-Unis : la prison de Delaney Hall, symbole de la politique répressive d’expulsion de migrants de Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/29/etats-unis-delanay-hall-la-prison-devenue-le-symbole-de-la-politique-d-expul

    Etats-Unis : la prison de Delaney Hall, symbole de la politique répressive d’expulsion de migrants de Donald Trump
    Les lettres couleur rouille se détachent sur le bâtiment gris cafardeux, au cœur d’une zone industrielle démoralisante. « Delaney Hall » fut autrefois le « centre de réinsertion » de Newark (New Jersey) mais l’établissement pénitentiaire a récemment changé de vocation. Il est désormais l’emblème de la politique d’immigration répressive engagée par Donald Trump depuis son retour au pouvoir en janvier : on ne ressort plus de Delaney Hall que par les airs, pour quitter les Etats-Unis.
    Depuis les abords du bâtiment, on aperçoit, entre deux dépôts de carburant, la flèche du One World Trade Center. New York n’est pas loin mais semble à des années-lumière. Le complexe se situe dans le « couloir chimique » de Newark, où l’air varie, selon les jours, du malodorant au méphitique. Les anciens détenus refusaient souvent de sortir en promenade. Quant aux nouveaux, pas grand-monde ne les voit. C’est le secret le mieux gardé de Delaney Hall. Qui sont les personnes emprisonnées et quel est leur profil ? La prison, qui a rouvert ses portes le 1er mai, doit devenir, à terme, avec ses 1 100 lits, le plus important centre de toute la Côte est pour le traitement des personnes en situation irrégulière en voie d’expulsion. L’administration Trump a signé un contrat de près de 1 milliard de dollars (884,4 millions d’euros) sur quinze ans avec GEO Group, une société privée spécialisée dans la gestion des établissements pénitentiaires.
    Aux Etats-Unis, 90 % des migrants arrêtés par l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), l’agence chargée des douanes et du contrôle des frontières, sont détenus sous l’intendance de ce type de compagnies privées, dont les cours en Bourse ont fortement augmenté après l’élection de Donald Trump. Ce dernier a promis de déporter 10 millions de personnes sans papiers pendant son mandat.Selon le département de la sécurité intérieure, qui a publié un communiqué sur Delaney Hall, le centre « détient des meurtriers, des violeurs, des personnes suspectées de terrorisme et des membres de gangs ». Mais aucun chiffre n’a été donné. Une reporter de la chaîne CBS, qui a pu pénétrer dans la prison le 13 mai, s’est vu fournir celui de 152 détenus, dont 75 % auraient des condamnations à leur actif ou feraient l’objet de poursuites. Les requêtes du Monde auprès de GEO Group et de l’ICE sont restées sans réponse.
    Une polémique médiatisée aux Etats-Unis a projeté Delaney Hall au centre du débat politique. Les démocrates, en pleine primaire pour choisir leur candidat à l’élection du gouverneur du New Jersey en novembre, ont fait de la fermeture de cette prison un argument de campagne. Ras Baraka, le maire de Newark, qui brigue l’investiture, assure depuis plusieurs semaines que GEO Group n’a pas obtenu les permis nécessaires et n’a pas effectué les vérifications de sécurité, ce que l’administration dément. Trois élus démocrates de la Chambre des représentants, accompagnés du maire, ont tenté d’inspecter les locaux, le 9 mai, comme leur mandat les y autorise. La visite a mal tourné avec un début d’échauffourée.
    Ras Baraka a été arrêté, placé quelques heures en détention, et a comparu devant un juge avant d’être relâché. Les charges contre lui ont été abandonnées. En revanche, la procureure générale remplaçante du New Jersey, Alina Habba, qui fut l’une des avocates de Donald Trump, a choisi de poursuivre LaMonica McIver, représentante démocrate à la Chambre, pour « agression » sur un agent de l’ICE. Elle risque huit ans de prison et 250 000 dollars d’amende. Le président s’en est mêlé, lâchant lors d’une visite au Capitole, mardi 20 mai : « Cette femme, je n’ai aucune idée de qui elle est, était hors de contrôle. C’est fini ces conneries. Nous allons restaurer la loi et l’ordre. » Les vidéos consultées par Le Monde ne montrent rien de tel, tout au plus une grande confusion et une bousculade. « Les charges contre moi sont purement politiques – elles ont déformé et faussement caractérisé mes actes, et elles sont destinées à criminaliser et à dissuader la supervision législative », a déclaré LaMonica McIver dans un communiqué.
    L’épisode n’a pas découragé les manifestants qui ont pris l’habitude de se rassembler devant les grilles de Delaney Hall. En ce vendredi pluvieux de fin mai, ils sont une vingtaine, munis de pancartes. Les profils sont divers, les âges aussi. Certains arborent des keffiehs palestiniens. L’un se revendique « socialiste » et « opposé aux frontières », quand d’autres sont proches des démocrates et simples opposants à la politique migratoire. Le patchwork de l’anti-trumpisme. (...)
    Les manifestants contestent le fait que Delaney Hall regorge de criminels aux casiers judiciaires chargés. Selon Li Adorno, 32 ans, de l’association promigrants Movimiento Cosecha, qui assiste des familles de détenus, l’administration ne parvient pas à remplir ses objectifs et cible les sans-papiers, délinquants ou non, pour les atteindre. « Le problème, c’est qu’ils ont du mal à trouver tous ces criminels qui, selon eux, sont partout.
    La bataille de la communication sur la question migratoire se révèle particulièrement féroce dans le pays. Estimant, sondages à l’appui, que l’expulsion manu militari des criminels sans papiers est plébiscitée tous bords confondus, l’administration Trump publie chaque jour des communiqués sur l’arrestation de « membres de gangs », accompagnés de photos de détenus aux mines patibulaires. Le message est clair : derrière chaque personne en situation irrégulière se cache un délinquant en puissance.
    Les chiffres de l’ICE sont cependant moins convaincants : sur les cent premiers jours de mandat, les tentatives de traversée de la frontière ont chuté, les arrestations ont doublé (66 000 personnes), mais le nombre d’expulsions (65 000) a légèrement reculé par rapport à la fin de l’ère Biden. Et la moitié des personnes actuellement détenues n’ont ni casier ni poursuites judiciaires à leur encontre.
    Delaney Hall est censé être la tête de pont du dispositif pour passer à la vitesse supérieure. Le complexe jouit d’un atout de taille : sa proximité avec l’aéroport international de Newark. Quinze minutes porte à porte pour GEO Group, qui se veut également spécialiste du transport aérien de prisonniers et bénéficie de sa propre flotte. Car l’administration a engagé une course avec le droit, en utilisant l’« Alien Enemies Act ».
    Cette loi « sur les ennemis étrangers », datant du XVIIIe siècle, rarement invoquée dans l’histoire américaine, permet de déporter des étrangers appartenant à une nation avec laquelle les Etats-Unis sont en conflit armé. Arguant d’une guerre contre les gangs et les trafics, l’administration Trump s’en sert pour expulser des personnes, sans leur offrir les recours judiciaires garantis par la Constitution, vers des pays dont ils ne sont pas originaires.
    The New York Times a ainsi documenté, mercredi 21 mai, le trajet d’un avion parti du Texas avec, à son bord, huit personnes condamnées pour meurtres, agressions sexuelles ou vols, dont certains originaires de Cuba, du Laos, du Vietnam, du Mexique ou de Birmanie. L’avion devait se diriger vers le Soudan du Sud, mais s’est retrouvé coincé à Djibouti. Le tout en violation de la décision d’un juge fédéral démocrate de Boston, rendue un mois auparavant. Un scénario qui se répète ces dernières semaines aux Etats-Unis. La Cour suprême, majoritairement conservatrice, commence à s’en agacer et a rendu, le 16 mai, un jugement qui suspend temporairement la possibilité d’utiliser l’Alien Enemies Act pour expulser des Vénézuéliens en situation irrégulière.
    Un juge de Géorgie, républicain, a tancé l’administration, le 21 mai, estimant que la Constitution ne protège pas seulement « ceux qui déjeunent au Rotary club » : « Ces droits n’appartiennent pas uniquement à ceux que l’on pourrait subjectivement considérer comme de “grands Américains”, a-t-il justifié. Ils s’étendent également à ceux que beaucoup peuvent considérer comme les plus répugnants parmi nous. Ce principe fondamental fait partie de ce qui a rendu, et continuera de rendre l’Amérique grande. »
    Dans un podcast du New York Times, le 22 mai, J. D. Vance, le vice-président américain, s’en est pris aux magistrats : « Je sais que c’est un sujet inflammable, mais je pense que vous assistez à une tentative des juges de littéralement contourner la volonté du peuple. » Interrogé le 4 mai sur NBC, pour savoir s’il devait respecter le 5e amendement de la Constitution qui garantit les droits de chacun, y compris ceux des migrants, devant la justice, Donald Trump a répondu : « Je ne sais pas. »

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#prison#politiquemigratoire#expulsion#sante#droit

  • Les Etats-Unis suspendent le traitement des demandes de visas étudiants, évoquant un contrôle renforcé des réseaux sociaux des postulants
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/27/etats-unis-le-traitement-des-demandes-de-visas-etudiants-suspendu-controle-r

    Les Etats-Unis suspendent le traitement des demandes de visas étudiants, évoquant un contrôle renforcé des réseaux sociaux des postulants
    Le Monde avec AFP
    Le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a ordonné, mardi 27 mai, la suspension du traitement des visas pour les étudiants étrangers, alors que l’administration du président Donald Trump veut passer au crible leurs réseaux sociaux, selon un document interne. Ce texte, consulté par l’Agence France-Presse (AFP), demande aux ambassades et aux consulats des Etats-Unis de par le monde de ne pas autoriser de « rendez-vous pour de nouveaux visas étudiants ou de programmes d’échange (…) jusqu’à ce que de nouvelles directives soient données ». Il précise que le département d’Etat « prévoit de publier des directives sur l’examen approfondi des réseaux sociaux pour toutes les demandes de ce type ».
    La suspension pourrait être brève, selon le document, précisant que les ambassades recevraient de nouvelles directives « dans les prochains jours ».
    La porte-parole du secrétariat d’Etat américain, Tammy Bruce, a affirmé prendre « très au sérieux le processus d’examen de tous ceux qui entrent dans le pays », sans mentionner directement le document. « L’objectif, comme l’ont déclaré le président, [Donald Trump], et le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, est de s’assurer que les personnes qui sont ici comprennent ce qu’est la loi, qu’elles n’ont pas d’intentions criminelles, (…) peu importe la durée de leur statut », a-t-elle déclaré.
    A la question de savoir si les étudiants pourront recevoir leur visa avant le début des cours à l’automne, la porte-parole a répondu : « Si vous demandez un visa, suivez le processus normal, les étapes normales, et attendez-vous à être passé au crible. »Aux Etats-Unis, des centaines d’étudiants étrangers ont vu leur visa supprimé, tandis que des étudiants en situation régulière sur le sol américain ayant participé à des manifestations propalestiniennes ont été arrêtés et menacés d’expulsion. Le président américain, Donald Trump, s’en est également pris à l’université Harvard (Massachusetts), voulant en particulier lui interdire de recevoir des étudiants étrangers.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#etudiant#visas#sante

  • Hongkong prête à accueillir les étudiants étrangers exclus de Harvard par la politique de Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/24/hongkong-prete-a-accueillir-les-etudiants-etrangers-exclus-de-harvard-par-la

    Hongkong prête à accueillir les étudiants étrangers exclus de Harvard par la politique de Donald Trump
    Le Monde avec AFP
    Hongkong ouvrira les portes de ses universités aux étudiants étrangers qui seraient contraints de renoncer à aller à Harvard du fait de la nouvelle politique de Donald Trump leur interdisant l’accès à la prestigieuse université américaine. Vendredi, la secrétaire à l’éducation de Hongkong, Christine Choi, a appelé les universités de la ville chinoise à accueillir « des étudiants exceptionnels de partout dans le monde ». « Pour les étudiants étrangers affectés par la politique d’admission des étudiants des Etats-Unis, le bureau de l’éducation a fait appel à toutes les universités de Hongkong pour offrir des mesures de facilitation aux étudiants éligibles », a déclaré Mme Choi dans un communiqué.
    L’administration de Donald Trump a annoncé, jeudi, qu’elle interdisait à l’université Harvard d’accueillir des étudiants étrangers à partir de la rentrée prochaine, l’accusant de complaisance antisémite et de liens avec le Parti communiste chinois. Un juge américain a pour l’instant bloqué la mesure, mais de nombreux étudiants étrangers sont dans l’expectative.
    Les universités de Hongkong pourront rehausser le plafond d’étudiants étrangers admis, selon la responsable. Vendredi, l’université des sciences et technologies de Hongkong (HKUST) a déjà invité les étudiants étrangers inscrits à Harvard à venir poursuivre leurs études dans son établissement, promettant des « procédures d’admission simplifiées et un soutien universitaire pour faciliter une transition sans accroc pour les étudiants intéressés », selon un communiqué. Harvard est classée numéro un dans la liste la plus récente des meilleures universités mondiales de l’US News and World Report, tandis que la HKUST est 105e sur plus de 2 000.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#hongkong#etudiantetranger#politiquemigratoire#sante

  • Harvard : l’université sous le choc après l’ultimatum de l’administration Trump sur les étudiants étrangers
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/23/a-harvard-le-coup-de-massue-et-l-ultimatum-de-l-administration-trump_6607842

    Harvard : l’université sous le choc après l’ultimatum de l’administration Trump sur les étudiants étrangers
    Par Nicolas Chapuis (New York, envoyé spécial)
    De toutes les armes à sa disposition, Donald Trump a choisi d’employer la plus lourde dans la bataille qui l’oppose à Harvard. La plus célèbre université du monde s’est vue notifier, jeudi 22 mai, l’interdiction d’accueillir des étudiants étrangers, avec un ultimatum de soixante-douze heures pour se plier aux volontés de l’administration.
    Les quelque 6 800 élèves étrangers bénéficiant actuellement d’un visa étudiant, soit plus d’un quart des effectifs totaux, sont priés de trouver une autre université d’accueil ou de rentrer immédiatement chez eux. Un séisme pour la faculté située à Cambridge, près de Boston, dans le Massachusetts. La perte de l’habilitation à accueillir des postulants d’autres pays est synonyme de déclassement international.
    Sur le campus, la stupeur, voire la terreur, régnait, jeudi après-midi, selon plusieurs étudiants étrangers joints par Le Monde. Aucun n’a accepté de s’exprimer en son nom propre, de peur de perdre son visa. « On n’arrête pas de recevoir des appels d’élèves affolés, qui se demandent si leur présence sur le territoire est encore légale ou s’ils vont être envoyés dans des centres de détention, comme c’est arrivé à des étudiants arrêtés, explique Vincent Pons, professeur à la Harvard Business School, dont environ un tiers des étudiants de MBA sont étrangers. Je suis sidéré et en colère, tout cela est un prétexte pour cibler ce qui est perçu comme un contre-pouvoir. Ce qui est en jeu, c’est la liberté de parole, la liberté d’enseigner, la liberté de faire de la recherche. »
    Jason Furman, ancien conseiller de Barack Obama et professeur d’économie à la Harvard Kennedy school, dénonce auprès du Monde une « action outrageuse et horrible de l’administration Trump » : « Les étudiants étrangers sont une partie essentielle de l’université et apportent une énorme contribution aux Etats-Unis. J’espère qu’elle pourra être contrecarrée immédiatement, mais les dommages sont déjà visibles. »
    Dans la lettre de deux pages envoyée à Harvard, qu’elle a publiée également sur X, la secrétaire à la sécurité intérieure des Etats-Unis, Kristi Noem, explique les raisons de la révocation de la certification pour le programme « Student and Exchange », principale voie d’accès pour les étudiants étrangers, « avec effet immédiat ». « C’est un privilège d’accueillir des étudiants étrangers et c’est également un privilège d’employer des étrangers sur le campus, écrit la républicaine. (…) Au vu de vos refus de répondre aux nombreuses requêtes du département de la sécurité intérieure, tout en maintenant un environnement non sécurisé, qui est hostile aux étudiants juifs, qui favorise les sympathies pro-Hamas et qui défend les politiques racistes DEI (diversité, égalité et inclusion), vous avez perdu ce privilège. »
    S’ensuit la liste de tout ce que l’université doit produire avant dimanche, si elle veut récupérer son habilitation. Harvard doit notamment fournir tous les documents, enregistrements et vidéos concernant les activités illégales, les violences, les comportements dangereux ou les intimidations d’autres élèves, de la part des étudiants étrangers, sur les cinq dernières années. L’université doit également donner tout ce qu’elle possède sur la participation d’étudiants étrangers à des manifestations ou encore les éventuels dossiers disciplinaires de ces élèves. Elle avait refusé jusque-là, estimant qu’il s’agissait de demandes extrajudiciaires.
    L’administration Trump accuse Harvard d’avoir laissé se propager un climat antisémite sur le campus, à la faveur des manifestations propalestiniennes en réaction à la guerre dans la bande de Gaza provoquée par les massacres du 7 octobre 2023 en Israël. Les étudiants étrangers qui y ont participé sont particulièrement dans le viseur. Sur Fox News, où elle s’est rendue dans la foulée de la publication de sa lettre, Kristi Noem a également accusé l’université d’être de mèche avec le Parti communiste chinois, qui serait derrière certaines actions. Interrogée par la présentatrice sur le rôle joué par le Qatar dans le soutien à ces manifestations, la secrétaire à la sécurité intérieure a, en revanche, botté en touche. La veille, le département de la défense avait accepté le cadeau mirifique des Qataris : un Boeing 747 de luxe, pour remplacer l’Air Force One vieillissant du président.
    Harvard a traversé une période houleuse à la suite des massacres du 7-Octobre. L’équipe dirigeante de l’université a été accusée de ne pas en faire assez pour contenir les débordements antisémites lors des actions sur le campus. La présidente de l’époque, Claudine Gay, avait ensuite été rattrapée par un scandale de plagiat, concernant ses propres recherches dans le domaine des études afro-américaines, et poussée à la démission.
    Si les manifestations fournissent le moyen, l’objectif est une mise sous tutelle plus large de l’institution, perçue dans le monde trumpiste comme un parangon de la dérive « woke » des élites et des politiques de diversité et d’inclusion. La plus ancienne et la plus riche des universités privées américaines, membre de la prestigieuse Ivy League, avait pris, ces dernières semaines, la tête du mouvement de résistance à la nouvelle administration, refusant de se plier aux différentes injonctions. Le gouvernement avait notamment réclamé que Harvard mène « un audit » des points de vue de ses étudiants et de ses professeurs, une demande rejetée au nom de la liberté académique. Le ton était monté en avril avec la suspension de fonds fédéraux, à hauteur de 2,2 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros).
    Harvard a les poches profondes (l’université a émis 750 millions de dollars sur le marché obligataire en avril, qui s’ajoutent aux 450 millions déjà émis en mars), mais le coup porté à son rayonnement international est d’une autre nature. La compétition est féroce entre les universités américaines pour attirer les plus grands talents du monde entier, dans tous les domaines. Contactée par Le Monde, l’université réplique à la lettre : « L’action du gouvernement est illégale. Nous sommes pleinement engagés pour maintenir l’habilitation de Harvard à accueillir nos étudiants et nos universitaires étrangers, qui viennent de plus de 140 pays et enrichissent l’université – et ce pays – de manière incommensurable. » Harvard avait déjà engagé une première procédure contre le gel de ses financements et devrait à nouveau utiliser les voies légales pour contester cette décision.
    Alors que la plupart des cours sont terminés sur le campus, l’université était censée se préparer pour les cérémonies du « Commencement », qui se déroulent la semaine prochaine. Les étudiants en fin de cycle, qui portent toge et mortier, se voient remettre leur diplôme sous les applaudissements, une tradition vieille de près de quatre cents ans. Personne ne sait à l’heure actuelle si les étudiants étrangers seront présents pour recevoir le leur.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#harvard#etudiantetranger#visas#politiquemigratoire#sante#droit

  • L’administration Trump retire à Harvard le droit d’accueillir des étudiants étrangers ; une décision « illégale » dénonce l’université
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/22/l-administration-trump-retire-a-l-universite-harvard-le-droit-d-accueillir-d

    L’administration Trump retire à Harvard le droit d’accueillir des étudiants étrangers ; une décision « illégale » dénonce l’université
    Le Monde avec AFP
    L’administration Trump a annoncé, jeudi 22 mai, qu’elle retirait le droit d’accueillir des étudiants étrangers à la prestigieuse université privée Harvard, contre laquelle le gouvernement américain a lancé une vaste offensive.« La certification du programme Sevis (Student and Exchange Visitor) de l’université Harvard est révoquée avec effet immédiat », a écrit la ministre de la sécurité intérieure américaine, Kristi Noem, dans une lettre adressée à l’université. Ce programme est le principal système par lequel les étudiants étrangers sont autorisés à étudier aux Etats-Unis.
    Selon la ministre, cette décision signifie que Harvard a l’interdiction de recevoir des étudiants titulaires de visas F ou J pour l’année scolaire 2025-2026 ; une perte potentielle immense pour le campus du nord-est des Etats-Unis, à la fois sur le plan financier et du rayonnement international.
    Le ministère de la sécurité intérieure a affirmé que Harvard avait créé un environnement universitaire dangereux en permettant à des « agitateurs antiaméricains et proterroristes » d’agresser des étudiants juifs sur le campus. Sans fournir de preuves, il a également accusé Harvard de coordination avec le Parti communiste chinois.
    « Cela signifie que Harvard ne peut plus inscrire d’étudiants étrangers et que les étudiants étrangers actuels doivent être transférés ou perdre leur statut légal », mentionne par ailleurs le communiqué. Selon l’administration Trump, ce sont des milliers d’étudiants actuels qui doivent être transférés vers d’autres écoles ou quitter le pays.
    « Cette décision (…) est la dernière d’une série de mesures de représailles et d’autoritarisme flagrant à l’encontre de la plus ancienne institution d’enseignement supérieur des États-Unis », a dénoncé l’Association américaine des professeurs universitaires (AAUP) à Harvard. « L’administration Trump cherche illégalement à détruire l’enseignement supérieur aux États-Unis », a-t-elle ajouté.
    D’après son site Internet, l’université Harvard, classée parmi les meilleures au monde et qui a produit 162 prix Nobel, accueille cette année quelque 6 700 « étudiants internationaux », soit 27 % du total.
    Selon Kristi Noem, les étudiants étrangers déjà inscrits doivent « se transférer » dans une autre université, sous peine de perdre leur visa. Une initiative déjà prise par Karl Molden, étudiant autrichien de 21 ans en gouvernement et lettres classiques, qui n’avait pas attendu que le couperet tombe et s’est inscrit à l’université d’Oxford, en Grande-Bretagne. « J’aime Harvard et y entrer a été le plus grand privilège de ma vie », mais « les Etats-Unis sont de moins en moins attractifs pour l’enseignement supérieur », a-t-il souligné à l’Agence France-Presse (AFP).
    L’administration a révoqué la certification de Harvard dans le cadre du programme d’étudiants et de visiteurs d’échange, qui donne à l’école la possibilité de parrainer des étudiants internationaux pour obtenir leurs visas et fréquenter une école aux Etats-Unis.
    La ministre a assorti sa décision choc d’un ultimatum : si Harvard veut retrouver ce « privilège », elle doit fournir dans les soixante-douze heures toute une série d’informations dont elle disposerait sur d’hypothétiques activités « illégales » de ses étudiants étrangers dans les cinq dernières années.
    « Cette décision du gouvernement est illégale », a immédiatement répondu un porte-parole de Harvard, contacté par l’AFP. « Nous nous engageons pleinement à maintenir la capacité de Harvard à accueillir nos étudiants et universitaires internationaux, qui viennent de plus de 140 pays et enrichissent l’université – et cette nation – de manière incommensurable », a ajouté l’institution. Celle-ci s’était distinguée il y a plusieurs semaines en attaquant en justice le gouvernement sur le dossier du retrait de ses aides fédérales.
    Le camp républicain reproche plus généralement aux grandes universités américaines de promouvoir les idées de gauche jugées trop progressistes. Les associations de défense des libertés individuelles y voient une offensive contre la liberté d’expression et une tentative de museler toute critique contre Israël.
    Dans son courrier rendu public, la ministre reproche à Harvard son refus de transmettre des informations au gouvernement, « tout en perpétuant un environnement dangereux sur le campus, hostile aux étudiants juifs, encourageant les sympathies pro-Hamas et utilisant des politiques racistes de “diversité, d’équité et d’inclusion” ».
    Ces politiques de diversité sont justifiées par leurs défenseurs au contraire comme un moyen de corriger les inégalités historiques au sein de la société américaine.
    Dans son bras de fer avec Harvard, le gouvernement américain avait déjà supprimé plus de 2 milliards de dollars de subventions à l’université située près de Boston, dans le nord-est des Etats-Unis.
    « Nous travaillons pour fournir au plus vite des conseils et un soutien aux membres de notre communauté. Cette mesure de rétorsion menace de porter gravement atteinte à la communauté de Harvard et à notre pays, et compromet la mission universitaire et de recherche de Harvard », a ajouté de son côté le porte-parole de l’université. (....).

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#universite#harvard#etudiantetranger#visas#politiquemigratoire#droit#sante

  • Un juge fédéral bloque l’expulsion par l’administration Trump d’immigrés vers le Soudan du Sud, transférés à Djibouti
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/23/un-juge-federal-bloque-l-expulsion-par-l-administration-trump-d-immigres-ver

    Un juge fédéral bloque l’expulsion par l’administration Trump d’immigrés vers le Soudan du Sud, transférés à Djibouti
    Le Monde avec AFP
    Les avocats de personnes menacées d’expulsion, le 21 mai 2025, à Boston (Massachusetts), après qu’un juge fédéral a statué que la Maison Blanche avait violé une décision de justice sur les expulsions vers des pays tiers. Les avocats de personnes menacées d’expulsion, le 21 mai 2025, à Boston (Massachusetts), après qu’un juge fédéral a statué que la Maison Blanche avait violé une décision de justice sur les expulsions vers des pays tiers. MICHAEL CASEY / AP
    Des immigrés que le gouvernement américain veut expulser vers le Soudan du Sud, pays pauvre et en proie à un conflit, vont rester pour le moment en transit à Djibouti à la suite d’une décision de justice, a déploré, jeudi 22 mai, l’administration Trump.
    Huit immigrés condamnés pour des crimes violents aux Etats-Unis ont été embarqués, mardi, à bord d’un vol vers le Soudan du Sud, faute d’avoir obtenu l’accord de leurs pays respectifs pour les accueillir, selon le gouvernement. Il s’agit de deux Birmans, d’un Vietnamien, d’un Laotien, de deux Cubains, d’un Mexicain et d’un Sud-Soudanais.
    Mais dans une décision publiée mercredi soir, un juge fédéral de Boston (Massachusetts) a conclu que l’administration Trump avait violé une de ses décisions antérieures. Le magistrat a considéré, notamment, que la notification de moins de vingt-quatre heures aux personnes concernées de leur expulsion vers le Soudan du Sud, un pays visé par une mise en garde aux voyageurs de la part du gouvernement, était insuffisante.
    En cas d’expulsion vers un pays tiers, les personnes concernées doivent en être avisées, puis bénéficier d’un délai « d’un minimum de dix jours » pour déposer un recours sur la base de la Convention des Nations unies contre la torture, a précisé le juge Brian Murphy.
    Donald Trump a accusé, jeudi, sur son réseau Truth Social le magistrat d’avoir « ordonné que huit des plus violents criminels sur Terre écourtent leur trajet vers le Soudan du Sud et restent à Djibouti », où se trouve une importante base militaire américaine. « Il ne veut pas autoriser que ces monstres parviennent à leur destination finale », a-t-il insisté, regrettant, par ailleurs, que cette décision oblige les Etats-Unis à laisser sur place des agents de la police de l’immigration, ICE, pour les garder.
    Le juge a ordonné que six d’entre eux puissent invoquer, avec l’aide d’un avocat, leur « crainte » de subir des tortures ou des mauvais traitements dans le pays tiers. Si le ministère de la sécurité intérieure américain estime cette crainte infondée, ils doivent disposer d’au moins quinze jours pour demander le réexamen de leur procédure d’expulsion, ajoute-t-il. Le juge Brian Murphy laisse à la discrétion du gouvernement de conduire ce processus en les ramenant aux Etats-Unis ou en les laissant à l’étranger, à condition qu’ils restent sous la garde du ministère de la sécurité intérieure américain.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#djibouti#soudan#expulsion#politiquemigratoire#droit#sante

  • « Le deuxième mandat de Trump introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/05/22/le-deuxieme-mandat-de-trump-introduit-de-l-incertitude-sur-la-question-des-v

    « Le deuxième mandat de Trump introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers »
    A l’occasion de la publication des chiffres de la mobilité étudiante dans le monde, la directrice générale de Campus France, Donatienne Hissard, décrypte, dans un entretien au « Monde », la concurrence accrue pour capter les cerveaux et les frais de scolarité.
    Propos recueillis par Charlotte Bozonnet

    Campus France, l’agence chargée de promouvoir l’enseignement supérieur français à l’étranger, publie chaque année les chiffres-clés de la mobilité étudiante dans le monde, un indicateur parmi d’autres des dynamiques et équilibres internationaux. Si son rapport 2025, qui porte sur les évolutions enregistrées entre 2017 et 2022, confirme un retour à la normale après le coup d’arrêt lié à la pandémie de Covid-19, il pointe des changements de fond parmi les flux traditionnels d’étudiants étrangers. Entretien avec Donatienne Hissard, directrice générale de l’agence.
    Quelles sont les tendances marquantes de l’année 2025 ?
    – Cette édition confirme le rebond post-Covid déjà observé les années précédentes. La pandémie n’a été qu’un accident de parcours dans la mobilité étudiante internationale (+ 27 % entre 2017 et 2022) qui est un trait de fond de la mondialisation. Ce qui est nouveau, et intéressant à noter, ce sont les évolutions dans les rangs des grands pays d’accueil. On observe ainsi une échappée du Royaume-Uni, dont l’écart avec les Etats-Unis n’a jamais été aussi bas (quelque 200 000 étudiants de différence), et de l’Allemagne, devenue le troisième pays d’accueil au monde.
    Du côté des régions d’envoi d’étudiants, on note l’émergence de l’Inde et de tout le sous-continent indien (+ 32 % sur cinq ans). Plus globalement, la compétition internationale pour attirer les étudiants s’est renforcée, avec l’arrivée, depuis une dizaine d’années, de nouveaux acteurs sur le marché de la mobilité étudiante internationale. A titre d’exemple, la Turquie est le huitième pays d’accueil au monde, juste derrière la France.

    Comment la France fait-elle face à cette compétition accrue ?
    –La France a accueilli 430 000 étudiants étrangers en 2023-2024, ce qui la place au septième rang mondial et devrait lui permettre d’atteindre l’objectif fixé de 500 000 étudiants accueillis en 2027. Cette population se caractérise depuis longtemps par une grande diversité géographique : aucun pays d’envoi ne regroupe plus de 10 % des étudiants étrangers. La mise en place de droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux depuis 2019 n’a pas eu de conséquence : même à 3 800 euros l’année, un master en France reste en deçà des tarifs pratiqués dans d’autres pays. Ce qui a changé en revanche, c’est l’érosion de la place des universités (63 % des effectifs en 2023-2024 et une hausse de + 7 % entre 2018 et 2023) et la forte progression d’autres types d’établissements, notamment les écoles de commerce (15 % des effectifs actuels et une évolution de + 70 % entre 2018 et 2023).

    Le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada ont connu une hausse particulièrement forte du nombre d’étudiants entre 2017 et 2022 (de l’ordre de 50 %). Comment l’expliquer ?
    Ces trois pays ont en commun de mettre en avant les possibilités -d’insertion professionnelle après les études. Le Canada est traditionnellement un pays d’immigration professionnelle et jouit d’une excellente image dans le monde.Au Royaume-Uni, une politique très agressive a été menée après le Brexit pour attirer les étudiants internationaux. Il s’agissait de compenser l’amoindrissement des flux en provenance d’Europe en accueillant plus d’Asiatiques. Le sujet est existentiel pour les grandes universités britanniques dont le financement dépend en grande partie des droits de scolarité perçus grâce aux étudiants étrangers. Concrètement, le Royaume-Uni a mis en place une politique de visa très favorable jusqu’en 2023, dite « graduate route visa » [visa de parcours d’études supérieures], avec des durées de séjour post-études de deux voire trois ans (contre un an après diplomation en France).
    En Allemagne, l’objectif est de faire face au manque de main-d’œuvre qualifiée lié au déclin démographique de l’Allemagne. Le pays a infléchi sa politique pour faciliter la venue d’étudiants étrangers et les inciter à rester.
    Depuis 2023, le Royaume-Uni et le Canada sont un peu revenus sur les mesures existantes mais il n’y a pas de remise en cause de fond de leur politique. Il s’agit plutôt de mesures de refroidissement d’un système qui était en surchauffe et posait des problèmes de qualité du recrutement.

    Quelles sont les raisons du recul enregistré aux Etats-Unis ? Peut-on voir d’ores et déjà un « effet Trump » sur les flux d’étudiants étrangers ?
    –Les Etats-Unis gardent leur position dominante (quelque 800 000 étudiants sont en mobilité étudiante diplômante, 1 million avec ceux qui sont en échange) mais connaissent un déclin de leur attractivité depuis plusieurs années : moins 15 % entre 2017 et 2022. C’est lié à la montée en qualité d’autres systèmes qui prennent des parts de marché. Pour le moment, il est difficile de dire s’il y a un « effet Trump ». On ne peut pas le voir dans les statistiques. Ce qui est sûr, c’est que ce deuxième mandat introduit de l’incertitude sur la question des visas et des conditions de séjour pour les étudiants étrangers, ce qui n’est pas bon pour la mobilité. Pour une partie des étudiants, il y a certainement aussi un impact en termes d’image, par exemple avec le traitement des mobilisations pro-palestiniennes sur certains campus.
    Ce que l’on observe comme éventuels signaux faibles d’une perte d’attractivité, c’est le fait que les Américains, comme nos homologues de l’agence Institute of International Education, mènent à nouveau des opérations de promotion et de publicité à destination des étudiants étrangers, ce qu’ils ne se donnaient même plus la peine de faire. Sur certains sites, comme Studyportals, qui recueille les vœux des étudiants dans le monde, on observe aussi une baisse d’un tiers de doctorants se déclarant désireux d’aller aux Etats-Unis sur les premiers mois de 2025. Pour le moment, il y a de l’inquiétude mais on verra si elle se traduit dans les chiffres.

    Qui sont les nouveaux acteurs sur ce marché de la mobilité étudiante internationale ?
    – La Chine a été précurseur sur ce sujet : depuis vingt ans, elle a compris que c’est un outil d’influence et s’est dotée de moyens conséquents (bourses, salons internationaux, lancement du classement de Shanghaï, création des instituts Confucius). L’Inde a aussi des ambitions et une influence régionale. La Turquie a connu une progression de 126 % de ses effectifs sur cinq ans. C’est lié à la crise syrienne mais aussi à la mise en place d’une vraie politique de bourses et d’accueil d’étudiants, notamment africains.
    Des acteurs du Golfe ont aussi des ambitions, notamment les Emirats arabes unis, devenus le neuvième pays d’accueil. L’Arabie saoudite commence à s’y intéresser. Certains dragons asiatiques comme la Malaisie, la Thaïlande, Singapour. Mais aussi les trois pays du Maghreb qui ont des ambitions régionales pour attirer les étudiants d’Afrique subsaharienne. Avec le Brexit, un certain nombre de pays au sein de l’Union européenne (Pays-Bas, Irlande) se sont positionnés sur le créneau des études anglophones.

    Dans la compétition mondiale pour attirer les étudiants étrangers, et notamment les doctorants, où l’Europe se situe-t-elle ?
    –Lorsqu’on fait le total, les pays de l’Union européenne (UE) sont la première destination des mobilités étudiantes dans le monde : elles ont crû de 28 % entre 2017 et 2022. C’est aussi une région qui a la particularité d’avoir une très forte mobilité intrazone.
    En ce qui concerne l’accueil de doctorants, certains pays restent très forts. Ils sont ainsi 136 000 aux Etats-Unis, toujours premiers à l’échelle mondiale. Mais si on regroupe tous les pays de l’UE, on atteint le nombre de 152 500 doctorants. Avec des différences importantes entre les pays très prescripteurs au plan scientifique, comme la France, et les autres. Ainsi, la part de doctorants étrangers dans les pays de l’OCDE est en moyenne de 12 % contre 38 % en France, quatrième pays du monde pour l’accueil de doctorants. Ces doctorants étrangers sont une ressource irremplaçable pour les laboratoires de recherche en France.

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