#ethnorégionalisme

  • Premières journées iconoclastes

    Comme le disait un membre de l’#Atelier_idéal en introduisant la première conférence de ces journées, il n’est probablement « … pas besoin d’insister sur le sens du mot iconoclaste. Il convient si bien à la #CNT-AIT, du moins à #Toulouse, toujours prête à donner quelques coups de pieds dans la fourmilière…  ». Mais il n’est peut-être pas inutile de souligner pourquoi ces «  Journées », au lieu de les vouloir simplement «  libertaires » comme c’est classique, nous les avons préférées « iconoclastes ». Un terme n’excluant pas l’autre, tout au contraire selon nous.

    Ce que nous cherchions, c’était à rompre avec la paresse intellectuelle et son « prêt-à-penser idéologique » pour militants ; à démasquer des opinions qui ont pénétré dans le milieu libertaire par effraction ; à briser des étiquetages ; à rediscuter des points, parfois basiques, mais qui ont été oubliés, déformés, mal compris… Bref, nous voulions « secouer le cocotier », faire entrer de l’air frais, relancer des débats, quitte à remettre en question, à nous remettre en question. D’où la méthode choisie. Nous n’avons pas eu recours au vivier militant, nous avons fait appel à quatre intervenants qui ne sont pas anarchosyndicalistes, mais qui connaissent bien leur sujet, qui ont des « choses à dire » (et parfois à nous… contredire) et qui sont ouvert à une discussion franche et loyale. Nous les remercions tous de leur présence, de la qualité de leurs apports et d’avoir pris le risque politique de venir discuter avec nous.

    Ces 29, 30 et 31 mai donc, nous avons tenu nos premières journées iconoclastes dans les locaux du squatt #La_Chapelle. Souvent, dans ce genre de « journées » ou de «  colloques », le programme est dense, le temps est compté. Tout juste une ou deux questions peuvent-elles être posées à un conférencier que l’on passe à un autre. Nous avions choisi, à l’inverse, de nous donner du temps. Le temps de l’échange, de l’approfondissement, le temps de la réflexion. Quatre conférences, une table ronde, un atelier militant, des repas pris en commun sur les lieux mêmes et rien d’autre.

    Le vendredi 29 mai #Françoise_Morvan a ouvert le programme en abordant le #régionalisme à partir du cas breton (« #Ethnorégionalisme et #ultralibéralisme, la #Bretagne pour laboratoire »). Comme nous avions décidé de « creuser » cette question, nous l’avons reprise le lendemain matin dans une « Table ronde autour des régionalismes » à laquelle se sont joints outre Fr. Morvan, #Eric_Fraj et #Yves_Coleman. Ce dernier a donné l’après midi une conférence sur «  L’#antisémitisme de gauche ». En soirée, #Jordi_Vidal a présenté une intervention intitulée « #Postmodernisme : la stratégie, ou l’extinction des Lumières » en l’illustrant d’un de ses films. Le matin du dimanche 31 a été consacré à un atelier militant (« Analyse de trente ans de scissions dans les milieux libertaires »). Les «  Journées » se sont achevées sur une nouvelle conférence d’Yves Coleman («  Idéologues et militants du #social-chauvinisme, de Michéa à Mélenchon »).

    Les discussions sont allées bon train et ont parfois été vives. Elles ne sont pas closes. Elles se poursuivront, par exemple pour ce qui nous concerne, lors de notre camping cet été. Les textes qui suivent sont également des jalons de ces débats, soit qu’ils cherchent à rendre compte synthétiquement des interventions (conférences sur le social-chauvinisme, le post-modernisme), soit qu’ils en constituent plutôt une réinterprétation ou même un commentaire (les trois autres textes). Autant dire qu’il ne s’agit pas de retranscriptions stricto sensu des propos des conférenciers et que les articles qui suivent, s’ils se nourrissent bien de leur apport, n’engagent pour ce qui est de l’expression, des termes employés, de la forme, que nous-mêmes. Pour connaître la pensée précise des conférenciers dans les termes qui sont les leurs, on se reportera à leurs ouvrages.

    Quatre thématiques sont abordées dans ces pages, beaucoup d’autres mériteraient d’être discutées de la sorte. Nous espérons pouvoir le faire dans les mois ou années à venir. De même, nous espérons que le débat sur les scissions dans le mouvement libertaire, après le premier débroussaillage qui a eu lieu, mûrira et qu’il donnera lieu à des écrits ultérieurement.

    Un dernier mot pour souligner que, si ces journées ont connu un succès dépassant nos espérances, nous le devons certainement à notre co-organisateur, l’Atelier idéal, qui anime un squat toujours en danger, La Chapelle, « lieu d’expérimentation sociale, politique et culturel pour interroger le monde comme il ne va pas ».

    Références :
    – Françoise Morvan, « Le Monde comme si – Nationalisme et dérive identitaire en Bretagne » , Actes Sud/Babel, 2005.
    – Jordi Vidal, « Servitude et simulacre en temps réel et flux constant  » , 2007 Editions Allia.
    Il existe une adaptation cinématographique en court-métrage.
    – Eric Fraj, «  Quel occitan pour demain » , ouvrage bilingue, 2013, Editions Reclams
    – Yves Coleman, animateur de «  Ni patrie ni frontière  » a publié plusieurs ouvrages sur des thèmes abordés lors des débats. On se référera à son site. http://mondialisme.org/spip.php?rubrique1

    Autour de Ethnorégionalisme & Ultralibéralisme : La Bretagne pour laboratoire
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article759

    Table-ronde régionalisme : Langue et nationalisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article758

    Post-modernisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article760

    De Michéa à Mélenchon : Idéologues et militants du social-chauvinisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article761

    Réflexions sur l’antisémitisme DE gauche
    http://seenthis.net/messages/386974

    #journées_iconoclastes

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250

  • Autour de #Ethnorégionalisme & #Ultralibéralisme : La Bretagne pour laboratoire
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article759

    Autonomiste  ? Culturel  ? Indépen-dantiste  ? Gastronomique  ? Na-tionaliste ? Musical ? D’extrême-gauche ? De droite ? D’extrême-droite ? Du centre ? D’«  ailleurs  »  ?... Mais qu’est donc, où se situe ce fameux mouvement breton  ?

    Eh bien, il est à la fois tout cela. A la fois de «  gauche  » sans cesser d’être d’extrême-droite ; et tout autant autonomiste violent que régionaliste doux. C’est ce qui fait sa force (et son danger) : il dispose de toutes les cartes. Il les abat selon les circonstances. Mais, pour protoplasmique qu’il soit, le mouvement a un cerveau, et un seul : le patronat.

    L’ÉTERNEL RETOUR VERS L’AGE D’OR

    Commençons par la mythologie. Il fut un âge d’or pour la Bretagne. Celui de « nos bons maîtres ». Tout était alors comme Dieu l’avait créé. L’air était vivifiant, la race pure. Les nobles dirigeaient, c’était leur rôle. Les curés contrôlaient, c’était le leur. Et les paysans crevaient de faim. Mais ça ce n’est qu’un détail, comme dirait le plus célèbre des Bretons actuels. Survint alors un grand malheur (la Révolution française) suivi d’une invention satanique : l’école laïque. La masse paysanne commença à s’émanciper de la tutelle de l’Église, à comprendre que son ennemi c’était son maître… Tout était donc à recommencer.

    Passons maintenant à l’histoire. La Première guerre mondiale à peine achevée, un minuscule groupe, Brez Atao (Bretagne toujours), voit le jour. Son slogan ? « Nous ne sommes pas Français, nous sommes Celtes ». La race comme étendard, donc. Premier objectif de nos Celtes : purifier la langue, trop riche en mots venus du français. On l’expurge. Et comme il faut bien remplacer les mots excommuniés, on en importe du Pays de Galles. Une nouvelle langue bretonne naît, une nov-langue. Elle n’a jamais été parlée dans l’histoire. Et alors ? Elle est parfaitement incompréhensible aux locuteurs natifs. Et alors ? L’Éducation nationale, dans sa cécité psychique, le Conseil régional dans sa soumission aux puissants, toutes les institutions, la diffusent et la présentent comme « historique ».

    Pour un croyant, il n’y a pas de hasard dans la vie. Pour Brez Atao encore moins. Sa naissance a lieu dans les locaux de l’Action française, les royalistes. Et Brez trouve rapidement un généreux « parrain » : le nazisme, au pouvoir en Allemagne. Alors, quand les hordes de « parrain » déferlent en Bretagne, Brez Atao exulte. Un nouvel âge d’or se profile. Brez proclame immédiatement l’Etat breton à Pontivy. Sa joie est de courte durée. L’impensable (pour Brez) se produit : des dizaines de petites vieilles narguent l’occupant nazi et viennent jeter des pierres sur les indépendantistes. Mortification supplémentaire pour Brez : elles sont en costume breton (quotidiennement porté à l’époque)… Les nazis, pragmatiques, demandent à Brez de ranger l’Etat breton dans le placard des accessoires mais n’abandonnent pas pour autant leur « filleul ». Ils s’en « occupent », et même bien. Sur leur ordre, l’orthographe bretonne est sur-unifiée. Un art national « Celte » est créé : la cornemuse est importée d’Ecosse, les bagads (cliques paramilitaires) sont inventés… Le kit commercial nationaliste se met en place. Les réseaux catholiques, présents dans le moindre village, la presse aux ordres (toute autre est interdite) diffusent cette « bretonitude » qui débouche sur la création d’un groupe de S.S. bien breton, la Formation Pérote.

    A la Libération, les nervis de «  Pérote  » fuient en Irlande (grâce à de faux passeports que leur fournit le responsable des régionalistes doux, un nommé Fouéré). Mais les réseaux ne disparaissent pas. Ils changent leur fusil d’épaule  : foin d’État breton, place maintenant à la «  culture  »… et à quelques coups de main, pour garder la forme (comme la prise de la sous-préfecture de Morlaix, en 1961).

    Reste que la population prend toujours Brez pour des charlots. Pour ne pas dire plus. Le discours royaliste ou nazi ne passe pas  ? On le change. Il devient subitement de gauche. « Anti-colonialiste » même. L’argument est simple  : puisque l’Algérie a pris son indépendance (1962), pourquoi la Bretagne ne la prendrait-elle pas ? Je vous le demande.

    C’est la grande époque des soi-disant «  bardes  » (Glen More, Alan Stivel...) et surtout celle de la Bible bretonne (l’autre Bible restant bien sûr en vigueur). Elle s’intitule «  Comment peut-on être breton ? ». Son auteur, Morvan Lebesque, nazi de la première heure (fondateur du Parti National-socialiste Breton et collaborateur de «  Je suis partout ») est maintenant devenu un grand homme de gauche (rédacteur au Canard enchaîné)… en gardant ses idées d’extrême-droite. Simple question d’habile habillage.

    Mais, ce n’est pas parce que le discours devient « de gauche » que les copains de droite ne continuent pas de soutenir ! Dans les années 1980, Giscard, Barre... créent une sorte de « ministère de l’identité bretonne » : l’Institut culturel de Bretagne. L’ICB parle au nom des gens et, sans surprise, les nationalistes en ont le contrôle.

    Brez se revendiquait d’une race. Après la Deuxième guerre mondiale, « parrain » ayant quelque peu compromis ce mot, le mouvement breton ne parle plus que d’ethnie. Depuis quelques années, ce terme commençant à sentir le roussi, il est remplacé par celui, fort en vogue, d’identité. Les mots changent. Ils sont bien les seuls.

    Reste un gros problème pour les tenants de la chose : cette fameuse identité bretonne, qu’il s’agit de défendre contre vents et marées, sur quoi repose-t-elle ?

    Sur la langue ? Impossible : plus de la moitié de la Bretagne n’a jamais parlé breton. Elle parlait gallo, une langue romane (que les nouveaux-Bretons entendent éliminer totalement). Quant à la nov-langue bretonne pas même 0,5 % des moins de 20 ans la parlent (malgré les fortunes dépensées pour la leur enfoncer dans la tête).

    Sur le drapeau ? Ridicule : il est apocryphe, inventé de toutes pièces en 1923 par Maurice Marchal (auto-rebaptisé Morvan Marchal pour faire plus local), un des fondateurs de Brez !

    Sur la musique alors ? Mais, elle est largement métissée et ni cornemuse ni bagad ne sont bretons (pas plus que la harpe dite celtique, bricolée par le père d’un « barde » pour les besoins de la cause).

    Sur la base des danses folkloriques alors ? Que nenni, ce sont des danses de la cour de France arrivées progressivement en Bretagne et reprises par les paysans. Bref, quand on fait le tour de la question, comme le note avec désespoir un sociologue du mouvement breton, il ne reste qu’un trait indéniablement breton : un goût très net pour le beurre salé. Bien que riche en cholestérol, c’est pauvre pour définir une « identité ».

    UN LOBBY PATRONAL ULTRALIBERAL

    «  A peine avais-je annoncé le thème de cette conférence, que j’ai reçu des critiques de partout : les capitalistes bretons, commente F. Morvan, seraient libéraux et non ultra-libéraux. ».

    Notons ce début d’aveu du mouvement breton qui déclare lui-même que ses capitalistes sont libéraux. Exit le mythe d’un patronat social (parce que catholique). Quant à savoir s’il est ultra-libéral, voyons voir.

    L’histoire va nous servir sur cette question aussi de fil rouge.

    Un premier réseau affairiste breton profite de l’occupation nazie pour se constituer. Toilettage obligatoire à la Libération et création, quelques années plus tard, du Comité d’étude et de défense des intérêts bretons, le CEDIB, pour « transcender les intérêts particuliers ».

    «  Transcender les intérêts particuliers », c’est aussi ce que prétendait faire le Front national lorsqu’il lance sa fameuse campagne « Ni de gauche, ni de droite, Français » [1]. Son pendant armoricain, le slogan « Ni de gauche, ni de droite, Breton  » a exactement la même signification. Au temps de sa splendeur, le CEDIB est une véritable armée. Il regroupe tout ce qui « compte » : tous les parlementaires de la région, tous les conseils généraux, les maires d’environ 1200 communes (dont ceux de toutes les grandes villes), les chambres de commerce et d’industrie, celles des métiers, les universités, le mouvement « culturel » et « linguistique » breton, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et bien sûr, le patronat qui tire les ficelles et obtient, pour lui et ses affidés «  culturels » de multiples avantages. C’est ce qu’on appellera dans les années 60 le « miracle économique breton », miracle qui, certainement par un affreux concours de circonstances, ne profita essentiellement qu’au patronat local.

    Sautons quelques années et arrivons-en à la décennie 80, période pendant laquelle le CEDIB disparaît et laisse progressivement place à des structures patronales interconnectées : le « Club des trente », « Produit en Bretagne » et « l’Institut de Locarn ». Concentrons-nous sur ce dernier.

    L’Institut de Locarn, fondé par un nommé Joseph Le Bihan, qui fut consultant de la DGSE (services secrets de l’Etat français - tiens donc), est mêlé à la pan-Europe (elle-même fort liée au Conseil de l’Europe). La pan-Europe n’affiche que de nobles objectifs : lutter contre le « communisme », liquider l’héritage de la Révolution française, imposer une Europe chrétienne sur base ethnique.

    Et il y a du monde avec l’Institut, que du beau linge : François Pineau (Pineau-Printemps-Redoute,…), Jean-Pierre Le Roch (Inter-Marché), J-J Hénaff (les pâtés), Patrick Le Lay (TF1), des dizaines d’autres… facile : le patronat le plus puissant de France est breton. Ajoutons-y les responsables de services publics, de sociétés d’économie mixte (EDF, Port autonome de Nantes-St-Nazaire,…) et ceux de coopératives agricoles (Coopagri)… les nouveaux bons maîtres de la Bretagne sont là. Ils ne manquent pas de thuriféraires (Poivre d’Arvor, le groupe Le Point, la quasi-totalité de la presse régionale et de l’audio-visuel).

    Last but not least, venons en maintenant à l’idéologie de l’Institut de Locarn (et donc de ses membres). Elle est limpide. Elle se rattache au modèle économique dit de l’Ecole autrichienne, celui-là même que mit en application le général Pinochet pour saigner les classes populaires du Chili : droit de faire de l’argent par tous les moyens, déréglementation totale du travail, suppression des syndicats, exploitation portée à son comble…

    Peut-on faire plus ultra-libéral ? Non. Françoise Morvan peut-elle qualifier le patronat breton d’ultra-libéral à bon droit ? Oui.

    LES DEUX FONT LA PAIRE

    Ethnorégionalisme d’un côté, lobby patronal de l’autre  ? Pas du tout ! Les deux font la paire. L’affaire des «  bonnets rouges  » l’illustre parfaitement.

    Acte premier : La décision

    La décision, c’est le CCIB qui la prend. Le « Comité de convergence des intérêts bretons », une créature patronale de plus. Avec un lieu et une date de naissance hautement symboliques. Toujours pas de hasard. Ça se passe à Pontivy, là-même où l’Etat Breton a été proclamé, un 18 juin. Une sorte d’appel à la résistance donc. Le CCIB prend tout de suite une décision : ne pas payer l’écotaxe. Cette mesure avait été votée pratiquement à l’unanimité par le parlement français, y compris par les députés en lien avec le patronat breton [2]. Aucune importance. Comme il leur faut justifier tout de même un peu cette décision, les patrons bretons prétendent qu’ils sont plus excentrés que les autres. Ça se discute. Excentrés par rapport à quoi d’ailleurs ? Mais bon, on va pas chipoter. L’Etat, bon prince, ne chipote pas non plus et réduit d’emblé l’écotaxe de 50 % pour la Bretagne. Mais là n’était pas le problème. Ce n’était pas une question financière : les patrons bretons ne perdaient pas grand chose avec l’écotaxe. Elle n’aurait représenté qu’un pourcentage ridicule de leurs frais. Leur problème était politique. Ce qu’ils voulaient, c’était mener une bataille, et la gagner. Une bataille pour la déréglementation. Leur mot d’ordre «  Décider, vivre et travailler au pays » ne dit pas autre chose. « Vivre et travailler » importent peu. Ils y vivent et ils y travaillent déjà. Ce qui est capital, c’est « Décider » ! Décider qu’on va «  expérimenter » de nouvelles conditions d’exploitation des salariés, qu’on va faire sauter les lois sociales (enfin, ce qu’il en reste), qu’on va continuer à faire de la Bretagne un laboratoire de l’ultralibéralisme, décider qu’on ne va pas payer l’écotaxe... Pour l’écotaxe, c’est donc décidé par les patrons le 18 juin 2014, à Pontivy.

    Acte deux : Le grand spectacle

    Entre alors en scène la FDSEA, la diva des grands spectacles pyrotechniques. Elle est chargée de bouter le feu.

    Dès le 02 août, les agriculteurs-industriels de la FDSEA détruisent un premier portique. La gendarmerie, présente, ne bouge pas un arpion. Bon, c’est vrai, on n’est pas à Sivens, que diable. Les morceaux du portique (un bien public) seront ensuite vendus aux enchères (au bénéfice d’intérêts privés) lors de la manifestation de Carhaix, toujours sous les yeux bienveillants de la maréchaussée. Puis les portiques de l’écotaxe flamberont les uns après les autres. Toujours sans réaction policière.

    Montent alors sur scène d’autres comparses. Les membres de Produit en Bretagne ont décidé de sonner le tocsin. Enfin, de déclencher l’alarme incendie dans leurs super-marchés. On a les tocsins qu’on peut. Le tout est qu’ils soient entendus. Ils le sont  : le premier ministre leur propose un pacte d’avenir pour la Bretagne. Insuffisant Acte trois : Réunion de famille

    Troadec, maire « divers gauche  » (quoique antérieurement bien à droite) de Carhaix et leader autonomiste [3], lance lui aussi son appel, toujours à Pontivy, mais en octobre. Il décide que les « bretons révoltés » (c’est-à-dire les salariés virés par leurs patrons bretons) défileront derrière eux et reprendront leur mot d’ordre. On est une grande famille ou on ne l’est pas. Surgit alors, dans le rôle de la costumière, Armor Lux (un des premiers membres de l’Institut de Locarn). Armor distribue des milliers de bonnets rouges en acrylique. C’est pas une ruine : prix de revient 1,43 euros pièce, bien moins cher qu’un costume de scène en papier crépon donc. Et c’est bien suffisant pour de simples figurants. On proclame donc le bonnet identitaire (en détournant l’histoire) et de gauche – puisqu’il est rouge. Les Bretons de base ne savent pas d’où il sort, mais ils se le mettent sur la tête tout de même. Pas contrariants. Suit une distribution massive et tout aussi gratuite de drapeaux.

    Dernier acte : La contrition

    La contrition, c’est celle du gouvernement, Premier ministre en tête. Suppression de l’écotaxe. Suppres-sion des portiques. Et gros cadeau aux autonomistes : la « culture » est désormais dévolue à la Bretagne. Tout cela sur la base d’une escroquerie historique, car la révolte des «  bonnets rouges  », celle à laquelle Troadec fait référence, était une révolte contre les seigneurs locaux et pas du tout en leur faveur comme en 2014 ! L’histoire est récupérée pour manipuler la misère des gens (parce que, dans l’agroalimentaire c’est la misère noire pour ceux qui y travaillent) et la greffer sur un projet politique d’autonomie de la Bretagne.

    Dernier geste avant de quitter (pour cette fois) la scène : les bonnets rouges incendient des locaux de la Mutualité sociale agricole. Aaah, ce goût pour les autodafés…

    EN DEUX MOTS SEULEMENT
    Résumons : si l’indigente pensée unique règne un peu partout dans le monde, en Bretagne, elle atteint le comble de la misère intellectuelle puisqu’elle se réduit à deux mots «  Etre Breton ».

    Au slogan du lobby patronal, «  Soyons Bretons !  », lancé voici quelques temps devant Jean-Yves Le Drihan (président du Conseil régional) fait en effet écho la proclamation de Jean-Michel Le Boulanger (vice-président du Conseil régional en charge de la culture) : « Osons, osons, osons être Bretons » (telle est la laborieuse conclusion de son ouvrage «  Etre Breton ? » - il s’est pas beaucoup foulé pour le titre, ni pour la conclusion d’ailleurs).

    Ainsi donc, sur la base d’un ethnorégionalisme dans le fond assez niais, un patronat ultralibéral - déjà le plus puissant de France - a réussi à regrouper autour de lui les institutions, la «  gauche  » (ou supposée telle) et même une bonne partie de la classe ouvrière et de la population. Il est vrai que ces dernières sont soumises à un bombardement médiatique incessant. Toutes les télés bretonnes sont payées par Produit en Bretagne, les chaînes de radio sont financées elles aussi par le patronat, les journaux tout autant… Télés, radios journaux ne font jour après jour que de la propagande pour le lobby patronal. Tout autre propos est censuré.

    Ce bourrage de crâne incessant, cette croisade identitaire qui fait perdre tout bon sens aux travailleurs a un grand objectif : déréguler totalement l’économie en imposant les concepts dits de l’école autrichienne (ceux appliqués par Pinochet) dans un cadre géographique totalement contrôlé par le patronat.

    [1] La campagne « Ni de gauche, ni de droite, Français », du Front national, est ainsi commentée par une section de l’Action française : « C’est tout le programme du royalisme français depuis sa fondation » afe92nord.over-blog.com/article-fnj-ni-droite-ni-gauche-69206507.html

    [2] L’Allemagne imposant une taxe aux camions, un grand nombre de routiers passent désormais par l’Alsace qui se trouve donc saturée. La mise en place de l’écotaxe avait pour but de rééquilibrer cette situation (et de faire rentrer de l’argent).

    [3] Voir l’édifiante biographie de Troadec sur http://le-grib.com/politique/bonnets-rouges-et-chapeaux-ronds/christian-troadec

    #journées_iconoclastes

    @anarchosyndicalisme ! n°°145
    http://seenthis.net/messages/387250

  • Ethnorégionalisme et ultralibéralisme | #Françoise_Morvan
    http://francoisemorvan.com/ethnoregionalisme-et-ultraliberalisme

    « #Ethnorégionalisme et #ultralibéralisme : la Bretagne pour laboratoire », tel était le sujet de la conférence qui m’était demandée. Elle a été suivie d’un débat avec la salle, puis, le lendemain, d’un débat avec d’autres invités, dont #Éric_Fraj, professeur et chanteur de langue d’oc, au cours des « #journées_iconoclastes » organisées par la CNT à #Toulouse. Le débat était très intéressant et il est intéressant de noter que le débat impossible en Bretagne peut avoir lieu en des endroits où se rencontrent des situations à divers égards assez semblables.

    • #langues_sans_frontières

      « Quel bénéfice de récupération sociale peut-on espérer du fait d’enseigner une langue artificielle en vase clos ? Et qu’est-ce qui est finalement visé : l’instauration d’un idiome propre à quelques happy few (fussent-ils quelques milliers), l’établissement arbitraire d’une novlangue de l’entre-soi occitaniste, ou la revivification d’une langue historique et populaire, mal en point, certes, mais encore réellement existante ? »

      En Bretagne, la question ne se pose plus : sous la direction de Lena Louarn et de l’Office de la langue bretonne, le ministère de la novlangue impose sa loi. Et les militants de s’en féliciter. L’un d’eux me disait qu’on parlerait enfin un bon breton quand le dernier paysan bretonnant aurait disparu.

      Quelle horreur. #élitisme #hors-sol

      « Mes pérégrinations de chanteur et de professeur de langue d’oc m’ont mené en mains lieux d’enseignement de notre langue : j’ai souvent pu y constater que je ne comprenais rien, ou peu, aux questions de certains élèves tellement la prononciation était défaillante ; que l’enseignant ne reprenait pas les erreurs pour les rectifier ; que le professeur lui-même — pourtant titulaire d’un CAPES d’occitan — ne maîtrisait pas vraiment la langue, au point de faire des fautes d’accord grossières, basiques… »
      En Bretagne, on forme en six mois des instituteurs pour enseigner le breton surunifié, prononcé avec l’accent français, à la mode de Roparz Hemon.

      http://seenthis.net/messages/194392

      Or, voilà qu’en juin 2013, le lobby patronal breton fédéré par l’Institut de Locarn décide de ne pas payer l’écotaxe : destructions de portiques écotaxe, manifestations organisées par le lobby autonomiste en jonction avec le lobby patronal et transformées en manifestations identitaires avec bonnets rouges en acrylique et drapeaux noirs et blancs… Conclusion de cette pseudo-révolte des Bonnets rouges http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/070314/les-bonnets-rouges-une-double-manipulation : le Premier ministre accourt et promet un Pacte d’avenir pour la Bretagne, étrange prime à l’incivisme clôturant des actions qui, au total, auront coûté un milliard d’euros à l’État http://www.sudouest.fr/2015/02/20/transports-l-abandon-de-l-ecotaxe-coutera-pres-d-un-milliard-d-euros-a-l-et

      http://seenthis.net/messages/210649

  • La #CNT-AIT de #Toulouse – L’Atelier idéal
    #Anarchosyndicalisme !
    vous invitent aux

    « PREMIERES JOURNEES ICONOCLASTES »
    29 - 30 – 31 mai 2015
    Dans les locaux de « La Chapelle »,
    36 rue DANIELLE CASANOVA - TOULOUSE
    (Métro : Compans ou Canal du Midi)


    VENDREDI 29 MAI

    18 h : Accueil – apéro
    20 h 15 : Conférence de #Françoise_MORVAN :
    « #Ethnorégionalisme et #ultralibéralisme : la Bretagne pour laboratoire »

    Une langue qui meurt, c’est une part du patrimoine de l’humanité qui disparaît : au nom de cette évidence, on s’emploie à sauver le breton, qui n’est plus guère parlé que par moins de 1 % des jeunes en Bretagne. Juste cause, mobilisant des militants dévoués ?
    Oui, jusqu’au moment où l’on prend conscience des enjeux réels du combat régionaliste.
    Après un étrange périple au sein des milieux régionalistes bretons, Françoise Morvan, originaire du centre de la Bretagne, a conduit une réflexion sur l’instrumentalisation qui est faite de la langue et de la culture bretonnes à des fins politiques et commerciales.
    Si elle a mené une enquête à la fois historique et sociologique en Bretagne, celle-ci ne concerne pas seulement cette région mais bien toute l’ « Europe des ethnies » qui trouve à présent l’appui des tenants de l’ultralibéralisme.

    Questions – Réponses. Entrée libre.

    SAMEDI 30 MAI

    11 h à 13 h : Petit déjeuner et Table ronde autour des régionalismes
    (A la suite de la conférence de la veille de F. Morvan). Débat avec la salle - Entrée libre.

    16 h 00 : Conférence d’#Yves_COLEMAN :
    « L’#antisémitisme de gauche »

    La plupart des militants et des intellectuels de gauche ou d’extrême gauche considèrent que l’antisémitisme tout court serait un fléau en voie de quasi disparition, alors pourquoi diable s’intéresser à « l’antisémitisme de gauche »… ? Pourtant cet antisémitisme existe depuis près de deux siècles et a pris différentes formes dont il faut à la fois retracer l’histoire au sein du mouvement ouvrier, mais aussi souligner les continuités et les discontinuités jusqu’à l’antisémitisme mondialisé actuel, qui, dans la grande communion du cyberespace, fédère toutes les formes d’antisémitisme, du vieil antijudaïsme religieux chrétien et musulman à l’antisémitisme racial, nationaliste, anti-capitaliste ou anti-impérialiste, permettant à des groupes et des individus très différents politiquement de communier dans la même haine (assumée ou pas) : celle du Juif… Sans une telle vision d’ensemble de l’antisémitisme de gauche, il est impossible de comprendre la portée de l’assassinat d’Ilan Halimi (réduit à un simple fait divers par la gauche et l’extrême gauche en 2006), des meurtres commis par Merah, Nemmouche ou Coulibaly, mais aussi les alliances – a priori contre nature – entre l’extrême droite pro-islamiste, le politicien raciste Dieudonné et l’extrême gauche qui se prétend antisioniste.

    Débat avec la salle. Entrée libre.

    20 h 15 : Conférence de #Jordi_VIDAL :
    « #Postmodernisme : la stratégie, ou l’extinction des Lumières »

    « L’une des victoires du postmodernisme est d’être considéré (...) comme un mouvement profondément de gauche. (...). Il s’y entend comme personne pour soutenir toutes les postures et ne jamais défendre un seul combat qui évoquerait, même de loin, l’existence d’une lutte des classes. « L’indigène de la République » se substitue à l’exploité, les "queers" font l’impasse sur les luttes féministes et l’hétérosexualité devient un impérialisme à combattre. On conteste la domination de l’homme blanc abstrait, jamais celle de la marchandise concrète ».
    Ce bref extrait, tiré de l’un de ses ouvrages (1), donne à lui seul un aperçu de la réflexion de Jordi Vidal sur les dérives qui sclérosent l’esprit critique, le renvoyant à un simulacre de pensée et à de nombreux sophismes.
    Il dénonce, également, un monde où le « relativisme culturel » , fait « l’apologie de la différence pour la différence » . En bref, il dénonce les attaques contre le rationalisme des « Lumières » aux fins de perpétuer la servitude de l’Homme par l’Homme.
    (1) Servitude et simulacre (edts allia) Jordi Vidal.

    Débat avec la salle. Entrée libre.

    DIMANCHE 31 MAI

    11 h à 13 h : Atelier militant - sur inscription préalable auprès des organisateurs :
    « Analyse de trente ans de scissions dans les milieux libertaires » .

    13 h - 15 h : Pique-nique

    15 h 00 : Conférence d’#Yves_COLEMAN
    « Idéologues et militants du #social-chauvinisme »

    Le « social-chauvinisme » est une vieille expression polémique utilisée durant la Première Guerre mondiale par les socialistes marxistes internationalistes (Lénine, Luxembourg, etc.) pour dénoncer les sociaux-démocrates qui soutenaient leurs bourgeoisies nationales respectives en usant d’une phraséologie pseudo-radicale… Aujourd’hui on retrouve le même type d’arguments sociaux-patriotes chez des intellectuels (Todd, Lordon, Michéa, Ariès, les équipes du Monde diplomatique et de Politis, à gauche mais aussi à droite chez Taguieff, Finkielkraut, etc) et des organisations (ATTAC, PCF, Parti de Gauche, etc.) : cette mouvance critique « l’oligarchie » (vieux concept d’extrême droite), la dictature de la finance et la Bourse (idem) ; ils prônent un capitalisme industriel, productif, national et un Etat fort menant une politique keynésienne d’indépendance nationale, sans oublier, bien sûr, la défense des PME. Pour ce faire, ils s’affublent d’un masque critique, anticapitaliste ou altermondialiste, toujours chauvin. Démystifier ces discours et ces organisations est essentiel dans une période où la compétition économique entre les Etats européens ne fait qu’attiser les régionalismes, les nationalismes, et la xénophobie sous toutes ses formes.

    Débat avec la salle. Entrée libre.

    Consultez les sites : http://atelierideal.lautre.net et http://cntaittoulouse.lautre.net

    #journées_iconoclastes