• Sur l’#Europe_forteresse, quelques #critiques...

    Extrait d’un entretien avec #Sandro_Mezzadra :

    Vous réfutez la vision d’une Europe forteresse. Réfutez-vous aussi le durcissement des politiques migratoires mises en œuvre par les États membres de l’UE ?

    Je critique la vision unilatérale des frontières les réduisant à leur fonction de mur. Les #frontières excluent, séparent, c’est un fait. Mais elles ne sont pas que cela. Je ne cherche pas à nier la #violence qui s’exerce aux frontières, la manière dont des vies sont exploitées, enlevées. Mais il me semble qu’il faut changer de point de vue afin de retrouver un angle d’attaque plus efficace. Le concept d’Europe forteresse a été inventé dans les années 1990 pour dénoncer les politiques migratoires européennes. La référence de cette métaphore est militaire, puisque l’Europe forteresse désignait les fortifications nazies bordant les rivages de l’Atlantique. Cette image n’est pas inutile. Mais, au cours des dernières années, elle a été récupérée par les institutions européennes elles-mêmes, notamment par Frontex. À trop l’utiliser, on risque de faire le jeu des politiques qu’elle est censée combattre.
    Pour répondre à votre question, il n’existe pas de politique européenne migratoire commune. Mais il existe un cadre global, à travers la mise en place de règles minimales, l’identification de supposées “bonnes pratiques”, le déroulement de négociations informelles ou encore l’établissement de relations bilatérales. Ce cadre global tend à instaurer une politique de sélection inclusive. Le but des politiques migratoires européennes n’est pas de barrer la route aux migrants. Ça, c’est le spectacle. Des centaines de milliers de personnes entrent et s’installent légalement – mais aussi illégalement – chaque année dans l’Union européenne. Les États membres ne s’en plaignent pas. Au contraire, ils en ont besoin, pour des raisons économiques et démographiques identifiées depuis longtemps par Bruxelles. L’Europe vieillit, l’Europe a besoin de main-d’œuvre. Les systèmes de migrations saisonnières, de migrations circulaires, les systèmes à point sont appréciés. Ces dispositifs sélectifs sont compatibles avec la flexibilité exigée par les économies de marché.
    Les dirigeants et experts européens débattent du “management de l’immigration” et de “just-in-time” ou “to-the-point migrations”. Ils ont cru, un temps, comme en Italie, que les quotas étaient une solution adéquate. Or ceux-ci se sont avérés particulièrement rigides, donc inadaptés aux besoins des entreprises. Ce management a à voir avec une gestion entrepreneuriale. L’objectif est de diversifier les compétences des migrants. La figure du migrant peu qualifié, recruté comme OS dans l’industrie automobile, est dépassée en tant que point de référence normatif pour les politiques et expériences migratoires. La figure du migrant est multiple. Les statuts, les expériences des migrants sont plurielles. De même que la figure du citoyen et du travailleur s’est fragmentée, celle du migrant a explosé.

    https://editionsasymetrie.org/frontieres/2019/05/21/interview-mezzadra

    #Forteresse_Europe #Mezzadra #critique #migrations #réfugiés #récupération #vocabulaire #terminologie #mots

    –-----------

    « La “forteresse”, une image dramatiquement fausse. Un article de @isskein

    Tous ces aspects vont à l’encontre du syntagme figé de “forteresse Europe”, dont le succès est grand dans les mouvements altermondialistes. Parfois utile pour mobiliser, il est calamiteux pour l’analyse et l’action. D’abord parce qu’il focalise sur la répression : si l’Europe mène une guerre aux migrants, dont les morts se comptent par milliers, du détroit de Gibraltar aux côtes maltaises et siciliennes, du tunnel sous la Manche à la frontière gréco-turque, on oublie trop souvent que la politique européenne est aussi fondée sur l’utilitarisme : “Nous avons besoin des immigrés, mais ils devront être choisis, contrôlés et placés” déclare Romano Prodi (11 sept 2000, dépêche Ansa). On oublie surtout que la fermeture et le contrôle des frontières sont mis en échec chaque jour : selon Europol chaque année près de 500.000 personnes réussissent à franchir “illégalement” les frontières de l’UE.
    Cette vision victimaire, paternaliste, strictement humanitaire, fait des migrants les victimes d’inévitables catastrophes dues à la globalisation néolibérale, des corps soumis voués à l’invisibilité, à l’errance et à l’attente, alors que, comme le font remarquer Étienne Balibar et Edward Saïd, ils ne sont ni “une masse fluctuante indifférenciée”, ni “d’innombrables troupeaux d’innocents relevant d’une aide internationale d’urgence”.
    Appliquée aux camps, l’image de la forteresse est tout aussi dramatiquement fausse. Ceux que l’on y enferme ne sont pas, comme le voudraient les différents corps policiers, administratifs et humanitaires qui les gèrent, des catégories (“clandestins”, “irréguliers”), mais des femmes et des hommes.
    Il y a une autonomie des migrations, qui les rend irréductibles aux lois internationales de l’offre et de la demande (le « push-pull » des théories classiques), car c’est un mouvement social autonome. Et les migrants sont des sujets, des femmes et des hommes qui, en exerçant quotidiennement leur droit de fuite et de fugue, mettent en question les frontières et la citoyenneté européenne.
    Il ne s’agit pas là de céder au romantisme de l’exil et du nomadisme, ou de considérer que la migration est en elle-même porteuse d’émancipation, mais de placer au premier plan la résistance et la dignité de sujets. »

    https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-5-page-61.htm

    ping @isskein @karine4

  • Emigration clandestine, une forme de résistance
    https://nawaat.org/portail/2017/10/19/emigration-clandestine-une-forme-de-resistance

    La semaine dernière (ndlr : octobre 2017), j’ai parlé de cette affaire qui nous a tous révoltée : la mort et la disparition de plusieurs dizaines de jeunes qui avaient tenté de quitter le pays à bord d’une frêle embarcation. Ils seraient peut-être aujourd’hui heureux d’être ailleurs, triomphants mais inquiets, certes confrontés à de nouvelles incertitudes mais bien aises d’avoir réussi leur évasion si leur petit rafiot délabré n’avait étrangement été percuté par un navire militaire chargé de la surveillance des frontières maritimes.

    « Un oiseau fut abattu d’un coup de fusil. Il venait de franchir la frontière »
    Gonçalo M.Tavares, « Monsieur Brecht »

    Le drame a suscité de nombreux commentaires qui m’incitent à en dire encore un mot. Il est courant quand on évoque l’émigration clandestine de rappeler les conditions sociales, politiques, culturelles qui disposent tant de jeunes tunisiens à affronter une fois, deux fois, dix fois, l’aventure périlleuse de la « 7ar9a ». Le mot qui revient le plus souvent pour expliquer leur motivation est le « désespoir ». Je ne discuterai pas de la pertinence de ce type d’analyses, tout à fait opportunes pour pointer du doigt la responsabilité de nos gouvernants et sans doute pour une part justifiées. Elles tiennent plus cependant du genre de décryptages auxquels s’adonne (parfois utilement) la sociologie, voire la psychologie, que de l’analyse politique proprement dite, c’est-à-dire de l’analyse qui est au cœur du combat. Mais ce que je leur reprocherai surtout, c’est qu’en se concentrant sur les raisons qui s’imposent aux volontaires pour la « 7ar9a », en faisant de leur vouloir la simple expression du désespoir, on les ampute de leur dignité. Ces jeunes, prêts à traverser la Méditerranée sur de vieux Zodiacs de croisière complètement pourris, seraient finalement des êtres passifs, victimes du pouvoir, victimes des « passeurs », victimes de leur propre désespoir.

    J’affirme pour ma part qu’ils sont aussi des résistants. Leur fuite hors du pays est un acte de résistance. Oui, elle est aussi cela. Une fuite individuelle, un acte de résistance collective qui mobilise souvent aussi leurs proches, leurs réseaux de connaissance et des gens pour qui la solidarité n’est pas un vain mot. Fuir dans son sens habituel, c’est refuser l’affrontement. La fuite a généralement une connotation péjorative ; elle est souvent assimilée à un acte de lâcheté, d’évitement du danger. Fuir n’est pas considéré comme une action vers l’avant mais seulement vers l’arrière. Rien de volontaire, de positif, d’offensif, de digne, ne serait contenu dans la fuite et ne pourrait en sortir. C’est ce qu’on pense d’ordinaire. Et l’on a tort.

    Dans ma précédente chronique, j’ai employé un terme qui ne nous est pas très familier en Tunisie. J’ai parlé de marronnage. J’ai dit que ce type d’émigration irrégulière s’apparente au marronnage. Qu’est-ce donc que le marronnage ? Le marronnage est un terme utilisé en Amérique et dans les anciennes colonies européennes esclavagistes pour désigner la fuite des esclaves africains pour un avenir dont la liberté n’était qu’une mince hypothèse. Au risque d’une mort affreuse ou d’être capturés et de subir d’abominables supplices, nombreux, très nombreux mêmes, ont été les esclaves qui ont tenté malgré tout d’échapper, par la fuite, à la servitude, à la cruauté des maîtres et à la déshumanisation (avant d’être employé pour désigner les esclaves en fuite, le mot marronnage faisait d’ailleurs référence aux animaux domestiques retournés à l’état sauvage !). Révoltes, insurrections et marronnages ont usé, éreinté, érodé le système esclavagiste de type américain pour finir par l’anéantir. Voilà à très grands traits ce qu’a été le marronnage : une fuite de résistance.

    Le marronnage de nos jeunes compatriotes est également un acte de dissidence par rapport à la politique des classes qui les oppriment et les rejettent. Leur résolution opiniâtre à partir coûte que coûte, à brûler les frontières, toutes les frontières, à transgresser les lois, les nôtres et celles de l’Union européenne, leur ténacité face aux risques de tomber entre les mains de la police, de mourir peut-être, sont l’expression manifeste d’un choix de résistance contre le destin qui leur est imposé par les classes dominantes qu’on pourrait appeler aussi les classes méprisantes tant elles n’ont que mépris pour le peuple. Ces jeunes gens combattent la vie mortifère à laquelle on les a condamnés. Ils refusent de se laisser faire. Ils ne sont pas désespérés, ils maudissent l’espoir et le désespoir, ils agissent au-delà de l’espoir et du désespoir.

    Je ne dis pas que l’émigration clandestine est un modèle de résistance. Je dis que, tout comme le marronnage, avec ses contradictions et ses ambivalences, elle en est une forme. A mon avis, les mouvements de lutte et de solidarité sociale devraient l’aborder, intellectuellement et pratiquement, de ce point de vue et non de manière compassionnelle ou comme s’il s’agissait d’une pathologie du corps « national ».

    Pas plus que je ne saurais encourager ces jeunes qui veulent quitter le pays à prendre le risque de la « 7ar9a », je ne voudrais les en dissuader. Personne n’a le droit de leur dire ce qu’ils ont à faire. Si j’étais un parti politique fidèle à la révolution, une association de solidarité ou même une organisation humanitaire, je respecterais leur volonté de départ. Je ne me contenterais pas de condamner la politique sociale du gouvernement et les accords sécuritaires avec l’Union raciste européenne. Je ne me contenterais pas de dénoncer le cynisme criminel des « passeurs » sans offrir à ceux qui veulent partir d’autres moyens, plus sûrs, de traverser la Méditerranée. J’agirais évidemment pour protéger leur fuite.

    Nous aimons beaucoup, souvent à tort et à travers, parler de valeurs ou de principes universels. Eh bien, pour le coup, voici un vrai principe universel : lorsqu’un prisonnier enfermé par injustice creuse un tunnel pour s’évader, la solidarité consiste à lui fournir une pelle et une pioche.

    Article paru 19 octobre 2017 sur le blog Nawaat, signé Sadri Khiari.
    Nawaat est une plateforme collective indépendante fondée en avril 2004 et bloquée en Tunisie jusqu’au 13 janvier 2011.

    https://nawaat.org/portail/2017/10/19/emigration-clandestine-une-forme-de-resistance
    https://renverse.co/Emigration-clandestine-une-forme-de-resistance-1589

    #Europe_forteresse #migrants #marronnage #libre_circulation #évasion

  • L’#Europe_forteresse : le travail de #mémoire des photojournalistes

    L’Europe fait face depuis plusieurs semaines à un afflux permanent de migrants, sans précédent depuis la Seconde Guerre Mondiale. Plus de 430 000 ont traversé la Méditerranée selon l’OIM, l’Office international des migrations. Une Europe qui commence lentement à les accueillir, mais qui érige aussi des murs et des clôtures. Le 27e festival Visa pour l’image à Perpignan a présenté les travaux de plusieurs photojournalistes qui suivent depuis des années ces migrations. Véronique Gaymard a rencontré #Giulio_Piscitelli. Son objectif : témoigner et faire un devoir de mémoire.

    http://www.rfi.fr/emission/20150912-europe-forteresse-le-travail-memoire-photojournalistes
    #photojournalisme #photographie #réfugiés #asile #migrations
    cc @albertocampiphoto

  • « Une organisation criminelle qui envoie des innocents à la mort »
    https://paris-luttes.info/une-organisation-criminelle-qui-3125

    Armés d’un sac à vomi, on a écouté l’interview de Fabrice Leggeri sur France Inter. Alors que l’agence Frontex, dont il est le directeur exécutif, est responsable de milliers de morts aux frontières de l’Europe, une manifestation aura lieu vendredi 24 avril. Elle partira à 15 h de la place de la République.

    #frontex #migrants #europe_forteresse #méditerranée

  • https://bouamamas.wordpress.com/2015/03/22/le-mur-meurtrier-de-la-mediterranee-lassassinat-institutionnel-

    Si les causes évoquées ci-dessus suffisent pour comprendre la hausse de la pression migratoire, elles ne suffisent pas à expliquer l’augmentation du nombre de décès au cours de la migration. Pour cela il faut orienter le regard vers les réponses de l’Union Européenne à cette pression migratoire. Ces réponses se concrétisent depuis 2005 par l’action de l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (FRONTEX). Le statut d’agence offre une autonomie importante qui a été encore renforcée le 10 octobre 2011 en l’autorisant à posséder désormais son propre matériel militaire. Les moyens financiers mis à disposition de FRONTEX sont en augmentation constante : 19 millions d’euros en 2006 et 88 millions d’euros en 2011(6).
    Concrètement l’agence organise des patrouilles militaires afin de refouler les #migrants vers des pays voisins d’une part et signe des accords avec des États tiers pour qu’ils fassent barrage en amont sur les candidats à la migration d’autre part. Pour mener à bien sa première mission, l’agence dispose de moyens militaires en constante augmentation mis à disposition par les États membres ou en possession propre : plus d’une quarantaine d’hélicoptères et d’avions, d’une centaine de bateaux et environ 400 unités d’équipement tels que des radars, des sondes, des caméras, etc(7). Nous sommes bien en présence d’une logique de guerre contre les migrants. De tels moyens militaires permettent à l’agence d’assurer en particulier des patrouilles fréquentes dans les eaux territoriales des États membres mais également dans les eaux internationales. La Ligue belge des droits de l’homme décrit à juste titre l’agence comme une « véritable armée au service de la politique migratoire d’une #Europe_forteresse, menant à armes inégales une guerre aux migrants qui n’ont rien de soldats(8) ». Cette logique de guerre conduit les candidats à la migration à des prises de risques de plus en plus importantes pour échapper à la surveillance des patrouilles de FRONTEX. La hausse du nombre de décès n’est pas le fait d’une catastrophe imprévisible mais le résultat de décisions prises en toute conscience des conséquences meurtrières.
    La seconde mission de #FRONTEX consistant en la signature d’accords avec les pays africains riverains de la méditerranée n’est rien d’autre qu’une externalisation du « sale boulot » pour reprendre une expression de la juriste #Claire_Rodier . Les conséquences de cette externalisation sont logiques :
    « Cette externalisation qui consiste, pour les Etats européens, à sous-traiter la gestion de l’immigration irrégulière aux pays limitrophes (Maghreb, Europe de l’Est) a plusieurs avantages : d’une part, elle opère un transfert du « sale boulot » (déportations de masse, détentions arbitraires, tortures) dans des pays dont les standards sont moins élevés qu’en Europe, en permettant de s’affranchir des obligations que les lois européennes imposent en matière de respect des droits de l’homme ; d’autre part, elle participe du rapport de dépendance que l’UE entretient avec son voisinage proche. Car, aux pays concernés, on promet, en échange de leur collaboration, le financement d’actions de coopération ou des contreparties de nature politique ou diplomatique(10). »

    Ayant occulté les causes structurelles de la hausse de la pression migratoire et les causes de sa traduction en décès dans la #méditerranée, il ne reste au discours médiatiques qu’à ne se centrer que sur les passeurs. Ceux-ci seraient les seuls responsables de la situation et la lutte contre les réseaux de passeurs est présentée comme la solution. Le centrage des discours politiques et médiatiques sur les seuls passeurs contribue une nouvelle fois à occulter les véritables raisons des drames réguliers de la méditerranée.
    Nous n’avons, bien entendu, aucune sympathie pour ces passeurs. Nous devons néanmoins rappeler que tant qu’il y a une demande de migrants, il y aura une offre de passages clandestins. C’est le propre des politiques qui ne veulent pas s’attaquer aux causes d’un problème social que de n’aborder que l’offre et d’occulter la demande.

    #colonialisme
    #Saïd Bouamama

  • Europe’s Deadly Borders: An Inside Look at EU’s Shameful Immigration Policy

    Along the frontiers between Spain and Morocco, Greece and Turkey and Hungary and Serbia, the EU is deploying brutal methods to keep out undesired refugees. Many risk everything for a future in Europe and their odysseys too often end in death.


    http://www.spiegel.de/international/europe/europe-tightens-borders-and-fails-to-protect-people-a-989502.html

    #migration #politique_migratoire #Europe_forteresse #UE #asile #réfugiés #frontière

  • L’Europe s’enferme dans sa forteresse
    http://fr.myeurop.info/2014/07/10/l-europe-s-enferme-dans-sa-forteresse-14148

    Antoine Vergely

    Amnesty International critique la #Politique migratoire de l’Union européenne. De plus en plus refermée sur elle même, la forteresse #Europe se construit parfois au mépris des droits des migrants et des réfugiés.

    Un drame humain se joue aux #frontières de l’Europe. Des dizaines de milliers de migrants tentent chaque année de rentrer sur le sol européen. lire la suite

    #INFO #Bulgarie #Grèce #droits_de_l'homme #Europe #Europe_forteresse #Frontex #immigration #Immigration_clandestine #Murs